N° 2918 - Rapport de M. Jean-Michel Dubernard sur la proposition de résolution de M. Daniel Garrigue, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne sur le 7ème programme-cadre de recherche et de développement des Communautés européennes (PCRD) (n° E2869, E2881, E2995 à E3000, E3057, E3063, E3083) (2885)



N° 2918

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er mars 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2885) de M. Daniel Garrigue, sur le 7ème programme-cadre de recherche et de développement des Communautés européennes (PCRD)

PAR M. Jean-Michel Dubernard,

Député.

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Voir le numéro : 2886

INTRODUCTION 5

I.- UN PROGRAMME-CADRE QUI RENFORCE LES CAPACITÉS COMMUNAUTAIRES EN MATIÈRE DE RECHERCHE 7

A. DES PERSPECTIVES FINANCIÈRES AMBITIEUSES 7

B. LES NOUVEAUTÉS INTRODUITES PAR LE 7ÈME PCRD 8

II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 10

A. TIRER PARTI DES INSTRUMENTS PROPOSÉS PAR L'UNION EUROPÉENNE 10

B. PROMOUVOIR UNE POLITIQUE EUROPÉENNE DE RECHERCHE PLUS AMBITIEUSE 11

TRAVAUX DE LA COMMISSION 13

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 17

INTRODUCTION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est saisie d'une proposition de résolution sur le 7ème programme-cadre de recherche et de développement des Communautés européennes (PCRD) (n° 2885) présentée par M. Daniel Garrigue et adoptée par la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale le 22 février dernier.

Cette proposition de résolution porte sur deux propositions de décisions du Parlement européen et du Conseil (1), sept propositions du Conseil (2), une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (3) et une proposition de règlement du Conseil (4). Toutes ces propositions portent sur le prochain PCRD, qui organisera les activités de recherche menées au niveau de l'Union européenne à partir de l'année prochaine et jusqu'en 2013, et sur les activités de recherche menées dans le cadre du traité de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), pour la période : 2007-2011 (5).

Institué en 1984, le programme-cadre de recherche et développement est le premier et le principal outil de financement de la recherche au niveau communautaire. Depuis 1994 et le début du 5ème programme-cadre (1994-1998), celui-ci regroupe toutes les activités communautaires de recherche et de développement dans le secteur non nucléaire, celles portant sur le secteur nucléaire figurant désormais dans un programme-cadre Euratom distinct.

L'adoption de ces prochains programmes-cadres constitue donc un enjeu très important par l'étendue du domaine couvert et la durée de la programmation.

Cette importance est encore renforcée par des éléments conjoncturels qui donnent à la discussion un relief particulier.

Au niveau de l'Union tout d'abord, il apparaît difficile, à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, que les objectifs ambitieux affichés lors du Conseil européen de 2000, et plusieurs fois réaffirmés depuis (faire de l'Union européenne « l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde » consacrant 3 % de son produit intérieur brut au financement des activités de recherche), soient atteints. En effet, la dépense de recherche européenne moyenne est aujourd'hui de 1,9 % du PIB.

Au niveau national ensuite, les débats sur la mise en place du 7ème programme-cadre sont concomitants avec l'examen du projet de loi de programme pour la recherche, débattu cette semaine à l'Assemblée nationale.

Enfin, ces discussions, aussi bien au niveau national qu'européen, interviennent dans un contexte international où il est acquis que la recherche est un élément déterminant pour la compétitivité de demain et, par suite, pour la préservation du modèle social européen.

Tous ces éléments, nationaux, européens, internationaux, font de la discussion du 7ème programme-cadre de recherche et de développement un enjeu majeur. Il est donc particulièrement opportun que, conformément aux dispositions de l'article 88-4 de la Constitution, l'Assemblée nationale et, en particulier la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, se prononce sur le prochain PCRD des Communautés européennes et sur le programme-cadre Euratom.

I.- UN PROGRAMME-CADRE QUI RENFORCE LES CAPACITÉS COMMUNAUTAIRES EN MATIÈRE DE RECHERCHE

Septième du nom, le prochain programme-cadre s'inscrit dans les pas de ses prédécesseurs dont il reprend les caractéristiques principales.

Avec une programmation portant sur sept ans, au lieu des cinq ans qu'a durés le 6ème programme-cadre qui s'achève, le 7ème programme-cadre propose des perspectives financières ambitieuses et met à la disposition des scientifiques et industriels européens des outils nouveaux.

