N° 1336 - Rapport de M. Jérôme Bignon sur le projet de loi organique , adopté avec modification par le Sénat après déclaration d'urgence, portant statut d'autonomie de la Polynésie française (1323)




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en distribution

le 12 janvier 2004

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N° 1336

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 janvier 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE (N° 1323), portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ET LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE (N° 1324), complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française,

PAR M. Jérôme BIGNON,

Député.

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- 1ère Partie -

Voir les numéros :

Sénat : 38, 39, 107 et T.A. 29 et 32 (2003-2004).

Assemblée nationale : 1323 et 1324.

INTRODUCTION 13

I. -  LES LIMITES DU CADRE STATUTAIRE ACTUEL 14

A. LA MARCHE VERS L'AUTONOMIE 14

1. 1946-1984 : la décentralisation administrative 14

2. 1984-1996 : le renforcement de l'autonomie 14

B. LES LIMITES DU STATUT DE 1996 15

1. Le statut de 1996 15

2. Les limites du statut actuel 16

C. LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE 17

1. Le projet de loi constitutionnelle de 1999 17

2. La révision constitutionnelle de mars 2003 18

II. -  L'AUTONOMIE INSTITUTIONNELLE POUR UNE AUTONOMIE ÉCONOMIQUE 19

A. LE POIDS ENCORE PRÉPONDÉRANT DES TRANSFERTS DE L'ÉTAT 20

B. LE DÉVELOPPEMENT DE CERTAINS SECTEURS PORTEURS 21

III. -  L'AUTONOMIE RENFORCÉE PROPOSÉE PAR LE NOUVEAU STATUT 22

A. LA MISE EN œUVRE DES NOUVEAUX PRINCIPES CONSTITUTIONNELS 23

1. Les lois du pays 23

2. La participation de la Polynésie française aux compétences de l'État 25

3. La mise en en place d'un système de discrimination positive 26

4. La transposition des dispositions sur le droit de pétition et le référendum décisionnel local 27

B. LES TRANFERTS DE COMPÉTENCES AU PROFIT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE. 27

1. Les compétences transférées 27

2. Le renforcement des compétences internationales 29

C. L'AMÉLIORATION DU FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS 29

1. Les changements terminologiques 29

2. Les modifications apportées au fonctionnement des institutions 30

3. Le renforcement du rôle des communes 31

DISCUSSION GÉNÉRALE 32

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE 35

TITRE IER -  DE L'AUTONOMIE 35

Article premier : Caractères généraux de la Polynésie française 35

Article 2 : Responsabilité conjointe de l'État et de la Polynésie française pour le développement de celle-ci 37

Article 3 : Rôle du haut-commissaire de la République 38

Article 4 : Représentation de la Polynésie française dans les institutions nationales 38

Article 5 : Dénomination des institutions de la Polynésie française 38

Article 6 : Communes de la Polynésie française 40

TITRE II -  L'APPLICATION DES LOIS ET RÉGLEMENTS EN POLYNÉSIE FRANÇAISE 41

Article 7 : Principe de spécialité - Conditions d'application des dispositions législatives et réglementaires 41

Article 8 : Entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires 43

Article 9 : Consultation de l'assemblée de la Polynésie française 44

Article 10 : Consultation du gouvernement de la Polynésie française 46

Article 11 : Modification ou abrogation des lois et décrets antérieurs 46

Article 12 : Modification ou abrogation de lois postérieures 47

TITRE III -  LES COMPÉTENCES 47

Chapitre Ier -  La répartition des compétences entre l'État, la Polynésie française et les communes 48

Article 13 : Compétence de principe des autorités de la Polynésie française 48

Section 1 -  Les compétences de l'État 48

Article 14 : Compétences des autorités de l'État 48

Section 2 -  Les compétences particulières de la Polynésie française 51

Article 15 : Représentation internationale de la Polynésie française 51

Article 16 : Arrangements administratifs 53

Article 17 : Conventions de coopération décentralisée 53

Article 18 : Protection du marché local du travail 54

Article 19 : Protection du patrimoine foncier 56

Article 20 : Sanctions pénales et administratives 58

Article 21 : Peines d'emprisonnement 58

Article 22 : Contraventions de grande voirie 59

Article 23 : Réglementation du droit de transaction 59

Article 24 : Casinos, cercles, jeux et loteries 59

Article 25 : Audiovisuel 60

Article 26 : Formation et recherche 61

Article 27 : Compétences de l'État en matière de défense nationale 61

Article 28 : Fonctionnaires des corps d'État pour l'administration de la Polynésie française 62

Article 29 : Création de sociétés d'économie mixte 62

Article 30 : Participation au capital de sociétés privées 62

Section 3 -  La participation de la Polynésie française à l'exercice des compétences de l'État 63

Article 31 : Champ d'application du principe de participation 64

Article 32 : Modalités de participation des institutions de la Polynésie française aux compétences de l'État 65

Article 33 : Délivrance des titres de séjour 66

Article 34 : Participation de la Polynésie française à certaines missions de police 67

Article 35 : Pouvoirs de police spéciale 68

Article 36 : Régime des actes relatifs à la communication audiovisuelle 68

Article 37 : Participation dans les domaines de l'enseignement supérieur et de la recherche 69

Article 38 : Accords internationaux dans les domaines de compétence de l'État 69

Article 39 : Accords internationaux dans les domaines de compétence de la Polynésie française 70

Article 39 bis (nouveau) : Accords internationaux à l'initiative de l'État dans les domaines de compétence de la Polynésie française 71

Article 40 : Participation aux négociations avec la Communauté européenne 71

Article 41 : Relations avec les organisations et organismes régionaux du Pacifique 72

Section 4 -  Les compétences des communes de la Polynésie française 72

Article 42 : Les compétences des communes 72

Article 43 : Raccordements aux réseaux communaux d'assainissement 73

Article 44 : Production et distribution d'électricité 73

Section 5 -  La domanialité 74

Article 45 : Répartition du droit de propriété 74

Article 46 : Domaine de la Polynésie française 74

Article 47 : Transfert d'une partie de l'aérodrome de Tahiti-Faaa 75

Section 6 -  Les relations entre les collectivités publiques 75

Article 48 : Délégations de compétences aux maires pour les mesures individuelles 76

Article 49 : Règles relatives aux marchés publics et délégations de service public 76

Article 50 : Délivrance des autorisations individuelles d'occupation du sol et des certificats d'urbanisme 76

Article 51 : Financement du logement social 77

Article 52 : Fonds intercommunal de péréquation 77

Article 53 : Impôts, taxes et redevances institués au profit des communes 79

Article 54 : Concours de la Polynésie française aux communes 79

Article 55 : Conventions de délégation de compétences 80

Article 56 : Extension du domaine public des communes 80

Section 7 -  L'identité culturelle 81

Article 57 : Le français et les langues polynésiennes 81

Article 58 : Collège d'experts fonciers 84

Chapitre II -  Les modalités des transferts de compétences 85

Article 59 : Compensation des charges correspondant aux compétences transférées à la Polynésie française 85

Article 60 : Transfert à titre gratuit à la Polynésie française de biens de l'État 86

Article 61 : Transfert à la Polynésie française de services de l'État 86

Article 62 : Mise à disposition des agents de l'État 87

TITRE IV -  LES INSTITUTIONS 88

Chapitre Ier -  Le président et le gouvernement de la Polynésie française 88

Section 1 -  Attributions et missions du président et du gouvernement 88

Avant l'article 63 88

Article 63 : Rôle du gouvernement 88

Article 64 : Rôle du président de la Polynésie française 88

Article 65 : Publication des actes au Journal officiel de la Polynésie française 90

Article 66 : Contreseing des actes du président de la Polynésie française 91

Article 67 : Délégation de pouvoirs du président de la Polynésie française 91

Article 68 : Information en matière de maintien de l'ordre 91

Section 2 -  Élection du président 92

Article 69 : Élection du président par l'assemblée de la Polynésie française 92

Article 70 : Proclamation et contestation des résultats 94

Article 71 : Délai d'élection du président de la Polynésie française 95

Article 72 : Durée du mandat du président de la Polynésie française 95

Section 3 -  Composition et formation du gouvernement 95

Article 73 : Formation du gouvernement 95

Article 74 : Conditions requises pour exercer les fonctions de membre du gouvernement 96

Articles 75 et 76 : Régime des incompatibilités 96

Article 77 : Déclaration d'option 99

Article 78 : Cessation des fonctions gouvernementales exercées par des membres de l'assemblée de la Polynésie française 99

Article 79 : Position de l'agent public et du salarié nommé membre du gouvernement 100

Article 80 : Démission du gouvernement 100

Article 81 : Démission d'un ministre 101

Article 82 : Recours contre les arrêtés concernant les membres du gouvernement 101

Section 4 -  Règles de fonctionnement 102

Articles 83 et 84 : Séance et ordre du jour du conseil des ministres 102

Articles 85 et 86 : Caractère secret des réunions du conseil des ministres 103

Article 87 : Régime indemnitaire des membres du gouvernement 103

Article 88 : Crédits de fonctionnement du gouvernement 104

Section 5 -  Attributions du conseil des ministres et des ministres 104

Article 89 : Attributions du conseil des ministres 104

Article 90 : Compétence réglementaire du conseil des ministres 105

Article 91 : Actes à caractère individuel du conseil des ministres 107

Article 92 : Délégation de compétence au président de la Polynésie française 110

Article 93 : Nominations effectuées en conseil des ministres 111

Article 94 : Peines d'amende et sanctions administratives 111

Articles 95 et 96 : Attributions individuelles et responsabilité des membres du gouvernement 112

Article 97 : Attributions consultatives du conseil des ministres 112

Article 98 : Vœux du conseil des ministres 114

Article 99 : Information du conseil des ministres sur les projets d'engagements internationaux 114

Article 100 : Information du conseil des ministres en matière monétaire et financière 114

Article 101 : Comité consultatif du crédit 115

2ème partie

Chapitre II -  L'assemblée de la Polynésie française

Section 1 -  Composition et formation

Section 2 -  Règles de fonctionnement

Section 3 -  Attributions de l'assemblée

Section 4 -  Attributions du président de l'assemblée

Section 5 -  « Lois du pays » et délibérations

Chapitre III -  Le conseil économique, social et culturel

Chapitre IV -  Les rapports entre les institutions

Chapitre V -  Participation des électeurs à la vie de la collectivité

Section 1 -  Pétition des électeurs de la Polynésie française

Section 2 -  Référendum local en Polynésie française

Chapitre VI -  Dispositions communes au président de la Polynésie française, aux membres du gouvernement de la Polynésie française et aux représentants à l'assemblée de la Polynésie française

Chapitre VII -  Le haut conseil de la Polynésie française

TITRE V -  LE HAUT-COMMISSAIRE ET L'ACTION DE L'ÉTAT

Chapitre Ier -  Le haut-commissaire de la République

Chapitre II -  Coordination entre l'État et la Polynésie française

Chapitre III -  Des concours de l'État

TITRE VI -  LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL, FINANCIER ET BUDGÉTAIRE

Chapitre Ier -  Le contrôle de légalité par le tribunal administratif

Chapitre II -  Le contrôle juridictionnel spécifique des « lois du pays »

Chapitre III -  Information de l'assemblée de la Polynésie française sur les décisions juridictionnelles intéressant la Polynésie française

Chapitre IV -  Dispositions relatives au contrôle budgétaire et comptable et à la chambre territoriale des comptes 182

TITRE VII -  DISPOSITIONS DIVERSES

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI COMPLÉTANT LE STATUT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

TITRE PREMIER -  DU HAUT-COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE ET DE L'ACTION DE L'ÉTAT

TITRE II -  DISPOSITIONS RELATIVES A LA FONCTION PUBLIQUE DE L'ÉTAT 197

TITRE III -  DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMMUNES ET À LEURS GROUPEMENTS

TITRE IV -  DISPOSITIONS RELATIVES À LA RESPONSABILITÉ ET LA PROTECTION DU PRÉSIDENT, DES MINISTRES ET DU PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

TITRE V -  DISPOSITIONS APPLICABLES À L'ÉLECTION DES REPRÉSENTANTS À L'ASSEMBLÉE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

TITRE VI -  DISPOSITIONS APPLICABLES À LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE

TITRE VII -  DISPOSITIONS RELATIVES AU TRIBUNAL FONCIER

TITRE VIII -  DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPTES

TITRE IX -  DISPOSITIONS DIVERSES

3ème et 4ème parties

TABLEAU COMPARATIF DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

5ème partie

TABLEAU COMPARATIF DU PROJET DE LOI

ANNEXE AUX TABLEAUX COMPARATIFS

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXE 1 - Délibérations de l'assemblée de la Polynésie française du 2 juillet 2003

ANNEXE 2 - Carte

MESDAMES, MESSIEURS,

Vingt ans après le premier statut d'autonomie de 1984, la Polynésie française va bénéficier d'une autonomie renforcée, devenant ainsi la première collectivité d'outre-mer à se voir appliquer les dispositions constitutionnelles issues de la réforme du 28 mars dernier.

Dans le cadre de ce nouveau statut, elle sera dotée d'attributions sans équivalent sur le territoire de la République. Mais, comme l'a souligné lui-même le président du gouvernement de la Polynésie française en septembre dernier, lors d'un discours prononcé à l'occasion de l'ouverture solennelle de la session budgétaire de l'assemblée de la Polynésie française, « notre autonomie n'est pas qu'un statut. C'est avant tout un outil au service du développement économique ».

De fait, entre 1996, date d'adoption de l'actuel statut, et 2002, le produit intérieur brut de la Polynésie française a augmenté de plus de 28 %, avec une croissance de 7,3 % pour la seule année 2000.

La délégation de la commission des Lois qui s'est rendue en Polynésie française du 25 au 30 août dernier (1) a pu constater sur place les effets du développement économique, jusque dans les archipels les plus éloignés. L'avis budgétaire élaboré par le rapporteur à la suite de cette mission rend d'ailleurs largement compte des progrès économiques et sociaux enregistrés depuis vingt ans.

Comme le rapporteur a déjà eu l'occasion de le souligner lors de la discussion budgétaire, l'autonomie souhaitée par la Polynésie française, loin de conduire à l'indépendance, peut au contraire l'aider à renforcer son ancrage au sein de la République. En donnant aux Polynésiens les moyens politiques et juridiques de gérer eux-mêmes les crédits attribués par l'État, elle contribue à diminuer l'influence des indépendantistes. Ainsi que l'a indiqué le Président de la République lors de son séjour en Polynésie française en juillet dernier, l'autonomie est en fait « l'expression d'un partenariat visant à favoriser le développement économique [du] territoire au sein de la République ».

La commission des Lois a approuvé les grandes lignes des deux projets qui lui ont été soumis, n'apportant que des modifications ponctuelles, destinées notamment à renforcer le rôle des communes et du conseil économique, social et culturel.

*

* *

I. -  LES LIMITES DU CADRE STATUTAIRE ACTUEL

A. LA MARCHE VERS L'AUTONOMIE

Sous protectorat depuis 1842, territoire d'outre-mer depuis 1946, la Polynésie française a connu quatre statuts différents avant d'accéder, en 1984, à l'autonomie interne.

1. 1946-1984 : la décentralisation administrative

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Etablissements français de l'Océanie sont transformés en territoire d'outre-mer, doté d'une assemblée représentative chargée des « intérêts propres du territoire ». Cette assemblée pouvait adopter des délibérations dans un certain nombre de matières, mais la préparation et l'exécution de ces décisions étaient confiées à un gouverneur nommé par l'État.

En application de la loi n° 56-619 du 23 juin 1956, dite « loi-cadre Deferre », qui autorisait le Gouvernement à doter les assemblées territoriales d'un pouvoir délibérant élargi et à mettre en place des conseils de gouvernement chargés des intérêts territoriaux, le décret du 22 juillet 1957 relatif à la Polynésie française a mis en place un premier statut : un conseil de gouvernement, comprenant de six à huit ministres élus par l'assemblée territoriale et présidé par le gouverneur, devenait l'exécutif du territoire. Les compétences de l'assemblée délibérante étaient élargies à de nouveaux domaines (commerce, transport, enseignement...) et celle-ci était autorisée, dans certaines matières, à prendre des délibérations immédiatement exécutoires.

Dès 1958, à la suite d'une période d'instabilité politique, une ordonnance mettait fin à cette organisation institutionnelle en renforçant le rôle du représentant de l'État. Les ministres, devenus simples conseillers, n'avaient plus de pouvoirs sur les services territoriaux.

Il fallut attendre prés de vingt ans, avec la loi n° 77-772 du 12 juillet 1977, pour que la Polynésie française puisse à nouveau bénéficier d'une certaine autonomie. Le territoire se vit alors doter de « l'autonomie administrative et financière », l'assemblée territoriale bénéficiant de la compétence de droit commun. Un conseil économique et social, chargé d'assurer la représentation des intérêts socio-professionnels, était par ailleurs mise en place. Le représentant de l'État demeurait toutefois l'exécutif du territoire.

2. 1984-1996 : le renforcement de l'autonomie

La loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 a mis en place le premier véritable statut d'autonomie. Son article premier rappelait que la Polynésie française était « un territoire d'outre-mer doté de l'autonomie interne dans le cadre de la République », qui pouvait déterminer ses signes distinctifs (drapeau, hymne) aux côtés des emblèmes de la République.

Le territoire était doté d'un exécutif élu par l'assemblée territoriale, le président du gouvernement, d'un conseil des ministres et d'une assemblée territoriale disposant d'une compétence générale, celles de l'État étant strictement énumérées. Le contrôle a priori des actes des autorités territoriales est remplacé par un contrôle a posteriori exercé par le juge administratif.

Le haut commissaire, représentant de l'État, avait la charge des intérêts nationaux, du respect des lois et de l'ordre public. Si de nouvelles compétences étaient confiées au territoire (enseignement secondaire, postes et télécommunications..), l'État restait compétent dans un certain nombre de matières considérées comme régaliennes (relations extérieures, défense, monnaie et crédits, droit civil...).

La loi du 12 juillet 1990, tout en maintenant l'architecture du statut de 1984, a renforcé les attributions du gouvernement du territoire, octroyé l'autonomie financière à l'assemblée territoriale, soumis les comptes du territoire au contrôle d'une chambre territoriale des comptes, mis en place un collège d'experts chargés de conseiller les autorités territoriales sur les questions particulièrement complexes concernant le foncier et créé les conseils d'archipels, qui n'ont finalement jamais été installés.

Cette loi a également accru les pouvoirs propres du président du gouvernement, notamment dans le domaine des relations internationales. La suppression de la double investiture, en permettant au président du gouvernement de ne plus soumettre la composition de celui-ci à l'approbation de l'assemblée territoriale, a participé à ce renforcement des pouvoirs présidentiels.

La loi du 20 février 1995 a également apporté quelques retouches au statut de 1984, en précisant, à la lumière de la jurisprudence administrative, la délimitation de certaines compétences partagées entre l'État et le territoire, en fixant la durée des sessions ordinaires, en déterminant le régime de transmission des actes de l'assemblée et de sa commission permanente au président du gouvernement et au haut commissaire et en modifiant le régime des sociétés d'économie mixte.

B. LES LIMITES DU STATUT DE 1996

Ces ajustements successifs sont apparus insuffisants aux yeux des Polynésiens qui, à la veille de l'arrêt des essais nucléaires, ont souhaité l'adoption d'un nouveau statut leur permettant de bénéficier pleinement d'une autonomie renforcée.

1. Le statut de 1996

La révision constitutionnelle du 25 juin 1992 imposant désormais une loi organique pour l'organisation particulière des territoires d'outre-mer, ce sont donc deux lois, l'une, organique, n° 96-312 et l'autre, ordinaire, n° 96-313 du 12 avril 1996, qui constituent le statut actuel de la Polynésie française.

Le renforcement de l'autonomie, outre des modifications terminologiques, se traduit par un transfert important de domanialité, la Polynésie française disposant désormais de la quasi totalité du domaine public maritime. Le président du gouvernement voit ses compétences internationales renforcées : l'État peut lui confier le pouvoir de négocier et signer, au nom de l'État, des accords dans le domaine de compétence de l'État ou du territoire avec des États ou des organismes régionaux du Pacifique. Il peut également négocier, au nom de la Polynésie française, des conventions de coopération décentralisée avec des collectivités locales étrangères.

Le territoire se voit attribuer de nouvelles compétences en matière économique : droit d'exploration et d'exploitation des ressources maritimes, communications, à l'exception des liaisons gouvernementales et de défense, approbation des programmes d'exploitation des vols internationaux ayant pour seule escale en France le territoire de la Polynésie française, organisation des filières de formation et de recherche, création de sociétés de production et de diffusion d'émissions, réglementation relative à la sécurité civile, détermination des conditions dans lesquelles les loteries et les jeux de hasard peuvent être offerts au public.

A ces transferts de compétences s'ajoutent de nouvelles attributions consultatives. Ainsi, le conseil des ministres est désormais obligatoirement consulté sur les projets de décret touchant à l'organisation particulière du territoire ou sur la desserte aérienne entre la Polynésie française et tout autre point du territoire national. L'assemblée de la Polynésie française est consultée sur les projets de loi portant autorisation de ratification des traités concernant le territoire et sur les propositions d'actes communautaires relevant du champ d'application de la décision d'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne, sur lesquels elle peut émettre des vœux.

Le statut de 1996 est également inspiré par le souci d'améliorer le fonctionnement des institutions : le nombre de ministres du gouvernement, qui était fixé à douze, n'est plus limité et leur nomination prend effet dès la notification de l'arrêté du président du gouvernement, et non plus à l'issue d'un délai de quarante-huit heurs, éventuellement prolongé dans l'hypothèse du dépôt d'une motion de censure ; le tribunal administratif de Papeete, le président du gouvernement ou le président de l'assemblée de la Polynésie française peuvent solliciter l'avis du Conseil d'État en cas d'incertitude sur une question de répartition des compétences.

2. Les limites du statut actuel

Lors de la discussion du projet de statut de 1996, l'objectif affiché du Gouvernement était de donner à la Polynésie française la plus grande autonomie possible dans les limites de la Constitution, tout en envisageant explicitement une éventuelle modification constitutionnelle ultérieure.

La rigueur manifestée par le juge constitutionnel lors de l'examen de la loi organique a rapidement mis en lumière le caractère inéluctable d'une réforme constitutionnelle. Dans sa décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996, le Conseil Constitutionnel a en effet censuré l'une des dispositions jugées essentielles par le gouvernement polynésien, qui permettait d'organiser un régime d'autorisation préalable à la réalisation d'opérations de transfert de propriété, avec un droit de préemption du territoire sur les immeubles ou les droits sociaux concernés.

Par ailleurs, et bien que cela figurait dans le texte initial, le gouvernement polynésien n'a pu obtenir que les délibérations de l'assemblée de la Polynésie française soient soumises au contrôle du Conseil d'État, et non plus à celui du tribunal administratif de Papeete, dont la jurisprudence était souvent jugée restrictive à l'égard des compétences territoriales.

Enfin, l'exemple de la Nouvelle-Calédonie, qui bénéficie depuis 1998 d'une autonomie renforcée au sein d'un titre spécifique de la Constitution, a constitué un argument supplémentaire pour les partisans d'une réforme constitutionnelle.

C. LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE

1. Le projet de loi constitutionnelle de 1999

Dès 1999, le gouvernement dirigé par M. Lionel Jospin présentait un projet de loi constitutionnelle ayant pour objet, d'une part, de définir le corps électoral appelé à élire les assemblées de province de Nouvelle-Calédonie et, d'autre part, de créer dans la Constitution un nouveau titre consacré à la Polynésie française.

L'article 78, article unique du nouveau titre XIV, faisait de la Polynésie française un « pays d'outre-mer » se gouvernant librement et démocratiquement au sein de la République.

Il restreignait les compétences de l'État à un « noyau dur » composé de la nationalité, des garanties en matière de libertés publiques, des droits civiques, du droit électoral, de l'organisation de la justice, du droit pénal, de la procédure pénale, des relations extérieures, de la défense, du maintien de l'ordre, de la monnaie, du crédit et des changes.

Il autorisait la Polynésie française à adopter des « lois du pays » soumises avant leur publication au contrôle du Conseil constitutionnel, s'inspirant ainsi directement des lois du pays néo-calédoniennes.

En parallèle avec la reconnaissance d'une citoyenneté polynésienne, il donnait la possibilité à la Polynésie française de déterminer des règles propres d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière. Cette disposition, également inspirée des possibilités offertes à la Nouvelle-Calédonie, permettait notamment de répondre à la censure du Conseil Constitutionnel de l996.

Enfin, l'article 78 rendait possible l'adhésion de la Polynésie française à une organisation internationale et lui ouvrait la faculté de disposer d'une représentation propre auprès des États du Pacifique.

Ce projet de réforme constitutionnelle, adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et par le Sénat, n'a finalement pas été soumis au Congrès en raison de l'opposition rencontrée par la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, à laquelle il était joint.

2. La révision constitutionnelle de mars 2003

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qui reprend certains points du projet de 1999 tout en prévoyant une application à l'ensemble des collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, a rendu, de fait, ce projet inutile.

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 a en effet modifié l'ensemble du cadre institutionnel applicable à l'outre-mer.

Après avoir clairement réaffirmé l'appartenance des collectivités d'outre-mer à la République en les mentionnant nominativement dans la Constitution, rendant ainsi impossible toute indépendance sans une révision préalable de la loi fondamentale, elle distingue le régime de l'identité législative, défini à l'article 73, qui régit les départements et régions d'outre-mer, de celui de la spécialité législative et de l'autonomie, applicable aux anciens territoires d'outre-mer, qui deviennent des collectivités d'outre-mer (article 74). La Nouvelle-Calédonie, elle, demeure régie par le titre XIII de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998.

Dans le cadre du régime de la spécialité législative, l'article 74 opère une distinction entre les dispositions générales, applicables à l'ensemble des collectivités d'outre-mer, et les dispositions particulières, dont peuvent bénéficier les collectivités dotées d'un statut d'autonomie.

S'agissant du cadre institutionnel général des collectivités d'outre-mer, l'article 74 reconnaît la particularité de ces collectivités en indiquant que chaque collectivité est dotée d'un statut tenant compte de ses intérêts propres au sein de la République, la définition de ce statut étant, comme actuellement, renvoyée à une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante.

Ce statut devra préciser :

· les modalités d'application du principe de la spécialité législative.

· l'étendue des compétences propres de la collectivité.

Certaines matières, réservées à l'État, sont exclues de la compétence de la collectivité. Il s'agit de la nationalité, des droits civiques, des garanties des libertés publiques, de l'état et de la capacité des personnes, de l'organisation de la justice, du droit pénal, de la procédure pénale, de la politique étrangère, de la défense, de la sécurité et de l'ordre publics, de la monnaie, du crédit et des changes et du droit électoral.

Il est cependant précisé que les compétences déjà exercées par une collectivité dans ces matières non susceptibles de transfert ne seront pas remises en cause, afin notamment de permettre à la Polynésie française de conserver les compétences que lui a confiées le statut de 1996 en matière de relations extérieures dans la région du Pacifique sud.

· les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité d'outre-mer et le régime électoral de son assemblée délibérante.

· les conditions dans lesquelles ces institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux.

A la différence des lois organiques, les projets de loi comportant des dispositions particulières à la collectivité ne seront pas forcément soumis à l'assemblée délibérante, mais pourront être examinées par d'autres institutions, comme la commission permanente de cette assemblée.

S'agissant des possibilités offertes aux collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, au premier rang desquelles figure la Polynésie française, l'article 74 autorise la loi statutaire à confier au Conseil d'État le contentieux de certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant dans le domaine de la loi.

Il donne également la possibilité à l'assemblée délibérante de modifier une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité, après la constatation, par le Conseil Constitutionnel, que la loi est intervenue dans le domaine de compétence de la collectivité.

Le statut des collectivités dotées de l'autonomie pourra autoriser ces dernières à prendre des mesures, justifiées par les nécessités locales, en faveur de leur population en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier.

Enfin, l'avant dernier alinéa de l'article 74 donne la possibilité à ces collectivités de participer aux compétences de l'État, sous le contrôle de ce dernier et dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques.

II. -  L'AUTONOMIE INSTITUTIONNELLE POUR UNE AUTONOMIE ÉCONOMIQUE

Dès 1993, le pacte de progrès, élaboré entre le Gouvernement et les élus polynésiens, reconnaissait que le type de croissance induit par les activités du centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) n'avait pas permis d'assurer un véritable développement économique fondé sur les ressources propres du territoire et cherchait à mettre en place une politique destinée à renforcer l'autonomie économique de ce dernier.

La cessation définitive des essais nucléaires à partir de 1996 a rendu cette autonomie économique indispensable. La Polynésie française a alors mis l'accent sur des grands chantiers de développement qu'elle a lancés avec l'aide de l'État.

De 1996 à 2002, l'économie polynésienne a progressé en moyenne de 4,5 % par an. Entre le 31 décembre 1998 et le 31 décembre 2002, le nombre d'entreprises a augmenté de plus de 27 %.

Cependant, si l'économie polynésienne a connu une forte période de croissance depuis 1996, momentanément interrompue à la suite des évènements de septembre 2001, elle reste encore relativement dépendante des transferts de l'État, dont les dépenses représentent 30 % du PIB.

A. LE POIDS ENCORE PRÉPONDÉRANT DES TRANSFERTS DE L'ÉTAT

En 2002, les dépenses de l'État et des établissements publics nationaux se sont établies à 1,102 milliards d'euros. Les contributions de l'État à la Polynésie française prennent diverses formes.

Les contrats de développement État-territoire, signés en application de la loi d'orientation du 5 février 1994 pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, ont défini pour une période de dix ans les modalités de versement de l'aide de l'État. La participation de l'État au premier contrat, conclu pour la période 1994-1999 a été de 229,588 millions d'euros ; celle du second contrat, qui couvre la période 2000-2003, s'est élevée à 170,743 millions d'euros.

Complétant le deuxième contrat de développement, la convention pour le renforcement de l'autonomie économique et financière de la Polynésie française, signée en 1996, avait pour objectif de maintenir, pendant une période de dix ans, un flux de 150,92 millions d'euros, afin de pallier la diminution des transferts de l'État liée à l'arrêt des essais nucléaires.

Sur ce montant, 33,6 millions d'euros étaient destinés à compenser, dans le budget de la Polynésie française, la perte de recettes fiscales et douanières liée à la fermeture du CEP et 117,6 millions étaient versés à un Fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française (FREPF), dont la gestion relevait d'un comité coprésidé par le haut commissaire et le président du gouvernement.

Le FREPF a ainsi participé au financement d'infrastructures, à la construction de logements sociaux, au dispositif d'insertion des jeunes ou encore à l'acquisition d'un airbus pour la compagnie Air Tahiti Nui.

En octobre 2002, la convention de 1996 a été remplacée par la convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française, qui concrétise l'engagement de l'État de maintenir de manière permanente le niveau des flux financiers résultant de l'activité du CEP. La dotation globale de développement économique (DGDE), versée chaque trimestre par le ministère des finances, a remplacé au 1er janvier 2003 le FREPF, pour un montant équivalent. La Polynésie française peut désormais utiliser librement cette enveloppe, sous le contrôle de la chambre régionale des comptes, pour financer « ses propres choix, et non des priorités qui lui seraient dictées par une planification centralisée », pour reprendre les termes d'un discours prononcé par le Président de la République lors de son séjour en Polynésie française.

Par ailleurs, un certain nombre de ministères « techniques » ont passé avec la Polynésie française des conventions spécifiques : la convention santé-solidarité, signée le 24 novembre 1999, permet de financer le régime de solidarité territoriale et les actions de prévention et de santé publique ; la convention jeunesse et sports du 10 avril 2003 est destinée à favoriser le développement de l'animation sportive pour tous ; la convention éducation du 19 juillet 1999 fixe les conditions dans lesquelles s'exerce l'aide de l'État, qui met notamment à disposition de la Polynésie française les agents nécessaires au fonctionnement du service public de l'éducation et verse une dotation de fonctionnement pour l'enseignement secondaire, qui s'élevait en 2002 à 7,860 millions d'euros, la Polynésie française assurant les dépenses de fonctionnement et d'équipement des établissements du second degré.

