N° 1633 - Rapport de M. Philippe Cochet sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents (1348)




Document

mis en distribution

le 18 juin 2004

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N° 1633

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 juin 2004.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n°1348 autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents,

PAR M. PHILIPPE COCHET,

Député

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - L'ÉVOLUTION D'EUROPOL 7

A - DES CONCEPTIONS DIVERGENTES DE SON RÔLE 7

B - LE RENFORCEMENT D'EUROPOL 7

1) Des moyens croissants 7

2) L'extension des compétences d'Europol 8

a) Un champ d'intervention étendu à l'ensemble de la criminalité
    organisée transnationale
9

b) Les pouvoirs opérationnels 9

3) Le développement des relations d'Europol avec les organisations
     et les pays tiers
10

C - UN ORGANISME EFFICACE INSUFFISAMMENT UTILISÉ PAR LA FRANCE 10

1) Un organisme efficace 10

a) L'échange d'informations 10

b) L'analyse criminelle 11

c) La coordination opérationnelle 11

2) Un organisme insuffisamment-utilisé par la France 11

a) Une sous-représentation 11

b) Une sous utilisation 12

II - PERMETTRE LA PARTICIPATION DES AGENTS D'EUROPOL
      AUX ÉQUIPES COMMUNES D'ENQUÊTE (ECE)
13

A - LES ÉQUIPES COMMUNES D'ENQUÊTE 13

1) L'origine de leur création 13

2) Le fonctionnement des équipes communes d'enquête 13

B - L'ORGANISATION DE LA PARTICIPATION DES AGENTS D'EUROPOL
      AUX ÉQUIPES COMMUNES D'ENQUÊTE
14

1) Faciliter la circulation de l'information 14

2) Respecter les prérogatives des Etats membres 14

3) L'articulation de ce protocole avec le nouvel article 695-2
    du Code de procédure pénale
15

4) La modification du protocole sur les privilèges et immunités d'Europol 15

C - LES DISPOSITIONS TRANSITOIRES DU PROTOCOLE 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

ANNEXE : ÉTUDE D'IMPACT 21

Mesdames, Messieurs,

Depuis les attentats tragiques du 11 mars 2004 à Madrid, accroître la coopération policière et judiciaire dans l'Union européenne est devenu une nécessité absolue. La lutte contre le terrorisme commande une telle coopération.

Dans ce contexte, il est demandé d'approuver le protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (Europol) et celui concernant les privilèges et immunités de ces membres.

Après avoir décrit l'évolution d'Europol, votre Rapporteur analysera le contenu des modifications proposées.

I - L'ÉVOLUTION D'EUROPOL

A - Des conceptions divergentes de son rôle

La création d'Europol a été prévue par le Traité de Maastricht sur l'Union européenne du 7 février 1992. Elle résulte d'une initiative du Chancelier Helmut Kohl, qui avait évoqué dès 1988 la création d'une sorte de police fédérale européenne.

Installé aux Pays-Bas, à La Haye, l'Office européen de Police a démarré ses activités expérimentales le 3 janvier 1994. Alors connu sous le nom de « Unités Drogues Europol » (EDU), il limitait son action à la lutte contre la drogue. Progressivement, d'autres domaines importants de la criminalité sont venus élargir son champ d'action. La convention Europol, ratifiée par tous les Etats membres, est entrée en vigueur le 1er octobre 1998. De nombreuses décisions d'ordre juridique en relation avec cette Convention ont précédé le démarrage effectif de l'ensemble des activités de l'Office, le 1er juillet 1999.

Deux conceptions de cette structure s'opposent. La première, soutenue par l'Allemagne, souhaite doter Europol de compétences opérationnelles le plaçant, vis-à-vis des Etats membres, dans une position assez comparable à celle d'un FBI européen. Pour la France, en revanche, l'Office devrait rester une simple centrale d'échanges d'informations, chaque Etat conservant la plénitude de ses compétences opérationnelles.

Ces logiques différentes ont rendu la négociation de la Convention Europol, décidée lors du Conseil européen de Luxembourg, en 1991, très difficile. La Convention, adoptée le 26 juillet 1995, est finalement conforme à la vision française d'Europol : bien qu'intégré dans le système institutionnel de l'Union européenne, comme le prévoyait le Traité de Maastricht de 1992, Europol ne dispose pas de véritable compétence opérationnelle et demeure globalement soumis aux règles de la coopération intergouvernementale, au sein du « troisième pilier » de l'Union. Toutefois, des évolutions se dessinent.

