N° 1475 - Rapport de M. Dominique Richard sur la proposition de résolution de M. Alain BOCQUET et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation financière de l'Agence France Presse mais également sur les moyens à mettre en oeuvre afin d'en assurer la survie et le rayonnement (1352)




Document

mis en distribution

le 8 mars 2004

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N° 1475

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mars 2004

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1352) de M. ALAIN BOCQUET, tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation financière de l'Agence France Presse mais également sur les moyens à mettre en œuvre afin d'en assurer la survie et le rayonnement,

PAR M. Dominique RICHARD,

Député.

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INTRODUCTION 5

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 7

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 9

TRAVAUX DE LA COMMISSION 13

INTRODUCTION

Le 29 janvier 2004 a été mise en distribution la proposition de résolution (n° 1352) déposée par MM. Alain Bocquet et Frédéric Dutoit tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation financière de l'Agence France Presse (AFP).

Cette commission serait notamment chargée de faire le point sur les moyens à mettre en œuvre afin de conforter et de développer l'agence.

Selon l'usage, le rapporteur examinera la recevabilité de la proposition de résolution avant de s'interroger sur l'opportunité de créer une telle commission d'enquête.

I.- SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête s'apprécie au regard des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires  et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première exigence posée par ces textes est de déterminer avec précision, dans la proposition de résolution, les faits pouvant donner lieu à enquête.

En l'occurrence, les faits visés par les auteurs de la proposition de résolution relèvent plus du domaine de l'inquiétude que de celui du constat. Ceux-ci résument en fait, de façon très générale, la situation actuelle de l'AFP : difficultés de gestion, signature d'un contrat d'objectifs et de moyens, nécessité d'un retour en quatre ans à l'équilibre financier. On peut donc considérer, avec quelque bienveillance, que les faits visés sont formulés de façon suffisamment précise pour justifier, a priori, la création d'une commission d'enquête.

La seconde exigence concerne la mise en œuvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Par lettre du 17 février 2004, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, qu'aucune procédure n'est en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution.

La proposition de résolution est donc recevable.

II.- SUR L'OPPORTUNITÉ DE LA CRÉATION
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

Si les conditions de recevabilité peuvent apparaître réunies, il reste à déterminer s'il convient, en opportunité, de créer ou non une commission d'enquête sur la situation de l'AFP.

On ne saurait contester l'importance de l'agence dans l'environnement médiatique mondial, le rôle de son réseau pour le rayonnement de la France à l'étranger et son apport indiscutable aux entreprises de presse françaises. Le rapporteur n'a donc rien à reprendre dans le rapide historique dressé par les auteurs de la proposition de résolution et considère, tout comme eux, que l'AFP joue « un rôle majeur en faveur de la diversité et de l'impartialité de l'information ». Il ne saurait cependant adhérer à la suite de leur raisonnement.

MM. Alain Bocquet et Frédéric Dutoit estiment en effet que l'agence, confrontée à une concurrence internationale grandissante, n'a pas disposé des moyens nécessaires à son développement, ce qui mettrait en péril son équilibre financier et son rayonnement. Ils craignent également qu'une « logique purement industrielle » soit appliquée à l'agence, afin de réduire son champ d'action à la seule Europe. Ce résumé de la situation, s'il relaie les inquiétudes réelles de certains salariés, est néanmoins un peu trop schématique et ne reflète que très imparfaitement la situation actuelle de l'agence. Il semble notamment ignorer l'approbation récente par le conseil d'administration d'un contrat d'objectifs et de moyens dont l'ambition est justement de répondre aux inquiétudes des auteurs de la proposition de résolution, dont la demande peut dès lors apparaître anachronique voire tardive par rapport aux décisions déjà prises.

Il est vrai que, depuis plusieurs années, la situation de l'agence est difficile et son positionnement dans la société de l'information fragilisé : la croissance du chiffre d'affaires est limitée par la réduction des marchés traditionnels représentés par les médias français et plus particulièrement par celui de la presse écrite. En quête de nouvelles ressources, l'AFP a diversifié son activité vers d'autres services que celui de l'information générale (photo, vidéo, services multimédias, information financière), mais de façon plus récente que ses principales concurrentes.

