N° 181 - Rapport de M. Patrice Martin-Lalande sur la proposition de résolution de M. Jean-Pierre BRARD et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique d'acquisitions d'entreprises de Vivendi Universal, sur la capacité de Vivendi Environnement de remplir ses missions de service public après sa cession partielle, et sur l'avenir de ce secteur d'activité de Vivendi Universal ainsi que sur les conséquences fiscales du montage de cession (5)




Document
mis en distribution
le 6 août 2002

graphique

N° 181

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er août 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION :

- (n° 5) de M. Jean-Pierre BRARD, tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique d'acquisitions d'entreprises de Vivendi Universal, sur la capacité de Vivendi Environnement de remplir ses missions de service public après sa cession partielle, et sur l'avenir de ce secteur d'activité de Vivendi Universal ainsi que sur les conséquences fiscales du montage de cession,

- (n° 22) de M. Philippe HOUILLON, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les dysfonctionnements qui ont entraîné l'effondrement du cours boursier de Vivendi Universal, sur la fiabilité des mécanismes de contrôle internes et externes et sur les moyens propres à les améliorer,

PAR M. Patrice MARTIN-LALANDE,

Député.

____

Entreprises.

I.- LA RECEVABILITÉ JURIDIQUE DE LA PROPOSITION 5

II.- UN TRIPLE QUESTIONNEMENT LÉGITIME 7

A.- LA SITUATION DE VIVENDI UNIVERSAL 7

B.- LA QUALITÉ DE L'INFORMATION FINANCIÈRE ET LA RÉGULATION DES MARCHÉS FINANCIERS 8

C.- LE PROBLÈME DU SECTEUR DE LA DISTRIBUTION DE L'EAU EN FRANCE 9

III.- LES ORGANES COMPÉTENTS SONT SAISIS ET LE PARLEMENT EST D'ORES ET DÉJÀ TENU INFORMÉ 11

EXAMEN EN COMMISSION 13

Laisser cette page blanche sans numérotation.

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a été saisie de deux propositions de résolution (n°s 5 et 22), présentées respectivement par M. Jean-Pierre Brard et M. Philippe Houillon, demandant la création d'une commission d'enquête portant :

- pour la première, sur les difficultés récentes de l'entreprise Vivendi Universal, ainsi que de sa filiale Vivendi Environnement, spécialisée dans la distribution d'eau ;

- pour la seconde, sur les dysfonctionnements ayant entraîné l'effondrement du cours des titres de Vivendi Universal, et sur la fiabilité des mécanismes de contrôles financiers internes et externes.

I.- LA RECEVABILITÉ JURIDIQUE DE LA PROPOSITION

Il résulte des dispositions combinées de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du règlement de l'Assemblée nationale que la recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est soumise à deux conditions :

- les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires ;

- la proposition doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête doit examiner la gestion.

S'agissant de la première condition, la réponse du Garde des sceaux aux notifications de dépôt des propositions de résolution a été transmise au Président de l'Assemblée nationale le 22 juillet. Elle indique que, à la connaissance du ministre, aucune enquête pénale n'était en cours, au jour de la réponse, sur ces faits. Cependant, depuis lors, la presse s'est fait l'écho du dépôt de plaintes par des actionnaires « petits porteurs » des titres Vivendi Universal.

La seconde condition pose également quelques difficultés.

En premier lieu, ni Vivendi Universal, ni ses filiales, notamment Vivendi Environnement, ne constituent des entreprises publiques. Certes, Vivendi Environnement et ses propres filiales sont concessionnaires ou délégataires du service public de l'eau dans de nombreuses communes françaises. Mais aucune des deux propositions ne se limite à cette partie du groupe Vivendi. Quant à la société de tête « Vivendi Universal », il s'agit d'une entreprise purement privée (1). Le Parlement n'a pas a priori de légitimité à intervenir s'agissant des conditions de la gestion d'une telle entité. Si l'on se réfère au champ de contrôle de la Cour des comptes en matière d'entreprises, tel que défini par les articles L.133-1 à L.133-3 du code des juridictions financières, celle-ci n'aurait d'ailleurs pas plus le pouvoir de contrôler Vivendi Universal (2).