L'économie polynésienne bénéficie également des aides du fonds pour les restructurations de la défense, mise en place en 1995, qui a pour objet de « participer à l'émergence de projets contribuant au développement économique et social du territoire », le taux de l'aide variant entre 30 et 80 % selon le type de projet, et du dispositif de défiscalisation, renforcé récemment par la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003.

B. LE DÉVELOPPEMENT DE CERTAINS SECTEURS PORTEURS

L'aide de l'État a permis de conforter la demande intérieure, en croissance depuis 1996, et de soutenir les efforts du gouvernement du territoire en direction des trois secteurs prioritaires que sont le tourisme, la perle et la pêche hauturière. Sans revenir trop longuement sur ces trois secteurs, qui ont fait l'objet de longs développements dans l'avis budgétaire pour 2004, il a néanmoins paru intéressant au rapporteur de dresser un rapide bilan de la politique menée dans ces domaines, qui sont susceptibles d'assurer à la Polynésie française une certaine autonomie économique.

L'industrie touristique est devenue en dix ans le pilier de cette autonomie économique. Avec 338 millions d'euros de recettes pour l'année 2002, elle représente la première ressource propre du territoire, loin devant le secteur perlicole. Premier employeur de Polynésie française avec 8,6 % de la population active en 1999, le tourisme représente 13 % du PIB marchand. En une décennie, le nombre de touristes a progressé de près de 80%. Si le développement du tourisme haut de gamme, notamment à Bora-Bora, reste prioritaire, le gouvernement encourage également la petite hôtellerie non classée, qui constitue un moyen de développement économique intégré permettant de maintenir la population sur les archipels éloignés. L'objectif de la collectivité est d'atteindre une capacité hôtelière de 6 000 chambres en 2005, contre 4 500 environ aujourd'hui, pour atteindre des recettes d'un montant de 503 millions d'euros, soit l'équivalent de 55 % des ressources propres de la Polynésie française.

Le marché perlicole représente la principale exportation du territoire et sa seconde ressource propre, après le tourisme. Depuis 1995, les exportations de perles brutes ont augmenté pour atteindre 11,7 tonnes en 2000, soit une progression de 244 % en cinq ans. Les revenus liés à ces exportations ont été de 125,7 millions d'euros pour l'année 2002, soit 80 % du montant total des exportations. Avec près de 7 000 emplois directs et indirects, la perliculture joue un rôle social important, en participant au maintien des populations dans les îles, notamment aux Tuamotu et aux Gambier.

2001 a toutefois marqué un tournant pour ce secteur, qui a vu le cours moyen de la perle s'effondrer, en raison à la fois de la conjoncture économique mondiale et de l'augmentation incontrôlée de la production, qui a rapidement dépassé le niveau de la demande. Les mesures adoptées récemment par la Polynésie française, notamment les critères de qualité imposés aux producteurs et le gel de la délivrance de nouvelles concessions, devraient permettre à moyen terme de redresser ce marché.

Le secteur de la pêche, longtemps resté au stade artisanal, connaît depuis le début des années quatre-vingt-dix une profonde transformation. En 2002, la flottille de pêche polynésienne a produit 10 807 tonnes de poissons, contre 2 000 tonnes en 1990. On dénombre aujourd'hui 57 navires, contre 5 en 1990. La professionnalisation de l'ensemble de la filière pêche permet aujourd'hui à la Polynésie française d'exporter des produits de grande qualité en France, aux États-Unis et au Japon. L'objectif du gouvernement est d'atteindre 150 thoniers, afin de porter la production à 30 000 tonnes à l'horizon 2006, dont 23 000 pour l'exportation.

Avec des réserves halieutiques estimées à 100 000 tonnes, une zone économique exclusive s'étendant sur cinq millions de km2 et une demande mondiale qui reste très forte, la pêche est un secteur plein d'avenir pour la Polynésie française.

On peut enfin citer l'agriculture, dont la contribution au PIB reste modeste puisqu'elle représente moins de 10 % de celui-ci, mais qui contribue, grâce au coprah notamment, à faire vivre de nombreuses familles des atolls éloignés. Le président du gouvernement a par ailleurs annoncé qu'il souhaitait faire de la vanille le quatrième pilier de l'économie polynésienne, en relançant la production pour atteindre 100 tonnes de vanille verte en 2007. Très développée dans les années cinquante, cette production ne dépasse pas aujourd'hui 30 tonnes par an.

III. -  L'AUTONOMIE RENFORCÉE PROPOSÉE PAR LE NOUVEAU STATUT

Le Gouvernement a fait le choix de présenter une refonte globale du statut, prenant la forme de deux projets de loi, l'un de caractère organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, l'autre complétant ce statut par des dispositions de caractère ordinaire.

Ces deux textes ont été soumis, sous la forme d'avant-projets de loi, à l'assemblée de la Polynésie française, qui a rendu son avis le 2 juillet. Le gouvernement de la Polynésie française a, pour sa part, été saisi le 20 juin et a rendu son avis le même jour que l'assemblée. Enfin, les deux textes ont été soumis pour avis au conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, au conseil supérieur des chambres régionales des comptes et au conseil supérieur de la fonction publique de l'État. Par ailleurs, le conseil économique, social et culturel de la Polynésie française a formulé dans un avis du 12 août un certain nombre d'observations.

Les projets de textes finalement soumis au Conseil d'État ont intégré un certain nombre d'observations et de suggestions formulées dans ces divers avis, notamment dans celui de l'assemblée de la Polynésie française. A la suite de l'examen de ces textes par le Conseil d'État, dont il a suivi partiellement l'avis, le Gouvernement en a retiré certaines dispositions, jugées contraires à la Constitution.

Ni le fait que l'assemblée de la Polynésie française n'ait été saisie que d'avant-projets de loi, ni le retrait de certaines dispositions, au demeurant fort peu nombreuses, de ces textes, à la demande du Conseil d'État, ne remettent en cause la validité de la consultation à laquelle il a été procédé en application de l'article 74 de la Constitution.

Le nouveau statut proposé permet de mettre en œuvre les nouveaux principes constitutionnels issus de la révision du 28 mars 2003, d'opérer des nouveaux transferts de compétence au profit de la Polynésie française et d'améliorer le fonctionnement des institutions.

A. LA MISE EN œUVRE DES NOUVEAUX PRINCIPES CONSTITUTIONNELS

1. Les lois du pays

Répondant à une demande ancienne et constante des autorités polynésiennes, que la nouvelle rédaction de l'article 74 de la Constitution rend désormais possible, la loi organique autorise l'assemblée de la Polynésie française à adopter des lois du pays soumises au contrôle du Conseil d'État.

Ces lois du pays interviendront dans les matières législatives énumérées à l'article 139 du statut : droit civil, impositions de toute nature, droit du travail, droit de la santé publique, garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de la Polynésie française, droit de l'aménagement, droit de l'environnement, droit domanial, droit minier, règles relatives à l'emploi, règles relatives aux transferts entre vifs, relations entre la Polynésie française et les communes, accords internationaux conclu dans le domaine de compétence de l'article 139 et matières relevant de la compétence de l'État dans lesquelles la Polynésie française est autorisée à intervenir en application de l'article 31.

Le Sénat a complété cette liste, qui s'inspire de celle figurant à l'article 34 de la Constitution, par un renvoi aux principes fondamentaux des obligations commerciales.

Les lois du pays, comme les actuelles délibérations de l'assemblée de la Polynésie française intervenant dans le domaine législatif, resteront des actes administratifs. La suppression à l'article 139, sur proposition de M. Gaston Flosse, de la mention de leur caractère d'acte administratif ne modifie en rien leur nature.

Leur originalité ne réside d'ailleurs pas là, mais dans leur procédure d'adoption et surtout dans les modalités de leur contrôle juridictionnel.

En amont, les projets et propositions de loi du pays seront en effet obligatoirement soumis, préalablement à leur discussion par l'assemblée de la Polynésie française, à l'avis d'un nouvel organisme, le haut conseil de la Polynésie française, dont les membres seront désignés par arrêtés du conseil des ministres parmi les personnalités ayant des compétences juridiques (articles 163 et 164 du projet de loi organique).

En aval, les lois du pays seront soumises à un contrôle juridictionnel spécifique, exercé non par le tribunal administratif de Papeete, comme pour les autres délibérations de l'assemblée de la Polynésie française, mais par le Conseil d'État (articles 176 à 180).

Le haut commissaire, le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée de la Polynésie française ou six représentants de cette assemblée pourront déférer cet acte, après son adoption, au Conseil d'État. Les particuliers pourront également saisir le Conseil d'État. Sur proposition de M. Gaston Flosse, le Sénat a soumis ce dernier recours à deux conditions : les particuliers devront justifier d'un intérêt à agir et transmettre, à peine de nullité du recours, une copie de celui-ci au président de l'assemblée de la Polynésie française et au président de la Polynésie française.

La haute juridiction administrative se prononcera sur la conformité de ces actes au regard de la Constitution, des lois organiques, des engagements internationaux et des principes généraux du droit à valeur constitutionnelle et législative.

Une fois la loi du pays promulguée et publiée au Journal officiel de la Polynésie française, elle ne pourra plus être contestée par voie d'action.

Deux voies recours resteront cependant ouvertes.

Il sera ainsi possible de contester la légalité d'une loi du pays à l'occasion d'un litige devant une juridiction, cette dernière devant alors surseoir à statuer et transmettre sans délai la question au Conseil d'État, seul compétent pour apprécier la validité des lois du pays.

Par ailleurs, lorsqu'une loi du pays sera intervenue en dehors du domaine défini à l'article 139, le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée de la Polynésie française ou le ministre chargé de l'outre-mer saisiront le Conseil d'État, qui statuera dans un délai de trois mois. Lorsque la haute juridiction administrative aura déclaré que les dispositions en cause ne relèvent pas du domaine des lois du pays, celles-ci pourront être modifiées par les autorités normalement compétentes.

Cette procédure de déclassement, qui s'inspire de l'article 37 de la Constitution, constitue le pendant de celle prévue par l'article 12 du projet de loi organique.

Sur proposition de M. Gaston Flosse, le Sénat a inséré la mention « loi du pays » dans l'ensemble du projet de loi organique, alors que celle-ci ne figurait qu'à l'article 139.

Il convient toutefois d'observer que les lois du pays polynésiennes diffèrent sensiblement de celles existant en Nouvelle-Calédonie.

Les lois du pays calédoniennes, qui peuvent intervenir dans une douzaine de matières (2), sont soumises avant leur adoption par le Congrès à l'avis du Conseil d'État. Elles peuvent faire l'objet d'une nouvelle délibération à la demande du haut commissaire, du gouvernement, du président du congrès, du président d'une assemblée de province ou de onze membres du Congrès.

La différence principale avec la Polynésie française réside dans la nature et le contrôle juridictionnel de ces actes : les lois du pays calédoniennes ayant fait l'objet d'une nouvelle délibération peuvent en effet être déférées au Conseil constitutionnel par les mêmes autorités que celles compétentes pour demander une nouvelle délibération et par dix-huit membres du Congrès, la haute juridiction constitutionnelle disposant de trois mois pour se prononcer. Une fois promulguées, les lois du pays ont force de loi et ne sont susceptibles d'aucun recours.

2. La participation de la Polynésie française aux compétences de l'État

Conformément à l'avant-dernier alinéa de l'article 74 de la Constitution, les articles 31 et 32 du projet de loi organique autorisent la Polynésie française à participer à l'exercice de certaines compétences de l'État.

Les matières dans lesquelles la Polynésie française est autorisée à intervenir sont limitativement énumérées à l'article 31. Il s'agit du droit civil, de la recherche et de la constatation des infractions et des dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard, de l'entrée et du séjour des étrangers, à l'exception du droit d'asile, de l'éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l'Union européenne, de la communication audiovisuelle et des services financiers des établissements postaux.

Dans ces matières, la Polynésie française peut adopter soit des lois du pays, conformément à l'article 139, soit des arrêtés du conseil des ministres. Dans les deux cas, préalablement à leur adoption, ces actes font l'objet d'un décret d'approbation, totale ou partielle, du Premier ministre. Le projet ou la proposition de loi du pays ou le projet d'arrêté ne peut être adopté que dans les termes du décret d'approbation.

Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a précisé que les décrets d'approbation deviendront caducs s'ils n'ont pas été ratifiés par la loi dans les dix-huit mois de leur signature.

Les lois du pays et les arrêtés intervenant dans les domaines de compétence partagée pourront être modifiés par une loi, une ordonnance ou un décret comportant une mention expresse d'application en Polynésie française.

Enfin, il est précisé que les décisions à caractère individuel prises dans le domaine de compétence partagée seront soumises au contrôle hiérarchique du haut commissaire, leur entrée en vigueur étant subordonnée à leur réception par celui-ci.

3. La mise en en place d'un système de discrimination positive

En application du dixième alinéa de l'article 74 de la Constitution, les articles 18 et 19 de la loi organique autorisent la Polynésie française à prendre des mesures en faveur de sa population en matière d'emploi et de patrimoine foncier justifiées par « les nécessités locales ».

La Polynésie française pourra, par une loi du pays, prendre des mesures destinées à favoriser l'accès aux emplois privés des personnes justifiant d'une durée suffisante de résidence en Polynésie française ou de mariage, concubinage ou pacte civile de solidarité avec des personnes résidant sur le territoire. Pour la fonction publique, ce système ne pourra s'appliquer qu'à égalité de mérite.

Ce dispositif, qui s'inspire du système en vigueur en Nouvelle-Calédonie, est justifié par l'étroitesse du marché du travail polynésien et par la croissance de sa population, dont le taux de natalité est de 21 pour mille contre 13,2 pour mille en métropole. On observera toutefois que, près de quatre ans après leur entrée en vigueur, ces dispositions n'ont toujours pas reçu d'application en Nouvelle-Calédonie.

Un dispositif similaire est prévu pour la protection du patrimoine foncier. Tout transfert entre vifs de propriétés foncières et des droits sociaux y afférents, à l'exception des donations, est soumis à une obligation de déclaration, destinée à permettre aux autorités polynésiennes d'exercer dans un délai de deux mois leur droit de préemption. A défaut d'accord sur la valeur de la propriété foncière, celle-ci est fixée comme en matière d'expropriation.

Alors que le texte initial n'exemptait de ce nouveau dispositif que les personnes justifiant d'une durée suffisante de résidence en Polynésie française ou les personnes mariées, vivant en concubinage ou liées par un pacte civil de solidarité avec ces dernières et les personnes morales ayant leur siège social en Polynésie française ou contrôlées par les personnes physiques justifiant d'une durée de résidence suffisante, le Sénat, sur proposition de M. Gaston Flosse, a étendu cette liste aux personnes de nationalité française, nées en Polynésie française ou dont l'un des parents est né en Polynésie française.

4. La transposition des dispositions sur le droit de pétition et le référendum décisionnel local

L'article 72-1 de la Constitution, issu de la révision du 28 mars 2003, permet aux électeurs de chaque collectivité territoriale de demander, par voie de pétition, l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante d'une question relevant de sa compétence.

L'article 157 applique ce nouveau droit aux électeurs de la Polynésie française en déterminant, comme le prévoit l'article 72-1, les conditions de recevabilité et d'examen des pétitions par l'assemblée de la Polynésie française.

Dans sa rédaction initiale, l'article 157 prévoyait que l'assemblée de la Polynésie française pouvait être saisie, par voie de pétition, de toute question relevant de la compétence des institutions de la Polynésie française. Se conformant aux dispositions de l'article 72-1 de la Constitution, le Sénat a limité le droit de pétition aux questions relevant de la compétence de l'assemblée de la Polynésie française.

La pétition devra être signée par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales de Polynésie française et adressée au président de l'assemblée, le bureau de celle-ci en examinant la recevabilité.

S'agissant de référendum local décisionnel, également prévu par l'article 72-1 de la Constitution, le Gouvernement a souhaité préciser à l'article 158 ses modalités d'application en Polynésie française, estimant que la loi organique du 1er août 2003, qui a déterminé ces modalités pour les collectivités territoriales, ne pouvait, sans adaptation, s'appliquer à la Polynésie française.

L'initiative du référendum appartiendra au conseil des ministres, la décision finale étant prise par l'assemblée de la Polynésie française. S'agissant des référendums portant sur des actes relevant de la compétence du conseil des ministres, la décision appartiendra à ce dernier, après autorisation de l'assemblée de la Polynésie française.

Les modalités d'organisation du référendum reprennent, dans leurs grandes lignes, les dispositions de la loi du 1er août dernier, sous réserve de la compétence du Conseil d'État, et non du tribunal administratif, pour examiner en référé les recours contre l'organisation du référendum.

B. LES TRANFERTS DE COMPÉTENCES AU PROFIT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE.

1. Les compétences transférées

Outre les compétences détenues au titre de l'actuel statut, la Polynésie française se voit reconnaître les nouvelles compétences suivantes :

· la majeure partie du droit civil - excepté l'état et la capacité des personnes, l'autorité parentale, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités - et les principes fondamentaux des obligations commerciales.

Si la tenue des registres d'état civil demeure de la compétence de l'État, la détermination des conditions d'exploitation de ceux-ci relève du conseil des ministres.

· les principes généraux du droit du travail.

Compte tenu de la jurisprudence constitutionnelle sur le dix-septième alinéa de l'article 34 de la Constitution, cela signifie que la Polynésie française dispose désormais de la compétence pour la totalité du droit du travail.

· la réglementation des hydrocarbures.

· la desserte aérienne élargie au départ de la Polynésie française.

· la fiscalité et la réglementation applicable aux marchés des communes.

· la délégation de compétences aux communes en matière d'urbanisme et de logements sociaux.

· le placement des fonds libres des établissements publics de la Polynésie française en valeurs d'État ou en valeurs garanties par l'État.

· la constatation de l'état de catastrophe naturelle.

· la création d'amendes forfaitaires et de contraventions de grande voirie.

· les règles applicables aux loteries, tombolas et paris.

· la fixation de l'heure légale et de l'heure saisonnière.

Par coordination avec ces transferts de compétence, qui résultent « en creux » des compétences dévolues à l'État par son article 14, le projet de loi organique prévoit le transfert à titre gratuit des biens meubles et immeubles nécessaires à l'exercice des ces compétences, parmi lesquels figure l'aéroport de Tahiti Faa'a, ainsi que celui des services de l'État. Les agents de l'État exerçant leurs fonctions dans un service transféré sont de plein droit mis à la disposition de la Polynésie française.

Par ailleurs, conformément à l'article 72-2 de la Constitution, l'article 59 pose le principe de la compensation par l'État des charges correspondant à l'exercice de ces nouvelles compétences, prenant la forme d'une dotation globale de compensation inscrite au budget de l'État.

Afin de protéger les nouvelles compétences de la Polynésie française et conformément au neuvième alinéa de l'article 74 de la Constitution, l'article 12 du projet de loi organique permet au Conseil constitutionnel, sur saisine du président de la Polynésie française, du président de l'assemblée de la Polynésie française ou du Premier ministre, d'autoriser « les institutions compétentes de la Polynésie française » à modifier ou abroger une loi intervenue dans les matières ressortissant de la compétence de la Polynésie française. Le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois, a souhaité revenir à une formulation plus proche de celle figurant à l'article 74 en précisant que seule l'assemblée de la Polynésie française pourra modifier ou abroger une loi « déclassée ».

Les autorités polynésiennes pourront donc protéger leur domaine de compétence des empiètements du législateur, comme le Gouvernement peut le faire en vertu de l'article 37 de la Constitution.

2. Le renforcement des compétences internationales

Outre le pouvoir que le statut actuel reconnaît au président de la Polynésie française pour négocier et signer des arrangements administratifs et des conventions de coopération décentralisée et pour signer des accords avec les États du Pacifique dans les domaines de compétence du ressort de l'État, l'article 39 du projet de loi organique donne compétence au président de la Polynésie française pour négocier des accords avec n'importe quel État dans les domaines de compétence de la Polynésie française, sans avoir à obtenir, au préalable, des pouvoirs spécifiques des autorités de la République. Ces accords sont ensuite soumis à la délibération de l'assemblée de la Polynésie française, puis soumis à ratification ou à approbation dans les conditions prévues par la Constitution.

Sur proposition de M. Gaston Flosse, le Sénat a introduit dans le projet de loi organique un article 39 bis prévoyant que lorsque l'État prend l'initiative de négocier un accord entrant dans un domaine de compétence de la Polynésie française, le président de la Polynésie française ou son représentant participe, au sein de la délégation française, à ces négociations.

Le président de la Polynésie française pourra par ailleurs participer aux négociations relatives aux relations entre la Communauté européenne et la Polynésie française (article 40). Avec l'accord des autorités de la République, la Polynésie française pourra être membre d'organisations internationales du Pacifique ou être associée à leurs travaux dans les domaines relevant de ses compétences. Enfin, la Polynésie française pourra disposer de représentations à l'étranger sans que celles-ci soient, comme en Nouvelle-Calédonie, limitées à la région du Pacifique.

C. L'AMÉLIORATION DU FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS

1. Les changements terminologiques

Afin de souligner l'autonomie renforcée dont disposera désormais la Polynésie française, le projet de loi organique procède à un certain nombre de modifications terminologiques.

La Polynésie française devient, comme le prévoyait la révision constitutionnelle inachevée de 1999, un « pays d'outre-mer au sein de la République ». Comme ce terme n'est pas repris par le nouvel article 74 issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l'article 1er du projet de loi organique prend soin de préciser que la Polynésie française constitue également « une collectivité d'outre-mer dont l'autonomie est régie par l'article 74 de la Constitution ».

Le président du gouvernement de la Polynésie française devient le président de la Polynésie française, ce changement d'appellation traduisant le renforcement de ses pouvoirs opéré par ailleurs par le nouveau statut, notamment en matière de relations internationales.

Comme le prévoit l'article 20 de la Constitution pour le Gouvernement, le gouvernement de Polynésie française « détermine et conduit la politique » de cette collectivité.

Enfin, les conseillers territoriaux de l'assemblée de la Polynésie française deviennent des représentants à l'assemblée de la Polynésie française, concrétisant ainsi la disparition de la notion de territoire d'outre-mer, conformément aux nouvelles dispositions de l'article 74 de la Constitution.

2. Les modifications apportées au fonctionnement des institutions

Outre son changement d'appellation, le président de la Polynésie française voit ses modalités de désignation modifiées : il pourra désormais être choisi hors du sein de l'assemblée de la Polynésie française, sur présentation d'au moins un quart des représentants de cette assemblée, et son élection aura lieu dans le cadre d'un scrutin à deux tours, au lieu de trois tours actuellement, les deux candidats ayant recueilli le plus de voix pouvant seuls se présenter au deuxième tour (article 69 du projet de loi organique).

Les recours contre la composition du gouvernement ne seront plus soumis, comme actuellement, au tribunal administratif, mais au Conseil d'État statuant en premier et dernier ressort (article 82). Sur proposition du rapporteur, la Commission a décidé que ces recours ne seraient pas suspensifs.

Alors que le texte initial du Gouvernement maintenait le découpage électoral et le mode de scrutin actuels, se contentant de relever de 5 à 10 % le seuil des suffrages exprimés nécessaire pour participer à l'attribution des sièges de l'assemblée de la Polynésie française, le Sénat, sur proposition de M. Gaston Flosse, a divisé en deux la circonscription des Tuamotu-Gambier et augmenté le nombre de sièges attribués aux Iles du Vent et aux Iles-Sous-le-Vent, portant ainsi de 49 à 57 le nombre total de représentants à l'assemblée de la Polynésie française (article 104).

Le mode de scrutin a également été modifié, passant d'un scrutin à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne à un scrutin proportionnel avec attribution d'une prime majoritaire, égale à un tiers du nombre de sièges à pourvoir, sur le modèle du mode de scrutin existant pour les élections régionales (article 106).

Ces modifications devraient permettre de dégager plus facilement une majorité stable à l'assemblée de la Polynésie française, d'autant plus nécessaire que les pouvoirs de celle-ci sont sensiblement accrus par le projet de loi organique.

La Commission a souhaité renforcer le rôle du conseil économique, social et culturel, quatrième institution de la Polynésie française aux termes de l'article 5 du projet de loi organique, en rendant obligatoire sa consultation sur les lois du pays à caractère économique, social et culturel.

3. Le renforcement du rôle des communes

Les quarante-huit communes de Polynésie française sont récentes, puisqu'à l'exception de Papeete, Uturoa, Faa'a et Pirae, leur création remonte à 1971.

L'ensemble des interlocuteurs rencontrés par la délégation de la commission des Lois lors de son séjour en Polynésie française a regretté le faible rôle joué par les communes et dénoncé, pour certains d'entre eux, leur dépendance, notamment financière, à l'égard de l'État et du territoire. Rappelons, en effet, que les trois quarts des ressources communales sont aujourd'hui constitués par des transferts de l'État et du territoire. L'absence de qualification du personnel communal, de statut de droit privé, empêcherait également les communes d'exercer la plénitude de leurs compétences : sur les 3 600 agents communaux, près de 2 % seulement seraient titulaires du baccalauréat.

Les projets de loi organique et ordinaire répondent en partie à ces critiques.

Le projet de loi organique apporte des précisions sur le champ de compétence des communes.

Celles-ci seront exclusivement compétentes en matière de police municipale, de voirie communale, de cimetières, de transports communaux, de construction et d'entretien des écoles de l'enseignement primaire, de distribution d'eau potable, ainsi que de collecte et de traitement des ordures ménagères, des déchets végétaux et des eaux usées ; elles pourront par ailleurs intervenir en matière d'aides économiques, d'aide sociale, d'urbanisme, de culture et de patrimoine local (article 42 du projet de loi organique). Le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois, a souhaité que la collecte des ordures ménagères, des déchets végétaux et des eaux usées relève de la compétence exclusive des communes et a précisé que la possibilité pour les communes d'intervenir dans certaines matières devait être accompagnée du transfert des moyens correspondants.

La Polynésie française sera en revanche compétente pour assurer la production, le transport et la distribution d'électricité, avec la possibilité de déléguer cette compétence aux communes (article 44). Le Sénat a également souhaité préciser que cette délégation de compétence devra s'accompagner du transfert de moyens correspondants et qu'elle ne pourrait intervenir qu'avec l'accord du conseil municipal intéressé.

Le domaine public des communes sera déterminé par des décrets, qui attribueront à chacune d'entre elles une partie du domaine de la Polynésie française, après avis conforme de l'assemblée de la Polynésie française (article 56). Rappelons qu'actuellement, ce transfert aux communes des terres cédées par l'État au territoire en 1957 n'est que partiellement réalisé, puisque seules vingt-trois communes sont dotées d'un patrimoine foncier propre.

Outre les impôts et taxes spécifiques aux communes institués par la Polynésie française, les communes pourront également bénéficier de redevances pour services rendus sur la fourniture d'eau potable, la collecte et le traitement des eaux usées, des ordures ménagères et des déchets végétaux (article 53).

S'agissant de la fonction publique communale, l'article 11 du projet de loi ordinaire autorise le Gouvernement à définir, par ordonnance, le statut des fonctionnaires civils des administrations des communes de Polynésie française et de leurs établissements publics. Il est par ailleurs prévu que des arrêtés du haut commissaire définissent les cadres d'emplois particuliers, le cas échéant par référence à la situation actuelle des agents de la Polynésie française, les emplois eux-mêmes étant créés par les communes.

Ce même article prévoit d'étendre par ordonnance, avec les adaptations nécessaires, les première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales, consacrées respectivement aux dispositions générales, aux communes et à la coopération locale. Les communes seront donc soumises, comme en métropole, au contrôle a posteriori de leurs actes.

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Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale commune.

M. René Dosière a tout d'abord interrogé le président Pascal Clément sur une question de méthode, souhaitant savoir comment s'organiserait le débat en séance publique, et plus particulièrement la discussion des motions de procédures, deux projets de loi étant soumis à discussion. Il a ensuite vivement regretté les conditions d'examen de ces projets, qu'il a qualifiées de surprenantes, mettant l'accent sur l'urgence demandée par le Gouvernement, sans qu'aucune justification ne soit apportée à cette demande, ni même qu'il soit possible d'interroger la Ministre de l'outre-mer, qui n'a pas été auditionnée par la Commission, ainsi que sur les dates d'examen de ces projets tant au Sénat, juste avant les fêtes de fin d'année, qu'à l'Assemblée, dès la reprise des travaux, en sorte que n'étaient disponibles ni le texte adopté par le Sénat, ni, jusqu'au 6 janvier, le compte rendu intégral des débats. Il a regretté que les travaux du Sénat portent la marque d'une telle précipitation, notant l'écart entre le volume et le contenu explicatif du rapport. Il s'est dit quelque peu honteux de voir qu'un projet de réforme aussi important pour la France, dont le rayonnement international est notamment nourri par les territoires du Pacifique, et pour les habitants de la Polynésie française, dont l'intérêt, l'attachement et le respect pour le Parlement est toujours aussi vif, soit discuté dans de telles conditions par les deux assemblées.

Abordant le dispositif proposé, M. René Dosière a exprimé ses regrets que la réforme constitutionnelle entreprise par le précédent gouvernement et visant à donner à la Polynésie française une véritable autonomie politique n'ait pu aboutir. Il a jugé que les deux textes proposés aujourd'hui n'étaient, en comparaison, que du « bricolage juridico-politique » permettant de conforter les dérives institutionnelles constatées depuis plusieurs années au profit du président du gouvernement de la Polynésie. Il a ajouté que plusieurs dispositions lui paraissaient d'ailleurs incertaines sur le plan constitutionnel et rappelé que, compte tenu du caractère organique de l'un des deux projets, le Conseil constitutionnel en serait saisi d'office. Il a également regretté que la population n'ait pas été consultée sur cette réforme statutaire, comme le Gouvernement de M. Lionel Jospin l'avait fait précédemment pour Mayotte. Il a jugé par ailleurs indispensable pour la bonne information du Parlement que soit distribué l'avis de l'assemblée territoriale sur les deux textes.

Il a observé que, au-delà de la question institutionnelle, se posait le problème du développement économique de la Polynésie française. Tout en convenant de la bonne santé économique de l'archipel, il s'est interrogé sur le partage des richesses entre polynésiens en rappelant que les études de l'Institut de statistiques polynésien avaient mis en relief des écarts de niveau de vie considérables. Il a déploré que, hormis une disposition permettant à l'assemblée de Polynésie de prendre des participations dans des sociétés privées - et sur la cohérence de laquelle il s'est interrogé, eu égard à l'orientation libérale de la majorité actuelle - la réforme statutaire ne changerait rien.

Il s'est également interrogé sur la place réservée au citoyen dans cette réforme : il a constaté, pour le déplorer, qu'un amendement introduit au Sénat par M. Gaston Flosse et modifiant le mode de scrutin, aurait pour effet d'appauvrir la représentation politique, les seuils retenus ne laissant désormais la place qu'au parti au pouvoir et au parti indépendantiste. Il a également fait état des restrictions juridiques destinées à décourager les citoyens polynésiens de former des recours devant la juridiction administrative, la saisine du tribunal administratif étant dans bien des cas remplacée par celle du Conseil d'État, ce qui aura pour effet d'alourdir les frais supportés par les justiciables.

Il a conclu en indiquant que le groupe socialiste, à défaut de voir ses amendements retenus, voterait contre le texte.