L'agence connaît en outre de réelles difficultés financières depuis 1999, date à laquelle la direction a voulu procéder à une relance de son activité par un accroissement des moyens humains (création de 218 postes, soit 9 % de l'effectif total, en dix-huit mois, notamment dans le cadre de la mise en place de l'accord sur l'aménagement du temps de travail). Le ratio de la masse salariale sur le chiffre d'affaires est alors passé de 65,6 % en 1998, à 70,4 % en 2000, induisant une surconsommation de crédits de 26 millions d'euros en deux ans ! Les charges ont ainsi augmenté plus rapidement que les recettes et la capacité d'autofinancement de l'agence s'est progressivement dégradée. De son côté, la trésorerie, sollicitée dès 2000 pour combler les besoins de financement, est devenue négative en 2002 avec un solde net de - 3 millions d'euros. Ce déficit de trésorerie a atteint 30 millions d'euros fin 2003.

En 2001, la nouvelle direction de l'agence s'est engagée dans l'élaboration d'un contrat d'objectifs et de moyens (COM - adopté fin 2003), formalisant le plan de modernisation et de redressement financier de l'agence sur la période 2002-2007. L'ambition du COM est de conforter le développement de l'AFP sur son cœur de métier - répondre aux attentes des clients médias « classiques », c'est-à-dire la presse écrite et audiovisuelle - en accroissant son rayonnement international et en confortant sa position en France et dans le monde francophone.

Le plan de redressement s'appuie sur une hausse réaliste des revenus commerciaux (plus marquée à l'international qu'en France, où l'agence couvre déjà 99 % de son marché potentiel), un effort de l'Etat et une maîtrise de la masse salariale.

Tenant compte tout à la fois des exigences de la mission de l'agence (rayonnement mondial et indépendance) et des contraintes du marché, le COM a fixé comme objectif le rétablissement d'ici 2006 de la marge d'exploitation de l'agence à un niveau d'au moins 15 millions d'euros. Ce niveau constitue un minimum pour que l'AFP puisse autofinancer son développement.

Conscient de l'importance de l'AFP pour l'information et le pluralisme, en France comme dans le monde, l'Etat s'est engagé en 2001 à soutenir ses efforts de redressement, d'une part par l'octroi d'un prêt participatif de 15 millions d'euros versable en trois tiers et d'autre part par une « sur-indexation » du montant de ses abonnements jusqu'en 2007 (qui passeront ainsi de 98,6 à 107,7 millions d'euros).

En ce qui concerne l'évolution des charges, le choix a été fait d'un effort conséquent sur les charges hors salaires (en quasi-stabilité entre 2002 et 2007) et d'une maîtrise de la masse salariale qui permettra le renouvellement des emplois à la suite des départs en retraite. Entre 2002 et 2007, les charges salariales continueront donc à progresser.

Le déficit cumulé sur quatre ans (2000/2003) a été évalué à 52 millions d'euros. Compte tenu de la remontée programmée de son autofinancement et de la réalisation de certaines opérations financières, l'agence devait s'assurer un refinancement temporaire global de 31 millions d'euros à l'horizon 2007. La solution d'un crédit-bail sur l'immeuble de l'AFP situé place de la Bourse à Paris (d'une valeur de 60 millions d'euros), bien que fort discutée et contestée par le personnel, a finalement été retenue. Cette opération financière, finalisée avec une filiale spécialisée de la Caisse des dépôts et consignations, assurera le refinancement opérationnel de l'agence par versements annuels de 2004 à 2007, selon les besoins de trésorerie prévues par le COM, pour un total maximum de 31 millions d'euros à rembourser sur douze ans, ce qui permettra un étalement du remboursement du déficit.

Après de nombreux contretemps et débats, source d'une agitation sociale toujours prête à renaître, le conseil d'administration, après quatre réunions successives, a finalement approuvé le COM lors de sa réunion du 10 octobre 2003. Cette approbation a été suivie de la signature du contrat par l'Etat le 23 novembre. M. Bertrand Eveno, président-directeur général de l'AFP, a par ailleurs été reconduit pour trois ans dans ses fonctions le 24 octobre dernier, cette décision du conseil d'administration de l'agence marquant la volonté de l'Etat d'accorder sa confiance à la direction en place et de garantir une continuité dans la gestion.