Dans son projet de 7ème PCRD, présenté le 6 avril 2005, la Commission européenne avait souhaité montrer tout l'intérêt qu'elle portait à la politique de recherche en affichant un objectif financier très ambitieux : doubler le montant du 6ème PCRD avec un budget global de plus de 72 milliards d'euros sur sept ans et d'un peu plus de 3 milliards d'euros pour le volet Euratom.

Mais l'absence d'accord des Etats membres sur la proposition de la Commission va nécessairement rejaillir sur le projet initial.

Ainsi, le projet de budget pour la rubrique « Compétitivité au service de la croissance et de l'emploi » - qui couvre les dépenses de recherche et de développement mais aussi l'éducation et la formation, le marché intérieur intégré ou l'agenda social européen - a été réduit de près de moitié (46 %) par l'accord financier entre les chefs d'Etat et de gouvernement intervenu le 17 décembre 2005. En outre, aux termes de cet accord, le budget global retenu pour la rubrique toute entière couvre à peine le montant des dépenses envisagées intialement par la Commission pour le seul volet recherche et développement.

Il existe toutefois des motifs de ne pas céder au pessimisme. D'une part, en l'état, l'accord ne constitue qu'un compromis qui, avant de produire des effets, doit faire l'objet d'un nouvel accord, inter-institutionnel cette fois, entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil. D'autre part, si le Conseil a souhaité limiter drastiquement les crédits destinés à financer la « Compétitivité au service de la croissance et de l'emploi », il a, dans le même temps, porté la priorité sur l'effort de recherche en souhaitant que, d'ici à 2013, il augmente de 75 % par rapport à 2006.

Une chose est sûre, l'accord institutionnel qui sera finalement retenu sur les perspectives financières de l'Union aura un fort impact sur la politique de recherche au niveau européen. Il faut donc veiller, comme le recommande M. Daniel Garrigue dans son rapport (n° 2886) au nom de la délégation pour l'Union européenne, à ce que les « moyens budgétaires mis en _uvre permettent de faire réellement vivre les nouveaux instruments proposés pour le 7ème PCRD » (point 7).

De ce point de vue, la volonté affirmée par le Conseil, sur la recommandation de la France, de faire appel à des prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) pourrait permettre de dégager des financements supplémentaires.

Ambitieux sur le plan financier, le 7ème PCRD l'est également par les nouvelles formes de coopération qu'il propose. Il présente deux innovations majeures en direction l'une de la recherche académique, l'autre de la recherche appliquée : la création d'un Conseil européen de la recherche (CER) et la mise en place d'initiatives technologiques conjointes.

- Le Conseil européen de la recherche (CER) est à la fois une instance prospective et une agence de moyens, sur le modèle des councils britanniques. S'inspirant également de la National Science Foundation (NSF) américaine, le CER, dont l'idée remonte à une communication de janvier 2004 de la Commission, financera exclusivement, comme son modèle américain, la recherche fondamentale.

Composé de 22 membres déjà nommés (dont deux Français, le physicien Daniel Estève, vice-président, et le linguiste et sémiologue Alain Peyraube) et présidé par le Grec Fotis C. Kafatos, le CER aura pour principales missions l'établissement de la stratégie scientifique globale, l'élaboration du programme de travail et du cahier des charges des appels d'offres ainsi que la sélection des experts et des méthodes retenues pour évaluer les projets qui lui seront soumis.

Le CER n'est pas une simple structure venant s'ajouter aux précédentes. Il constitue en réalité un changement de perspective dans la construction de l'Europe de la recherche. Jusqu'alors le PCRD avait essentiellement mis l'accent sur une logique d'aménagement du territoire et porté l'effort sur le rattrapage scientifique des pays de l'Union les moins avancés ; les projets susceptibles de recevoir des subsides européens devaient ainsi impérativement associer des scientifiques et des laboratoires issus de plusieurs Etats de l'Union. Cette approche n'a pas disparu. On la retrouve dans le volet « Coopérations » du 7ème PCRD.

Mais, désormais, avec la création du CER, la philosophie de l'action européenne dans le domaine de la recherche va également dans le sens d'une prime donnée à l'excellence, sans autre considération. L'effort est d'emblée ambitieux puisque la Commission propose pour le volet « Idées », qui regroupe les financements liés au CER, un budget de 11,8 milliards d'euros (avant les arbitrages qui auront nécessairement lieu) pour la période 2007-2013, soit 16 % du budget total du PCRD.

