N° 3278 - Rapport de M. Jean-Claude Lenoir sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie (n°3201)




N
° 3278

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 août 2006

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE LOI relatif au secteur de l’énergie (n° 3201),

PAR M. JEAN-CLAUDE LENOIR,

Député.

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Voir le numéro 3277

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

I.— AUDITIONS 19

Audition de M. Thierry BRETON, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, et de M. François LOOS, ministre délégué à l’industrie 19

Audition de M. Jean-Claude MAILLY, secrétaire général de FO 37

Audition de M. Jean-Pierre SOTURA, secrétaire général UFICT-CGT (Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens), M. Olivier BARRAULT, administrateur FNME-CGT (Fédération nationale des mines énergies) et M. Eric ROULOT, secrétaire de la FNME-CGT 50

Audition de M. Michel LAMY, secrétaire national CFE-CGC, M. Jean-Claude PELOFY, secrétaire général CFE-CGC des IEG, M. Bernard GLÉNAT, délégué national CFE-CGC des IEG et M. Alexandre GRILLAT, administrateur EDF 63

Audition de M. Christophe QUAREZ, secrétaire national de la Fédération Chimie Énergie CFDT et Mme Marie-Hélène GOURDIN, déléguée fédérale en charge de la branche IEG 72

Audition de M. Jacky DINTINGER, Secrétaire général de la CFTC 76

Audition de M. Gérard MESTRALLET, président-directeur général de Suez 83

Audition de M. Pierre GADONNEIX, président d’EDF 95

Audition de M. Jean-François CIRELLI, président-directeur général de Gaz de France 108

II.— DISCUSSION GÉNÉRALE 119

Réunion du 26 juillet 2006 de présentation du rapport d'étape de M. Jean-Claude LENOIR, rapporteur 119

Réunion du 29 août 2006 135

III.— EXAMEN DES ARTICLES 143

TITRE IER — OUVERTURE DES MARCHÉS ET LIBRE CHOIX DES CONSOMMATEURS 143

Avant l’article 1er 150

Article 1er : Éligibilité de l’ensemble des consommateurs d’électricité 161

Après l’article 1er 170

Article 2 : Eligibilité de l’ensemble des consommateurs de gaz naturel 171

Après l’article 2 172

Article 3 : Tarification de solidarité pour le gaz naturel et compensation des charges en résultant 172

Après l’article 3 176

Article additionnel avant l’article 4 : Tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché 177

Article 4 : Conditions d’accès aux tarifs réglementés 181

Après l’article 4 182

Article 5 : Coordination 182

Après l’article 5 183

TITRE II — DISPOSITIONS RELATIVES À LA DISTRIBUTION DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ 185

Article 6 : Séparation juridique des gestionnaires de réseau de distribution 186

Après l’article 6 203

Article7 : Opérateur commun 205

Après l’article 7 206

Article 8 : Péréquation des tarifs d’utilisation des réseaux de distribution dans les zones de desserte des concessions régies par la loi de 1946 206

Article 9 : Abrogation de dispositions obsolètes relatives au Fonds de péréquation du gaz 207

Après l’article 9 208

Article additionnel après l’article 9 : Coopération intercommunale dans le domaine de la distribution publique d’électricité 208

Article additionnel après l’article 9 : Financement des travaux réalisés par un syndicat de communes par une contribution financière de ses communes 209

Article additionnel après l’article 9 : Imputation budgétaire des contributions des communes aux travaux réalisés par leur syndicat de communes 209

Après l’article 9 210

Article additionnel après l’article 9 : Versement d’une contribution au syndicat d’électricité par les communes membres 210

Après l’article 9 210

TITRE III — DISPOSITIONS RELATIVES AU CAPITAL DE GAZ DE FRANCE ET AU CONTRÔLE DE L’ETAT 211

Article 10 : Part du capital d’EDF et de Gaz de France détenue par l’Etat, modalités de contrôle public sur Gaz de France et ses filiales et autorisation de privatisation de Gaz de France 211

Article 24-1 [nouveau] de la loi du 9 août 2004 : Action spécifique de l’Etat au capital de Gaz de France 213

Article 24-2 [nouveau] de la loi du 9 août 2004 : Commissaires du Gouvernement auprès de Gaz de France et de certaines sociétés qui en sont issues 216

Article 11 : Propriété du capital et règles applicables à la société gestionnaire du réseau de transport de gaz issue de la séparation juridique de Gaz de France 224

Article 12 : Autorisation de privatisation de la production, du transport et de la distribution du gaz naturel 225

TITRE IV — DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONTRATS DE FOURNITURE D’ÉLECTRICITÉ OU DE GAZ NATUREL 226

Article 13 (articles L. 121-86 à L. 121-93 [nouveaux] du code de la consommation) : Mesures relatives à la protection des consommateurs 226

Article additionnel après l’article 13 : Extension du champ d’application de la section 12 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation à certains clients non domestiques 245

Après l’article 13 246

TITRE V — DISPOSITIONS TRANSITOIRES 250

Article 14 : Entrée en vigueur des articles 1er à 5 250

Article 15 : Date avant laquelle la séparation juridique des gestionnaires des réseaux de distribution doit intervenir 252

Article 16 : Modalités transitoires de fonctionnement des organes dirigeants des sociétés gestionnaires de réseaux 252

Après l’article 16 252

Article 17 : Application de certaines dispositions de la loi à Mayotte 253

Après l’article 17 253

TABLEAU COMPARATIF 259

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 297

ANNEXE : Rapport de M. Jean-Claude LENOIR sur la consultation organisée dans le cadre du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz sur l’ouverture des marchés au 1er juillet 2007 343

MESDAMES, MESSIEURS,

 

Au bout d’un long processus, il nous appartient aujourd’hui d’achever l’ouverture à la concurrence des marchés du gaz naturel et de l’électricité. En application des directives européennes(1), ces marchés devront, en effet, être totalement ouverts dans moins de onze mois. Le secteur terminera ainsi une révolution engagée à partir de 2000 avec la loi de transposition de la première directive électrique.

A cette fin, le projet de loi relatif au secteur de l’énergie comporte trois séries de dispositions ayant respectivement pour objet :

– de transposer les dispositions des directives selon des modalités adaptées aux spécificités de notre secteur électrique et gazier ;

– de procéder à des adaptations de notre droit ne relevant pas du champ de la stricte transposition des directives au nouveau contexte créé par celle-ci ;

– enfin, de moderniser le régime juridique de nos entreprises publiques du secteur, désormais pleinement satisfaisant s’agissant d’EDF, pour placer également Gaz de France en situation de poursuivre son développement dans ce nouveau contexte.

En outre, le projet de loi propose d’enrichir le service public de l’énergie en créant un tarif social du gaz naturel.

I.— DES DISPOSITIONS DE TRANSPOSITION PRENANT EN COMPTE NOS SPÉCIFICITÉS NATIONALES

Le projet de loi relatif au secteur de l’énergie propose de transposer les dispositions des directives devant entrer en vigueur au plus tard au 1er juillet 2007. C’est l’objet de ses articles 1er et 2 qui élargissent à l’ensemble des consommateurs l’éligibilité c’est-à-dire le droit de choisir librement leur fournisseur de gaz naturel et d’électricité, de son article 6 qui organise la séparation juridique des gestionnaires des réseaux de distribution et, pour partie, de son article 13 qui transpose des dispositions relatives à la protection des consommateurs.

L’adoption de ces dispositions est évidemment nécessaire en application de nos engagements internationaux. Les dispositions concernées des directives seraient d’ailleurs, pour la plupart d’entre elles, directement applicables en droit français en l’absence de transposition, celle-ci nous permettant toutefois de les adapter aux spécificités des secteurs français de l’électricité et du gaz.

Le projet de loi le prévoit, notamment en tenant compte de l’existence de l’opérateur de réseaux commun à EDF et Gaz de France dont il ne modifie pas le périmètre des missions (défini à l’article 5 de la loi du 8 avril 1946) et qu’il se borne, par l’article 7, à transformer en service commun aux filiales gestionnaires des réseaux de distribution séparées juridiquement, en application de l’article 6, d’EDF et de Gaz de France.

Il est toutefois apparu, lors des travaux de la Commission, que les modalités de transposition retenues par le projet de loi tenaient, en revanche, insuffisamment compte des spécificités des distributeurs non nationalisés. La Commission a été saisie de plusieurs amendements sur cette question qu’elle n’a pu retenir en l’état. Il lui apparaît toutefois souhaitable que le texte soit substantiellement amélioré sur ce point en séance publique.

S’agissant de la transposition des dispositions des directives relatives à la protection des consommateurs, le projet de loi apparaît satisfaisant sous réserve de la question de la médiation des litiges entre clients et fournisseurs. En application de la disposition des directives prévoyant la mise en place de « procédures transparentes, simples et peu onéreuses » pour traiter les plaintes des consommateurs permettant un « règlement équitable et rapide des litiges », le projet de loi propose la mise en place de médiateurs au sein des entreprises de fourniture d’énergie. Comme plusieurs parties, et notamment les représentants des consommateurs entendus par le rapporteur, l’ont souhaité, la Commission a estimé préférable de substituer à ce système un organisme de médiation public, susceptible de juger des pratiques de l’ensemble des opérateurs du secteur et offrant aux clients un guichet unique à leurs plaintes. Il vous est conséquemment proposé de confier le secrétariat de cet organisme au régulateur sectoriel, la Commission de régulation de l’énergie, déjà compétente pour traiter des litiges relatifs à l’accès aux réseaux et qui pourra orienter simplement les plaintes selon leur nature.

II.— LES ADAPTATIONS DE NOTRE DROIT SECTORIEL RENDUES NÉCESSAIRES PAR LE CONTEXTE CRÉÉ PAR LA TRANSPOSITION

L’essentiel de l’adaptation de notre secteur électrique et gazier au nouveau contexte créé par l’ouverture à la concurrence ne relève pas de la stricte transposition des directives et il aurait été irresponsable de s’en tenir à celle-ci.

La question centrale à cet égard est celle des tarifs réglementés, offerts par les opérateurs historiques aux clients n’ayant pas exercé leur éligibilité.

Cette question est d’abord juridique. Notre droit électrique et gazier repose aujourd’hui sur la distinction entre les clients non éligibles et les clients éligibles (cette dernière catégorie se subdivisant elle-même en deux, selon que l’éligibilité ait ou non été exercée). Cette distinction n’aura plus de sens à compter du 1er juillet 2007, date à laquelle les directives (qui sont, sur ce point, d’application directe) imposent de rendre tous les consommateurs éligibles et donc de faire disparaître la catégorie des clients non éligibles. La question du devenir des tarifs réglementés, explicitement définis, en l’état du droit, comme les tarifs de vente aux consommateurs non éligibles, est donc posée.

Sur le fond, votre rapporteur a constaté la divergence des analyses des différents acteurs du secteur énergétique sur la question du devenir de ces tarifs dans le cadre de la consultation sur l’ouverture des marchés de l’énergie au 1er juillet 2007 qu’il a organisée dans le cadre du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz, à la demande du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Pour certains opérateurs et le régulateur, l’ouverture des marchés emporte à terme la disparition des tarifs réglementés, notion qui n’aurait alors plus de sens, sauf à limiter ces derniers à un périmètre spécifique d’obligations de service public. D’autres acteurs, dont les consommateurs et les organisations syndicales, estiment, au contraire, que l’ouverture des marchés ne doit pas entraîner la suppression des tarifs réglementés.

Le projet de loi, qui traite la question à l’article 4, propose d’assurer la pérennité de ses tarifs pour les consommateurs domestiques et de les mettre en extinction pour les consommateurs professionnels, en privant de leur bénéfice, à compter du 1er janvier 2008, les nouveaux sites de consommation professionnelle.

Pour votre Commission, l’éligibilité est et doit rester une faculté que nul ne peut être contraint d’exercer. A cette question de principe, s’ajoute le fait que le système actuel serait, dans l’hypothèse où les prix resteraient durablement supérieurs aux tarifs comme c’est aujourd’hui le cas, fortement pénalisant pour le développement d’activités nouvelles. Votre Commission estime donc nécessaire de maintenir l’accès aux tarifs pour tous les consommateurs, y compris les nouveaux sites de consommation non domestiques, sans limitation de durée.

Une question liée est celle des conséquences de l’exercice par un consommateur de son éligibilité. En l’état du droit, l’éligibilité est une option exercée pour un site de manière irrévocable. Cela signifie que lorsqu’un consommateur a, pour un commerce donné, renoncé au bénéfice des tarifs réglementés en exerçant son éligibilité pour conclure un contrat à un prix librement négocié, ce site ne peut plus bénéficier d’une fourniture au tarif réglementé, même si cette fourniture est sollicitée par un nouvel occupant.

Ce dispositif apparaît peu opérationnel pour les ménages qui pourront exercer, à partir du 1er juillet 2007, leur éligibilité. Reprenant une solution conçue lors de la consultation animée par votre rapporteur dans le cadre du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz, le projet de loi propose, sans modifier le système s’agissant des consommateurs non domestiques, d’organiser l’éligibilité des ménages sur la base du couple site/personne.

Cela signifie que, pour les consommateurs domestiques, le bénéfice des tarifs sera ouvert à tout consommateur n’ayant pas lui-même exercé son éligibilité sur un site. Il s’ensuit qu’un ménage s’installant dans un appartement pour lequel l’éligibilité a été exercée par les occupants précédents pourra néanmoins, s’il le souhaite, bénéficier du tarif. En revanche, une même personne ne pourra pas revenir au tarif pour un site donné après avoir exercé son éligibilité pour ce site. L’occupant d’un logement ayant exercé son éligibilité pour ce logement ne pourra donc bénéficier à nouveau des tarifs qu’après avoir déménagé.

Ce système évite, en premier lieu, l’inconvénient du droit existant, reposant sur la seule notion de site, qui serait de distinguer, éventuellement en affectant leur valeur si l’écart entre les prix et les tarifs devait se maintenir, les logements pour lesquels l’éligibilité a été exercée de ceux pour lesquels elle ne l’a pas été. Il évite également, symétriquement, l’inconvénient d’un dispositif attaché à la personne qui aurait supposé la constitution d’un fichier nominatif exhaustif des consommateurs et qui aurait interdit tout « droit à l’erreur ».

Votre Commission estime ce dispositif pleinement satisfaisant mais juge nécessaire de tirer des conclusions de l’expérience d’éligibilité des consommateurs professionnels dont il apparaît qu’ils ont souvent exercé cette faculté sans être conscients de son caractère irrévocable.

Il vous est donc proposé, en premier lieu, dans la perspective de l’élargissement de l’éligibilité, de renforcer l’information des petits consommateurs quant à la nature des offres commerciales qu’ils reçoivent. Votre Commission vous propose ainsi de prévoir, sur les offres contractuelles et les contrats, une mention obligatoire du caractère réglementé ou non des clauses tarifaires proposées et une information sur l’irrévocabilité de l’exercice de l’éligibilité.

Votre Commission vous propose également d’imposer aux opérateurs historiques, déjà tenus d’offrir le tarif réglementé aux clients pouvant y avoir droit le demandant, de leur proposer systématiquement une offre à ce tarif, y compris, pour ce qui concerne l’énergie qu’ils distribuent au tarif (donc l’électricité pour EDF et le gaz naturel pour Gaz de France), lorsqu’ils proposent des offres concernant les deux énergies. Le consommateur devra ainsi renoncer explicitement au bénéfice du tarif et sans démarche expresse de sa part, toute offre commerciale qu’il aurait acceptée se verrait appliquée les conditions tarifaires du tarif réglementé.

En second lieu, il apparaît aujourd’hui que les consommateurs professionnels ayant exercé leur éligibilité sont confrontés à la forte hausse du prix de l’électricité. Cette situation met aujourd’hui en péril l’équilibre économique de certaines entreprises. Elle crée, en outre, des distorsions de concurrence entre ces entreprises et leurs voisins et concurrents restés au tarif.

La Commission vous propose donc de répondre à cette situation par l’instauration d’un droit temporaire, devant être exercé avant le 1er juillet 2007, de retour pendant une période transitoire de deux ans à un tarif réglementé spécifique d’ajustement du marché, défini par arrêté dans la limite de 130 % du tarif réglementé de droit commun.

Le bénéfice de ce tarif sera ouvert à l’ensemble des consommateurs pour leur consommation finale, à la seule exclusion donc des consommations correspondant aux pertes des gestionnaires des réseaux électriques. Il sera obligatoirement consenti par le fournisseur du client au 1er août 2006, le choix d’une date antérieure au dépôt de l’amendement permettant d’éviter, compte tenu de la création simultanée d’un dispositif de compensation au bénéfice des fournisseurs incapables de produire ou d’acquérir l’électricité correspondante à un prix leur permettant de fournir au niveau du tarif d’ajustement du marché, que des fournisseurs, qui ne seraient pas compensés en application du dispositif, organisent le départ de leurs clients vers d’autres fournisseurs qui le seraient.

Cette compensation sera due par les producteurs exploitant les installations de production d’électricité en base hydrauliques et nucléaires, EDF et Suez, sans conséquence pour les consommateurs et notamment sur les tarifs réglementés de droit commun. Ce sont ces producteurs qui en supporteront le coût, notre volonté étant de garantir le maintien du bénéfice des rentes nucléaire et hydraulique aux consommateurs.

III.— LA NÉCESSITÉ DE DONNER À GAZ DE FRANCE LA POSSIBILITÉ DE POURSUIVRE SON DÉVELOPPEMENT DANS LE NOUVEAU CONTEXTE

Outre les dispositions d’adaptation générale de notre secteur électrique et gazier à l’ouverture à la concurrence, le projet de loi propose, en dernier lieu, une évolution de la part du capital de Gaz de France détenue par l’Etat.

Il convient de rappeler que deux lois précédentes, les lois du 10 février 2000 et du 3 janvier 2003, assuraient la transposition des premières directives sans modifier fondamentalement le statut de nos opérateurs historiques, EDF et GDF. Ces deux premières directives imposaient une ouverture à la concurrence progressive. Six ans après l'entrée en vigueur de la directive relative à l'électricité et dix ans après l'entrée en vigueur de la directive relative au gaz naturel, la part de marché ouverte à la concurrence devait ainsi représenter environ un tiers du marché total.

La portée de cette modification de l'organisation de nos marchés électriques et gaziers ne doit pas être surestimée. Il existe, en effet, de très gros consommateurs industriels d'électricité et de gaz naturel. L'éligibilité prévue par les premières directives ne concernait donc, en pratique, que ces grands consommateurs, soit quelques milliers de sites sur tout le territoire.

Du point de vue de nos entreprises publiques, le changement était significatif mais ne constituait pas un bouleversement. Chacun sait, en effet, que même si elle n'était pas prévue par le droit, une forme de concurrence existait déjà pour ces grands industriels qui, de fait, négociaient les conditions de leur approvisionnement énergétique avec les opérateurs historiques soit en faisant jouer la concurrence entre énergies, soit en prenant en compte le critère du coût dans le choix de leurs sites de production en Europe. On doit, en outre, rappeler que la France exporte entre 15 % et 20 % de son électricité vers des Etats voisins dans des conditions qui ont toujours été concurrentielles et que l'ouverture à la concurrence du tiers du marché national ne traduisait, en quelque sorte, par rapport au régime du monopole, qu'un prolongement de l'existant.

L'accord politique, intervenu en mars 2002 au Conseil européen de Barcelone, sur une nouvelle étape de libéralisation des marchés (2) a, en revanche, changé la nature de celle-ci. Il a, en effet, été convenu, à ce sommet, d'ouvrir à la concurrence, dès juillet 2004, l'intégralité du marché des professionnels, entreprises, artisans, commerçants et professions libérales, soit environ 70 % du marché français. Changeant ainsi d'échelle pour concerner désormais des dizaines de millions de clients, l'ouverture à la concurrence a véritablement changé de nature pour créer un nouvel environnement auquel l'organisation de notre secteur électrique et gazier définie en 1946 n'était clairement plus adaptée.

Une troisième loi, la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières a engagé cette adaptation, d’une part par une transposition des dispositions des deuxièmes directives (à l’exception de celles d’entre elles correspondant à la dernière étape de transposition, devant intervenir au plus tard le 1er juillet 2007, transposée par le présent projet de loi) et, d’autre part, par une transformation d’EDF et de Gaz de France, jusqu’alors établissements publics, en sociétés anonymes au capital détenu au moins à 70 % par l’Etat. Si cette transformation n’était pas directement prévue par les directives, elle en résultait, de fait, mécaniquement.

Qu’est-ce, en effet, que l’ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l’électricité ? Juridiquement, c’est la possibilité donnée à tout opérateur de fournir chaque client en utilisant des réseaux qui doivent être exploités de manière totalement neutre vis-à-vis des intérêts des différents fournisseurs. Économiquement, c’est évidemment le recul des parts de marché des anciens monopoles. Sur des marchés relativement peu dynamiques, cette perte de parts de marché conduit mécaniquement à un recul du chiffre d'affaires. L'immobilisme signifie donc nécessairement le déclin. Celui-ci n'est pas acceptable, d’autant que chacun doit être conscient que le recul du chiffre d'affaires de ces entreprises poserait rapidement la question de l'ajustement de leurs charges et donc de l'évolution de leurs effectifs.

Le nouveau contexte créé par les directives impose donc, de fait, d’organiser la capacité des opérateurs historiques à se développer sur d’autres marchés pour y compenser leur recul sur leur marché initial. Ce nouveau contexte place les opérateurs historiques en concurrence. On le dit parfois peut-être sans mesurer pleinement la portée de ce que cela représente : ce changement est un bouleversement immense qui n’a pas les mêmes effets pour EDF et pour Gaz de France.

Deux différences fondamentales distinguent ces entreprises : la taille (la capitalisation d’EDF représente environ trois fois celle de Gaz de France ce qui signifie qu’il y a à peu près la même différence d’échelle entre les deux entreprises qu’entre Gaz de France et le groupe Essilor) et le fait qu’alors qu’EDF produit l’énergie qu’elle vend, Gaz de France l’achète pour l’essentiel.

Ainsi, alors qu’EDF peut désormais sans difficulté poursuivre son développement dans le cadre fixé par la loi, chacun sait, depuis des années, que Gaz de France doit se rapprocher d’un autre partenaire pour faire face à la concurrence, d’une part, des électriciens développant des offres duales et, d’autre part, des producteurs pétro-gaziers descendant vers l’aval.

Les auditions de la Commission ont d’ailleurs mis en lumière que ce constat était assez largement partagé, y compris par les confédérations syndicales proposant des schémas tel que la fusion d’EDF et de Gaz de France, également défendue par le groupe socialiste, qui reconnaissent implicitement que la taille de Gaz de France est insuffisante pour lui permettre de poursuivre son développement.

Une occasion nouvelle nous est aujourd’hui offerte d’assurer le développement de Gaz de France : le projet de fusion élaboré par cette entreprise et Suez.

L’intérêt industriel du projet est triple.