B - Le renforcement d'Europol

Les moyens budgétaires et humains d'Europol ont été considérablement renforcés, ses compétences matérielles et opérationnelles étendues, ses relations avec les organisations et les pays tiers se sont intensifiées.

1) Des moyens croissants

Les effectifs et le budget d'Europol ont connu depuis l'entrée en activité de cette organisation, le 1er juillet 1999, une progression très forte. Les effectifs s'élèvent aujourd'hui à 386 personnes, dont 59 officiers de liaison contre 210, dont 40 officiers de liaison, en 1999. Les dépenses de personnel, pour 2003, devraient représenter plus de 25 millions d'euros, soit 45 % environ du budget global de l'Office. Les effectifs devraient continuer de croître.

Le budget d'Europol est alimenté par des contributions des Etats membres calculées en fonction de leur PNB. Ce budget est passé de 19 millions d'euros en 1999 à 55,5 millions d'euros en 2003, avec une augmentation de 37 % en 2001, de 45,7 % en 2002 et de 7,5 % en 2003.

En 2003, la France a contribué à hauteur de 16 % de ce budget, soit plus de 8 millions d'euros, derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. Sa contribution pour 2004 devrait s'élever à 8,5 millions d'euros.

Contributions des Etats membres

Projet de budget pour 2004

 

PNB 2002 en millions d'euros

Part du PNB

Contribution pour
2004 en euros

Autriche

217 633,3

2,35 %

1 220 574

Belgique

274 265,4

2,97 %

1 542 598

Danemark

188 472,4

2,04 %

1 059 562

Finlande

143 588,4

1,55 %

805 059

France

1 527 822,9

16,52 %

8 580 375

Allemagne

2 162 668,8

23,38 %

12 143 413

Grèce

142 978,7

1,55 %

805 059

Irlande

110 569,7

1,20 %

623 272

Italie

1 271 692,3

13,75 %

7 141 656

Luxembourg

21 364,0

0,23 %

119 460

Pays-Bas

462 919,8

5,00 %

2 596 966

Portugal

126 835,3

1,37 %

711 569

Espagne

677 458,6

7,32 %

3 801 598

Suède

246 069,8

2,66 %

1 381 586

Royaume-Uni

1 674 905,3

18,11 %

9 406 211

Total

9 249 244,7

100,00 %

51 939 319

 

Solde 2002

 

4 019 681

 

Autres recettes

 

2 800 000

 

Total des recettes

 

58 759 000

2) L'extension des compétences d'Europol

Les compétences matérielles de l'Office ont été progressivement étendues, et couvrent pratiquement l'ensemble de la criminalité organisée transnationale. Ses compétences opérationnelles seront renforcées, avec l'entrée en vigueur du protocole soumis à examen.

a) Un champ d'intervention étendu à l'ensemble de la criminalité organisée transnationale

Jusqu'à une date récente, Europol n'était compétent que pour les formes de criminalité suivantes : trafic de stupéfiants, trafic de matières nucléaires et radioactives, filières d'immigration clandestine, traite des êtres humains, trafic de véhicules volés, terrorisme et blanchiment d'argent, pour autant qu'il existe une structure d'organisation criminelle et que deux Etats membres au moins soient affectés.

Par décision du Conseil Justice Affaires Intérieures en date du 6 décembre 2001, les compétences de l'Office européen de police Europol ont été étendues depuis le 1er janvier 2002 à l'ensemble des domaines énumérés à l'annexe de la convention créant l'office.

Désormais, dans la mesure où une enquête concerne au moins deux pays de l'Union européenne et une structure ou une organisation criminelle, l'Office peut être sollicité via l'Unité nationale Europol dans les domaines nouveaux, tels que homicide volontaire, coups et blessures graves, trafic illicite d'organes et de tissus humains, enlèvement, séquestration et prise d'otage, racisme et xénophobie, vols organisés, trafic illicite de biens culturels, escroqueries et fraudes, racket et extorsion de fonds, contrefaçon et piratage de produits, falsification de documents administratifs et trafic de faux, criminalité informatique, corruption, trafic illicite d'armes, de munitions, d'explosifs, trafic illicite d'espèces animales menacées, trafic illicite d'espèces et d'essences végétales menacées, criminalité au détriment de l'environnement, trafic illicite de substances hormonales et autres facteurs de croissance.