- Le deuxième outil novateur mis en place par le 7ème PCRD est la création des initiatives technologiques conjointes. En réponse au déficit de recherche industrielle en Europe, et dans le prolongement du dispositif des « plates-formes technologiques » existantes, il s'agit de grands programmes associant partenaires publics et privés autour d'une thématique de recherche commune. Dans son état actuel, le dispositif encourt un double reproche, comme d'ailleurs tous les dispositifs mis en place par l'Union européenne en matière de recherche, ce que la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne ne manque pas de relever (points 6 et 8) : sa complexité et son manque de lisibilité. Mais la démarche va dans le bon sens.

Qu'il s'agisse du CER ou des initiatives technologiques conjointes, les orientations retenues répondent, comme en écho, aux dispositifs que la France est en train de mettre en place.

II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Prenant acte des contours du futur PCRD et dans l'attente des derniers arbitrages financiers, la présente proposition de résolution s'articule autour de deux axes. La délégation souhaite que la France tire mieux parti des instruments proposés par l'Union européenne et, dans le même temps, réclame une politique européenne plus ambitieuse.

Il ne fait aucun doute que les nouveaux outils proposés dans le cadre du prochain PCRD sont de nature, si notre pays sait s'en saisir, à conforter la participation française au programme européen. L'accent mis sur l'excellence ne peut en effet que favoriser un pays moteur, avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, de la science européenne.

De plus, les nouveaux instruments européens - CER et initiatives technologiques conjointes - sont très proches, dans leurs structures et dans leur finalité, des nouveaux dispositifs français que sont l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'Agence de l'innovation industrielle (AII) ou les pôles de compétitivité. A notre pays de savoir en « tirer pleinement parti » (point 1).

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est pleinement convaincue de cet impératif puisque, chaque fois que cela a été possible, elle s'est appliquée à articuler le dispositif français proposée par le projet de loi de programme pour la recherche avec les structures européennes. C'est ainsi qu'elle a souhaité que le Haut conseil de la science et de la technologie prenne en compte les actions menées au niveau de l'Espace européen de la recherche, que les formes de coopération mises en place par le projet de loi (PRES et réseaux thématiques de recherche avancée) puissent intégrer des établissements européens et, enfin, que l'évaluation de la recherche française organisée autour de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) fasse appel à des évaluateurs issus de l'Union européenne.

Selon un principe identique, il apparaît souhaitable que l'AII, dont la vocation est de financer des projets industriels et technologiques de très grande envergure, puisse être ouverte à nos partenaires européens (point 5). C'est d'ailleurs en partie le cas puisque, lors d'un Conseil des ministres franco-allemand, la France et l'Allemagne ont arrêté un certain nombre de projets communs que l'agence pourrait être amené à financer.

L'identité de vue entre le rapporteur de la commission et le rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, M. Daniel Garrigue, est donc totale car fondées sur une même conviction : la France à elle seule n'est pas de taille à s'imposer dans la compétition scientifique mondiale : la « convergence » est donc « nécessaire », pour reprendre l'un des intitulés du rapport d'information de la délégation pour l'Union européenne sur le 7ème PCRD (n° 2886) ; elle doit se faire dans le cadre de l'Espace européen de la recherche.

En dépit de points positifs, M. Daniel Garrigue regrette que la recherche européenne ne soit pas « plus ambitieuse » (point 6).

Même s'il serait réducteur de ne s'en tenir qu'à un chiffre, on ne peut que constater le retard pris par l'Union européenne dans l'accomplissement des objectifs qu'elle s'était elle-même fixée à Lisbonne (2000) : l'objectif des 3 % du produit intérieur brut (PIB) consacrés à la recherche à l'horizon 2010 ne sera pas atteint. Plus inquiétant sans doute, avec une moyenne européenne de dépenses en recherche et développement située à 1,9 % du PIB, l'Europe se situe certes au-dessus de la Chine (1,1 % en 2001) - pour combien de temps encore ? - mais loin derrière les Etats-Unis (2,7 %) et le Japon (3,1 %), alors que la stratégie de Lisbonne avait précisément pour ambition de permettre de les rattraper.