En premier lieu, la fusion renforce considérablement le nouvel ensemble dans son activité gazière et la sécurité d’approvisionnement. En créant le premier opérateur gazier européen, elle améliore sa position de négociation par rapport à ses fournisseurs et diversifie ses approvisionnements en diminuant notamment la dépendance du nouvel ensemble vis-à-vis de la Russie par rapport à celle de Gaz de France. La Russie ne sera ainsi que le troisième fournisseur du nouvel ensemble (avec environ 15 % des volumes) alors qu’elle est le deuxième fournisseur de Gaz de France (avec près de 20 % des volumes).

Le nouvel ensemble bénéficiera, en outre, d’une position exceptionnelle en matière de gaz naturel liquéfié (GNL) en devenant le premier opérateur mondial de cette activité ce qui est, en soi, un facteur de sécurité d’approvisionnement.

Le GNL permet, en effet, de rompre les logiques régionales du marché du « gaz gazeux » transporté dans des pipelines sur des distances limitées en faisant appel à un approvisionnement mondialisé. Or, pour l’Europe, le gaz transporté dans des pipelines provient principalement de trois zones, la mer du Nord dont on sait que les gisements s’épuisent, la Russie et l’Afrique du Nord, en particulier l’Algérie. A terme, l’Europe sera donc de plus en plus dépendante, pour son approvisionnement par pipelines, de ses fournisseurs algérien et russe, Sonatrach et Gazprom. Lorsque l’on sait que ces deux entreprises viennent de conclure, le 4 août, un mémorandum portant sur la possibilité d’échanger des actifs et des savoir-faire dans le domaine de l’exploration et de la production de gaz, de créer des co-entreprises, de participer ensemble à des développements gaziers internationaux et d’optimiser leurs offres de gaz sur le marché international, on mesure le risque d’une cartellisation des producteurs dont nous dépendons.

Or, le gaz naturel liquéfié nous permet de limiter ce risque, en accédant à des réserves plus lointaines, par exemple, aux réserves du Quatar, pays avec lequel Suez dispose de contrats de long terme. La fusion permet donc, et c’est un point absolument fondamental, d’améliorer notre sécurité d’approvisionnement.

En second lieu, la fusion répond au besoin impératif pour Gaz de France d’acquérir des capacités de production électriques. L’ouverture à la concurrence des marchés européens va, en effet, permettre de proposer aux consommateurs des offres intégrées gaz et électricité dont les petits consommateurs sont clairement demandeurs. Alors que des électriciens peuvent satisfaire cette demande en achetant, comme Gaz de France, du gaz sur les marchés internationaux, Gaz de France n’est pas aujourd’hui en mesure de disposer d’électricité à un prix compétitif. L’apport du parc de production de Suez, très compétitif puisqu’il s’agit, pour l’essentiel, d’une part, du parc de production nucléaire belge et, d’autre part, du parc hydraulique de la compagnie nationale du Rhône est, à cet égard, déterminant. Le nouvel ensemble sera d’ailleurs le cinquième électricien européen.

Enfin, en troisième lieu, la fusion a pour immense mérite d’être possible. Les deux groupes la souhaitent. Son succès, toujours délicat, semble acquis car la culture des deux groupes est proche, grâce à l’expérience de service public de Suez. Enfin, les deux entreprises sont très complémentaires mais présentent peu de redondances en France, de sorte que l’opération n’a aucune raison de se traduire par des suppressions d’emplois.

La fusion est donc opportune mais, c’est incontestable, d’autres rapprochements pourraient également être industriellement pertinents.

C’est probablement le cas d’une fusion entre EDF et Gaz de France. Celle-ci semble toutefois impossible au regard des règles européennes de concurrence.

On sait, en effet, que le contrôle des opérations de concentration entre entreprises est régi au niveau communautaire par le règlement du 20 janvier 2004. Ce règlement soumet au contrôle de la Commission européenne les opérations dites de dimension communautaire. Au sens du règlement, une opération est de dimension communautaire lorsque :

« a) le chiffre d’affaires total réalisé au plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d’euros, et

b) le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d’euros

à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans la Communauté à l’intérieur d’un seul et même Etat membre. »

Une fusion entre EDF et GDF serait donc de dimension communautaire, comme l’est le projet de fusion entre Suez et GDF en cours de négociation avec la Commission. Au premier semestre 2006, EDF a, en effet, réalisé un chiffre d’affaires de 30,3 milliards d’euros dont 16,44 milliards (soit 54 %) en France tandis que Gaz de France a réalisé un chiffre d’affaires de 15,2 milliards d’euros, le chiffre d'affaires de l'ensemble des activités du groupe à l'international atteignant 5,7 milliards d'euros de sorte que 62 % du chiffre d’affaires est réalisé en France.

Compte tenu de l’internationalisation des deux entreprises, et en particulier d’EDF suivant l’objectif établi en 2001 par M. François Roussely de réaliser la moitié du chiffre d’affaires hors de France, leur fusion serait donc aujourd’hui soumise au contrôle de la Commission européenne ce qui n’aurait pas été le cas au cours de la précédente législature.

On ne peut évidemment connaître la position exacte qu’adopterait la Commission européenne sur un tel projet. Des éléments ont toutefois été apportés lorsque la faisabilité juridique de la fusion EDF-GDF a été étudiée à l’occasion des travaux de la Commission Roulet. Ainsi, selon les conclusions de l’étude alors réalisée par le cabinet Bredin-Prat pour le compte de l’Agence des participations de l’Etat, « l’importance des entraves significatives à une concurrence effective imposerait la présentation de mesures correctives lourdes, radicales et de nature structurelle qui impliqueraient nécessairement des cessions d’actifs dans les deux entreprises concernées, à tous les niveaux de la filière énergétique ».

Il convient d’écarter cette option. De même, les autres rapprochements envisageables avec des entreprises privées, par exemple avec Total, ne sont pas souhaités par celles-ci et ne sont donc pas envisageables.

C’est donc bien la fusion annoncée qui représente la meilleure solution actuelle pour assurer la poursuite du développement de Gaz de France et le renforcement de notre sécurité d’approvisionnement. Est-elle envisageable sans privatisation de Gaz de France ?

Une première piste envisagée à cet égard est la solution dite des participations croisées. Il s’agirait donc de faire entrer Gaz de France et Suez mutuellement dans leur capital respectif.

Cette option répond largement au souci de protéger Suez contre une OPA. Elle présente donc un intérêt. Elle ne permet toutefois pas, par définition, une fusion puisque pour qu’il y ait échange de participations, il faut qu’il y ait deux entreprises. Elle ne présente donc pas le même intérêt industriel pour le développement de Gaz de France qu’une véritable fusion, dont elle aurait, en revanche, pu être une phase préparatoire. Reprendre cette proposition serait donc un recul industriellement coûteux. Il convient donc d’écarter cette solution.

Une seconde solution parfois envisagée serait de n’abaisser qu’à 51 % la part de l’Etat dans le capital de Gaz de France. Cette solution a le mérite de préserver pleinement le contrôle public sur l’entreprise. Elle a toutefois pour inconvénient majeur d’empêcher la fusion, car si l’Etat reste majoritaire dans Gaz de France, tout groupe fusionné avec Gaz de France serait, ipso facto, nationalisé. Cette nationalisation serait inacceptable pour les actionnaires de ce groupe, voire pour les Etats où il exerce.

Porter la part du capital de Gaz de France à 51 %, ce n’est donc pas une modalité de fusion, c’est autre chose que la fusion. C’est donner à Gaz de France plus de souplesse pour continuer son développement seul. Là encore, c’est donc une solution qui parait moins satisfaisante qu’une véritable fusion.

Votre rapporteur a exploré une autre voie reposant sur la séparation juridique, par filialisation, des activités concurrentielles de Gaz de France et sur l’autorisation de privatisation de cette filiale en vue d’une fusion avec Suez au capital duquel Gaz de France entrerait ainsi par échange d’actions sans privatisation de la maison mère, conservant directement ou par des filiales ses activités de gestion de réseaux.

Cette solution préserve tout l’intérêt industriel de l’opération. Elle implique certes une séparation patrimoniale des réseaux déjà organisée par plusieurs de nos partenaires. A la différence de l’électricité, celle-ci ne soulève toutefois pas de difficultés industrielles s’agissant du gaz naturel, énergie pour laquelle l’équilibre du réseau est assurée par les stockages qui sont dans le champ des activités régulées alors qu’il l’est, pour l’électricité, par des installations de production intervenant dans le domaine concurrentiel. Elle permet, en outre, de donner partiellement satisfaction aux demandes sur ce point de la Commission européenne.

Il convient de noter que cette solution répond également à l’objectif de stabiliser l’actionnariat de Suez, grâce à l’entrée dans son capital de Gaz de France complétant le noyau dur d’actionnaires du groupe.

Votre rapporteur ne peut toutefois que constater que cette solution n’a pas recueilli l’approbation des entreprises, ni des organisations syndicales. Il ne peut, dans ces conditions, la défendre. Il en est de même de sa variante proposée par notre collègue, M. Patrick Devedjian.

Ayant donc exploré loyalement et exhaustivement l’ensemble des options juridiques permettant la fusion, votre rapporteur constate que la privatisation de Gaz de France apparaît aujourd’hui comme celle qu’il convient de privilégier dès lors qu’elle est assortie de garanties préservant un contrôle public efficace.

Le projet de loi prévoit ces garanties.

Il s’agit, en premier lieu, du maintien d’une détention de plus du tiers du capital de l’entreprise par l’Etat. L’Etat disposera ainsi d’une minorité de blocage lui permettant de s’opposer seul à toute décision d’assemblée générale extraordinaire qu’il estimerait contraire à ses intérêts. Il sera, en outre et surtout, de fait le premier actionnaire du groupe, y compris après une fusion avec Suez.

En second lieu, le projet de loi prévoit d’attribuer à l’Etat une action spécifique lui donnant des prérogatives particulières tel que le droit de s’opposer aux cessions d’actifs stratégiques pour la sécurité d’approvisionnement national.

Enfin, l’Etat pourra organiser la présence de commissaires du Gouvernement dans les organes dirigeants de Gaz de France et de ses filiales de gestion de réseaux.

Votre Commission estime donc que les modalités proposées par le projet de loi pour faire évoluer la part du capital de Gaz de France détenu par l’Etat sont de nature à permettre à cette entreprise de poursuivre son développement sans porter atteinte à l’efficacité du contrôle public. Les missions de service public de l’entreprise comme le statut de ses personnels n’étant, par ailleurs, pas remis en cause par cette évolution, votre Commission est favorable aux dispositions du projet de loi relatives au capital de Gaz de France.

IV.— LA CRÉATION DU TARIF SOCIAL DU GAZ NATUREL

Le dernier volet important du projet de loi, qui comprend également des dispositions de toilettage du droit existant, concerne la création d’un tarif social du gaz naturel.

Comme on le sait, un tel tarif existe déjà pour l’électricité, son principe ayant été posé par la loi du 10 février 2000 bien que son entrée en vigueur effective ait attendue un décret de 2004. Il avait alors été considéré que l’électricité présentait une forte spécificité, étant une énergie absolument vitale et universelle. Ce raisonnement reste évidemment tout à fait pertinent mais il n’en reste pas moins que beaucoup de nos concitoyens sont des consommateurs de gaz naturel, y compris beaucoup de foyers modestes.

Il apparaît donc légitime d’étendre à ces consommateurs le bénéfice de la solidarité nationale en leur donnant droit à une tarification spéciale. C’est ce que propose le projet de loi selon des modalités très proches de celles régissant la tarification spéciale "produit de première nécessité" de l’électricité à savoir :

- un bénéfice de la tarification de solidarité lié au niveau de revenu et à la composition du foyer (sachant que, pour l’électricité, le décret du 8 avril 2004 fixe à 5 520 euros le montant annuel des ressources permettant à un foyer de bénéficier de la tarification spéciale),

- une tarification spécifique sur une part de la consommation (sachant que, pour l’électricité, le décret du 8 avril 2004 fixe le plafond de consommation bénéficiant de la tarification spéciale à 100 KWh par mois et dispose que cette tarification spéciale repose sur l’application d’un pourcentage de réduction, fonction de la taille du foyer et compris entre 30 et 50 %, sur la partie fixe du tarif et sur le prix de l'énergie),

- une application de la tarification spéciale aux services liés à la fourniture (interventions sur les compteurs par exemple pour la mise en place d’un service de maintien d’énergie ou pour un rétablissement de la fourniture après coupure),

- enfin, une information des distributeurs sur les ayants droits potentiels à partir de fichiers constitués par les organismes d’assurance maladie.

Compte tenu, d’une part, de la grande similitude du dispositif proposé avec celui existant en matière électrique et, d’autre part, du fait que, par construction, tous les consommateurs de gaz naturel sont également consommateurs d’électricité, votre Commission, qui soutient naturellement pleinement cet enrichissement du service public de l’énergie, estime possible de simplifier substantiellement la rédaction du projet de loi en ouvrant droit à la tarification spéciale de solidarité pour le gaz naturel aux ayants droit à la tarification spéciale existante pour l’électricité.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— AUDITIONS

AUDITION DE M. THIERRY BRETON, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, ET DE M. FRANÇOIS LOOS, MINISTRE DÉLÉGUÉ À L’INDUSTRIE

La Commission a entendu M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et M. François Loos, ministre délégué à l’industrie, sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 4 juillet 2006.

Le président Patrick Ollier, après avoir accueilli M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et M. François Loos, ministre délégué à l’industrie, a indiqué que la commission des affaires économiques, une fois saisie, s’était immédiatement penchée sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

Il a indiqué que des auditions publiques seront organisées probablement les 18 et 19 juillet et que le rapporteur présenterait un rapport d’étape à la Commission le 26 juillet. Il a précisé que la Commission travaillerait en synergie avec le Sénat pour que la session extraordinaire permette de dégager des points de convergence entre les deux assemblées. Puis, il a indiqué que, si la session commençait dans les premiers jours de septembre, la commission se réunirait les 29, 30, 31 août et éventuellement le 1er septembre afin d’examiner les articles et que, si la session commençait plus tard, les réunions de la commission se tiendraient les 5, 6 et 7 septembre.

M. François Brottes ayant demandé qu’un rapport définitif ne soit pas déposé lors de la réunion du 26 juillet, ce qui empêcherait le dépôt ultérieur d’amendements, le président Patrick Ollier a pris l’engagement que cette réunion serait seulement l’occasion d’examiner un rapport d’étape.

Puis il a jugé nécessaire de revenir sur l’économie générale du projet, projet qui a suscité des quiproquos et des incertitudes, davantage cependant sur des questions de calendrier que sur des problèmes de fond. Il n’en demeure pas moins que certains députés, de l’opposition mais aussi de la majorité, restent à convaincre. Le président de la commission et le porte-parole du groupe UMP dans le débat sur l’énergie du 14 juin, M. Serge Poignant, avaient insisté sur la qualité du projet industriel et sur la nécessité d’abaisser la part de capital public en vue de permettre une fusion décidée, en tout état de cause, par les actionnaires.

Le président Patrick Ollier a rappelé les conditions à son acceptation du projet, posées lors du débat du 14 juin dernier : la préservation de l’identité du groupe Gaz de France dans le cadre d’une fusion entre égaux, la pérennité des missions de service public et leur enrichissement par la création d’un tarif social du gaz, le maintien du statut des personnels et la garantie d’un contrôle public efficace sur le nouvel ensemble, avec, d’une part, une minorité de blocage de l’Etat à 34 % inscrite dans la loi et, d’autre part, la création d’une action spécifique.

S’agissant de l’électricité, il a jugé que les augmentations de prix de 60 à 80 % subies par les entreprises ayant exercé leur éligibilité étaient insupportables. Il a donc souhaité que les ministres indiquent la position du Gouvernement, d’une part, sur un tarif de retour, supérieur au tarif réglementé de droit commun, un peu à l’image de ce qui a été institué en Espagne et, d’autre part, sur le maintien du bénéfice des tarifs pour tous les consommateurs le souhaitant.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, a insisté sur l’importance du projet de loi pour les consommateurs français et pour le développement de l’entreprise Gaz de France.

Au cours des derniers mois, le processus de concentration des entreprises dans le domaine de l’énergie, plus particulièrement dans celui du gaz, s’est accéléré en Europe. Ce phénomène est lié à l’ampleur exceptionnelle de l’augmentation du prix du pétrole, sur lequel est indexé celui du gaz, et qui n’a été anticipée ni par la France - à tel point que le prix du baril constaté en 2005 a atteint près du double de celui sur lequel était assis le budget adopté pour cet exercice – ni par quiconque.

Il importe de se donner les moyens de faire face à ce nouveau contexte. Gaz de France, à l’instar de la plupart de ses homologues européennes, ne disposant d’aucun gisement, elle exerce exclusivement une activité d’achat et de distribution, ce qui la contraint à sécuriser ses sources d’approvisionnement et à chercher à peser sur les prix d’achat.

Les tarifs du gaz sont fixés par le Gouvernement sur proposition ou après avis de la Commission de régulation de l’énergie. Contrairement à ce que pense parfois l’opinion publique, la détention du capital par l’État n’a aucune influence sur les tarifs ; c’est ainsi que le prix du gaz, en 2000-2001, augmenta de 30 % bien que le capital de Gaz de France fût alors intégralement public.

La plupart des acteurs européens de l’énergie sont engagés dans un processus de consolidation, comparable à celui qui toucha les télécommunications à la fin du siècle dernier : pour ne pas rester isolée et notamment pour ne pas manquer la formidable explosion de la téléphonie mobile, France Télécom dût alors procéder à des acquisitions en numéraire, faute d’être autorisée par la loi à céder des titres, contrairement à tous les autres grands opérateurs européens, ce qui coûta finalement très cher au contribuable. Gaz de France, très belle entreprise dont les salariés accomplissent depuis toujours un travail remarquable, mais acteur de taille moyenne, est à la veille d’un tournant similaire, auquel il faut se préparer.

Gaz de France peut-elle continuer sans changements ? Des projets existent pour que Gaz de France puisse aller de l’avant. L’un d’entre eux est l’alliance avec Suez, les deux entreprises souhaitant depuis longtemps examiner les conditions dans lesquelles elles pourraient élaborer un projet industriel commun et s’unir afin de devenir le premier opérateur mondial dans le secteur du gaz naturel liquéfié, secteur qui requiert des investissements considérables.

Les velléités exprimées par d’autres acteurs éminents, en particulier ENEL, entreprise bien connue et appréciée des pouvoirs publics français, ont révélé combien il était urgent de donner à Gaz de France les moyens d’avancer et d’utiliser une partie de son capital pour procéder à une consolidation et grandir, avec un ou plusieurs partenaires, sans pour autant mettre en péril son avenir ni ses missions premières, notamment ses missions de service public.

En soumettant ce texte au Parlement, le Gouvernement ne lui demande en aucun cas d’approuver ou de désapprouver le projet Suez-GDF, dont il incombe aux seules instances de gouvernance des deux entreprises d’évaluer l’intérêt et alors que d’autres projets seront peut-être proposés. Il convient donc simplement de se demander, en conscience, si la structure de Gaz de France lui permet de faire face aux défis mondiaux actuels tout en servant au mieux ses clients dans le cadre d’un projet industriel sachant qu’il ne s’agit pas de permettre à l’Etat de vendre ses titres dans le cadre d’une opération financière.

Gaz de France doit pouvoir bénéficier de davantage de souplesse pour procéder, le cas échéant, à des fusions ou à des participations croisées en fonction des projets possibles. Simplement, le débat sans vote qui a été organisé à l’Assemblée nationale et au Sénat a mis en évidence deux points auxquels les parlementaires sont attachés pour préserver les missions d’intérêt général de Gaz de France : la détention d’une minorité de blocage de 34 % par l’État et la création d’une action spécifique assurant un droit de veto de l’Etat sur les actifs stratégiques, à savoir les méthaniers, la distribution et les stockages stratégiques.

Le premier volet de la loi porte donc exclusivement sur l’évolution capitalistique de Gaz de France : il consiste à permettre à l’entreprise d’aller de l’avant en faisant évoluer la structure de son capital, la part minimale détenue par l’État passant de 70 à 34 %. La décision dépendra ensuite des instances de gouvernance de Gaz de France, dans lesquelles l’État est majoritaire.

Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a donné l’assurance au président de la commission qu’il s’entretiendrait avec lui des positions de l’Etat actionnaire avant toute opération industrielle. Il a rappelé qu’il avait mené, en tant que chef d’entreprise notamment lorsque M. Lionel Jospin était Premier ministre, nombre d’opérations industrielles, à l’occasion desquelles il avait pu mesurer l’importance de la structure du capital d’une entreprise.

Le deuxième volet du projet de loi consiste à transposer les dispositions de la directive adoptée à la fin de la précédente législature entrant en vigueur le 1er juillet 2007. Si la France ne fait rien, la directive s’appliquera automatiquement, sans que les consommateurs puissent choisir le régime du tarif régulé, ce qui entraînera une concurrence sauvage sur le marché de l’énergie, complètement libéralisé. Le Gouvernement veut donc mieux protéger le consommateur en transposant la directive avant le 1er juillet 2007.

Le Gouvernement souhaite maintenir les tarifs régulés et proposera un tarif social du gaz pour les citoyens les plus défavorisés, ce qui nécessite des dispositions législatives.

Si l’alliance entre Gaz de France et Suez se concrétise, ce sera une opération entre égaux. Les conditions suivantes seront respectées : les missions de service public de Gaz de France resteront évidemment inchangées ; le statut du personnel des industries gazières et pétrolières sera évidemment maintenu ; l’État assurera pleinement son rôle de contrôle sur le nouvel ensemble, grâce à la minorité de blocage et à l’action spécifique et, en outre, la possibilité de nommer des commissaires du Gouvernement dans les filiales ; l’ouverture aux marchés ne remettra pas en cause le cadre tarifaire existant ; tous les consommateurs qui le souhaiteront pourront continuer de bénéficier des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz ; le Gouvernement est également disposé à assouplir les conditions d’accès au tarif des nouveaux sites industriels. Il répond donc positivement aux questions du président Ollier.

Le texte proposé pose donc, en résumé, deux questions. Premièrement, Gaz de France doit-il rester en l’état ou faut-il lui donner la possibilité d’évoluer, sous certaines conditions afin de mener un projet industriel ? Deuxièmement, ne convient-il pas de transposer la directive pour conforter la situation des consommateurs français ?

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie, a ajouté que, si l’État ne faisait rien, la directive serait automatiquement appliquée au 1er juillet 2007, ce qui entraînerait une suppression des tarifs régulés.

Aujourd’hui, dans le secteur de l’électricité, les tarifs sont beaucoup plus faibles que les prix – les entreprises qui se plaignent d’une hausse des prix ne ressortissent plus du régime des tarifs. Que le fournisseur de gaz ou d’électricité soit public ou privé, les tarifs sont régulés : ils sont fixés par le Gouvernement, sur proposition ou après avis de la Commission de régulation de l’énergie. Les prix, au contraire, déterminés par le marché, varient tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes, comme la Bourse. Ils sont bien plus élevés que les tarifs, qui, sans loi, devront disparaître. C’est pourquoi il est indispensable de transposer la directive.

