N° 1896 - Proposition de loi de M. Christian Estrosi visant à ériger l'inceste en infraction spécifique dans le code pénal




 

N° 1896

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 novembre 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à ériger l'inceste en infraction spécifique
dans le code pénal,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Christian ESTROSI, Jean-Claude ABRIOUX, Mme Brigitte BARÈGES, MM. Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Jean-Michel BERTRAND, Roland BLUM, Loïc BOUVARD, Ghislain BRAY, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Mme Chantal BRUNEL, MM. François CALVET, Pierre CARDO, Antoine CARRÉ, Jean-Yves CHAMARD, Roland CHASSAIN, Dino CINIERI, Philippe COCHET, Georges COLOMBIER, Mme Geneviève COLOT, MM. Alain CORTADE, Louis COSYNS, Edouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Paul-Henri CUGNENC, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Patrick DELNATTE, Yves DENIAUD, Léonce DEPREZ, Eric DIARD, Michel DIEFENBACHER, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Olivier DOSNE, Jean-Michel DUBERNARD, Philippe DUBOURG, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Francis FALALA, Yannick FAVENNEC, Georges FENECH, Jean-Michel FERRAND, André FLAJOLET, Jean-Claude FLORY, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO, M. Claude GAILLARD, Mme Cécile GALLEZ, MM. Franck GILARD, Jean-Pierre GIRAN, Jean-Pierre GRAND, François GROSDIDIER, Mmes Arlette GROSSKOST, Pascale GRUNY, MM. Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Gérard HAMEL, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Pierre HÉRIAUD, Sébastien HUYGHE, Yves JEGO, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, M. Dominique JUILLOT, Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, MM. Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Edouard LANDRAIN, Pierre LASBORDES, Jean-Marc LEFRANC, Dominique LE MÈNER, Jean-Claude LEMOINE, Jean-Louis LÉONARD, Mme Geneviève LEVY, MM. Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Daniel MACH, Richard MALLIÉ, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Philippe-Armand MARTIN, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Bernard MAZOUAUD, Christian MÉNARD, Alain MERLY, Pierre MICAUX, Mme Nadine MORANO, MM. Pierre MORANGE, Jean-Marie MORISSET, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Mmes Bernadette PAÏX, Valérie PECRESSE, MM. Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Mme Bérengère POLETTI, M. Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Daniel PRÉVOST, Christophe PRIOU, Eric RAOULT, Jean-François RÉGÈRE, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Mme Juliana RIMANE, MM. Jérôme RIVIÈRE, Vincent ROLLAND, Jean-Marc ROUBAUD, Michel ROUMEGOUX, Max ROUSTAN, Martial SADDIER, Francis SAINT-LÉGER, André SCHNEIDER, Michel SORDI, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Jean-Claude THOMAS, Christian VANNESTE, Jean-Sébastien VIALATTE, René-Paul VICTORIA, Philippe VITEL et Michel VOISIN

Additions de signatures :
MM. Michel Raison, Joël Hart, Mme Muriel Marland-Militello, M. Emmanuel Hamelin, Mmes Michèle Tabarot, Corinne Marchal-Tarnus, MM. Bernard Schreiner, Jean Tiberi et Yves Boisseau

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dès 2000, l'Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies, dans son rapport de la troisième commission pour la promotion et la protection des droits de l'enfant, « prie instamment tous les Etats de promulguer des lois protégeant de l'inceste ».

Ainsi, les codes pénaux du Canada, de la Suisse, de l'Allemagne, de l'Angleterre ou du Pays de Galles, reconnaissent l'inceste comme une infraction particulière, créant ainsi un régime distinct, plus sévère à l'égard de l'agresseur.

Or, l'ONU semble s'inquiéter de ce que le code pénal français ne définisse pas explicitement l'inceste comme un crime, et ne le vise indirectement qu'au titre de diverses dispositions pénales. En un mot, en France, comme d'ailleurs en Espagne ou au Portugal, l'inceste n'est pas érigé en infraction spécifique.

Dans notre code pénal, si le terme même d'inceste n'apparaît à aucun moment, il constitue néanmoins une circonstance aggravante de crimes ou de délits sexuels lorsque ces derniers sont « commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ».

Pourtant, l'inceste ne peut pas être considéré comme une infraction sexuelle comme les autres, parce que la relation incestueuse se situe dans le milieu de référence de notre société : la famille. L'inceste reflète une manipulation physique, affective et psychologique, mais surtout un abus sexuel sur un enfant ou un adolescent, c'est-à-dire sur être vulnérable, dépendant et sans défense.

Et, parce que notre droit pénal ne reconnaît pas l'inceste comme une infraction pénale régie par un dispositif législatif propre, de nombreuses victimes d'inceste ont aujourd'hui le sentiment de ne pas être reconnues comme telles.

Nous savons tous que l'inceste est le rapport sexuel entre deux individus qui sont parents à un degré pour lequel le mariage est interdit au sens des articles 161 et suivants du code civil.