En ce qui concerne la chaîne « Canal plus », filiale non majoritaire (à 49 %) de Vivendi Universal, l'autorisation d'émettre qui lui a été accordée par le CSA n'emporte pas soumission au contrôle ni des juridictions financières, ni du Parlement, mais seulement à celui du CSA en ce qui concerne le respect du cahier des charges et des textes législatifs et réglementaires applicables en matière de communication audiovisuelle.

Dans les rares cas dans lesquels une commission d'enquête de l'Assemblée nationale a mené des investigations concernant des entreprises privées, celles-ci ont été en large part consacrées à la dimension publique de leur gestion, c'est-à-dire aux avantages, aides, exonérations fiscales, agréments divers, ...dont elles ont pu bénéficier (3), ou aux incidences économiques de leurs décisions, mais pas à leur gestion proprement dite. Son appréciation est en effet du ressort de leurs seuls actionnaires, ou, en cas de délit financier, de la justice pénale des tribunaux judiciaires ou administrative de la COB (commission des opérations de bourse), voire, si la présentation des comptes constitue une fraude fiscale, de l'administration chargée du contrôle de l'impôt.

Par ailleurs, les faits donnant lieu à enquête ne sont pas parfaitement identifiés dans les deux cas. La proposition n° 5 ne mentionne de manière explicite que le montage fiscal éventuellement mis en _uvre dans le cadre de la cession des titres Vivendi Environnement. La proposition n° 22 est plus précise, mais ne vise expressément que l'effondrement boursier récent du titre Vivendi Universal. On observera cependant que, malheureusement, celui-ci est loin d'être unique.


II.- UN TRIPLE QUESTIONNEMENT LÉGITIME

La création d'une commission d'enquête a pour objet de permettre au Parlement de faire toute la lumière sur une question présentant des points d'ombre, en mobilisant des pouvoirs d'investigation très étendus, en toute indépendance, notamment vis-à-vis du Gouvernement et de toutes les autorités indépendantes de contrôle et de régulation.

En l'espèce, il est vrai que le sort de Vivendi Universal et de Vivendi Environnement a occupé une part importante de l'actualité de la fin du mois de juin et du début du mois de juillet 2002, tant par l'importance du groupe et des sommes en jeu, que par l'ampleur de la chute du cours du titre de Vivendi Universal, ou par le niveau atteint par l'endettement du groupe.

Mais cette part a peut-être encore été surestimée par les médias, précisément en raison du rôle majeur de ce groupe dans le domaine de la communication, en France avec Canal Plus, mais également aux États-Unis, et de la figure particulière de l'ancien président de ce groupe.

Il n'est donc pas illégitime que le Parlement souhaite être pleinement informé des raisons qui ont pu conduire à la situation encore tendue de cette très grande entreprise, et cherche, le cas échéant, à éviter qu'une telle situation se reproduise, en particulier dans l'hypothèse où des dysfonctionnements seraient effectivement mis au jour.

Il convient cependant de souligner que les deux propositions de résolution visent en réalité plusieurs problèmes éventuels distincts. Le premier a trait uniquement au groupe Vivendi Universal. Les deux autres, beaucoup plus généraux, concernent, d'une part, la question de la qualité et du contrôle de l'information comptable et financière des entreprises faisant appel public à l'épargne, et, d'autre part, la question du risque du passage sous contrôle étranger de l'un des principaux acteurs de la distribution d'eau en France.

A.- LA SITUATION DE VIVENDI UNIVERSAL

Le titre Vivendi Universal a effectivement subi sur la période récente une chute que ses actionnaires n'ont pu estimer que vertigineuse.

Ainsi, le cours est passé, par une diminution quasi-continue, d'un plafond de l'ordre de 130 euros à la mi-1999, à un étiage inférieur à 15 euros à la fin juillet 2002, soit une perte de près des neuf-dixièmes de sa valeur. Sur les seuls derniers six mois, soit depuis début janvier 2001, le titre a perdu plus de 71 % de sa valeur. De ce fait, il est incontestable que les actionnaires dans leur ensemble, et notamment les salariés de l'entreprise, ont vu la valeur de leurs titres fortement réduite.

