N° 1443 - Proposition de loi de M. Lionnel Luca visant à établir une journée nationale du souvenir des Français morts en Indochine




 

N° 1443

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 février 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à établir une journée nationale du souvenir
des
Français morts en Indochine,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Lionnel LUCA, Jean-Claude ABRIOUX, René ANDRÉ, Mme Martine AURILLAC, MM. Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Marc BERNIER, Jean-Michel BERTRAND, Claude BIRRAUX, Etienne BLANC, Loïc BOUVARD, Michel BOUVARD, Ghislain BRAY, Mme Maryvonne BRIOT, MM. Yves BUR, François CALVET, Bernard CARAYON, Pierre CARDO, Richard CAZENAVE, Jean-Yves CHAMARD, Roland CHASSAIN, Philippe COCHET, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, Edouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Olivier DASSAULT, Christian DECOCQ, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Patrick DELNATTE, Eric DIARD, Dominique DORD, Philippe DUBOURG, Christian ESTROSI, Jean-Michel FERRAND, Alain FERRY, Daniel FIDELIN, Jean-Claude FLORY, Jean-Michel FOURGOUS, Mme Cécile GALLEZ, MM. Daniel GARD, Jean-Paul GARRAUD, Claude GATIGNOL, Franck GILARD, Bruno GILLES, Georges GINESTA, Maurice GIRO, Claude GOASGUEN, Jacques GODFRAIN, Jean-Pierre GRAND, François GROSDIDIER, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Christophe GUILLOTEAU, Gérard HAMEL, Emmanuel HAMELIN, Laurent HÉNART, Jean-Yves HUGON, Christian JEANJEAN, Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Edouard LANDRAIN, Marc LE FUR, Pierre LELLOUCHE, Claude LETEURTRE, Edouard LEVEAU, Thierry MARIANI, Franck MARLIN, Alain MARSAUD, Philippe Armand MARTIN, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Christian MÉNARD, Damien MESLOT, Pierre MICAUX, Mme Marie-Anne MONTCHAMP, MM. Etienne MOURRUT, Jacques MYARD, Jean-Marc NUDANT, Pierre-André PÉRISSOL, Bernard PERRUT, Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Daniel PRÉVOST, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Jean-François RÉGÈRE, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Mme Juliana RIMANE, M. Jérôme RIVIÈRE, Mme Marie-Josée ROIG, MM. Serge ROQUES, Jean-Marc ROUBAUD, Frédéric DE SAINT-SERNIN, Bernard SCHREINER, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Dominique TIAN, Alain VENOT, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Michel ZUMKELLER

Additions de signatures :
Mme Bérengère Poletti, MM. Léonce Deprez, Bernard Brochand et Christian Kert
MM. Jean-Yves Cousin et François Rochebloine
M. Alain Suguenot
M. Bernard Depierre

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En juin 1940, l'effondrement de la France bouleverse l'équilibre des forces stationnées en Extrême-Orient. C'est ainsi que l'Indochine, française depuis le 9 juin 1885, se retrouve seule alors que le danger japonais se révèle dans toute son ampleur. Le gouvernement de Vichy n'a ni les moyens militaires, ni les moyens politiques de résister, et doit, en 1941, accorder au Japon des facilités pour l'utilisation d'aérodromes, le stationnement de troupes et l'obtention de riz et de matières premières. En échange, celui-ci reconnaît la souveraineté française sur l'Indochine et s'engage à respecter son intégrité territoriale. En dépit de cet accord, les années 1940-1945 sont marquées par des affrontements franco-japonais et franco-siamois dans lesquels de nombreux combattants français périrent.

Après la reprise de Manille, le 5 février 1945, un coup de force japonais se produit dans la nuit du 9 au 10 mars 1945. Les Japonais exécutent, après la reddition, 460 prisonniers dont le Général Lemonnier et le Colonel Robert, au mépris du respect des conventions de guerre dont le premier traité, sur la « protection des victimes militaires de la guerre » a été signé en 1864 à Genève.

Après la capitulation japonaise, le 14 août 1945, le Général Leclerc et le Corps Expéditionnaire français reprennent peu à peu le contrôle des deltas, la Cochinchine d'abord, puis le Tonkin. De mars à décembre 1945, le gouvernement Viêt-minh d'Hô Chi Minh, les représentants de la France, ainsi que les forces militaires françaises et Viêt-minh cohabitent.

L'histoire aurait pu prendre les chemins d'une évolution pacifique, mais les négociations échouent. La rupture est définitive lors de l'attaque des garnisons françaises de Hanoi, Saigon, Huê et Lang Son dans la nuit du 19 au 20 décembre 1946, qui marque le début officiel de la Guerre d'Indochine. Les pertes françaises s'élèvent alors à 3 500 militaires et civils pour la seule année 1946.

