N° 31 - Rapport de M. Guy Drut sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale civile entre la République française et la République du Paraguay(11)




Document

mis en distribution

le 19 juillet 2002

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N° 31

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juillet 2002

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay,

PAR M. GUY DRUT,

Député

--

Voir les numéros :

Sénat : 217, 219,220, 289 (1999-2000) et T.A. 11, 12, 13 (2000-2001)

Assemblée nationale : 9, 10, 11

Traités et conventions

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LA LENTE CONSTRUCTION DE L'ÉTAT DE DROIT 7

A - DES HEURTS RÉPÉTÉS 7

B - UN ENGAGEMENT CONTRE L'IMPUNITÉ 8

C - UN SYSTÈME JUDICIAIRE ET CARCÉRAL ENCORE À AMÉLIORER 8

II - TROIS CONVENTIONS DESTINÉES À DÉVELOPPER LA
COOPÉRATION JUDICIAIRE ENTRE LA FRANCE ET LE PARAGUAY
9

A - LA CONVENTION D'EXTRADITION 9

B - LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE 10

C - LA CONVENTION SUR LE TRANSFÈREMENT DES
PERSONNES CONDAMNÉES
11

CONCLUSION 12

EXAMEN EN COMMISSION 13

Mesdames, Messieurs,

Les années 1990 ont vu le retour ou l'émergence de régimes démocratiques dans la quasi-totalité des pays d'Amérique latine, région habituée jusque-là à de fréquents coups d'Etat militaires. L'approfondissement de l'Etat de droit a ainsi conduit la France à chercher à étendre son réseau conventionnel en matière de coopération judiciaire avec les pays d'Amérique latine. Ceux-ci disposent en effet dorénavant de systèmes judiciaires qui se rapprochent du nôtre.

En outre, le développement de la criminalité transnationale rend nécessaire un renforcement de la coopération internationale dans le domaine judiciaire afin d'éviter que ne persistent des zones d'impunité et de refuge pour les criminels. Or il faut reconnaître que l'Amérique latine a longtemps eu la réputation de constituer une telle zone, ce à quoi la majorité des gouvernements latino-américains veulent aujourd'hui mettre fin.

Ainsi, notre Assemblée est régulièrement saisie depuis quelques années de projets de loi autorisant l'approbation de conventions de coopération judiciaire (entraide pénale ou extradition) avec des pays d'Amérique latine. Ce mouvement a débuté par la signature avec le Mexique, en 1994, de conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition. Ces deux conventions ont par la suite servi de modèles dans les négociations entamées avec de nombreux pays, qui ont notamment abouti avec le Brésil, la Colombie, l'Uruguay, l'Argentine, la République dominicaine, et avec le Paraguay, avec lequel la France a conclu les trois conventions de coopération judiciaire que nous examinons aujourd'hui.

I - LA LENTE CONSTRUCTION DE L'ÉTAT DE DROIT

A - Des heurts répétés

Le Paraguay a subi pendant 35 ans, entre 1954 et 1989, une dictature militaire particulièrement autoritaire, dirigée par le général Stroessner. Ce dernier est renversé en février 1989 par le général Rodriguez, élu Président de la République quelques mois plus tard.

Toutefois la transition vers la démocratie ne s'est pas effectuée sans heurt. En effet, le Paraguay a connu des difficultés pour surmonter les obstacles qui se dressent devant toute démocratie en gestation.

Ainsi, après une période relativement calme entre 1989 et 1996, le pays a connu des crises répétées. Certes, dans les premières années de transition, les structures d'une démocratie moderne ont été mises en place dans le cadre de la constitution de 1992 : un président civil, Juan Carlos Wasmosy, a été élu en 1993, lequel a remis en cause les liens traditionnels entre l'armée et le pouvoir, la justice a été profondément réformée, les principales libertés publiques reconnues et des réformes économiques entreprises.

Cependant, à partir de 1996, le Paraguay rentre dans une période de profonde instabilité. En effet, élu grâce à l'appui du général Oviedo, chef de l'armée de terre, le Président Wasmosy cherche rapidement à s'affranchir de sa tutelle, conduisant ce dernier à lancer une tentative de coup d'Etat en avril 1996. Si cette tentative échoue, elle débouche sur un affrontement de longue durée entre partisans et opposants du général Oviedo, qui va marquer la vie politique paraguayenne jusqu'à aujourd'hui.

En 1997, le général Oviedo remporte les élections internes du parti Colorado, incitant le Président Wasmosy à le faire arrêter et condamner pour sa participation au coup d'Etat de 1996. Pour autant, c'est un fidèle du général, M. Cubas, qui est élu président de la République en 1998. Il ordonne immédiatement sa libération, provoquant une nouvelle crise politique. C'est dans ce contexte qu'intervient l'assassinat du vice-président Argana, ennemi du général Oviedo. La crise politique est profonde, ponctuée de manifestations, d'affrontements meurtriers... Sous la pression du Brésil et des Etats-Unis, le Président Cubas démissionne en mars 2000 et quitte le pays, le général Oviedo est également contraint à l'exil. La présidence est alors confiée au président du Sénat, M. Gonzalez Macchi. Pour autant, la menace oviédiste reste prégnante, comme l'a illustré une nouvelle tentative de coup d'Etat en mai 2000. Certes, le général a été arrêté au Brésil le 11 juin 2000, et son extradition a été demandée par le Paraguay, mais certains de ses partisans ont quitté le parti Colorado et fondé leur propre parti dans la perspective des élections de 2003. La situation politique du Paraguay est donc loin d'être stabilisée, il faut espérer que les élections de l'année prochaine permettront une pacification de la vie politique du pays.

