N° 1472 - Rapport de M. Jean-Jacques Guillet sur le projet de loi , adopté sans modification par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord entre la République française, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties dans le cadre du traité visant l'interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (ensemble deux protocoles) (1329)



Document

mis en distribution

le 19 mars 2004

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N° 1472

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mars 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l'accord entre la République française, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties dans le cadre du traité visant l'interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (ensemble deux protocoles) ,

PAR M. JEAN-JACQUES GUILLET,

Député

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Voir les numéros :

Sénat : 439 (2003-2004), 122 et T.A. 35 (2003-2004)

Assemblée nationale : 1329

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LE DÉVELOPPEMENT DE LA PROLIFÉRATION REND INDISPENSABLE
     UN RENFORCEMENT DES CONTRÔLES
7

A - LE DISPOSITIF MULTILATÉRAL DE LUTTE CONTRE LA PROLIFÉRATION
    A MONTRÉ SES LIMITES
7

B - LA NÉCESSITÉ DE METTRE EN œUVRE DES PROCÉDÉS
    DE CONTRÔLE PLUS CONTRAIGNANTS
8

II - UN ACCORD QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DU RENFORCEMENT
      DES CONTROLES DE L'AIEA, MÊME SI SES CONSÉQUENCES
      CONCRÈTES SERONT LIMITÉES
9

A - LES RAISONS DE LA SIGNATURE DE L'ACCORD ENTRE LA FRANCE,
EURATOM ET L'AIEA
9

B - LES PRINCIPALES STIPULATIONS DE L'ACCORD 9

CONCLUSION 11

EXAMEN EN COMMISSION 13

Mesdames, Messieurs,

L'actualité récente a malheureusement montré que le thème de la prolifération nucléaire n'était pas uniquement un sujet de colloque, mais une réalité dangereuse qu'il faut prendre en compte.

Longtemps réticente pendant la guerre froide à l'égard des dispositifs internationaux de non-prolifération, la France en est devenue désormais l'un des plus ardents partisans depuis son adhésion au Traité de non-prolifération en 1992. Notamment la France estime que le développement de zones exemptes d'armes nucléaires (ZEAN) doit être encouragé car il permet de limiter les risques de prolifération. La France a donc adhéré à tous les accords internationaux créant de telles zones : ces zones dénucléarisées sont l'Antarctique (Traité de Washington en 1959), le Pacifique Sud (Traité de Rarotonga en 1985), l'Asie du Sud-Est (Traité de Bangkok en 1995), l'Afrique (Traité de Pélindaba) et, dès 1967, l'Amérique latine avec la signature du Traité de Tlateloclo qui nous intéresse aujourd'hui.

En effet, le France est également une puissance latino-américaine au titre de ces territoires dans la région (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Clipperton). L'accord que nous examinons aujourd'hui vise donc à prévoir les modalités de contrôle des obligations de la France par les inspecteurs de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA).

I - LE DÉVELOPPEMENT DE LA PROLIFÉRATION REND INDISPENSABLE UN RENFORCEMENT DES CONTRÔLES

A - Le dispositif multilatéral de lutte contre la prolifération a montré ses limites

Le dispositif multilatéral de lutte contre la prolifération nucléaire est une création issue de la guerre froide. En effet, le Traité de non-prolifération (TNP) a été signé en 1968 sous l'impulsion des Etats-Unis et de l'Union soviétique, soucieux de préserver leur monopole en la matière au moment où l'apparition de nouvelles puissances nucléaires comme la France ou la Chine pouvait faire craindre aux deux « grands » l'émergence de nouveaux acteurs en dehors du système bipolaire.

Ainsi, en dépit d'un mécanisme de contrôle très léger, confié à l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA), créée en 1956, ce système a relativement bien fonctionné jusqu'à la fin de la guerre froide. En revanche, la disparition de l'affrontement Est/Ouest a ouvert une nouvelle ère stratégique, marquée notamment par le développement de la prolifération nucléaire.

Dans ce contexte, l'inefficacité des mécanismes de contrôle du TNP par l'AIEA, que l'on appelle « accords de garanties », est rapidement apparue au grand jour. Au début des années 1990, deux crises ont révélé les limites du régime de non-prolifération nucléaire. La guerre du Golfe tout d'abord a montré que l'Irak avait mis en place un programme nucléaire militaire pendant la décennie 1980, en marge de son programme civil, régulièrement contrôlé par les inspecteurs de l'AIEA. En effet, le principe des anciens accords de garanties est que les Etats parties au TNP acceptent des contrôles dans des sites qu'ils déclarent eux-mêmes.

Concernant la Corée du Nord, il faut être plus nuancé quant à l'efficacité des contrôles de l'AIEA. En effet, le programme nucléaire coréen a débuté dans les années 1960, mais la Corée du Nord n'a adhéré au TNP qu'en 1985, et à un accord de garanties avec l'AIEA qu'en 1992. Or, les contrôles de l'AIEA, qui n'ont donc commencé qu'en mai 1992, ont rapidement permis de découvrir une distorsion entre les déclarations coréennes et la réalité de son programme nucléaire, même s'ils n'ont pas pu en révéler l'ampleur. Par ailleurs, la crise ouverte de 1994 a débouché sur un accord bilatéral avec les Etats-Unis qui marginalisait quelque peu l'AIEA.La poursuite de son programme nucléaire par la Corée du Nord après 1994 ne peut donc pas être mis au débit de l'Agence de Vienne.

Plus récemment, les révélations plus ou moins spontanées sur l'existence de programmes nucléaires en Iran et en Libye ont confirmé que la signature du TNP et d'un accord de garanties avec l'AIEA ne permettait pas de s'assurer de l'absence de prolifération.