Mais les explications de cette évolution sont largement connues. Elle résulte en effet de multiples raisons tenant, d'une part, au contexte de décrochage général des marchés financiers (4), et, d'autre part, aux doutes sur la soutenabilité de la stratégie industrielle du précédent président de Vivendi Universal, aux maladresses de sa politique de communication, à l'importance de la dette contractée pour financer de lourdes acquisitions, -pour certaines effectuées au plus haut de la bulle spéculative Internet-, ainsi qu'aux risques de crise de liquidité possibles du groupe pour faire face aux échéances financières de court terme arrivant en juillet.

Néanmoins, le titre de Vivendi n'est pas le seul à avoir subi une fonte aussi sévère. Celle-ci a en effet affecté de nombreux autres grands groupes, notamment France Télécom ou Alcatel, liés aux marchés des télécommunications, d'Internet, de leurs équipementiers, et de la communication en général, en France comme sur les autres marchés financiers.

Enfin, s'agissant du devenir de la chaîne de télévision Canal Plus, sujet de nature à légitimement préoccuper le Parlement, la nouvelle direction de Vivendi Universal a fait publiquement savoir, le 22 juillet dernier, que ni Canal Plus, ni Canalsatellite, ni l'éditeur de chaînes Multithématiques ne seraient cédés, seules les chaînes étrangères étant en principe destinées à être vendues pour réduire l'endettement du groupe.

B.- LA QUALITÉ DE L'INFORMATION FINANCIÈRE ET LA RÉGULATION DES MARCHÉS FINANCIERS

Il est clair que la qualité de l'information financière et comptable constitue un pilier fondamental du bon fonctionnement des marchés financiers, et que, dans certains cas, une proximité excessive entre l'entreprise et ses auditeurs externes peut s'avérer extrêmement préjudiciable à la transparence vis-à-vis des actionnaires.

Cette question est cependant loin de ne préoccuper que l'opinion et les pouvoirs publics français. Ainsi, à la suite de possibles malversations comptables de grande ampleur, qui ont pu affecter des entreprises américaines de taille mondiale (5), le Président des États-Unis d'Amérique a lui-même récemment présenté un plan proposant de nombreuses mesures nouvelles pour améliorer les moyens matériels et juridiques de l'autorité de régulation des marchés financiers américains (la SEC (6)).

De l'avis même du président de la COB, M. Michel Prada, le dispositif juridique français fait cependant partie de ceux qui offrent les garanties les meilleures, notamment avec l'obligation de double commissariat aux comptes des entreprises d'une taille significative. Mais cela ne constitue pas, néanmoins, une garantie absolue. C'est pourquoi la COB est chargée de contrôler la pertinence et la régularité des informations financières et comptables rendues publiques par les entreprises (7), et dispose des moyens juridiques nécessaires pour mener à bien cette mission. S'agissant de Vivendi Universal, le président de la COB a d'ailleurs reconnu, lors de son audition le 24 juillet 2002 devant les commissions des Finances et de la Production de l'Assemblée nationale, que des discussions assez « musclées » avaient pu avoir lieu sur l'information financière de Vivendi Universal, qui avaient cependant permis de faire prévaloir le point de vue de l'autorité publique.

C.- LE PROBLÈME DU SECTEUR DE LA DISTRIBUTION DE L'EAU EN FRANCE

La question du devenir de Vivendi Environnement et plus largement du secteur de la distribution de l'eau en France constitue, à l'évidence, un sujet de nature à susciter les interrogations de l'Assemblée nationale.

Celles-ci ont cependant déjà été largement satisfaites. Sur un plan général, la MEC (mission d'évaluation et de contrôle de la commission des Finances) a effectué, durant l'année 2001, des travaux approfondis sur cette question, qui ont donné lieu à un rapport rendu public (n° 3081 du 22 mai 2001).