b) Les pouvoirs opérationnels

Europol a pour tâche de traiter des renseignements relatifs aux activités criminelles. Son objectif est d'améliorer l'efficacité des services compétents des Etats membres et leur coopération dans le cadre de la prévention et de la lutte contre les formes graves de la criminalité organisée à caractère international. L'Office s'emploie à promouvoir l'analyse criminelle et l'harmonisation des techniques d'enquête au sein des Etats membres. Il apporte son aide aux Etats membres :

- en facilitant l'échange d'informations, conformément aux dispositions nationales, entre les officiers de liaison Europol (OLE) détachés auprès de l'Office par les Etats membres en tant que représentants des services répressifs nationaux ;

- en fournissant des analyses opérationnelles pour les opérations menées par les Etats membres, des évaluations de la menace et des analyses d'activités criminelles réalisées à partir d'informations et de renseignements communiqués par les Etats membres, recueillis par Europol, ou issus d'autres sources ;

- en fournissant son expertise et son assistance technique aux enquêtes et opérations menées au sein de l'Union, sous le contrôle et la responsabilité juridique des Etats membres concernés.

L'Office apporte son soutien aux activités répressives des Etats membres quand il existe une structure ou une organisation criminelle et que deux Etats membres au moins sont affectés. Il intervient dans ce cas pour les infractions suivantes : le trafic illicite de stupéfiants, les réseaux d'immigration clandestine, le terrorisme, le trafic de véhicules volés, la traite des êtres humains, y compris la pornographie enfantine, le faux monnayage et la falsification d'autres moyens de paiement, le trafic de matières nucléaires et radioactives, le blanchiment d'argent.

3) Le développement des relations d'Europol avec les organisations et les pays tiers

Europol a renforcé sa coopération en matière répressive sur le plan international en signant de nombreux accords bilatéraux avec des organisations européennes comme la Banque centrale européenne et la Commission européenne, ce qui permettra notamment à Europol de développer sa coopération avec l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF). Il en va de même avec l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies. Des accords ont été signés avec des organisations hors Union européenne, telles l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol) et l'Organisation mondiale des douanes (OMD).

Les relations de l'Office avec les pays tiers se sont intensifiées. Des accords bilatéraux ont été conclus avec les Etats-Unis, l'Islande, la Norvège.

C - Un organisme efficace insuffisamment utilisé par la France

1) Un organisme efficace

Europol fournit trois types de services aux Etats membres : l'échange d'informations, l'analyse criminelle et la coordination opérationnelle.

a) L'échange d'informations

L'échange d'informations est réalisé entre les officiers de liaison Europol (OLE) détachés par les Etats membres auprès de l'Office. Chaque Etat membre dispose d'un bureau de liaison établi dans l'enceinte d'Europol. Il constitue une extension des unités nationales Europol des Etats membres et le point de communication central avec l'Office qui réunit ainsi au sein de la même structure des représentants de pratiquement tous les services répressifs des Etats membres. Cela en fait un lieu opérationnel unique d'échanges et de vérifications d'informations.

La France dispose, pour sa part, de cinq officiers de liaison : un commissaire principal, deux officiers de police judiciaire, un officier de gendarmerie et un inspecteur des douanes. Au total, 66 officiers de liaison sont détachés par les Etats membres auprès d'Europol.

Cette activité d'échange par le biais des bureaux de liaison est en forte augmentation : en 2000, 8 300 requêtes ont été transmises, donnant lieu à 9 409 réponses ; en 2001, les chiffres correspondant étaient de 11 212 et 11 803. Le nombre de messages échangés est passé de 45 222 en 2001 à 69 822 en 2002, soit une augmentation de 54,4 %. La croissance importante de ces flux d'informations souligne l'intérêt que ces bureaux de liaison représentent pour les services de police.

b) L'analyse criminelle

L'analyse criminelle repose sur le traitement de « fichiers d'analyse » créés par le conseil d'administration, à la demande des représentants des Etats membres, sur un thème précis de la criminalité internationale. Europol dispose d'une soixantaine d'analystes à cette fin. Ces fichiers d'analyse permettent aux Etats membres de mettre en commun les informations et renseignements recueillis par leurs services répressifs nationaux.

c) La coordination opérationnelle

La coordination opérationnelle s'appuie sur l'expertise et l'assistance technique qu'Europol fournit en appui à des opérations de police organisées par les Etats membres. Cet appui prend la forme de mises à disposition de matériels techniques et de traducteurs, notamment en matière d'interceptions des communications.