Nous savons également tous que le plus souvent, l'abuseur est le père ou le beau-père, et l'enfant ou l'adolescent abusé la fille. Mais il existe aussi des incestes grand-père/petite-fille, oncle/nièce, frère/sœur, et, plus souvent qu'on ne le croit, mère/fils.

Nous savons enfin que l'inceste débute généralement tôt dans l'enfance, au moment où l'enfant n'a pas conscience de ce que représente la sexualité, en tout cas pas comme un adulte. Nous connaissons ses conséquences psychologiques et physiques dramatiques pour les victimes, certaines affaires d'inceste ayant concerné, aussi horrifiant que cela puisse sembler, des enfants de moins de 6 mois.

La présente proposition de loi a par conséquent pour objet d'apporter trois réponses aux victimes d'inceste :

1) Tout d'abord, elle caractérise nommément l'inceste comme un crime spécifique sexuel, afin que les victimes aient le sentiment que ce qu'elles ont subi ce n'est pas un simple viol, mais un inceste.

A cette fin, il convient, comme pour toute infraction pénale, de donner une définition de l'inceste. Ainsi, si un rapport incestueux peut prendre d'autres formes que le viol et la pénétration (toucher, caresser le sexe d'un enfant, l'obliger à toucher le sexe d'un adulte, l'obliger à regarder un ou des adultes pendant des pratiques sexuelles, l'obliger à regarder des images ou des films pornographiques), l'inceste, ou « viol incestueux », sera un crime défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur un mineur de quinze ans par son ascendant légitime, naturel ou adoptif ». L'auteur d'une telle infraction encourra une peine de 20 ans de réclusion criminelle, et sera jugé par une Cour d'Assises.

2) Dans les faits, la plupart du temps, les juridictions considèrent qu'un mineur en dessous d'un certain âge ne peut valablement consentir à un rapport sexuel, quel qu'il soit.

Cependant, même si les décisions d'acquittement de Cour d'assises sont rares, elles existent néanmoins, et c'est une situation parfaitement insupportable.

En effet, certains arrêts et jugements ont établi que lorsque les éléments constitutifs d'un viol ne sont pas réunis, l'enfant ou l'adolescent qui admet avoir été « consentant », alors même qu'il a été victime d'un inceste, n'est plus que la victime d'une « atteinte sexuelle ». Et, l'atteinte sexuelle n'est pas un crime, mais un délit, puni au maximum de dix ans d'emprisonnement lorsqu'il est commis par un ascendant sur un mineur de 15 ans.

Dès lors, afin de ne plus voir des adultes incestueux poursuivis et condamnés pour de simples atteintes sexuelles sur mineur, uniquement parce que la Justice considère que leurs victimes n'ont pas manifesté leur opposition et qu'il n'y a eu ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise, il est nécessaire de considérer que, jusqu'à preuve du contraire, l'inceste est présumé ne pas avoir été consenti par le mineur de quinze ans.

3) Enfin, de nombreux psychologues expliquent que l'une des premières conséquences de l'inceste est le déni de l'acte par la victime, déni pouvant aller jusqu'à l'amnésie totale des faits, car cet oubli est souvent le seul moyen de défense pour l'enfant. Il faut parfois attendre plusieurs années avant que ne ressurgisse l'horreur des faits, ainsi que la force de les affronter.

Afin de prendre en compte l'ampleur du traumatisme que constitue l'inceste pour la victime, il est proposé de compléter les règles relatives à la prescription de l'action publique. Ainsi, le délai de prescription de l'action publique du crime d'inceste ou de viol incestueux sera lui aussi de vingt ans, et ne commencera à courir qu'à partir de la majorité de la victime.

Tel est le sens du dispositif de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l'article 222-23 du code pénal, il est inséré un article 222-23-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-23-1. - Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur un mineur de quinze ans par son ascendant légitime, naturel ou adoptif, est un inceste ou viol incestueux.

« L'inceste est présumé ne pas avoir été consenti par le mineur de quinze ans, jusqu'à preuve du contraire.

« L'inceste est puni de vingt ans de réclusion criminelle. »

Article 2

Le cinquième alinéa (4o) de l'article 222-24 du code pénal est ainsi rédigé :

4o Lorsqu'il est commis par toute personne ayant autorité sur la victime, et autre qu'un ascendant légitime, naturel ou adoptif ;

Article 3

A l'article 706-47 du code de procédure pénale, remplacer les mots « par les articles 222-23 à 222-31 » par les mots « par les articles 222-23, 222-23-1 à 222-31 ».

Article 4

L'intitulé du paragraphe 1er de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, est ainsi rédigé : « Du viol et de l'inceste ».

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118797-6
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1896 - Proposition de loi visant à ériger l'inceste en infraction spécifique dans le code pénal (M. Christian Estrosi)


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