En ce qui concerne le cas particulier de Vivendi Environnement, l'audition du président de son directoire, M. Henri Proglio, le 23 juillet 2002, a permis de rappeler que l'opération de cession de titres de Vivendi Universal avait été menée à bien le 17 juillet dernier, malgré un contexte boursier incertain. Vivendi Environnement n'est donc plus maintenant détenue qu'à 40 % seulement par Vivendi Universal, qui s'est cependant engagée à détenir cette participation pendant au moins dix-huit mois. Une majorité de son capital (60 %) est détenue par des investisseurs indépendants, dont de nombreux institutionnels français, parmi lesquels de solides groupes français publics (Caisse des dépôts et consignations) et privés (BNP-Paribas, Crédit lyonnais, Société générale, Dexia, Natexis-Banques populaires, ...) représenteraient entre 13 % et 15 % du capital, renforçant ainsi l'ancrage français de l'entreprise.

Par ailleurs, Vivendi Environnement, ainsi devenue largement indépendante de son actionnaire principal, est considérée comme solvable et solide par les investisseurs et ses clients. En tout état de cause, selon M. Proglio, les problèmes actuels de Vivendi Universal ne sauraient nuire à la crédibilité de l'entreprise qu'il dirige, mais que, par ailleurs, Vivendi Environnement serait probablement amenée à changer de nom.

LAISSER CETTE PAGE BLANCHE SANS NUMEROTATION

III.- LES ORGANES COMPÉTENTS SONT SAISIS ET
LE PARLEMENT EST D'ORES ET DÉJÀ TENU INFORMÉ

La création d'une commission d'enquête pourrait constituer un moyen pour le Parlement d'être associé à un dossier que les autorités compétentes n'auraient pas souhaité, ou pas été en mesure de traiter conformément à leur mission.

En réalité, s'agissant du groupe Vivendi Universal, l'autorité compétente pour le contrôle des marchés financiers et de l'information financière qui fonde leur appréciation de la valeur des titres s'est déjà saisi du dossier. Le Président de la COB a ainsi indiqué qu'une enquête classique avait été diligentée par son directeur général, dans le cadre des pouvoirs d'investigation dont la COB est dotée en application des dispositions du code monétaire et financier qui la régissent. Cette enquête ne préjuge évidemment d'aucun dysfonctionnement particulier, mais sera susceptible de permettre de les identifier le cas échéant. Ainsi qu'il a été précédemment indiqué, le président de la COB a qualifié les discussions menées avec les auditeurs externes et les services de l'entreprise de « musclées », mais normales.

Plus largement, le président de la COB a été entendu par les commissions des finances et de la production, lors d'une audition conjointe, le 24 juillet dernier, déjà mentionnée.

De son côté, votre Rapporteur, par ailleurs Rapporteur spécial sur les crédits de la communication, a d'ores et déjà engagé une série d'investigations et d'entretiens destinés à permettre d'éclairer votre commission des Finances sur la question du devenir des activités de communication en France de Vivendi Universal, et notamment du groupe Canal Plus. Ces travaux seront naturellement poursuivis dans le cadre de la préparation de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, en application de la mission générale de contrôle et d'évaluation des rapporteurs spéciaux, précisée et enrichie par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Enfin, le ministre chargé de la communication a reçu, immédiatement après sa nomination, le nouveau président de Vivendi Universal, M. Jean-René Fourtou, pour lui signifier l'importance que l'avenir des entreprises qui composent ce groupe revêtait à ses yeux, dans le cadre de son champ de compétences. Il a notamment demandé à M. Fourtou de bien vouloir lui faire connaître « tout mouvement qui pourrait affecter l'une ou l'autre des activités du groupe » (8). De même, a-t-il fait savoir qu'il avait demandé à ses services de déterminer clairement les instruments de contrôle à la disposition du Gouvernement pour suivre ce dossier.

S'agissant de l'aspect distribution de l'eau par Vivendi Environnement, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, la commission de la production a, pour sa part, procédé, à l'audition du président du directoire de cette entreprise, le 23 juillet dernier.

Enfin, en ce qui concerne la régulation des marchés financiers et la garantie de la qualité de l'information comptable, le ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie a fait publiquement savoir, à l'occasion des rencontres de Paris Europlace le 12 juillet dernier, que le Gouvernement présenterait un important projet de loi sur la sécurité financière, visant notamment à fusionner les deux autorités de marché existantes (COB et Conseil des marchés financiers) et à renforcer la coopération entre autorités de contrôle.