Dès lors, et au-delà des seuls aspects financiers, on peut regretter que l'action européenne n'aille pas plus loin. Et le rapporteur partage ici entièrement l'analyse de la délégation et ses propositions. En effet, il faut notamment :

- renforcer et pérenniser les mécanismes d'appel à projets (point 2) ;

- mieux associer les PME aux programmes de recherche et d'innovation (point 5) ;

- renforcer la gouvernance des programmes européens en instituant, pour chaque projet, de véritables chefs de file (point 9) ;

- encourager la mobilité des chercheurs (point 10) ;

- doter l'Union d'une véritable stratégie en matière de recherche (point 11) ;

- mettre systématiquement en commun, dans le cadre de l'évaluation, les experts des différents membres de l'Union (point 3).

Concernant l'évaluation, le rapporteur a lui-même tenté de promouvoir une telle initiative au niveau européen. Si elle rencontre systématiquement l'assentiment des chercheurs européens, elle a reçu en revanche un accueil plus que réservé de la part du Commissaire européen à la recherche, M. Janez Potocnik, et de l'ancien directeur général de la recherche à la Commission européenne, M. Achilleas Mistos, qui n'ont pas souhaité donner suite à sa proposition de mettre en place un pool d'évaluateurs européens.

Il pourrait pourtant s'agir d'un dispositif léger tel qu'une structure informelle constituée d'une simple base de donnée, gérée au niveau européen, alimentée par des chercheurs issus de l'Union entière et dans laquelle les Etats membres viendraient ensuite puiser les ressources humaines au gré de leurs besoins. Il apparaît en effet évident que le premier ennemi d'une évaluation de qualité est l'endogamie du système et que tous les pays européens, y compris la France, sont confrontés à des viviers d'experts restreints.

La mise en place d'un pool d'évaluateur pourrait ainsi être la première des prochaines initiatives promues par la France auprès de ses partenaires européens. D'autres pourraient suivre, comme le fait d'encourager la mise en place d'agences de financement thématiques, de mettre en place une politique volontariste pour mieux associer les PME à l'effort de recherche ou d'envisager l'adoption, au niveau européen, d'une réglementation s'inspirant du Bayh-Dole act américain.

Le rapport sur la recherche et l'innovation européennes de l'ex-Premier ministre finlandais, M. Esko Aho, réalisé à la suite du sommet européen informel d'Hampton Court (novembre 2005) et intitulé Créer une Europe innovante, constitue une véritable invitation à le faire, tant sa lecture montre que les difficultés rencontrées par la recherche européenne (déficit de recherche privée, faiblesse du capital-risque) sont à l'image des insuffisances françaises.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Michel Dubernard, la proposition de résolution au cours de sa séance du mercredi 1er mars 2006.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Daniel Garrigue, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, a déclaré partager totalement les conclusions du rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. M. Jean-Michel Dubernard est d'ailleurs directement à l'origine de l'une des propositions de la délégation : celle concernant la mutualisation des compétences d'évaluation européennes. Il faut rappeler que si l'effort moyen de recherche chiffré en Europe s'élève à 1,9 % du PIB, il recouvre en fait des situations très diverses. En 2004, ce taux était de 2,16 % en France : notre situation n'est donc pas parmi les plus mauvaises.

Le rapporteur a observé que le rang moyen de la France n'est obtenu que grâce au poids élevé de l'effort de recherche publique alors que l'objectif européen recommande que l'engagement des entreprises privées représente les deux tiers de l'effort national de recherche.

M. Daniel Garrigue, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, a ensuite apporté les précisions suivantes :

- Les ambitions affichées dans le PCRD (et notamment le nombre d'outils qu'il contient) étant considérables par rapport aux moyens qui y sont affectés, des arbitrages apparaissent nécessaires pour préserver l'efficacité du PCRD.

- Le parallélisme des institutions mis en place à l'échelon européen à travers le PCRD et à l'échelon national avec le projet de loi pour la recherche est effectivement intéressant, mais certaines clarifications s'imposeront.

- Du point de vue stratégique, on est en droit d'adopter une attitude iconoclaste à l'encontre de la « stratégie de Lisbonne ». Cette « stratégie » a certes eu le mérite de promouvoir l'objectif de consacrer 3 % du PIB à la recherche. Mais, pour le reste, c'est en fait une stratégie par procuration qui s'en remet aux États membres pour fixer les orientations stratégiques. Il s'agit d'une véritable faiblesse européenne par rapport aux Etats-Unis ou au Japon, ce constat ne valant d'ailleurs pas que pour la recherche mais aussi pour l'énergie ou la technologie.