Le Gouvernement a par conséquent demandé au Conseil supérieur de l’électricité et du gaz (CSEG) – présidé par M. le député Jean-Claude Lenoir, et dans lequel siègent l’ensemble des acteurs de l’électricité et du gaz, y compris les partenaires sociaux – d’examiner comment une loi de transposition permettrait d’éviter la suppression des tarifs. Les propositions du CSEG ont pratiquement été retranscrites dans la deuxième partie du projet de loi.

Depuis 2002, la directive a été progressivement transposée : les plus gros consommateurs ont été autorisés à choisir leur fournisseur et à quitter le tarif, puis les consommateurs moyens et, au stade actuel, tous les professionnels, c’est-à-dire plusieurs millions des clients, ont le choix : ils sont qualifiés de consommateurs « éligibles ».

Si rien n’est fait, la prochaine étape sera, lors la généralisation de l’éligibilité à tous les consommateurs, la suppression du tarif. Il s’agit donc de déterminer les conditions de maintien du tarif tout en appliquant l’élargissement de l’éligibilité à tous les consommateurs.

Le système inventé par le CSEG est bien meilleur, bien plus souple que celui en vigueur. Actuellement, en vertu de la directive, quiconque a renoncé au tarif ne peut plus y revenir. Le CSEG suggère de maintenir les tarifs et d’ouvrir la possibilité d’un retour aux tarifs pour les ménages en prenant en compte le couple personne/site et non plus le site seul. Et le Gouvernement, sensible aux difficultés des petites entreprises ayant exercé leur éligibilité et faisant face à un prix de l’électricité élevé, est ouvert à la recherche d’une solution, dans le cadre des contraintes européennes et concurrentielles.

Le président Patrick Ollier s’est félicité que le projet de loi porte un projet industriel. Si la fusion devait aboutir, le nouveau groupe deviendrait le premier acheteur européen de gaz, ce qui pourrait jouer sur le prix d’importation. Compte tenu de la progression du prix du pétrole, celui des tarifs de gaz ne pourra pas baisser mais leur évolution sera mieux maîtrisée au bénéfice du consommateur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a souligné à son tour que ce projet de loi n’était pas un texte sur la fusion Suez-Gaz de France, mais comportait trois volets : la transposition des directives sur l’éligibilité à compter du 1er juillet 2007 ; la transposition de l’annexe A sur les consommateurs ; la modification de la part de l’État dans le capital de Gaz de France.

Le CSEG s’est effectivement vu confier pour mission d’explorer les voies et moyens de transposer les directives européennes dans les meilleures conditions.

Les consommateurs s’estiment parties prenantes du mouvement vers l’ouverture des marchés mais sont extrêmement attachés à l’institution d’un médiateur pour l’énergie. Dans le texte, il est envisagé que chaque fournisseur se dote de son médiateur. Il serait préférable qu’un médiateur public unique traite les problèmes rencontrés par les clients de tous les fournisseurs.

Si le législateur français reste inactif, le couperet de l’ouverture des marchés tombera le 1er juillet 2007 : la directive s’appliquera sans discernement. Le distributeur doit impérativement être séparé juridiquement de l’opérateur principal pour 2007, comme ce fut le cas, en 2004, du transporteur.

Pour ce qui concerne la question extrêmement sensible des prix et des tarifs, une pédagogie active est également nécessaire. Le groupe de travail du CSEG a jugé indispensable que la loi fixe le cap d’un maintien des tarifs, pour les entreprises industrielles comme pour tous les autres clients.

En vertu des lois précédentes, les grosses entreprises puis l’ensemble des professionnels sont devenus éligibles et des dysfonctionnements sont très rapidement apparus. Plusieurs parlementaires se sont fait l’écho d’entreprises industrielles menacées dans leur existence même du fait de la forte hausse des tarifs de l’électricité. Il convient de raisonner avec sagesse et pragmatisme : même si la directive ne le prévoit pas, il pourrait être envisagé d’autoriser les clients ayant opté pour le tarif dérégulé, au terme d’une période probatoire courte, par exemple jusqu’au 1er juillet 2007, à revenir à un tarif de retour régulé, pour une durée très limitée, par exemple trois ans. Sinon, un problème majeur se posera avant même l’examen des autres dispositions du texte. Les ministres doivent lever le doute pesant sur cette question afin de créer un climat favorable à l’examen du troisième volet du projet de loi.

Sur ce point, le rapporteur a indiqué qu’il étudierait toutes les options avec ouverture et sans aucun tabou pour parvenir à des propositions à la fois satisfaisantes et acceptables.

M. François Brottes a ironisé sur l’habileté acquise par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie en matière de marketing au cours de son parcours professionnel, en affirmant que le texte répondait à la question suivante : comment privatiser Gaz de France sans en avoir l’air et tout en parlant d’autre chose ?

La directive aurait pu être transposée dès 2004, à l’occasion de l’examen du projet de loi défendu par M. Nicolas Sarkozy. Mais un texte comportant l’instauration de tarifs sociaux permet d’esquiver le sujet principal.

Deux dates comptent s’agissant de l’ouverture du marché : en 1996, sous le gouvernement de M. Alain Juppé, première directive relative à l’ouverture du marché de l’électricité ; en novembre 2002, sous le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, adoption des directives prévoyant l’ouverture totale à la concurrence pour les ménages, à l’occasion d’un conseil des ministres de l’énergie.

Le président Patrick Ollier et M. Jean-Claude Lenoir ont rappelé qu’il y avait également eu le sommet de Barcelone.

M. Jean-Marc Ayrault a précisé que les directives étaient approuvées en conseil des ministres et que la majorité ne pouvait se défausser, dans la mesure où, le 25 novembre 2002, la France était représentée par Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l’industrie.

M. François Brottes a rappelé qu’au sommet de Barcelone, M. Lionel Jospin avait obtenu deux engagements : l’exclusion des ménages de l’ouverture à la concurrence ; la rédaction d’une directive-cadre pour les services d’intérêt général.

Le parallèle avec le secteur des télécommunications ne tient pas, car ce secteur n’a strictement rien à voir avec celui de l’énergie, dans lequel entrent en jeu les problématiques de l’effet de serre ou de la pénurie des matières fossiles.

Si un acteur public ne peut pas influencer les prix, pourquoi M. Jean-François Cirelli reproche-t-il donc au Gouvernement d’avoir commis un abus de pouvoir d’État en freinant l’augmentation des prix du gaz ? L’actionnaire majoritaire peut évidemment peser sur les décisions.

Le projet de loi n’évoque la privatisation de GDF que dans son article 10. Mais pourquoi le Gouvernement, préalablement à l’ouverture définitive du marché à la concurrence pour l’ensemble des clients, n’a-t-il pas réclamé à la Commission européenne une étude d’impact avant l’ouverture définitive du marché pour l’ensemble des acteurs ? Cela aurait permis d’en mesurer les effets négatifs, à savoir l’accroissement considérable des prix, non seulement pour les industriels mais aussi pour les ménages.

L’eurocompatibilité du texte du Gouvernement est-elle garantie ? La Commission européenne a-t-elle donné son feu vert à l’action spécifique ? Quelles sont ses garanties d’efficacité ?

La majorité a successivement justifié la privatisation de GDF par une panoplie de raisons : sauver le soldat Suez face à la menace ENEL ; faire sortir Gaz de France de son isolement ; sécuriser les approvisionnements. Certains prétendent même qu’il s’agit de trahir M. Nicolas Sarkozy et l’engagement pris par lui sur les 70 %, voire tout simplement de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État.

Qui pourra continuer à bénéficier du tarif réglementé ? Sera-t-il eurocompatible ? La réversibilité sera-t-elle possible ? Bien que M. François Loos ait entrouvert une porte, rien n’est inscrit dans le texte pour que les victimes de l’éligibilité reviennent à meilleure fortune.

Sur quelle base le fichier des ayants droit au tarif social sera-t-il constitué ? Qui y aura accès ? Gaz de France réseau distribution (GRD) sera-t-il public ou privé ? Le maintien de services communs entre EDF et GDF sera-t-il compatible avec le funeste projet de privatisation accélérée de GDF et la fusion avec tel ou tel opérateur ? La péréquation sera-t-elle garantie sur l’ensemble du territoire ?

Sur tous ces points, le voile doit être levé.

Le président Patrick Ollier s’est dit déterminé à faire en sorte que la majorité, par ses amendements, fasse évoluer le texte pour combler ses lacunes.

M. Daniel Paul a estimé que les ministres devaient être perturbés pour en arriver à nier que ce texte n’était pas le prélude à la fusion entre Suez et GDF alors même que son exposé des motifs l’indique clairement.

Le gaz et l’électricité ne sont pas des produits comme les autres. Le Gouvernement propose là une fuite en avant libérale. En quoi une telle fusion sécurisera-t-elle l’approvisionnement de la France en gaz ? Quelle est la part des contrats de long terme dans le portefeuille de Suez ?

Quoi qu’en pense le Gouvernement, les Français font bien le lien entre concurrence et hausse des factures. Même si d’autres facteurs entrent en ligne de compte, la concurrence est synonyme de hausse des prix et menace l’industrie française. Le secteur de l’ammoniaque, en particulier, dans lequel le gaz représente 80 % du coût de production, est gravement atteint, au point qu’une entreprise, Yara, vient d’interrompre sa production au Havre. Comment préserver les entreprises gazo-intensives des turbulences du marché auxquelles elles sont aujourd’hui sujettes ?

Le tarif régulé, contre lequel se sont prononcés le régulateur, les opérateurs et la Commission européenne, est en danger. Au-delà de la loi, comment empêcher que le tarif régulé rejoigne le prix du marché ? Légiférer ne garantit rien.

À combien se chiffrent l’endettement du groupe Suez et celui du groupe Gaz de France ? Le Gouvernement confirme-t-il que GDF n’a pas pleinement bénéficié des sommes levées à l’occasion de l’ouverture de son capital ? Si c’était exact, la fusion constituerait une opération intéressante pour l’un des deux partenaires au moins.

Il existe une politique européenne dans le domaine énergétique : c’est la libéralisation à outrance. Derrière les mots, qui ne parviennent au demeurant même plus à rassurer, le Gouvernement veut, d’une part, casser les accords étatiques qui, pendant de décennies, ont partiellement protégé la France contre les fluctuations du marché, et, d’autre part, créer des oligopoles privés. Bref, il s’agit de privatiser de Gaz de France. Le nouveau groupe – il prendra peut-être pour dénomination « Gaz de Suez » – entrera en concurrence avec EDF, qui sera contraint de rechercher un partenaire gazier et devra ipso facto être privatisé, sans doute après les élections si elles sont par malheur favorables à la droite.

D’aucuns prétendent que la fusion entre EDF et GDF, si elle était obtenue, nécessiterait des cessions, dont le détail n’a du reste jamais été donné. De même, malgré les demandes répétées, le bilan de l’ouverture à la concurrence dans le secteur énergétique, en Europe et en France, n’a également jamais été dressé. Mais quelles cessions de moyens gaziers la fusion GDF-Suez imposerait-elle ?

M. Jean Dionis du Séjour a expliqué que, s’agissant de l’opération Suez-GDF, l’UDF était en « phase d’instruction », même si, à titre personnel, il a jugé que le projet industriel semblait sensé.

Selon les exigences de l’Union européenne, l’affaire sera plus ou moins intéressante. Le Gouvernement doit donner des précisions à ce propos. Où en est-il dans ses échanges, dans son dialogue avec l’Union européenne ? Quelles sont les lignes de force suivies par la direction générale de la concurrence ? Identifie-t-elle une position monopolistique ? Si oui, sur quel marché pertinent ? Identifie-t-elle des atteintes à la concurrence sur des concentrations verticales ? Quelles cessions exigera-t-elle ?

Des rumeurs assez crédibles commencent à circuler concernant des centrales nucléaires d’Electrabel. Sur quoi la Commission européenne concentrera-t-elle son attention ? Sur la participation de GDF dans le deuxième opérateur belge ? Des actifs ne devront-ils pas être cédés en France ? Ces questions seront déterminantes lorsque viendra le moment de se prononcer sur le texte.

Enfin, pourquoi la fusion-absorption de Suez est-elle préférable à d’autres montages, par exemple des participations croisées avec ENEL ?

En réponse aux orateurs des groupes, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a apporté les éléments suivants :

En matière de participations croisées, la question est de savoir quelle marge de souplesse maximum l’on entend donner à Gaz de France pour qu’il puisse procéder à de tels mouvements, dans l’intérêt notamment des consommateurs. Les décisions seront toujours prises par les organes de gouvernance dans lesquels l’État reste majoritairement représenté, et le Gouvernement s’engage à venir au préalable recueillir le sentiment de la représentation nationale sur cette question. Mais affirmer d’entrée de jeu que telle solution est la meilleure reviendrait à s’ingérer dans la vie de l’entreprise, ce qui n’est pas le rôle du Gouvernement. La confusion des responsabilités a pu expliquer certains malaises ou malentendus ; mais depuis, un grand pas a été fait en direction de la représentation nationale, aboutissant à la présentation d’un texte extrêmement simple proposant de donner à Gaz de France les moyens d’aller de l’avant selon des conditions précises.

L’activité gazière n’est pas exactement identique à celle des télécommunications. Reste qu’une erreur a été commise en 2000, relevée par la Cour des comptes et tous les observateurs, lorsque l’on a empêché France Télécom d’utiliser son capital comme les autres pour participer au mouvement européen de concentration ce qui, en définitive, a coûté 23 milliards d’euros à la Nation. Il serait absurde de refaire la même erreur. À l’entreprise de définir la meilleure stratégie – accord avec ENEL, participations croisées, ou autres –, aux pouvoirs publics de la soutenir, au ministre d’alerter la représentation nationale et de recueillir son sentiment pour savoir jusqu’où il est possible d’aller. L’État peut-il se contenter de 30 % des parts ? Cela ne suffira pas. Le projet propose 34 % et il existe un projet de fusion avec Suez mais il y en aura peut-être d’autres : la route est longue, et la Commission européenne ne sera définitivement saisie que lorsque le projet lui apparaîtra réalisable, autrement dit lorsque la loi sera votée. Il ressort toutefois des contacts déjà pris que l’action spécifique a déjà été admise par la Cour de justice des communautés européennes, notamment pour Distrigaz, filiale de Suez.

Pour le reste, des contacts ont lieu entre les entreprises et la Commission et les informations seront communiquées à la représentation nationale en temps réel. Mais une fois que la possibilité leur aura été donnée d’aller éventuellement jusque-là, il appartiendra in fine aux assemblées générales des entreprises et donc au Gouvernement, puisqu’il est majoritaire chez Gaz de France, de décider ou pas de l’utiliser.

Le principe de la directive portant adaptation des marchés de l’électricité et du gaz avait été adopté à l’unanimité lors du sommet de Barcelone : il faut la considérer comme un héritage commun.

S’agissant des tarifs, si l’État actionnaire avait voulu s’enrichir, il aurait dû répondre positivement à toutes les velléités d’augmentation, ce qui n’a pas été le cas dans les derniers mois. À l’inverse, il est arrivé par le passé à M. Dominique Strauss-Kahn et à M. Laurent Fabius de répondre positivement aux demandes d’augmentation de Gaz de France – plus 30 % en moins d’un an… Ce qui tend à prouver que les augmentations de tarifs n’ont rien à voir avec la détention du capital.

Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a donc appelé à recentrer le débat. La question est de savoir si l’on veut ou non donner à Gaz de France la possibilité d’aller de l’avant et si l’on doit transposer la directive telle quelle ou s’entourer de garanties.

Enfin, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a répondu positivement à la demande du rapporteur.

Le ministre délégué à l’industrie a précisé que la question posée par le rapporteur sur un retour aux tarifs appelle une réponse affirmative. Cela dit, tout un ensemble de contraintes doit être pris en compte. Les opérateurs n’ont pas tous la même capacité à vendre de l’électricité : certains ne vendent que l’électricité qu’ils ont achetée en gros. Revenir instantanément aux tarifs comme certains l’imaginent ferait purement et simplement disparaître un certain nombre d’entre eux. Ensuite, on ne saurait réduire à l’excès le niveau de concurrence en Europe sous peine de se voir condamné : force est de rechercher un système qui tienne compte tout à la fois des opérateurs existants et des règles de la concurrence.

Sur cette question, le ministre délégué à l’industrie s’est déclaré prêt à rechercher avec le rapporteur et la commission les réponses appropriées. Certaines ont d’ores et déjà été trouvées pour les entreprises dites électro-intensives, très grosses consommatrices d’électricité : un article a été introduit à cet effet dans la loi de finances de l’année dernière et les autres pays européens souhaitent faire de même. Des contacts ont été pris avec les producteurs afin qu’ils s’engagent à ne pas répercuter le prix des quotas d’émission dans celui de l’électricité, ni les hausses du prix du marché mais seulement les baisses. Autrement dit, le Gouvernement a garanti que les producteurs fassent le maximum de ce qui était faisable sur le plan commercial et est aujourd’hui prêt à discuter avec le Parlement d’une mesure qui permettrait d’aller plus loin, compte tenu évidemment des contraintes déjà exposées.

S’agissant du prix du gaz, le Gouvernement a reçu les entreprises dites « gazo-intensives », c’est-à-dire grosses consommatrices de gaz. À noter que toutes ces entreprises sont favorables à la fusion Gaz de France-Suez. Il faut par ailleurs savoir que certains pays producteurs de gaz comme la Russie pratiquent des prix à l’intérieur qui n’ont rien à voir avec les prix internationaux : c’est précisément cette double tarification qui lui interdit d’être membre de l’OMC. Enfin, obtenir un contrat à long terme, un droit ou une concession d’exploitation d’un gisement oblige à des investissements énormes, proportionnels aux quantités qu’il est supposé receler ; or si Total a les moyens de s’engager dans un tel projet, Gaz de France à lui seul ne les a pas – ce qui explique l’attente des entreprises gazo-intensives, particulièrement attachées à la sécurité de leurs approvisionnements.

Si la France peut paraître en difficulté au regard des prix intérieurs pratiqués en Russie, sa situation est en revanche bien meilleure que celle de la Grande-Bretagne qui a longtemps refusé de s’engager sur des contrats à long terme, persuadée que ses gisements de gaz lui permettaient de se passer de ce genre de précaution. Or le gaz a commencé à manquer cet hiver en Grande-Bretagne et les prix se sont immédiatement mis à flamber. Le but est d’éviter que pareil phénomène ne se produise en France.

M. Serge Poignant a tout d’abord remercié les ministres d’avoir pris le temps d’apporter les réponses nécessaires. Il a souhaité que la possibilité de rester aux tarifs au 1er juillet 2007 soit inscrite dans la loi et vaille pour les consommateurs particuliers comme professionnels, y compris pour les nouveaux sites. Pour les entreprises, le retour à un tarif est une avancée très importante, le tarif en question devant prendre en compte tout à la fois une augmentation raisonnable et les besoins d’investissement d’EDF et GDF, mais certainement pas les rejets de carbone dans la mesure où, grâce à son parc nucléaire, la France produit l’électricité la moins chère et avec des rejets de CO2 parmi les plus bas d’Europe. Il a enfin insisté sur l’enjeu que représentait ce projet pour l’approvisionnement énergétique de la France, pour ses entreprises et pour l’emploi.

Mme Chantal Brunel a voulu savoir ce que représentait la différence entre le tarif et le prix, qui paie la différence et qui la paiera demain. Elle a également demandé qui pourra bénéficier du tarif social et qui le paiera en fin de compte dans la mesure où l’entreprise ne manquera pas d’en réclamer le remboursement. Enfin, dans l’hypothèse d’une fusion Gaz de France-Suez, que deviendra le personnel de cette dernière ? Aura-t-il le statut Gaz de France ? Quel sera celui des gens recrutés par la suite ?

M. Christian Bataille a dénoncé la politique absurde d’un prix européen unique de l’énergie qui conduit à aligner le prix du kilowattheure nucléaire produit en France sur celui du baril de pétrole extrait en Arabie Saoudite. Non seulement l’avantage compétitif dû au nucléaire risque de se voir ainsi gommé, mais le fruit du combat courageux mené dans ce domaine depuis des décennies ne profitera pas aux citoyens et disparaîtra dans un magma incompréhensible.

Le gaz est certes un marché particulier, beaucoup moins maîtrisable que celui de l’électricité et soumis aux aléas des cours mondiaux. La directive européenne risque de s’appliquer inexorablement à compter du 1er juillet 2007 et tout porte à craindre que le projet de loi proposé ne soit qu’un faux-semblant. Au moins le Gouvernement pourra-t-il assurer en 2007 qu’il aura fait l’impossible pour sauver les tarifs régulés et rejeter la faute sur l’Europe s’il garde la majorité, ou sur le nouveau pouvoir s’il vient à la perdre…

Remarquant enfin que, telle que présentée par le Gouvernement, la fusion Gaz de France-Suez se combinait avec une privatisation, M. Christian Bataille s’est demandé pourquoi l’hypothèse inverse n’avait pas été examinée.

M. Jean-Pierre Nicolas, tout en reconnaissant la nécessité de muscler Gaz de France, s’est néanmoins interrogé sur les tarifs, leur aspect social notamment, mais également sur le pouvoir de négociation que cette fusion est supposée renforcer : le marché du gaz a une certaine rigidité et l’on ne peut acheter davantage de gaz si l’on ne trouve pas de clients supplémentaires… Il faudrait donner à Gaz de France une véritable dimension de producteur si l’on veut peser véritablement sur les conditions d’approvisionnement.

À supposer que la loi soit votée, trois inconnues demeurent. Quelle sera la position des actionnaires de Suez ? Ils seraient partisans, dit-on, de voir la part de l’État fixée non à 34 %, mais seulement à 25 %. Un journal financier n’a-t-il pas titré qu’ils avaient intérêt à une OPA d’ENEL ? Il y aura également les contreparties éventuellement demandées par la Commission de Bruxelles. Enfin, quelle sera la position du Conseil constitutionnel au regard du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ? Le Parlement ne risque-t-il pas de se voir infliger, après avoir voté une loi, un triple désaveu ?

M. Philippe Auberger a particulièrement apprécié la distinction désormais faite entre la fusion Suez-Gaz de France, devenue très hypothétique, et un texte exclusivement consacré à l’ouverture du capital de Gaz de France. Une éventuelle fusion était subordonnée non seulement au vote de cette loi, mais également à la décision de la Commission européenne qui pouvait obliger l’un ou l’autre à se dépouiller de certains actifs, et enfin à l’accord de l’assemblée générale des actionnaires de Suez en novembre. Autrement dit, le Parlement risquait de s’exposer, après avoir voté cette loi, à un désaveu proprement catastrophique pour son image. Ce changement de présentation apparaît des plus opportuns.

