N° 1427 - Rapport de M. René Rouquet sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande relative à l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres) (1207)




Document

mis en distribution

le 17 février 2004

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N° 1427

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 février 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 1207), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande relative à l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres),

PAR M. RENÉ ROUQUET,

Député

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LES ACCORDS DE CE TYPE POURSUIVENT UN DOUBLE OBJECTIF 7

A - FACILITER L'ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE DES MEMBRES DE
    LA FAMILLE DU DIPLOMATE
7

1) Les privilèges et immunités diplomatiques 7

2) L'incompatibilité de ces dispositions avec l'exercice d'une profession
    par les membres de la famille du diplomate
8

B - OFFRIR AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES UN INSTRUMENT
    SUPPLÉMENTAIRE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
8

II - LES DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES DE LA CONVENTION
    SIGNÉE AVEC LA NOUVELLE-ZELANDE
11

A - CHAMP D'APPLICATION 11

1) Les personnes et organismes concernés (article 2) 11

2) Les activités visées par les deux accords (article 2) 12

B - CONDITIONS POSÉES PAR LA CONVENTION ET CONSÉQUENCES
    POUR LES PERSONNES À CHARGE
12

1) Procédure (articles 3 et 4) 12

2) Des privilèges et immunités rendus compatibles avec l'exercice
    d'une profession (articles 5 à 8)
13

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui vous est soumis a pour objet d'autoriser l'approbation d'une convention avec la Nouvelle-Zélande relative à l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles signée à Wellington le 10 juin 1999.

Bien qu'il ne concerne qu'un petit nombre de personnes (quelques dizaines dans chaque pays), cet accord revêt une importance particulière en visant à faciliter l'activité professionnelle des personnes à charge des membres des missions officielles et, par là même, en offrant au ministère des Affaires étrangères un outil supplémentaire dans sa gestion des ressources humaines.

Votre Rapporteur rappellera le cadre commun des accords bilatéraux de ce type, avant de présenter les spécificités de cette convention passée avec la Nouvelle-Zélande.

I - LES ACCORDS DE CE TYPE POURSUIVENT UN DOUBLE OBJECTIF

Ces accords ont pour objectif de favoriser l'exercice d'une profession par les personnes à charge des membres des missions diplomatiques et, par là même, d'améliorer la gestion des ressources humaines au sein du ministère des Affaires étrangères.

A - Faciliter l'activité professionnelle des membres de la famille du diplomate

L'accès à l'emploi des personnes à charge des membres des missions diplomatiques se heurte au régime des privilèges et immunités prévu par les Conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires.

1) Les privilèges et immunités diplomatiques

Les immunités et privilèges réservés aux agents diplomatiques et consulaires, d'une manière générale aux représentants d'un Etat en mission officielle dans un autre Etat et aux membres de leur famille, ont été codifiés, d'une part par la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques et, d'autre part, par la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.

L'article 37 de la Convention de 1961 dispose ainsi que « les membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient des privilèges et immunités mentionnés dans les articles 29 à 36, pourvu qu'ils ne soient pas ressortissants de l'Etat accréditaire ».

Ces articles visent d'abord l'inviolabilité de leur personne, de leur demeure et de leurs biens (articles 29 et 30), qui entraîne l'impossibilité de l'arrestation et de la détention.

Est également posé, à l'article 31, le principe d'une complète immunité de juridiction pénale. Cette immunité vaut également, avec des limites spécifiques, pour les juridictions civiles et administratives. En effet, l'immunité, ici, ne joue pas lors de procès dont l'objet est un immeuble appartenant à l'agent diplomatique et situé sur le territoire de l'Etat d'accueil ou bien concernant une succession, ou ceux relatifs à une profession libérale ou une activité commerciale. L'article 32 de la Convention de 1961 permet à l'Etat accréditant de « renoncer à l'immunité de juridiction des agents diplomatiques et des personnes qui bénéficient de l'immunité en vertu de l'article 37 » mais cette renonciation « doit toujours être expresse ». De même, « la renonciation à l'immunité de juridiction » n'entraîne pas automatiquement la renonciation à l'immunité d'exécution du jugement pour laquelle « une renonciation distincte est nécessaire ».

