N° 2853 - Proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann portant création d'une procédure de mobilisation des locaux d'habitation gardés vacants et sans projet personnel ou social




 

N° 2853

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 février 2006.

PROPOSITION DE LOI

portant création

d'une procédure de mobilisation des locaux d'habitation
gardés vacants et sans projet personnel ou social,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Jean-Luc WARSMANN

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon les données statistiques établies par l'INSEE, la France comptait en 2004, environ 1 912 000 logements vacants. Si ce chiffre illustre une diminution sensible de la proportion de cette catégorie de logement par rapport à la dernière décennie, il n'en demeure pas moins supérieur à celui de la plupart des États membres de l'Union européenne.

Parallèlement à cette situation, la France souffre d'une grave crise du logement qui trouve son origine dans un déséquilibre entre l'offre et la demande, creusé par les retards de construction accumulés au cours des vingt dernières années.

Dans ce contexte, le Gouvernement a entendu adopter des mesures « fortes et urgentes ». L'intervention du Programme national de rénovation urbaine et du Plan de cohésion sociale, ont déjà permis d'atteindre un rythme de construction « inégalé depuis vingt ans », avec 363 000 mises en chantier en 2004 et plus de 400 000 en 2005.

Avec son projet de loi « portant engagement national pour le logement », il a souhaité franchir une étape supplémentaire en érigeant la lutte en faveur de l'accès au logement, en véritable pilier de la nation : « Une nation est une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer à vivre ensemble » (Ernest Renan).

À l'aune de ce principe, la mobilisation du parc vacant, complément nécessaire de l'effort de construction aujourd'hui entrepris, suppose d'être mise en œuvre, non plus seulement sur les fondements du droit législatif au logement et de l'objectif de valeur constitutionnelle relatif à la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, mais également au nom de la fonction sociale du droit de propriété.

En effet, si le droit de propriété bénéficie d'une « pleine valeur constitutionnelle », celle-ci apparaît conditionnée par les caractéristiques de la République inscrites à l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, au troisième rang desquelles son aspect social. Plusieurs des autres États membres de l'Union européenne reconnaissent une telle vocation, au sein de leur constitution. Ainsi, l'article 14 (2) de la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne du 23 mai 1949 prévoit que : « Propriété oblige. Son usage doit contribuer en même temps au bien de la collectivité ». De même, l'article 33 (2) de la Constitution du Royaume d'Espagne, en date du 27 décembre 1978, précise que : « la fonction sociale [du droit à la propriété privée et à l'héritage] délimitera leur contenu, conformément aux lois ».

Aussi, peut-il s'avérer utile et approprié, dans la continuité du projet de loi portant engagement national pour le logement, de compléter les règles actuelles en matière de vacance, par une procédure portant dispositif de mobilisation des logements vacants et sans projet personnel ou social. Il s'agit de donner une réponse efficace à la crise du logement, en apportant des solutions adéquates pour remédier à la vacance des logements.

La première phase de cette procédure, repose sur la volonté de permettre au propriétaire du logement vacant, de pouvoir exercer pleinement son droit de propriété et sa liberté d'entreprendre à l'égard de celui-ci. En effet, dans une grande majorité des cas, la vacance ne procède pas d'un choix libre du propriétaire, mais d'une impossibilité d'en assurer son usage conformément à son affectation, et ce, pour des raisons personnelles. C'est pourquoi cette procédure vise à conférer au niveau communal ou intercommunal, le soin de conseiller le propriétaire d'un logement vacant, sur l'ensemble des moyens disponibles pour y mettre fin, que ce soit pour son seul profit ou également en faveur de locataires potentiels. Il s'agit ainsi d'une phase principalement axée sur la coordination des outils de réduction des logements vacants, prévus par le droit positif.

La seconde phase de la procédure de mobilisation, à savoir l'expropriation avec une juste et préalable indemnisation, n'est susceptible d'intervenir qu'en cas d'échec de l'étape précédente. Elle ne revêt pas, dès lors, un caractère automatique. En outre, la privation de propriété qu'elle est susceptible d'entraîner, se trouve justifiée par la crise du logement légalement constatée au niveau national, l'urgence déclarée au niveau communal ou intercommunal, et la déclaration d'utilité publique prononcée par l'autorité étatique compétente en matière d'expropriation. À ces considérations d'intérêt général, s'ajoute le refus du propriétaire de mettre un terme à la vacance, en dépit des informations fournies par la collectivité territoriale.