M. Michel Buillard a exprimé sa satisfaction devant un texte qui permet de renforcer l'autonomie de la Polynésie française et fait état du profond attachement des Polynésiens au principe de l'indivisibilité de la République, attachement qu'il a jugé totalement compatible avec leur revendication portant sur la reconnaissance des droits des peuples outre-mer. Il a ajouté que le fait que les autorités polynésiennes soient appelées à participer à l'exercice des compétences régaliennes de l'État témoignait de la confiance du Gouvernement, et, plus généralement de la France, envers les Polynésiens.

Il a souhaité néanmoins que le projet de loi puisse être amendé sur un point précis, qui est celui de la préférence locale en matière de droit au travail ; il a jugé indispensable que le texte soit complété par une référence à la naissance sur le territoire polynésien ou par filiation, afin d'inciter les jeunes polynésiens partis suivre des études hors du territoire à revenir travailler au pays.

M. Jacques Floch a rappelé qu'il avait jadis accompagné le président Pierre Mazeaud dans une mission de la Commission des lois en Polynésie, donnant ainsi l'occasion de constater combien l'évolution démographique, les difficultés économiques et sociales et la dispersion du territoire jouaient un rôle déterminant dans le développement de l'archipel. Il a ajouté que ces facteurs lui paraissaient toutefois moins importants que celui qui tient à la personnalité de son président, avant de regretter la précipitation avec laquelle ces projets étaient examinés, et exprimé sa crainte que les conditions politiques créées par le projet ne soient viables que tant qu'elles seront attachées à la personnalité de M. Gaston Flosse. Il a ainsi mis en garde les parlementaires sur la situation future que prépare le projet de loi.

Le président Pascal Clément, tout en convenant de la brièveté des délais imposés au Parlement, a néanmoins rappelé qu'une délégation de la commission des Lois s'était rendue en Polynésie française pour étudier le futur projet statutaire. Tout en reconnaissant l'originalité de certaines des nouvelles dispositions proposées, il a insisté sur le contexte géographique et l'éloignement qui justifient ces conditions dérogatoires.

Ayant rappelé que la déclaration d'urgence relevait de la seule compétence du Gouvernement, le rapporteur a souligné que les Polynésiens étaient en attente d'un statut depuis 1999. Il a jugé que le calendrier parlementaire n'aurait pas permis, en l'absence de déclaration d'urgence, une adoption rapide du texte.

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Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Jean-Marc Ayrault sur le projet de loi organique (n° 1323), ainsi que l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 du même auteur sur le projet de loi (n° 1324), la Commission a examiné les articles des deux projets de loi.

Elle a tout d'abord examiné ceux du projet de loi organique.

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EXAMEN DES ARTICLES
DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

TITRE IER

DE L'AUTONOMIE

Les six articles du titre Ier comportent les dispositions générales du statut d'autonomie de la Polynésie française. Ce terme d' « autonomie » renvoie à l'article 74 de la Constitution, dont le présent projet est la première application dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. L'article 74 réunit au sein de la nouvelle catégorie des « collectivités d'outre-mer » des collectivités régies totalement ou partiellement par le principe de la spécialité législative. Elles ont en commun l'exercice de compétences propres, dévolues par leur loi organique statutaire, leur permettant d'intervenir dans des matières qui, en métropole, relèvent du domaine de la loi. En outre, l'article 74 prévoit que certaines d'entre elles sont dotées de l'autonomie au sein de la République. Tel est donc le cas de la Polynésie française.

Le statut d'autonomie peut prévoir, conformément aux septième à onzième alinéas de l'article 74 :

-  un contrôle juridictionnel spécifique et une procédure de « déclassement » par le Conseil constitutionnel, pour « certaines catégories d'actes » de l'assemblée délibérante ;

-  les conditions d'adoption par les collectivités de mesures préférentielles en faveur de sa population dans certains domaines : accès à l'emploi, droit d'établissement et protection du patrimoine foncier ;

-  les conditions dans lesquelles l'État peut associer la collectivité à l'exercice des compétences qu'il conserve.

Article premier

Caractères généraux de la Polynésie française

L'article 1er met à jour les dispositions initiales des précédentes lois statutaires.

1. Le premier alinéa modifie quelque peu l'énumération des composantes géographiques de la Polynésie française. Celle-ci comprenant 132 îles, leur énumération n'est pas de mise dans le statut organique. La notion d'archipel est peu opératoire, dans la mesure où l'archipel de la Société, qui comprend les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent, comprend plus des trois quarts de la population. C'est pourquoi le Sénat a adopté à juste raison un amendement supprimant le terme d'archipel nouvellement introduit dans le présent projet. Dans la rédaction du Sénat, six ensembles d'îles au lieu de cinq sont distingués : les îles du Vent (soit Tahiti et Mooréa), les îles Sous-le-Vent (en particulier Raiatea, Bora-Bora, Maupiti), les îles Tuamotu ( Rangiroa, Hao, Fangataufa, notamment), les îles Gambier (dont Mangareva est la seule habitée), les îles Marquises (dont Eiao, Nuku Hiva et Hiva Oa) et les îles Australes ( Rimatara, Rurutu, Tubuai, Raivavae ...). L'innovation consiste à distinguer les îles Tuamotu des Gambier, laissant la voie ouverte à une représentation séparée ; il est ainsi répondu à une revendication des habitants des îles Gambier.

2. Aux termes du deuxième alinéa, le Polynésie française est juridiquement définie comme une collectivité d'outre-mer relevant du statut d'autonomie régi par l'article 74 de la Constitution. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a, rappelons-le, supprimé la catégorie des territoires d'outre-mer, dont relevaient jusqu'alors la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna. Inscrite désormais dans la nouvelle catégorie des « collectivités d'outre-mer », la Polynésie française est reconnue comme « pays d'outre-mer ». Il ne s'agit pas d'une catégorie de collectivités, en marge de celles définies par la Constitution, mais d'une simple dénomination. Son usage peut être justifié par trois considérations.

En premier lieu, le terme est repris de l'article 4 du projet de loi constitutionnelle de 1999, qui en faisait en quelque sorte l'équivalent d'un territoire d'outre-mer doté d'une large autonomie. Le rapport de Mme Catherine Tasca, au nom de la commission des Lois (3), définissait ainsi les caractéristiques d'un pays d'outre-mer :

-  un statut constitutionnel complété par une loi organique ;

-  une large autonomie avec des compétences transférées par l'État ;

-  la possibilité de devenir membre d'organisations internationales et de négocier des accords d'association dans son domaine de compétence ;

-  la possibilité de prendre des actes de nature législative - les lois du pays - échappant au contrôle du juge administratif, mais soumis, avant publication, au contrôle du Conseil constitutionnel ;

-  une citoyenneté fondée sur une condition de résidence ou sur l'existence de liens particuliers avec le pays.

Ce faisceau de critères conserve pour l'essentiel sa pertinence dans le cadre du présent projet. La principale nuance porte sur les modalités de participation à l'exercice de la fonction législative. Les « lois du pays » n'ont plus, à l'article 139 du présent projet, la nature législative ni le régime contentieux qui avaient été envisagées en 1999. Mais le principe demeure d'une participation de la collectivité à l'exercice des compétences de l'État définies à l'article 34 de la Constitution.

En deuxième lieu, le terme de « loi du pays », quoique doté d'un contenu spécifique, qui n'est ni celui prévu en 1999, ni celui propre à la Nouvelle-Calédonie, appelle logiquement pour la Polynésie française la dénomination de « pays ».

En dernier lieu, la Polynésie française relève, en droit communautaire, de la catégorie des « pays et territoires d'outre-mer », dans le cadre de la décision d'association du 25 juillet 1991.

Il parait donc possible d'user du terme de pays d'outre-mer au nom d'une triple cohérence, et sans nullement prétendre définir une catégorie juridique nouvelle.

3. Les trois derniers alinéas de l'article premier précisent le contenu de la notion de collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie, dans le cas de la Polynésie française.

La première modification est de grande portée institutionnelle. Alors que le statut actuel dispose que celle-ci « exerce librement et démocratiquement (...) les compétences qui lui sont dévolues », le présent projet, comme le projet de loi constitutionnelle de 1999, prévoit qu'elle « se gouverne librement et démocratiquement ».

Le gouvernement de la Polynésie française est exercé par ses représentants élus et par la voie du référendum local, dans les conditions prévues par les articles 158 et 159 du présent projet. Ces dispositions fixent en effet les modalités particulières d'application de l'article 72-1 de la Constitution relatif au référendum décisionnel outre-mer.

Les autres dispositions de l'article, relatives à la garantie de l'autonomie par la République ainsi qu'à la libre détermination des signes distinctifs et d'un ordre de reconnaissance des mérites (l'Ordre de Tahiti Nui) sont analogues à celles figurant dans le statut actuel. La seule innovation réside dans la perspective de développement durable que traduit l'ajout de l'adverbe « durablement » au quatrième alinéa de l'article.

La Commission a examiné un amendement de M. René Dosière supprimant la qualification de « pays d'outre-mer » attribuée à la Polynésie française, ce terme n'étant pas prévu par la Constitution. Défavorable à l'amendement, le rapporteur a souligné qu'il ne s'agissait que d'une dénomination, au demeurant déjà prévue par le projet de révision constitutionnelle adopté en termes identiques par les deux assemblées en 1999. La Commission a rejeté cet amendement puis adopté l'article premier sans modification.

La Commission a adopté l'article premier sans modification.

Article 2

Responsabilité conjointe de l'État et de la Polynésie française
pour le développement de celle-ci

Cet article transpose l'article 2 du statut actuel, qui confie à l'État et à la Polynésie française la responsabilité de veiller au développement de celle-ci et d'apporter leur concours aux communes. La qualification de la Polynésie française fait l'objet d'un glissement terminologique, de « territoire » dans le statut de 1996, à « collectivité » dans le projet du Gouvernement, puis à « pays d'outre-mer », dans le texte du Sénat, qui, sur la proposition de M. Gaston Flosse, a repris par coordination l'expression figurant au deuxième alinéa de l'article 1er.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3

Rôle du haut-commissaire de la République

Avant de rappeler les missions générales du haut-commissaire de la République selon les termes du statut actuel, cet article précise qu'il est « dépositaire des pouvoirs de la République ». Le Sénat ayant adopté un amendement de portée pédagogique reprenant les termes de l'article 72 de la Constitution, l'article précise en outre que le haut-commissaire est représentant de l'État et représentant de chacun des membres du Gouvernement. Cette rédaction présente l'avantage d'être plus solennelle que celle de « délégué du Gouvernement » figurant dans le statut de 1996.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4

Représentation de la Polynésie française dans les institutions nationales

Cet article est identique à l'article 4 du statut actuel, qui pose le principe de la représentation de la collectivité au Parlement et au Conseil économique et social.

Comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel par une réserve figurant dans sa décision n °99-410 DC du 15 mars 1999 sur le statut de la Nouvelle-Calédonie, dès lors que les parlementaires représentent non une circonscription, mais la Nation tout entière, une telle mention s'agissant du Parlement se borne à répéter que des élections législatives et sénatoriales se tiennent en Polynésie française.

La Commission a adopté l'article 4 sans modification

Article 5

Dénomination des institutions de la Polynésie française

Aux trois institutions énoncées à l'article 8 du statut actuel - gouvernement, assemblée, conseil économique, social et culturel -, cet article ajoute, en tête de liste, le président. Celui-ci étant doté en propre de compétences étendues, il est logique de le faire figurer parmi les institutions, même s'il appartient au gouvernement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. René Dosière supprimant la référence au « président de la Polynésie française » parmi les institutions de la Polynésie française. Son auteur a estimé que la transformation du président du gouvernement en institution à part entière n'était pas souhaitable et que le mimétisme entre le projet de loi organique et la Constitution de 1958, dont témoigne, entre autres, cet article, portait en germe une dérive, d'autant plus grave que le texte prévoit que le président du territoire pourra être choisi hors de l'assemblée territoriale. Précisant qu'il n'avait trouvé aucune explication de cette disposition, ni dans l'exposé des motifs, ni dans le rapport de la commission des Lois du Sénat, ni dans le compte rendu des débats de cette assemblée, il a demandé au rapporteur quel en était le fondement.

Après avoir relevé que les relations personnelles qui existaient entre le président du gouvernement polynésien et le Président de la République avaient favorisé la réforme proposée, M. Jacques Floch s'est demandé si l'institution d'un « président de la Polynésie française », qui entraînerait une modification profonde du paysage politique polynésien, n'avait pas comme logique ultime son élection au suffrage universel et s'est inquiété des conséquences d'une telle évolution sur les autres collectivités d'outre-mer, ainsi que des difficultés qui ne manqueront pas de naître au moment de la succession de l'actuel président du gouvernement. Rappelant, d'une part, que le territoire disposait d'ores et déjà de son propre drapeau, de son propre hymne et de ses propres décorations et que l'actuel président de son gouvernement avait obtenu la création de « représentations de la Polynésie » dans les autres îles du Pacifique, il a craint que le territoire, en acquérant tous les attributs d'un État, n'en devienne effectivement un, sans qu'une décision claire n'ait été prise en ce sens.

M. Michel Buillard, tout en relevant le caractère particulièrement innovant du dispositif juridique proposé, a souligné qu'il se situait dans la logique de l'action réformatrice et de redressement menée par l'actuel président du gouvernement polynésien, notamment depuis la fermeture du Centre d'essais du Pacifique, et qu'il permettrait au futur président de jouer un rôle d'arbitre, placé au-dessus des partis et dégagé des pressions contradictoires qui avaient empêché jusque là le territoire de connaître un développement optimal. Tout en se disant également préoccupé des difficultés liées à la succession de M. Gaston Flosse, il a fait observer que les modifications statutaires examinées bénéficieraient à tous ses successeurs.

M. Jérôme Lambert a souligné que son groupe ne s'opposerait pas, dans le cas où les Polynésiens le décideraient clairement, à une évolution du territoire vers l'indépendance. En revanche, il s'est dit sceptique sur la réforme proposée qui, d'une part, poussait l'autonomie si loin qu'il était difficile de ne pas penser à l'indépendance et, d'autre part, hypothéquait le développement d'un jeu politique réellement démocratique dans le territoire, à tel point qu'on pourrait craindre une évolution semblable à celle qui avait suivi, en Afrique francophone, la décolonisation, marquée par l'absence de représentation démocratique et de débats.

Le rapporteur s'est dit défavorable à l'amendement puisqu'il existe une logique entre l'attribution au président de pouvoirs plus étendus en matière de politique intérieure (article 64) et de politique extérieure (articles 15, 16, 17, 38 et 39), et la qualification d'institution donnée à cette fonction. Il a ajouté qu'il n'y avait aucune contradiction juridique entre l'existence d'un régime démocratique et celle d'une institution présidentielle. Il a mis en garde certains orateurs contre le fantasme qui consistait à voir dans l'action de M. Gaston Flosse la volonté de faire de la Polynésie un État indépendant. Il a enfin rappelé que le président du gouvernement, en Nouvelle-Calédonie, n'était pas nécessairement élu au sein du congrès.

Après avoir souligné que la situation néo-calédonienne n'était en rien comparable à celle de la Polynésie, dès lors que le gouvernement de Nouvelle-Calédonie était pluraliste conformément aux accords de Nouméa, M. René Dosière a fait valoir que la reconnaissance du rôle historique joué par M. Gaston Flosse, mais également par son prédécesseur, dans l'évolution du territoire polynésien, ne devait pas interdire toute critique politique. Il s'est par ailleurs déclaré surpris par les propos de M. Michel Buillard plaçant le président de la collectivité au-dessus des partis. Il a redouté qu'une modification ultérieure du statut de la Polynésie, intervenant dans la logique de la réforme proposée, conduise à l'élection au suffrage universel du président de la collectivité et développe ainsi à l'excès la tendance au culte de la personnalité, ce qui irait à l'encontre du développement d'institutions authentiquement démocratiques.

Le président Pascal Clément a rappelé que le très fort particularisme de la Polynésie appelait des adaptations audacieuses, qui devaient s'affranchir d'une conception purement esthétique de la norme juridique. Il a attiré l'attention sur le fait qu'une attitude timide en la matière pourrait conduire à remettre en cause l'attachement profond et maintes fois réitéré que les Polynésiens éprouvaient à l'égard de la République et serait contraire à l'esprit de souplesse qui avait guidé la récente révision constitutionnelle.

Rejoignant les propos du président, M. Robert Pandraud a souligné que, contrairement à ce qui s'était passé lors de la décolonisation, il existait, en Polynésie, un partenaire compétent et légitime, qui était parvenu à éviter les dérives indépendantistes tout en assurant à son territoire le meilleur cadre de développement possible. Il a fait observer qu'en l'espèce le refus de toute innovation juridique pourrait être assimilé à une forme de néocolonialisme qui dénierait à certaines populations la capacité d'organiser leur vie démocratique.

À l'issue de ce débat, la Commission a rejeté l'amendement de M. René Dosière.

La Commission a ensuite adopté l'article 5 sans modification.

Article 6

Communes de la Polynésie française

Cet article marque une étape décisive dans l'attribution d'un régime de droit commun aux communes polynésiennes. Celles-ci sont de formation récente, puisque, excepté quatre d'entre elles, leur création ne remonte qu'à la loi du 29 décembre 1971. Elles sont désormais définies comme des collectivités territoriales de la République. Cette qualification les place ipso facto dans le champ des articles 72, 72-1 et 72-2 de la Constitution. On rappellera que le quatrième alinéa de l'article 72 est relatif à l'expérimentation par les collectivités territoriales et que le deuxième alinéa de l'article 72-1 concerne le référendum local. Ces deux dispositions ont fait l'objet de lois organiques en date du 1er août 2003, qui seront applicables aux communes de Polynésie française. Celles-ci s'administrent librement dans le cadre constitutionnel de droit commun, aménagé cependant par les dispositions statutaires et législatives qui leur sont applicables.

La section 4 et la plupart des articles de la section 6 du présent chapitre, regroupant les articles 48 à 56, concourent également au renforcement du rôle des communes de Polynésie française.

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

TITRE II

L'APPLICATION DES LOIS ET RÉGLEMENTS EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

L'essentiel des dispositions du titre II innovent par rapport au statut actuel. L'article 74 de la Constitution fait désormais obligation au législateur organique de définir les principes gouvernant la spécialité législative. Or, actuellement, les conditions d'application des normes dans les collectivités d'outre-mer sont très largement posées par voie jurisprudentielle. C'est ainsi en particulier que la notion importante et classique de « lois de souveraineté » ne fait pas l'objet d'une définition expresse dans un texte de valeur législative.

Article 7

Principe de spécialité - Conditions d'application
des dispositions législatives et réglementaires

1°  De la spécialité législative à la spécialité des lois et règlements

Le principe de spécialité des actes législatifs et réglementaires est défini par le premier alinéa de cet article : dans les matières relevant de la compétence de l'État, ne sont applicable en Polynésie française que les dispositions comportant une mention expresse à cette fin.

Ce principe, prévu par l'article 74 de la Constitution, est commun aux collectivités d'outre-mer. Il était déjà applicable à la Polynésie française en tant que territoire d'outre-mer, sous l'empire de l'ancienne rédaction de l'article 74 de la Constitution.

Les autres alinéas de l'article 7 du présent projet prévoient, par exception, les dispositions législatives et réglementaires qui sont applicables de plein droit en Polynésie française.

En l'état actuel, la liste de ces dispositions résulte de la théorie jurisprudentielle des « lois de souveraineté ». Cette expression est reprise par la circulaire du 21 avril 1988 relative à l'applicabilité des textes législatifs et réglementaires outre-mer, à la consultation des assemblées locales de l'outre-mer et au contreseing des ministres chargés des départements et des territoires d'outre-mer. Cette circulaire a été modifiée le 16 juin 1990. Sont considérés comme lois de souveraineté des textes qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l'ensemble du territoire de la République. La circulaire de 1988 en cite les exemples suivants : les lois constitutionnelles, les lois organiques (dont il convient depuis 1993 d'exclure précisément les lois statutaires propres à l'outre-mer), les règles relatives aux grandes juridictions nationales, les lois relatives à l'état des personnes ou instituant un statut au profit des personnes. Sont également applicables de plein droit les lois autorisant la ratification des traités et engagements internationaux, dans la mesure où ceux-ci n'excluent pas leur application aux collectivités d'outre-mer. La circulaire prévoit également l'application de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République des principes généraux du droit dégagés par la jurisprudence administrative.

Faute de dispositions écrites plus précises, le régime des lois de souveraineté et du principe de la spécialité législative est affecté d'incertitudes juridiques.

Une première incertitude concerne les dispositions modificatives. Depuis l'arrêt Ordre des avocats de la Polynésie française du 27 janvier 1984, le Conseil d'État considérait qu'étaient applicables de plein droit les dispositions législatives modifiant des dispositions elles-mêmes expressément applicables. Puis, par l'arrêt Élections municipales de Lifou du 9 février 1990, il est revenu à une interprétation stricte du principe de spécialité législative, et exige désormais une mention expresse d'applicabilité, qui contribue à la complexité des situations juridiques.

Une deuxième difficulté porte sur l'application du principe de spécialité aux actes réglementaires, avec son corollaire en matière de promulgation. On y reviendra à propos de l'article 8 relatif à l'entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires.

La nouvelle rédaction de l'article 74, qui renvoie à la loi organique les conditions d'applicabilité des lois et règlements, permet de mettre un terme à ces difficultés, en étendant le principe de spécialité et lui en donnant une base écrite.

2° La clarification des dispositions applicables de plein droit en Polynésie française

Dès à présent, les lois déterminant le statut particulier des collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon fixent les règles locales d'applicabilité des textes.

Conformément à l'obligation faite par le troisième alinéa de l'article 74 de la Constitution, le présent article présente une énumération limitative des dispositions applicables de plein droit en Polynésie française. Il s'agit des dispositions législatives et réglementaires intervenant dans cinq domaines de compétences « régaliennes », recoupant assez étroitement l'ancienne définition des lois de souveraineté :

-  la composition, l'organisation, le fonctionnement et les attributions des pouvoirs publics constitutionnels de la République ainsi que des juridictions nationales souveraines. Il parait nécessaire d'y ajouter expressément le médiateur de la République et le défenseur des enfants, dont le régime n'est pas fixé par la Constitution, et qui entrent actuellement dans le champ des « lois de souveraineté ». La Commission a adopté un amendement du rapporteur en ce sens (amendement n° 34;

-  la défense nationale, qui ne figurait pas dans la circulaire de 1988 ;

-  le domaine public de l'État ;

-  l'état et la capacité des personnes, ainsi que la nationalité à la suite de l'adoption par le Sénat d'un amendement du Gouvernement destiné à rendre applicables de plein droit en Polynésie française les lois et règlements relatifs à la nationalité, comme c'est le cas à Mayotte depuis la loi du 11 juillet 2001 ;

-  le statut des agents publics de l'État, par cohérence avec les dispositions de l'article 62 du présent projet.

Enfin, est maintenue l'applicabilité de plein droit des lois autorisant la ratification ou l'approbation des traités et engagements internationaux ainsi que des décrets décidant de leur publication.

Dans tous ces domaines, le principe d'application de plein droit ne fait pas obstacle à l'adoption des mesures d'adaptation à l'organisation particulière de la Polynésie française. C'est ainsi, par exemple, que les dispositions relatives à l'état des personnes et en particulier à la filiation adoptive pourront continuer à faire l'objet de dispositions d'adaptation destinées à tenir compte des coutumes et des usages locaux.

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8

Entrée en vigueur des dispositions législatives et réglementaires

Cet article procède à une clarification bienvenue des règles d'entrée en vigueur des textes en Polynésie française.

Les distances entre la métropole et la Polynésie française, ainsi qu'entre les îles polynésiennes, créent des contraintes très particulières qui rendent malaisée la mise en œuvre les règles générales posées par l'article 1er du code civil, aux termes duquel :

« Les lois sont exécutoires sur tout le territoire français, en vertu de la promulgation qui en est faite par le Président de la République.

Elles seront exécutées dans chaque partie de la République, du moment où la promulgation en pourra être connue.

La promulgation faite par le président de la République sera réputée connue dans le département où siège le Gouvernement un jour après celui de la promulgation ; et dans chacun des autres départements, après l'expiration du même délai, augmenté d'autant de jours qu'il y aura de fois dix myriamètres entre la ville où la promulgation en aura été faite, et le chef-lieu de chaque département ».

L'application en Polynésie française des textes relevant de la compétence de l'État obéit à des règles complexes liées à la mise en œuvre du principe de spécialité législative. Elle est actuellement soumise à deux formalités : la promulgation par arrêté du haut-commissaire, puis la publication au Journal officiel de la Polynésie française.

L'article 91 de la loi statutaire du 6 septembre 1984 prévoyait que le haut-commissaire promulgue les « lois et décrets ». À titre général, les arrêtés ministériels d'application de ces textes étaient ainsi considérés comme applicables de plein droit, sous réserve de l'éventuelle applicabilité propre de ces textes en Polynésie française.

Puis l'article 1er de la loi ordinaire n° 96-313 du 12 avril 1996 a prévu que le haut-commissaire promulgue les « lois et règlements ». De ce fait, les arrêtés ministériels sont englobés dans le champ d'application du principe de spécialité législative ; ils ne sont désormais applicables qu'à condition de comporter une mention expresse d'applicabilité. Pour des raisons pratiques, une telle mention est rarement inscrite dans les nombreux textes intervenant dans des domaines techniques, alors qu'ils auraient souvent vocation à s'appliquer en Polynésie française au même titre qu'en métropole. Il en résulte de nombreux retards d'application.

Le présent article simplifie le régime, en s'inspirant de la procédure retenue en Nouvelle-Calédonie à partir de 1985. L'exigence juridique de promulgation par le haut-commissaire est supprimée. L'entrée en vigueur des textes est fixée au dixième jour qui suit leur publication au Journal officiel de la République française. Si le second alinéa de l'article maintient la publication locale au Journal officiel de la Polynésie française, c'est seulement à titre d'information.

Cette nouvelle procédure suppose la généralisation de l'usage des moyens informatiques de communication, et en particulier la consultation systématique du site Internet du Journal officiel de la République française. La délégation de la commission des Lois a pu constater que cet objectif est réaliste.

La Commission a adopté l'article 8 sans modification.

Article 9

Consultation de l'assemblée de la Polynésie française

Cet article tire les conséquences de la nouvelle rédaction de l'article 74 de la Constitution sur les catégories d'actes soumis à la consultation obligatoire de l'assemblée. De plus, il aligne le délai dans lequel cet avis est rendu sur le droit commun des collectivités d'outre-mer.

1.  Les catégories d'actes soumis à consultation de l'assemblée

La liste des actes soumis à l'assemblée de la Polynésie française a été progressivement étendue. Elle comportait quelques points d'incertitude, concernant en particulier les ordonnances.

L'article 74 prévoit désormais que le statut de chaque collectivité d'outre-mer fixe « les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence ». Par « dispositions particulières à la collectivité », il faut entendre toute disposition qui introduit, modifie ou supprime une disposition spécifique à une ou plusieurs collectivité d'outre-mer, d'après la décision n° 94-342 DC du 7 juillet 1994 du Conseil constitutionnel.

Le présent article met en œuvre ces dispositions s'agissant de l'assemblée ; il est complété par l'article 10 en ce qui concerne l'avis du gouvernement de la Polynésie française.

Trois types d'actes sont soumis à la consultation de l'assemblée, dans le texte adopté par le Sénat après amendements. La première est constituée par les projets de loi, propositions de loi et projets d'ordonnance introduisant, modifiant ou supprimant des dispositions particulières à la Polynésie française. Cet alinéa combine donc le texte constitutionnel et la jurisprudence précitée de 1994. Les projets d'ordonnance de l'article 38 sont ainsi ajoutés à la liste actuelle.

Par l'adoption d'un amendement de M. Gaston Flosse, le Sénat a ajouté la catégorie particulière des ordonnances prises sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, dont l'objet est d'étendre aux collectivités d'outre-mer les dispositions législatives en vigueur en métropole.

La troisième catégorie d'actes soumis à l'assemblée est celle des projets de loi autorisation la ratification ou l'approbation des engagements intervenant dans les domaines de compétence de la Polynésie française. Il s'agit de la reprise des dispositions de l'article 68 du statut actuel.

2.  Les modalités de la consultation

Plus fréquent, l'avis sera soumis à des délais plus brefs, en dépit des réticences exprimées par l'assemblée dans son avis du 2 juillet 2003 sur l'avant-projet de loi organique. L'article 9 ramène à un mois le délai de consultation, fixé à deux mois par l'article 69 du statut actuel. En cas d'urgence, à la demande du haut-commissaire, ce délai est de quinze jours au lieu d'un mois actuellement. Il est expressément prévu que l'avis est réputé avoir été donné après expiration du délai.

Les conditions dans lesquelles l'avis peut être émis par la commission permanente ont été précisées par un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat. Il est rappelé que cette commission, élue à la représentation proportionnelle, comprend actuellement onze membres sur quarante-neuf. Elle émet l'avis sur les projets d'ordonnance (au titre des articles 38 et 74-1 de la Constitution) soumis en dehors des sessions. D'autre part, sur habilitation de l'assemblée, elle peut émettre un avis sur les autres actes, à l'exception des modifications apportées à la présente loi organique. Qu'il soit rendu par l'assemblée ou sa commission permanente, l'avis est publié au Journal officiel de la Polynésie française.

Par ailleurs, le Sénat a expressément précisé, à l'avant-dernier alinéa, que les consultations doivent intervenir au plus tard avant l'adoption des textes en première lecture devant la première assemblée saisie. Cette obligation, destinée à assurer l'effectivité de la consultation, résultait en tout état de cause de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, depuis sa décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982 concernant la loi sur la communication audiovisuelle.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur à cet alinéa (amendement n° 35), puis l'article 9 ainsi modifié.

Article 10

Consultation du gouvernement de la Polynésie française

Par rapport à l'article 32 du statut actuel, l'article 10 apporte des précisions sur les actes réglementaires faisant l'objet d'une consultation obligatoire du gouvernement de la Polynésie française. Il s'agit des projets de décret à caractère réglementaire - c'est-à-dire à l'exclusion des mesures individuelles, comme la nomination du haut-commissaire - introduisant, modifiant ou supprimant des dispositions particulières à la collectivité.

La consultation est en outre étendue aux projets d'accords internationaux intervenant dans les domaines de compétence de la Polynésie française. L'avis est soumis aux mêmes règles de délai et de publication que celui prévu par l'article 9.

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11

Modification ou abrogation des lois et décrets antérieurs

Les articles 11 et 12 sont complémentaires, puisqu'ils traitent des actes intervenus dans les domaines de compétence dévolus à la Polynésie française par la présente loi organique. L'article 11 concerne les lois, ordonnances et décrets intervenus avant l'entrée en vigueur de celle-ci. Il prévoit très simplement que les autorités de la collectivité peuvent modifier ou abroger ces actes préexistants. Si le statut actuel ne prévoit pas de telles dispositions, la loi statutaire du 12 juillet 1977 en comportait dans son article 45. En tout état de cause, l'article 11 ne modifie pas le régime actuel, car il ne fait que constater la pratique actuellement admise par le tribunal administratif de Papeete, dans sa jurisprudence issue de son jugement du 3 décembre 1996, Rens Hoffer c/ territoire de la Polynésie française. A cet égard, il paraît inutilement lourd de prévoir une procédure préalable de « déclassement », dans la mesure où les actes de la collectivité seront soumis au contrôle du juge.

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12

Modification ou abrogation de lois postérieures

Le cas des lois intervenues postérieurement à l'entrée en vigueur du présent statut dans le domaine de compétence de la Polynésie française devait faire l'objet de dispositions spécifiques.

Actuellement, depuis la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, seule une loi organique peut en principe intervenir dans un domaine délégué à la collectivité. Mais en pratique, des lois ordinaires ou des ordonnances ont pu intervenir dans un tel domaine, sans que les autorités de Polynésie française disposent d'un recours et sans qu'elles aient le pouvoir d'en modifier les dispositions. C'est ce qui résulte de l'avis du Conseil d'État n° 363-633 du 5 octobre 1999.