Enfin, signalons qu'existent des privilèges fiscaux et douaniers. Parce que « sur le plan des principes, le paiement de l'impôt est un acte de sujétion et d'allégeance »1, la Convention de 1961 précise que « l'agent diplomatique est exempt de tous impôts et taxes, personnels ou réels, nationaux, régionaux ou communaux » même si des tempéraments à cette immunité sont prévus concernant, en particulier, la fiscalité indirecte (article 34). Par ailleurs, l'Etat accréditaire accorde l'entrée et l'exemption des droits de douane des objets destinés à l'usage personnel de l'agent diplomatique, des membres de sa famille, et ce, au même titre que les objets destinés à l'usage officiel de la mission (article 36).

2) L'incompatibilité de ces dispositions avec l'exercice d'une profession par les membres de la famille du diplomate

Si la Convention de Vienne du 24 avril 1963 stipule, à l'article 57, que « les privilèges et immunités (...) ne sont pas accordés aux membres de la famille d'un membre du poste consulaire qui exercent eux-mêmes dans l'Etat de résidence une occupation privée de caractère lucratif », celle du 18 avril 1961 n'évoque pas ce cas de figure et se borne à énoncer que « l'agent diplomatique n'exercera pas dans l'Etat accréditaire une activité professionnelle ou commerciale en vue d'un gain personnel » (article 42).

S'il n'est donc pas fait expressément obstacle à l'exercice d'une profession par les personnes à charge du personnel diplomatique, le régime privilégié institué en leur faveur n'est plus justifié dès lors que ces personnes exercent un emploi. La possibilité d'exercer un emploi leur est donc normalement fermée en contrepartie de leur statut de résident dérogatoire au droit commun. Toutefois, certains Etats, dont la France, acceptent parfois de déroger à ces règles en introduisant une demande particulière pour un conjoint d'agent2. C'est une procédure lourde qui ne saurait justifier l'absence de conclusion d'un accord.

B - Offrir au Ministère des Affaires étrangères un instrument supplémentaire de gestion des ressources humaines

Les évolutions de la société font que l'exercice d'une profession par les deux membres d'un couple constitue, aujourd'hui, la règle. Or, lorsqu'un agent du ministère des Affaires étrangères doit s'expatrier et qu'il est accompagné des membres de sa famille, il n'est pas toujours aisé pour ces derniers, et notamment pour le conjoint, de quitter l'emploi occupé jusqu'alors en France. Aussi, pour que le représentant de l'Etat n'ait pas à renoncer à des fonctions à l'étranger, il est apparu nécessaire de permettre aux membres de sa famille de poursuivre une activité professionnelle dans le pays d'accueil.

La conclusion de conventions sur l'emploi des personnes à charge répond donc au souhait légitime de ne pas voir s'interrompre une carrière pendant la durée du séjour à l'étranger. La France est liée par des accords comparables avec le Canada (accord du 24 juin 1987), l'Argentine (accord du 26 octobre 1994), le Brésil (accord du 29 mai 1996) et l'Australie (accord du 2 novembre 2001).

Des dispositions intérimaires avec les Etats-Unis, plusieurs fois renouvelées dans l'attente de la conclusion d'un accord définitif, continuent de donner lieu à une application de fait, en particulier au profit de conjoints d'agents officiels français en poste aux Etats-Unis.

En outre, des accords sont prévus avec une dizaine de pays, soit à l'initiative de la France, soit à l'initiative d'Etats étrangers. Précisons, par ailleurs, que l'intérêt de conclure de tels accords se concentre surtout sur les pays les plus développés, dans lesquels des possibilités réelles d'emploi peuvent se présenter et dépend également du nombre de personnes potentiellement concernées.

