N° 3071 - Proposition de résolution de M. François Brottes tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers et sur la nécessité de mettre en oeuvre des mécanismes de régulation




 

N° 3071

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mai 2006.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les
conditions de formation des prix
sur le
marché de l'électricité,
sur leurs
conséquences pour les entreprises
et les
particuliers
et sur la nécessité de mettre en
œuvre
des
mécanismes de régulation,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. François Brottes, Jean-Marc AYRAULT, Christian BATAILLE, Pierre DUCOUT, Henri EMMANUELLI, Didier MIGAUD, Éric BESSON, Augustin BONREPAUX, Jean-Louis DUMONT, Jean-Pierre BALLIGAND

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

Députés.

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Lors de son audition le 15 décembre 2004 devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Pierre Gadonneix, président d'EDF, annonçait qu'en complément d'une ouverture de capital, des futures cessions d'actifs et au regard des prévisions sur les marges et les coûts de l'entreprise, il comptait, pour financer la politique de développement d'EDF « sur une évolution des tarifs, au rythme de l'inflation, et des prix. Les tarifs et les prix se rapprocheront ainsi, les prix du marché pouvant se stabiliser aux environs de 35 euros par mégawatt heure ».

Or, un peu plus d'un an après cette déclaration, le prix du marché atteint 45 à 60 euros pour les entreprises, sans que cela ne soit le reflet d'une augmentation proportionnelle des coûts de production pour EDF.

Face à ce décalage, et à la veille de la probable décision du Gouvernement d'ouvrir totalement le marché de l'électricité le 1er juillet 2007, le président d'EDF, lors de son audition devant la commission des finances le 4 avril dernier, n'a pu justifier ni cette augmentation des prix qui pèse pourtant lourdement sur la compétitivité des entreprises françaises et notamment des petites et moyennes entreprises, ni l'utilisation qui en est faite.

Les derniers résultats financiers d'EDF pour 2005 marquent une progression sensible de l'ensemble des indicateurs financiers du groupe. Le chiffre d'affaires s'élève à plus de 51 milliards d'euros, en hausse de 10,6 %. L'excédent brut d'exploitation, mesuré par l'EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Dépréciation and Amortisation - Résultat avant frais financiers, fiscalité, dotations aux amortissements et provisions pour dépréciation d'actifs) progresse également de 3,6 % pour atteindre 13 milliards d'euros et le résultat net double pour s'établir à 3,2 milliards d'euros. La dette financière, qui constituait la principale fragilité de l'entreprise, baisse de 8,6 % pour atteindre 18,6 milliards d'euros, soit un niveau inférieur à celui des fonds propres, qui représentent près de 20 milliards d'euros.

La bonne santé financière de l'entreprise rend difficilement compréhensibles les fortes hausses de prix constatées.

Comme l'avaient dénoncé les députés socialistes lors des débats parlementaires de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, la situation actuelle d'EDF s'inscrit malheureusement dans la logique constatée lors de toute privatisation d'un opérateur historique : ouverture du capital - suppressions d'emplois - augmentation des prix.

Ouverture du capital : elle a été réalisée fin octobre 2005. Elle place inévitablement l'État dans une situation difficile, entre satisfaction de l'actionnariat privé et limitation de l'augmentation des tarifs par rapport aux prix du marché.

Suppressions d'emplois : elles sont annoncées le 7 décembre 2005, afin d'alléger les charges de personnel, au détriment des missions de service public puisque seules les fonctions commerciales voient leur effectif maintenu. Dès lors, on peut s'interroger sur la sincérité du contrat de service public signé entre l'État et EDF en matière de continuité du service sur tout le territoire.

Augmentation des prix de l'électricité : elle touche aujourd'hui les industries consommatrices d'électricité. À compter du 1er juillet 2007, elle touchera les particuliers.

Les effets de la hausse des prix sur les entreprises

L'ouverture du marché a offert aux entreprises un semblant d'alternative entre prix libre et tarif régulé.

