N° 1949 - Proposition de loi de M. Yvan Lachaud visant à assurer le respect des droits des femmes et à lutter contre les violences conjugales et le sexisme




 

N° 1949

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 novembre 2004.

PROPOSITION DE LOI

visant à assurer le respect des droits des femmes
et à
lutter contre les violences conjugales et le sexisme,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la délégation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Yvan LACHAUD, Jean-Pierre ABELIN, Jean-Claude ABRIOUX, Manuel AESCHLIMANN, René ANDRÉ, Gilles ARTIGUES, Pierre-Christophe BAGUET,
Mme Brigitte BARÈGES, MM. Joël BEAUGENDRE, Jean-Claude BEAULIEU, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Gabriel BIANCHERI, Jean-Marie BINETRUY, Claude BIRRAUX, Christian BLANC, Roland BLUM, Loïc BOUVARD, Mme Françoise BRANGET, M. Jacques BRIAT, Mme Chantal BRUNEL, MM. François CALVET, Roland CHASSAIN, Jean-Louis CHRIST, Georges COLOMBIER, Mmes Geneviève COLOT, Anne-Marie COMPARINI, MM. Alain CORTADE, Louis COSYNS, Jean-Yves COUSIN, Charles COVA, Olivier DASSAULT, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Stéphane DEMILLY, Léonce DEPREZ, Jean-Jacques DESCAMPS, Jean DIONIS DU SÉJOUR, Jacques DOMERGUE, Olivier DOSNE, Jean-Michel DUBERNARD, Philippe DUBOURG, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Pierre-Louis FAGNIEZ, Philippe FENEUIL, Jean-Claude FLORY, Philippe FOLLIOT, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO,
MM. Daniel GARD, Guy GEOFFROY, Franck GILARD, Bruno GILLES, Jacques GODFRAIN, Jean-Pierre GRAND, François GROSDIDIER, Mmes Arlette GROSSKOST, Pascale GRUNY, MM. Louis GUÉDON, Joël HART, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Pierre HÉRIAUD, Francis HILLMEYER, Jean-Yves HUGON, Michel HUNAULT, Sébastien HUYGHE, Edouard JACQUE, Eric JALTON, Christian JEANJEAN, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Patrick LABAUNE, Edouard LANDRAIN, Pierre LASBORDES, Jean LASSALLE, Robert LECOU, Jean-Marc LEFRANC, Dominique LE MÈNER, Gérard LÉONARD, Jean-Louis LÉONARD, Jean-Pierre LE RIDANT, Maurice LEROY, Claude LETEURTRE, Mmes Geneviève LEVY, Gabrielle LOUIS-CARABIN, MM. Lionnel LUCA, Daniel MACH, Noël MAMÈRE, Mme Corinne MARCHAL-TARNUS, MM. Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Philippe Armand MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Christian MÉNARD, Damien MESLOT,
Mme Nadine MORANO, MM. Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Hervé MORIN, Etienne MOURRUT, Jean-Marc NESME, Dominique PAILLÉ, Mmes Bernadette PAÏX, Béatrice PAVY, MM. Jacques PÉLISSARD, Pierre-André PÉRISSOL, Nicolas PERRUCHOT, Bernard PERRUT, Mme Josette PONS, MM. Jean-Luc PRÉEL, Jean PRORIOL, Eric RAOULT, Jacques REMILLER, Dominique RICHARD, Mme Juliana RIMANE, MM. François ROCHEBLOINE, Max ROUSTAN, Martial SADDIER, Francis SAINT-LÉGER, Rudy SALLES, André SANTINI, François SAUVADET, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Yves SIMON, Daniel SPAGNOU, Mmes Hélène TANGUY, Irène THARIN, MM. Rodolphe THOMAS, Dominique TIAN, Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Francis VERCAMER, Gérard VIGNOBLE, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Michel ZUMKELLER

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans le pays où a été rédigée la Déclaration des droits de l'Homme, les droits des femmes ne sont pas toujours respectés. Deux exemples suffisent à le montrer : les violences conjugales et la persistance du sexisme.

Chaque année, 48 000 femmes sont violées ; 10 % des femmes subissent des violences physiques et psychologiques au sein de leur couple ; quatre cents femmes, en France, meurent chaque année à la suite de ces violences. Chaque année, 42 000 hommes exercent des violences sur leur compagne, mais seuls 300 d'entre eux sont accueillis dans des centres spécialisés.

Dans un pays où la devise « Liberté, égalité, fraternité » est inscrite au fronton de tous les édifices publics, comment pouvons-nous tolérer la violence contre les femmes, qui constitue l'un des plus grands scandales de notre époque en matière de droits humains ?

Ce n'est pas une affaire privée, mais l'affaire de tous, et en premier lieu des services publics et du législateur. En tant que députés, il nous faut agir contre la banalisation ou la minimisation des situations de violences conjugales, trop souvent passées sous silence comme un tabou.

D'abord, un travail de sensibilisation, d'éducation est indispensable, pour apprendre aux femmes à parler, à dire non, à ne plus supporter la violence au nom de l'amour qu'elles portent à leurs enfants.

Notre pays doit également mettre en œuvre une mobilisation de la justice, dans la mesure où un trop grand nombre de plaintes relatives à des faits de violences conjugales demeurent sans suite. Cette situation anormale entraîne une impunité de l'auteur de la violence - or, la spirale ne peut être stoppée s'il n'y a pas de sanction judiciaire - et un découragement de la victime qui, ne voyant aucune réaction des autorités judiciaires, risque de perdre confiance en la justice.