2) Un organisme insuffisamment utilisé par la France

a) Une sous-représentation

La France est sous-représentée à Europol en terme de personnels par rapport à sa contribution au budget. Si notre pays contribue à hauteur de 16 %, soit plus de 8 millions d'Euros, du budget de l'office, les personnels français Europol représentent moins de 10 % des effectifs (hors officiers de liaisons détachés auprès du Bureau de Liaison national).

Ainsi, hormis les 5 officiers de liaison affectés auprès d'Europol, on ne compte ainsi que 23 personnels français, soit 9 % de l'effectif d'Europol (alors que les Pays-Bas comptent 55 agents, le Royaume-Uni 33 et la Belgique 27). En outre, depuis le départ de M. Gilles Leclair, qui occupait l'un des trois postes de directeurs adjoints, la France n'est plus représentée au niveau du directorat. Toutefois, le mandat de l'actuel directeur, M. Jürgen Storbeck (allemand) arrivant à son terme le 30 juin prochain, la France présente un candidat en la personne de M. le Préfet Jacques Franquet, directeur du Service de Coopération Technique Internationale de Police (SCTIP).

b) Une sous utilisation

La France ne représente que 7,74 % des échanges, loin derrière le Royaume-Uni (18,32 %) ou l'Allemagne (14,40 %). Les échanges concernent principalement le trafic de stupéfiants et l'immigration. On observe une très forte concentration géographique des flux de demandes : sur 113 demandes émanant de services régionaux de police judiciaire (SRPJ), la moitié provenait de Montpellier et un quart de Lille. La France a été en 2003 le 2ème contributeur de l'office en termes de renseignement, puis le 1er pour le premier semestre de 2004.

Le protocole modifiant la convention créant Europol vise à renforcer les capacités opérationnelles de cet organisme.

II - PERMETTRE LA PARTICIPATION DES AGENTS D'EUROPOL
AUX ÉQUIPES COMMUNES D'ENQUÊTE (ECE)

A - Les équipes communes d'enquête

1) L'origine de leur création

Les Etats membres réunis à Tampere en 1999 se sont engagés à la création, sans délai, d'ECE afin de lutter contre le trafic de drogue, la traite des êtres humains et le terrorisme. Ainsi, la création d'ECE, inscrite à l'article 13 de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale conclue le 29 mai 2000, a été rendue possible de façon anticipée par l'adoption d'une décision-cadre, le 13 juin 2002.

Puis, le Conseil de l'Union européenne a adopté, le 28 novembre 2002, à la suite d'une initiative de la Belgique et de la Suède, un protocole modifiant la Convention, visant à permettre la participation d'Europol aux ECE et à leurs actions opérationnelles, ainsi qu'à autoriser l'Office à demander aux Etats membres d'ouvrir des enquêtes dans des affaires précises.

2) Le fonctionnement des équipes communes d'enquête

Au moins deux Etats membres peuvent créer une équipe commune d'enquête afin de conduire des enquêtes pénales qui demandent une action coordonnée et concertée. L'ECE doit avoir un objectif précis et une durée limitée qui peut être prolongée avec l'accord de toutes les parties contractantes.

L'équipe est créée dans l'Etat membre sur le territoire duquel l'enquête doit être effectuée. Les Etats membres concernés sont responsables de la composition, de l'objectif et de la durée du mandat de l'équipe d'enquête. Il est aussi possible que les Etats membres prévoient la collaboration des représentants d'Europol, de l'Office européen de la lutte anti-fraude (OLAF) ou des représentants des Etats tiers aux activités de l'ECE. Les membres de l'équipe venant d'un autre Etat membre que celui du territoire dans lequel l'équipe intervient sont des « membres détachés » auprès de l'équipe. Ceux-ci peuvent se voir confier des tâches et doivent agir en conformité avec le droit en vigueur dans l'Etat membre où s'effectue l'enquête.

B - L'organisation de la participation des agents d'Europol aux équipes communes d'enquête

1) Faciliter la circulation de l'information

La participation des agents d'Europol à des ECE s'effectue conformément à l'article 3 bis § 2 modifié de la convention Europol, qui prévoit la signature préalable d'un accord entre le directeur d'Europol et les autorités compétentes des Etats membres participant à une ECE. Cette participation des agents de l'Office à une ECE pourra se faire sous la forme d'une communication de ses connaissances des milieux criminels visés par les investigations, d'une fourniture de données provenant des fichiers d'analyse, d'une coordination des opérations de l'ECE, de conseils d'ordre technique et analytique (mise en place d'un fichier d'analyse dédié à chaque ECE).