Cela étant, le problème reste celui de la politique des prix et l’ouverture du capital à elle seule ne saurait le régler. Le pétrole est en France distribué par des entreprises privées : or on ne voit guère de véritable concurrence dans ce domaine et les pétroliers s’entendent à augmenter leurs prix sitôt que les cours montent, mais rechignent à les diminuer quand les cours baissent. Il n’y en a pas davantage dans le secteur de l’électricité : Suez ne représente guère que 10 % de la production et, faute de capacités, on est contraint de recourir au marché spot pour faire face aux pointes de consommation.

Ouvrir le capital d’une entreprise impose de faire miroiter un minimum de rentabilité aux actionnaires potentiels, ce qui interdit de pratiquer une politique des prix trop restrictive. Il faudra, pour avoir une vision plus claire et emporter l’adhésion, mettre sur pied un véritable programme de développement détaillant les investissements possibles dans les pays producteurs et les différentes opérations envisageables.

Enfin, la séparation juridique des distributeurs est, dit-on, un impératif. Mais on peut avoir quelques doutes si elle ressemble à celle de EDF et RTE, qui n’est qu’un faux nez dans la mesure où jamais le capital de RTE n’a été ouvert aux entreprises ou à d’autres propriétaires publics.

M. Claude Gaillard s’est également réjoui de l’évolution de l’analyse et de la présentation, passant de « il faut sauver Suez » à une autre logique. Reste que l’énergie et les télécommunications, secteur qu’il a rappelé connaître un peu pour avoir été notamment rapporteur de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, ne procèdent pas des mêmes logiques : l’indépendance énergétique est une affaire importante, sinon essentielle. On ne peut pas ne pas y porter un regard politique dès lors que l’État est propriétaire d’une grande entreprise, Gaz de France. On peut comprendre qu’il faille laisser aux industriels la responsabilité industrielle, mais beaucoup moins que la seule logique économique des groupes prime par rapport à une politique plus européenne. À l’heure où il est plus que nécessaire de retricoter l’Europe après l’échec du référendum, il serait bon de chercher à dégrossir certaines pistes avant de se laisser happer par une logique par trop exclusivement économique et industrielle.

Enfin, comment peut-on être sûr que, une fois le texte adopté, l’ensemble des critères sera bien pris en compte et que ceux-ci seront bien pondérés ? La construction d’une stratégie européenne, au moins à partir de l’Europe des six, essentielle, sera-t-elle la préoccupation première ? Les entreprises publiques à privatiser ne sont pas légion et, une fois Gaz de France vendu, il sera trop tard pour revenir en arrière.

M. Jacques Bobe, tout en reconnaissant que la nécessité d’une évolution du statut de Gaz de France avait été amplement démontrée, s’est demandé pourquoi aucune autre solution que le rapprochement Gaz de France-Suez n’avait été examinée par les intéressés, qui aurait pu avoir des incidences différentes sur le niveau de participation de l’État – quoique la minorité de blocage avec 34 % lui convienne parfaitement. Cela dit, l’augmentation du capital de la nouvelle structure sera inévitable compte tenu de l’ampleur des investissements nécessaires sur le plan international et l’État sera de facto obligé de suivre pour conserver sa participation de 34 %. Cela ne risque-t-il pas de poser problème aux finances publiques ?

M. Pierre Ducout a rappelé que, contrairement à ce que l’on espérait en 1996, la véritable ouverture des marchés ne s’est pas produite et les interconnexions ne se sont pas généralisées. Mme Nicole Fontaine a néanmoins accepté le 25 novembre 2002 l’éligibilité de l’ensemble des consommateurs. Une étude d’impact avait été prévue. Qu’en est-il ? Quid d’un contrôle de l’État dans Gaz de France-Suez garanti par le biais d’une action spécifique ? Il en serait allé différemment si l’on avait conservé un grand pôle public EDF-GDF.

L’acceptabilité par les Français du nucléaire passe, on le sait, par le maintien de tarifs modérés. EDF n’a aucune raison de vendre à un prix supérieur à son prix de revient, investissements compris, ni de faire du dumping. Est-il prévu de demander un prix régulé à Gaz de France, s’il reste majoritairement détenu par l’État français ?

Enfin, si le principe de tarifs régulés semble être accepté pour les ménages et les petites entreprises, cela ne sera a priori pas le cas pour les collectivités et les grandes entreprises. Reste à savoir si l’Europe est disposée à accepter des tarifs régulés qui ne correspondent pas à ce qui était originellement prévu par les directives.

M. Léonce Deprez a félicité le Gouvernement comme le président Patrick Ollier de s’astreindre à travailler en ce début juillet sur un sujet qui exige d’être traité sans précipitation. Le fait que, le matin même, la commission ait reçu une délégation d’industriels dits électro-intensifs prouve la réalité du problème et la nécessité d’y apporter des solutions en prenant le temps de clarifier les effets d’une politique de relèvement du coût de l’électricité dans un marché jusqu’alors régulé. Il faut impérativement régler cette question avant de s’attaquer à celle du gaz si l’on veut emporter l’adhésion des Français qui entreprennent comme celle des consommateurs.

La preuve étant faite que la déréglementation ne donnait pas, dans un premier temps en tout cas, les effets bénéfiques espérés, il va falloir expliquer pourquoi, et ensuite se placer sur un autre terrain. Il faut se garder d’agir trop vite et savoir se donner le temps d’une réflexion en profondeur : le temps n’est plus aux petites déclarations dans la salle des Quatre Colonnes. Ne pas le comprendre, c’est prendre le risque de tout perdre.

M. Claude Birraux a tenu à féliciter le Gouvernement, premièrement d’avoir rapidement « fait le ménage » à EADS en remplaçant M. Noël Forgeard, deuxièmement d’avoir reconduit Mme Anne Lauvergeon à la tête d’AREVA. Il a ensuite rappelé que le gouvernement de M. Lionel Jospin avait nommé une parlementaire en mission, Mme Nicole Bricq, sur l’évolution des marchés gaziers, laquelle avait proposé de privatiser purement et simplement Gaz de France.

Gaz de France n’est pas un producteur : si les prix de l’énergie sont élevés, c’est en raison de la pénurie. Dès lors, que peut garantir l’action spécifique ? Que répondre au président Vladimir Poutine dans l’hypothèse d’un renouvellement des évènements récents survenus avec l’Ukraine ? Que Gaz de France soit seul ou fusionné, c’est de toute façon le Kremlin ou Gazprom qui sera en position de force…

On sait également qu’ENEL veut reprendre la main dans le nucléaire. Où en est sa participation dans la construction de l’EPR à Flamanville ? En quoi sa participation dans Electrabel serait une insupportable abomination ? Enfin, peut-on envisager une entreprise avec deux statuts pour les employés, et comment avoir une vision industrielle dans de telles conditions ?

M. Michel Roumegoux a remarqué qu’une association de Suez avec ENEL provoquerait sans doute un démantèlement de Suez qui pourrait bénéficier à des entreprises françaises. Il s’est demandé si cette solution ne serait pas in fine intéressante, sachant que, dans une association Gaz de France-Suez, le capital privé sera surtout belge.

En réponse aux divers intervenants, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a d’abord salué la qualité et la profondeur des questions posées sur un sujet particulièrement complexe, et s’est déclaré à la disposition des parlementaires durant tout l’été afin de répondre à leurs légitimes interrogations et d’apporter aux Français les explications nécessaires. Il ne sera pas dit que le ministre n’aura pas tout fait pour permettre à Gaz de France d’aller de l’avant et pour expliquer la situation afin d’éviter que ne se reproduise la situation dramatique observée dans une autre entreprise.

Derrière l’opération Gaz de France-Suez, qui a déclenché cette prise de conscience, c’est bien, comme l’a dit M. Claude Gaillard, de l’Europe qu’il s’agit. L’énergie, bien rare, n’est pas un bien comme les autres ni un marché comme les autres. Grâce à ses choix courageux, la France est le seul pays au monde où le principal opérateur d’électricité peut garantir au consommateur des tarifs sans autre augmentation que celle liée à l’inflation.

Le ministre a rappelé que le cas du gaz était différent et qu’un nouveau jeu d’acteurs était en train de se dessiner, jeu qui ne se terminera peut-être pas avant longtemps. Soulignant la responsabilité politique des pouvoirs publics, il a donc appelé, en son âme et conscience, les parlementaires à donner à Gaz de France la possibilité d’étudier les solutions possibles et a pris l’engagement, dans l’hypothèse où un projet serait présenté au conseil d’administration de Gaz de France – la fusion avec Suez, mais peut-être un autre –, de revenir devant la Commission pour en débattre avec les parlementaires, pour recueillir son assentiment et pour donner des consignes, débattues ensemble, aux administrateurs qui y représentent l’État. Ainsi les interrogations légitimes de la représentation nationale trouveront réponse, notamment sur les questions relatives aux investissements.

Gaz de France a une valeur d’environ 25 milliards d’euros et Suez, 45 milliards. L’endettement de chaque groupe est de l’ordre de 5 milliards et 15 milliards respectivement. Soit un ensemble de 70 milliards en valeur pour 20 milliards d’endettement – chiffres donnant les moyens d’investir notamment dans l’amont gazier et qui sont tout à fait raisonnables par comparaison avec ceux de France Telecom lorsque l’entreprise a été en difficulté.

Pour ce qui est de la détention du capital, la part minimale de 34 % proposée par le Gouvernement correspond à la minorité de blocage. Il est donc parfaitement possible de bloquer en assemblée générale les augmentations de capital qui conduiraient à réduire le taux de détention publique et de proposer d’autres mécanismes financiers qui ne joueraient pas sur le capital tout en laissant une marge de manœuvre significative à l’entreprise.

M. Christian Bataille a souhaité savoir pourquoi l’opération ne se ferait pas de Gaz de France sur Suez : c’est précisément le projet envisagé avec une fusion-absorption par Gaz de France de Suez dont les actionnaires sont rémunérés de leurs titres en actions du nouvel ensemble ce qui permet d’éviter un endettement excessif, à l’image du précédent de France Télécom, qui serait nécessaire si l’on refusait la dilution de l’Etat en dessous de 50 %.

La facilité pour le Gouvernement aurait effectivement consisté à attendre sans rien faire et à rejeter la responsabilité de la situation sur les autres : mais refusant la facilité, il a tenu à venir devant le Parlement pour répondre aux besoins des consommateurs.

Le tarif social sera proposé par tous les opérateurs et sera financé par le biais d’un mécanisme de péréquation. Les bénéficiaires seront les mêmes que pour le tarif social de l’électricité, ouvert à des conditions de ressources correspondant aux conditions d’accès à la couverture maladie universelle.

Les personnels des deux entreprises en relevant bénéficieront du statut des IEG, y compris ceux qui seront recrutés après la fusion.

Les investissements en amont sont extraordinairement coûteux. On parle souvent de peser sur les contrats d’achat, mais Gaz de France devra également se mettre à investir dans des champs de production ; encore faut-il lui donner la possibilité de grandir afin que son bilan le lui permette, dans le cadre évidemment d’investissements maîtrisés. La représentation nationale comme le Gouvernement auront tout intérêt à discuter avec les entreprises concernées de leurs programmes d’investissements potentiels afin d’apprécier leur pertinence.

Quid des actionnaires de Suez en cas de fusion ? Le Parlement, pas plus que le Gouvernement, ne peuvent encore se situer dans cette perspective ; elle viendra en son temps. Pour l’heure, le problème est de rendre possible une évolution du capital de Gaz de France. Évidemment, la décision sera du ressort de l’assemblée générale des actionnaires. Mais le Gouvernement s’est engagé à venir auparavant devant la Commission pour discuter de la recommandation à faire aux administrateurs qui représentent l’État dans la décision finalement prise.

Un grand pôle EDF-GDF, évoqué par M. Pierre Ducout, aurait pu être possible il y a quelques années. Aujourd’hui, c’est trop tard : ce qui s’est passé avec Électricité du Portugal et Gaz du Portugal, dont les cas sont très similaires, l’illustre. C’est devenu impossible, à moins évidemment de démanteler massivement EDF, parc nucléaire compris, ce que le ministre se refuse à recommander à la représentation nationale.

Il fut un temps où beaucoup, même à gauche – Mme Nicole Bricq, MM. Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn –, avaient compris que l’intérêt du pays commandait d’aider Gaz de France à aller de l’avant. Leurs arguments restent valables et le sont même davantage aujourd’hui qu’hier.

Revenant sur la question des tarifs, le ministre délégué à l’industrie a rappelé que lorsque les premiers éligibles sont apparus, à partir de 2002, les prix du marché étaient nettement inférieurs aux tarifs. Ils sont restés plus favorables que ceux-ci jusqu’en 2005 environ, date à laquelle le manque d’investissements dans les pays européens a obligé à prendre en compte le coût de remplacement des capacités ; ce à quoi est venu s’ajouter le coût des quotas de droits d’émission de CO2. Ces deux éléments ont fait grimper le prix de l’électricité achetée sur le marché bien au-delà du tarif.

Reste à savoir s’il est possible de revenir à un niveau plus raisonnable. On peut d’abord essayer de séparer l’effet CO2, véritable effet d’aubaine pour les producteurs qui, sans avoir rien payé pour obtenir des quotas, empochent un revenu supplémentaire. Déconnecter le prix de l’électricité de celui du CO2 n’est pas aisé car le système des quotas est prévu par une directive et qu’il a pour mérite d’inciter à produire moins d’électricité émettant du CO2.

Peut-on donner aux entreprises la possibilité de revenir au tarif ? Si EDF peut fournir au tarif des clients quittant les autres opérateurs, ces derniers sont loin d’être dans la même situation. Il faut vérifier comment l’opération peut être faisable au regard des règles de la concurrence et trouver une solution juridiquement praticable. C’est à cela que le Gouvernement travaillera avec la Commission. Le Gouvernement est ouvert à toute proposition sur cette question.

Ceci étant, la vraie réponse à moyen terme se situe dans le niveau d’investissement attendu dans le domaine de l’électricité. Le premier effet d’augmentation des prix, devenus plus rémunérateurs, a été l’augmentation des décisions d’investissements. Lors de l’augmentation de capital, le Gouvernement a demandé à EDF d’investir 30 milliards d’euros dans les trois ans et 40 milliards dans les cinq ans. Cette initiative a été très appréciée au niveau européen puisqu’elle permet de traiter le problème au fond mais elle ne va pas forcément dans le sens de l’intérêt des producteurs d’électricité qui peuvent tirer profit d’un équilibre entre l’offre et la demande tendu. C’est pourquoi la France souhaite la mise en place d’une programmation pluriannuelle des investissements au niveau européen.

Le rapporteur, tout en soulignant le caractère majeur de la question des tarifs régulés, a insisté sur la nécessité pour EDF de pouvoir investir dans de nouveaux outils de production. Ce qui signifie que les 40 milliards d’euros d’investissements de l’entreprise doivent être pris en compte dans les tarifs.

Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a confirmé que cela était le cas. Puis, il a répété que le ministre délégué comme lui-même étaient à la disposition de la commission et de ses membres pour apporter toutes les explications nécessaires.

Puis, il a confirmé, à l’adresse de M. François Brottes, que des garanties avaient été prises auprès de la Commission concernant l’action spécifique. En réponse à M. Daniel Paul, il a souligné la volonté du Gouvernement de préserver les entreprises dites gazo-intensives, notamment en permettant à Gaz de France de grandir.

En réponse à M. Serge Poignant, il a indiqué que toutes les garanties nécessaires venaient d’être données s’agissant de la question de la réversibilité des tarifs.

Comme l’indiquait M. Jean-Pierre Nicolas, en venant devant le Parlement pour ne parler que de la fusion entre Gaz de France et Suez, le risque était effectivement d’un triple désaveu ultérieur. Aussi, le Gouvernement a totalement recentré le débat autour d’un problème beaucoup plus large, celui des moyens d’assurer l’avenir de Gaz de France en l’assortissant d’un engagement, dans l’hypothèse d’un vote de la loi, à venir, préalablement à tout projet, recueillir le sentiment de la commission, qu’il retransmettrait sous forme de consignes à ses représentants au conseil d’administration. Enfin, il est essentiel de préserver la dynamique des investissements tant du côté de Suez que du côté de Gaz de France, amené à jouer un rôle central dans la constitution d’entreprises européennes dans le domaine de l’énergie. Le maintien de la minorité de blocage à 34 % répond notamment à la nécessité de pouvoir bloquer toute augmentation de capital qui aboutirait à réduire la part de l’État si celui-ci n’abondait pas la participation de l’État au niveau requis.

M. Léonce Deprez a demandé si les amendements proposés par le président seraient soutenus par le Gouvernement.

Le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie lui a répondu par l’affirmative et l’a assuré que le Gouvernement consacrerait tout le temps nécessaire à parfaire le travail d’explication. Il a également rappelé, en réponse à M. Claude Birraux, que la France avait tenu ses engagements vis-à-vis d’ENEL, puisqu’un accord est en voie de finalisation avec les Italiens s’agissant de Flamanville et a confirmé à M. Michel Roumegoux que Suez est également confronté à la nécessité de grandir et que beaucoup s’intéressaient à sa branche environnement notamment ; mais là n’est pas la question posée au Parlement.

Le président Patrick Ollier s’est félicité de ce débat particulièrement constructif. La méthode proposée par le Gouvernement est la bonne et le temps donné au dialogue permettra de préparer le texte dans les meilleures conditions.

Sur le fond, la commission des affaires économiques entend exercer pleinement son rôle. Le Gouvernement a répondu favorablement sur les garanties exigées pour Gaz de France comme sur les deux garanties relatives, d’une part, aux conditions d’accès aux tarifs et, d’autre part, à la mise en place d’une forme de tarif de retour ; il y a tout lieu de se réjouir du partenariat qui s’est ainsi instauré.

AUDITION DE M. JEAN-CLAUDE MAILLY,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE FO

La Commission a entendu M. Jean-Claude Mailly, Secrétaire général de FO, sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 12 juillet 2006.

Le président Patrick Ollier a remercié de leur présence MM. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), Max Royer, secrétaire général de la Fédération nationale de l’énergie et des mines –Force ouvrière (FNEM FO), et Jacky Chorin.

Le projet de loi a un objectif: réduire la part de l’Etat dans le capital de Gaz de France, sans toutefois qu’elle puisse être inférieure à la minorité de blocage. Il ne prévoit pas la fusion de GDF avec Suez, ni avec quelque autre entreprise qui viendrait à manifester son intérêt pour une telle opération. Pour l’heure, le projet de fusion GDF-Suez est le seul à avoir fait l’objet d’une notification à la Commission européenne, et le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a annoncé qu’il reviendrait présenter au Parlement, après le vote de la loi, la stratégie industrielle choisie par le Gouvernement ; c’est à ce moment-là que seront étudiées d’éventuelles autres candidatures. Le Gouvernement a répondu favorablement aux exigences posées par le président de la Commission des affaires économiques, ce qui permet de considérer l’opération comme un projet industriel de nature à préserver l’entité GDF et à lui faire acquérir la taille critique au niveau européen face aux évolutions du marché mondial de l’énergie. Les points de vue des partenaires sociaux, et singulièrement des organisations syndicales, n’en seront pas moins considérés avec attention, y compris sur les autres dispositions du projet de loi, notamment les dispositions relatives à la distribution de l’électricité et du gaz prévues par les directives communautaires et la protection des consommateurs.

M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de la CGT-FO, a exposé les raisons de l’hostilité de la confédération au projet de loi et au projet de fusion.

Se pose, tout d’abord, un problème de crédibilité de la parole de l’Etat : le Gouvernement et le Parlement s’étant engagés, voici deux ans à peine, à ce que la part de l’Etat dans EDF et GDF ne descende pas au-dessous de 70 %, un tel revirement est difficilement compréhensible, le contexte actuel étant prévisible depuis quelques années.

La CGT-FO est très attachée, en second lieu, aux valeurs républicaines, lesquelles reposent notamment sur l’existence de services publics. Sans aller jusqu’à réclamer, par exemple, la renationalisation de Renault, elle considère que des entreprises comme EDF et GDF font partie du service public, et que la privatisation de GDF constitue une remise en cause d’un service public important, apprécié par les citoyens français, lesquels sont très attachés, consciemment ou inconsciemment, pour des raisons notamment historiques, aux valeurs républicaines dont le service public fait partie.

Il faut observer par ailleurs que les arguments avancés par le Gouvernement ont varié au fil du temps. On a commencé par dire qu’il s’agissait, au nom du « patriotisme économique », de protéger Suez, menacé d’une offre publique d’achat (OPA). Il y a quelque contradiction, soit dit en passant, à prôner une vision libérale de l’Europe et à s’opposer parallèlement à la prise de contrôle de Suez par un groupe italien, ENEL en l’occurrence, alors que l’Italie est par ailleurs partenaire de la France dans le projet ITER par exemple. Ce que veulent les salariés de Suez, c’est assurer la pérennité de leur entreprise et de leurs emplois : ils ne réclament pas la privatisation de GDF ! Le problème de fond est celui de la fragilité de la structure du capital de Suez, dont 30 % appartient à des fonds de pension ou des investisseurs similaires. Pour le résoudre, mieux vaudrait, comme l’a suggéré le syndicat CGT-FO, demander à la Caisse des dépôts et consignations de renforcer sa participation au capital du groupe, plutôt que de privatiser l’entreprise publique GDF. La direction de Suez ne peut à la fois réclamer la privatisation de GDF et refuser l’entrée de l’Etat au capital de Suez.

Car ramener la part de l’Etat dans GDF à 34 %, c’est, qu’on le veuille ou non, privatiser l’entreprise. Au nom de quoi, en effet, la Commission européenne, qui doit rendre sa décision cet automne, continuerait-elle dans ces conditions d’autoriser les tarifs réglementés, alors que sa réponse était déjà assortie de réserves il y a trois ans ? Et qu’est-ce qui garantirait, toujours dans l’hypothèse d’une fusion avec Suez, que la nouvelle entité ne puisse être victime d’une OPA, de la part de Gazprom par exemple ? Suez dispose déjà de dispositifs anti-OPA, avec les bons de souscription d’actions présentés comme des garanties pour le futur ensemble.

Mais l’argument principalement avancé aujourd’hui, et il est permis de s’en étonner, n’est plus de sauver Suez, mais GDF : la semaine dernière, les interlocuteurs gouvernementaux de la CGT-FO s’inquiétaient franchement pour l’avenir de l’entreprise publique, compromis par la libéralisation du secteur de l’énergie. Celle-ci n’est pourtant pas un phénomène nouveau, et le Gouvernement avait justifié en 2004 l’ouverture du capital de GDF par le fait qu’elle permettrait à l’entreprise de conquérir de nouveaux marchés.