La récente loi sur le divorce a permis quelques avancées - en particulier, la disposition permettant au juge, en cas de violences conjugales, d'attribuer le logement familial à l'époux victime et à ses enfants, et de prononcer l'éviction du conjoint violent -, mais il faut aller plus loin. La réflexion sur les violences conjugales doit, en particulier, prendre en compte la détresse des victimes au sein de couples non mariés.

Les violences conjugales appellent des réponses autres que juridiques. Les associations font aujourd'hui un travail remarquable, pour apporter aux victimes tout le réconfort et la compréhension nécessaires. Elles doivent être reconnues et insérées dans des réseaux reliant tous les acteurs.

Le sexisme constitue un fléau dans notre société. Les injures, les propos dégradants et discriminatoires ne sont pas seulement des mots : ces actes de langage sont des violences, des actes d'affaiblissements de l'individu. Le sexisme est une réalité prouvée de longue date, mais la loi refuse toujours de lutter ouvertement contre le sexisme, alors qu'elle le fait depuis 1972 contre le racisme et l'antisémitisme.

Cette proposition de loi vise à un véritable changement des mentalités, indispensable pour mettre fin à ces actes de violences et à ces souffrances de femmes.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L'article L. 312-15 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'enseignement d'éducation civique comporte également une formation au respect de l'égalité de l'homme et de la femme, ainsi qu'une sensibilisation aux violences conjugales et aux actes et propos sexistes. »

Article 2

« Une formation initiale et continue est accordée aux médecins, au personnel médical et paramédical, aux magistrats, aux agents et officiers de police judiciaire, au personnel de la gendarmerie, aux travailleurs sociaux, de manière à leur permettre d'assurer l'accueil et l'assistance aux victimes de violences conjugales. Les modalités de cette formation sont définies par voie réglementaire. »

Article 3

« Le département, en tant que responsable de la protection sanitaire de la famille et de l'enfance dans les conditions prévues au livre 1er de la deuxième partie du code de la santé publique, organise la coopération entre les différents acteurs de la lutte contre les violences conjugales, institutionnels ou non, notamment magistrats, fonctionnaires de police et de gendarmerie, services pénitentiaires, médecins, personnel médical et paramédical, travailleurs sociaux, associations ayant pour objet l'aide aux victimes de violences conjugales. »

Article 4

Compléter le troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil par une phrase ainsi rédigée : « Ces mesures de protection en cas de violences conjugales s'appliquent également aux couples non mariés, s'ils ont un enfant commun mineur. »

Article 5

Compléter le cinquième alinéa (3°) de l'article 138 du code de procédure pénale par les mots : « ; en particulier, pour un auteur de violences conjugales, ne pas se rendre au domicile de la victime ou dans les lieux fréquentés par celle-ci ».

Article 6

Compléter le douzième alinéa (10°) de l'article 138 du code de procédure pénale par les mots : « ou de prévention du renouvellement de violences conjugales ».

Article 7

« L'Etat, en lien avec les départements, organise le recensement des services et établissements assurant l'accueil, l'hébergement et le soin des victimes de violences conjugales, en particulier des établissements accueillant des femmes, le cas échéant avec leurs enfants, des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, enfin des établissements assurant le soin des auteurs de violences conjugales. »

Article 8

« Afin de garantir la protection des victimes de violences conjugales et de combler les carences en services et en établissements présentées dans le recensement indiqué à l'article précédent, l'Etat met en œuvre des programmes d'action prioritaires pluriannuels, notamment par des conventions avec les collectivités territoriales. Un effort prioritaire est mené pour construire des centres d'hébergement d'urgence accueillant des femmes avec leurs enfants et, dans chaque département, au moins un centre spécialisé de soin pour les auteurs de violences conjugales. »

Article 9

« A compter du 1er janvier 2005, le Gouvernement dépose tous les ans sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport sur la mise en œuvre de la politique de lutte contre les violences conjugales, portant notamment sur l'application effective de la législation en vigueur (en particulier, l'application des mesures d'éloignement du mari violent), sur les actions de prévention et d'information, enfin sur la répression du sexisme. Ce rapport peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. »

Article 10

Après le huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe. »

Article 11

Après le deuxième alinéa de l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent la diffamation sexiste commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes. »

Article 12

Après le troisième alinéa de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent l'injure sexiste commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes. »

Article 13

Après l'article 48-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 48-4. - Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l'objet est, selon ses statuts, de combattre les discriminations, les injures ou les diffamations sexistes ou d'assister les victimes de ces actes, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus par le neuvième alinéa de l'article 24, le troisième alinéa de l'article 32 et le quatrième alinéa de l'article 33 de la présente loi.

Toutefois, quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'action de l'association ne sera recevable que si celle-ci justifie avoir reçu l'accord de ces personnes. »

Article 14

I. - Au dixième alinéa de l'article 24, au troisième alinéa de l'article 32 et au quatrième alinéa de l'article 33 de la loi précitée, les mots : « par l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « par les deux alinéas précédents ».

II. - Au premier alinéa de l'article 63 de la loi précitée, les mots : « alinéa 5 », « alinéa 2 » et « alinéa 3 » sont respectivement remplacés par les mots : « alinéas 8 et 9 », « alinéas 2 et 3 » et « alinéas 3 et 4 ».

III. - A l'article 65-3 de la même loi, les mots : « le huitième alinéa », « le deuxième alinéa » et « le troisième alinéa » sont respectivement remplacés par les mots : « le huitième et le neuvième alinéas », « le deuxième et le troisième alinéas » et « le troisième et le quatrième alinéas ».

Article 15

Les charges éventuelles qui résulteraient pour les collectivités locales de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118868-9
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1949 - Proposition de loi visant à assurer le respect des droits des femmes et à lutter contre les violences conjugales et le sexisme (M. Yvan Lachaud)


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