Pour mettre fin à cette situation en apportant une réponse aux éventuels empiètements du législateur, la nouvelle rédaction de l'article 74 de la Constitution a prévu une procédure de « déclassement » inspirée de celle prévue à son article 37. Le premier paragraphe du présent article, amendé par le Sénat, reprend les termes de l'article 74. Il prévoit que, lorsque le Conseil constitutionnel a constaté l'intervention de la loi postérieure dans les matières ressortissant à la compétence de la collectivité, cette loi peut être modifiée ou abrogée par l'assemblée de la Polynésie française.

Le second paragraphe fixe la procédure. Le pouvoir de saisine appartient au président de la Polynésie française et au président de l'assemblée, après délibération, ainsi qu'au Premier ministre. La saisine, motivée, est notifiée aux deux autres autorités titulaires du pouvoir de saisine, qui disposent de quinze jours pour présenter des observations.

Le délai imparti au Conseil constitutionnel est de trois mois, au lieu d'un mois dans le cadre de la procédure de l'article 37.

Après avoir rejeté, par coordination avec ses précédentes décisions, un amendement de M. René Dosière tendant à modifier la dénomination du président, la Commission a adopté un amendement du même auteur, étendant aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel afin qu'il puisse constater qu'une loi promulguée après l'entrée en vigueur de la présente loi organique est intervenue dans des matières ressortissant à la compétence de la Polynésie française (amendement n° 36). Puis la Commission a adopté l'article 12 ainsi modifié.

TITRE III

LES COMPÉTENCES

Le statut de 1996 ne comporte pas de titre spécifique relatif aux compétences : celle-ci y sont traitées au fil de la présentation des institutions. Mais, dans le présent statut, comme dans la loi organique statutaire de 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, un titre relatif aux compétences est utile, compte tenu de trois éléments :

-  la participation de la Polynésie française à l'exercice des compétences de l'État, résultant de la révision constitutionnelle de 2003 ;

-  l'extension des compétences propres de la collectivité, qu'elle peut à son tour déléguer aux communes ;

-  le renforcement des attributions des communes.

Le titre III comprend deux chapitres d'importance inégale : le premier, comprenant les articles 13 à 58 et divisé en sept sections, fixe la répartition des compétences entre l'État, la Polynésie française et les communes ; le second, qui comporte les articles 59 à 62, règles les modalités des transferts, c'est-à-dire pour l'essentiel les conditions de leur compensation pour la Polynésie française.

Chapitre Ier

La répartition des compétences entre l'État,
la Polynésie française et les communes

Article 13

Compétence de principe des autorités de la Polynésie française

Reprenant les dispositions de l'article 5 du statut actuel, cet article prévoit que les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas expressément dévolues à l'État par la présente loi organique. Quant aux communes, qui demeurent dotées comme l'État d'une compétence d'attribution, elles exercent à la fois des compétences propres et des compétences déléguées par la Polynésie française en application de la présente loi.

La Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Section 1

Les compétences de l'État

Article 14

Compétences des autorités de l'État

Inspiré de l'article 6 du statut actuel, dont il reste assez proche, cet article récapitule les compétences limitativement dévolues à l'État. Celles-ci doivent nécessairement comprendre les matières mentionnées au quatrième alinéa de l'article 73 de la Constitution.

À la logique des « blocs de compétences » qui inspire les lois de décentralisation en métropole, a été préférée l'énumération, mode de présentation traditionnellement utilisé pour la Polynésie française. Il convient de rappeler, que dans les années qui ont suivi l'entrée en vigueur du statut de 1984, la juridiction administrative, privilégiant la notion d'autonomie, reconnaissait la compétence générale du territoire chaque fois que les dispositions statutaires ne donnaient pas expressément compétence à l'État. En cas de doute, les magistrats recouraient aux dispositions du statut de 1957 qui définissaient les compétences d'attribution du territoire.

Cette pratique s'est inversée dans les années 1990 et les domaines généraux de droit civil, de droit pénal ou encore les principes fondamentaux des obligations commerciales et de la sécurité civile, par exemple, ont été invoqués pour justifier la compétence de l'État et non plus celle de la Polynésie française, dans des secteurs qui n'avaient pas fait l'objet de contestation jusqu'alors (assurances, coopératives, licences de pêche, etc.).

L'énumération comporte treize matières différentes ; leur contenu tient compte de ce que le constituant n'a pas prévu l'accession future de la Polynésie française à la pleine souveraineté, à la différence de la perspective ouverte pour la Nouvelle-Calédonie par l'article 77 de la Constitution. Il en résulte notamment le maintien de compétences étendues de l'État en matière de droits civils, et en particulier en ce qui concerne les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités, afin de conjurer le risque de conflits de lois. Le contenu des diverses rubriques est plus étoffé, afin d'en clarifier le contenu et de dissiper des divergences d'interprétation du statut actuel.

Par différence avec celui-ci, les compétences de l'État désormais transférées à la Polynésie française sont les suivantes :

-  au 1° de l'article, le droit civil, à l'exception de l'état des personnes (soit les matières figurant au livre premier du code civil, et en particulier actes de l'état-civil, absence, mariage, divorce, filiation, autorité parentale) et de la capacité des personnes ;

-  au 1° de l'article, les principes fondamentaux des obligations commerciales ;

-  au 1°, les principes généraux du droit du travail, à l'exception des règles relatives au régime du travail dans les établissements de la défense nationale ;

-  au 1°, l'organisation des élections non politiques, c'est-à-dire professionnelles et consulaires ;

-  au 3° (et à l'article 15), la représentation de la Polynésie française auprès des d'États et territoires étrangers et d'organismes internationaux ;

-  au 3° (et à l'article 39), le pouvoir de négocier, au nom de la Polynésie française dans ses domaines de compétence, des accords internationaux, sauf opposition des autorités de la République ;

-  au 3° (et à l'article 41), l'adhésion de la Polynésie française à des organisations internationales régionales du Pacifique ;

-  au 4° (ainsi qu'au 14° de l'article 91), la réglementation des hydrocarbures liquides et gazeux, exercice des missions de sécurité et de défense exceptée. Par son avis n° 365-337 du 28 novembre 2000, le Conseil d'État avait estimé que les autorités du territoire n'avaient pas compétence pour ériger en service public l'approvisionnement en hydrocarbures, au motif que ceux-ci relèvent de la compétence exclusive de l'autorité de l'État. Mais il a été considéré que l'approvisionnement en hydrocarbure était le complément de la gestion des dessertes aériennes et des installations aéroportuaires ;

-  au 6°, certaines compétences de police de la circulation maritime, notamment dans les eaux territoriales, à l'exception de celles conservées par l'État ;

-  au 8° de l'article, les liaisons aériennes internationales lorsqu'elles relèvent d'un point d'escale situé en territoire étranger sur la desserte d'un autre point du territoire de la République : par exemple le tronçon Papeete-Los Angeles de la desserte Papeete-Paris ;

-  au 8° (et à l'article 47) la gestion en pleine propriété de l'aérodrome de Tahiti-Faaa;

-  au 10°, la réglementation des marchés publics des communes et de leurs établissements publics.

En revanche, conformément à une demande des autorités locales, la compétence en matière de liberté surveillée des mineurs est transférée à l'État (cf. le 2° de l'article). Il est à noter qu'aucune disposition du projet de loi organique ne prévoit le transfert de service ou de partie de service du territoire à l'État correspondant à ce transfert de compétence. Il existe, au sein du service territorial des affaires sociales, une « permanence éducative et liberté surveillée des mineurs » (pels) qui aurait ainsi vocation à être mise à disposition de l'État.

Le Sénat a adopté deux modifications au projet. Le point 9°, relatif au rôle de l'État en matière maritime et portuaire, a fait l'objet d'une nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement, afin de prévoir les obligations incombant à l'État en application de conventions internationales, et de préciser le seuil de tonnage des navires à partir duquel les règles de sécurité sont fixées par l'État.

Au point 13°, concernant l'enseignement, le Sénat a adopté un amendement de M. Gaston Flosse, avec avis favorable de la commission des Lois et du Gouvernement, tendant à inscrire dans les compétences d'État, non pas l'enseignement supérieur, mais l'enseignement universitaire. Il a considéré à juste titre que la Polynésie française exerce dès à présent des compétences en matière d'enseignement supérieur hors université, qu'il s'agisse des classes préparatoires ou de filières de préparation au brevet de technicien supérieur (bts).

Comme le précise le dernier alinéa de l'article, les compétences ainsi dévolues à l'État trouvent leurs limites dans les pouvoirs de la Polynésie française. Surtout, elles peuvent faire l'objet d'une participation de la Polynésie française, dans les domaines prévus à la section 3 du même chapitre, en particulier à l'article 31 ci-après.

La Commission a été saisie de l'amendement n° 1 de M. Michel Buillard donnant compétence aux autorités de l'État, non sur les actes de l'état civil, mais sur l'organisation législative de l'état civil, l'auteur de l'amendement ayant indiqué qu'il s'agissait d'éviter toute confusion dans la répartition des compétences dévolues à l'État et à la Polynésie française. Le rapporteur ayant jugé difficile de distinguer en matière d'état civil ce qui relève respectivement des domaines législatif et réglementaire et rappelé que l'état civil est une compétence de l'État, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a en revanche adopté l'amendement de précision n° 2 du même auteur. Puis la Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière laissant à l'État une compétence exclusive sur les matières premières stratégiques, y compris les hydrocarbures liquides et gazeux, l'auteur de l'amendement s'interrogeant sur les raisons justifiant ce transfert à la Polynésie, alors qu'il a jugé que ce secteur stratégique devait rester de la compétence de l'État. Le rapporteur ayant indiqué que celui-ci était le complément des compétences désormais dévolues à la Polynésie en matière de desserte aérienne et de gestion des aéroports et rappelé que le haut commissaire, dans le cadre des missions de sécurité civile, conserverait un droit d'information sur les conditions de stockage des hydrocarbures, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a ensuite été saisie d'un amendement du même auteur insérant parmi les compétences de l'État les principes fondamentaux des obligations commerciales. M. René Dosière a indiqué que ce point avait été relevé par le Conseil d'État et que son amendement permettrait d'éviter une confusion entre les régimes juridiques applicables, préjudiciable à la bonne marche des relations commerciales. La Commission a néanmoins rejeté cet amendement, le rapporteur l'ayant jugé contraire à la logique du projet de loi organique. Elle a également rejeté un amendement du même auteur tendant à revenir au projet de loi initial afin de faire figurer dans les compétences des autorités de l'État l'enseignement « supérieur » plutôt qu'« universitaire ».

Puis la Commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Section 2

Les compétences particulières de la Polynésie française

L'adjectif « particulières » a été inséré dans le titre de cette section par le Sénat, qui a adopté un amendement à cet effet de M. Gaston Flosse, afin de bien marquer que la Polynésie française dispose de la compétence de droit commun, sans énumération limitative par la présente section.

Article 15

Représentation internationale de la Polynésie française

Les articles 15 à 17 renforcent les moyens juridiques de l'action internationale de la Polynésie française. En complément, les articles 38 à 41 développent sa participation à l'exercice des compétences de l'État dans le domaine diplomatique.

L'article 40 du statut actuel permet aux autorités de la République de donner pouvoir au président du gouvernement pour négocier et signer des accords avec des organisations régionales. Le présent projet de loi organique va donc plus loin, pour respecter l'esprit de l'autonomie et tenir compte de l'insertion de la Polynésie française dans les courants de relations propres au Pacifique. Il est assez proche de l'article 32 du statut de la Nouvelle-Calédonie de 1999.

L'article 15, modifié par le Sénat sur proposition de M. Gaston Flosse, permet à la Polynésie française de disposer de représentations propres auprès : 1. de tout État, pas seulement du Pacifique, à la différence de la Nouvelle-Calédonie ; 2. d'une entité territoriale reconnue par la République française, référence à des provinces d'États, comme le Québec, ou encore à des territoires du Pacifique n'ayant pas encore accédé à la pleine souveraineté ; 3. d'un organisme international dont la République est membre ; 4. de tout organisme international du Pacifique.

L'ouverture de ces représentations est négociée par le président de la Nouvelle-Calédonie, qui en nomme les représentants. Il convient de souligner que, compte tenu notamment de l'article 14, les représentations ne peuvent exercer de missions de souveraineté et ne peuvent ainsi jouer le rôle de représentations consulaires. Les autorités de la République sont tenues informées de leur ouverture. Il est rappelé que les autorités de la République compétences en matière d'affaires étrangères sont le Président de la République et le ministre chargé des affaires étrangères.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière limitant aux États, territoires et organismes situés dans le Pacifique la possibilité pour la Polynésie française d'y disposer de représentations. Insistant sur le caractère novateur de l'article 15 et jugeant qu'autoriser cette collectivité à disposer de représentations dans des pays ou organismes internationaux revenait à lui faire franchir un pas supplémentaire vers l'indépendance, ouvrir une ambassade étant une compétence régalienne de l'État, il a fait ressortir le coût de cette disposition, dont il a souhaité limiter l'application aux territoires situés dans le Pacifique. En réponse à une question de M. Robert Pandraud, il a indiqué que ce ne serait pas la première fois qu'une loi limiterait le champ géographique de l'implantation de représentations. M. Michel Buillard ayant fait observer qu'il ne s'agissait pas d'ouvrir des ambassades, mais de disposer de structures permettant de mieux suivre l'état des relations commerciales que la Polynésie française noue avec certains pays, tels que la Chine, M. Jacques Floch, rappelant que les régions françaises disposent de structures chargées de défendre leurs intérêts auprès des institutions communautaires, a souhaité que soit précisé le terme de « représentation », afin d'éviter toute confusion avec une représentation d'ordre diplomatique ; il a proposé de modifier l'amendement en discussion afin de préciser qu'y sont visées des représentations « commerciales ». Le rapporteur a exprimé des réserves sur ce point, faisant observer que la représentation pourrait ne pas être limitée à ce seul aspect ; au demeurant, jugeant que cette question rejoignait le débat plus général sur le contenu de l'autonomie conférée par le projet de loi organique à la Polynésie française, il s'est dit convaincu par la nécessité de conférer à cette collectivité une autonomie construite et jugé que la mise en place de cette dernière ôterait des arguments aux indépendantistes et que, si tel ne devait pas être le cas, ce ne serait pas en interdisant à la collectivité de disposer de représentations à l'étranger que l'on limiterait le développement des thèses indépendantistes. La Commission a rejeté l'amendement puis adopté l'article 15 sans modification.

Article 16

Arrangements administratifs

Cet article reprend les règles posées par l'article 41 du statut actuel, dont il précise quelque peu les termes. Les arrangements administratifs ainsi visés sont des « accords de portée limitée ou de nature technique rendus nécessaires par la mise en œuvre d'autres accords internationaux », comme l'a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 96-373 dc du 9 avril 1996. Ils sont soumis au contrôle de légalité du haut-commissaire.

Par rapport à l'article 41 précité, le projet prévoit que les arrangements ne peuvent être conclus que pour l'application d'engagements internationaux déjà en vigueur, qu'ils ne sauraient être conclus avec des organisations internationales et que leur objet doit être de favoriser le développement économique, social et culturel de la Polynésie française.

Leurs conditions de négociation par le président de la Polynésie française sont renvoyées à l'article 39, ce qui implique notamment l'autorisation de signature par les autorités de la République. D'autre part, leur application est soumise à l'approbation du conseil des ministres de la Polynésie française, et ils entrent en vigueur dès leur transmission au haut-commissaire.

La Commission a été saisie de l'amendement n° 3 de M. Michel Buillard, tendant à ne pas soumettre la négociation des arrangements administratifs à la procédure de l'article 39 du projet de loi organique qui régit les accords avec les États, dont il a souligné la lourdeur. Le rapporteur ayant jugé indispensable d'assurer l'information préalable des autorités de la République et réfuté la lourdeur supposée de la procédure prévue à l'article 39, la Commission a rejeté cet amendement, puis adopté l'article 16 sans modification.

Article 17

Conventions de coopération décentralisée

Cet article est issu d'une disposition des deuxième à quatrième alinéas de l'article 41 du statut actuel, transposant le régime fixé par l'article L. 1112-1 du code général des collectivités territoriales pour les conventions conclues par les collectivités ou leurs groupements avec des collectivités territoriales étrangères ou leurs groupements.

S'agissant de la Polynésie française, la particularité de ces conventions, depuis 1996, est la possibilité pour le président de les conclure avec des collectivités territoriales françaises. Désormais, elles seraient simplement soumises, après conclusion, à l'approbation du conseil des ministres, et non plus à celle de l'assemblée et, à titre subsidiaire, du conseil des ministres pour les conventions portant sur des matières relevant de sa seule compétence.

La Commission a examiné un amendement de M. René Dosière subordonnant, d'une part, la négociation et la signature de conventions de coopération décentralisée avec des collectivités territoriales françaises ou étrangères par le président de la Polynésie française à l'accord préalable de l'assemblée de la collectivité et, d'autre part, soumettant ces conventions à l'approbation de ladite assemblée. Désapprouvant la première de ces propositions, le rapporteur a en revanche approuvé la seconde. La Commission a rejeté cet amendement, une nouvelle rédaction prévoyant la soumission de ces conventions à l'approbation de l'assemblée de la Polynésie française devant être présentée d'ici la séance publique.

La Commission a adopté l'article 17 sans modification.

Article 18

Protection du marché local du travail

Le statut d'autonomie qui caractérise certaines collectivités d'outre-mer se traduit notamment par la faculté, reconnue au dixième alinéa de l'article 74 de la Constitution, de prendre, en faveur de leur population, des mesures justifiées par les nécessités locales en matière d'accès à l'emploi et de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle.

Cette possibilité, constitutionnellement reconnue, de déroger au principe d'égalité, s'inspire du précédent de la Nouvelle-Calédonie. Faisant suite aux points 2 et 3.1.1 de l'accord de Nouméa, l'article 24 de la loi organique du 19 mars 1999 permet au congrès de la Nouvelle-Calédonie de prendre des mesures restreignant l'accès à l'exercice de certaines professions, afin de favoriser l'emploi des titulaires de la citoyenneté calédonienne et plus généralement des personnes justifiant d'une durée suffisante de résidence en Nouvelle-Calédonie. Des mesures restrictives sont ainsi prévues en ce qui concerne l'emploi salarié, l'accès à la fonction publique et l'exercice des professions libérales.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 99-410 dc du 15 mars 1999, a validé ces dispositions en les assortissant de réserves. Il a considéré qu'il revenait aux lois du pays de fixer la durée suffisante de résidence en fonction de critères objectifs et rationnels en relation directe avec la promotion de l'emploi local, sans imposer de restrictions autres que celles strictement nécessaires à la mise en œuvre de l'accord de Nouméa, et sans que cette durée puisse excéder celle fixée pour acquérir la citoyenneté de Nouvelle-Calédonie.

Les dispositions du présent article reposent sur un autre fondement constitutionnel, celui du nouvel article 74 de la Constitution. Par ailleurs, elles reprennent le dispositif propre à Polynésie française qui figurait dans le projet de loi constitutionnelle adopté en 1999 par les deux assemblées en termes identiques.

La rédaction de l'article a toutefois été remaniée par le Sénat. En l'état, la préférence locale bénéficie aux personnes justifiant d'une durée suffisante de résidence, ainsi qu'aux personnes justifiant d'une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec ces dernières. Par ailleurs, l'article 18 définit plus largement qu'en Nouvelle-Calédonie les activités économiques non salariées concernées, ceci en raison de la rédaction de l'article 74 de la Constitution, qui renvoie au « droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique ». En revanche, la préférence locale pour l'accès à la fonction publique ne s'applique qu'à égalité de mérites.

Les mesures de préférence locale doivent respecter des conditions, dont celles posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; elles ne doivent pas porter atteinte aux droits individuels et collectifs, et ne peuvent s'appliquer aux situations en cours.

Les conditions d'application de l'article sont renvoyées aux « actes prévus à l'article 139 dénommés "lois du pays" ». Cette formulation, dont c'est la première occurrence dans le présent projet, résulte d'un compromis. L'article 139 crée une catégorie d'actes de l'assemblée de la Polynésie française ainsi dénommés. À la différence des « lois du pays » de Nouvelle-Calédonie, ces actes sont de nature administrative et, à ce titre, soumis au contrôle du Conseil d'État et non pas du Conseil constitutionnel. Comme cette dénomination ne résulte pas de la Constitution et qu'elle s'applique à des actes de nature fondamentalement différente, le Sénat a craint que le Conseil constitutionnel censure ce terme en considérant que son usage serait porteur de malentendus et, ainsi, contraire au principe de clarté de la loi. M. Gaston Flosse, se faisant l'interprète des autorités polynésiennes, avait souhaité en revanche que le présent projet emploie l'expression de « lois du pays » dans les trente articles autres que l'article 139 qui y fait référence, à savoir les articles 18, 19, 20, 21, 32, 35, 36, 42, 48, 64, 89, 90, 128, 131, 140, 141, 142, 144, 145, 150, 152, 158, 163, 171, 172, 176, 177, 178, 179 et 180.

La formulation retenue par le Sénat sur la proposition de sa commission des Lois permettrait de ménager l'intégrité du texte, même dans l'éventualité d'une suppression des mots litigieux par le juge constitutionnel.

On rappellera enfin que les mesures de préférence locale prévues par le présent article ne sont qu'un volet de la politique locale de l'emploi : conformément au 26°de l'article 91, le conseil des ministres est compétent pour délivrer les permis de travail et les cartes professionnelles d'étranger.

La Commission a été saisie de l'amendement n° 4 de M. Michel Buillard étendant la préférence locale en matière d'accès aux emplois du secteur privé aux personnes nées en Polynésie française ou dont l'un des parents y est né. Tout en déclarant ne pas ignorer les réserves du Gouvernement sur cet amendement, l'auteur de l'amendement a indiqué que le dispositif proposé visait particulièrement les personnes qui ont acquis une expérience professionnelle de plusieurs années hors de la collectivité. Tout en se déclarant sensible aux préoccupations exprimées par l'auteur de l'amendement, le rapporteur a exprimé des réserves sur la conformité du dispositif proposé avec l'article 1er de la Constitution. M. René Dosière a souligné ce même risque d'inconstitutionnalité, tout en estimant que le dernier alinéa de l'article 18 du projet de loi organique permettait de répondre aux préoccupations exprimées dans l'amendement. M. Michel Buillard ayant indiqué qu'il interrogerait le Gouvernement en séance pour expliciter ce point, la Commission a rejeté cet amendement.

Un débat s'est engagé sur un amendement de M. René Dosière supprimant la référence aux « lois du pays ». Après avoir rappelé que les actes mentionnés à l'article 139 du projet de loi organique étaient des délibérations de l'assemblée de la Polynésie française relevant du domaine de la loi et soumises au contrôle du Conseil d'État, conformément aux nouvelles dispositions de l'article 74 de la Constitution, son auteur a souligné que la réforme constitutionnelle ne faisait pas référence aux « lois du pays ». Il a indiqué que les seules « lois du pays » existantes étaient les actes à valeur législative pris par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, ces « lois du pays » étant autorisées par le titre XIII de la Constitution, qui renvoie lui-même à l'accord de Nouméa. Il a fait valoir que la loi constitutionnelle du 28 mars dernier ne donnait qu'une valeur réglementaire aux actes soumis au contrôle du Conseil d'État, à la différence de la réforme constitutionnelle de 1999, proposée par le gouvernement socialiste, qui conférait un caractère législatif à ces actes. Il a précisé que, pour parer le risque d'une annulation trop ample du Conseil constitutionnel, l'amendement soumis au Sénat à l'initiative de M. Gaston Flosse et introduisant la notion de « lois du pays » avait été modifié afin d'isoler cette notion au sein de chaque article. Il a indiqué qu'il proposerait un amendement à l'article 139 destiné à substituer aux termes de « lois du pays » ceux d'« actes normatifs », afin de souligner leur supériorité par rapport aux autres délibérations de l'assemblée de la Polynésie française tout en respectant les dispositions constitutionnelles.

Reconnaissant que les lois du pays avaient un caractère réglementaire, M. Michel Buillard a estimé important de consacrer cette notion dans la loi statutaire, afin de maintenir la distinction entre les actes portant dans les matières essentielles énumérées à l'article 139 et les autres délibérations de l'assemblée de la Polynésie française. En réponse à M. René Dosière, qui critiquait le fait que l'on puisse appeler lois des actes issus d'une assemblée territoriale, le rapporteur a estimé qu'il s'agissait d'une simple dénomination, puisque ces « lois du pays » demeuraient des actes administratifs. Tout en reconnaissant que cette appellation pouvait prêter à confusion, il a fait valoir qu'elle était justifiée par le statut particulier accordé à la Polynésie française, tout comme la dénomination de « pays d'outre-mer ». La Commission a rejeté l'amendement de M. René Dosière.

Elle a ensuite rejeté l'amendement n° 5 de M. Michel Buillard, de portée terminologique.

La Commission a adopté l'article 18 sans modification.

Article 19

Protection du patrimoine foncier

Comme le précédent, cet article fait expressément suite à l'habilitation constitutionnelle figurant au dixième alinéa de l'article 74 de la Constitution, lequel permet l'adoption de mesures « de protection du patrimoine foncier ». Comme lui, il reprend des dispositions adoptées dans le cadre du projet de loi constitutionnelle de 1999 qui n'a pas été soumis au Congrès du Parlement.

Sa particularité est de prévoir des dispositions proches de celles en vigueur jusqu'à la loi organique statutaire de 1996. Celles-ci étaient justifiées par l'histoire du système foncier en Polynésie. Avant le protectorat français, la propriété des terres s'inscrivait dans un cadre familial qui ignorait l'appropriation personnelle et la vente. Dès lors que les transactions foncières ont été admises, des mesures restrictives ont été mises en place pour éviter tant la spéculation que le morcellement des terres, sur des îles où la surface utilisable est fort limitée. Ces mesures associaient une procédure de publicité préalable des transactions et un droit d'autorisation et de préemption du gouverneur, puis du haut-commissaire, et, à partir de 1984, du conseil des ministres du territoire.

Le projet de statut de 1996 prévoyait un régime d'autorisation préalable de même nature. Mais le Conseil constitutionnel l'a annulé, dans sa décision n° 96-373 dc du 9 avril 1996, en considérant que ce dispositif portait au droit de propriété une atteinte d'une gravité telle qu'elle dénaturait le sens et la portée de ce droit garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Le présent article, disposant désormais d'une autorisation constitutionnelle, réintroduit des mesures facultatives de protection de la propriété foncière. Les restrictions qui peuvent être apportées au droit de propriété, dont on rappellera qu'elles disposent d'une justification d'intérêt général, sont très modérées. Le premier alinéa de l'article ouvre la possibilité de prévoir un régime de déclaration des transferts de propriétés foncières entre vifs, à l'exception des donations en ligne directe ou collatérale jusqu'au quatrième degré.

Le deuxième alinéa prévoit en outre un droit de préemption, qui peut être exercé par le conseil des ministres de la Polynésie française (conformément au 19° de l'article 91) dans les deux mois, dans un but de gestion du patrimoine culturel de la population et de mise en valeur des espaces naturels. À défaut d'accord sur la valeur du bien, l'indemnité versée est fixée comme en matière d'expropriation.

Les actes dénommés « lois du pays » qui pourraient prévoir ces règles de déclaration et de préemption ne s'appliqueraient pas dans un certain nombre de cas. Dans le texte du Sénat, sont exclus les transferts au profit de personnes de nationalité française, ou justifiant d'une durée suffisante de résidence, ou nées en Polynésie française, ou dont l'un des parents y est né, ou justifiant d'une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacs avec une personne respectant l'une de ces conditions. L'exclusion est étendue aux personnes morales contrôlées directement ou indirectement par les personnes physiques exclues.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière précisant que l'exclusion de certaines personnes du système de protection du patrimoine foncier ne s'appliquerait pas lorsque la sauvegarde ou la mise en valeur des espaces naturels serait concernée. Le rapporteur a considéré que la rédaction proposée risquait de compliquer l'application du régime d'exemption et estimé préférable que la Polynésie française se dote elle-même d'un régime de protection adapté. Après avoir observé que la Polynésie française était bien entendu favorable à la sauvegarde des espaces naturels, M. Michel Buillard a rappelé que le droit de l'environnement pouvait faire l'objet de « lois du pays ». M. René Dosière a précisé que son amendement permettait simplement au gouvernement polynésien d'exercer, s'il le souhaite, son droit de préemption pour la sauvegarde des espaces naturels, dans le cadre de la réglementation territoriale. Après que le rapporteur eut jugé l'amendement intéressant, mais prématuré, la Commission l'a rejeté.

Elle a également rejeté un amendement de M. René Dosière supprimant de la liste des personne exclues du régime de protection du patrimoine foncier les personnes nées en Polynésie française ou dont l'un des parents est né en Polynésie française, le rapporteur ayant considéré qu'il appartiendrait au Conseil constitutionnel d'apprécier la conformité à la Constitution de cette disposition. Elle a ensuite rejeté, par coordination, l'amendement n° 6 de M. Michel Buillard supprimant la référence aux actes prévus à l'article 139.

La Commission a adopté l'article 19 sans modification.

Article 20

Sanctions pénales et administratives

Cet article correspond à l'actualisation des dispositions de l'article 62 du statut actuel. Il prévoit la faculté, pour l'assemblée de la Polynésie française, d'associer les infractions aux actes dénommés « lois du pays » de peines d'amende, y compris des amendes forfaitaires, de peines complémentaires, ainsi que de sanctions administratives, notamment en matière fiscale, douanière ou économique.

La Commission a adopté l'amendement n° 7 de M. Michel Buillard distinguant les « lois du pays » des délibérations de l'assemblée de la Polynésie française, ainsi qu'un amendement du rapporteur précisant que les amendes forfaitaires mises en place par la Polynésie française doivent respecter la procédure prévue par les articles 529 et suivants du code de procédure pénale (amendement n° 37).

La Commission a adopté l'article 20 ainsi modifié.

Article 21

Peines d'emprisonnement

Comme l'article 63 du statut de 1996, cet article autorise, après homologation par la loi, les actes dénommés « lois du pays » à prévoir des peines d'emprisonnement dans la limite des maxima prévus par la loi nationale.

Un débat s'est engagé sur l'amendement n° 8 de M. Michel Buillard autorisant la Polynésie française à assortir de peines d'emprisonnement les infractions aux délibérations de l'assemblée de la Polynésie française. Son auteur a rappelé que cet amendement rétablissait une compétence que la Polynésie française détenait depuis 1957. Le rapporteur s'est interrogé sur la conformité de cette disposition avec l'article 7 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. M. René Dosière a souligné que les peines d'emprisonnement édictées par la Polynésie française n'étaient pas applicables en raison de l'absence de lois d'homologation, donnant notamment l'exemple des peines sanctionnant l'outrage au drapeau polynésien, que le Sénat a récemment refusé d'homologuer. La Commission a rejeté l'amendement n° 8.

La Commission a adopté l'article 21 sans modification.

Article 22

Contraventions de grande voirie

Cet article prévoit, de façon nouvelle, la possibilité pour l'assemblée de Polynésie française d'édicter des contraventions de grande voirie, dans le cadre de la police de la conservation du domaine public. Ces contraventions ne concernent pas la voirie routière, qui relève de la police de l'ordre public. Le tribunal administratif sera compétent pour les poursuites donnant lieu à des amendes. Le maximum des contraventions ne pourra excéder celui applicable selon la loi nationale.

La Commission a adopté l'article 22 sans modification.

Article 23

Réglementation du droit de transaction

L'article 23 reprend fidèlement les dispositions de l'article 64 du statut actuel, qui autorise la Polynésie française à réglementer le droit de transaction, dans les matières administrative, fiscale, douanière et économique relevant de sa compétence.

La Commission a adopté l'article 23 sans modification.