Tous les éléments sont donc désormais en place pour engager le redressement de la situation financière de l'agence et lui permettre de reconquérir, de ce fait, des marges de développement.

La « définition concertée avec l'ensemble des parties intéressées d'un plan de développement » réclamée par les auteurs de la proposition de résolution pour résoudre la situation de crise qu'ils dénoncent existe donc déjà : adopté par le conseil d'administration et signé par le gouvernement, le COM a bien obtenu l'accord de « l'ensemble des parties intéressées ». Ce contrat, comme le demande la proposition de résolution, expose clairement la situation financière de l'agence, prévoit un plan de retour à l'équilibre financier et précise les axes de développement pour les années à venir, parmi lesquels figure en bonne place le renforcement du rang mondial de l'AFP face à ses concurrents.

Il n'est donc pas question, bien au contraire, de limiter les activités de l'AFP à l'Europe et d'en faire une agence de deuxième catégorie. D'ailleurs, au regard des difficultés d'activité de ses concurrents, Reuters notamment qui est beaucoup plus exposée au retournement de la « net économie », l'AFP a obtenu en 2002 des résultats raisonnables au plan commercial. Depuis la fin 1999, il est vrai, une organisation commerciale spécialisée, plus dense et plus efficace, a été progressivement mise en place, tant en France qu'à l'étranger, où l'AFP commence à disposer d'un réseau de vendeurs dédiés sur les marchés les plus importants.

L'Agence France-Presse est et doit rester une agence française à rayonnement mondial, reconnue pour l'indépendance, l'objectivité et la qualité de l'information qu'elle délivre. Pour cela, elle peut s'appuyer sur la confiance de l'ensemble de sa clientèle, globalement confirmée par le maintien de son chiffre d'affaires et l'autorité rédactionnelle qui lui est mondialement reconnue dans le concert international actuellement troublé. Mais elle doit renouer avec l'équilibre financier et adopter des modes de développement plus conformes avec les légitimes exigences d'une bonne gestion.

Les objectifs de restauration de la marge et de la capacité d'autofinancement que l'agence s'est assignée sont donc tout à fait pertinents et doivent être soutenus. C'est l'objectif même du COM sur lequel la direction de l'agence, son conseil d'administration et l'Etat actionnaire se sont engagés.

Une rencontre récente avec M. Bertrand Eveno, président-directeur général de l'agence, a pu confirmer que les nouvelles orientations arrêtées commencent déjà à porter leurs fruits comme, par exemple, l'accord commercial avec la société Getty pour la diffusion des photographies qui, en quelques mois, a permis à l'AFP de progresser de 60 % sur le marché britannique et de voir le nombre de journaux américains clients passer de dix à soixante-dix, l'objectif étant d'atteindre deux cents titres.

De la même façon, et contrairement aux inquiétudes exprimées par les auteurs de la proposition de résolution, les effectifs sont demeurés quasiment stables (- 0,4%) et le nombre de bureaux a même progressé avec l'ouverture récente du « dernier né » à Bagdad.

Tout concourt donc à démontrer que les craintes exprimées sont sans fondement, ou, à tout le moins, qu'elles ont été prises en compte dans le COM. Il convient donc, pour le moment, de laisser travailler l'agence à son redressement, étant entendu que ce dont elle a le plus besoin, c'est de sérénité, de temps et de continuité dans l'action de développement engagée.

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Au bénéfice des observations qui viennent d'être formulées, le rapporteur conclut donc au rejet de la proposition de résolution n° 1352.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Dominique Richard, la présente proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 3 mars 2004.

Après l'exposé du rapporteur et conformément à ses conclusions, la commission a rejeté la proposition de résolution no 1352.

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N° 1475 - Rapport sur la proposition de résolution créant une commission d'enquête sur la situation financière de l'Agence France Presse (M. Dominique RICHARD)


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