Pour les industriels qui ont fait le choix du marché, c'est-à-dire environ 30 % des entreprises, le coût de la facture d'électricité a déjà fortement augmenté. Certains gros consommateurs, comme les hôpitaux, intéressés a priori par les perspectives de baisse des prix, se trouvent aujourd'hui dans des situations financières difficiles. Le simple fait qu'ils étaient libres de leurs choix ne peut constituer une réponse satisfaisante à leur situation aujourd'hui alarmante.

Pour ceux qui sont restés au tarif régulé, les menaces s'accumulent. L'ouverture totale du marché à la concurrence au 1er juillet 2007 se traduira inévitablement par une augmentation importante des prix, les tarifs régulés venant s'aligner sur les prix de marché.

Cet alignement du prix de l'électricité sur les prix du marché mondial revient à priver les entreprises et les particuliers du bénéfice des choix stratégiques en matière d'énergie faits par la France depuis quarante ans. Le développement du parc nucléaire a notamment été justifié par une volonté d'assurer l'indépendance énergétique et une électricité à bas coût. Cet avantage comparatif pour les entreprises françaises risque d'être remis en cause et de disparaître après l'ouverture totale et prochaine du marché.

Ainsi, cette hausse a un impact direct sur la compétitivité des entreprises établies en France. Elle fait peser de réels risques sur la pérennité des industries électro-intensives sur notre territoire.

Certes avec l'article 43-II de la loi de finances rectificative pour 2005 n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, les industriels à forte consommation d'électricité peuvent s'organiser en groupement d'achat d'électricité. Mais les conditions d'adhésion au groupement, telles que prévues à l'article 238 bis HW du code général des impôts, ne bénéficient qu'à certains sites, créant ainsi des risques de distorsion de concurrence, voire de pratique discriminatoire, entre des industriels du même secteur.

En toute hypothèse, l'existence du consortium ne permettra pour ses membres qu'une atténuation partielle des conséquences de la volatilité des prix sur le marché mondial, sans véritable effet sur les risques de délocalisation notamment pour les secteurs de la sidérurgie ou de la papeterie.

Les conséquences pour les particuliers

Pour les particuliers, la décision prochaine du Gouvernement d'ouverture du marché de l'électricité aura également une incidence directe sur les tarifs.

D'ores et déjà, le contrat de service public signé le 24 octobre 2005 prévoit une hausse des tarifs correspondant à l'inflation alors que les contrats précédents organisaient une baisse tendancielle.

Ces mouvements à la hausse continue des prix et tarifs posent donc directement la question de la régulation du marché.

À cet égard, il est indispensable de s'interroger sur le rôle de la commission de régulation de l'énergie (CRE), qui semble actuellement se limiter à celui de « super observatoire » du marché de l'énergie. Étant donné le peu de cas que fait le Gouvernement de ses avis, tant sur l'évolution des tarifs que sur la modification du paysage industriel, la commission ne remplit en fait aucune mission de régulation du marché.

Lors du débat parlementaire sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie en 2005, le renforcement des pouvoirs de la CRE avait été proposé, mais la majorité parlementaire, de l'aveu même du Président de la CRE, Jean Syrota, s'y était opposée. Il constatait que la CRE ne conservait ainsi « qu'une mission de surveillance des marchés organisés et des échanges aux frontières mais l'essentiel, c'est-à-dire la formation des prix et les échanges de gré à gré, a été retiré ».

Pour ces raisons, il est indispensable, avant le rendez-vous du 1er juillet 2007, que la représentation nationale soit parfaitement informée sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers, et sur les mécanismes de régulation à mettre en place avant cette échéance.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé en application des articles 140 et suivant du Règlement de l'Assemblée nationale une commission d'enquête de trente membres sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers, et sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de régulation.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121223-7
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 3071 - Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions de formation des prix sur le marché de l'électricité, sur leurs conséquences pour les entreprises et les particuliers et sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de régulation (M. François Brottes)

1 () Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Élisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Éric Jalton, Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget,
MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM.  Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

2 () MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.


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