Article 24

Casinos, cercles, jeux et loteries

La rédaction initiale de cet article reproduisait l'article 65 du statut actuel. Celui-ci permet à l'assemblée de Polynésie française, dans le respect de la législation nationale, de déterminer les règles complémentaires applicables aux jeux de hasard et loteries ainsi que les circonstances dans lesquelles ils sont offerts au public.

Par ailleurs, les règles relatives au contrôle de l'installation et du fonctionnement des jeux relèvent de l'État et sont fixées par décret en Conseil d'État, en particulier le décret du 11 décembre 1997. Les demandes d'ouverture d'établissement sont instruites conformément aux règles fixées par le haut-commissaire de la République. Cette compétence relevant du droit pénal, elle ne pourrait être transférée à la Polynésie française.

Le Sénat a adopté un amendement de M. Gaston Flosse qui simplifie la rédaction de l'article. La distinction entre la « législation applicable en matière de jeux de hasard » et les « autres règles » disparaît. Les règles applicables aux jeux sont déterminées par l'assemblée de la Polynésie française. Quant à l'État, il continue de définir les règles de contrôle et les pénalités.

Au cours du débat au Sénat, la question a été posée de savoir si ce partage de compétences respecte le quatrième alinéa de l'article 73 de la Constitution, auquel se réfère son article 74, et qui ne permet pas le transfert par l'État de ses compétences en matière de droit pénal. Il est apparu au Sénat et au Gouvernement que la rédaction retenue respectait la Constitution. Cet avis est partagé par votre Commission puisque l'État conserve la compétence pour fixer les peines applicables en cas d'atteinte à la réglementation des jeux.

La Commission a été saisie d'un amendement de rédaction globale de M. René Dosière rétablissant le texte initial du projet de loi. Après avoir estimé que la rédaction adoptée par le Sénat affaiblissait le contrôle de l'État, son auteur a jugé préférable de revenir au texte du Gouvernement. Regrettant que l'exposé des motifs de l'amendement constitue une forme de procès d'intention à l'égard des polynésiens, le rapporteur a estimé que la rédaction retenue par le Sénat permettait un partage équilibré des compétences entre l'État et la Polynésie française. M. Jacques Floch a tenu à souligner que le groupe socialiste n'avait aucune suspicion à l'égard des Polynésiens, comme l'avait démontré leur politique à l'égard de la Polynésie française lorsqu'ils étaient au pouvoir. La Commission a rejeté l'amendement de M. René Dosière.

La Commission a adopté l'article 24 sans modification.

Article 25

Audiovisuel

Le 12° de l'article 14 maintient la communication audiovisuelle parmi les compétences des autorités de l'État. Toutefois, le 4° de l'article 31 habilite les institutions de la Polynésie française à participer dans ce domaine à l'exercice des compétences de l'État, sous réserve des garanties générales en matière de libertés publiques.

En outre, le présent article accorde trois types de compétences particulières à la Polynésie française pour participer à la politique de conduite en matière de communication audiovisuelle.

Le paragraphe I lui permet de créer des entreprises de production et de diffusion d'émissions audiovisuelles. La formulation est plus générale que celle du 12° de l'article 6 du statut actuel. En vertu de ce texte, la Polynésie française ne peut créer que des sociétés de production et de diffusion d'émissions à caractère social, culturel et éducatif. D'autre part, cette faculté s'exerce « sans préjudice des missions confiées au Conseil supérieur de l'audiovisuel » (csa). Cependant, dans la mesure où celui-ci concourt à garantir la liberté de communication, le changement rédactionnel serait de peu de portée. Surtout, le paragraphe II de l'article 25 prévoit qu'une convention entre ce conseil et le gouvernement de la Polynésie française associe cette dernière à la politique de communication audiovisuelle.

Enfin, le paragraphe III prévoit deux cas de consultation obligatoire du même gouvernement : 1. par le haut-commissaire sur toute décision relevant du Gouvernement de la République et propre à la Polynésie française. On peut penser ici aux règles relatives aux campagnes électorales officielles ; 2. par le csa sur toute décision intéressant la collectivité. Il peut s'agit là encore des horaires de diffusion des émissions de la campagne officielle sur les ondes.

L'avis doit être donné dans le délai d'un mois, qui peut être réduit jusqu'à 48 heures en cas d'urgence.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière supprimant la consultation du gouvernement de la Polynésie française par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour toute décision individuelle relevant de sa compétence. Son auteur a estimé qu'il n'était pas justifié que le gouvernement polynésien soit consulté sur des décisions individuelles, comme les nominations. Après les explications du rapporteur, qui a précisé que ces décisions individuelles étaient celles relatives, par exemple, aux attributions de fréquence, et non aux nominations, la Commission a rejeté l'amendement.

La Commission a adopté l'article 25 sans modification.

Article 26

Formation et recherche

Cet article reprend une disposition du 11° de l'article 6 du statut de 1996, qui permet à la Polynésie française d'organiser ses propres filières de formation et ses propres services de recherche, ce qu'elle a déjà entrepris dans plusieurs domaines. Corrélativement, le 13° de l'article 14 accorde à l'État la compétence en matière d'enseignement universitaire, tandis que l'article 37 détermine les modalités selon lesquelles la Polynésie française est associée à la politique en matière d'enseignement universitaire.

La Commission a rejeté un amendement de précision de M. René Dosière, le rapporteur ayant estimé qu'il pouvait être source de confusion.

La Commission a adopté l'article 26 sans modification.

Article 27

Compétences de l'État en matière de défense nationale

Non seulement les règles relatives à la défense nationale demeurent de la compétence de l'État, conformément au 4° de l'article 14, mais ces règles, relevant du domaine de souveraineté défini à l'article 7, sont applicables de plein droit en Polynésie française.

Le présent article a pour objet, plus particulièrement, de prévoir la portée des sujétions imposées par la défense nationale pour l'exercice des compétences propres de la Polynésie française. À cet effet, il transpose les dispositions de l'article L. 1111-7 du code général des collectivités territoriales, qui instaure au profit de l'État une sorte de « réserve générale de compétence » en matière de défense nationale. N'ont pas été reprises en revanche les dispositions permettant au représentant de l'État de demander à la juridiction administrative l'annulation d'un acte de nature à compromettre gravement le fonctionnement d'une installation ou d'un ouvrage intéressant la défense.

La Commission a adopté l'article 27 sans modification.

Article 28

Fonctionnaires des corps d'État
pour l'administration de la Polynésie française

Cet article a pour objet d'inscrire dans la présente loi organique le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 66-496 du 11 juillet 1966 relative à la création de corps de fonctionnaires de l'État pour l'administration de la Polynésie française, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 95-173 du 20 février 1995.

Ce corps particulier de fonctionnaires, sans équivalent dans les autres collectivités territoriales, n'intervient depuis l'origine que dans les domaines de compétence de la Polynésie française, et ne peut être affecté ailleurs. Ses membres sont recrutés par concours organisés à Papeete.

Les dispositions en cause, qui ne sont pas modifiées, prévoient que les autorités locales exercent une partie du pouvoir disciplinaire et décident de l'affectation de ces agents. Les décisions d'avancement de grade restent du ressort de l'État.

Après avoir rejeté un amendement de M. René Dosière remplaçant le mot « pays » par le mot « collectivité », la Commission a adopté l'article 28 sans modification.

Article 29

Création de sociétés d'économie mixte

L'article 29 reprend l'article 66 du statut de 1996, qui permet à la Polynésie française de créer des sociétés d'économie mixte avec des personnes privées et éventuellement avec d'autres personnes publiques.

Les statuts types de ces sociétés sont fixés par l'assemblée de la Polynésie française. Le conseil des ministres désigne les représentants de la collectivité au conseil d'administration. Conformément au 23° de l'article 91, il lui appartient également d'autoriser la participation au capital de ces sociétés.

Le Sénat a adopté un amendement de M. Gaston Flosse ayant pour objet d'associer au capital des sociétés anonymes d'économie mixte les personnes publiques autres que la Polynésie française, en particulier les communes.

La Commission a adopté l'article 29 sans modification.

Article 30

Participation au capital de sociétés privées

En autorisant la participation au capital de sociétés privées gérant un service public ou d'intérêt général, ou, pour des motifs d'intérêt général, de sociétés commerciales, cet article prévoit une disposition nouvelle destinée à assurer la base légale d'interventions économiques en cours. Durant le débat au Sénat, ont été cités les exemples des participations aux sociétés Air Tahiti et Les huileries de Tahiti. Les entreprises concernées paraissent relever de deux cas de figure : il peut s'agir soit d'entreprises en difficulté, soit d'entreprises nouvelles dont la rentabilité ne sera assurée qu'après la phase initiale de leur activité.

Ce type de soutien local correspond à la problématique classique du « socialisme municipal ». Le souhait de promouvoir le développement économique et l'emploi local trouve ses limites dans le respect de principe de la libre concurrence dans la préoccupation de ne pas soumettre les fonds publics à des risques propres à l'initiative privée, surtout dans des situations de difficultés financières.

La « surface financière » de la Polynésie française, supérieure à celle d'une commune de taille moyenne, et l'impératif de soutenir son développement économique, paraissent justifier une prise de risque encadrée et démocratiquement contrôlée.

La Commission a été saisie d'un amendement de suppression de cet article présenté par M. René Dosière, son auteur considérant que l'autorisation accordée à la Polynésie française de participer au capital de sociétés commerciales pour des motifs d'intérêt général était insuffisamment précise et sans aucune limite financière. M. Michel Buillard a indiqué que cet article avait pour objet de permettre, grâce à l'intervention de la Polynésie française, le maintien de services publics essentiels au développement économique polynésien, à l'instar du service de déserte aérienne. Après que le rapporteur eut rappelé que l'article 91 du projet prévoyait que la prise de participation de la Polynésie française dans le capital d'une société commerciale devait être autorisée par le conseil des ministres et ne pas excéder le montant des dotations budgétaires votées par l'assemblée de la Polynésie française, il a estimé que cette suppression n'était pas justifiée, même s'il paraissait souhaitable d'envisager un dispositif d'encadrement, ce dont est convenu M. René Dosière. Suivant l'avis de son rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a également rejeté un amendement du même auteur prévoyant que ces prises de participation au capital des sociétés commerciales font l'objet d'une délibération de l'assemblée de la Polynésie française.

La Commission a ensuite adopté cet article sans modification.

Section 3

La participation de la Polynésie française
à l'exercice des compétences de l'État

Une caractéristique marquante du statut d'autonomie, désormais conféré à certaines collectivités d'outre-mer dans le cadre de l'article 74 de la Constitution, est la possibilité nouvelle de participer à l'exercice des compétences conservées par l'État. Cette participation porte sur les matières fixées par la loi organique statutaire ; elle est effectuée sous le contrôle de l'État et doit respecter les garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques.

Les articles 31 à 41 qui composent cette section sont la première mise en œuvre de ces dispositions. Les règles générales sont posées par les articles 31 et 32, les articles suivants prévoyant des dispositions particulières ou des précisions dans certaines matières. Compte tenu de divers amendements adoptés par le Sénat, ces articles tendant à compléter la liste des matières dans lesquelles s'applique le principe de participation, plutôt que l'association prévue dans le statut actuel.

Article 31

Champ d'application du principe de participation

L'article 14 a énuméré treize domaines de compétences législatives et réglementaires conservés par l'État. Le présent article habilite la Polynésie française à participer partiellement à l'exercice de cinq d'entre eux. Cette participation est prévue lorsque des matières voisines sont transférées à la compétence locale.

Les domaines concernés par le principe de participation sont les suivants.

1. L'état et la capacité des personnes, l'autorité parentale, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités, figurant au livre premier du code civil. La compétence pour le reste du droit civil est transférée à la Polynésie française, en vertu du 1° de l'article 14.

2. La recherche et la constatation des infractions, ainsi que les dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard. L'article 14 maintient dans le domaine des compétences de l'État le droit pénal et la procédure pénale (2°) ainsi que la sécurité et l'ordre public (6°). En effet, le quatrième alinéa de l'article 73 de la Constitution, auquel renvoie l'article 74, n'en permet pas le transfert aux collectivités d'outre-mer. Il convient également de rappeler que, dans la décision n° 96-373 dc du 9 avril 1996 sur le statut actuel, le Conseil constitutionnel a refusé l'attribution à la Polynésie française de la compétence pour fixer les règles de procédure pénale, « dès lors que les conditions essentielles de mise en œuvre des libertés publiques doivent être les mêmes sur l'ensemble du territoire de la République », formulation reprise à l'article 74 de la Constitution. Dans ces conditions, si la fixation des règles doit demeurer de la compétence de l'État, il paraît possible d'habiliter les agents de la Polynésie française à les mettre en œuvre, en recherchant et en constatant les infractions. Quant à la participation de la collectivité à la définition des dispositions pénales en matière de jeux de hasard, elle n'est nullement contraire aux articles 73 et 74 de la Constitution, dès lors que la matière demeure une compétence de l'État. En ce qui concerne l'équilibre du dispositif, il convient de rappeler la nouvelle rédaction donnée par le Sénat à l'article 24 du présent projet, qui confie à la Polynésie française la définition des règles applicables aux jeux, en réservant à l'État les règles de contrôle et la définition des pénalités.

3. L'entrée et le séjour des étrangers, à l'exception de l'exercice du droit d'asile, de l'éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l'Union européenne. Il s'agit de domaines prévus par le 5° de l'article 14, sous réserve des compétences dévolues à l'État par la Constitution et par les engagements européens de la France.

4. La communication audiovisuelle. Visée au 12° de l'article 14, cette matière fait l'objet de compétences particulières propres à la Polynésie française, en application de l'article 25. Les actes de la Polynésie française pris sur le fondement du présent alinéa doivent respecter les règles posées par l'article 36, afin de respecter les principes définis par la législation relative à la liberté de communication, liberté constitutionnellement protégée.

5. Les services financiers des établissements postaux, domaine inclus dans le 7° de l'article 14, relatif à la monnaie et au crédit. Par un avis n° 362.642 du 8 décembre 1998, le Conseil d'État a considéré que la réglementation des services financiers assurés par l'office des postes et télécommunications de la Polynésie française relevait, de la compétence exclusive de l'État.

Il est à noter que la liste figurant à l'article 31 n'est pas absolument exhaustive, car les dispositions des articles 37 et suivants comportent certaines procédures de participation.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière tendant à exclure du champ de la participation de la Polynésie française à l'exercice des compétences de l'État les matières relevant du domaine législatif. Le rapporteur ayant rappelé que l'article 32 du projet de loi organique prévoyait que les projets de décrets approuvant les actes pris en ces matières législatives devenaient caducs s'ils n'avaient pas été ratifiés par la loi dans les dix-huit mois de leur signature, ce qui garantissait pleinement le contrôle du Parlement, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a ensuite été saisie d'un amendement de M. René Dosière excluant du champ de la participation de la Polynésie française à l'exercice des compétences de l'État les matières relevant du droit pénal et de la réglementation des jeux de hasard, son auteur estimant que le transfert de compétences en ces matières soulevait de sérieuses difficultés d'ordre constitutionnel. Le rapporteur ayant indiqué que ces dispositions n'avaient nullement pour objet de transférer des compétences en matière pénale à la Polynésie française mais tendait à autoriser sa participation à une compétence de l'État, dans le respect de la réglementation édicté par lui et sous son contrôle, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté l'article 31 sans modification.

Article 32

Modalités de participation des institutions
de la Polynésie française aux compétences de l'État

Cet article fixe la procédure applicable aux actes intervenant dans les matières prévues à l'article 31.

Le paragraphe I porte sur les actes dénommés « lois du pays », dont le régime général est déterminé à l'article 139. Il instaure une procédure comportant trois étapes successives, soit, dans le texte adopté par le Sénat :

-  l'initiative : un projet ou une proposition d'acte est transmis au ministre chargé de l'outre-mer, respectivement par le président de la Polynésie française ou par le président de l'assemblée ;

-  l'approbation : le ministre, et le cas échéant, les autres ministres intéressés disposent d'un délai de deux mois pour proposer au Premier ministre un projet de décret d'approbation totale ou partielle du texte, ou refusant l'approbation ;

-  la ratification : si le décret ne porte pas refus d'approbation (auquel cas il doit être motivé et interrompt la procédure), l'assemblée de Polynésie française adopte le projet ou la proposition d'acte en termes conformes au décret d'approbation. La ratification du décret doit intervenir dans les dix-huit mois de sa signature ; à défaut, le décret d'approbation devient caduc.

Le paragraphe II concerne les arrêtés du conseil des ministres de la Polynésie française pris pour l'application de ces actes, et ceux intervenant sur les mêmes matières, dans le domaine réglementaire, conformément aux articles 34 et 37 de la Constitution. La procédure comporte trois étapes transposant, mutatis mutandis, celle du I, sous réserve que le décret d'approbation ne comporte par le délai de validité de dix-huit mois.

Le paragraphe III autorise la modification des actes visés aux I et II par une loi, une ordonnance ou un décret, à condition de comporter une mention expresse d'application en Polynésie française. Cette disposition est destinée à éviter l'immobilisme du droit applicable dans la collectivité.

Enfin, le paragraphe IV soumet au contrôle hiérarchique préalable du haut-commissaire les décisions individuelles prises en application des actes visés aux I et II. Conformément à la jurisprudence administrative (Conseil d'État, 4 décembre 1959, Geoffroy), ce contrôle confère au haut-commissaire un pouvoir d'annulation et de réformation, fondé sur des raisons d'opportunité aussi bien que de légalité.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière prévoyant que les actes de la Polynésie française intervenant dans les matières législatives dans le cadre de l'article 31, ou ceux dénommés « lois du pays », deviennent caducs s'ils n'ont pas été ratifiés par la loi dans les six mois de leur signature, et non plus dans les dix-huit mois comme le prévoit le texte adopté par le Sénat. Le rapporteur estimant un tel délai particulièrement bref et irréaliste, la Commission a d'abord rejeté cet amendement avant d'adopter cet article sans modification.

Article 33

Délivrance des titres de séjour

Pour le cas particulier des titres de séjour, qui pourront être délivrés par le gouvernement de la Polynésie française en application du 3° de l'article 31, et de l'article 32, cet article, dans la rédaction du Sénat, donne au haut-commissaire une faculté d'opposition, exercée dans des conditions et délais fixés par décret. Cette procédure a paru moins lourde que l'agrément préalable systématique qui était prévu par la rédaction de l'article. En cas de refus de délivrance, il doit être bien entendu, comme l'a exposé la ministre de l'outre-mer devant le Sénat, que le haut-commissaire conservera toujours la possibilité d'exercer sur la décision son contrôle fondé sur le IV de l'article 32.

La Commission a examiné un amendement de M. René Dosière prévoyant que le haut-commissaire doit - et non peut - s'opposer à la délivrance, par la Polynésie française, de titres de séjour. Le rapporteur ayant souligné l'impossibilité de prévoir en ce domaine une compétence liée du haut-commissaire, lequel peut refuser la délivrance du titre pour des motifs d'opportunité, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a ensuite adopté l'article 33 sans modification.

Article 34

Participation de la Polynésie française à certaines missions de police

Conformément à la combinaison des dispositions des quatrièmes alinéas des articles 73 et 74 de la Constitution, l'État est seul compétent pour édicter les règles en matière de sécurité et d'ordre public (6° de l'article 14). Le 9° de l'article 14 lui confie également la police et la sécurité de la circulation maritime.

Comme il a été dit à propos du 2° de l'article 31, cette compétence exclusive concernant l'édiction des règles ne fait pas obstacle à une participation des agents de la Polynésie française à la constatation des infractions.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 809 du code de procédure pénale prévoit une telle possibilité pour les agents assermentés.

Le présent article, dont la rédaction a été refondue par le Sénat, prévoit deux cas de figure distincts. Les paragraphes I et II transposent les dispositions de l'article 809 précité, elles-mêmes proches des règles relatives aux agents de police municipale. Les agents concernés, avant leur nomination par le président, seront agréés par le haut-commissaire et par le procureur de la République, et prêteront serment devant le tribunal de première instance. Ils ne pourront constater par procès-verbal que les infractions figurant sur une liste fixée par un arrêté soumis à l'approbation de l'État dans les conditions fixées au II de l'article 32 ci-dessus. Les contraventions porteront sur la surveillance et l'occupation du domaine public de la Polynésie française, sur la circulation routière et sur la circulation maritime dan les eaux intérieures. Les infractions délictuelles au code de la route échapperont donc à leur compétence.

Le paragraphe III permet au haut-commissaire de faire appel à ces agents pour des missions de sécurité publique ou de sécurité civile portant sur une durée, un objet et des lieux qu'il détermine. Dans ce cadre, ils sont placés sous l'autorité opérationnelle du commandant de la gendarmerie ou du directeur de la sécurité publique.

La Commission a adopté un amendement de M. René Dosière prévoyant que le haut-commissaire doit « informer », et non « consulter », comme le prévoit le texte adopté par le Sénat, le président de la Polynésie française du retrait ou de la suspension d'agrément des fonctionnaires de la Polynésie française participant aux missions de police en matière, de surveillance et d'occupation du domaine public polynésien, de sécurité routière ou de circulation maritime (amendement n° 38). La Commission a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Article 35

Pouvoirs de police spéciale

Le présent projet transfère à la Polynésie française des compétences variées, qui donneront lieu à des actes dénommés « lois du pays ». Il transfère en outre des services susceptibles d'exercer des pouvoirs de police spéciale. Tel est par exemple le cas de l'inspection du travail, puisque la Polynésie française exercera désormais la compétence en matière de droit du travail. Sauf à créer un vide juridique, il convenait de maintenir pour les agents des services transférés les pouvoirs de police spéciale dont ils disposent actuellement.

L'article 35 transpose à cet effet les dispositions de l'article 28 du code de procédure pénale. Les lois du pays pourront prévoir des dispositions permettant la recherche et la constatation des infractions par les agents assermentés et habilités des services spécialisés, dont les pouvoirs sont limitativement énumérés.

La Commission a adopté l'article 35 sans modification.

Article 36

Régime des actes relatifs à la communication audiovisuelle

Le 4° de l'article 31 permet à la Polynésie française de participer à l'exercice des compétences de l'État en matière de communication audiovisuelle. Pour les actes pris dans ce domaine, le présent article ajoute trois garanties particulières aux règles posées par l'article 32, en raison de l'importance de l'exercice de la liberté de la communication, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

La réglementation locale doit respecter les principes définis par la législation en la matière, et en particulier la loi du 30 septembre 1985 modifiée. Ensuite, avant leur transmission au ministre chargé de l'outre-mer dans le cadre de la procédure de droit commun, ces actes sont soumis à l'avis préalable du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui doit se prononcer dans les trente jours. Enfin, les décisions individuelles prises par les autorités de la Polynésie française mais qui, normalement, ressortissent à la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel, peuvent être annulées ou réformées par celui-ci à la demande du haut-commissaire ou de toute personne justifiant d'un intérêt pour agir.

Par cohérence avec ses décisions précédentes, la Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière supprimant la possibilité, pour les autorités polynésiennes, de prendre des décisions individuelles en matière audiovisuelle. Puis elle a adopté l'article 36 sans modification.

Article 37

Participation dans les domaines de l'enseignement supérieur
et de la recherche

L'État restant compétent pour l'enseignement universitaire, en vertu du 13° de l'article 14, mais la Polynésie ayant reçu de l'article 26 compétence pour organiser ses propres filières de formation et de recherche, le présent article organise des modalités de coopération. Le paragraphe I prévoit des procédures, non de participation, au sens de l'article 74 de la Constitution, mais d'association de la Polynésie française à l'élaboration des contrats et les établissements universitaires ou les organismes de recherche intervenant en Polynésie française. Il peut en outre conclure avec eux des conventions d'objectifs et d'orientation.

Au paragraphe II, compte tenu d'amendements adoptés par le Sénat sur la proposition de M. Gaston Flosse, c'est une procédure de participation qui préside à l'élaboration de la carte de l'enseignement universitaire et de la recherche.

L'assemblée de la Polynésie française délibère sur les créations de filières de formation universitaire ou de programmes de recherche proposées, soit par le président, soit par le haut-commissaire. La carte fait l'objet d'une convention entre l'État et la Polynésie française, et ce n'est qu'à défaut de convention qu'elle est arrêtée par l'État.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière prévoyant que l'université de la Polynésie française est associée à l'élaboration des contrats d'établissement afin de garantir le respect de son autonomie. Le rapporteur ayant indiqué que les dispositions du projet de loi ne mettaient nullement en cause l'autonomie de l'université de la Polynésie française, qui demeure dotée de la personnalité morale et qui bénéficie de l'autonomie pédagogique, scientifique, administrative et financière, la Commission a rejeté cet amendement avant d'adopter l'article 37 sans modification.

Article 38

Accords internationaux dans les domaines de compétence de l'État

Dans le statut actuel, les autorités de Polynésie française sont partiellement associées aux compétences de l'État en matière de relations internationales. Si le 3° de l'article 14 du présent projet réserve à l'État la compétence en matière de politique étrangère, les articles 38, 39, 39 bis, 40 et 41 prévoient des modalités de participation de la Polynésie française aux relations internationales. Ces pouvoirs sont en principe exercés par son président. Ces dispositions sont proches, sous réserve de quelques variations rédactionnelles, du dispositif prévu par le statut de la Nouvelle-Calédonie.

L'article 38 est certainement le moins novateur, puisqu'il reprend les dispositions de l'article 40 du statut actuel, permettant de donner au président pouvoir de négocier et signer des accords avec des États, territoires ou organismes régionaux du Pacifique, ainsi qu'avec les organismes satellites des Nations Unies. À défaut, le président peut, au sein de la délégation française, être associé ou participer aux négociations : il s'agit d'une simple possibilité, alors que le statut actuel prévoit une obligation. Dans le cadre de cet article, le président de la Polynésie se fait délivrer pouvoir par les autorités de la République : soit le Président de la République, soit le ministre des affaires étrangères, et il agit comme représentant de l'État et au nom de la République française.

Les traités et accords ainsi négociés sont soumis aux règles de droit commun de ratification ou d'approbation prévues par les articles 52 et 53 de la Constitution.

Par ailleurs, le président peut être autorisé à représenter les autorités de la République, à les représenter dans les organismes internationaux, et pas seulement ceux propres au Pacifique.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière prévoyant que le président de la Polynésie, et « lui seul », est autorisé à négocier et signer des accords avec un ou plusieurs autres États. Son auteur a indiqué qu'il s'agissait, en ces matières particulièrement importantes et qui relèvent de la compétence de l'État, d'interdire toute délégation et sub-délégation des pouvoirs dévolus au président de la Polynésie. Après avoir rappelé que le statut de 1996 prévoyait d'ores et déjà la possibilité, pour le président du gouvernement, de négocier et de signer des traités, M. Michel Buillard a considéré que cet amendement était trop restrictif et ne tenait pas compte des réalités locales qui conduisent parfois l'actuel président du gouvernement à déléguer ce pouvoir au vice-président. M. Patrick Delnatte a rappelé que, s'il appartient aux diplomates de négocier techniquement les accords internationaux, c'est au ministre des affaires étrangères, et à lui seul, qu'appartient le pouvoir de signature. Observant que cet amendement ne prenait pas en considération l'éventuel empêchement du président de la Polynésie française, qui peut conduire celui qui assure son intérim à négocier et signer des traités, le rapporteur a ajouté que, s'agissant de pouvoirs propres au président de la Polynésie française, ils ne pouvaient être délégués en dehors de cette seule hypothèse, l'intention de l'auteur de l'amendement étant donc satisfaite. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement avant d'adopter l'article 38 sans modification.

Article 39

Accords internationaux dans les domaines de compétence
de la Polynésie française

Tirant les conséquences des importants transferts de compétences prévus par le présent projet de loi organique, cet article transpose les dispositions de l'article 38 pour les domaines de compétences de la Polynésie française. Son champ est plus étendu, puisque la négociation peut porter sur des accords avec tout état, territoire ou organisme international, et pas seulement du Pacifique. Une délibération préalable du conseil des ministres est requise. Toutefois, et c'est son aspect le plus novateur, le présent article dispense le président de se voir délivrer pouvoir à cet effet par les autorités de la République. La nouveauté est toutefois relative, puisque ce dispositif transpose celui de l'article 29 de la loi organique de 1999 sur la Nouvelle-Calédonie.

Les accords doivent être négociés dans le respect des engagements internationaux de la France. Les autorités de la République, compétentes en matière de politique étrangère, doivent être informées de l'intention de négocier ; elles peuvent s'y opposer dans le délai d'un mois. Elles peuvent demander à être représentées au sein de la délégation de la Polynésie française.

Au terme de la négociation, l'accord est signé au nom de la République, et les autorités de la République ont la faculté d'accorder ou de refuser au président les pouvoirs à cet effet.

Une fois signé, l'accord est soumis à la délibération de l'assemblée de la Polynésie française. Il est enfin soumis à ratification ou à approbation dans les conditions de droit commun.

En conséquence de son vote à l'article précédent, la Commission a rejeté un amendement de coordination présenté par M. René Dosière. Elle a ensuite adopté l'article 39 sans modification.

Article 39 bis (nouveau)

Accords internationaux à l'initiative de l'État
dans les domaines de compétence de la Polynésie française

Dans un souci d'exhaustivité et de cohérence, le Sénat a adopté un article additionnel proposé par M. Gaston Flosse prévoyant le cas où l'État prendrait l'initiative de négocier un accord portant sur le domaine des compétences de la Polynésie française. Dans cette hypothèse, est repris le dispositif du deuxième alinéa de l'article 40 du statut actuel : le président ou son représentant est associé et participe aux négociations, au sein de la délégation française.

La Commission a adopté l'article 39 bis sans modification.

Article 40

Participation aux négociations avec la Communauté européenne

Cet article, proche de l'article 30 du statut de la Nouvelle-Calédonie, prévoit la participation du président de la Polynésie française ou de son représentant aux négociations entre la Polynésie et la Communauté européenne. Cette mesure de cohérence marque donc une avancée significative par rapport à l'article 68 du statut actuel, qui se borne à prévoir une procédure de transmission à l'assemblée des propositions d'actes communautaires traitant de matières relevant de la compétence territoriale.

La Commission a adopté l'article 40 sans modification.

Article 41

Relations avec les organisations et organismes régionaux du Pacifique

Cet article est le pendant de l'article 31 de la loi organique statutaire de la Nouvelle-Calédonie. Il permet à la Polynésie française, avec l'accord de l'État, d'être membre ou membre associé d'organisations internationales du Pacifique, ou d'y être observateur. Il permet également au président de la Polynésie française, avec l'accord de l'État, d'être associé aux travaux des organismes régionaux intervenant dans les domaines de compétence de la collectivité, ces dispositions ayant été ajoutées par le Sénat.

La Commission a adopté l'article 41 sans modification.

Section 4

Les compétences des communes de la Polynésie française

Après le statut de 1996, le présent projet de loi organique marque une étape supplémentaire dans la « banalisation », c'est-à-dire le renforcement, du rôle des quarante-huit communes de Polynésie française. Elles devraient en tout état de cause bénéficier de la révision constitutionnelle de 2003 sur l'organisation décentralisée de la République, qui prévoit notamment qu'aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre.

Si, conformément à l'article 13 du présent projet, elles conservent une compétence d'attribution, son domaine est élargi, tandis que les relations avec l'État et la Polynésie française sont clarifiées à la section 6 du présent chapitre.

Article 42

Les compétences des communes

L'article 42, qui maintient la compétence d'attribution des communes, fait œuvre de clarification. Le statut actuel se borne en effet à renvoyer à la législation applicable, sans établir la liste des compétences communales. Il convient actuellement de se référer principalement à la loi n° 71-1028 du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes dans le territoire de la Polynésie française, modifiée par la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977.

Le présent article prévoit, dans le texte du Sénat, d'abord une liste de neuf compétences réservées aux communes, puis une série de quatre compétences facultatives.