En conséquence, la présente proposition de loi entend, au nom de la fonction sociale du droit de propriété et de la nécessité de lutter contre la crise du logement qui sévit actuellement en France, instaurer une procédure de mobilisation des logements gardés vacants et sans projet personnel ou social.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après le titre IV du livre VI du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un titre IV bis ainsi rédigé :

« TITRE IV BIS

« MISE EN œUVRE DU DROIT AU LOGEMENT
PAR L'EXPROPRIATION

« Chapitre unique

« Mobilisation des locaux d'habitation
gardés vacants et sans projet personnel ou social

« Art. L. 643. - Lorsque dans une commune existent d'importants déséquilibres entre l'offre et la demande de logements, le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat peut délimiter dans le périmètre d'agglomération de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale, une ou plusieurs zones déclarées d'urgence pour l'habitat et comprenant des locaux à usage d'habitation qui, depuis plus de six mois, sont laissés vacants et sans projet personnel ou social.

« La délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale est affichée à la mairie et publiée dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département.

« Art. L. 643-1. - Au sens du présent chapitre :

« Sont présumés vacants, les logements dont le raccordement au réseau d'électricité ou d'eau potable est inactif, les logements non assujettis à la taxe d'habitation, ou les logements assujettis à la taxe sur les logements vacants prévue par l'article 232 du code général des impôts.

« Sont présumés dépourvus de projet personnel ou social les logements vacants qui, à la date de l'ouverture de la procédure de mobilisation, ne font pas l'objet de travaux d'aménagement, ne sont pas proposés à la vente ou à la location, ou sont demeurés inoccupés pendant plus de six mois suivant leur vente ou la fin du bail.

« Art. L. 643-2. - Dans les zones déclarées d'urgence pour l'habitat, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut engager une procédure de mobilisation d'un ou de plusieurs des logements définis à l'article précédent.

« Afin de permettre la création de la zone déclarée d'urgence pour l'habitat, et la mise en œuvre de la procédure de mobilisation, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut, en application de l'article L. 135 B du Livre des procédures fiscales, se faire communiquer par l'administration fiscale la liste des logements vacants recensés l'année précédente pour l'établissement de la taxe d'habitation. Le service de distribution des eaux, ainsi que les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs d'électricité de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale sont également tenus de lui transmettre, à sa demande, la liste des logements disposant d'un raccordement actif.

« Les informations transmises pour l'établissement de la liste des logements vacants sont couvertes par le secret professionnel, et soumises aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Art. L. 643-3. - Après avoir déterminé quels locaux d'habitation ressortent de la procédure de mobilisation et après en avoir recherché les propriétaires, les titulaires de droits réels et autres intéressés, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale constate par un procès-verbal provisoire la vacance et l'absence de mise en œuvre d'un projet pour lesdits locaux depuis plus de six mois.

« Le procès-verbal provisoire est affiché pendant trois mois à la mairie et sur les lieux qu'il vise. Il fait l'objet d'une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. Il est notifié au domicile des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés ou à la mairie, si l'un d'entre eux n'a pas pu être identifié ou si son domicile n'est pas connu.

« Art. L. 643-4. - À l'issue d'un délai de six mois à compter de la plus tardive des dates d'exécution des mesures de publicité prévues à l'article L. 643-3, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale constate par arrêté la vacance et l'absence de mise en œuvre d'un projet personnel ou social du ou des logements visés au procès-verbal provisoire. L'arrêté vaut déclaration de mobilisation. Il est tenu à la disposition du public.

« La procédure tendant à la déclaration de mobilisation du logement concerné s'interrompt lorsqu'au cours du délai mentionné à l'alinéa précédent, les propriétaires ont mis fin à la vacance ou ont notifié leur intention d'y mettre fin soit en apportant a preuve de la mise en œuvre d'un projet personnel ou social soit en s'engageant à en déterminer un et à le mettre en œuvre en accord avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, dans un délai qui ne peut être supérieur à un an.

« Lorsque les propriétaires s'engagent à déterminer et à mettre en œuvre un projet personnel ou social pour le logement concerné, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est tenu de les informer des textes légaux et réglementaires relatifs à la mobilisation des logements vacants et de leur faire part de toute initiative publique ou privée visant à promouvoir cet objectif.

« Lorsque, à l'issue du délai d'un an prévu au deuxième alinéa, il n'a été apporté aucune preuve de la mise en œuvre d'un projet personnel ou social du logement, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale en constate la vacance et l'absence de projet personnel ou social par un arrêté de mobilisation.

« Art. L. 643-5. - L'expropriation des locaux d'habitation ayant fait l'objet d'un arrêté de mobilisation est poursuivie par la commune ou par l'établissement de coopération intercommunale en vue de mettre fin à la vacance du logement, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

« Cependant, par dérogation aux dispositions de l'article L. 21-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la procédure peut uniquement être poursuivie au profit d'un organisme public ou privé d'habitation à loyer modéré, d'une société d'économie mixte dont l'objet est de donner à bail des logements, ou d'un organisme dont l'un des objets est de contribuer au logement des personnes et agréé à cette fin par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale.

« En outre, par dérogation aux dispositions de l'article L. 15-2 du même code, l'indemnité due est versée par l'organisme défini à l'alinéa précédent, qui prend possession du logement exproprié. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119930-3
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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