B - La nécessité de mettre en œuvre des procédés de contrôle plus contraignants

Ainsi, les nombreuses crises de prolifération de ces dernières années justifient pleinement la réflexion sur les mécanismes de contrôle de l'AIEA. Cette réflexion, initiée dès 1993, dite « programme 93+2 », avait pour objet de compléter les accords de garanties entre l'AIEA et les Etats parties au TNP par des protocoles additionnels afin d'accroître l'étendue et la précision des contrôles.

Les accords conclus dans ce cadre constituent une évolution profonde du régime de contrôle de la prolifération nucléaire. Jusque là, l'Agence se contentait de vérifier l'exactitude des déclarations des Etats soumis aux garanties, alors que, dans le nouveau système, l'Agence pourra enquêter directement sur les activités nucléaires des Etats signataires.

En effet, loin de remettre en cause l'utilité des contrôles, l'incapacité de l'AIEA à détecter les programmes nucléaires proliférants milite en faveur d'inspections beaucoup plus intrusives, que permet la signature de protocoles additionnels. Ainsi, la signature par l'Iran, sous pression franco germano-britannique, et par la Libye, sous pression américano-britannique, de tels protocoles additionnels constituent d'importants progrès.

Les premières expériences d'inspections plus poussées par les inspecteurs de l'AIEA ont donné de très bons résultats :

- les inspections menées en Irak en 1991/1998, et en 2002/2003, ont ainsi permis d'établir tout d'abord l'existence d'un programme nucléaire caché, puis de constater qu'il n'avait pas été réactivé,

- les inspections menées depuis 2003 en Iran, sur une base volontaire dans la mesure où il n'a pas encore ratifié le protocole additionnel qu'il a signé, ont permis de faire de nombreuses découvertes, comme le montre le rapport publié par l'AIEA le 24 février 2004 (découverte de plan de centrifugeuses très puissantes ou de traces d'uranium hautement enrichis).

Le développement d'un système efficace de contrôle par l'AIEA est donc probablement l'un des moyens les plus efficaces pour lutter contre la prolifération : dans ce cadre en effet efficacité et légalité ne s'opposent pas mais au contraire se complètent.

II - UN ACCORD QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE DU RENFORCEMENT DES CONTROLES DE L'AIEA, MÊME SI SES CONSÉQUENCES CONCRÈTES SERONT LIMITÉES

A - Les raisons de la signature de l'accord entre la France, Euratom et l'AIEA

L'accord que nous examinons aujourd'hui est un protocole additionnel relevant du « programme 93 + 2 ». La France a déjà ratifié en 2003 un protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) relatif à l'application de garanties en France.

Cependant, cet accord ratifié l'an dernier se différencie des accords signés avec la majorité des Etats Parties au TNP car il prend en compte le statut spécifique de la France, pays qualifié d'EDAN (Etat doté de l'arme nucléaire), et dont les obligations sont différentes de celles des pays qui ont l'interdiction de posséder des armes nucléaires.

Or, la France a ratifié en 1992 le Protocole I du Traité de Tlatelolco, signé en 1967, qui interdit les armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes. En effet, la France est présente dans la Région au titre des départements de Martinique, de Guadeloupe, de Guyane et de l'île de Clipperton. Sur ces territoires, la France ne peut détenir ni fabriquer aucune arme nucléaire, elle s'y trouve donc dans la même situation qu'un ENDAN (Etat ne disposant pas de l'arme nucléaire) et il est donc logique que les contrôles de l'AIEA soient les mêmes que ceux pratiqués dans ces pays.

L'accord dont nous devons autoriser la ratification est donc similaire aux accords de garanties généralisées souscrits par les Etats ne disposant pas de l'arme nucléaire, tel l'accord signé fin 2003 entre l'Iran et l'AIEA. Bien évidemment, sa portée géographique est limitée aux territoires français d'Amérique.

B - Les principales stipulations de l'accord

Au préalable, il faut préciser que les stipulations du présent accord ne s'appliqueront pas, pour l'essentiel, tant que les quantités de matières fissiles présentes sur les territoires français resteront inférieures à celles prévues par le protocole (1 kilogramme pour l'uranium enrichi et le plutonium, 10 ou 20 kilogrammes pour l'uranium naturel ou appauvri en fonction de son degré d'enrichissement).

Dans la mesure où il est peu probable que ces quantités soient dépassées à l'avenir, la ratification de cet accord aura donc des conséquences bien plus symboliques que pratiques. D'autant qu'il ne s'applique pas aux bâtiments et aéronefs transportant des armes nucléaires susceptibles de transiter dans les territoires concernés.

Dans l'hypothèse où la France déciderait de mener un programme nucléaire civil dans ces territoires, les modalités des contrôles des inspecteurs de l'AIEA seraient prévues par le présent accord, notamment les conditions d'accès aux installations nucléaires, les délais de préavis des inspections, les privilèges et immunités accordés aux inspecteurs... L'ensemble de ces dispositions est parfaitement conforme aux accords de garanties généralisées signées entre l'AIEA et les Etats ne disposant pas de l'arme nucléaire.

CONCLUSION

La ratification de l'accord entre la France, l'Euratom et l'AIEA entraînera donc peu de conséquences concrètes. Mais, dans la mesure où elle contribuera à l'effort mené par notre pays pour promouvoir la non-prolifération, elle sera utile. Dans ces conditions, votre Rapporteur vous recommande d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 3 mars 2004.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 1329).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 1329).

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N° 1472 - Rapport sur le projet de loi ratification de l'accord interdisant les armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (M. Jean-Jacques Guillet)


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