Le paragraphe I prévoit la compétence exclusive des communes polynésiennes en matière de police municipale, de voirie communale, de cimetières, de transports communaux, de constructions, entretien et fonctionnement des écoles primaires. Il prévoit également, dans la rédaction du Sénat - qui a réparé un oubli et ajouté des compétences déjà exercées en pratique par les communes -, la distribution d'eau potable, sous réserve de la satisfaction par la Polynésie des besoins liés à l'exercice de ses compétences (alimentation en eau de lotissements sociaux, d'établissements d'enseignement secondaire, ou de ports, par exemple), la collecte et le traitement des ordures ménagères, des déchets végétaux ainsi que des eaux usées. En contrepartie, l'article 53 permet aux communes d'instituer des redevances ou des taxes destinées à financer leurs services de fourniture d'eau potable ainsi que de collecte et traitement des eaux usées, des ordures ménagères et des déchets végétaux.

Le paragraphe II admet l'intervention des communes dans les conditions fixées par les lois du pays, et sous réserve du transfert des moyens matériels et financiers nécessaires, en matière d'aides et d'interventions économiques (en complément des prises de participation de la Polynésie française en application de l'article 30), d'aide sociale, d'urbanisme et de culture et patrimoine local.

En complément des compétences ainsi dévolues aux communes, les articles de la section 6 du présent chapitre autorisent la Polynésie française à leur déléguer certaines de ses compétences.

La Commission a été saisie de l'amendement n° 9 de M. Michel Buillard, précisant que les compétences dévolues par le projet de loi organique aux communes de Polynésie française ne remettent pas en cause celles qui leur sont déjà conférées par les textes en vigueur. Tout en approuvant cet amendement, le rapporteur a souhaité que sa rédaction soit modifiée. L'auteur de l'amendement a donc exprimé son intention de le retirer au bénéfice d'une nouvelle rédaction qui sera proposée d'ici la séance publique, et l'amendement a été rejeté en l'état. La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 43

Raccordements aux réseaux communaux d'assainissement

Cet article dont la rédaction est assez circonstanciée a pour objet de prévenir certains litiges entre des communes et la Polynésie française.

Il donne à cette dernière la possibilité d'exiger des communes ou de leurs établissements publics de coopération des raccordements privés au réseau communal d'assainissement ou aux stations communales d'épuration.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 44

Production et distribution d'électricité

Afin de répondre aux problèmes particuliers posés par les distances au sein d'une collectivité aussi étendue que l'Europe, cet article permet à la Polynésie française de déléguer aux communes ou à leurs groupements la production et la distribution d'électricité dans leur ressort territorial. Il répond au souhait de nombreuses communes. Compte tenu de la lourdeur des investissements nécessaires, le Sénat a modifié la rédaction de l'article pour prévoir l'accord du conseil municipal ou de l'organe délibérant du groupement, et pour rappeler l'obligation du transfert des moyens correspondants.

Après que M. Michel Buillard eut exprimé son intention de retirer ses amendements nos 10 et 11 qui ont donc été rejetés en l'état, la Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière rendant obligatoire la délégation, aux communes et à leurs groupements qui en feraient la demande, de la production et de la distribution d'électricité et prévoyant que cette délégation ferait l'objet d'une convention précisant les conditions de ce transfert. Le rapporteur ayant exprimé des réserves sur cet amendement, la Commission l'a rejeté, avant d'adopter l'article 44 sans modification.

Section 5

La domanialité

Article 45

Répartition du droit de propriété

Cet article est issu du premier alinéa de l'article 7 du statut actuel, lequel prévoit que l'État et la Polynésie française exercent, chacun en ce qui le concerne, leur droit de propriété sur leur domaine public et leur domaine privé. La nouveauté du présent article est de viser en outre les communes. Cet ajout est la conséquence de l'article 56 ci-après, qui organise la constitution du patrimoine des communes. À l'heure actuelle, en dépit des dispositions de la loi de 1971, seules vingt-trois communes sur quarante-huit sont dotées d'un domaine public.

La Commission a adopté l'article 45 sans modification.

Article 46

Domaine de la Polynésie française

Cet article prévoit les composantes du domaine de la Polynésie française, en reproduisant les dispositions des deuxième à quatrième alinéas de l'article 7 du statut actuel, sous réserve d'adaptations mineures.

Ce domaine comprend notamment l'ensemble des cours d'eau et des lacs, des lieux vacants et sans maître, les successions abandonnées, ainsi que la zone dite des 50 pas géométriques des îles Marquises, c'est-à-dire la bande de terre de 81,20 mètres à partir du niveau de la mer, aux plus hautes marées - ce qui, dans les îles hautes que sont les Marquises, représente une part significative des surfaces disponibles.

Il comprend également, comme depuis 1996, un domaine public maritime comprenant, sous réserve des emprises nécessaires à l'exercice par l'État de ses compétences (« figées » à la date de publication de la présente loi), les rivages de la mer, le sol et le sous-sol des eaux intérieures et des eaux territoriales, y compris les rades et lagons, ce qui doit clarifier des situations parfois confuses.

En outre, la Polynésie française conserve la compétence pour réglementer et exercer le droit d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles des eaux et du sous-sol de la mer territoriale et de la zone économique exclusive. Celle-ci, qui s'étend autour des îles sur une largeur de 200 milles marins, représente une surface totale de 4,8 millions de km2 pour la Polynésie française.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière excluant du domaine de la Polynésie française, au profit des communes, la zone dite des cinquante pas géométriques des îles Marquises, l'auteur de l'amendement ayant rappelé la spécificité de ces îles et souligné qu'il s'agissait d'une revendication extrêmement forte des communes marquisiennes. M. Michel Buillard a estimé au contraire que cette zone devait être incluse dans le domaine de la collectivité, afin d'assurer de façon uniforme la protection du territoire, tandis que Mme Béatrice Vernaudon a jugé prématuré de l'attribuer aux communes. La Commission a donc rejeté cet amendement et adopté l'article 46 sans modification.

Article 47

Transfert d'une partie de l'aérodrome de Tahiti-Faaa

L'aérodrome de Tahiti-Faaa ne comporte qu'une piste, partagée entre des vols civils et des vols militaires. Cet article prévoit le transfert à titre gratuit à la Polynésie française des biens nécessaires à l'exercice de ses compétences en matière de desserte aérienne civile, qui concernent, rappelons-le, les liaisons avec l'étranger et la partie des liaisons entre la Polynésie et tout point d'escale situé hors du territoire national.

Le Sénat a supprimé cet article à la demande de M. Gaston Flosse, qui a fait valoir que le transfert prévu ne pourrait s'effectuer qu'après la conclusion d'un accord ultérieur avec le ministère de la Défense pour l'implantation des installations militaires.

En tout état de cause, lorsque ledit accord aura été conclu, le transfert pourra être effectué sans disposition spécifique, par application de l'article 60 ci-après, dont la portée est générale.

Par coordination avec sa décision sur l'amendement présenté par M. René Dosière à l'article 46, la Commission a rejeté un amendement de conséquence du même auteur et a maintenu la suppression de cet article.

Section 6

Les relations entre les collectivités publiques

Les articles de la présente section ont principalement pour objet de permettre à la Polynésie française de déléguer certaines de ses compétences aux communes ; tel est le cas des articles 48, 50, 51, 55 et 56. Les articles 52, 53 et 54 ont pour objet d'assurer aux communes des garanties d'équilibre financier et de développer leurs ressources propres, conformément aux prescriptions nouvellement inscrites à l'article 72-2 de la Constitution.

Article 48

Délégations de compétences aux maires pour les mesures individuelles

Comparable au II de l'article 47 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, cet article peut être porteur d'un important renforcement des pouvoirs des communes. Il ouvre aux autorités de Polynésie française - président et conseil des ministres - la possibilité de déléguer aux maires la compétence pour prendre les mesures individuelles d'application des « lois du pays » et des autres réglementations qu'elles édictent. Les actes réglementaires en cause peuvent porter aussi bien sur les compétences propres de la Polynésie françaises que sur celles exercées dans le cadre de la participation aux compétences de l'État.

Conformément aux principes généraux en matière de délégation de compétences, étayés par une jurisprudence classique, chaque délégation à cet effet devra être prévue par un texte adéquat, sans possibilité de délégation générale, ni de subdélégation par le maire bénéficiaire.

Les délégations sont soumises par l'article 48 à deux conditions : l'accord préalable du conseil municipal de la commune intéressée et le transfert des moyens administratifs nécessaires à l'exercice des pouvoirs.

La Commission a adopté l'article 48 sans modification.

Article 49

Règles relatives aux marchés publics et délégations de service public

Les règles relatives aux marchés publics et aux délégations de service public des communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics sont actuellement posées par un décret, pris en 1980 pour l'application de la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977 modifiant le régime communal dans le territoire de la Polynésie française.

Par coordination avec le 10° de l'article 14 du présent projet, le présent article confie à la Polynésie française la compétence pour fixer ces règles. Il précise qu'elles respecteront les principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, ce dont, en tout état de cause, le haut-commissaire de la République et le tribunal administratif s'assureront dans le cadre du contrôle de légalité, organisé par les articles 171 et suivants.

La Commission a adopté l'article 49 sans modification.

Article 50

Délivrance des autorisations individuelles d'occupation du sol
et des certificats d'urbanisme

Cet article est relatif à un cas particulier des délégations de mesures individuelles dont le régime général est fixé à l'article 48. Il concerne les autorisations individuelles d'occupation du sol et les certificats d'urbanisme. La justification d'un article spécifique tient à ce que la délégation n'est permise que dans les communes disposant d'un document d'urbanisme opposable aux tiers.

Cet article présente la particularité d'admettre que la délégation soit demandée par le conseil municipal et pas seulement décidée après son accord. Si le transfert des moyens nécessaires à l'instruction des dossiers n'est pas expressément prévu, il découle de la combinaison de l'article 48 et du présent article.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière tendant à renforcer les prérogatives des maires en matière de délivrance des autorisations individuelles d'occupation du sol et des certificats d'urbanisme, le rapporteur ayant souligné que le gouvernement ne pourrait sans motif refuser de faire droit aux demandes des maires en la matière, et M. Michel Buillard ayant évoqué la difficulté d'avoir une politique d'aménagement du territoire cohérente si chaque commune peut instruire et délivrer les autorisations d'occupation du sol et les certificats d'urbanisme. Puis la Commission a adopté l'article 50 sans modification.

Article 51

Financement du logement social

Le logement social, qui n'est pas au nombre des matières énumérées aux articles 14 et 42, relatifs aux compétences de l'État et des communes, relève de la compétence de la Polynésie française. Or, en pratique, l'État assume jusqu'à présent l'essentiel de son financement, dans le cadre des contrats de développement État-territoire.

Le présent article a donc pour objet de mettre en place des procédures de convention assurant la collaboration des différentes collectivités publiques. Une première catégorie de conventions concerne les programmes de logements sociaux construits, acquis ou améliorés avec le concours financier de l'État, soit en pratique la majorité des programmes. Ces conventions, passées entre l'État et la Polynésie française, prévoient notamment l'information des maires sur les critères et sur les décisions d'attribution des logements.

La seconde catégorie de conventions est passée par les communes avec l'État et la Polynésie française. Les conventions particulières prévoient notamment des modalités de réservation de logements, en contrepartie de l'apport par les communes d'un terrain, d'un financement ou d'une garantie financière.

La Commission a adopté l'article 51 sans modification.

Article 52

Fonds intercommunal de péréquation

Cet article se borne à actualiser les dispositions relatives au fonds intercommunal de péréquation (fip) insérées à l'article 10 de la loi du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes dans le territoire de la Polynésie française par la loi du 29 décembre 1977.

Ce fonds représente environ 110 millions d'euros par an. Il apporte actuellement aux communes de Polynésie française près de 44 % de leurs recettes de fonctionnement et 38 % de leurs recettes d'investissement.

Il reçoit une quote-part des impôts, droits et taxes affectés au budget de la Polynésie française. Cette quote-part ne peut être inférieure à 15 % ; elle est fixée par décret, selon une procédure légèrement simplifiée par le présent projet, qui prévoit la consultation de l'assemblée et du conseil des ministres de la Polynésie française. Le fonds peut également recevoir des subventions de l'État (proches de 8 millions d'euros en 2002), mais non plus de la Polynésie française. Sa gestion est assurée par un comité des finances locales de la Polynésie française, associent l'État, le gouvernement et l'assemblée de la Polynésie française ainsi que les communes, sous la présidence conjointe du haut-commissaire et du président de la Polynésie française.

La répartition des ressources du fonds entre les communes tient compte à la fois de leur population et de leurs charges. Il sera désormais possible d'affecter les dotations à des groupements de communes au titre d'opérations d'investissement ou de charges de fonctionnement.

Les conditions d'application de ces dispositions sont fixées par un décret en Conseil d'État, qui fixe en particulier les modalités selon lesquelles le fonds assure un minimum communal de ressources.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière prévoyant l'alimentation du fonds intercommunal de péréquation (fip) par la dotation versée par l'État au titre de l'aide à la reconversion de l'économie polynésienne, l'auteur de l'amendement ayant indiqué qu'il s'agissait de tenir compte du fait que cette dotation de l'État se substituait aux droits de douane perçus par la Polynésie sur les matériels importés pour les expérimentations nucléaires et que ces droits de douane faisaient partie de l'assiette du fip. M. René Dosière a ensuite retiré un amendement tendant à porter à 25 % la part minimale des ressources alimentant le fip, le rapporteur ayant relevé son caractère irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution. La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. René Dosière tendant à confier la co-présidence du comité des finances locales à un maire plutôt qu'au président de la Polynésie française, l'auteur de l'amendement ayant rappelé que ce comité comprenait une majorité de maires. Le rapporteur ayant estimé que le partage de la présidence entre le haut-commissaire et le président de la collectivité se justifiait par le fait que le fip était alimenté par des sommes prélevées sur la collectivité et M. Robert Pandraud ayant considéré qu'un maire serait moins représentatif que le président, la Commission a rejeté cet amendement, ainsi qu'un amendement du même auteur confiant au comité des finances locales le soin de gérer les crédits versés par l'État au titre de l'aide à la reconversion de l'économie polynésienne.

La Commission a adopté l'article 52 sans modification.

Article 53

Impôts, taxes et redevances institués au profit des communes

Les compétences nouvellement étendues des communes supposent le développement de leurs ressources et, en particulier, de leurs ressources propres, qui, conformément au troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, doivent représenter « une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ».

Or, actuellement, les ressources propres des communes polynésiennes représentent globalement à peine le quart de leurs budgets. Elles sont encore largement dépourvues de fiscalité et reçoivent du fonds intercommunal de péréquation (fip) et du territoire l'essentiel de leurs ressources. En 2002, leur dotation globale d'équipement représentait seulement 2,3 millions d'euros, et le total de leur dotation globale de fonctionnement s'élevait à 47 millions d'euros.

Conformément au deuxième alinéa de l'article 72-2 précité, les deux premiers alinéas du présent article prévoient que la Polynésie française institue une fiscalité spécifique aux communes, dont le taux et les modalités de perception sont décidés par le conseil municipal.

Par ailleurs, la Polynésie française fixe le cadre réglementaire dans lequel les communes peuvent décider d'instituer des taxes ou des redevances pour services rendus, afin de financer leurs compétences, notamment celles ayant, en vertu de l'article 42, un caractère obligatoire, qui portent sur la fourniture d'eau potable ainsi que sur la collecte et le traitement des ordures ménagères, des déchets végétaux et des eaux usées.

La Commission a examiné l'amendement n° 12 de M. Michel Buillard tendant à distinguer clairement les ressources fiscales qui peuvent être instituées au bénéfice des communes dans le cadre de la réglementation prise par la collectivité, des redevances que les communes pourront directement mettre en place pour les services qu'elles rendent aux usagers. Le rapporteur ayant suggéré qu'une rédaction alternative soit présentée d'ici la séance publique, la Commission a rejeté cet amendement. Elle a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 39), ainsi que l'amendement n° 13 de M. Michel Buillard, identique, puis l'article 53 ainsi modifié.

Article 54

Concours de la Polynésie française aux communes

Cet article reprend, en le complétant, l'article 96 du statut actuel. Celui-ci prévoit, en vue de favoriser le développement des communes, que l'État ou le territoire peuvent leur apporter, ainsi qu'à leurs groupements, un concours financier et technique. S'agissant du concours de l'État, ces dispositions ont été reprises à l'article 10 du projet de loi complétant le présent statut d'autonomie.

Un second alinéa a été ajouté, afin de permettre la conclusion de conventions destinées à la mise à disposition de personnel. Cette disposition est pleinement justifiée, dans un contexte de faibles effectifs et d'insuffisante qualification du personnel des services municipaux.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière supprimant la possibilité donnée à la Polynésie française de participer au fonctionnement des services municipaux par la mise à disposition de ses personnels, y compris ceux des cabinets ministériels, l'auteur de l'amendement ayant jugé que cette faculté engendrerait, outre des confusions et dysfonctionnements, une tutelle de la collectivité sur les communes. Tout en approuvant le dispositif du projet compte tenu de la pénurie de personnel qualifié, le rapporteur a convenu que la rédaction de l'article 54 était imparfaite et a proposé de présenter une autre rédaction d'ici la séance publique. La Commission a donc rejeté l'amendement et adopté l'article 54 sans modification.

Article 55

Conventions de délégation de compétences

L'article 55 définit en premier lieu le cadre conventionnel par lequel, en contrepartie d'une participation financière, la Polynésie française peut confier aux communes ou à leurs groupements la réalisation d'équipements collectifs ou la gestion de services relevant de sa compétence. Il transpose ce cadre, en second lieu, pour les conventions prévoyant l'opération réciproque.

Ces délégations sont soumises à la demande ou, en tout état de cause, à l'accord préalable des conseils municipaux ou des organes délibérants concernés. Elles définissent un cadre souple pour l'exercice des compétences locales.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière supprimant la possibilité offerte aux communes ou à leurs groupements de confier par convention la réalisation de travaux relevant de leur compétence. Puis elle a adopté l'article 55 sans modification.

Article 56

Extension du domaine public des communes

Cet article confère un caractère organique et actualise l'article 6 de la loi du 24 décembre 1971 précitée, qui prévoit les modalités de détermination du patrimoine des communes.

Les décrets en Conseil d'État prévus par cet article n'ont pas été pris. Le présent article prévoit, pour la détermination du patrimoine initiale, des décrets simples, pris sur avis conforme de l'Assemblée de la Polynésie française, affectant aux communes une partie du domaine de la Polynésie française.

Sont ajoutées les dispositions du second alinéa, relatives aux extensions du domaine ainsi constitué. Celles-ci pourront intervenir par délibération de l'assemblée, après avis du conseil municipal, le Sénat ayant précisé que cet avis doit être conforme.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Section 7

L'identité culturelle

Article 57

Le français et les langues polynésiennes

La question de la reconnaissance des langues parlées en Polynésie française revêt une forte valeur symbolique, dès lors qu'une partie de la population locale y voit un gage de reconnaissance et de développement culturel. Mais en la matière, l'action du législateur s'inscrit dans un cadre constitutionnel strictement défini.

L'article 57 du projet de loi organique prolonge le dispositif, progressivement étendu, des statuts précédents. Sa rédaction est à la fois plus précise et plus à jour de la jurisprudence constitutionnelle. Elle comporte deux volets, l'un relatif à l'enseignement de la langue tahitienne, l'autre portant plus généralement sur les langues utilisées en Polynésie française.

1° L'enseignement de la langue tahitienne

Dans le statut de juillet 1990, l'article 90 se bornait à traiter de l'enseignement de la langue tahitienne, matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelle et primaire, ainsi que - à titre de matière facultative - dans les établissements du second degré. En complément, le même article prévoyait :

-  la faculté pour l'assemblée territoriale d'adopter une décision remplaçant dans certaines écoles la langue tahitienne par l'une des autres langues polynésiennes, afin de tenir compte des usages locaux ;

-  une formation à l'étude et la pédagogie de la langue et de la culture tahitiennes dispensée à l'école normale mixte de la Polynésie française.

Ces dispositions relatives à l'enseignement, ne posant guère de difficultés d'application, ont été reproduites dans le statut juridique de 1996 qui a supprimé le caractère facultatif de l'enseignement du tahitien dans le second degré. Le présent article les reprend en ses trois derniers alinéas, compte tenu de deux modifications :

-  l'enseignement de la langue tahitienne entrerait désormais dans le cadre de l'horaire national des établissements d'enseignements supérieur. Le contenu pratique de cet enseignement ne va pas de soi, dans le cadre d'études universitaires spécialisées, mais son principe ne parait pas soulever d'objections ;

-  au dernier alinéa, il est prévu que ce sont l'ensemble des établissements de formation des enseignants qui assurent un enseignement d'étude et de pédagogie de la langue et de la culture tahitiennes. Pour respecter le principe d'égalité, cette mesure de coordination ne pourrait avoir pour conséquence indirecte de réserver l'accès de l'enseignement supérieur en Polynésie française aux enseignants ayant suivi ce type de cours.

Dans sa décision n° 96-373 du 9 avril 1996, le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions relatives à l'enseignement conformes à la Constitution, sous deux réserves concernant l'enseignement de la langue tahitienne ou d'autres langues polynésiennes :

-  cet enseignement, quoiqu'entrant dans l'horaire normal des cours, ne saurait, « sans méconnaître le principe d'égalité, revêtir un caractère obligatoire pour les élèves » ;

-  « il ne saurait non plus avoir pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les établissements du territoire aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci ».

Cette jurisprudence conserve toute sa valeur, ayant été confirmée par le Conseil le 17 janvier 2002, dans sa décision n° 2001-454 DC concernant la loi relative à la Corse, dont l'article 7 comportait des dispositions analogues pour l'enseignement de la langue corse dans les écoles maternelles et élémentaires.

Les dispositions des trois derniers alinéas de l'article 57 ont été adoptées sans modifications par le Sénat.

2° Les langues de la Polynésie française

a) Un cadre constitutionnel strict

Le statut de la Polynésie française se devait de tirer les conséquences de la loi de révision constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, qui a inséré à l'article 2 de la Constitution un premier alinéa aux termes duquel : « La langue de la République est le français ».

À cet effet, a été inséré à l'article 115 du statut de 1996 un premier alinéa ainsi conçu : « Le français étant la langue officielle, la langue tahitienne et les autres langues polynésiennes peuvent être utilisées. » Ces dispositions ont fait l'objet d'une réserve d'interprétation de la part du Conseil constitutionnel, qui a jugé au considérant 91 de sa décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996, que cette référence « au français en qualité de "langue officielle" doit s'entendre comme imposant en Polynésie française l'usage du français aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics ; que toute autre interprétation serait contraire à l'article 2 de la Constitution ».

Plus récemment, le Conseil a repris ces termes au considérant 48 de sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 relative à la loi de finances pour 2002, en ajoutant « que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage ».

Ces dispositions du droit positif encadrent étroitement l'exercice des compétences du législateur et des autorités locales. Le tribunal administratif de Papeete l'a récemment rappelé, en annulant l'adoption par l'assemblée de la Polynésie française d'un code de procédure civile prévoyant, dans certains cas, l'utilisation exclusive de langues polynésiennes devant les juridictions. Cette décision, pleinement justifiée sur le plan constitutionnel, a été mal ressentie pour des raisons pratiques. En effet, certains Polynésiens maîtrisent mal le français juridique.

b) Un effort de clarification, à droit constant

Dans un souci de précision, le Gouvernement a inscrit dans le présent projet de loi organique les termes de la jurisprudence constitutionnelle. Celle-ci déduit de l'article 2 de la Constitution que l'usage du français s'impose dans trois cas :

-  pour les personnes morales de droit public (l'État, les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics) ;

-  pour les personnes privées lorsqu'elles exercent une mission de service public ;

-  pour les usagers, dans leurs relations avec les administrations et services publics.

Le critère de l'usage du français est donc celui du service public, lui-même défini par une jurisprudence administrative établie depuis bientôt un demi-siècle.

Pour clarifier ces situations juridiques, le projet soumis au Sénat, après avoir précisé dans la loi organique la liste des langues polynésiennes autres que le tahitien - soit le marquisien, le paumotu et le mangarevien -, rappelle expressément la liberté d'usage de ces langues dans les relations juridiques « horizontales » entre personnes privées.

Au cours de la mission de la délégation de la commission des Lois en Polynésie française, le rapporteur a pu constater que la rédaction ainsi proposée, quoique se bornant à prendre acte du droit existant, était source de malentendus. Les acteurs locaux soupçonnaient dans la rédaction de cet article « une régression manifeste par rapport à celle de 1996 qui méconnaissait l'usage du tahitien et des autres langues polynésiennes », selon les termes de l'avis adopté le 12 août 2003 par le Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française.

Cette appréciation n'est pas fondée en droit ; la régression alléguée serait du reste contraire à l'esprit du présent projet. Toutefois, pour tenir compte de la sensibilité du sujet, le Sénat a adopté un amendement de M. Gaston Flosse insérant un deuxième alinéa nouveau proclamant la valeur de la langue tahitienne comme « élément fondamental de l'identité culturelle », et insistant sur l'intérêt de la préserver, de même que les autres langues polynésiennes, « afin de garantir la diversité culturelle qui fait la richesse de la Polynésie française ». Cette disposition reprend une proposition de l'assemblée de la Polynésie française, dans sa délibération du 2 juillet 2003.

Sur le plan de la méthode juridique, cet amendement consistant à inscrire dans la loi un commentaire qui n'a place que dans un exposé des motifs est le type même de la disposition non normative que le législateur doit éviter. Toutefois, sur le fond, la Commission souscrit bien entendu à ce texte ; comme elle partage le souci de répondre aux inquiétudes exprimées localement, elle propose l'adoption des trois premiers alinéas de l'article 57 dans le texte du Sénat.

Quant à la question de la traduction éventuelle devant les tribunaux, voire les administrations, elle ne relève pas de la loi organique. Il revient aux tribunaux, aux administrations et aux services concernés d'assurer le respect du principe d'égalité d'accès entre leurs usagers.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière précisant que l'enseignement de la langue tahitienne ne saurait revêtir un caractère obligatoire pour les élèves, l'auteur de l'amendement ayant fait valoir qu'il ne s'agissait que de reprendre dans la loi organique la réserve d'interprétation formulée en 1996 par le Conseil constitutionnel. Le rapporteur s'étant interrogé sur l'opportunité de cet ajout dès lors qu'il ne s'agit que de rappeler une jurisprudence constitutionnelle, le président Pascal Clément a estimé qu'il présentait un caractère pédagogique. La Commission a donc adopté cet amendement (amendement n° 40), puis l'article 57 ainsi modifié.

Article 58

Collège d'experts fonciers

Cet article démarque, et complète à la marge, l'article 116 du statut actuel relatif au collège d'experts fonciers introduits dans la loi statutaire de 1990. L'existence de cet organisme est justifiée par le caractère lacunaire du cadastre, l'ancienneté des règles de publicité foncière et la complexité de nombreuses indivisions. Cette situation, source de contentieux fonciers proliférants, est héritée de l'appropriation individuelle de terres coutumières au lendemain de la colonisation. Il est apparu nécessaire de faire bénéficier d'une expertise, tant les tribunaux civils que la commission de conciliation en matière foncière qui exerce une utile fonction de « filtrage » des nombreuses procédures engagées.

Aux termes du présent article, le collège d'experts fonciers, nommé par délibération de l'assemblée de la Polynésie française, remplit un double rôle. Il peut être consulté sur toute question relative à la propriété foncière, par le président de la Polynésie française, le président de l'assemblée ou le haut-commissaire de la République. Il a également pour fonction de proposer, à l'assemblée générale des magistrats de la cour d'appel, des personnalités qualifiées :

-  en tant qu'experts judiciaires, comme dans le statut actuel ;

-  et, en outre, comme assesseurs aux tribunaux statuant en matière foncière. Cette disposition nouvelle est insérée par coordination avec la création d'un tribunal foncier à l'article 17 du projet de loi complétant le statut d'autonomie. Le même article renvoie les dispositions relatives au statut des assesseurs à une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution.

Après avoir rejeté un amendement de M. René Dosière tendant à rendre obligatoire la consultation du collège d'experts fonciers, sur toute question relative à la propriété foncière, la commission a adopté l'article 58 sans modification.

Chapitre II

Les modalités des transferts de compétences

Le principe de compensation par l'État des charges transférées aux collectivités territoriales avait été posé par les lois n° 82-219 du 2 mars 1982 et n° 83-8 du 7 janvier 1983. En vertu de ce principe, les transferts de compétences opérés par le statut de la Polynésie française du 12 avril 1996 devaient faire l'objet de compensations fixées par conventions entre l'État et les collectivités concernées. Toutefois, la valeur seulement législative du principe de compensation n'en garantissait nullement une pleine application.

La loi de révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, en conférant valeur constitutionnelle à ce principe, a profondément renouvelé la situation. L'article 72-2 de la Constitution dispose, en son quatrième alinéa : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Les articles 59 à 62 figurant au présent chapitre ont pour objet de mettre en œuvre ces dispositions. Leur dispositif est notamment inspiré des articles 55 à 68 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. Ils mettent en place un mécanisme de compensation ainsi que le transfert de biens, de services et d'agents publics de l'État vers la Polynésie française.

Article 59

Compensation des charges correspondant
aux compétences transférées à la Polynésie française

Après avoir rappelé le principe général de compensation par l'État des charges correspondant aux compétences nouvelles transférées à la Polynésie française, cet article en prévoit des modalités d'application de facture classique. Elles sont en effet très proches des articles L. 1614-1 à L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales, ainsi que de l'article 55 du statut de la Nouvelle-Calédonie. Le Sénat n'en a pas modifié les termes.

Comme le précisent les deuxième à quatrième alinéas de l'article, l'accroissement net des charges est accompagné du versement par l'État d'une compensation financière « permettant l'exercice normal » des compétences transférées. Le montant de la compensation est évalué préalablement au transfert par référence aux dépenses annuelles de l'État, après consultation d'une commission consultative d'évaluation des charges présidée par un magistrat de la chambre territoriale des comptes. Il évolue chaque année comme la dotation globale de fonctionnement allouée aux communes, prévue par l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales.

La dotation globale de compensation étant inscrite au budget de l'État, son évaluation annuelle sera fixée en loi de finances.

La Commission a adopté l'article 59 sans modification.

Article 60

Transfert à titre gratuit à la Polynésie française de biens de l'État

À la différence des trois autres articles du présent chapitre, l'article 60 prévoit la compensation des transferts de compétence opérés à la fois par la présente loi organique et par les lois statutaires antérieures.

La propriété des biens meubles et immeubles appartenant à l'État et affectés à l'exercice de compétences dévolues à la Polynésie française est transférée gratuitement à celle-ci.

Le transfert de propriété est de portée générale, puisque le Sénat a adopté un amendement de M. Gaston Flosse, accepté par le Gouvernement, qui l'étend aux biens de l'État mis à la disposition de la Polynésie française en application des conventions passées au titre des lois antérieures comportant des transferts de compétences, c'est-à-dire la loi du 6 septembre 1984 et la loi organique du 12 avril 1996. Une étape significative est donc franchie en faveur de l'autonomie de la Polynésie française, par rapport à l'actuel régime de simple mise à disposition à titre gratuit des biens, qui est le régime de droit commun organisé par le code général des collectivités territoriales, en ses articles L. 1321-1 et L. 1321-7.

Le troisième alinéa de l'article, qui prévoit le transfert à titre gratuit des contrats de bail d'immeubles dont l'État est locataire, ne comporte pas de précision quant à l'origine du transfert de compétences. Dans un esprit de sécurité des situations juridiques, il paraît utile de préciser, s'il y a lieu, que la transmission de bail s'effectue à titre gratuit lorsque les compétences ont été transférées en application des lois antérieures (amendement n° 41).