Quant à EDF, en principe non concernée par le projet, ne risque-t-elle pas, demain ou après-demain, de faire valoir qu’elle a désormais un concurrent nouveau sur le marché français, ce qui est l’un des objectifs du projet, assumé par la France auprès de la Commission européenne, et de réclamer à l’Etat les moyens de faire face à cette concurrence ? Et l’Etat, propriétaire de plus de 85 % du capital, ne risque-t-il pas de répondre que, compte tenu du déficit budgétaire et de l’endettement public, il n’a d’autre solution que d’ouvrir davantage encore le capital d’EDF ?

Pour toutes ces raisons, la CGT-FO n’est pas favorable au projet de loi. Elle est naturellement disposée à étudier le problème de la structure du capital de Suez et les moyens de le consolider. Elle considère, en revanche, que GDF doit rester dans le domaine public, sans que la part de l’Etat dans son capital soit modifiée. Il est à souligner que les producteurs de gaz sont, à l’instar de Gazprom, en situation de monopole dans leur pays, et que ces monopoles se renforcent. Pourquoi les acheteurs seraient-ils seuls à s’en remettre à la volatilité des marchés, volatilité à laquelle l’opération envisagée ne changerait d’ailleurs rien ?

M. Jacky Chorin s’est à son tour étonné que les pouvoirs publics justifient désormais le projet de loi, sur la table depuis plusieurs mois, par la nécessité d’assurer l’avenir de GDF elle-même, étrangement présentée comme étant au bord du gouffre après avoir été saluée comme une réussite exemplaire il y a peu de temps encore. S’il ne s’agit pas de la fusion avec Suez, pourquoi convoquer une session extraordinaire du Parlement en septembre ? GDF n’est pas en péril : son endettement est particulièrement faible, elle dispose de précieux contrats de long terme, et ses résultats sont les meilleurs jamais enregistrés par l’entreprise ! En vérité, s’il y a session extraordinaire, c’est bien à cause de la fusion envisagée.

Selon les informations dont dispose la CGT-FO, la Commission européenne adressera autour du 18 août prochain sa lettre de griefs explicitant les cessions demandées aux deux opérateurs, qui seront donc amenés à faire des propositions, et procédera le 6 septembre, c’est-à-dire la veille de l’ouverture de la session extraordinaire du Parlement, à une audition publique au cours de laquelle seront discutées les cessions proposées, en présence des bénéficiaires éventuels. Elle ne rendra sa décision que fin octobre environ, ce qui signifie que le Parlement se sera prononcé sans rien connaître des exigences de la Commission, parmi lesquelles il semble que pourrait figurer la vente du réseau de transport de gaz. Comment l’Etat peut-il engager le processus sans disposer d’éléments aussi essentiels ?

L’argument de la sécurité d’approvisionnement n’est pas convaincant : distributeur important en Belgique, mais marginal en France, Suez achète au total trois fois moins de Gaz que GDF.

L’argument de la baisse des prix ne l’est pas davantage : les contrats gaziers sont indexés sur les prix du pétrole, et du fait que les pays avec qui Suez et GDF contractent ne sont pas les mêmes, il sera difficile de jouer sur les quantités pour obtenir des prix plus avantageux. A supposer même que la nouvelle entité parvienne à économiser les 250 millions d’euros annoncés par Suez, les usagers domestiques, qui ne représentent que 30 % du marché, ne verraient leur facture baisser que de 8 euros par abonné et par an – et ce dans l’hypothèse, peu probable étant donné que l’on insiste par ailleurs sur le fait que l’opération créera de la « valeur pour l’actionnaire », où le gain leur serait entièrement rétrocédé.

Une autre question préoccupante est celle de l’avenir du service de distribution commun à EDF et GDF, et qui emploie quelque 50 000 personnes. Selon les informations dont dispose la CGT-FO sur les règles de gouvernance du futur ensemble, ce service n’aura ni chef ni responsable. Comment fonctionnera-t-il concrètement dans ces conditions ? Il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent les élus de terrain…

Enfin, les tarifs réglementés sont contestés, tant par la Commission européenne que par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Quand ils disparaîtront, la nouvelle entité privée Suez-GDF sera libre, à brève échéance, de fixer ses prix, et le réveil risque fort d’être douloureux pour le consommateur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que cette audition était la première consacrée au projet de loi, mais qu’il avait déjà rencontré plusieurs acteurs du dossier, et que le président Patrick Ollier avait souhaité que les partenaires sociaux s’expriment devant toute la Commission, de façon à donner plus d’écho aux positions des uns et des autres. Le projet de loi comporte par ailleurs plusieurs volets, la privatisation de GDF étant un aspect important, mais non le seul. Il a relevé, au risque de surprendre ses interlocuteurs de la CGT-FO, un certain nombre de convergences avec eux, et souligné que la majorité n’en était encore qu’au stade de la réflexion, avant les auditions qui se succéderont au cours des deux semaines à venir. Un rapport d’étape sera présenté le 26 juillet et le rapporteur présentera ses positions à cette occasion.

Le premier des points de convergence avec la CGT-FO porte sur la nécessité de stabiliser l’actionnariat de Suez, nécessité qui est à l’origine du projet. Il y a eu, certes, des déclarations pouvant donner l’impression d’une certaine contradiction, mais l’exposé des motifs du texte est clair : il s’agit bien de permettre la fusion ultérieure de deux groupes importants opérant tous deux dans le secteur de l’énergie. Rapporteur de la loi n°2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est, avec le président Patrick Ollier, à l’origine de l’amendement fixant à 70 %, plutôt qu’à 51 % comme le prévoyait le texte du Gouvernement, la part minimum de l’Etat dans le capital d’EDF et de GDF. A l’époque déjà, la situation des deux entreprises était perçue différemment, et l’amendement avait été ressenti comme destiné surtout à apporter des garanties concernant EDF. Sans doute aurait-il été possible, sans difficulté politique majeure, d’en limiter la portée à EDF, comme le ministre et le rapporteur l’avaient alors envisagé, et si tel n’a pas été le cas, c’est que les deux entreprises étaient étroitement liées. Cela n’aurait rien changé aux données du problème d’aujourd’hui, mais cela aurait permis de souligner le fait qu’EDF et GDF relèvent d’une problématique très différente.

En 2004, déjà, il était envisagé de marier GDF à une entreprise privée. Pourquoi le projet actuel n’a-t-il pas été présenté ? Tout simplement parce que Suez ne l’envisageait pas alors, et que cette piste n’est ouverte que depuis le début de l’année.

Il n’est pas question, en revanche, de privatiser EDF, ni aujourd’hui ni demain. Le rapporteur partage avec le président Patrick Ollier et avec une très grande majorité de députés la conviction qu’EDF n’est pas privatisable, pour tout un ensemble de raisons, parmi lesquelles il suffit de citer la filière nucléaire.

Les tarifs réglementés sont un sujet sur lequel la Commission européenne n’a pas un avis si tranché qu’on le dit. La lettre de mise en demeure de la Commission ne les interdit pas : elle dit seulement qu’ils ne sont pas, de ce point de vue, assez élevés et ne reflètent pas les coûts réels de production et de distribution. En tout cas, la majorité a la ferme volonté d’inscrire dans la loi le maintien de ces tarifs réglementés.

La majorité, enfin, est également très attachée au maintien du service de distribution commun à EDF et GDF.

Ces points étant rappelés, le rapporteur a déclaré ne pas voir ce qui devrait empêcher que GDF s’unisse à Suez pour peser davantage sur le marché du gaz, en proie à des mouvements que chacun peut constater ? Il ne s’agit ni de sauver Suez grâce à GDF, ni l’inverse, mais d’adopter une stratégie « gagnant-gagnant », par la création d’un nouvel ensemble atteignant la taille critique.

Le président Patrick Ollier a dit partager les réactions de la CGT-FO sur plusieurs points. Même s’il peut y avoir divergence sur les modalités, un certain nombre des problèmes soulevés peuvent recevoir une solution.

La directive européenne n’interdit pas à la loi de la République de maintenir des tarifs réglementés. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est un service public en 2006. En tant que représentant de la sensibilité gaulliste au sein de l’UMP, il s’est déclaré très attaché à la notion de service public, mais dans le secteur du gaz, les missions de ce service public, que l’Etat a organisé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale parce que le service privé était défaillant, peuvent être assurées dans un autre cadre que celui d’une entreprise publique. Que signifie un service public du gaz quand l’Etat ne contrôle ni les prix d’achat de la matière, ni l’approvisionnement, et ne dispose d’aucun moyen de l’organiser, hormis la possession de l’entreprise qui commercialise le gaz et qui gère les réseaux ? Il n’y a aucune raison pour que ce service public ne soit pas préservé après la fusion.

Par ailleurs, le projet de loi consiste à permettre à l’Etat de diminuer sa participation dans GDF, mais, en tant que tel, il ne prévoit pas la fusion entre GDF et Suez. Il est indéniable que seule cette candidature s’est manifestée pour l’instant, mais si d’autres apparaissent, elles seront examinées.

Si GDF doit continuer à vendre une partie du gaz moins cher qu’il ne l’a acheté sur le marché, est-ce à dire que l’entreprise doive être renflouée par le contribuable ? Non. Ni, inversement, qu’elle soit vouée à déposer son bilan. La solution réside dans le rapprochement avec un électricien, lequel ne peut plus être EDF, car la Commission européenne qui examinerait cette éventuelle fusion, étant donné le volume du chiffre d’affaires réalisé par EDF hors de France, ne l’acceptera jamais. En revanche, elle n’a jamais été contre les tarifs réglementés, ni contre l’action spécifique. Rien ne s’oppose donc à ce que l’on constitue un champion européen, qui puisse négocier de meilleurs prix d’achat grâce à des volumes plus importants. Le meilleur moyen d’éviter que les tarifs n’augmentent trop, c’est de jouer sur le prix d’achat, et le projet de fusion paraît justement de nature à le permettre.

L’action spécifique est une garantie contre les OPA, s’ajoutant à celle des 34 % détenus par l’Etat. Si ces garanties n’étaient pas là, ni le président de la Commission des affaires économiques ni le rapporteur n’accepteraient de voter le texte.

L’avenir de GDF est-il menacé ? Oui. Compte tenu de l’évolution du marché, GDF ne peut rester en l’état. En revanche, le statut des personnels des industries électriques et gazières (IEG) ne sera pas remis en cause : c’est une garantie supplémentaire.

Il ne s’agit donc pas seulement de sauver Suez, même si l’OPA envisagée par ENEL est bien une OPA hostile, laissant présager une vente « par appartements », aux dépens de notre service public de l’eau. Les fonds de pension et General Electric sont d’ailleurs sur les rangs. Mieux vaut que GDF discute avec Suez, groupe franco-belge en grande partie français, qu’avec des fonds de pension américains. GDF peut être gagnant dans l’affaire, dès lors que les garanties demandées ont été acceptées par le Gouvernement.

M. Christian Bataille s’est dit, au nom du groupe socialiste, quelque peu perplexe. Ayant entendu le rapporteur et le président de la Commission justifier le projet avec embarras, il n’a pas été convaincu, même s’il a noté quelques avancées du rapporteur vers la position du groupe socialiste. Le rejoindra-t-il pour rejeter ce mauvais texte ?

Le groupe socialiste est en accord quasi-total avec CGT-FO sur la conception du service public et la nécessité de préserver une entité économique, GDF, qui a fait la preuve de son efficacité. Le système énergétique français, produit de l’histoire, mis en place par les partis de gauche et les gaullistes associés au sein du Conseil national de la Résistance, fonctionnait bien, et l’on est en train d’assister à son démantèlement, derrière le rideau de fumée dont certains essaient d’entourer l’opération. M. Nicolas Sarkozy porte une responsabilité écrasante dans l’accélération, lors de son bref passage au ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, du processus de réalisation de ce qui était jusqu’alors un fantasme du MEDEF, en procédant à l’ouverture du capital de GDF et en modifiant le statut d’EDF, premier pas vers la privatisation – dont il n’est pas question aujourd’hui, mais qui sera d’actualité après les élections du printemps 2007, en cas de victoire de la droite.

Les tarifs réglementés sont une expression de la solidarité nationale. Il n’y a rien de choquant à ce que le contribuable subventionne le consommateur. C’est une mesure d’équité sociale, et certains pays dits libéraux qui avaient abandonné les tarifs réglementés sont en train d’y revenir. C’est aussi un outil de solidarité territoriale : GDF, qui n’y était pourtant pas obligée, a développé son réseau jusque dans des endroits reculés du territoire, dont la desserte n’est pas rentable à court terme. Aucune entreprise privée n’aurait agi de même.

Ayant demandé à M. Thierry Breton, ministre de l’Economie, des finances et de l’industrie, pourquoi il voulait privatiser GDF et marier cette entreprise avec Suez, M. Christian Bataille s’est dit stupéfait de l’avoir entendu répondre qu’il s’agissait en fait d’une fusion-absorption de Suez au profit de GDF ! Comprenne qui pourra, car l’objet du projet de loi est clairement inverse…

On a par ailleurs entendu M. Gérard Mestrallet, PDG de Suez, prétendre que les personnels plébiscitaient la convention collective de Suez, plus favorable selon lui que le statut des personnels des industries électriques et gazières (IEG). Quelle analyse comparative la CGT-FO fait-elle des mérites de ces textes ?

Enfin, il est regrettable que ne soit pas à l’ordre du jour un rapprochement entre EDF et GDF, qui conservent des services communs dont le maintien pourra difficilement durer si les deux entreprises sont appelées à devenir concurrentes l’une de l’autre. La CGT-FO y reste-t-elle favorable ?

M. Jean Dionis du Séjour a remercié les représentants de la CGT-FO pour leurs exposés intéressants, et a fait part des interrogations de l’UDF.

Le projet de rapprochement entre Suez et GDF semble avoir du sens du point de vue industriel, dans la mesure où il offre à la fois une puissance financière supérieure, gage d’une meilleure sécurité d’approvisionnement, et une offre énergétique plus diversifiée grâce au couplage gaz-électricité. Mais il sera intéressant d’entendre M. Gérard Mestrallet, président de Suez, dire s’il a un « plan B », qui s’accommoderait d’un Etat conservant la majorité dans le capital de GDF, et non une simple minorité de blocage ? L’UDF se méfie toutefois des plans B…

Par ailleurs, l’UDF est très soucieuse des conséquences que pourrait avoir le texte sur EDF, car l’électricité est bien plus stratégique que le gaz, dans la mesure où il s’agit d’une énergie non substituable, et où le nucléaire constitue pour la France un important avantage compétitif.

L’article 7 du projet de loi prévoit, de façon quelque peu étrange, que le service commun de distribution ne sera pas doté de la personnalité morale. Quelles suggestions la CGT-FO peut-elle faire pour améliorer le texte sur ce point ?

S’agissant du statut des personnels des IEG, le discours officiel paraît-il convaincant à la CGT-FO ? Comment, en particulier, seront traités les nouveaux entrants ?

Enfin, l’accès au tarif social ne devrait-il pas reposer, plutôt que sur le statut d’allocataire du RMI ou de la CMU, sur un critère de ressources, ce qui permettrait d’y rendre éligibles les travailleurs à temps partiel gagnant moins que le smic ?

Le président Patrick Ollier a observé que les questions de M. Jean Dionis du Séjour anticipent en partie sur celles que le rapporteur et lui-même entendaient poser.

M. Jean-Claude Mailly a souligné que le statut n’était qu’un élément du problème parmi d’autres. La question première est de savoir quel type de service public on veut, et si on souhaite la privatisation de GDF. Or, sur ce point, le fait que le législateur se déjuge à deux ans d’intervalle décrédibilise la loi aux yeux du citoyen, et ce à l’heure où d’aucuns souhaiteraient rogner encore les prérogatives du Parlement en lui interdisant de modifier un accord intervenu entre les partenaires sociaux – ce qui serait à la fois porter atteinte à la démocratie et faire jouer aux organisations syndicales un rôle qui n’est pas le leur.

Les réponses apportées la semaine dernière par le Premier ministre et ses conseillers à la CGT-FO sur la logique industrielle de la fusion projetée ne sont pas convaincantes. La Commission européenne a beau s’opposer au rapprochement d’EDF et de GDF, il y a bel et bien complémentarité entre ces deux entreprises. La part du gaz dans la production d’électricité est appelée à croître, et il y a davantage de synergies entre GDF et une entreprise publique qu’avec une entreprise privée, quelle qu’elle soit.

On peut débattre, y compris au sein de la Confédération européenne des syndicats, du contenu des services d’intérêt général et les services d’intérêt économique général, qui ne recouvrent pas la même chose que la notion de service public. Il est certes possible d’imposer un cahier des charges à des entreprises privées, mais il ne s’agit pas, dans ce cas, d’un service public à proprement parler, service public auquel certaines communes reviennent d’ailleurs, notamment pour l’eau. Le débat n’est donc pas clos.

Le futur groupe serait-t-il « opéable » ? Même si l’Etat continue de posséder 34 % du capital, une OPA peut toujours être lancée sur les 66 % restants. Les choses seraient différentes si la part de l’Etat s’élevait à 51% du capital. Quant à l’action spécifique, ou golden share, elle n’a guère d’utilité, dans la mesure où Suez a déjà la possibilité légale – et l’intention affichée – d’émettre des bons de souscription d’actions (BSA), également appelées « pilules empoisonnées ». Il y a, enfin, une forte contradiction entre la libéralisation décidée au sommet de Barcelone en 2002 et la volonté de faire barrage à une OPA d’un groupe italien – OPA dont nul ne peut croire, au demeurant, qu’elle ait été lancée du jour au lendemain, sans signes avant-coureurs.

En résumé, la fusion de GDF avec Suez n’obéit pas, contrairement à un rapprochement avec EDF, à une vraie synergie industrielle, et ne permettrait pas au nouveau groupe de peser sur les prix d’achat. Il y a, en revanche, un problème de structure du capital de Suez, qui n’est pas nouveau et que personne ne conteste. Les salariés de Suez sont légitimement inquiets pour l’avenir de leur entreprise, et s’ils préfèrent fusionner avec GDF qu’avec ENEL, c’est parce que le caractère public de GDF leur paraît offrir plus de garanties. Ces garanties, en revanche, sont inexistantes pour les salariés de GDF.

M. Max Royer, secrétaire général de la Fédération CGT-FO de l’énergie et des mines, a réaffirmé le souhait de la Fédération d’un rapprochement entre EDF et GDF. La commission Roulet sur le projet industriel et financier d’EDF a considéré ce rapprochement comme impossible, sans toutefois dire clairement ce qui s’y oppose et pourquoi. Il y aurait, paraît-il, position dominante en France, mais au niveau de l’Union européenne, en revanche, les parts de marché cumulées d’EDF et de GDF n’atteignent que 15 %. Or, c’est justement ce même agrégat que retiennent les partisans de la fusion de Suez et de GDF comme justifiant celle-ci par la nécessité d’atteindre la taille critique sur le marché européen.

L’article 7 du projet dispose que le service de distribution commun à EDF et GDF sera dépourvu de la personnalité morale, et les deux entreprises disent ne pas souhaiter que cette filiale commune ait une direction opérationnelle autre que bicéphale – ce qui ne facilitera pas la gestion de ses quelques 50 000 agents – ni que son champ de compétences demeure défini par la loi. Le projet ne leur donnant pas satisfaction sur ce dernier point, elles poursuivent leur lobbying afin d’obtenir que la question soit laissée à la négociation entre les deux parties.

Mais si le projet est voté et que la fusion avec Suez a lieu, comment EDF et GDF, qui n’auront pas le même statut juridique et qui seront, de surcroît, en concurrence frontale, pourront-elles continuer de cogérer leur filiale commune ? Il n’est pas sûr que les deux entreprises prévoient de le faire après le vote de la loi. Les personnels de la filiale sont donc loin d’être rassurés sur leur avenir.

S’agissant des contrats de fournitures, il découle de la rédaction actuelle du projet de loi que tout usager acceptant l’offre duale qui lui sera proposée perdra automatiquement le bénéfice du tarif administré. Or, aucune information claire n’a été donnée aux consommateurs sur ce point. Il faut pour le moins que le législateur veille à ce qu’ils soient avertis et protégés.

Interrogé, sur une chaîne de télévision, sur l’opportunité de consacrer par la loi le maintien de tarifs réglementés, le président d’EDF s’est bien gardé, sans doute pour ne pas encourir les foudres de la Commission européenne, d’utiliser cette expression, préférant évoquer le contrat de service public lui interdisant pendant cinq ans d’augmenter les tarifs particuliers au-delà de l’inflation. Une telle attitude laisse pour le moins perplexe.

S’agissant du statut des personnels, M. Gérard Mestrallet n’a de cesse de vanter la convention collective de Suez, mais rien ne permet d’affirmer que les personnels des industries électriques et gazières, et de GDF en particulier, jugent cette convention plus favorable que leur statut, notamment en ce qui concerne les conditions de départ à la retraite et la sécurité de l’emploi. Quant au fait que les salaires versés par Suez soient plus élevés en moyenne, on peut y voir la preuve que les gaziers du secteur public ne sont pas si bien payés que d’aucuns le prétendent…

La loi du 9 août 2004 prévoyait une réforme des institutions représentatives du personnel des IEG, mais le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie s’était alors engagé à ce qu’elles demeurent telles qu’elles ont été créées en 1946. L’attachement des salariés à ces institutions est attesté par le fait que leur taux de participation aux élections professionnelles, qui ont lieu tous les trois ans, dépasse les 90 %.

En outre, on n’hésite pas à exploiter toutes les failles de la loi de 1946 : son article 1er, par exemple, mentionne les personnels travaillant dans la production, la distribution et le transport, mais non dans la commercialisation – et pour cause : le mot n’existait pas, puisque le régime était celui du monopole –, permettant à la direction de la compagnie nationale du Rhône (CNR), désormais propriété de Suez, de ne pas appliquer le statut des IEG aux personnels de sa filiale de commercialisation. Quant aux salariés des nouveaux fournisseurs, ils n’en bénéficient pas non plus. Il y a donc, dans un même secteur d’activité, des personnels à statut différent. Aussi peut-on nourrir quelques craintes lorsqu’on entend M. Gérard Mestrallet affirmer son intention de maintenir le statut en cas de fusion. Même si le combat prioritaire de la CGT-FO n’est pas aujourd’hui le maintien du statut, force est de constater qu’on ne cesse de chercher à le vider de son contenu, jusqu’à ce qu’un jour, les employeurs demandent aux pouvoirs publics l’autorisation de le remplacer par des conventions collectives.

Quant au tarif social, enfin, la loi du 9 août 2004 ne le prévoit que pour l’électricité, et non pour le gaz. La CGT-FO avait d’ailleurs fait part de son incompréhension à l’époque. Le projet de loi semble combler cette lacune, mais en imposant des conditions très restrictives, qui excluent de fait une grande partie de la population susceptible d’être concernée. La CGT-FO souhaite s’entretenir avec le Rapporteur des améliorations à apporter au texte sur ce point, notamment en matière de conditions de ressources.