M. Pierre Cohen a estimé qu'il est paradoxal de débattre simultanément du futur PCRD et d'un projet de loi pour la recherche qui n'établit aucun lien avec les instruments européens. Cette situation est grave. La France, par exemple dans le domaine de l'espace, a su impulser de grandes politiques européennes, mais tel n'est plus le cas depuis quelques années. Par ailleurs, si on peut regretter que les débats en cours sur la recherche, très sérieux et plutôt consensuels en commission, ne le soient pas en séance publique c'est uniquement le fait du triomphalisme du ministre délégué à la recherche, triomphalisme qui n'est vraiment pas de mise : comment peut-on se targuer de promouvoir la recherche européenne quant la politique européenne de la France ne vise qu'à défendre les moyens affectés à l'agriculture et à réduire le plus possible l'ensemble du budget communautaire ?

M. Alain Claeys a jugé inacceptable le point 6 de la proposition de résolution, aux termes duquel la légation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale « souhaite que la recherche européenne soit plus lisible et plus ambitieuse » ; non pas sur le fond de la proposition, qu'il partage, mais compte tenu de la position française sur les perspectives financières de l'Union exprimée par le Président de la République : comment peut-on à la fois réclamer un engagement financier plus soutenu de l'Union européenne dans la recherche lorsque dans le même temps on plaide pour une stabilisation de son budget global - compte tenu des besoins de financement liés à l'élargissement - et le maintien en l'état du soutien aux programmes existants ?

En réponse aux orateurs, le rapporteur a tout d'abord souligné la nécessité de dissocier les dispositions du projet de loi de programme pour la recherche, actuellement en cours d'examen par l'Assemblée nationale, de la proposition de résolution et du rapport d'information de la délégation pour l'Union européenne sur le 7ème programme-cadre de recherche et de développement des Communautés européennes. Concernant le projet de loi, il est regrettable que sur un tel sujet, un consensus n'ait pu émerger alors même qu'il tend, enrichi des amendements adoptés par la commission, à être le plus « eurocompatible » possible. Les articulations sont forcément limitées. Il n'appartient pas en effet à la Représentation nationale de statuer en lieu et place de l'Union européenne ; il lui est cependant possible de préparer les débats et d'affirmer sa volonté d'avancer sur ce sujet avec les partenaires européens de la France puisqu'il est évident, et tous les députés sont d'accord sur ce point, que l'avenir de la recherche européenne dépendra des efforts que nous ferons tous en la matière. Aussi il est regrettable qu'un consensus n'ait pu être trouvé.

M. Alain Claeys s'est déclaré en désaccord avec la position du rapporteur quant à la possibilité de parvenir à un consensus sur cette question, dans la mesure où il existe de profondes divergences entre la majorité et l'opposition parlementaires, notamment, sur le mode de fonctionnement de la recherche et de l'enseignement supérieur et sur les moyens financiers qui doivent leur être consacrés. Ni médiocre, ni sectaire, ce débat est au contraire noble et correspond au fonctionnement démocratique normal d'une assemblée parlementaire. Le nombre raisonnable d'amendements déposé par le groupe socialiste doit d'ailleurs permettre d'examiner en profondeur l'ensemble des questions soulevées par ce projet.

Le rapporteur a néanmoins estimé que, pour des raisons politiques, l'opposition affiche sans doute des divergences plus marquées qu'elles ne le sont en réalité.

Mme Anne-Marie Comparini a pour sa part rappelé que la délégation pour l'Union européenne a insisté sur le fait que les perspectives financières européennes pour les sept prochaines années semblent trop limitées si l'on veut promouvoir efficacement tant la recherche que la compétitivité des entreprises. À cet égard, dans le prolongement des débats qui ont eu lieu au sein du Parlement européen, il serait souhaitable que les parlementaires français se prononcent en faveur d'une augmentation du budget de la Commission européenne.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté la proposition de résolution sans modification.