Enfin la Polynésie est substituée à l'État dans ses droits et obligations de nature contractuelle en matière d'aménagement, d'entretien et de conservation des biens concernés. Il en est de même s'agissant des contrats relatifs au fonctionnement des services transférés. C'est à l'État qu'il incombe de constater la substitution et de la notifier à ses contractants, comme il est d'usage en pareil cas.

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur puis l'article 60 ainsi modifié.

Article 61

Transfert à la Polynésie française de services de l'État

Lorsqu'un service de l'État ou une partie de service est exclusivement chargé de la mise en œuvre d'une compétence transférée par la présente loi organique, l'article 61 prévoit son transfert à la Polynésie française.

Sont concernés à la fois les services déconcentrés de l'État et ses établissements publics. Sous réserve d'étude approfondie, seraient susceptibles d'être transférés l'inspection du travail, une partie du service des affaires maritimes ainsi qu'une partie de l'infrastructure aéronautique du service de l'aviation civile.

Un décret fixera les modalités et la date des transferts, dont les conditions de mise en œuvre seront déterminées, pour chaque service ou partie de service , par convention entre le haut-commissaire et le président de la Polynésie française. À titre de comparaison, en Nouvelle-Calédonie, c'est le décret n° 2000-804 du 24 août 2000 qui a déterminé la date et les modalités de transfert, ainsi que le modèle de convention-type. Ces conventions permettront de garantir le respect des principes généraux du service public, en particulier le principe de continuité. L'aspect le plus complexe des transferts porte assurément sur la situation des agents de l'État, qui fait l'objet de l'article 62.

D'après le précédent néo-calédonien, les transferts pourraient intervenir après un délai de un à deux ans après adoption de la présente loi organique.

La Commission a adopté l'article 61 sans modification.

Article 62

Mise à disposition des agents de l'État

Cet article détermine les modalités statutaires de mise à disposition des agents de l'État en fonctions dans les administrations et établissements transférés en application de l'article 61. Il transpose les dispositions éprouvées de l'article 59 du statut de la Nouvelle-Calédonie, qui ont elles-mêmes repris les modalités retenues en 1984 et 1985, lors de la mise du statut de la fonction publique territoriale.

Le paragraphe I de l'article comporte un double aspect. Il fait bénéficier la Polynésie française de la mise à disposition de plein droit des agents - titulaires ou non titulaires - de l'État qui ne lui seraient pas déjà liés par des dispositions statutaires ou contractuelles. Quant à ces agents, ils sont placés dans la position statutaire de mise à disposition, définie par l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 comme la « situation de fonctionnaire qui demeure sans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui effectue son service dans une autre administration que la sienne ». La mise à disposition est effectuée à titre dérogatoire, car n'intervenant pas dans un cas prévu par la loi du 11 janvier 1984 précitée.

Pour la part minoritaire d'agents de l'État dont la durée du séjour en Polynésie française n'est pas limitée dans le temps, le paragraphe II ouvre une possibilité d'option, dans un délai de deux ans, entre le maintien de leur statut ou le statut de fonctionnaire de la Polynésie française. Dans le premier cas, deux modalités leur sont proposées : demander à être placé en position de détachement de longue durée ou demander une affectation à titre prioritaire dans un emploi de l'État.

Le paragraphe III prévoit qu'à défaut d'exercice de leur droit d'option, les agents concernés sont réputés choisir le maintien du statut de fonctionnaire de l'État et demander à être placé en position de détachement de longue durée.

La Commission a adopté l'article 62 sans modification.

TITRE IV

LES INSTITUTIONS

Chapitre Ier

Le président et le gouvernement de la Polynésie française

Section 1

Attributions et missions du président et du gouvernement

Avant l'article 63

La Commission a rejeté deux amendements de M. René Dosière tendant à modifier l'intitulé du chapitre et de la section du projet de loi, afin d'ôter la mention au président de la collectivité dans le premier, et de mentionner d'abord le gouvernement dans la seconde.

Article 63

Rôle du gouvernement

Cet article définit le rôle du gouvernement de la Polynésie française, en s'inspirant de l'article 20 de la Constitution.

Il rappelle que le gouvernement de la Polynésie française est l'exécutif de cette collectivité dont il détermine et conduit la politique, qu'il dispose de l'administration et qu'il est responsable devant l'assemblée de la Polynésie française dans les conditions et suivant les procédures prévues à l'article 155.

La Commission a adopté l'amendement n° 14 de M. Michel Buillard, supprimant la disposition selon laquelle le gouvernement de la collectivité en « détermine » la politique. Elle a ensuite rejeté un amendement de M. René Dosière tendant à insérer à cet article les dispositions figurant à l'article 89 du projet de loi organique, relatif aux attributions du conseil des ministres de la collectivité.

Puis la Commission a adopté l'article 63 ainsi modifié.

Article 64

Rôle du président de la Polynésie française

Cet article modifie le titre du président du gouvernement de la Polynésie française, qui devient le président de la Polynésie française.

Il détermine par ailleurs ses compétences, en reprenant dans une large mesure celles énumérées aux articles 37 et 38 du statut actuel.

· Le président de la Polynésie française représente la Polynésie française (premier alinéa de l'article 37) ; l'article 64 précise également qu'il dirige l'action du gouvernement, sur le modèle de ce que prévoit l'article 21 de la Constitution pour le Premier ministre.

· Il promulgue les actes prévus à l'article 139, c'est-à-dire les lois du pays votées par l'assemblée de la Polynésie française.

Rappelons que ces lois du pays sont des actes relevant du domaine de la loi qui ressortissent à la compétence de la Polynésie française ou sont pris au titre de la participation de cette collectivité aux compétences de l'État et qui interviennent dans des matières limitativement énumérées.

On observera qu'en Nouvelle-Calédonie, les lois du pays sont promulguées par le haut-commissaire avec le contreseing du président du gouvernement.

· Il assure la publication des délibérations de l'assemblée de la Polynésie française et signe les actes délibérés en conseil des ministres. La référence au contreseing des ministres chargés de l'exécution des actes délibérés en conseil des ministres, qui figure à l'article 26 du statut actuel, est transférée à l'article 66 du projet de loi organique.

Le Sénat a adopté un amendement supprimant la référence à la publication des délibérations de l'assemblée de la Polynésie française, faisant valoir que cette dispositions était redondante avec celle de l'article 65, qui prévoit que le président assure la publication des actes ressortissant de la compétence des institutions de la collectivité.

· Il est chargé de l'exécution des lois du pays et des autres délibérations de l'assemblée de la Polynésie française et de sa commission permanente (deuxième alinéa de l'article 37). Il exerce par ailleurs le pouvoir réglementaire.

Le Sénat a souhaité encadrer ce nouveau pouvoir réglementaire reconnu au président de la Polynésie française, en précisant qu'il n'était pas général, mais qu'il s'appliquait aux actes du conseil des ministres. Le président de la Polynésie française ne disposera donc que d'un pouvoir réglementaire « dérivé ».

· Il dirige l'administration de la Polynésie française et nomme à tous les emplois publics de la collectivité, à l'exception de ceux qui relèvent de la compétence du président de l'assemblée de la Polynésie française, en application de l'article 136 du projet de loi organique.

Ces dispositions reprennent les deux premiers alinéas de l'article 38 du statut actuel, sous réserve de la référence aux nominations effectuées par le conseil des ministres, qui a disparu. Le Sénat a donc adopté un amendement rétablissant cette référence, ainsi qu'un amendement de M. Gaston Flosse remplaçant le terme de collectivité par un renvoi à la Polynésie française.

· Il prend les actes à caractère non réglementaires nécessaires à l'application des lois du pays et des autres délibérations de l'assemblée de la Polynésie française et des règlements, sous réserve de la compétence du conseil des ministres fixée par l'article 90 du projet de loi organique. Cette compétence figure actuellement au dernier alinéa de l'article 37.

· Il est l'ordonnateur du budget de la Polynésie française, comme le prévoit l'article 102 du statut actuel.

Reprenant une disposition figurant dans cet article, le Sénat a souhaité préciser que le président de la Polynésie française peut déléguer son pouvoir d'ordonnateur. Il a également ajouté, conformément à l'article 110 de la loi organique de 1996, une disposition indiquant qu'il peut adresser un ordre de réquisition au comptable, dans les conditions fixées par l'article LO 274-5 du code des juridictions financières, mais qu'il ne peut pas déléguer ce pouvoir de réquisition.

La Commission a rejeté un amendement de suppression de l'article présenté par M. René Dosière. Elle a été saisie d'un amendement du même auteur précisant que le président de l'exécutif polynésien « publie » et non « promulgue » les lois du pays. Le Président Pascal Clément ayant admis que cette terminologie pouvait être gênante, le rapporteur l'a justifiée par le fait que les actes en question interviennent dans des matières législatives et a rappelé que la publication de ces actes était prévue à l'article 165. La Commission a donc rejeté cet amendement. Elle a en revanche adopté les amendements nos 15 et 16, de coordination, de M. Michel Buillard.

Puis elle a adopté l'article 64 ainsi modifié.

Article 65

Publication des actes au Journal officiel de la Polynésie française

Reprenant les dispositions de l'article 39 du statut actuel, cet article donne compétence au président de la Polynésie française pour publier au Journal Officiel de la Polynésie française les actes des institutions de la collectivité.

Par coordination avec ses décisions antérieures, le Sénat a adopté un amendement présenté par M. Gaston Flosse tendant à remplacer la notion de collectivité par la Polynésie française.

A défaut de publication dans un délai de quinze jours, le haut-commissaire assure sans délai cette publication (article 167 du projet de loi organique).

On observera que, comme actuellement, les actes ressortissant à la compétence de l'État seront publiés par le haut-commissaire (article 3 du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française).

La Commission a adopté l'article 65 sans modification.

Article 66

Contreseing des actes du président de la Polynésie française

Le contreseing des actes du président de la Polynésie française est actuellement prévu par l'article 26 de la loi organique de 1996, qui dispose que « les actes arrêtés en conseil des ministres sont signés par le président du gouvernement avec le contreseing des ministres chargés de leur exécution ».

L'article 66 généralise ces dispositions en posant le principe selon lequel les actes du président de la Polynésie française sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution. Il exclut toutefois de ce contreseing les accords internationaux (article 39), la publication au Journal Officiel des actes de la Polynésie française (article 65), la nomination du vice-président et des ministres (article 73) et la modification de la composition du gouvernement (article 81).

La Commission a adopté l'article 66 sans modification.

Article 67

Délégation de pouvoirs du président de la Polynésie française

Cet article rappelle la possibilité pour le président de la Polynésie française de déléguer certains de ses pouvoirs au vice-président et aux ministres.

Ce principe est décliné à l'article 95 du projet de loi organique, qui précise que les attributions individuelles des ministres s'exercent par délégation du président de la Polynésie française, dans le cadre des décisions prises par le conseil des ministres.

La Commission a adopté l'article 67 sans modification.

Article 68

Information en matière de maintien de l'ordre

Cet article dispose que le président de la Polynésie française est informé par le haut-commissaire des mesures prises en matière de maintien de l'ordre.

Cette disposition, qui ne figure pas dans le statut actuel, est à rapprocher des mesures prises dans le cadre du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, afin d'améliorer l'information des élus locaux sur les troubles graves à l'ordre public commis dans leur commune.

Sur proposition de M. Gaston Flosse, le Sénat a étendu l'information du président de la Polynésie française aux mesures prises par l'État en matière de sécurité intérieure. Les sénateurs ont également souhaité que le président soit associé à la préparation et à la mise en œuvre des mesures prises par le haut commissaire relatives à la coordination et à la réquisition des moyens concourant à la sécurité civile. Le rapporteur du Sénat a néanmoins tenu à souligner que cette association ne remettait aucunement en cause les prérogatives du représentant de l'État en matière de sécurité civile.

La Commission a adopté l'article 68 sans modification.

Section 2

Élection du président

Article 69

Élection du président par l'assemblée de la Polynésie française

Cet article définit les modalités de l'élection du président de la Polynésie française. Il reprend, en partie, les dispositions de l'article 9 du statut actuel.

Après avoir posé le principe selon lequel, comme actuellement, le président de la Polynésie française est élu par l'assemblée de cette collectivité parmi ses membres (premier alinéa), le deuxième alinéa de l'article 69 apporte une dérogation à ce principe en autorisant une élection hors du sein de l'assemblée lorsque le candidat est présenté par au moins un quart des membres de cette assemblée, chaque représentant ne pouvant présenter qu'un seul candidat. Le candidat choisi hors de l'assemblée doit, en outre, satisfaire aux conditions requises pour être éligible à l'assemblée ; en cas de doute sur son éligibilité, le haut-commissaire de la République pourra, comme en Nouvelle-Calédonie pour les candidats aux fonctions gouvernementales, saisir dans les quarante-huit heures du dépôt de la candidature le tribunal administratif, qui dispose du même délai pour statuer.

Cette disposition a suscité un certain nombre de critiques parmi les interlocuteurs rencontrés par la délégation de la commission des Lois. Lors de l'examen de l'avant-projet de loi organique, les membres du conseil économique, social et culturel de la Polynésie française ont émis un avis défavorable sur ces dispositions, soulignant que « les conseillers ont souhaité affirmer, et légitimer plus encore, le rôle du président de la Polynésie française, en faisant de lui la première institution de la Polynésie française. Permettre sa désignation en dehors du champs des élus ne lui donnerait pas la possibilité de représenter avec autant de force la Polynésie française ».

Il convient néanmoins de souligner que le principe reste celui d'une élection du président de la Polynésie française parmi les représentants de l'assemblée de la Polynésie française, le choix d'une candidature extérieure, soumise à des conditions strictes de présentation (un quart des représentants de l'assemblée, conditions d'éligibilité), devant rester exceptionnel.

On observera, par ailleurs, que le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, élu par le Congrès, n'est pas obligatoirement membre de celui-ci (article 110 de la loi organique du 19 mars 1999).

Le Sénat a approuvé ces nouvelles dispositions, se contentant de préciser, comme dans le statut actuel, que le président de la Polynésie française est élu au scrutin secret.

Comme actuellement, l'assemblée de la Polynésie française ne pourra valablement procéder à l'élection du président que si les trois cinquièmes de ses membres sont présents. Lorsque cette conditions n'est pas remplie, la réunion pour l'élection se tient de plein droit trois jours plus tard, quel que soit le nombre de représentants présents (troisième alinéa).

Le quatrième alinéa précise que les candidatures devront être remises au président de l'assemblée de la Polynésie française au plus tard le septième jour précédent la date fixée pour le scrutin. On observera que l'article 9 du statut actuel fixe la date limite de dépôt des candidatures à la veille du jour fixé pour le scrutin. Chaque candidat devra, comme actuellement, présenter son programme devant l'assemblée avant l'ouverture du premier tour de scrutin.

Sur proposition de sa commission des Lois, le Sénat a ramené de sept à cinq jours avant le scrutin la date limite pour le dépôt des candidatures, alignant ainsi les modalités de présentation des candidatures sur celles prévues pour l'élection du gouvernement en Nouvelle-Calédonie.

Le cinquième alinéa définit les modalités pratiques d'élection du président, qui diffèrent sensiblement de celles prévues par le statut de 1996 : alors que ce dernier prévoit une élection à la majorité absolue aux deux premiers tours et une élection à la majorité relative au troisième tour, avec une possibilité de présenter des candidatures nouvelles à chaque tour de scrutin, le projet de loi organique précise que le président est toujours élu à la majorité absolue des membres composant l'assemblée et prévoit que seuls les deux candidats ayant recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se présenter au second tour.

Cette modification des règles du scrutin, qui s'inspire des modalités d'élection du Président de la République prévue par l'article 7 de la Constitution, est destinée à renforcer la légitimité du président de la Polynésie française, qui ne pourra plus être élu au troisième tour de scrutin.

Enfin, comme actuellement, il est prévu qu'en cas d'égalité des voix, l'élection est acquise au bénéfice de l'âge.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière rétablissant le titre de « président du gouvernement », le rapporteur ayant rappelé les raisons qui avaient motivé le rejet d'un amendement identique au cours de la précédente réunion de la Commission.

Elle a examiné l'amendement n° 17 de M. Michel Buillard supprimant dans le premier alinéa la précision selon laquelle le président est élu au scrutin secret. Le rapporteur, après avoir exprimé son accord sur le fond, a souhaité, pour des raisons rédactionnelles, le rejet de cet amendement, en attendant sa rectification par ses auteurs. La Commission a donc rejeté cet amendement.

Une discussion s'est engagée sur un amendement de M. René Dosière supprimant le deuxième alinéa de l'article, qui permet l'élection du président de la Polynésie française hors du sein de l'assemblée. Le Président Pascal Clément s'est interrogé sur les raisons qui avaient conduit à prévoir une disposition analogue dans le statut de la Nouvelle Calédonie ; le caractère multi-partisan du gouvernement de Nouvelle Calédonie ne lui a pas semblé, en tout état de cause, fournir une explication pertinente. Il a estimé que ces dispositions ménageaient la possibilité de désigner une personnalité libre de tout engagement partisan. M. René Dosière a insisté sur les différences de répartition des pouvoirs entre les deux collectivités ; il a fait valoir qu'un président désigné hors de l'assemblée souffrirait d'un manque de légitimité et que ce mode de désignation marquait le recul d'un principe démocratique. La Commission a néanmoins rejeté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. René Dosière tendant à rétablir, pour l'élection du président de l'assemblée de la Polynésie française, un troisième tour, lors duquel l'élection avait lieu à la majorité relative. Après que M. René Dosière eut fait valoir que le Parlement était en droit d'être informé des raisons ayant conduit le Gouvernement à proposer au Sénat la modification du régime en vigueur, le rapporteur a estimé préférable de retenir un mode de scrutin apte à dégager une majorité absolue proposant un choix clair aux membres de l'assemblée, et l'amendement a été rejeté.

La Commission a ensuite adopté l'article 69 sans modification.

Article 70

Proclamation et contestation des résultats

Reprenant les dispositions de l'article 10 du statut actuel, le premier alinéa de l'article 70 dispose que le président de l'assemblée de la Polynésie française proclame les résultats de l'élection du président de la Polynésie française et les transmet immédiatement au haut-commissaire.

Alors que cette élection peut actuellement faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif, le deuxième alinéa transfert la contestation des résultats devant le Conseil d'État statuant au contentieux, dans un délai de cinq jours. Ces nouvelles dispositions sont à rapprocher de celles de l'article 116 du statut de la Nouvelle-Calédonie, qui confie au Conseil d'État le soin d'examiner les recours contre l'élection des membres du gouvernement.

Sur proposition de sa commission des Lois, le Sénat a précisé que le recours devant le Conseil d'État pouvait être présenté par tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française, tout candidat aux fonctions de président ou par le haut commissaire. Les sénateurs ont également indiqué que le délai de cinq jours pour contester l'élection courrait à compter de la proclamation des résultats.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière confiant au tribunal administratif de Polynésie, au lieu du Conseil d'État, la compétence pour connaître des contestations des résultats de l'élection du président de la Polynésie française.

Puis elle a adopté l'article 70 sans modification.

Article 71

Délai d'élection du président de la Polynésie française

Cet article reprend les dispositions de l'article 21 du statut actuel sur le délai d'élection du président de la Polynésie française.

Le premier alinéa fixe à quinze jours à compter de sa premier réunion, organisée à l'initiative du président ou du doyen d'âge, le délai dans lequel l'assemblée nouvellement élue doit procéder à l'élection du président ; le deuxième alinéa fixe le même délai en cas de vacance du poste de président (décès, démission, prolongation au-delà de trois mois de l'absence ou de l'empêchement) ou en cas de vote d'une motion de censure. Enfin, le troisième alinéa investit le gouvernement de la mission traditionnelle d'assurer « l'expédition des affaires courantes ».

Rappelant que l'article 119 du projet de loi organique prévoyait, comme actuellement, que l'assemblée de la Polynésie française se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit l'élection de ses membres, sous la présidence de son doyen d'âge, le Sénat a supprimé la référence à la convocation du président ou du doyen d'âge, la remplaçant par un renvoi à l'article 119.

La Commission a adopté l'article 71 sans modification.

Article 72

Durée du mandat du président de la Polynésie française

Reprenant l'article 18 du statut actuel, cet article précise que le président de la Polynésie française reste en fonction jusqu'à l'expiration du mandat de l'assemblée qui l'a élu, c'est à dire en principe cinq ans, sauf en cas de d'inéligibilité (deuxième alinéa de l'article 74), de cumul (article 75), d'incompatibilités (article 77), de démission du gouvernement (article 80) ou de vote d'une motion de censure (article 155).

La Commission a adopté l'article 72 sans modification.

Section 3

Composition et formation du gouvernement

Article 73

Formation du gouvernement

Reprenant l'intégralité des dispositions de l'article 11 du statut actuel, sous réserve d'adaptations terminologiques, l'article 73 détermine les modalités de la formation du gouvernement.

Celui-ci doit être formé par arrêté du président de la Polynésie française dans les cinq jours suivant l'élection de ce dernier, cet arrêté étant notifié au haut-commissaire et au président de l'assemblée de la Polynésie française ; à défaut d'une telle notification dans le délai de cinq jours, le président de la Polynésie française est considéré comme démissionnaire. Les arrêtés fixant les attributions de chaque ministre doivent également être transmis au haut-commissaire et au président de l'assemblée.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière tendant à limiter à douze le nombre des ministres.

Puis elle a adopté l'article 73 sans modification.

Article 74

Conditions requises pour exercer les fonctions de membre du gouvernement

Le premier alinéa de l'article 74 dispose que les membres du gouvernement, qui peuvent être choisis en dehors de l'assemblée de la Polynésie française, doivent néanmoins satisfaire aux conditions requises pour l'élection à cette assemblée, c'est à dire, aux termes de l'article 109 du projet de loi organique, qu'ils doivent être âgés de dix-huit ans révolus, jouir de leurs droits civils et politiques, ne pas être dans un cas d'incapacité prévu par la loi et être inscrits sur une liste électorale ou justifier qu'ils remplissent les conditions pour y être inscrit le jour de leur nomination.

Ces dispositions sont beaucoup moins restrictives que celles prévues par l'article 12 du statut actuel, qui limite la fonction de membre du gouvernement aux personnes âgés d'au moins vingt-trois ans domiciliés depuis au moins cinq ans en Polynésie française.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière destiné à obtenir des explications sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à proposer au Sénat la suppression de la condition de durée de résidence d'au moins cinq ans pour les membres du gouvernement de la Polynésie française.

Le deuxième alinéa reprend le deuxième alinéa de l'article 12 du statut actuel, en précisant que tout membre du gouvernement qui se trouve dans une situation contraire à celle visée au premier alinéa ou dans un cas d'incapacités le privant de sa qualité d'électeur ou d'éligible est déclaré démissionnaire par arrêté du haut-commissaire.

La référence à la qualité d'éligible, qui ne figure pas dans le statut actuel, permet de viser les cas où le membre du gouvernement ne remplit pas les conditions mentionnées à l'article 110 du projet de loi organique.

La Commission a ensuite adopté l'article 74 sans modification.

Articles 75 et 76

Régime des incompatibilités

Ces articles déterminent le régime des incompatibilités applicable aux membres du gouvernement.

1.  Le régime actuel

L'article 13 de la loi organique de 1996 dispose que les fonctions de président et de membres du gouvernement sont incompatibles :

· avec les fonctions incompatibles avec le mandat de conseiller territorial. Ces incompatibilités sont définies par une loi du 6 février 1952, relative à la formation des assemblées de groupe et des assemblées locales d'a.o.f. et du Togo, d'a.e.f. et du Cameroun, de Madagascar et des Comores, largement obsolète.

· Avec les mandats incompatibles avec l'exercice des fonctions de président du conseil général, c'est-à-dire avec les mandats de président d'un conseil régional et de maire ;

· Avec les mandats de conseiller général, de conseiller régional, de membre d'une assemblée ou d'un exécutif de la Nouvelle-Calédonie ou de Wallis-et-Futuna.

· Avec les fonctions de direction (président du conseil d'administration, président du conseil de surveillance, directeur général, gérant..) dans des entreprises privées à caractère financier ou immobilier ou dont l'activité est étroitement liée à celle de l'État ou des collectivités publiques (article L.O. 146 du code électoral).

Par ailleurs, l'article 15 du statut interdit à tout membre du gouvernement d'accepter, en cours de mandat, une fonction de membre du conseil d'administration ou de surveillance ou toute fonction de conseil dans l'un des établissements mentionnés à l'article L.O. 146 du code électoral.

2.  Les modifications proposées par le projet de loi organique

Aux termes de l'article 75, les fonctions de membres du gouvernement seront incompatibles :

· Avec les fonctions incompatibles avec l'exercice d'un mandat de représentant à l'assemblée de la Polynésie française.

Le renvoi aux incompatibilités applicables aux membres de l'assemblée de Polynésie française est maintenu, mais les conséquences juridiques sont différentes puisque ces incompatibilités sont désormais énumérées à l'article 112 du projet de loi organique.

Il s'agit des fonctions de membre du conseil économique, social et culturel, de membre d'une assemblée ou d'un exécutif d'une collectivité à statut particulier régie par les articles 72 et 74 et par le titre XIII de la Constitution, de conseiller régional, de conseiller de Paris ou de membre de l'assemblée de Corse, de militaire de carrière, de magistrat des juridictions administratives ou judiciaires, des fonctions publiques non électives, des fonctions rémunérées de directeur ou de président d'un établissement public.

Par ailleurs, le mandat de membre de l'assemblée de la Polynésie française, et donc de membre du gouvernement, est incompatible avec plus d'un des mandats suivants : conseiller municipal, député ou sénateur, représentant au Parlement européen.

· Avec l'exercice de plus d'un des mandats suivants : député, sénateur, représentant au Parlement européen, maire.

Le Sénat a fort justement supprimé cette disposition, redondante avec le renvoi aux incompatibilités applicables aux membres de l'assemblée de la Polynésie française.

· Avec les fonctions rémunérées conférées par un État étranger ou une organisation internationale (article L.O. 143 du code électoral), les fonctions de président, de membre du conseil d'administration, de directeur général, de directeur général adjoint et de conseil exercées dans un établissement public ou une entreprise nationale, sauf lorsque le membre du gouvernement est désigné en cette qualité ou du fait d'un mandat électoral local (article L.O. 145 du même code), les fonctions de conseil, sauf si elles étaient exercées avant la nomination au gouvernement (article L.O. 146-1) et les fonctions, acceptées en cours de mandat, de membre du conseil d'administration dans une entreprise mentionnée à l'article L.O. 146, sauf s'il représente la Polynésie française (articles L.O. 147 et L.O. 148).

La référence à l'article L.O. 147 est redondante avec l'article 76 du projet de loi organique, qui interdit aux membres du gouvernement d'accepter en cours de mandat une fonction de membre du conseil d'administration ou de conseil dans une entreprise mentionnée à l'article L.O. 146.

L'article 75 ne reprend pas, en revanche, l'interdiction d'exercer des fonctions dans une entreprise mentionnée à l'article L.O. 146, qui figure pourtant à l'article 13 du statut actuel.

Le Sénat a donc supprimé la référence à l'article L.O. 147 et rétablit celle à l'article L.O. 146.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 42) supprimant la référence redondante à une règle d'incompatibilité figurant à l'article 76.

Elle a adopté l'article 75 ainsi modifié.

L'article 76 reprend intégralement les dispositions de l'article 15 du statut actuel, qui interdit à tout membre du gouvernement d'accepter une fonction de membre du conseil d'administration ou de surveillance ou une fonction de conseil dans un établissement, une société ou une entreprise mentionnée à l'article L.O. 146, sauf si celui-ci siège en qualité de représentant de la Polynésie française ou de représentant d'un établissement public territorial et que ces fonctions ne sont pas rémunérées.

La Commission a adopté l'article 76 sans modification.

Article 77

Déclaration d'option

Cet article reprend intégralement, sous réserve des adaptations terminologiques nécessaires, les dispositions de l'article 14 du statut actuel relatives au délai dont dispose le président de la Polynésie française et les membres du gouvernement se trouvant en situation d'incompatibilité pour choisir les fonctions qu'ils entendent conserver.

Il fixe un délai d'un mois à compter de leur désignation ou, le cas échéant, de la survenance de la cause de l'incompatibilité pour choisir la fonction conservée ; à défaut d'avoir opté dans ce délai, l'intéressé est réputé avoir renoncé à ses fonctions de président de la Polynésie française ou de membre du gouvernement. L'option est constatée par un arrêté du haut-commissaire notifié au président de la Polynésie française, au président de l'assemblée de la Polynésie française et, le cas échéant, au membre du gouvernement intéressé.

Le Sénat a apporté une modification rédactionnelle à ce dispositif, consistant à remplacer la référence aux membres du gouvernement, qui comprend également le président de la Polynésie française, par un renvoi au vice-président du gouvernement et aux ministres.

Les sénateurs ont également précisé, sur proposition de M. Gaston Flosse, que le défaut d'option doit aussi être constaté par arrêté du haut commissaire.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière, supprimant la référence au défaut d'option, le rapporteur ayant considéré qu'il supprimait une précision utile.

Puis elle a adopté l'article 77 sans modification.

Article 78

Cessation des fonctions gouvernementales exercées par des membres de l'assemblée de la Polynésie française

A la différence de ce qui est prévu pour les membres du Parlement nommés au Gouvernement, qui ne récupèrent pas leur siège après la cessation de leurs fonctions gouvernementales, les membres de l'assemblée de la Polynésie française retrouvent leur siège aux lieu et place du dernier membre élu sur la même liste et appelé à siéger à leur suite.

Cette disposition est identique à celle figurant à l'article 16 du statut actuel, sous réserve d'une clarification rédactionnelle apportée par le Sénat.

La Commission a adopté l'article 78 sans modification.

Article 79

Position de l'agent public et du salarié nommé membre du gouvernement

Cet article définit la position de l'agent public et du salarié nommé membre du gouvernement.

Le paragraphe I, reprenant les dispositions de l'article 17 du statut actuel, prévoit que le membre du gouvernement qui a la qualité d'agent public à la date de son élection ou de sa nomination est placé en dehors du cadre de l'administration ou du corps auquel il appartient.

Sauf s'il est membre de l'assemblée de la Polynésie française, auquel cas il retrouve son siège dans cette assemblée (article 78), il est réintégré à l'expiration de son mandat dans son corps, éventuellement en surnombre, ou dans l'entreprise du secteur public qui l'employait avant son entrée au gouvernement.

Reprenant une disposition figurant à l'article 17 du statut actuel, le Sénat a étendu ce dispositif aux agents employés par une entreprise du secteur public sous un régime de droit privé.

Le paragraphe II insère une nouvelle disposition concernant les membres du gouvernement salariés à la date de leur nomination.

S'inspirant de l'article L. 122-24-2 du code du travail relatif aux salariés membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat, applicable aux responsables des exécutifs des collectivités territoriales de métropole, il prévoit que le salarié membre du gouvernement de la Polynésie française peut bénéficier d'une suspension de son contrat de travail, cette suspension étant de droit lorsque le salarié justifie d'une ancienneté d'au moins un an à la date de sa nomination.

Ces dispositions sont à rapprocher de celles de l'article 114 du projet de loi organique, qui prévoit des mesures similaires pour les membres de l'assemblée de la Polynésie française.

La Commission a adopté l'amendement n° 18 de M. Michel Buillard précisant que les dispositions de l'article 79 sont applicables au président de la Polynésie française.

Puis elle a adopté l'article 79 ainsi modifié.

Article 80

Démission du gouvernement

Reprenant les dispositions de l'article 19 du statut actuel, cet article dispose que la démission collective du gouvernement de la Polynésie française est présentée par le président de la Polynésie française au président de l'assemblée de cette collectivité, qui doit en informer sans délai le haut-commissaire.

