N° 1767 - Proposition de loi de M. Claude Goasguen visant à réformer l'aide médicale de l'Etat




 

N° 1767

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 juillet 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à réformer l'aide médicale de l'Etat,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Claude GOASGUEN, Thierry MARIANI, Jean-Claude ABRIOUX, Manuel AESCHLIMANN, Philippe AUBERGER, Jean AUCLAIR, Mme Brigitte BARÈGES,
MM. Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Gabriel BIANCHERI, Jean-Marie BINETRUY, Etienne BLANC, Bruno BOURG-BROC, Loïc BOUVARD, Jacques BRIAT, Bernard BROCHAND, Dominique CAILLAUD, François CALVET, Bernard CARAYON, Richard CAZENAVE, Roland CHASSAIN, Philippe COCHET, Georges COLOMBIER, Alain CORTADE, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Hervé de CHARETTE, Jean de GAULLE, Jean-Pierre DECOOL, Patrick DELNATTE, Yves DENIAUD, Léonce DEPREZ, Jean-Jacques DESCAMPS, Eric DIARD, Michel DIEFENBACHER, Jacques DOMERGUE, Dominique DORD, Olivier DOSNE, Philippe DUBOURG, Gérard DUBRAC, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Christian ESTROSI, Philippe FENEUIL, Jean-Michel FERRAND, Jean-Claude FLORY, Marc FRANCINA,
Mmes Arlette FRANCO, Cécile GALLEZ, MM. Daniel GARD, Jean-Paul GARRAUD, Claude GATIGNOL, Alain GEST, Bruno GILLES, Georges GINESTA, Maurice GIRO, François-Michel GONNOT, Jean-Pierre GORGES, Jean-Pierre GRAND, François GROSDIDIER, Mme Arlette GROSSKOST, MM. Jean-Claude GUIBAL, François GUILLAUME, Jean-Jacques GUILLET, Gérard HAMEL, Emmanuel HAMELIN, Michel HERBILLON, Sébastien HUYGHE, Christian JEANJEAN, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Mansour KAMARDINE, Aimé KERGUERIS, Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, MM. Patrick LABAUNE, Jacques LAFLEUR, Robert LAMY, Jean-Marc LEFRANC, Pierre LELLOUCHE, Jean-Louis LÉONARD, Mme Geneviève LEVY, MM. Lionnel LUCA, Daniel MACH, Richard MALLIÉ, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Franck MARLIN, Alain MARSAUD, Jean MARSAUDON, Philippe-Armand MARTIN, Mme Henriette MARTINEZ,
MM. Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Jean-Claude MATHIS, Pascal MÉNAGE, Alain MERLY, Gilbert MEYER, Pierre MICAUX, Pierre MORANGE,
Mme Nadine MORANO, MM. Georges MOTHRON, Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Pierre NICOLAS, Jacques PÉLISSARD, Philippe PEMEZEC, Christian PHILIP, Serge POIGNANT, Daniel PRÉVOST, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Jean-François RÉGÈRE, Frédéric REISS, Jacques REMILLER, Jérôme RIVIÈRE, Jean ROATTA, Vincent ROLLAND, Jean-Marc ROUBAUD, Michel ROUMEGOUX, Francis SAINT-LÉGER, Bernard SCHREINER, Michel SORDI, Frédéric SOULIER, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, André THIEN AH KOON, Léon VACHET, Christian VANNESTE, Alain VENOT, Jean-Sébastien VIALATTE, Gérard VOISIN, Michel VOISIN et Michel ZUMKELLER

Additions de signatures :
M. François Scellier

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Tout d'abord, il convient de rappeler ce que veut dire le sigle AME dans la réalité.

Il s'agit d'une prise en charge à 100 % des soins, des prescriptions médicales et forfait hospitalier dans la limite des tarifs conventionnels ou des tarifs forfaitaires de responsabilité. De plus, l'AME dispense de faire l'avance des frais, à l'hôpital ou en médecine de ville.

Instituée le 1er janvier 2000 par le Gouvernement Jospin, elle est ouverte, sous conditions de résidence et de ressources, aux personnes qui ne remplissent pas les conditions d'admission au bénéfice de la couverture médicale universelle (CMU).