B - Un engagement contre l'impunité

Dans le cadre de la constitution de 1992, le système judiciaire a été profondément réformé et a pris ses distances avec le pouvoir politique. Il faut par exemple remarquer que, contrairement à beaucoup d'autres pays de la région comme l'Argentine ou le Chili, le Paraguay n'a pas cherché à évacuer le débat sur les responsabilités individuelles pendant la dictature du général Stroessner. En effet sous l'impulsion du Tribunal éthique contre l'impunité au Paraguay, des poursuites ont été lancées contre l'ancien dictateur et son ancien ministre de l'intérieur. Elles ont pour l'instant débouché sur le lancement d'un mandat d'arrêt international par le juge Carlos Alfredo Escobar contre Alfredo Stroessner, actuellement réfugié au Brésil.

Par ailleurs, la justice paraguayenne n'a pas hésité à lancer des poursuites pour corruption contre l'ex-président Wasmosy, qui a été condamné à quatre ans de prison.

La volonté de la justice paraguayenne de participer à la construction d'un véritable Etat de droit est manifeste, elle légitime la volonté des autorités françaises de renforcer la coopération judiciaire entre nos deux pays par l'intermédiaire des trois conventions que nous examinons aujourd'hui.

C - Un système judiciaire et carcéral encore à améliorer

Différents rapports (des ONG, des églises, des institutions onusiennes...) soulignent que des progrès restent à faire dans le domaine du respect des droits de l'homme, et notamment en ce qui concerne les droits de la défense.

Cependant, les principaux manquements constatés relèvent de la perpétuation de comportements anciens de la part d'individus isolés dans la police, l'armée ou le système carcéral. Les autorités centrales essayent au contraire de faire appliquer une législation aujourd'hui tout à fait satisfaisante en ce qui concerne les libertés publiques, du moins en théorie. Ainsi, les pouvoirs publics coopèrent de manière ouverte avec les ONG et acceptent volontiers les inspections effectuées par les organismes internationaux, comme la Cour interaméricaine des droits de l'homme.

Des critiques très sévères ont il est vrai été formulées quant aux conditions de détention des suspects de droit commun, y compris mineurs. D'ailleurs, des épisodes dramatiques ont été à déplorer dans les prisons paraguayennes, notamment des incendies suite à des mutineries, comme celui qui a fait 23 morts et 250 blessés dans le pénitencier régional du Haut Parana en décembre 2001. Ces mutineries s'expliquent généralement par la dureté des conditions de détention, en contradiction avec les règlements officiels. Le Gouvernement en est conscient et ouvre ses prisons aux observateurs étrangers. Il a par exemple signé en octobre dernier un accord avec le Comité international de la Croix-rouge pour lui permettre de rendre visite aux détenus privés de liberté suite à la tentative de coup d'Etat de mai 2000.

II - TROIS CONVENTIONS DESTINÉES À DÉVELOPPER LA COOPÉRATION JUDICIAIRE ENTRE LA FRANCE ET LE PARAGUAY

A - La convention d'extradition

La Convention signée le 16 mars 1997 est conforme aux principes généraux du droit français de l'extradition tels qu'ils résultent de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers, de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et des conventions récemment conclues par la France, notamment avec des pays d'Amérique latine.

Les deux Etats s'engagent à se livrer réciproquement toute personne poursuivie pour une infraction pénale ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine. L'infraction doit revêtir un certain caractère de gravité : ne peuvent donner lieu à extradition que les infractions passibles d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans. Si l'extradition est demandée en vue de l'exécution d'un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois.

Les cas de refus d'extradition prévus par la Convention sont classiques. L'extradition doit ainsi être refusée dans certains cas tels que les infractions politiques ou militaires. Elle doit être également refusée lorsque la personne réclamée a fait l'objet d'un jugement définitif pour infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée. Les autres cas de refus de droit s'inspirent des conventions d'extradition récemment conclues par la France. L'Etat requis doit refuser l'extradition s'il a de sérieuses raisons de croire que la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques. La même obligation s'impose lorsque la personne réclamée serait jugée par un tribunal d'exception.