La participation d'agents d'Europol au sein d'ECE doit faciliter l'utilisation postérieure des informations obtenues lors de l'enquête. Les informations pourront être utilisées aux fins pour lesquelles l'équipe a été créée ou pour enquêter sur d'autres infractions pénales sous réserve d'avoir obtenu l'autorisation de l'Etat émetteur de l'information requise.

Par ailleurs, ces informations dûment recueillies pourraient également être utilisées à d'autres fins si les Etats l'ont convenu dans l'accord de création de l'équipe. Une fois entrée en vigueur, la réforme proposée permettra aux agents d'Europol de prêter leur concours à toutes les activités de ces équipes dans la mesure où elles enquêtent sur des infractions relevant de la compétence d'Europol, et à échanger des informations avec tous ses membres.

2) Respecter les prérogatives des Etats membres

En application de l'article 3ter du Protocole, les Etats membres peuvent refuser de donner suite à des demandes présentées par Europol les invitant à engager ou coordonner des enquêtes. Un tel refus doit être motivé, sauf si cette motivation est susceptible de porter atteinte à des intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité ou de compromettre le bon déroulement d'enquêtes en cours ou la sécurité des personnes. A cet égard, il est prévu que l'Etat membre sur le territoire duquel des dommages sont causés par des agents d'Europol participant aux ECE assume la réparation des dommages dans les mêmes conditions que s'ils avaient été commis par ses propres agents.

Les agents d'Europol ne peuvent participer à aucune activité de nature coercitive, ne disposent d'aucun pouvoir judiciaire propre, et doivent se conformer au droit interne de l'Etat membre dans lequel ils interviennent dans l'exercice de leurs missions. Ils sont, dans le cadre de ces opérations, soumis au droit interne de l'Etat membre d'intervention, en ce qui concerne les infractions dont ils seraient victimes ou qu'ils commettraient.

3) L'articulation de ce protocole avec le nouvel article 695-2 du Code de procédure pénale

La rédaction actuelle de l'article 695-2 du code de procédure pénale ne prévoit pas en elle-même, la participation de membres d'Europol aux équipes communes d'enquête, et ne fait expressément référence qu'aux prérogatives des agents détachés par un autre Etat membre de l'Union européenne.

Toutefois, l'articulation de ce protocole avec les dispositions du nouvel article 695-2 du code de procédure pénale ne devrait pas poser problème. En effet, ce nouvel article constitue la transposition en droit français de l'article 13 de la Convention européenne relative à l'entraide judiciaire en matière pénale du 29 mai 2000, qui institue les équipes communes d'enquête. L'article 13 § 12 autorise, moyennant des « arrangements » à conclure ultérieurement, la participation à ces équipes « d'agents d'instances créées en vertu du traité sur l'Union européenne ». Europol fait partie des organes qui peuvent prendre part aux activités de ces équipes. C'est pourquoi ce protocole, dès lors qu'il sera régulièrement approuvé par la France et entré en vigueur, constituera une base juridique suffisante pour permettre une telle participation.

4) La modification du protocole sur les privilèges et immunités d'Europol

L'immunité de juridiction prévue par la convention créant Europol ne s'appliquera pas pour les actes officiels dont l'accomplissement est requis dans le cadre d'une équipe commune d'enquête à laquelle participent des agents d'Europol à titre d'appui.

C - Les dispositions transitoires du protocole

Les dispositions finales des articles 3 à 5 prévoient son entrée en vigueur quatre-vingt-dix jours après que le dernier Etat membre aura notifié au Conseil de l'Union européenne l'achèvement des procédures requises par sa Constitution pour l'entrée en vigueur de ce protocole. Celle-ci est toutefois subordonnée à l'accomplissement des procédures constitutionnelles respectives des seuls 15 Etats membres de l'Union européenne selon la configuration antérieure au dernier élargissement.

Le cas des nouveaux adhérents à l'Union européenne est prévu à l'article 4, qui dispose notamment que ceux-ci doivent adhérer à la fois à la convention Europol et au protocole du 28 novembre 2002.

A ce jour, l'Autriche, l'Allemagne et l'Espagne ont ratifié le protocole.