Il peut s'agir d'étrangers en situation régulière mais arrivés en France depuis moins de trois mois. Pourtant, le plus souvent, il s'agit d'étrangers en situation irrégulière et de leurs ayants droit.

Tout d'abord, le bénéficiaire de l'AME doit remplir une condition de résidence. Ainsi, l'étranger qui n'a pas ou plus de titre de séjour doit prouver qu'il réside en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.

La preuve de la durée du séjour peut être constituée par tout moyen : présentation d'un visa expiré, d'un passeport, d'une notification de refus de demande d'asile, d'une facture d'hôtel, d'une facture d'EDF, ...

Si l'étranger ne peut pas présenter de pièces justificatives, il doit remplir la déclaration sur l'honneur figurant au bas de la demande d'AME.

Ensuite, le bénéficiaire de l'AME doit remplir des conditions de ressources. Ainsi, l'étranger doit justifier de ressources inférieures au plafond fixé pour l'attribution de la CMU, soit 566,50 euros par mois pour une personne, depuis le 1er juillet 2003.

Là aussi, si l'étranger ne peut pas présenter de pièces justificatives, il doit remplir la déclaration sur l'honneur figurant au bas de la demande d'AME.

Dès lors, on peut admettre de façon réaliste qu'il doit exister un certain nombre d'abus. En effet, pourquoi déclarer une somme qui vous enlèverait le droit de vous faire soigner gratuitement ? !

Pourtant, ce ne sont pas ces deux conditions que la présente proposition de loi entend modifier. En effet, l'aide médicale concerne des populations en situation irrégulière, qui sont particulièrement vulnérables, et il n'est pas question ici de remettre en cause son principe même.

Toutefois le coût de l'aide et la croissance exponentielle des bénéficiaires de l'AME amène les auteurs de cette proposition de loi à proposer des mesures pour mieux contrôler ce gouffre financier. En 2003, l'AME a eu pas moins de 170 000 bénéficiaires pour un coût estimé à 489 millions d'euros, sans compter les dettes, d'un montant de 89 millions d'euros pour 2002. Un rapport du Sénat pointe le coût particulièrement élevé des bénéficiaires de l'AME, dont la prestation moyenne par bénéficiaire s'élève à 2 995 euros (2001), contre 1 504 euros pour un assuré du régime général (2000).

Les objectifs assignés par la loi sont louables : permettre l'accès effectif aux soins des publics démunis résidant en France. Néanmoins, il est nécessaire de mieux encadrer le dispositif pour éviter les dérives qui ont pu être constatées. Il n'est ainsi pas incompatible de gérer l'AME avec rigueur, de la même manière que les autres prestations accordées en France.

La philosophie angélique qui consiste à considérer que l'argent versé à la détresse du monde est automatiquement bonifié ne peut servir de principe à la gestion de cette aide.

Aujourd'hui, les demandes d'admission à l'AME sont reçues par quatre organismes différents :

· organisme d'assurance maladie

· centre communal ou intercommunal d'action sociale

· services sanitaires et sociaux du département de résidence

· et associations ou organismes à but non lucratif agréés à cet effet par le préfet (en pratique, les associations caritatives ou d'entraide et les centres d'hébergement et de réadaptation sociale).

La multiplication des possibilités de dépôt des demandes ne peut être qu'un facteur aggravant du flou statistique existant aujourd'hui sur les chiffres de l'AME, qui renseignent entre autres sur les chiffres de l'immigration, légale ou illégale.

Cette multiplication permet en outre à certaines personnes de présenter plusieurs dossiers, la centralisation des demandes étant de fait difficile devant la complexité administrative.

Ainsi, pour limiter les interlocuteurs, permettre de centraliser à des fins comptables les demandes d'AME et juguler l'accroissement considérable des demandes parfois infondées, la présente proposition de loi propose dans un premier temps de désigner la mairie comme seul lieu de dépôt des demandes d'AME.

Cet interlocuteur unique doit permettre de mieux maîtriser la gestion et le contrôle de certaines dépenses de l'Etat. La notion de proximité permet en outre une amélioration qualitative des contacts et de l'accueil, et une meilleure efficacité de la gestion des demandes.

Mais si cet interlocuteur unique, permet, par le biais de la centralisation, de réduire les risques de fraudes, il ne résout pas le problème de la validité des conditions d'accès à l'AME.