Les accords bilatéraux relatifs à l'emploi des membres de la famille du diplomate constituent donc un instrument très utile pour la gestion des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères et sont soutenus par les agents de ce dernier ainsi que par les associations regroupant leurs conjoints. De surcroît, dans le cas de la Nouvelle-Zélande, l'accord facilitera l'adaptation des personnels dans des pays éloignés où les Français peuvent, parfois, ressentir un fort sentiment d'isolement.

II - LES DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES DE LA CONVENTION
SIGNÉE AVEC LA NOUVELLE-ZELANDE

L'économie générale de l'accord, fondé sur un modèle type mis au point dans un cadre interministériel en 1998, repose sur la délivrance par les autorités compétentes du pays d'accueil d'une autorisation de travail, à titre dérogatoire, aux personnes à charge des membres des missions officielles qui ont obtenu une proposition d'emploi, en contrepartie de quoi les bénéficiaires renoncent à leurs privilèges et immunités pour les questions liées à l'emploi exercé.

A - Champ d'application

1) Les personnes et organismes concernés (article 2)

Les « missions officielles » sont les ambassades, les consulats de plein exercice et les représentations permanentes auprès des organisations internationales.

Le dispositif diplomatique de la Nouvelle-Zélande en France est concentré puisqu'il est réduit à l'ambassade, à Paris (qui assume les tâches consulaires pour l'ensemble de la France métropolitaine et suit l'activité des organisations ayant leur siège en France) et au consulats de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) et Papeete (consulat honoraire), alors que nous disposons, en Nouvelle-Zélande, d'une ambassade à Wellington et du Consulat de l'Ambassade de France en Nouvelle-Zélande, qui coordonne l'ensemble des activités consulaires sur une circonscription consulaire unique qui regroupe la Nouvelle-Zélande, les Iles Cook, Samoa, Nuie et Tokelau. En outre, le Consulat de l'Ambassade de France en Nouvelle-Zélande supervise l'activité des consuls honoraires de Auckland, Christchurch et Dunedin, d'Apia (Samoa) et de Rarotonga (Iles Cook).

Les « agents » sont les membres des missions officielles ayant la nationalité de l'Etat d'envoi et bénéficient d'un titre de séjour dérogatoire délivré par le ministère des affaires étrangères de l'Etat d'accueil.

Les « personnes à charge » visées par ces accords sont les conjoints et les enfants à charge âgés de moins de vingt et un ans, âge à compter duquel les titres de séjour dérogatoire ne sont plus délivrés, ou sans condition d'âge s'ils sont handicapés et célibataires. Actuellement, en Nouvelle-Zélande, selon les chiffres donnés par le ministère des Affaires étrangères, 15 à 20 personnes sont susceptibles de solliciter une autorisation d'emploi sur le marché local et ce chiffre est d'une dizaine de Néo-Zélandais en France.

Si, juridiquement, l'extension du bénéfice de l'accord aux signataires d'un Pacte Civil de Solidarité (PACS) sous réserve de réciprocité (droit des pays cosignataires) parait difficile, il serait néanmoins souhaitable que le Ministre des Affaires étrangères demande à l'avenir que les signataires d'un PACS soient inclus dans les accords de ce type.

2) Les activités visées par les deux accords (article 2)

Les accords bilatéraux entendent généralement par « activité rémunérée » toute activité entraînant une rémunération sous quelque forme ou appellation que ce soit. Pour la présente convention, la formulation à retenir est celle de l'échange de lettres entre les deux Etats (octobre 2002) qui restreint la notion d'activité rémunérée dans la mesure où le « lien contractuel » induit pour l'essentiel une rétribution sous forme de salaire. Le fait que l'activité concernée doive être liée à la conclusion d'un contrat de travail exclut du bénéfice des accords les personnes qui souhaiteraient exercer une profession libérale.