De son côté, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes a fait savoir qu'elle présenterait, à la fin du mois d'août, une vingtaine de propositions pour améliorer la qualité du contrôle légal des comptes, qu'elle transmettra en parallèle à la COB et au ministère chargé de l'économie.

En tout état de cause, le Parlement sera donc appelé à l'automne à discuter des propositions de réforme permettant de pallier d'éventuels dysfonctionnements des dispositifs de régulation financière, et, dans tous les cas, de rationaliser et d'améliorer l'organisation et le poids des autorités de marché. Votre Rapporteur soulignera que cette réflexion et cette méthode pourront ainsi être menées dans un délai qui sera même plus court que les six mois prévus pour la remise du rapport d'une commission d'enquête, une fois le principe de sa création arrêté par l'Assemblée (9).

* *

*

Dans les circonstances actuelles, il ressort de ces différentes considérations qu'il est inutile de doter le Parlement d'un instrument de contrôle supplémentaire prenant la forme d'une commission d'enquête. Celle-ci serait au demeurant inadaptée au cas d'une entreprise n'appartenant pas au secteur public. La solennité de ses travaux et la publicité qui leur serait nécessairement donnée seraient d'ailleurs de nature à rendre encore plus difficile la tâche de la nouvelle direction de Vivendi Universal pour redresser celle-ci, ou de celle de Vivendi Environnement pour maintenir la solidité de cette entreprise dans l'opinion publique.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 1er août 2002, votre Commission des Finances a examiné les propositions de résolution de M. Jean-Pierre Brard, tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique d'acquisitions d'entreprises de Vivendi Universal, sur la capacité de Vivendi Environnement de remplir ses missions de service public après sa cession partielle, et sur l'avenir de ce secteur d'activité de Vivendi Universal ainsi que sur les conséquences fiscales du montage de cession (n° 5) et de M. Philippe Houillon, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les dysfonctionnements qui ont entraîné l'effondrement du cours boursier de Vivendi Universal, sur la fiabilité des mécanismes de contrôle internes et externes et sur les moyens propres à les améliorer (n° 22).

Votre Rapporteur a tout d'abord indiqué que les conditions juridiques de recevabilité des deux propositions de résolution demandant la création d'une commission d'enquête n'étaient pas parfaitement satisfaites. En effet, si la réponse du Garde des sceaux, datée du 22 juillet, indique qu'aucune enquête pénale n'était en cours à cette date, la presse a rapporté depuis lors le dépôt de plaintes ultérieures par des actionnaires minoritaires de Vivendi Universal. Par ailleurs, ni Vivendi Universal, ni Vivendi Environnement ne constituent des services publics ou des entreprises publiques, même si la seconde est, directement ou par le biais de ses filiales, délégataire ou concessionnaire de distribution d'eau.

Sur le fond, l'interrogation des auteurs des résolutions paraît légitime, qu'il s'agisse de l'effondrement du cours du titre Vivendi Universal supporté par ses actionnaires, et en particulier ses nombreux salariés actionnaires, des conséquences dommageables éventuelles des difficultés de cette entreprise sur sa filiale Vivendi Environnement et sur ses activités de service public de distribution de l'eau, ou encore des dysfonctionnements potentiels ou réels en matière de transparence de l'information comptable et financière et de régulation des marchés financiers.

Mais, sur ces points, le Parlement est loin d'être sous-informé. Les commissions des finances et de la production ont d'ores et déjà procédé à l'audition du président de la Commission des opérations de bourse (COB). La commission de la production a également auditionné le 23 juillet le président du directoire de Vivendi environnement, M. Henri Proglio. De son côté, la COB a indiqué avoir engagé une enquête sur l'information financière publiée par Vivendi Universal. Enfin, le gouvernement est attentif aux conséquences des difficultés de la gestion de Vivendi Universal sur le devenir de Canal Plus, et a annoncé le dépôt, d'ici la fin de l'été, d'un projet de loi relatif à l'amélioration de la sécurité financière, prévoyant notamment la fusion de la COB et du CMF (Conseil des marchés financiers) au sein d'une instance de régulation financière unique et plus puissante. Le Parlement sera donc amené à débattre de cette importante question dès l'automne, soit dans un délai inférieur à celui dans lequel une éventuelle commission d'enquête pourrait rendre son rapport. Votre Rapporteur a également souligné qu'en tant que rapporteur spécial des crédits de la communication, il pourrait contribuer à éclairer la commission dans le cadre des travaux préparatoires à la discussion du projet de loi de finances pour 2003.