M. Jacky Chorin a, de nouveau, évoqué les incidences de la fusion sur les prix d’achat. Selon les promoteurs du projet eux-mêmes, le bénéfice serait de 250 millions d’euros, soit, en considérant que les particuliers représentent 30 % de la clientèle et sont au nombre de 10 millions, 8 euros par abonné – et ce dans l’hypothèse où la totalité du gain serait redistribué aux consommateurs, ce que la loi ne prévoit pas. Le bénéfice espéré n’est donc pas à la hauteur des risques.

On doit relever, en outre, un manque de transparence des procédures bruxelloises. Contrairement aux usages, les institutions représentatives du personnel n’ont pas eu accès au mémoire de la Commission européenne, et n’auront pas davantage accès à la lettre de griefs du 18 août. Plus grave, le secret des affaires ne sera-t-il pas opposé aussi à la représentation nationale ? Les conditions dans lesquelles celle-ci sera appelée à légiférer à partir du 7 septembre posent donc un vrai problème de démocratie.

Quelle sera la puissance financière de GDF ? M. Thierry Breton n’avait accordé à GDF, lors de l’augmentation de capital, que 40 % des fonds levés, affirmant qu’ils donneraient à l’entreprise les moyens suffisants pour garantir la sécurité de l’approvisionnement. En outre, GDF est, si l’on excepte l’allemand Eon, l’entreprise européenne la moins endettée du secteur de l’énergie : elle ne l’est qu’à hauteur de 16 % de ses fonds propres. Le problème n’est pas le manque d’argent, mais le manque de projets, et il est cocasse d’entendre dire que la fusion donnera au nouvel ensemble, alors que Suez n’a jamais voulu intervenir dans l’amont gazier, un accès plus large aux gisements.

Il faut aussi se demander comment seront gérés les 50 000 agents du service de distribution, lorsqu’il sera commun à une entreprise publique et à une entreprise privée, aux intérêts contradictoires. De deux choses l’une : soit le pouvoir est réparti en fonction de l’activité respective des deux entreprises, ce qui donnerait – chose impensable – 75 % à EDF, soit il devra y avoir accord entre les deux parties, et nul ne peut garantir que cet accord sera durable. On peut observer que, d’ores et déjà, les usagers reçoivent deux factures séparées, et qu’une des raisons invoquées pour privatiser GDF est de leur offrir une offre duale, tenant sur une facture unique – ce qui est contradictoire avec le maintien des tarifs réglementés. Il n’existe en Europe aucun système analogue à celui envisagé : l’Italie pratique bien des tarifs administrés, mais qui sont supérieurs aux prix du marché, et l’Espagne a augmenté les siens de 6 % cette année, avec des compensations gagées par des hausses ultérieures de tarifs, titrisées et garanties par l’Etat ! Le moins que l’on puisse dire est que l’on n’y voit pas très clair. La lettre de mise en demeure de la Commission européenne précise clairement que ces tarifs ne peuvent être que provisoires, et qu’ils doivent se rapprocher du prix du marché, deux conditions qui ne sont pas reprises dans le projet de loi.

Ce que propose la CGT-FO, c’et de renégocier les directives sur l’énergie sans attendre le 1er juillet 2007, date de l’ouverture des marchés, au risque de s’exposer à des catastrophes, avec les inconvénients de la libéralisation sans ses avantages. EDF est actuellement obligée de vendre chaque année 6 000 mégawatts aux enchères à ses concurrents européens, et a dû, lors de la canicule de 2002, les leur racheter immédiatement, perdant au passage 300 millions d’euros. Or, la CRE propose tout bonnement de porter à 12 000 mégawatts les quantités mises aux enchères ! Il est urgent de tout remettre à plat

M. Max Royer a souligné que 12 000 mégawatts représentaient 12 tranches nucléaires sur les 58 existantes. Aujourd’hui, la fusion EDF-GDF ne peut se faire, au motif qu’elle devrait s’accompagner de compensations. Elle ne se fait donc pas, mais on impose quand même des contreparties ! Il n’est pourtant pas déraisonnable d’envisager la fusion de deux entités complémentaires, qui ont la moitié de leurs effectifs en commun.

Le Parlement sera appelé à voter en septembre. La CGT-FO, lorsqu’elle a rencontré M. Thierry Breton, s’est entendu dire que, si l’on demandait à GDF de vendre tout ou partie de son réseau gazier, la fusion n’aurait plus de sens. Si c’est bien cela que Bruxelles demande, on se retrouvera avec une entreprise devenue privée, sur laquelle Eon ou ENEL pourra lancer une OPA. Aucune garantie n’existe quant à la réversibilité au cas où la fusion ne se ferait pas.

Enfin, il est à noter que personne n’a apporté de réponse quant au maintien durable de la péréquation tarifaire.

Le président Patrick Ollier a souligné qu’il s’agissait seulement d’autoriser le Gouvernement à réduire la part de l’Etat dans le capital de GDF, avec un plancher de 34 %. Interrogé par la Commission des affaires économiques, M. Thierry Breton, ministre de l’Economie, des finances et de l’industrie, a indiqué qu’autorisation n’impliquait pas forcément fusion et que, si fusion il y avait, ce ne serait pas forcément avec Suez – même si, pour l’heure, il existe une offre et une seule. Si d’aventure la réponse de la Commission européenne était négative, ou si les risques étaient trop grands, le processus ne serait pas engagé.

Réviser la directive, comme l’a demandé M. Jacky Chorin, serait effectivement utile, car l’ouverture du marché en l’absence de politique énergétique européenne est préjudiciable. Le fait que le président et le rapporteur de la Commission soient à l’origine de l’amendement à la loi du 9 août 2004 maintenant à 70 % la part minimum détenue par l’Etat dans le capital d’EDF comme de GDF ne les empêche pas de reconnaître que le monde a changé entre-temps, que le marché mondial du gaz s’organise en grande partie en dehors de la France et de l’Union européenne, et que celles-ci ne peuvent rester figées sur leurs positions sans regarder ce qui se passe autour d’elles. L’ouverture du capital de GDF n’obéit pas à un parti pris idéologique, mais au souci de l’intérêt collectif.

Le rapporteur a souligné que, contrairement à ce qui se passe d’habitude, la commission saisie au fond dispose d’un délai important pour examiner le projet.

Comme l’a dit à juste titre le président Patrick Ollier, le monde change, et certains arguments avancés aujourd’hui ne l’auraient pas été il y a deux ans. Entre-temps, le prix du pétrole a explosé , mais le marché européen de l’énergie a tardé à se mettre en place, et les choses ne peuvent en rester là.

La situation d’EDF, qui maîtrise ses coûts de production, ne peut être comparée à celle de GDF, qui revend ce qu’elle a acheté. La principale question qui se pose est de savoir si le projet de fusion GDF-Suez est pertinent, et le rapporteur ne se sent pas habilité à y répondre à la place des deux groupes concernés, pas plus que le maire qu’il est par ailleurs, n’est à même de juger du bien-fondé des projets de mariage de ses administrés…

M. Jean-Claude Mailly a observé que l’une des deux entreprises en question est publique.

Le rapporteur en a convenu, jugeant toutefois que cela n’interdisait pas à ses dirigeants d’avoir une opinion sur la stratégie à adopter, et craignant que GDF ne finisse par être la dernière jeune fille du village à ne pas avoir trouvé de prétendant…

La majorité est attachée au service commun de distribution, et entend le maintenir, de même que le statut du personnel des IEG. Il est vrai que certains métiers ne sont pas mentionnés explicitement dans la loi de 1946, mais ils concernent relativement peu de monde. Il est à noter, par ailleurs, que les salariés qui ont eu le choix entre le statut et la convention collective n’ont pas tous préféré le premier.

S’agissant des risques d’OPA, la présence, aux côtés de l’Etat qui détiendra au moins 34 % du capital, d’actionnaires tels qu’Albert Frère, Areva, la Caisse des dépôts et le personnel, devrait éviter au nouveau groupe d’être avalé par un autre.

S’agissant de la réversibilité, un moyen de protéger les particuliers, compatible avec la directive européenne, a été trouvé. Il sera discuté en septembre, de même que le tarif social, dont il faut tout de même rappeler qu’il a été mis en place par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, alors qu’il avait été prévu par la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, mais non appliqué. La question des modalités est donc ouverte, mais proposer, comme l’a fait M. Christian Bataille, que ce soit la collectivité qui paie si GDF vend à perte, est une idée pour le moins curieuse.

Quant à la baisse du prix d’achat, ce n’est pas le principal but recherché, au regard de la nécessité de sécuriser les approvisionnements.

Enfin, renégocier la directive à vingt-cinq serait difficile, alors qu’il est possible d’en atténuer ou d’en corriger les effets par une loi qui serait eurocompatible.

M. Jean-Claude Mailly a observé que, parmi les événements nouveaux survenus au cours des deux dernières années, il y avait notamment le « non » aux référendums français et néerlandais.

Le président Patrick Ollier s’est félicité, en conclusion, du tour constructif pris par les échanges, qui ont fait apparaître certaines convergences, et mis en lumière des arguments méritant d’être pris en considération. La difficulté sera de les traduire en amendements indiquant des infléchissements au Gouvernement, sans remettre en cause la finalité même du projet. Le Rapporteur reprendra contact au cours de l’été avec les partenaires sociaux pour finaliser ces propositions.

La majorité de la Commission des affaires économiques est culturellement attachée à l’existence de GDF et au service public, et son président s’est même battu pour que GDF étende sa desserte, notamment dans les Hautes-Alpes. Reste qu’entre 2004 et 2006, le prix du baril de pétrole est passé de 25 à 75 dollars : c’est une évolution qui a peu de chances de s’inverser, et dont on ne peut faire abstraction, même si l’on peut et si l’on doit donner aux salariés les meilleures garanties possibles.

AUDITION DE M. JEAN-PIERRE SOTURA, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL UFICT-CGT (UNION FÉDÉRALE DES INGÉNIEURS, CADRES ET TECHNICIENS), M. OLIVIER BARRAULT, ADMINISTRATEUR FNME-CGT (FÉDÉRATION NATIONALE DES MINES ÉNERGIES) ET M. ERIC ROULOT, SECRÉTAIRE DE LA FNME-CGT

La Commission a entendu M. Jean-Pierre Sotura, secrétaire général de l’UFICT-CGT (Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens), M. Olivier Barrault, administrateur FNME-CGT (Fédération nationale des mines énergies), M. Eric Roulot, secrétaire de la FNME-CGT, sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 18 juillet 2006.

Le président Patrick Ollier, souhaitant la bienvenue à M. Eric Roulot, secrétaire fédéral de la Fédération des mines et de l’énergie de la CGT ainsi qu’à MM. Olivier Barrault et Jean-Pierre Sotura, responsables de cette fédération, a indiqué que la Commission avait souhaité les entendre à propos du projet de loi relatif au secteur de l’énergie et notamment des dispositions dont l’objet est d’autoriser le Gouvernement à baisser sa participation au capital de GDF en vue d’une fusion qui donnera à GDF la taille critique nécessaire sur le marché européen et mondial.

M. Eric Roulot a indiqué qu’il intervenait au nom de la confédération elle-même, et non pas au nom de la Fédération nationale des mines et de l’énergie puis a présenté M. Olivier Barrault, membre de la commission exécutive fédérale, plus particulièrement chargé des questions relatives au gaz, ainsi que M. Jean-Pierre Sotura, secrétaire général de l’Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens (UFICT) de la fédération.

M. Eric Roulot a tout d’abord rappelé que lors de l’examen du projet de loi modifiant les statuts d’EDF et de GDF, le pays s’était mobilisé et M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, avait adressé le 29 avril 2004 un courrier à la Fédération nationale des mines et de l’énergie de la CGT dans lequel on pouvait lire : « Je vous confirme que ces sociétés resteront publiques et ne seront en aucun cas privatisées. » M. Nicolas Sarkozy explicitait cet engagement en indiquant que « compte tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts de la France, en termes de sécurité d’approvisionnement et de sûreté des activités nucléaires, l’État conservera en effet une part majoritaire du capital de ces entreprises et continuera de définir conjointement avec leurs présidents leurs orientations stratégiques. »

Il a donc affirmé que les engagements pris à l’époque par le ministre devaient être tenus et donc que Gaz de France ne devait pas être privatisé. Privatiser GDF aboutirait à perdre la maîtrise publique et GDF ne s’en trouverait pas dynamisé, mais absorbé par une entreprise privée. Prétendre, comme le fait l’exposé des motifs, que GDF aurait besoin à très court terme d’une fusion pour « être un acteur dynamique » et être « maître de son destin » est une supercherie.

Ce projet de loi porte en lui la privatisation des réseaux et infrastructures du gaz. L’État perdrait notamment la pleine maîtrise dont il dispose sur les activités stratégiques de transport, de distribution et de stockage et de terminaux méthaniers. Le réseau de transport, demeurant la propriété de GDF, se trouverait ipso facto privatisé, bien qu’il ait toujours été affirmé que les réseaux ne devaient pas être soumis à la concurrence ; par ailleurs, l’Etat perdrait ses administrateurs au GRT et au GRD. La distribution se trouverait donc également privatisée et la voie serait ouverte au démantèlement de l’entreprise. La construction proposée dans le projet de loi pour pérenniser le service commun à EDF et GDF, qui regroupe encore aujourd’hui 60 000 agents, fragilise gravement celui-ci.

L’article 14 exclut la distribution de la nationalisation de 1946. Pour la CGT, cela signifie la fin du monopole sur le territoire de GDF. Cela ne prépare-t-il pas l’éclatement de la distribution en de multiples concessionnaires ?

La péréquation tarifaire, principe auquel la CGT est fortement attachée, est abandonnée par les articles 8 et 9. C’est bien un système analogue à celui appliqué à la gestion de l’eau qui est proposé en filigrane.

Le service commun de la distribution deviendrait un service commun aux deux filiales et non plus aux maisons mères. Aujourd’hui ont lieu certaines réunions de concertation. On constate que l’ambition des directions des entreprises est d’affaiblir le management au niveau de ce service commun et de faire remonter toutes les prérogatives managériales au niveau des directions des filiales. Un tel service commun aurait du mal à survivre à la concurrence exacerbée entre Suez- GDF d’un côté, et EDF de l’autre.

En outre, la privatisation de GDF et, de fait, du GRD Gaz, en ferait un service commun à une entreprise publique, EDF, et à une entreprise privée concurrente, Suez-GDF. La situation serait intenable et la CGT redoute l’affaiblissement de ce service commun et la fin des monopoles de concessions conférées par la loi aux entreprises publiques.

La présence de l’État serait résiduelle et défensive. Certes, le projet de loi prévoit une action spécifique ou golden share. Cependant, celle-ci ne permettrait pas de décider d’investissements ni d’orienter les activités stratégiques de ce nouvel ensemble, mais seulement de s’opposer à des décisions de cession d’actifs ou d’activités stratégiques prises par l’actionnariat majoritaire.

C’est bien un recul important de la maîtrise publique qui est programmé dans ce projet de loi. Celui-ci constitue un risque majeur de déstabilisation du service public et d’EDF, l’objectif étant d’ériger un concurrent privé face à EDF.

Le fait que les marchés s’ouvrent justifierait la disparition des services publics nationaux et la fin du choix de maintenir la propriété publique ! Cette argumentation pourrait s’appliquer à EDF et notamment à la production, malgré les risques qui peuvent en découler s’agissant de la propriété publique du nucléaire.

La mise en concurrence frontale d’EDF et de Suez-GDF ne peut, à terme, que pousser à la séparation franche entre les deux entreprises, d’où certaines inquiétudes quant à la pérennisation du service commun.

Le statut des personnels est le grand absent de ce projet de loi. La CGT avait pointé le danger que représentait la fusion avec Suez et la transformation en holding de Suez-Gaz de France, avec la filialisation des métiers, voire des sous-métiers. La loi de février 2000 a permis de conserver le statut des personnels de la production, du transport et de la distribution. Mais qu’en serait-il du personnel de la holding, du personnel commercial, de l’ingénierie, des métiers tertiaires et de l’informatique ? Cette question, posée tant à la direction de GDF qu’au Gouvernement, n’a reçu que des réponses très vagues et peu rassurantes.

Le Gouvernement, dans les réponses aux 71 questions des organisations syndicales, rappelle que l’application du statut dépend de l’activité principale de la société, ce qui confirme nos craintes. Il ajoute que, pour ce qui est de la commercialisation, il proposera de modifier l’article 1er du statut « afin que les salariés exerçant des activités de commercialisation auprès des clients finals bénéficient du statut. » Or ce point a dû être oublié par les rédacteurs du projet de loi.

De surcroît, la fusion n’améliorerait pas, bien au contraire, la sécurité de l’approvisionnement en gaz. Selon les défenseurs du projet, ce recul de la maîtrise publique aurait pour effet de constituer un acteur gazier à qui sa taille permettrait de négocier des prix moins élevés, au bénéfice des usagers domestiques et industriels. C’est faux, car GDF est déjà un leader dans le domaine du gaz, contrairement à Suez.

Prétendre que GDF est de taille moyenne est malhonnête, car cela sous-entend qu’en fusionnant avec Suez, on forme un acheteur de gaz de taille beaucoup plus grande. GDF est une des plus importantes compagnies gazières au monde par ses actifs en termes de structures industrielles intégrées de l’amont à l’aval. Suez a une activité gazière beaucoup plus faible, sans comparaison avec celle de GDF.

Dans l’activité gazière, Suez est trois fois plus petit que GDF. Distrigaz représente en volume à peine un tiers de GDF. Si on retire le gaz destiné à la production d’électricité, la comparaison tombe à 25 %. Il n’y aurait donc pas de changement d’échelle avec la fusion, comme voudraient le faire croire les défenseurs du projet.

Le modèle Suez est un modèle de trading et d’arbitrage avec le marché américain à des prix élevés. Les deux présidents ont d’ailleurs promis aux actionnaires que les gains qui pourraient être réalisés sur les achats de gaz aux pays producteurs leur bénéficieraient exclusivement. De plus, la spécialisation de Suez dans le GNL et son implantation en Amérique du Nord laisse présager des arbitrages par le groupe entre l’Europe et l’Amérique du Nord.

Le projet de loi livrerait l’expertise du service public aux actionnaires privés. La privatisation de Gaz de France va favoriser la mise en œuvre d’une logique industrielle centrée sur la recherche de la création de valeur pour les actionnaires, ce qui va porter atteinte au fragile équilibre trouvé entre les pays producteurs et les pays consommateurs au travers des contrats à long terme, seuls de nature à garantir notre approvisionnement en gaz, et cela dans la durée.

La libéralisation engendre la hausse des prix et la dégradation du service public et la CGT propose l’Opt out c’est-à-dire la possibilité, pour les pays qui le souhaitent, de sortir du processus d’ouverture totale du marché. Une telle proposition est soutenue par l’ensemble des syndicalistes européens, notamment la Confédération européenne des syndicats.

La facture de gaz a augmenté de 30 % en 18 mois et de 70 % depuis l’ouverture des marchés en 2000. Concernant l’électricité, les éléments rendus publics par l’organisme Nus Consulting dévoilant que les prix de gros de l’électricité ont augmenté de 48 % d’avril 2005 à avril 2006 et que l’écart entre les prix du marché et les tarifs « service public » réglementés par l’État viennent d’atteindre 61 %, ont renforcé le scepticisme ambiant. Le MEDEF vient de déclarer, lors d’une conférence de presse, que « l’ouverture actuelle du marché de l’électricité conduit tout le monde dans le mur ». Les prix de l’électricité ont augmenté depuis trois ans de 70 % pour les grosses entreprises consommatrices, voire de 100 % pour les plus petites.

Le bilan de cette décennie de libéralisation est désastreux. Les prix augmentent, des milliers d’emplois sont supprimés, l’organisation du système perd en efficacité, la pénurie guette et les collectifs de travail sont éclatés, ce qui génère beaucoup de souffrance et d’inquiétude parmi les salariés.

Un bilan s’impose. Au printemps 2002, le président Jacques Chirac et le premier ministre Lionel Jospin avaient tenté de rassurer l’opinion publique française en faisant valoir qu’ils avaient obtenu qu’un bilan soit réalisé avant l’échéance d’ouverture totale des marchés prévue en juillet 2007. En janvier 2006, M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, a déclaré qu’un bilan serait réalisé sur la base d’indicateurs larges et pertinents, par une commission d’enquête où les organisations syndicales et les associations de consommateurs auraient droit de cité. On sait aujourd’hui que ce bilan ne sera pas dressé, et le projet de loi se propose d’ouvrir totalement les marchés sans qu’on ait tiré les enseignements de la période 2000-2006.

Les consommateurs trouvent aujourd’hui refuge dans les tarifs administrés. Selon une enquête qui vient d’être rendue publique, seules 24 % des personnes interrogées affichent leur volonté de changer de fournisseur contre 33 % en juillet 2004.

Certes, le projet de loi prévoit de maintenir les tarifs réglementés, mais il ne s’agit que d’un alibi à courte durée de vie. Tous les acteurs du secteur s’accordent à dire que ce ne pourrait être que transitoire et qu’il est nécessaire d’aligner ces tarifs sur les prix du marché. Par ailleurs, la volonté de maintenir ces tarifs est rien moins que claire : aucun dispositif n’est prévu pour assurer la transparence de ces tarifs et pour vérifier qu’ils sont basés sur les coûts constatés. Ainsi, d’aucuns disent que le coût marginal du nucléaire est évalué par EDF à 46 euros par MWh mais personne n’est capable de vérifier ce chiffre. C’est pourquoi la CGT a avancé l’idée de constituer une commission de la transparence des tarifs et de la fiscalité, chargée de s’assurer que le tarif administré est bien calculé sur la base du coût marginal du nucléaire.

La CGT considère qu’il existe d’autres choix. Défendre les consommateurs implique tout d’abord de ne pas ouvrir le marché en 2007.

Le maintien des tarifs régulés, n’est pas une protection suffisante, car le problème de fond est la déréglementation elle-même. Dans un marché déréglementé, les tarifs réglementés sont une aberration. L’Union professionnelle des industries privées du gaz (UPRIGAZ) vient, dans un avis publié par le Bulletin de l’industrie pétrolière du 27 juin, de demander la fin immédiate de ces tarifs et de revendiquer l’obligation, pour les collectivités locales, de passer aux contrats de marché. La société Poweo, opérateur alternatif dans le domaine de l’électricité, considère que « le gel des tarifs réglementés incite ses clients potentiels à ne pas exercer leur droit d’option pour la concurrence, et dissuade les fournisseurs alternatifs d’entrer sur le marché du gaz, compromettant ainsi son ouverture à la concurrence. »

L’ouverture totale du marché aura des conséquences très nocives sur l’organisation du système énergétique. Puisque la France est appelée à faire des propositions pour relancer le processus de construction européenne, la CGT propose que le Gouvernement prenne l’initiative de formuler auprès du Parlement européen une proposition de nature à laisser la possibilité, aux États qui le souhaitent, de déroger à la mise en œuvre de l’ouverture totale des marchés prévue en juillet 2007. Cette proposition d’Opt out recueille le soutien du mouvement syndical européen, et notamment de la Confédération européenne des syndicats (CES).