En septembre 1950, le désastre de la Route Coloniale n° 4 qui a conduit à l'évacuation de Cao Bang est la première défaite grave de la campagne d'Indochine. Fort de son succès sur la R.C. 4, le Viêt-minh estime pouvoir frapper un grand coup. A la mi-janvier 1951 il décide d'engager tout son corps de bataille en vue de conquérir Hanoi pour la fête du Têt, le nouvel an vietnamien.

Le Général de Lattre de Tassigny prend alors personnellement le commandement des opérations. Le 17 janvier 1951 les Français restent maîtres du champ de bataille. En juin 1951 la situation est rétablie.

En octobre de la même année, le Général Viêt-minh, Giap, lance une offensive contre le pays Thaï. Pour couper les communications du Viêt-minh entre ses zones refuge et le pays Thaï, le Général Salan, de retour, ordonne l'opération « Lorraine », la dernière offensive en profondeur hors du delta. Elle est marquée par la sanglante embuscade de Chan Muong. En mai 1953, le Général Salan cède la place au Général Navarre. Au moment où celui-ci prend son commandement, les moyens du corps expéditionnaire ne lui permettent pas d'assurer simultanément, pendant l'hiver 1953-1954, la défense du delta et celle du Nord Laos.

Le 27 juillet 1953 l'armistice est signé en Corée, et la Chine peut apporter tout son soutien au Viêt-minh. L'obligation de défendre le Laos conduit le Général Navarre à s'installer dans la cuvette de Diên Biên Phu.

Tandis que l'on attend l'attaque du Viêt-minh à Diên Biên Phu, un événement d'une extrême importance va changer les perspectives de la situation. Le 18 février 1954 les Quatre Grands décident de réunir, à Genève, fin avril, une conférence Est-Ouest où sera étudié le problème de la paix en Indochine. Début mars, 50 000 Viêt-minh encerchent 11 000 franco-vietnamiens.

A partir du 13 mars, le général Giap rassemble cinq divisions, soit 35 000 combattants, autour du camp de Diên Biên Phu que défendent 15 000 soldats des forces de l'Union française. L'assaut final a lieu le 7 mai 1954. Celui-ci a un tel retentissement que Diên Biên Phu devient la bataille décisive, non seulement de la campagne mais de la guerre.

Sur les 4 436 hommes blessés durant la bataille de Diên Biên Phu, 858 ont été évacués par la Croix-Rouge. Les 3 578 autres soldats, jugés aptes à la captivité, selon les critères viêt-minh, ont été transportés vers des camps de concentration. Les 400 prisonniers valides ont dû rejoindre à pied leur camp situé à près de 600 kilomètres. Le « Convoi 42 » a perdu 83 hommes au cours de la longue marche. 250 hommes reposent à jamais dans les fondrières de l'effroyable « Camp 42 ». Moins de 70 recouvrent la liberté en septembre 1954.

Tous les prisonniers ont subi des marches forcées, des pri-vations de nourriture et de l'absence de soins, ce qui a favorisé l'apparition de maladies : paludisme, dysenterie, tuberculose, dénutrition, affections neuropsychiatriques... qui ont souvent entraîné la mort. En effet, ces hommes n'ont pas bénéficié de l'ap-plication de la Convention de Genève, puisqu'aux yeux des soldats Viêt-minh, ils n'étaient pas des prisonniers de guerre, mais les « instruments aveugles » du colonialisme et du capitalisme.

Le 11 août 1954, le cessez-le-feu est effectif sur tous les territoires du Viêtnam, du Laos et du Cambodge.

Pendant les huit années de guerre, après le 19 décembre 1946, les forces de l'Union française ont déploré 76 000 morts au combat parmi lesquels 2 000 officiers. Elles ont perdu 37 000 prisonniers dont 16 000 Vietnamiens. Sur ces 37 000 prisonniers, 10 750 seulement ont été libérés.

Cette guerre est restée longtemps oubliée des Français, éclipsée par les difficultés de la France avec son empire colonial sur le continent africain et par le contexte international de la Guerre Froide. Le 8 juin 1980, à l'initiative du président Giscard d'Estaing, le corps du Soldat Inconnu de la guerre d'Indochine est déposé au Mémorial de Notre-Dame de Lorette, dans le Pas-de-Calais. Par ailleurs, du 1er octobre 1986 au 24 juillet 1987, le gouvernement de Jacques Chirac a fait rapatrier au mémorial des guerres en Indochine de Fréjus 24 632 corps, dont 3 395 civils.

Cette proposition de loi vise à rendre un juste hommage de la Nation aux soldats français et aux soldats d'origine étrangère morts pour la France en Indochine en instituant une Journée Nationale du Souvenir.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Une Journée Nationale du Souvenir en hommage aux Français morts pour la France en Indochine est fixée le 8 juin. Une cérémonie officielle aura lieu chaque année à cette date à Paris. Les préfets devront organiser une cérémonie analogue dans chaque département.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118250-8
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1443 - Proposition de loi sur une journée nationale du souvenir des Français morts en Indochine (M. Lionnel Luca)


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