Enfin, la solennité des travaux d'une commission d'enquête et la publicité qui ne manquerait d'être faite autour de ceux-ci pourraient encore dégrader la perception par les marchés et les actionnaires de la situation financière de Vivendi Universal et rendre plus difficile le redressement de l'entreprise par sa nouvelle direction.

Pour ces différentes raisons, la création d'une commission d'enquête ne paraît donc pas constituer l'instrument le mieux adapté pour répondre aux préoccupations légitimes et confirmées de l'Assemblée nationale sur les thèmes évoqués par les deux propositions de résolution. Il semble donc préférable, du moins dans les circonstances actuelles, de renoncer à la procédure de la commission d'enquête, lourde et présentant un risque de déstabilisation pour les entreprises considérées. Il conviendra, en revanche, de veiller à ce que les autres instruments d'information à la disposition de l'Assemblée nationale et de sa commission des Finances soient convenablement utilisés.

Votre Rapporteur s'est en conséquence prononcé pour le rejet des deux propositions de création de commission d'enquête.

M. Jean-Pierre Brard a souligné la légitimité des deux propositions de résolution, en rappelant qu'on ne peut pas poser de limite aux investigations du Parlement, sauf s'il existe des procédures judiciaires en cours, ce qui n'est pas le cas s'agissant de Vivendi. La constitution d'une commission d'enquête se justifie par la gravité des conséquences de la gestion de Vivendi. Notamment, Vivendi Universal a transféré près de 18 milliards de dettes sur Vivendi Environnement, mettant ainsi l'apurement de cette dette à la charge des 8.000 communes qui ont délégué la distribution de l'eau au groupe Vivendi. Dans ses déclarations sur la dérégulation de l'économie et le comportement de certains capitaines d'industrie, le président de la banque centrale américaine s'est lui-même prononcé en faveur d'une moralisation du capitalisme. Votree Rapporteur semble négliger les conséquences de la gestion de certaines entreprises sur les petits actionnaires, comme le montre l'exemple d'Eurotunnel et de France Télécom dont les salariés, après s'être endettés pour acquérir des actions, sont aujourd'hui dans une situation financière très difficile.

Dans l'hypothèse où la Commission n'adopterait pas la création d'une commission d'enquête, M. Jean-Pierre Brard a proposé une solution de substitution en demandant la création d'une mission d'information.

Tout en partageant les conclusions de votre Rapporteur, M. Philippe Auberger a estimé que la Commission devrait constituer une mission d'information sur le gouvernement d'entreprise et la sécurité des marchés financiers. Il importe en effet de vérifier si les sociétés appliquent correctement les dispositions introduites par la loi sur les nouvelles régulations économiques, et notamment la séparation des fonctions de président de celles de directeur général et la limitation du cumul des mandats. De même, il ne serait pas inutile que la Commission réfléchisse à la sécurité des marchés financiers avant d'examiner le projet de loi que le Gouvernement est en train de préparer.

M. Didier Migaud a estimé que les propositions de résolution soulèvent des problèmes de fond qui mériteraient d'être examinés par une formation plus large que la commission des Finances, et regretté que votre Rapporteur ne retienne pas la proposition de création d'une commission d'enquête. Il a réitéré la demande de création d'une mission d'information faite par M. Henri Emmanuelli, élargie au fonctionnement des organismes de contrôle et à la situation des épargnants.

M. François Goulard s'est déclaré favorable à la proposition de votre Rapporteur. Une commission d'enquête ou une mission d'information sont inopportunes : elles risqueraient d'interférer avec les travaux législatifs que la Commission mènera en examinant prochainement le projet de loi annoncé par le Gouvernement. A l'occasion de l'examen de ce texte, la Commission pourra organiser toutes les auditions qu'elle souhaite. Par ailleurs, le transfert de la dette de Vivendi Universal sur Vivendi Environnement ne peut pas avoir des conséquences sur le prix de l'eau, fixé de manière contractuelle.