En cas de démission ou de décès du président de la Polynésie française ou lorsque l'intérim du vice-président, prévu par l'article 73 du nouveau statut, dure plus de trois mois, le gouvernement est déclaré démissionnaire d'office.

On observera que l'article 80 précise que l'absence ou l'empêchement du président de la Polynésie française est constaté par le conseil des ministres, précision qui ne figure pas dans le statut actuel.

La Commission a adopté l'article 80 sans modification.

Article 81

Démission d'un ministre

Cet article reprend intégralement les dispositions de l'article 20 du statut actuel sur la démission d'un ministre et la modification de la composition du gouvernement, sous réserve de modifications rédactionnelles tendant à remplacer la notion de « membre du gouvernement » par celle de « ministre ».

Le premier alinéa rappelle que la démission d'un ministre doit être présenté au président de la Polynésie française, qui en informe le président de l'assemblée et le haut-commissaire.

Le deuxième alinéa précise que toute modification dans la composition du gouvernement ou dans la répartition des fonctions au sein de celui-ci est décidée par arrêté du président de la Polynésie française, notifié au haut-commissaire et au président de l'assemblée ; les nominations ou les nouvelles affectations ne prennent toutefois effet qu'à compter de cette notification. Lorsque la nomination n'est pas conforme aux dispositions de l'article 73, c'est-à-dire lorsque le gouvernement ne comporte pas un vice-président et au moins deux ministres, le président de la Polynésie française dispose de quinze jours pour modifier la composition en conséquence, à défaut de quoi le gouvernement est déclaré démissionnaire.

La Commission a adopté l'article 81 sans modification.

Article 82

Recours contre les arrêtés concernant les membres du gouvernement

Actuellement, les arrêtés du président de la Polynésie française nommant le vice-président et les membres du gouvernement (articles 73 et 81 du projet de loi organique) et les arrêtés du haut-commissaire constatant l'inéligibilité d'un membre du gouvernement (article 74) et l'option choisie en cas d'incompatibilité (article 77) sont, comme n'importe quel acte réglementaire, déférés devant le tribunal administratif de Papeete.

L'article 82 introduit une dérogation pour ces arrêtés en prévoyant que les recours y afférant sont portés devant le Conseil d'État statuant au contentieux.

Le recours est suspensif, sauf lorsqu'il s'agit d'un arrêté modifiant la composition du gouvernement ou les attributions des ministres (article 81) ou lorsque un ministre est déclaré démissionnaire d'office à la suite d'une condamnation pénale le privant de ses droits civiques et électoraux (article 74).

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière maintenant la compétence du Conseil d'État statuant au contentieux. Puis le même auteur a retiré un amendement supprimant le caractère suspensif de l'ensemble des recours, après que le rapporteur eut fait valoir que l'article reprenait à cet égard le droit commun des collectivités locales. La Commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur, l'un supprimant le caractère suspensif des recours contre les arrêtés de nomination du gouvernement (amendement n° 43), l'autre procédant à une harmonisation rédactionnelle avec le code pénal pour faire référence à la perte des droits civiques, civils et de famille (amendement n° 44).

Puis elle a adopté l'article 82 ainsi modifié.

Section 4

Règles de fonctionnement

Articles 83 et 84

Séance et ordre du jour du conseil des ministres

Ces articles reprennent intégralement les dispositions des articles 22 et 23 du statut actuel sur les séances et l'ordre du jour du conseil des ministres.

L'article 83 rappelle que le conseil des ministres se réunit à Papeete sur convocation de son président. En pratique, il se réunit une fois par semaine le mercredi. Il peut se réunir pour certaines séances dans un autre lieu.

Les séances du conseil des ministres sont présidées par le président de la Polynésie française, par le vice-président ou, en l'absence de ce dernier, par un ministre désigné par le président.

Le dernier alinéa précise que le conseil des ministres ne peut valablement délibérer que sur les questions inscrites à l'ordre du jour.

Après avoir rappelé que cet ordre du jour est fixé par le président de la Polynésie française, l'article 84 dispose qu'une copie de cet ordre du jour doit, sauf urgence, parvenir au haut-commissaire vingt-quatre heures au moins avant la séance.

Les demandes d'avis du gouvernement de la Polynésie française émanant du ministre chargé de l'outre-mer ou du haut-commissaire sont inscrites à l'ordre du jour du premier conseil des ministres qui suit la réception de la demande. Le haut-commissaire doit alors être entendu sur sa demande ou à la demande du ministre chargé de l'outre-mer.

Sur proposition de M. Gaston Flosse, le Sénat a supprimé la référence à la demande du haut commissaire, afin de mieux respecter « le principe de libre administration des collectivités locales ».

Dans les autres cas, l'audition du haut-commissaire par le conseil des ministres doit faire l'objet d'un accord entre celui-ci et le président de la Polynésie française.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière revenant au texte initial du projet de loi organique, qui prévoyait la possibilité pour le haut-commissaire d'être entendu à sa demande par le conseil des ministres, le rapporteur ayant estimé la rédaction du Sénat plus respectueuse de la libre administration des collectivités locales.

La Commission a adopté les articles 83 et 84 sans modification.

Articles 85 et 86

Caractère secret des réunions du conseil des ministres

Ces articles reprennent les dispositions de l'article 24 du statut actuel sur le caractère secret des réunions du conseil des ministres.

Ces réunions ne sont en effet pas publiques. Elles font cependant l'objet d'un communiqué, ce qui constitue une innovation du nouveau statut (article 85).

Les membres du gouvernement et les personnes qui les assistent sont tenus au secret professionnel sur les faits dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions (article 86).

La Commission a adopté les articles 85 et 86 sans modification.

Article 87

Régime indemnitaire des membres du gouvernement

L'article 25 de la loi organique de 1996 définit ainsi le régime indemnitaire des membres du gouvernement.

Ceux-ci perçoivent chaque mois une indemnité dont le montant est fixé par l'assemblée de la Polynésie française par référence au traitement des agents publics servant dans le territoire. L'assemblée fixe également les conditions de remboursement des frais de transport et de mission des membres du gouvernement, le montant de l'indemnité forfaitaire annuelle pour frais de représentation ainsi que le régime des prestations sociales.

Les membres du gouvernement ayant cessé leurs fonctions continuent de percevoir pendant trois mois leur indemnité, sauf s'ils retrouvent leur siège à l'assemblée de la Polynésie française ou s'ils reprennent une activité rémunérée.

L'article 86 reprend ces dispositions en les modifiant toutefois sur deux points :

· Il donne compétence au conseil des ministres, et non plus à l'assemblée de la Polynésie française, pour fixer les modalités de remboursement des frais de transport et de mission, le montant de l'indemnité annuelle des frais de représentation et le régime de protection sociale ;

· Il allonge de trois à six mois après la cessation de leurs fonctions le délai pendent lequel les membres du gouvernement continuent à percevoir leur indemnité, sur le modèle du régime applicable aux ministres métropolitains.

La Commission a adopté l'article 87 sans modification.

Article 88

Crédits de fonctionnement du gouvernement

Reprenant l'article 100 du statut actuel, cet article rappelle que l'assemblée de la Polynésie française vote les crédits nécessaires au fonctionnement du gouvernement, qui constituent une dépense obligatoire.

La Commission a adopté l'article 88 sans modification.

Section 5

Attributions du conseil des ministres et des ministres

Article 89

Attributions du conseil des ministres

Après avoir rappelé que le conseil des ministres est chargé des affaires relevant de la compétence du gouvernement, l'article 89 définit concrètement ses compétences.

Le conseil des ministres arrête les projets de lois du pays soumis à l'assemblée de la Polynésie française (article 139), après que ceux-ci aient été soumis à l'avis du haut conseil de la Polynésie française créé par le chapitre VII du projet de loi organique. Il arrête également les autres projets de délibération soumis à l'assemblée de la Polynésie française ou à sa commission permanente.

Le conseil des ministres a également un rôle en aval du processus de prise de décision, puisqu'il prend les règlements nécessaires à la mise en œuvre des lois du pays et des délibérations de l'assemblée et de sa commission permanente.

Enfin, il prend des arrêtés portant sur des matières relevant de la compétence de l'État dans lesquelles les institutions de la Polynésie française sont habilitées à intervenir (article 31 du projet de loi organique)

Ces dispositions reprennent celles figurant à l'article 26 du statut actuel, sous réserve de la référence au contreseing des ministres chargés de l'exécution des actes réglementaires, qui figure désormais à l'article 66, en y ajoutant les références aux lois du pays et aux arrêtés pris dans le domaine partagé. On observera toutefois que la mention relative au caractère collégial et solidaire du gouvernement, qui figure à l'article 26, n'est pas reprise dans la rédaction de l'article 89.

Le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois, a donc rétablit cette mention.

La Commission a adopté l'article 89 sans modification.

Article 90

Compétence réglementaire du conseil des ministres

Cet article énumère les matières dans lesquelles le conseil des ministres détermine les règles applicables, sous réserve des matières pouvant faire l'objet de lois du pays en application de l'article 139 du nouveau statut.

La Commission a rejeté, par coordination, l'amendement n° 19 de M. Michel Buillard tendant à supprimer la référence aux « actes prévus par l'article 139 ».

Il reprend les matières figurant à l'article 27 du statut actuel, avec les adaptations suivantes :

· La compétence en matière d'organisation des services et des établissements publics de la Polynésie française est étendue aux groupements d'intérêt public.

Dans un avis du 17 juin 1987, le Conseil d'État a en effet estimé que la rédaction du statut de 1996 ne permettait pas à l'assemblée de la Polynésie française de créer des groupements d'intérêt publics. L'article 90 donne donc expressément cette compétence à la Polynésie française, en la confiant au conseil des ministres.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. René Dosière retirant au conseil des ministres la compétence pour fixer les règles applicables aux groupements d'intérêt public (gip). Son auteur a rappelé que le Conseil d'État, dans un avis de 1997, avait dénié cette compétence au conseil des ministres. Le rapporteur ayant signalé que la haute juridiction n'avait pas maintenu cette position dans son avis sur le présent projet, Mme Béatrice Vernaudon a estimé que cette compétence était utile à la Polynésie française. La Commission a rejeté cet amendement.

· Aux bourses, subventions, secours et allocations d'enseignement alloués sur les fonds du budget de la Polynésie française sont ajoutés les « primes ou prix à l'occasion de concours ou de compétition ».

Par cohérence avec sa précédente décision sur un amendement analogue, la Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière assurant le respect de l'autonomie de l'université de la Polynésie française, le rapporteur ayant rappelé que cette autonomie était déjà garantie par la loi.

· La limitation de la compétence en matière d'organisation de foires et de marchés aux manifestations « d'intérêt territorial », est supprimée. Désormais, le conseil des ministres sera également compétent pour définir les modalités d'organisation des éventuelles foires internationales.

· La compétence en matière de sécurité de la circulation dans les eaux intérieures (lagons) est étendue aux eaux territoriales.

La compétence de l'État en matière de police et de sécurité de la circulation maritime, prévue par le 9° de l'article 14 du projet de loi organique, s'exercera donc en dehors des eaux territoriales, dans la zone économique exclusive.

La Commission a rejeté l'amendement n° 20 de M. Michel Buillard ayant pour objet d'ajouter aux compétences de la collectivité la sécurité de la navigation dans les eaux intérieures ; le rapporteur a exprimé son accord de principe, mais suggéré à son auteur une amélioration rédactionnelle en vue de l'examen en séance publique.

Par ailleurs, l'article 90 attribue au conseil des ministres les nouvelles compétences suivantes :

· Conduite et immatriculation des navires, activités nautiques ;

D'après les informations fournies au rapporteur, cette nouvelle compétence en matière d'immatriculation des navires n'autorisera pas pour autant la Polynésie française à tenir un registre spécifique d'immatriculation, avec la mise en place d'un pavillon polynésien.

· Conditions matérielles d'exploitation et de mise à disposition de la population des registres d'état civil.

Si le droit civil relève désormais de la compétence de la Polynésie française, l'état et la capacité des personnes, notamment les actes d'état civil, demeurent dans le domaine d'intervention de l'État (article 14 du projet de loi organique).

La Polynésie française a néanmoins souhaité que l'exploitation et la mise à disposition de la population des registres d'état civil relèvent de la compétence du conseil des ministres, afin, notamment, de permettre le regroupement au sein d'un même site du fichier d'état civil, des services du cadastre et des conseillers juridiques.

Cette nouvelle compétence risque de susciter des difficultés d'application, que n'a pas manqué de souligner le procureur général près la cour d'appel de Papeete lors de son audition par la délégation de la commission des Lois. Si elle devrait permettre d'alléger la charge de travail des agents du greffe du tribunal de Papeete, elle contraindra les communes à transmettre les informations d'état civil aux autorités de la Polynésie française, en plus de la transmission actuelle au parquet et au ministère de l'outre-mer.

La Commission a rejeté, d'une part, un amendement de M. René Dosière retirant au conseil des ministres ses compétences en matière d'exploitation et de mise à disposition des registres d'état civil, d'autre part, l'amendement n° 21 de M. Michel Buillard supprimant la référence aux conditions matérielles d'exploitation de ces registres, le rapporteur ayant rappelé le bien-fondé du partage des compétences en la matière, et les risques de confusion induits par l'un et l'autre amendement.

· Fixation de l'heure légale et de l'heure légale saisonnière.

· Circulation routière.

L'attribution de cette nouvelle compétence, qui relevait jusqu'à présent de l'assemblée de la Polynésie française, au conseil des ministres témoigne de la volonté du gouvernement de faire de la lutte contre l'insécurité routière une priorité.

Par ailleurs, l'article 90 fait figurer parmi les compétences réglementaires du conseil des ministres la codification des réglementations de la Polynésie française et la mise à jour de ces codes, qui figurent actuellement dans la liste des décisions individuelles et des actes d'espèces mentionnées à l'article 28 du statut.

La Commission a adopté l'amendement n° 22 de M. Michel Buillard, confiant au conseil des ministres la compétence pour fixer les plafonds de rémunérations soumises à cotisations sociales, les taux de ces cotisations et les montants des prestations sociales.

Puis elle a adopté l'article 90 ainsi modifié.

Article 91

Actes à caractère individuel du conseil des ministres

Cet article reprend les dispositions de l'article 28 du statut actuel, avec des modifications qui permettent soit de préciser la répartition des compétences entre l'État, le conseil des ministres et l'assemblée de la Polynésie française, soit de confier au conseil des ministres le soin d'exercer les nouvelles compétences attribuées à la Polynésie française en application de l'article 14 du projet de loi organique.

Les modifications liées à la nécessité de clarifier la répartition des compétences sont les suivantes :

· A la fixation des tarifs des organismes assurant la représentation des intérêts économiques, il est ajouté, par cohérence, ceux des organismes assurant la représentation des intérêts culturels (1°), qui relevait jusque-là de la compétence de l'assemblée de la Polynésie française.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière tendant à retirer au conseil des ministres la compétence pour fixer divers tarifs, le rapporteur ayant fait valoir qu'il serait inopportun de revenir sur des compétences prévues par le statut actuel.

· Si la réglementation des fréquences radio électriques demeure de la compétence de l'État, puisqu'elle est déterminée au niveau international au sein de la conférence mondiale des radiocommunications, le conseil des ministres devient compétent pour l'assignation de ces fréquences (6°).

L'attribution des bandes de fréquences, au sein desquelles il peut y avoir plusieurs affectataires, reste de la compétence de l'État.

La Commission a rejeté l'amendement n° 23 de M. Michel Buillard conférant au conseil des ministres la compétence pour attribuer les bandes de fréquences radio-électriques relevant de la Polynésie française. Le rapporteur a exprimé un avis défavorable à cet amendement, les bandes de fréquences, qui concernent des zones géographiques extrêmement étendues, étant négociées au niveau international et relevant de la compétence des États. Il a précisé qu'en revanche, l'assignation des fréquences pouvait sans inconvénient être effectuée à l'échelon local. La Commission a alors rejeté cet amendement ainsi que, pour les mêmes raisons, les amendements n° 24 et 25 du même auteur.

· Le Sénat, sur proposition de M. Gaston Flosse, a ajouté à cette liste la compétence pour fixer les redevances de gestion des fréquences radioélectriques relevant de la compétence de la Polynésie française.

· Le conseil des ministres devient compétent pour délivrer les licences de transporteur aérien des entreprises établies en Polynésie française (8°).

Par ailleurs, l'article 14 du projet de loi organique limitant désormais la compétence de l'État en matière de desserte aérienne aux autorisations d'exploitation des liaisons entre la Polynésie française et les autres points du territoire de la République, sauf pour la partie de ces liaisons avec un point d'escale hors du territoire national (Papeete-Los Angeles par exemple pour un Papeete-Paris), les autorisations et les programmes d'exploitation des vols internationaux sur ces liaisons et les tarifs y afférant relèvent désormais de la compétence du conseil des ministres.

· Le conseil des ministres approuve l'ouverture des aérodromes de la Polynésie française à la circulation aérienne publique (12°), qui figure actuellement dans le champ de compétence de l'assemblée de la Polynésie française.

· Il approuve également les contrats constitutifs des groupements d'intérêts publics auxquels participe la Polynésie française ou ses établissements publics (13°), les modalités de création de ses groupements étant par ailleurs également fixées par le conseil des ministres (1° de l'article 90).

· Au placement des fonds libres de la Polynésie française, il est ajouté le placement des fonds libres de ses établissements publics (22°).

· Si l'État demeure compétent pour la préparation des mesures de sauvegarde, l'élaboration et la mise en œuvre des plans opérationnels et des moyens de secours nécessaires pour faire face aux risques majeurs et aux catastrophes, la constatation de l'état de catastrophe naturelle relève désormais de la compétence du conseil des ministres (28°).

Cette nouvelle compétence est, semble-t-il, destinée à permettre de faire jouer plus rapidement les assurances.

Les autres modifications sont liées aux nouvelles compétences attribuées à la Polynésie française. Le conseil des ministres devient compétent pour :

· Créer, réglementer et fixer les tarifs des organismes chargés des intérêts des auteurs, compositeurs et éditeurs (2°).

La Polynésie française devenant compétente de matière civile, notamment pour tout ce qui concerne le droit de la propriété intellectuelle, il est cohérent de confier la fixation de ces tarifs au conseil des ministres

· Fixer les conditions d'approvisionnement, de stockage, de livraison et les tarifs des hydrocarbures liquides et gazeux (14°).

· Exercer le droit de préemption prévu par l'article 19 du projet de loi organique.

Rappelons que cet article instaure un régime de déclaration des transferts entre vifs des propriétés foncières, applicable aux personnes ne justifiant pas d'une durée suffisante de résidence en Polynésie française, permettant à cette collectivité d'exercer, dans un délai de deux mois, son droit de préemption sur les immeubles ou les droits sociaux objets du transfert.

La détermination des personnes auxquelles ces dispositions s'appliquent, notamment la durée de résidence nécessaire pour en être exclu, relèvera en revanche de la compétence de l'assemblée de la Polynésie française.

· Autoriser la participation de la Polynésie française au capital de sociétés privées gérant un service public ou d'intérêt général ou de sociétés commerciales pour des motifs d'intérêt général, prévue par l'article 30 du projet de loi organique, et au capital des sociétés d'économie mixte (article 29 du projet de loi).

Ces autorisations ne pourront se faire que dans la limite des dotations budgétaires spécifiques votées par l'assemblée de la Polynésie française.

Le Sénat, sur proposition de M. Gaston Flosse, a apporté des modifications, de portée principalement rédactionnelle, aux dispositions proposées.

Au 21°, il a remplacé la référence aux conventions de prêts ou d'avals par des conventions d'emprunts, y compris obligataires, ou de garantie d'emprunts et a supprimé par coordination au 22° la disposition relative aux autorisations d'emprunts, y compris obligataires.

Les sénateurs ont par ailleurs précisé que la participation de la Polynésie française au capital de sociétés privées ou de sociétés d'économie mixte concerne également les établissements de crédit régis par le code monétaire et financier. Ils ont également donné compétence au conseil des ministres pour autoriser les conventions de prêts ou d'avance en compte courant à ces mêmes sociétés.

Lors de la séance publique, la ministre de l'outre-mer a donné un avis favorable à ces modifications, sous réserve que ne soit visées que les sociétés de crédit constituées sous forme de sociétés d'économie mixte et gérant des services publics ou des missions d'intérêt général.

Par coordination avec ses décisions relatives aux articles 24 et 30, la Commission a rejeté un amendement de conséquence de M. René Dosière, puis adopté un amendement de coordination du même auteur (amendement n° 45).

Elle a enfin adopté l'article 91 sans modification.

Article 92

Délégation de compétence au président de la Polynésie française

Cet article autorise le conseil des ministres à déléguer ses compétences dans un certains nombre de domaines au président de la Polynésie française ou au ministre détenant les attributions correspondantes.

Par rapport à l'article 35 du statut actuel, le champ de la délégation de compétence est étendu :

· À l'ordre d'exécution des travaux prévus au budget de la Polynésie française.

· Aux licences de pêche. Rappelons que le 10° de l'article 91 donne compétence au conseil des ministres pour autoriser les concessions du droit d'exploration et d'exploitation des ressources maritimes naturelles.

· À la création des charges et à la nomination des officiers publics et des officiers ministériels.

· Au placement des fonds libres.

· À l'assignation des fréquences radioélectriques.

La Commission a rejeté un amendement de suppression de cet article, présenté par M. René Dosière.

Puis, elle a adopté l'article 92 sans modification.

Article 93

Nominations effectuées en conseil des ministres

Comme l'article 29 du statut actuel, cet article distingue les nominations laissées à la discrétion du gouvernement de celles auxquelles il est procédé dans le respect des textes qui leur sont propres.

Parmi les emplois à la discrétion du gouvernement, l'article 93 ajoute aux chefs de service territoriaux, aux directeurs d'office ou d'établissements publics de la Polynésie française et aux commissaires du gouvernement auprès de ces offices et établissements, les commissaires du gouvernement auprès des groupements d'intérêt public, le secrétaire général du gouvernement et les secrétaires généraux adjoints.

Les emplois pour lesquels le conseil des ministres procède à des nominations conformément aux statuts en vigueur ne sont pas modifiés : il s'agit du ou des représentants de la Polynésie française au conseil de surveillance de l'Institut d'émission d'outre-mer, du directeur et de l'agent comptable de la Caisse de prévoyance sociale, des receveurs particuliers et des comptables des services et des établissements publics de la Polynésie française.

Alors que le texte actuel exclut de ces nominations « les comptables publics agents de l'État », l'article 93 mentionne uniquement « le comptable public, agent de l'État, chargé de la paierie de la Polynésie française » : les deux agents comptables chargés des hôpitaux et des établissements publics de la Polynésie française seront donc nommés par le conseil des ministres de la Polynésie française, et non plus par le ministère des finances.

La Commission a adopté l'article 93 sans modification.

Article 94

Peines d'amende et sanctions administratives

Cet article reprend l'article 31 du statut actuel, qui donne la possibilité au conseil des ministres de prévoir, pour les infractions aux réglementations qu'il édicte, des sanctions administratives, comme par exemple le retrait d'une autorisation ou d'un agrément, et des peines contraventionnelles qui ne doivent pas excéder le montant maximum prévu pour des infractions de même nature par la législation nationale.

L'article 94 ajoute une référence aux amendes forfaitaires, permettant ainsi au conseil des ministres de mettre en place un système de ce type pour les contraventions des quatre premières classes.

Rappelons que les articles 529 à 530-3 du code de procédure pénale organisent la procédure de l'amende forfaitaire, qui permet d'éteindre l'action publique par le paiement d'une amende forfaitaire, minorée lorsque l'auteur de l'infraction s'en acquitte rapidement.

Le montant des amendes forfaitaires s'échelonne selon la nature de la contravention entre 11 € et 135 € (article R. 49 du code de procédure pénale), celui de l'amende forfaitaire minorée entre 22 € (4) et 90 € (article R. 49-9 du même code) et celui de l'amende forfaitaire majorée entre 33 € et 375 € (article R. 49-7).

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 46).

Puis elle a adopté l'article 94 ainsi modifié.

Articles 95 et 96

Attributions individuelles et responsabilité des membres du gouvernement

Ces articles ne comportent pas de règles nouvelles par rapport aux articles 42 et 43 du statut en vigueur, si ce n'est la possibilité pour un ministre de donner délégation de signature à l'ensemble des membres de son cabinet, et non pas seulement au directeur de celui-ci.

L'article 95 précise que les attributions individuelles des ministres s'exercent par délégation du président de la Polynésie française, dans le cadre des décisions prises par le conseil des ministres, et que ces derniers sont responsables devant le conseil des ministres de la gestion des affaires et du fonctionnement des services relevant du secteur dont ils ont la charge.

Le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois, a adopté un amendement rédactionnel afin de faire apparaître clairement que la délégation des attributions aux ministres procède du président de la Polynésie française.

L'article 96 donne la faculté aux membres du gouvernement de donner des instructions non seulement aux chefs des services territoriaux, mais aussi aux chefs des services de l'État lorsque ceux-ci sont mis à disposition de la Polynésie française par les conventions mentionnées à l'article 169. Ils peuvent également donner délégation de signature aux responsables des services de la collectivité, à ceux des services de l'État et aux membres de leur cabinet.

Rappelons que cette dernière disposition, qui figurait à l'origine dans la loi ordinaire, a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996 au motif qu'elle constituait une règle essentielle d'organisation et de fonctionnement d'une institution propre du territoire et qu'elle revêtait en conséquence un caractère organique.

La Commission a adopté les articles 95 et 96 sans modification.

Article 97

Attributions consultatives du conseil des ministres

Cet article modifie la liste des domaines dans lesquels le conseil des ministres est obligatoirement consulté par le ministre chargé de l'outre-mer ou le haut-commissaire afin, d'une part de tenir compte de la nouvelle répartition des compétences entre l'État et la Polynésie française et, d'autre part, d'adapter cette liste aux priorités de la collectivité.

La nouvelle répartition des compétences conduit à prévoir une consultation sur « la desserte aérienne relevant de la compétence de l'État », et non plus sur la desserte aérienne entre la Polynésie française et tout autre point du territoire national, puisque la Polynésie française est désormais compétente sur les escales située en dehors du territoire national.

La consultation sur la définition et la modification de l'implantation des établissements relevant de l'État disparaît, ainsi que celle prévue pour la création ou la modification des subdivisions administratives et la nomination des chefs de subdivision.

De même, la référence au comité consultatif, composé à part égal de représentants de l'État et de représentants du territoire, consulté sur la délivrance des visas disparaît, jugé contraire au principe d'autonomie.

Enfin, la consultation du conseil des ministres sur les dispositions réglementaires prises par l'État dans le cadre de sa compétence et touchant à l'organisation particulière de la Polynésie française, qui figure désormais à l'article 10 du projet de loi organique, disparaît.

L'article 97 prévoit en revanche la consultation du conseil des ministres pour la nomination du comptable public chargé de la paierie de la Polynésie française, qui est désormais le seul comptable public nommé par l'État.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. René Dosière, supprimant cette consultation.

Le Sénat, sur proposition de sa commission des Lois, a souhaité ajouter à la consultation sur la préparation des plans opérationnels de secours celle sur les réquisitions des moyens concourant à la sécurité civile, le rapporteur ayant justifié cette extension de la procédure de consultation par le fait que les moyens de la Polynésie française pourraient être utilisés pour faire face à des catastrophes naturelles.

Sur proposition de M. Gaston Flosse, les sénateurs ont également prévu la consultation du conseil des ministres sur la délivrance de l'ensemble des titres de séjour, et non pas uniquement ceux d'une durée supérieure à trois mois, par coordination avec les dispositions de l'article 31 du projet de loi organique, qui autorisent la Polynésie française à participer, sous le contrôle de l'État, à cette réglementation.

Ils ont aussi souhaité que le conseil des ministres soit consulté sur la création et la suppression des communes et de leurs groupements, la modification des limites territoriales des communes, des communes associées et des groupements de communes et le transfert du chef-lieu des communes et des communes associées.

L'article 97 précise enfin que l'obligation de consultation du conseil des ministres n'est pas applicable aux projets ou propositions de loi ou aux projets d'ordonnance dans ces matières.Rappelons en effet que l'article 9 du projet de loi organique prévoit une consultation de l'assemblée de la Polynésie française pour ces textes.

S'agissant des modalités de la consultation, l'article 97 permet de ramener, en cas d'urgence, d'un mois à quinze jours le délai imposé au conseil des ministres pour émettre son avis.

La Commission a adopté l'article 97 sans modification

Article 98

Vœux du conseil des ministres

Reprenant le dernier alinéa de l'article 33 du statut actuel, cet article dispose que le conseil des ministres peut émettre des vœux sur des questions relevant de la compétence de l'État.

Il donne à ces vœux une publicité qui n'est pas prévu par le dispositif actuel, en prévoyant une publication au Journal officiel de la Polynésie française.

La Commission a adopté l'article 98 sans modification

Article 99

Information du conseil des ministres sur les projets
d'engagements internationaux

Cet article pose le principe d'une information du conseil des ministres sur deux types de projets d'engagements internationaux :

· Les projets d'engagements internationaux intervenant dans les domaines de compétence de la Polynésie française.

Il s'agit d'une information en amont, l'assemblée de la Polynésie française étant consultée en aval sur les projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation d'engagements de ce type (article 9 du projet de loi organique).

· Les projets d'engagements internationaux relatifs à la circulation des personnes entre la Polynésie française et les États étrangers.

La Commission a adopté l'article 99 sans modification

Article 100

Information du conseil des ministres en matière monétaire et financière

Cet article reprend les dispositions des deux premiers alinéas de l'article 33 du statut actuel qui prévoit une information du conseil des ministre sur les décisions prises par les autorités de la République en matière monétaire et la communication des budgets adoptés par les communes de la Polynésie française, accompagnée de leurs annexes.

La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière, prévoyant la communication à chaque commune du budget de la Polynésie, le rapporteur en ayant rappelé le caractère superfétatoire du fait de la publication de ce budget au Journal Officiel.

Puis la Commission a adopté l'article 100 sans modification.

Article 101

Comité consultatif du crédit

Cet article reprend les dispositions de l'article 34 du statut actuel sur le comité consultatif du crédit, qui perd son qualificatif de « territorial ».

Ce comité conserve sa composition quadripartite, qui réunit à part égales des représentants de l'État, du gouvernement de la Polynésie française, des établissements financiers et des organisations professionnelles et syndicales.

Le rôle et les modalités de fonctionnement du comité consultatif sont définis par le décret n° 96-1094 du 10 décembre 1996, auquel renvoie le dernier alinéa de l'article 34. Ce renvoi à un décret pour l'organisation et le fonctionnement du comité est d'ailleurs repris à l'article 101, sans la référence au Conseil d'État.

Le comité est consulté par le haut-commissaire ou le président du gouvernement de la Polynésie française sur les problèmes de crédit en Polynésie. Il se réunit au moins deux fois par an, sur convocation de son président, qui est le représentant de la Polynésie française au conseil de surveillance de l'Institut d'émission d'outre-mer.

La Commission a adopté l'article 101 sans modification.

Suite du rapport

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N°1336 - Rapport le projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie et le projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française,(Sénat, 1ère lecture) (M. Jérôme BIGNON)

1 () La délégation comprenait, outre le rapporteur, MM Pascal Clément, René Dosière, Jean-Christophe Lagarde, Alain Marsaud et Michel Vaxès.

2 () Les matières concernées sont les signes identitaires, le régime fiscal, les principes fondamentaux du droit du travail,, l'accès au travail des étrangers, la coutume, les hydrocarbures, le droit domanial, l'accès à l'emploi, l'état et la capacité des personnes, les principes fondamentaux du droit de propriété, la répartition entre les provinces des dotations de fonctionnement et d'équipement et les compétences transférées.

3 () Doc. AN n°  1665, 7 juin 1999, page 25.

4 () Il n'existe pas d'amende forfaitaire minorée pour les contraventions de la première classe


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