B - Conditions posées par la convention et conséquences pour les personnes à charge

1) Procédure (articles 3 et 4)

La convention soumise à votre approbation précise les démarches qu'il conviendra de suivre. Dans la pratique, l'ambassade concernée formulera officiellement sa demande au service du protocole du ministère des Affaires étrangères de l'autre Etat. Une fois les formalités et les vérifications accomplies, l'autorisation d'exercer l'activité professionnelle sollicitée sera accordée dans les meilleurs délais. Il reviendra alors à l'ambassade, dans les trois mois qui suivent l'autorisation, d'apporter la preuve que l'employeur et l'employé se conforment à la législation de l'Etat d'accueil en matière de sécurité sociale.

Bien évidemment, la personne à charge concernée ne sera pas dispensée de remplir les conditions régissant l'exercice de l'emploi envisagé, telles que les diplômes et autres qualifications professionnelles.

En outre, la convention prévoit une clause de sauvegarde (article 1er) en permettant à l'Etat d'accueil de ne pas délivrer l'autorisation « si des motifs d'ordre public ou de sécurité nationale s'y opposent ».

2) Des privilèges et immunités rendus compatibles avec l'exercice d'une profession (articles 5 à 8)

S'agissant des immunités de juridiction et d'exécution en matière civile et administrative, elles ne s'appliqueront pas aux personnes à charge pour les questions liées à l'exercice de leur emploi (article 5).

Dans le cas d'une infraction pénale grave commise en relation avec l'emploi exercé, l'immunité de juridiction pénale est levée par l'Etat accréditant si l'Etat d'accueil le demande, dans la mesure où l'Etat accréditant juge que la levée de l'immunité n'est pas contraire à ses intérêts essentiels (article 6). Toute procédure judiciaire doit être menée sans qu'il soit porté atteinte à l'inviolabilité de la personne ou de la demeure du ménage (article 7). Enfin, la renonciation à cette immunité ne sera pas interprétée comme une renonciation à l'immunité d'exécution de la sentence (article 8).

Les personnes à charge autorisées à occuper une activité professionnelle salariée cessent de bénéficier des privilèges douaniers prévus par les conventions de Vienne (article 9), et sont imposables dans l'Etat d'accueil sous réserve des dispositions pertinentes de la convention fiscale franco-néo-zélandaise du 30 novembre 1979 (article 10). Elles sont également soumises au régime de sécurité sociale en vigueur dans l'Etat d'accueil (article 11), tout en pouvant transférer à l'étranger les salaires tirés de l'emploi exercé dans le pays d'accueil (article 12).

La personne autorisée à exercer une activité professionnelle salariée est par ailleurs exemptée de toute obligation prévue par les lois et règlements de l'Etat de résidence relatifs à l'immatriculation des étrangers et au permis de séjour (article 13).

CONCLUSION

À ce jour, seules quatre conventions du même type que celle que nous venons d'examiner sont entrées en vigueur et ne concernent que quelques personnes à charge. En outre, aucun contentieux de nature à faire jouer la clause de l'immunité de juridiction n'a pour l'instant été recensé.

Aussi, soucieux de permettre à nos diplomates en poste d'effectuer leur carrière à l'étranger sans que leur conjoint ne s'en trouve trop pénalisé sur le plan professionnel, le Gouvernement français entend développer ce type d'accords.

C'est donc au bénéfice de ces observations que votre Rapporteur vous invite à adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 11 février 2004.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1207).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1207).

N° 1427 - Rapport sur le projet de loi approuvant la convention France Nouvelle-Zélande sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles (M. René Rouquet)

1 Nguyen Quoc Dinh (_), Patrick Dailler et Alain Pellet, Droit international public, LGDJ, 7ème édition, 2002

2 Dans ce cas, la personne concernée renonce à ses privilèges et immunités diplomatiques ou consulaires selon les mêmes modalités que s'il y avait un accord.


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