*

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

SUR LE 7ÈME PROGRAMME-CADRE DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (PCRD)

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) et la proposition de décision du Conseil relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire (2007-2011) (COM [2005] 119 final/n° E 2869),

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013) (COM [2005] 121 final/n° E 2881),

Vu la proposition de décision du Conseil relative à un programme spécifique à mettre en oeuvre au moyen d'actions directes par le Centre Commun de recherche au titre du septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 439 final/n° E 2995),

Vu la proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique « Coopération » mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 440 final/n° 2996),

Vu la proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique « Idées » mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 441 final/n° E 2997),

Vu la proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique « Personnel » mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 442 final/n° E 2998),

Vu la proposition de décision du Conseil relative au programme spécifique « Capacités » mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2013) (7ème PCRD) de la Communauté européenne pour des activités de recherche, de développement technologique et de démonstration (COM [2005] 443 final/n° E 2999),

Vu la proposition de décision du Conseil relative un programme spécifique à mettre en oeuvre au moyen d'actions directes par le Centre Commun de recherche au titre du septième programme-cadre (2007-2011) (7ème PCRD) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche nucléaire et de formation (COM(2005) 444 final/n° E 3000),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en _uvre du septième programme cadre de la Communauté européenne et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2013) (COM [2005] 705 final/n° E 3057),

Vu la proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique mettant en oeuvre le septième programme-cadre (2007-2011) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire (COM [2005] 445 final/n° E 3063),

Vu la proposition de règlement du Conseil (Euratom) définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en _uvre du septième programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2011) (COM [2006] 42 final/n° E 3083),

Considérant l'implication déjà ancienne et importante de la France dans les différents programmes européens de recherche ;

Considérant l'effort engagé par l'Union européenne pour élargir le champ de ses actions dans le domaine de la recherche ;

1. Souhaite que, dans le cadre du projet de loi de programme pour la recherche, la France sache tirer pleinement parti des instruments proposés par l'Union européenne et des expériences conduites par ses partenaires ;

2. Demande en particulier que les mécanismes nouveaux d'appel à projets soient renforcés et pérennisés ;

3. Souhaite que les évaluations fassent une part importante aux experts venus de pays de l'Union européenne et que, dans cet esprit, une mise en commun systématique des experts soit envisagée avec nos partenaires ;

4. Estime nécessaire que la France se positionne, éventuellement, avec d'autres Etats membres, sur le projet d'Institut européen de technologie ;

5. Est favorable à ce que la démarche d'une nouvelle politique industrielle (mise en _uvre par l'Agence de l'innovation industrielle) soit ouverte vers nos partenaires et que la mise en place de mécanismes et de réseaux appropriés permette à nos PME d'accéder aux programmes européens de recherche et d'innovation ;

6. Souhaite d'autre part que la recherche européenne soit plus lisible et plus ambitieuse ;

7. Demande en particulier que les moyens budgétaires mis en _uvre permettent de faire réellement vivre les nouveaux instruments proposés pour le 7ème programme-cadre, tels que le Conseil européen de la recherche ;

8. Souhaite qu'un effort général de simplification des procédures permette de réduire les coûts de gestion de certains outils tels que les réseaux d'excellence ;

9. Estime nécessaire que la gouvernance des programmes européens soit renforcée, notamment par la désignation de véritables chefs de file lorsque la conduite de certains programmes est partagée entre plusieurs directions générales de la Commission européenne ;

10. Insiste pour que des moyens plus significatifs soient consacrés à encourager la mobilité des chercheurs, notamment dans le cadre des actions « Marie Curie » ;

11. Demande enfin que, face aux enjeux de la mondialisation, l'Union européenne se dote de véritables capacités d'analyse et d'intelligence économique, qu'elle soit capable de définir les enjeux énergétiques, industriels et technologiques vitaux pour son avenir, et qu'elle mette en place les instruments propres à soutenir et affirmer ces enjeux, en un mot que l'Europe se donne enfin une véritable stratégie.

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N° 2918 - Rapport fait AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2885) de M. Daniel Garrigue, sur le 7ème programme-cadre de recherche et de développement des Communautés européennes (PCRD) (M. Jean-Michel Dubernard)

1 () COM [2005] 119 final/n° E 2869 et COM [2005] 121 final/n° E 2881.

2 () COM [2005] 439 final/n° E 2995 ; COM [2005] 440 final/n° 2996 ; COM [2005] 441 final/n° E 2997 ; COM [2005] 442 final/n° E 2998 ; COM [2005] 443 final/n° E 2999 ; COM(2005) 444 final/n° E 3000 ; COM [2005] 445 final/n° E 3063.

3 () COM [2005] 705 final/n° E 3057.

4 () COM [2006] 42 final/n° E 3083.

5 () COM [2005] 119 final/n° E 2869 ; COM(2005) 444 final/n° E 3000 ; COM [2005] 445 final/n° E 3063 ; COM [2006] 42 final/n° E 3083.


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