Les conditions de ressources, par exemple, sont enregistrées par le biais de déclaration sur l'honneur. On ne peut pas d'un côté parler de rigueur budgétaire, de rigueur pour la réforme de l'assurance maladie, et laisser un tel poste de dépenses subir une telle croissance.

Or l'augmentation exponentielle des bénéficiaires de l'AME vient certainement en partie du fait qu'un certain nombre d'étrangers se déclarent dans les conditions de ressources alors qu'ils gagnent en réalité plus.

S'inspirant de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, la présente proposition de loi vise, dans un deuxième temps, à permettre à la mairie de vérifier les conditions de ressources, d'identité et de résidence, ce qui paraît être le minimum pour une demande qui a pour effet de permettre des dépenses de soins gratuites pour le bénéficiaire, et ses ayants droit, financées par la société.

Ce dispositif vise donc à mieux lutter contre les inscriptions multiples et contre les fraudes.

L'instruction des demandes reste cependant de la compétence des services de la caisse d'assurance maladie. En effet, il n'appartient pas au maire d'instruire ces dossiers.

Néanmoins, la présente proposition loi vise à permettre au maire, lorsqu'il l'estime nécessaire, de transmettre son avis avec le dossier de demande d'AME au service compétent.

En retour, cet avis devra obligatoirement être suivi d'une réponse des services instructeurs de la demande d'AME précisant les suites données à ce dossier.

Il est nécessaire de limiter le gouffre financier de l'AME en perpétuel accroissement. Cette proposition de loi le permet.

Pour compléter enfin le dispositif, il est proposé de permettre que les demandes d'AME puissent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé afin de lutter contre les détournements de procédure.

Bien évidemment, comme pour la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, toutes les dispositions CNIL nécessaires sont prévues : décret en Conseil d'Etat après avis de la CNIL, durée de conservation et conditions de mise à jour des informations enregistrées, modalités d'habilitation des personnes qui seront amenées à consulter ces fichiers ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées pourront exercer leur droit d'accès.

Cette proposition de loi permet donc de centraliser les demandes d'AME, donnant la possibilité au maire de vérifier les conditions d'admission, et éventuellement de motiver les demandes quand il le jugera nécessaire. Elle va dans le sens d'un contrôle plus efficace de cette dépense de l'Etat, permettant aussi de donner des chiffres plus précis sur l'immigration.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

« L'article 187-3 du Code de la famille et de l'aide sociale est ainsi rédigé :

« I - La demande d'aide médicale de l'Etat est déposée à la mairie du lieu de résidence de l'intéressé.

« Le maire, ou un agent spécialement habilité des services de la commune chargé des affaires sociales, auprès duquel la demande a été déposée examine les pièces justificatives requises dont la liste est déterminée par décret. Il établit un dossier conforme au modèle fixé par arrêté du ministre chargé de l'action sociale et le transmet, dans un délai de huit jours, à la caisse d'assurance maladie qui en assure l'instruction par délégation de l'Etat.

« Toutefois, les demandes présentées par les personnes pouvant bénéficier de l'aide médicale en application du deuxième alinéa de l'article 187-1 sont instruites par les services de l'Etat.

« Le maire, ou un agent spécialement habilité des services de la commune chargé des affaires sociales, peut également transmettre un avis motivé à la caisse d'assurance maladie et aux services de l'Etat.

« Lorsqu'un avis a été transmis, le maire est tenu informé par la caisse d'assurance maladie ou les services de l'Etat des suites données à la demande d'aide médicale de l'Etat. »

« II - Les demandes d'aide médicale de l'Etat peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé afin de lutter contre les détournements de procédure. Les fichiers correspondants sont mis en place par les maires, selon des dispositions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret précise la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes qui seront amenées à consulter ces fichiers ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. »

Article 2

II - Les pertes de recettes pour les collectivités territoriales sont compensées à due concurrence par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement qui leur est attribuée par l'Etat.

III - Les pertes de recettes pour l'Etat, en application du I du présent article, et de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par l'augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118492-6
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1767 - Proposition de loi visant à réformer l'aide médicale de l'Etat (M. Claude Goasguen)


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