N° 2969 - Proposition de résolution de M. Dominique Tian tendant à la création d'une commission d'enquête chargée d'évaluer les moyens de contrôle de l'UNEDIC et des ASSEDIC ainsi que de formuler des propositions pour les améliorer




 

N° 2969

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 mars 2006.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
chargée d'
évaluer les moyens de contrôle
de l'
UNEDIC et des ASSEDIC
ainsi que de formuler des propositions pour les améliorer,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Dominique TIAN

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En février 2006, un vaste réseau de fraude aux indemnisations chômage a été démantelé, dont l'ampleur a été évaluée à plusieurs centaines de millions d'euros sur les deux ou trois dernières années. À l'origine de ce détournement figuraient 6 à 7 000 sociétés fantômes ayant permis l'émission de bulletins de paye fictifs, facilitant l'ouverture de droits aux indemnités de chômage.

En décembre 2005, des contrôleurs des ASSEDIC démantèlent une filière similaire de 807 sociétés écrans à Paris et en Seine-Saint-Denis dirigées par 20 gérants. En août 2005 à Créteil, 10 personnes sont arrêtées pour avoir soustrait 40 000 euros aux ASSEDIC en se présentant au guichet munis de faux bulletins de salaire. En avril 2005, 27 personnes, originaires d'Alsace et de Moselle, sont mises en examen « pour escroquerie en bande organisée » à l'encontre des ASSEDIC pour un montant de 500 000 euros. En mars 2005, 3 personnes sont écrouées pour avoir mis en place un réseau de 600 faux chômeurs touchant plus de 900 euros d'indemnité mensuelle, dont le coût est estimé à 2 millions d'euros...

Au regard de plusieurs récentes enquêtes menées par la presse, notamment dans le cadre de l'émission Zone interdite diffusée le 29 janvier 2006, ce genre d'escroqueries semble prendre une ampleur significative.

Non seulement ces détournements ne nécessitent pas une forte logistique, mais ils produisent des résultats rapides et substantiels.

Le mécanisme utilisé passe par la déclaration de sociétés fictives, déclarations pour lesquelles les formalités administratives ont été allégées ces dernières années dans le but louable d'encourager l'initiative individuelle.

Les faux entrepreneurs, le plus souvent dans des secteurs où la main-d'œuvre est très mobile et difficile à contrôler (confection, restauration rapide, bâtiment...), se prémunissent ensuite contre d'éventuels contrôles en effectuant quelques démarches matérielles destinées à justifier l'existence de leur société, telle l'ouverture d'un compte bancaire.

Après un délai de six mois, les salariés imaginaires de la société fictive font valoir leurs droits aux prestations d'Assurance Chômage, en arguant du fait qu'ils ont été licenciés ou ne sont plus payés.

En outre, ces escroqueries profitent le plus souvent à des réseaux mafieux. À cet égard, l'article de l'Expansion du 1er novembre 2005 intitulé « les caïds pointent aux Assedic », est édifiant :

« Un séminaire interne, au Novotel d'Évry, le 10 février 2005. Tout le gratin des ASSEDIC est là. Au programme, la lutte contre la fraude. Depuis deux heures, sur l'écran, les transparents s'enchaînent. Quand le consultant maison finit sa présentation, le silence s'installe. Lourd. Dans l'assistance, les visages sont défaits. Et les conclusions, implacables : lucrative, peu risquée sur le plan pénal, la chasse aux allocs est devenue un sport très prisé chez les escrocs. Fini les magouilleurs à la petite semaine. Les artisans ont laissé la place aux industriels de la fraude, organisés comme de véritables mafias. On parle d'une filière turque, d'un réseau pakistanais, on évoque la pègre parisienne. Souvent, ces bandes opèrent depuis l'étranger, observe le chef adjoint de la plate-forme d'identification des avoirs criminels. Pour elles, les services sociaux français sont des marchés juteux. »

Une dépêche Reuters du 15 février 2006 confirme le fait que « la justice (est) débordée par les enquêtes visant des fraudes à l'assurance-chômage, commises par des groupes organisés qui déclarent des sociétés fictives ».

Alors que les informations se multiplient pour attester du développement de ce phénomène, l'UNEDIC, dans un communiqué du 21 février 2006, fournit pourtant des données se voulant rassurantes : « les cas de fraudes constatés s'élèvent à ce jour à 19 affaires concernant 6 400 personnes pour environ 80 millions d'euros ».

À l'heure où le déficit cumulé de l'Assurance Chômage avoisine les 14 milliards d'euros, il n'est toutefois pas concevable que les gestionnaires du régime d'Assurance Chômage et les pouvoirs publics admettent plus longtemps que des prestations puissent être versées, sans que les cotisants et ayant droits aient la certitude qu'elles sont pleinement justifiées.

Il est temps que l'Assurance Chômage s'inspire de l'effort salutaire de lutte contre les fraudes mené par l'Assurance Maladie, sans lequel la légitimité de l'actuel système d'indemnisation des demandeurs d'emploi risque d'être fortement affectée.

Les moyens de contrôle de l'UNEDIC et des ASSEDIC sont notoirement insuffisants. La Cour des comptes, qui avait déjà alerté les pouvoirs publics sur ce point dans son rapport public de 1999, l'a encore très récemment rappelé dans son rapport de mars 2006 intitulé « L'évolution de l'assurance chômage : de l'indemnisation à l'aide au retour à l'emploi ».

Les agents chargés de la lutte contre la fraude de ces deux organismes ne sont pas habilités à consulter les fichiers des URSSAF, organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

L'UNEDIC, qui n'a créé un département de lutte contre les fraudes qu'en 2004, est dans l'impossibilité matérielle d'effectuer des contrôles systématiques car les entreprises ne déclarent actuellement qu'une masse salariale ainsi qu'un effectif, mais pas l'identité de tous leurs salariés.

Si le porte-parole de l'UNEDIC a récemment annoncé que cette dernière pourra « bientôt croiser totalement les informations des employeurs et celles des salariés », comme l'avait prévu la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, aucun échéancier n'a été annoncé pour la mise en place de ces nouvelles formalités. Dans un article du 27 janvier dernier, les Échos révèlent en effet que « les adaptations informatiques nécessaires, coûteuses et complexes, s'annoncent difficiles à mettre en place ».

Bien que l'ampleur de ce nouveau type de fraudes mérite d'être relativisée au regard des 28 milliards d'euros de prestations de chômage versées en 2005 par l'Assurance Chômage, il n'en reste pas moins que la Représentation Nationale ferait œuvre utile en évaluant les moyens de contrôle de l'UNEDIC et des ASSEDIC et en formulant des propositions pour renforcer leur efficacité.

Tel est l'objet de la présente proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Conformément aux articles 140 et suivants du Règlement, il est créé une commission d'enquête de trente membres chargée d'évaluer les moyens de contrôle de l'UNEDIC et des ASSEDIC et de formuler des propositions pour les améliorer.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121045-5
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2969 - Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête chargée d'évaluer les moyens de contrôle de l'UNEDIC et des ASSEDIC ainsi que de formuler des propositions pour les améliorer (M. Dominique Tian)


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