L'extradition doit également être refusée si l'infraction est punie de la peine capitale par la législation de l'Etat requérant, à moins que celui-ci ne donne des assurances jugées suffisantes par l'Etat requis, que la peine capitale ne sera pas exécutée. Cette clause est traditionnelle dans les conventions signées par la France, bien que la peine capitale ne soit prévue par la législation française, ni par la législation paraguayenne. Par ailleurs, cette convention comporte également une clause concernant la détention perpétuelle, son éventualité pouvant empêcher l'extradition en l'absence de mécanismes d'exécution des peines pouvant bénéficier à la personne condamnée. Bien que peu fréquente, cette clause ne constitue pas une innovation, elle se trouve par exemple dans la convention d'extradition signée avec l'Uruguay. La France en effet demande l'introduction de cette clause avec les pays qui n'appliquent pas de peines de prison perpétuelle afin de ne pas se voir opposer des refus systématiques d'extradition dans de telles hypothèses. L'absence d'une telle stipulation dans la convention européenne d'extradition rend par exemple difficile les procédures d'extradition avec le Portugal, pays qui n'inflige pas de peines de prisons perpétuelles.

En ce qui concerne l'extradition des nationaux, la convention reprend la formulation de la convention signée avec l'Uruguay, à savoir une simple faculté de ne pas extrader ses propres citoyens pour l'Etat requis. Conformément à la législation de 1927, la France ne peut donc pas extrader de citoyens français vers le Paraguay.

La convention énumère les cas dans lesquels l'extradition peut être refusée, notamment pour des considérations humanitaires.

Un certain nombre de garanties entourent la procédure et la personne extradée. La Convention réaffirme le principe de la spécialité de l'extradition. L'Etat requérant ne saurait tirer profit de la présence de l'extradé sur son territoire pour le poursuivre, le juger ou le détenir pour des faits différents de ceux ayant motivé l'extradition ou antérieurs à la remise de la personne réclamée, sauf exceptions limitativement énumérées. La Convention fixe également les conditions et la durée de la détention provisoire qui ne doit, en aucun cas, excéder soixante jours.

B - La convention d'entraide judiciaire

Les stipulations de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Paraguay s'inspirent très largement de celles de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, ratifiée par la France le 23 mai 1967, laquelle avait déjà inspiré l'accord conclu en la matière entre la France et le Mexique du 27 janvier 1994.

Les deux Etats s'engagent à s'accorder mutuellement l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions dont la répression est de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante (article premier).

Le principe d'entraide est assorti d'exceptions. Les exceptions au principe de l'entraide judiciaire concernent l'exécution des décisions d'arrestation et les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

Les principales possibilités de refus sont classiques (article 4), elles s'inspirent de la convention européenne et se rapportent aux infractions politiques et aux demandes d'entraide de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis.

L'Etat requis fait exécuter, dans les formes prévues par sa législation, les demandes d'entraide qui ont pour objet d'accomplir des actes d'enquête ou d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des documents (article 5).

La Convention prévoit les formalités relatives à la remise des actes judiciaires et les conditions de comparution des témoins, experts et personnes poursuivies, assorties des restrictions et des garanties habituelles.

La Convention organise également la communication des extraits de casier judiciaire (article 15).

La Convention fixe les règles concernant le contenu de ces demandes ainsi que la traduction des demandes et des pièces les accompagnant.

L'exécution des demandes d'entraide ne donne lieu au remboursement d'aucuns frais, à l'exception de ceux résultant d'expertises et de transfèrement des personnes détenues.

C - La convention sur le transfèrement des personnes condamnées

La convention relative au transfèrement des personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine entre la France et le Paraguay, signée le 16 mars 1997, reprend pour l'essentiel les dispositions de la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983. Elle est donc tout à fait classique dans ses modalités.

Ce type de convention est très utile lorsqu'il existe un risque d'accroissement du nombre de ressortissants de l'une des Parties condamnés et emprisonnés par l'autre Partie. En effet, il est préférable pour la réinsertion future d'une personne condamnée que celle-ci purge sa peine dans un environnement culturel et social qui lui est habituel, lui permettant notamment de plus nombreuses visites.

Le champ d'application de la convention est très large. Le principe est l'acceptation de toutes les demandes de transfèrement, même si la convention prévoit des possibilités de refus de transfèrement lorsque l'Etat de condamnation considère qu'un transfèrement porterait atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité ou à son ordre public, ou si le condamné n'a pas réglé toutes les sommes qu'il doit.

Le transfèrement soumis à certaines conditions juridiques. La plus importante réside probablement dans l'obligation d'un consentement de la part de la personne intéressée. Ainsi aucun détenu ne peut être transféré contre son choix de la France vers le Paraguay, ou inversement.

Cette convention respectant scrupuleusement les droits des personnes condamnées, son entrée en vigueur constituera un progrès pour ces dernières.

CONCLUSION

Le développement de la coopération judiciaire internationale est une nécessité impérative. Les progrès de l'Etat de droit en Amérique latine ont permis à la France de tisser dans cette région un réseau de conventions de coopération judiciaire très dense. Ainsi, ces conventions avec le Paraguay permettront de confirmer cette tendance.

Pour toutes ces raisons, votre Rapporteur vous demande d'adopter les présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 10 juillet 2002.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté les projets de loi (nos 9, 10 et 11).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des conventions figure en annexe aux projets de loi (nos 9, 10 et 11).

N° 0031 -  Rapport de M. Guy Drut sur le projet de  transfèrement des personnes condamnées-extradition-entraide judiciaire en matière pénale avec le Paraguay


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