La CGT propose par ailleurs de baser les tarifs sur les coûts de développement, et non sur les marchés spot. Elle considère que ce n’est pas la concurrence qui fait baisser les prix d’une énergie fournie en réseau comme l’électricité ou le gaz, mais les options retenues pour les énergies primaires, les gains d’échelle résultant de l’intégration des systèmes de production, de transport et de distribution, de l’optimisation des tarifs par le calcul économique à long terme et, pour le gaz, par des contrats à long terme scellés avec les pays producteurs. La CGT prône donc l’existence de tarifs administrés gérés par un organisme représentatif des consommateurs, des élus et des salariés afin d’assurer un système de tarification basé sur les coûts et notamment pour le gaz sur les contrats d’approvisionnement long terme non sur les marchés spots.

La CGT revendique un droit inaliénable, le droit à l’énergie pour tous, car l’énergie est source de développement et de dignité humaine, et s’est beaucoup investie en ce sens. Aujourd’hui, dans le projet de loi, seuls l’électricité et le gaz sont pris en compte pour les particuliers sur les branchements individuels, elle exclut tous les chauffages collectifs au gaz, ce qui est l’essentiel du parc HLM. La CGT propose un concept plus global incluant également les produits pétroliers, le charbon et le bois.

Sa quatrième proposition porte sur l’instauration d’une politique publique européenne d’approvisionnement. L’exposé des motifs du projet de loi fait totalement l’impasse sur le fait que l’Union européenne envisage, dans son livre vert, de se doter d’une politique extérieure clairement définie en matière d’énergie de sorte que l’Europe soit politiquement responsabilisée pour négocier avec les pays producteurs l’approvisionnement en gaz.

Pour la CGT, la sécurité de l’approvisionnement passe non seulement par le renforcement de la maîtrise publique, mais encore par l’octroi de compétences nouvelles au niveau européen et non par une fuite en avant libérale.

Il existe une alternative à la fusion pour le groupe Suez. La CGT est fortement attachée à ce que le groupe reste une entreprise intégrée. Elle a proposé d’augmenter la part des actionnaires dits « sûrs » dans le capital de Suez, de sorte que l’État dispose d’une minorité de blocage afin de protéger l’entreprise d’une éventuelle OPA.

Il existe également une alternative pour Gaz de France et EDF. Le capital à majorité publique de GDF le préserve de toute OPA. Ses activités opérationnelles lui assurent des ressources importantes lui permettant d’investir. La question qui se pose est de savoir si l’on poursuit la séparation d’EDF et GDF ou si, au contraire, on renforce les synergies de service public existantes – un service commun mixte, qui occupe aujourd’hui 60 000 agents. Stratégiquement, les directions ont décidé, sur la base des orientations politiques prises, de faire éclater ce service commun qui avait pourtant fait la preuve de son efficacité en termes de service public. La CGT a proposé de ne pas scinder ces entreprises, mais plutôt de renforcer leurs liens historiques pour mieux répondre dans l’avenir à leurs missions de service public.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a rappelé que ce texte porte sur la transposition des directives et achève l’ouverture des marchés initiée en 2000. La CGT a fait connaître son opposition à la dernière étape de ce processus engagée en 2002 au sommet de Barcelone.

Il a demandé à M. Eric Roulot si le fait de ne rien faire n’exposerait pas la France à l’application pure et simple de la directive, sans possibilité d’en aménager les modalités ni d’en éliminer certains effets négatifs. La position de la majorité consiste à dire qu’il vaut mieux transposer la directive en droit français, sous réserve de quelques aménagements, plutôt que de laisser faire la Commission européenne.

S’agissant du capital de Gaz de France, l’effet de taille recherché par le projet n’offrira-t-il pas un avantage, étant donné l’environnement concurrentiel dans lequel se trouve l’entreprise ?

Observant que M. Eric Roulot avait fait un parallèle entre l’électricité et le gaz, et considérait que la hausse de 30 % du prix du gaz constatée depuis un an était inadmissible, il lui a demandé s’il ne pensait pas qu’il existait un lien entre le prix du gaz et le cours du pétrole.

Il a souligné que tous les représentants du personnel de Suez se sont déclarés favorables à la fusion et a demandé à M. Eric Roulot s’il avait eu l’occasion de discuter avec eux et avec des représentants des autres syndicats sur cette question importante.

S’agissant des tarifs de l’électricité, enfin, la question est de savoir quel est le niveau permettant à la fois l’approvisionnement et l’investissement, c’est-à-dire le renforcement des capacités de production.

M. Daniel Paul, observant que l’énergie n’était pas un secteur comme les autres, a souligné la nécessité d’un bilan ; or, il semble n’en être plus question, alors même que dans d’autres domaines, comme celui de l’utilisation des finances publiques, on juge cela indispensable. On avance à marche forcée, pour ouvrir la totalité du marché à la concurrence. Mais il est encore temps de s’arrêter, et M. Eric Roulot a souligné à juste titre que la CES, qui regroupe l’ensemble des syndicats européens, est opposée à la poursuite de l’ouverture à la concurrence.

Si l’ouverture à la concurrence était si bénéfique pour le pays en termes d’indépendance et d’approvisionnement énergétique pour l’industrie, pour les usagers, pour les salariés, les députés communistes voteraient pour. Mais encore faudrait-il qu’on leur en apporte la preuve. Quant à l’idée selon laquelle ce serait pire encore si on laissait faire la Commission européenne, elle n’est pas davantage acceptable.

Il serait intéressant, enfin, de recueillir le sentiment de la CGT sur le déroulement du G8 à Saint-Pétersbourg, qui éclaire de façon pertinente le débat actuel sur les graves tensions perturbant le marché gazier.

M. Philippe Auberger a observé que tous les Français ne sont pas desservis par le gaz et ceux qui le sont le sont dans le cadre d’une concession passée par les collectivités locales avec Gaz de France. Il s’agit donc déjà bien d’un système concurrentiel, et non d’un monopole d’État.

Tout comme le nucléaire, le gaz est porteur de risques : chaque année, on déplore des accidents, d’où un impératif de sécurité. Une large concertation a lieu sur ces questions– 37 réunions cette année. Les syndicats ont-ils, dans ce cadre, proposé l’établissement d’un plan de développement, comportant des investissements en matière de production, en matière de transports, en matière de sécurité – tels que l’élimination des tuyaux en fonte, qui sont dangereux.

Les échéances européennes sont inéluctables. Croire que la Commission européenne laissera certains pays à l’abri de la directive serait utopique, et continuer à faire croire à la population que le mariage entre EDF et GDF est possible exposerait la France à une demande de démantèlement d’EDF et de son secteur.

M. François Brottes a relevé que le texte traitait de l’ensemble des questions d’énergie, et pas seulement du gaz : quand on parle de tarifs réglementés, l’électricité est également concernée. Sa motivation politique principale est toutefois bien la privatisation de Gaz de France, sous l’habillage habile de l’achèvement de la transposition de la directive.

L’accord de Barcelone comportait des garanties très importantes : l’étude d’impact, pour laquelle tout le monde était d’accord, mais que personne n’a fait ni ne demande, à part les syndicats ; l’ouverture de la concurrence aux ménages ; l’engagement d’une directive sur les services d’intérêt économique général qu’on attend toujours.

On explique çà et là que le personnel va « trinquer ». Des dizaines de milliers de travailleurs et leurs familles sont dans l’inquiétude quant à leur devenir.

Les concessions vont être remises en cause au niveau des communes. Or, le texte fait l’impasse là-dessus, et on finira par s’apercevoir qu’il y aura une énergie à deux ou trois vitesses, certains étant en situation de mettre en concurrence les opérateurs et pas les autres. Ce sera la fin de la péréquation tarifaire.

Le groupe socialiste avait demandé une commission d’enquête sur la constitution des prix de l’énergie ; la majorité lui avait répondu que le présent texte réglerait la question…

M. Eric Roulot a évoqué les engagements pris par M. Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre. La parole donnée est trahie. Chacun a bien compris qu’en aucun cas le mariage entre Gaz de France et Suez ne renforcera l’amont de la filière, Suez n’étant ni producteur ni vendeur de gaz.

Le service public va se trouver fatalement déclassé. Il y a là un enjeu républicain, national, constitutionnel très important.

Au cours des 37 réunions qui se sont tenues, 75 questions ont été posées, et les réponses qui leur ont été apportées contiennent des mensonges évidents. Un seul argument a-t-il été avancé par les pouvoirs publics, lors de ces échanges, qui soit de nature à persuader la CGT que ce texte vise autre chose que l’augmentation des tarifs, la fragilisation des personnels ou l’abandon du service public ?

M. Claude Gatignol a rappelé que le texte proposé porte sur le secteur de l’énergie dans son ensemble, un seul titre ayant trait au capital de Gaz de France, et a demandé aux représentants de la CGT ce qu’ils pensent de la transposition de la directive européenne qui s’impose et de l’avenir de Gaz de France dans cette configuration. La sécurité d’approvisionnement, qui reste la priorité, peut-elle être garantie autrement que par une diversification des acteurs énergéticiens et par une mixité de services entre électricité et gaz – le pétrole étant à part ?

M. Serge Poignant a demandé aux représentants de la CGT, d’une part s’ils étaient en désaccord avec la partie du texte qui permet, au 1er janvier 2007, de maintenir des tarifs pour les consommateurs et pour les entreprises, et d’autre part si, selon eux, GDF pouvait rester compétitif en restant seul et s’ils étaient opposés à toute baisse de la part de l’Etat dans le capital de GDF.

Le président Patrick Ollier a rappelé que la hausse des prix du gaz était liée à celle des prix du pétrole. Le fait qu’en trois ans le baril soit passé de 25 à 75 dollars ne doit-il pas amener la France à rechercher des solutions consistant, notamment, à faire acquérir à Gaz de France une masse critique qu’elle n’a pas aujourd’hui ?

M. Jean-Pierre Sotura répondu, en premier lieu, que la CGT était excédée d’entendre répéter que la concertation avait été exemplaire. Elle a notamment adressé aux pouvoirs publics, le lendemain de l’annonce de la fusion, des propositions ainsi qu’un mémorandum sur la politique énergétique. Or, malgré les engagements répétés du ministère sur cette question, ils n’ont jamais été discutés.

Certes, des représentants des salariés de Suez de la holding se sont exprimés auprès des parlementaires, sur la question de la fusion, dans un sens opposé à celui défendu par la CGT, mais il s’agissait alors de parer au danger de prédation auquel était exposé Suez et non pas du devenir de Gaz de France.

S’agissant de la consultation des salariés, la CGT trouve anormal qu’une telle publicité soit donné à la position du comité d’entreprise de la holding, laquelle regroupe 300 salariés, sur cette fusion, sans que les 60 000 autres salariés aient voix au chapitre. Or, le comité central de l’entreprise de Suez regroupant 60 000 salariés, réuni les 3 et 4 juillet derniers, s’est déclaré contre cette fusion.

La CGT, concernant des opérations telles des fusions qui engagent fortement l’avenir des emplois dans l’ensemble des groupes concernés, pose la question des droits des salariés et estime qu’ils devraient disposer d’un droit de veto suspensif. La fusion représente un risque non seulement pour GDF, mais aussi pour les salariés du groupe Suez, notamment ceux de la partie « eau et environnement ». En effet, ces activités vont se trouver marginalisées dans cet ensemble Suez-GDF et auront probablement vocation à être cédées d’une manière ou d’une autre. Laisser penser que les salariés de Suez, dans leur majorité, sont enthousiasmés par cette fusion est donc contraire à la réalité.

M. Olivier Barrault a jugé la transparence de l’évolution des tarifs régulés essentielle, et notamment la composition de la formule tarifaire. Actuellement, le tarif public du gaz ne reflète pas les coûts véritables d’importation du gaz long terme. Ainsi, entre 2002 et 2003, les administrateurs CGT de Gaz de France ont pu constater que l’entreprise avait engrangé un milliard d’euros de marge supplémentaire principalement sur les usagers du fait de la non répercussion de la baisse des coûts d’importation survenue dans la période. Depuis, l’entreprise refuse toute information aux administrateurs sur les coûts réels. L’opacité est donc totale. D’ailleurs, selon le bilan annuel que vient de publier la Commission de régulation de l’énergie, la formule tarifaire actuelle apporterait à l’entreprise un solde positif de 240 millions d’euros.

Les tarifs régulés en France sont malgré tout largement inférieurs au tarif du marché européen. Il rappelle que la sécurité d’approvisionnement du gaz de la France repose essentiellement sur les contrats à long terme que Gaz de France, entreprise publique, a signé avec les pays producteurs. Or, le choix politique qui a été fait depuis quelques années, du fait de la déréglementation, consiste à créer progressivement les conditions d’un approvisionnement sur le marché spot, qui représente aujourd’hui près de 20 % de l’approvisionnement de Gaz de France et sur lequel les coûts sont deux fois supérieurs à ceux des contrats à long terme comme le montre là aussi, le bilan de la CRE. Ce système de contrat à long terme d’État à État, a permis à la France de bénéficier des prix les plus bas d’Europe alors même que celle-ci était l’un des pays le moins pourvu en gaz. La fusion/privatisation va offrir au capital privé tout ce que le pays a investi pendant soixante ans au service de l’intérêt général et donc spolier la population.

La CGT considère que la question qui se pose n’est pas celle de la taille de l’entreprise, mais celle de la politique d’approvisionnement. Aujourd’hui, l’intérêt des Français réside dans la fusion d’EDF et de GDF, dont la séparation a déjà créé des surcoûts considérables – plus de 340 millions d’euros pour la seule facture différenciée ! On a prétendu qu’une telle fusion n’était pas possible, et devrait s’accompagner de contreparties considérables. Or, selon une étude juridique qu’a fait réaliser le Conseil Supérieur des Comités Mixtes à la Production par le Cabinet Levy-Gosselyn, elle est parfaitement possible et échapperait à l’avis de la Commission Européenne. Les contreparties seraient bien plus faibles que celles qui résulteraient d’une concurrence entre EDF et Gaz de France.

Le président Patrick Ollier a demandé que cette étude soit remise à la commission.

M. Eric Roulot a observé que les entreprises se regroupaient au niveau européen pour faire face à des investissements colossaux : 1 200 milliards d’euros d’ici 2030 afin de répondre à l’offre et de remplacer les capacités qui arrivent en fin de vie. Les organisations syndicales ne refusent pas des alliances de coopération entre les entreprises pour relever les grands défis qui leur sont posés dans le domaine énergétique en Europe. Mais elles estiment que les nations doivent garder une maîtrise et orienter les stratégies des industriels, car il ne s’agit pas d’un secteur d’activité banal : l’énergie est à l’économie ce que le sang est à la vie. Or, on voit bien qu’il y a antinomie entre l’intérêt particulier des actionnaires de ces grands groupes et l’intérêt général des économies et des pays composant l’Europe.

S’agissant de la transposition de la directive, en particulier quant à l’ouverture totale du marché pour les particuliers, la CGT souhaite que la France s’efforce d’obtenir le principe de l’Opt out. Le contexte politique créé par le « non » au référendum du 29 mai est tel que la France aurait sans doute intérêt, dans un domaine aussi essentiel, à faire une telle proposition, à défendre l’idée que, tant qu’un bilan approfondi ne sera pas fait, le marché ne doit pas être ouvert aux particuliers, car cela aurait des conséquences très nocives sur le service public, sur les tarifs, etc.

Quant aux contreparties qui pourraient être imposées à EDF et GDF par la Commission européenne pour abus de position dominante sur le territoire national si ces deux entreprises fusionnaient, le rapport Roulet a eu tendance à les surestimer pour justifier l’impossibilité d’une telle fusion. Or, EDF et GDF sont déjà plus ou moins fusionnées par l’intermédiaire de leur service commun, où 60 000 agents travaillent ensemble. Le choix politique qui a été annoncé est catastrophique tant d’un point de vue humain qu’économique et social, car il casse les synergies construites depuis soixante ans, et qu’il aurait au contraire fallu renforcer pour mieux répondre au service public.

Inversement, on tend à minimiser les contreparties qui pourraient être demandées par l’Europe à GDF et à Suez. La Commission européenne enverra sa lettre de griefs le 18 août, et les deux entreprises lui ont demandé de ne pas dévoiler son contenu, notamment avant le débat du 7 septembre à l’Assemblée nationale. Il s’agit que les parlementaires se prononcent, sans connaître la totalité du dossier, en faveur d’une loi engageant la privatisation de Gaz de France.

Dans l’exposé des motifs, il est écrit que le rapprochement entre Suez et Gaz de France permettrait d’améliorer la sécurité de l’approvisionnement du pays. La CGT estime au contraire que la sécurité de l’approvisionnement en gaz de la France n’est pas liée à la diversification de ses sources d’approvisionnement, mais à des contrats à long terme, passés avec les pays producteurs. Il s’agit d’une négociation politique entre la France et ces pays, les entreprises servant, quant à elles, à distribuer et à transporter l’énergie faisant l’objet de ces contrats. Le choix de critères se limitant exclusivement à la rentabilité financière est de nature, au contraire, à menacer la sécurité d’approvisionnement de la France.

La CGT est évidemment favorable au maintien des tarifs réglementés, mais ce maintien ne réglera pas tous les problèmes. Il faut que les élus, les citoyens, les associations, les organisations syndicales aient la possibilité de vérifier, dans le cadre d’une instance compétente, que ces tarifs sont bien formés sur la base du coût de développement marginal. Sinon, le risque est de se retrouver dans la situation évoquée par Olivier Barrault : du fait de l’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole, le premier augmente lorsque le second augmente, et l’entreprise en profite pour accroître la marge des actionnaires. C’est bien ce qui s’est passé entre 2001 et 2003, période durant laquelle le bénéfice de l’entreprise s’est accru d’un milliard d’euros, au profit des actionnaires.

La CGT considère que l’énergie n’est pas une marchandise comme les autres et qu’il faut renforcer la maîtrise publique en ce domaine. Toute politique consistant à livrer ces entreprises au profit privé est une politique à courte vue, qui aura des conséquences nocives sur la sécurité d’approvisionnement de la France et remettra en cause les principes auxquels la majorité des Français sont attachés : égalité de traitement, péréquation tarifaire, adaptabilité des services publics. Ce sont bien ces principes qui risquent de voler en éclat avec la privatisation de Gaz de France.

Le point de vue de la CGT sur la politique de développement de l’entreprise s’est exprimé au travers de rencontres avec les hauts fonctionnaires du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. La CGT a été de tous les combats pour la résorption des canalisations en fonte grise, dont l’explosion a déjà causé des dizaines de morts. Par le biais de ses administrateurs, elle a mené campagne pour que les moyens financiers soient dégagés afin que cette résorption ait lieu le plus rapidement possible.

M. Eric Roulot a enfin évoqué la différence de prix entre le mégawatt nucléaire de l’EPR de Flamanville, soit 46 euros, et le mégawatt finlandais, soit 29 euros. Cette différence tient à la rémunération du capital : en Finlande, un pôle public financier a permis de réaliser un investissement avec un emprunt à un taux très faible ; la rémunération du capital dans le projet français est beaucoup plus élevée.

M. Eric Roulot a rappelé que l’un des arguments utilisés pour justifier l’ouverture du capital d’EDF était la possibilité de financer les investissements. Or, maintenant que le capital a été ouvert, la direction de l’entreprise dit qu’il faut augmenter les tarifs pour financer les investissements…

La CGT reste attachée à certains principes définis en 1946, dont celui selon lequel l’usager finance, à travers les tarifs, le développement à long terme de l’entreprise. En théorie, donc, l’augmentation des tarifs en vue de financer les investissements n’a rien d’anormal, mais la pratique est fortement discutable. Le fait de fixer à 46 euros le prix du mégawatt, alors que le parc est largement amorti, mérite pour le moins discussion. De la même manière, la pratique de tarifs en dents de scie ne paraît pas de bonne politique.

La CGT est d’accord pour que les tarifs financent les investissements, mais la politique d’investissement doit être cohérente et continue. Il faut également prévoir des mécanismes de contrôle démocratique de la situation des prix et des tarifs.

M. Olivier Barrault a précisé que la fusion entre EDF et GDF ne relevait pas des compétences de la Commission européenne puisque les entreprises réalisent plus des 2/3 de leur chiffre d’affaires sur le territoire national. Il a ajouté qu’en termes de concurrence les positions de marché s’apprécient sur des marchés donnés comme celui du chauffage, par exemple. C’est pourquoi les éventuelles contreparties seraient beaucoup plus faibles que celles annoncées dans le rapport Bredin Prat, communiqué à la commission Roulet. La faisabilité de la fusion a été mise à l’ordre du jour du conseil d’administration de Gaz de France par les trois administrateurs CGT en mars 2005. Les administrateurs CGT ont, à l’aide de cette étude juridique du Cabinet Levy-Gosselyn, mis la direction juridique de l’entreprise en difficulté pendant la séance du conseil à tel point qu’à bout d’arguments, le président de l’entreprise à mis fin au débat en disant : « De toute façon, l’État ne veut pas et EDF non plus ».

Par ailleurs, sur le lien entre prix du gaz et prix du pétrole, la question essentielle n’est pas de savoir si le prix du pétrole augmente mais qu’elle est la réalité des coûts d’importation du gaz. Or, à l’occasion du rendez vous tarifaire du 1er novembre 2004, cette question avait donné lieu à un important débat public et M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, avait refusé l’augmentation demandée en accordant à l’entreprise seulement 4 % d’augmentation alors que la CRE avait accepté une augmentation de 8 %. La direction de Gaz de France s’était offusquée publiquement de la gravité de cette décision sur la situation financière de l’entreprise. Les six administrateurs salariés avaient demandé la tenue d’un conseil extraordinaire, en octobre 2005, pour permettre de connaître les répercussions exactes sur l’entreprise des coûts d’importation du gaz. Le président, malgré l’obligation qui lui était faite par le règlement intérieur du conseil, a refusé au motif que ces coûts d’importation « n’étaient pas de la compétence du conseil d’administration ».

M. Jean-Pierre Sotura a rappelé que le Conseil constitutionnel avait validé en 2004 la loi de changement de statut et érigé Gaz de France en service public national. Et pour autant, en 1946 comme en 2004, tous les consommateurs français n’étaient pas alimentés en gaz. Mais, aux termes du présent projet de loi, Gaz de France ne sera plus un service public national. Le monopole de concession de distribution du gaz risque de se trouver gravement remis en cause.

Le président Patrick Ollier a remercié les représentants de la CGT.

AUDITION DE M. MICHEL LAMY, SECRÉTAIRE NATIONAL CFE-CGC, M. JEAN-CLAUDE PELOFY, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL CFE-CGC DES IEG, M. BERNARD GLÉNAT, DÉLÉGUÉ NATIONAL CFE-CGC DES IEG ET M. ALEXANDRE GRILLAT, ADMINISTRATEUR EDF

Puis, la Commission a entendu M. Michel Lamy, secrétaire national CFE-CGC, M. Jean-Claude Pelofy, secrétaire général CFE-CGC des IEG, M. Bernard Glénat, délégué national CFE-CGC des IEG et M. Alexandre Grillat, administrateur EDF, sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 18 juillet 2006.