CONCLUSION

Votre Rapporteur est favorable à l'adoption du projet de loi modifiant la convention Europol. Comme l'indique l'étude d'impact figurant en annexe, ce protocole permet d'accroître la coordination opérationnelle des différentes instances de l'Union et de la police des Etats membres dans une période où celle-ci est nécessaire.

En outre, l'approbation de cette réforme souligne l'intérêt de la France pour une institution dont le rôle sera amené à s'accroître.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 2 juin 2004.

Après l'exposé du Rapporteur, Mme Martine Aurillac s'est enquise du délai prévu par l'article 4 § 4 pour l'entrée en vigueur du Protocole qui renvoie à l'article 46 § 4 de la Convention Europol.

M. Philippe Cochet a indiqué que le délai prévu à l'article 46 § 4 était de trois mois.

Le Président Edouard Balladur a indiqué que M. Alain Bocquet avait déposé, au nom du groupe communiste, en application de l'article 91 du Règlement, une exception d'irrecevabilité, une question préalable et une motion d'ajournement au projet de loi autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention Europol et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol, sur lesquelles il appartenait à la Commission des Affaires étrangères de se prononcer.

La Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité, la question préalable et la motion d'ajournement présentées par M. Alain Bocquet.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1348).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 1348).

ANNEXE

Etude d'impact

I - Etat du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

Afin de conduire des enquêtes pénales qui demandent une action coordonnée et concertée, la création d'équipes communes d'enquête a été jugée nécessaire pour lutter de manière efficace contre le terrorisme, le trafic d'êtres humains et de stupéfiants.

Deux possibilités ont été envisagées :

- des équipes communes d'enquête purement bilatérales,

- des équipes communes d'enquête bénéficiant de l'appui d'Europol.

Si la création de la première catégorie d'équipes est possible depuis le 1er janvier 2003, sous réserve d'une approbation de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale par les Etats membres concernés, la seconde catégorie d'équipes communes d'enquête suppose une modification préalable de la convention Europol.

II - Bénéfices escomptés en matière :

- d'emploi :

Sans objet dans l'immédiat, la montée en puissance en cours des effectifs d'Europol permettant d'absorber la charge de travail accrue.

- d'intérêt général

En vertu de l'article 30-2a) du TUE, conjugué avec l'article 13 de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 29 mai 2000, Europol a vocation à jouer un rôle d'appui au profit des équipes communes d'enquête.

Néanmoins, pour donner un appui véritablement efficace, en permettant notamment aux agents d'Europol d'agir en dehors du siège de La Haye dans le cadre d'équipes communes d'enquête, il est nécessaire de modifier la Convention Europol.

Actuellement, Europol se limite à prodiguer des conseils aux Etats membres sur l'objet de l'enquête.

A l'avenir, l'Office européen de police sera partie prenante à travers la participation de ses agents au sein de certaines équipes communes d'enquête, voire pourra prendre l'initiative de demander aux autorités compétentes des Etats membres concernés de mener ou de coordonner des enquêtes dans les cas prévus à l'article 3 ter de la Convention Europol modifiée.

A travers ces modifications, il s'agit de renforcer l'orientation opérationnelle que les Etats membres souhaitent donner à Europol.

- d'incidences financières

Néant.

- de simplification des formalités administratives

La participation d'agents d'Europol au sein d'équipes communes d'enquête doit faciliter l'utilisation postérieure des informations obtenues lors de l'enquête.

En effet, les informations pourront être utilisées aux fins pour lesquelles l'équipe a été créée ou pour enquêter sur d'autres infractions pénales sous réserve d'avoir obtenu l'autorisation de l'Etat émetteur de l'information requise.

Par ailleurs, ces informations dûment recueillies pourraient également être utilisées à d'autres fins si les Etats l'ont convenu dans l'accord de création de l'équipe.

- de complexité de l'ordonnancement juridique

Ce protocole ne vise qu'à modifier le contenu de la Convention Europol. Il ne s'agit pas d'un texte nouveau qui serait susceptible d'alourdir l'ordonnancement juridique actuellement en vigueur.

N° 1633 - Rapport de la commission des affaires étrangères sur le projet ed loi autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention portant création d'un office européen de police (convention Europol) et le protocole sur les privilèges et immunités d'Europol, des membres de ses organes, de ses directeurs adjoints et de ses agents (rapporteur : M. Philippe Cochet)


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