M. Gilles Carrez, rapporteur général, a appuyé la proposition de votre Rapporteur. Il a rappelé que la Commission a d'ores et déjà pris l'initiative d'auditionner le président de la Commission des opérations de bourse (COB), et que d'autres auditions pourraient être organisées à l'occasion de l'examen du projet de loi en préparation. Après cet examen, la Commission pourra étudier l'opportunité de poursuivre ses travaux.

Votre Rapporteur a rappelé si l'on ne peut être hostile à ce que le Parlement se penche sur la gestion de certaines entreprises, la commission d'enquête ne constitue pas l'outil adéquat pour ce faire. Répondant à M. Jean-Pierre Brard, il a fait observer que, dans son intervention liminaire, il a fait état des conséquences de la crise de Vivendi sur les petits porteurs, et notamment sur les salariés du groupe. Il a enfin proposé que la Commission auditionne M. Jean-René Fourtou, président de Vivendi, afin notamment de vérifier la faisabilité d'une mission d'information.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information constituerait un signe de précipitation dommageable aux intérêts des petits porteurs et des salariés. Il a donné son accord pour auditionner le président de Vivendi au mois de septembre. Suite à cette audition et après avoir entendu le Gouvernement sur le prochain projet de loi, la Commission pourra, si besoin est, envisager de créer une mission d'information.

Votre Commission a ensuite rejeté, conformément à la position de votre Rapporteur, les deux propositions de résolution.

 

N° 0181 - Rapport de M. Patrice Martin-Lalande sur les propositions de résolution créant une commission d'enquête sur VIVENDI ENVIRONNEMENT et VIVENDI UNIVERSAL

1 () Selon les informations contenues dans le dernier rapport social du groupe Vivendi Universal, au 31 décembre 2001, près de 75 % du capital de Vivendi Universal est diffus sur le marché, les seuls actionnaires de référence étant la famille Bronfman (5,63% du capital), et le groupe Philips (3,62 %).

2 () Les juridictions financières, -chambres régionales des comptes ou Cour des comptes-, pourraient uniquement, en application de l'article L.111-4 du code des juridictions financières et dans le cadre du contrôle de l'autorité délégante du service public de distribution d'eau, contrôler les rapports produits par Vivendi Environnement et ses filiales en application de l'article 40-1 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

3 () Cf. Rapport n° 1667 du 2 juin 1999 de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur certaines pratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire. La principale traduction concrète des conclusions a été la création d'une commission nationale des aides publiques aux entreprises, qui n'a encore réalisé aucun travail.

4 () L'indice CAC 40 est passé de 4.500 points en janvier 2002 à moins de 2.900 en juillet, avec des chutes quotidiennes qui ont pu atteindre, à la fin juillet, près de 6 %. La perte de valeur de l'indice depuis janvier s'élevait à plus de 31 % le 25 juillet dernier.

5 () Enron, Worldcom, et un certain nombre d'autres.

6 () Securities and exchange committee

7 () La COB n'est pas chargée, en revanche, d'apprécier les questions de stratégie ou de contrôler la gestion.

8 () Il faut rappeler que, si les règles de propriété du capital des chaînes de télévision, et notamment de Canal Plus, empêchent leur passage sous contrôle étranger, il n'en va pas de même pour les autres actifs du secteur de la communication, à l'instar de Studio Canal, ...

9 () D'autant que l'Assemblée nationale ne pourrait être appelée à se prononcer sur la ou les propositions de résolutions durant la présente session extraordinaire, puisque celle-ci est réunie sur un ordre du jour déterminé qui n'inclut évidemment pas cette ou ces propositions,intervenues ultérieurement à l'ouverture de la session extraordinaire. En conséquence, dans le meilleur des cas, les conclusions d'une éventuelle commission d'enquête ne seraient connues qu'à compter de la fin mars 2003.


© Assemblée nationale