Après avoir souhaité la bienvenue aux personnes auditionnées, le président Patrick Ollier les a invitées à exposer brièvement la position de la CFE-CGC sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

M. Michel Lamy a rappelé que la loi de programme du 13 juillet 2005, fixant les orientations de la politique énergétique, dispose en son article 1er que la politique énergétique vise à contribuer à l’indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d’approvisionnement, assurer un prix compétitif de l’énergie, préserver la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre, garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie et repose sur les entreprises publiques nationales et locales. Il s’est toutefois interrogé sur la crédibilité de ces objectifs si l’État n’était plus majoritaire et que les fonds de pension gagnaient du terrain.

M. Jean-Claude Pelofy s’est attaché à reprendre le projet de loi, titre par titre. S’agissant du titre 1er et de l’ouverture du marché de l’énergie pour les particuliers, il rappelle que, si son organisation syndicale n’était pas hostile à l’ouverture du marché pour les grands professionnels, c’est-à-dire les industriels, elle a toujours désapprouvé l’ouverture des marchés pour les particuliers, qui pourrait menacer l’encadrement des prix de l’électricité et du gaz. Seuls des tarifs réglementés à long terme permettent de mener une politique d’investissement à long terme. Les tarifs réglementés sont un rempart contre le désordre des investissements, tant au niveau des moyens de production que des infrastructures.

M. Alexandre Grillat a ajouté que les clients français, depuis soixante ans, bénéficient, grâce à la logique de tarification à long terme, d’un parc de production optimisé à la maille nationale, et basé sur un coût marginal nucléaire et hydraulique. Cette situation, qui n’existe nulle part ailleurs en Europe, leur offre l’optimum technico-économique du parc électronucléaire hydraulique. Or, l’intégration des marchés européens les obligera à payer un prix de marché correspondant davantage à une moyenne européenne, basé sur un parc plutôt thermique, dépendant du CO2 et de l’augmentation des combustibles fossiles. Structurellement, en dehors des bénéfices de la concurrence, le client français ne pourra que payer plus cher son électricité demain.

Par ailleurs, l’ouverture des marchés risque d’exposer les clients à une volatilité, à une cyclicité et à une spéculation boursière, le produit électricité qui, de par sa nature, n’est pas stockable et dont la production et la consommation s’équilibrent en temps réel, alors même que le client a besoin d’une visibilité à long terme sur le prix et la qualité, et les investisseurs d’une planification à long terme des investissements. Par conséquent, il ne faut pas ouvrir complètement les marchés, si l’on ne veut pas répéter le scénario californien de la fin des années 1990 ni celui de British Energy.

Enfin, contrairement au monde des télécommunications, lequel a connu une rupture technologique liée à la téléphonie mobile et à la révolution Internet qui a créé des espaces de croissance, et laissé ainsi de la place au jeu de la concurrence, les secteurs de l’électricité et du gaz restent toujours une industrie de réseaux « purs et durs » en quasi-monopole naturel, et il existe peu de services novateurs liés à l’utilisation de l’électricité. Ainsi, du fait de la spécificité du produit, le client français n’aurait pas beaucoup à gagner à la concurrence. Au contraire, à défaut de revenir sur l’ouverture du marché pour les particuliers, il faudra les protéger des dérives d’un marché libéralisé, grâce à une tarification qui reposerait sur la vérité des coûts – lesquels ne se limiteraient pas au coût d’exploitation, mais intègreraient également les coûts de développements futurs du parc – et serait décidée par des opérateurs de service public, qui auraient signé un contrat de service public avec l’État, ou reçus une délégation de service public au niveau des collectivités locales.

M. Jean-Claude Pelofy a regretté par ailleurs qu’il n’y ait pas eu de véritable retour d’expérience sur l’ouverture des marchés. Abordant le titre II sur la distribution de l’électricité et du gaz, il a dénoncé le danger que représenterait la privatisation de l’un des deux distributeurs, si du jour au lendemain l’ensemble des concessions gazières étaient mises en concurrence. En effet, si GDF répondra bien évidemment aux appels d’offres sur les concessions gazières, le concurrent éternel EDF, comme d’autres opérateurs, en fera de même et ces deux entreprises ne se feront certainement pas de cadeau. D’autre part, parce que la rente financière liée à l’acheminement est plus importante pour GDF que pour EDF, la mise en concession appauvrira bien davantage GDF qu’EDF qui dispose d’autres sources de revenus grâce à son parc de productions.

Selon M. Bernard Glénat, le transfert d’une entreprise du secteur public, qui détenait un monopole, au secteur privé va sans doute attirer l’attention de la commission économique européenne, ne serait-ce que sur la question des abus de position dominante. Bruxelles ne manquera sans doute pas d’exiger des contreparties.

M. Alexandre Grillat a précisé que la mise en concurrence des concessions mettrait sans doute fin à la péréquation tarifaire nationale qui repose sur le monopole des concessions distribution.

Concernant le titre III et l’évolution du capital de GDF, M. Jean-Claude Pelofy a rappelé qu’en 2004, la CFE-CGC, motivée par un projet industriel cohérent, avaient été la seule à soutenir la transformation de l’établissement public industriel et commercial GDF en société anonyme. Ce projet industriel était basé sur le fait que GDF, qui était une entreprise très saine, souffrait de ne pas être suffisamment présente au niveau de la production de gaz, laquelle demande de gros investissements.

Le seul actionnaire étant l’État, il était impossible d’espérer une recapitalisation, d’où l’intérêt du passage au statut de société anonyme qui autorisait alors une augmentation conséquente de capital.

Malheureusement, un an plus tard, les promesses n’étaient pas tenues : l’État a procédé à une cession d’actions pour un peu plus de 2 milliards d’euros, mais le capital n’a été augmenté que d’un milliard, alors que le succès de la mise sur le marché de GDF pouvait laisser espérer bien davantage.

La CFE-CGC n’a pas une position dogmatique sur une participation de l’État à 70 %. Elle pourrait ainsi être ramenée à 50 % plus une action, ce qui permettrait aux nouveaux actionnaires dans le cadre d’augmentation de capital, d’apporter à l’entreprise un peu plus de 20 milliards. GDF n’étant pas endettée, elle pourrait s’endetter un peu, et ainsi, avec plus de 20 milliards de fonds propres supplémentaires, lever son handicap stratégique.

Ce n’est pas la fusion avec Suez qui permettra de régler cette question.

M. Bernard Glénat a observé que si GDF absorbe Suez et doit payer la différence entre la valeur des actions des deux entreprises, qui s’élève aujourd’hui à cinq euros, c’est un premier investissement d’environ six milliards que devra consentir le nouveau groupe, ce qui n’est pas négligeable et risque de limiter les capacités d’investissement dans le secteur industriel.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a rappelé qu’un premier bilan avait bien eu lieu, suivi d’un rapport remis au Premier ministre.

Après avoir entendu les réticences exprimées par les intervenants sur l’ouverture du marché de l’énergie pour les particuliers, il s’est interrogé sur le niveau du tarif qui, tout en reflétant les coûts, permettrait de poursuivre les investissements nécessaires.

Que pensent par ailleurs les participants des missions qui pourraient être confiées au régulateur, au-delà de celles que la loi lui confère déjà ? La surveillance des marchés pourrait-elle ainsi entrer dans ses compétences ?

Reconnaissent-ils enfin des mérites à la fusion, à l’instar des syndicats de Suez qui y sont tous favorables ?

Avant d’interroger les représentants de la CFE-CGC, M. François Brottes a tenu à souligner que, pour l’instant, tous les syndicats auditionnés avaient désapprouvé le projet de fusion, et que le bilan du rapporteur ne pouvait tenir lieu d’étude d’impact sur l’ensemble du marché européen de l’énergie, telle qu’elle avait été annoncée à Barcelone.

Les participants pensent-ils que la privatisation de GDF entraînerait un déclassement du service public national ? GDF court-il le risque de se retrouver dans la même situation que le secteur de l’eau suite à la mise en concurrence des concessions ? Que penser de la position hybride de nombre d’agents d’EDF-GDF ? Enfin, ont-ils eu accès aux documents proposés à la commission européenne ? Il est gênant de prendre des décisions sans connaître les contreparties que Bruxelles exigera.

M. Xavier de Roux s’est tout d’abord demandé si l’écart entre le prix de l’électricité, basé sur le coût du nucléaire et de l’hydraulique, et celui du gaz, largement importé et donc soumis aux aléas du marché, allait encore s’aggraver.

Par ailleurs, pour garantir la sécurité des approvisionnements, il convient d’investir massivement, ce qui impose d’ouvrir le capital de GDF, dans la mesure où même les contrats à long terme, du fait des clauses d’indexation et de révision, suivent les prix du marché. Quel montant serait nécessaire pour investir dans les sources d’approvisionnement ?

Enfin, GDF a-t-il besoin d’un partenaire fort pour l’aider à réaliser ces investissements, et lequel ?

M. Daniel Paul a observé que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, auditionné il y a quelques jours, ne parlait plus de fusion entre GDF et Suez, alors qu’il n’avait été question que de cela pendant des semaines. Sans doute faut-il imputer cette évolution intéressante aux nombreux doutes et interrogations qui subsistent, notamment chez les syndicats.

Après avoir confirmé que le bilan établi par le rapporteur ne correspondait pas à celui promis il y a quelques années, il a demandé à la CGC de Suez de confirmer son opposition au projet de fusion avec GDF.

D’autre part, MM. Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli ayant expliqué l’intérêt financier que représentait le transport du gaz, comment cet intérêt pourrait-il subsister si le transport, la distribution et les concessions sont menacés ?

Enfin, la question du gaz, comme des autres produits énergétiques, est à ce point politique que seuls des contrats sur le long terme, négociés d’État à État, avec possibilité d’intervention de la commission européenne, peuvent apporter une certaine garantie – ce qui ne veut pas dire que les tarifs ne doivent pas évoluer.

M. Serge Poignant s’est interrogé sur les conséquences d’un statu quo, notamment pour le secteur environnement de Suez. Par ailleurs, si la participation de l’État était ramenée à 50 % plus une action; quel serait le gain ?

M. Jean Proriol a demandé aux participants leur avis sur une éventuelle fusion entre EDF et GDF dont on reparle depuis quelques temps. Que pensent-ils par ailleurs, d’une privatisation de GDF dans le but de renationaliser Suez ? Enfin, eux qui avaient réussi à persuader M. Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, du bien-fondé d’une participation de l’État à hauteur de 70 % semblent avoir évolué puisqu’ils ne considèrent plus ce taux comme un dogme de l’Évangile moderne…

Le président Patrick Ollier a demandé aux participants de se prononcer sur le devenir de GDF : faut-il laisser cette entreprise seule face à son destin ou intervenir, sachant que si les choses sont laissées en l’état, GDF pourrait un jour être amenée à vendre son gaz moins cher qu’elle ne l’achète. Que penser par ailleurs de l’offre duale gaz-électricité ?

M. Jean-Claude Pelofy a répliqué que la fusion avec Suez ne pourrait rien changer à cette hypothèse.

Le président Patrick Ollier s’en est étonné, faisant valoir que le nouveau groupe, devenu le premier acheteur européen, aurait le pouvoir de négocier les prix d’achat.

M. Michel Lamy lui a répondu que l’impact lié à Suez ne serait pas suffisant pour bouleverser le marché, Gaz de France manipulant 16 % des volumes de gaz européen et Suez seulement 9 %.

M. Jean-Claude Pelofy a approuvé cette réponse et expliqué que, dans la mesure où 90% du gaz produit dans l’est était écoulé sur le marché européen, il serait préférable de créer une coopérative d’achat au niveau européen, car un client qui achète 90 % d’une production a forcément du poids.

Il a par ailleurs confirmé que les contrats sur le long terme n’étaient pas sécurisants du fait des clauses d’indexation, et qu’ils s’apparentaient davantage à de la diplomatie qu’à du commerce.

Pour ce qui est de l’offre duale, elle présente deux aspects. Certes, quand le marché est parfait, le fait de disposer de gaz et d’électricité permet d’équilibrer les prix, encore faut-il avoir du gaz et des centrales au gaz pour fabriquer de l’électricité.

Par ailleurs, si les particuliers apprécient l’offre duale pour des raisons pratiques, il n’en va de même des industriels, surtout les plus gros, qui n’y trouvent pas d’intérêt.

Quant aux tarifs règlementés, ils devraient être basés sur les calculs à long terme des coûts.

M. Alexandre Grillat a indiqué que le coût de développement de l’EPR s’élevait à 46 euros du mégawatt-heure, et celui d’un cycle combiné gaz entre 54 et 56 euros au prix actuel du pétrole, alors que le tarif actuel de l’électricité était d’environ 30 à 35 euros. Le décalage entre le tarif réglementé qui n’a guère augmenté depuis plus de cinq ans et le coût de développement futur du parc est donc important. Néanmoins, il convient de maintenir une tarification règlementée, même au-delà de 2010, qui pourrait évoluer sous le contrôle des pouvoirs publics. Quant au régulateur, il doit assurer un accès transparent et non discriminatoire aux réseaux, mais la tarification de la fourniture, constitutive du service public de l’énergie, doit rester du domaine des pouvoirs publics.

M. Michel Lamy a rappelé que, plus il y avait de capitaux privés dans une entreprise, plus les tarifs augmentaient, comme en témoignent les exemples anglais et espagnol. D’une part, les personnes privées qui investissent dans une entreprise recherchent un rendement bien supérieur à celui qu’attendrait l’État, d’autre part, alors que l’État réinvestit les bénéfices dans l’entreprise, ce qui diminue d’autant les futurs coûts d’investissement, les capitaux privés jouent davantage un rôle de prédateur, la recherche du meilleur prix pour leurs clients n’étant pas forcément leur objectif, non plus qu’une politique d’investissement à long terme.

Ainsi, dans les trois ans qui ont précédé sa mise sur le marché, EDF a procédé à une reprise de provisions liée à l’allongement de la durée de vie des centrales nucléaires, afin d’améliorer ses résultats, et finalement, EDF a réduit le trésor de guerre qui lui permettait de réaliser les investissements nécessaires pour l’avenir.

Pour ce qui est des consommateurs, M. Alexandre Grillat a estimé que la modification du code de la consommation, prévue dans le projet de loi, allait dans le bon sens, même si la création d’un supra-médiateur, relevant des pouvoirs publics, serait préférable à des médiateurs intégrés aux services clientèle de chaque fournisseur.

Le rapporteur a approuvé cette solution, et le président Patrick Ollier a indiqué qu’un amendement serait rédigé en ce sens.

Concernant le régulateur, M. Jean-Claude Pelofy a considéré que cette autorité pouvait être indépendante s’il s’agissait de régler des questions techniques, comme la tarification de l’acheminement et l’accès aux réseaux, mais qu’il serait sans doute préférable d’instaurer un contrôle plus démocratique, par exemple par l’Assemblée nationale, s’il s’agissait de répondre à des problèmes politiques, tels la réglementation des tarifs ou le niveau d’optimisation de la concurrence.

Pour ce qui est des syndicats de Suez, la Fédération des industries électriques et gazières est présente à GDF et au sein des 140 entreprises non nationalisées : l’hostilité au projet de privatisation de GDF y est générale.

Quant aux autres syndicats de Suez, les membres de la CFE-CGC, surtout issus des anciennes structures de la Lyonnaise des eaux, considèrent que l’assemblage entre le domaine des énergies et celui de l’environnement est artificiel et non pérenne. Quant à une éventuelle fusion, ils prétendent avec ironie qu’elle leur donnerait une visibilité d’un an, au lieu des six mois actuels.

M. Bernard Glénat a précisé que les syndicalistes de l’entreprise Suez elle-même, holding financière qui regroupe l’ensemble des activités du groupe et emploie 350 salariés dont 80 % de cadres, étaient tous favorables à la fusion avec GDF.

M. Michel Lamy a toutefois répété qu’au niveau de la confédération, l’opposition à ce projet était claire.

Concernant le problème du déclassement du service public naturel Gaz de France, M. Alexandre Grillat a rappelé que GDF était un service public national, au sens du préambule de la Constitution de 1946, et que le déclassement d’un service public national en vue de sa privatisation n’avait été réalisé qu’une seule fois en France, fin 2003 pour France Télécom, sans pour autant qu’il ait été alors répondu à la question de la compatibilité de ce déclassement avec le préambule de la Constitution de 1946.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 5 août 2004, a affirmé que GDF était un service public national, ce qu’a confirmé le Conseil d’État dans son avis du 11 mai 2006. Peut-on alors privatiser le service public national GDF dans le respect de la Constitution ?

Par ailleurs, jusqu’en 2001, GDF, sur son réseau de transport, était concessionnaire d’État. La loi de finances rectificative de 2001 a transféré la propriété du réseau de transport à GDF EPIC. Or, l’alinéa 9 du préambule de la constitution de 1946 dispose que tout bien dont l’exploitation a les caractères d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité. Dans la mesure où il n’existe pas en France deux réseaux de transport parallèles concurrents, le réseau de transport reste bien un monopole de fait. Le réseau de transport doit donc rester propriété publique. Or, GDF peut-elle demeurer propriétaire du réseau si elle est privatisée, sachant que les réseaux de transport représentent environ 40% de sa valeur ?

M. Xavier de Roux a fait remarquer que les monopoles de fait sont considérés comme des facilités essentielles, lesquelles, en vertu de la jurisprudence européenne, doivent être accessibles à tous. La question de la propriété ne se pose donc pas.

M. Michel Lamy lui a répondu que, dans ces conditions, cet élément essentiel de GDF serait soumis à la concurrence, avec toutes les conséquences que cela implique.

M. Alexandre Grillat s’est demandé s’il était possible que le réseau de transport, qui assure la continuité du service public du gaz, puisse devenir propriété privée, alors que les réseaux de distribution de gaz situés en aval restent la propriété des collectivités locales.

Par ailleurs, GDF a un monopole de concessionnaire obligé sur la plupart des collectivités locales. Le Conseil d’État a jugé qu’il ne s’agissait pas d’un monopole national, car en effet les distributeurs non nationalisés et certaines communes qui n’étaient pas desservies par le gaz en 2003 peuvent choisir leur opérateur, mais ce n’est pas le cas de toutes les autres. Il s’agit donc bel et bien d’un monopole de fait, et en vertu du préambule de la constitution de 1946, GDF ne devrait pas pouvoir conserver un monopole de concessionnaire obligé s’il devient privé.

M. Jean-Claude Pelofy a confirmé, en réponse à une question de M. Jacques Bobe, que la CFE-CGC n’avait pas une position dogmatique sur les 70 % de participation de l’État, et accepterait que ce taux soit ramené à 50 % plus une action, ce qui permettrait de dégager, par augmentation de capital, une vingtaine de milliards d’euros.

Il a également regretté que, malgré la modification du statut de GDF et la possibilité d’augmenter le capital depuis 2004, le PDG de cette entreprise ait préféré développer la stratégie du stand alone sans réaliser de réels investissements de croissance externe.

S’agissant du pôle environnement de Suez, l’on a pu se demander lequel, de ce pôle ou du gaz était le plus stratégique pour la Nation. Si le pôle environnement est si stratégique, autant le nationaliser, car la question de l’eau prendra peut-être le pas, dans quelques années, sur les crises énergétiques qui peuvent éclater aujourd’hui.

Le pôle environnement pourrait rester seul, et sans parler de démantèlement, il est inéluctable qu’à court terme, en cas de fusion, le pôle énergie soit juridiquement séparé du pôle environnement.

A la question de M. Philippe Tourtelier sur la prise en compte de l’effet de serre par les analyses, M. Bernard Glénat a répondu que, s’agissant du gaz, les résultats seraient les mêmes quel que soit l’opérateur.

Abordant le problème de l’accès aux documents, il a déclaré que le comité central d’entreprise GDF avait mandaté un expert pour analyser les conséquences de la fusion, lequel a pu prendre connaissance des documents présentés à la Commission européenne, mais n’a pu accéder au rapport confidentiel de la Direction générale de la concurrence. Il a espéré que les députés, avant de prendre une décision en septembre, pourront consulter ce document, ainsi que la lettre de griefs établie par la Commission européenne prévue en août et établissent l’ensemble des secteurs qui pourraient pâtir de la fusion.

Le président Patrick Ollier a promis de faire son possible en ce sens, avant de reconnaître qu’en tant que maire, il redoutait de devoir discuter demain avec des fonds de pension américains uniquement préoccupés par la rentabilité à court terme.

M. Alexandre Grillat a répliqué qu’aujourd’hui, 74 % du capital de Suez est flottant en bourse, et qu’une partie importante de son capital est détenue par des fonds d’investissement. La fusion Suez-GDF exposerait donc l’ensemble fusionné à une présence significative de ces fonds.

Le président Patrick Ollier a dit craindre particulièrement une participation majoritaire de ces fonds de pension.

M. Alexandre Grillat a suggéré, pour sécuriser l’avenir du pôle environnement de Suez, d’en organiser une cession à un consortium d’investisseurs français. La représentation nationale pourrait ainsi demander à la Caisse des dépôts et consignations, qui en a les moyens, d’étudier un scénario de reprise du pôle environnement Suez.

M. Bernard Glénat a alerté les députés sur le fait qu’une participation de l’État réduite à 34 % ne suffirait pas à protéger l’entreprise contre les prétentions, par exemple, d’un très gros producteur de gaz d’un pays voisin. La question de l’« opérabilité » du nouveau groupe mérite à ce titre d’être posée.

M. Jean-Claude Pelofy a ajouté qu’une participation réduite à 34 % ne suffirait pas à constituer une minorité de blocage, et que des conflits surgiront forcément entre les intérêts des actionnaires - même s’ils se conduisent en bons pères de famille - et l’intérêt général.

Le président Patrick Ollier a remercié les représentants de la CFE-CGC.

AUDITION DE M. CHRISTOPHE QUAREZ, SECRÉTAIRE NATIONAL DE LA FÉDÉRATION CHIMIE ÉNERGIE CFDT ET MME MARIE-HÉLÈNE GOURDIN, DÉLÉGUÉE FÉDÉRALE EN CHARGE DE
LA BRANCHE IEG

Enfin, la Commission a entendu M. Christophe Quarez, secrétaire national de la fédération Chimie Energie CFDT, et Mme Marie-Hélène Gourdin, déléguée fédérale en charge de la branche IEG, sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 18 juillet 206.

Le président Patrick Ollier a souhaité la bienvenue à M. Christophe Quarez, secrétaire national de la fédération Chimie Energie CFDT, et à Mme Marie-Hélène Gourdin, déléguée fédérale CFDT en charge de la branche IEG,puis leur a donné la parole pour un exposé liminaire.

M. Christophe Quarez a tout d’abord noté que le projet de loi concernait, d’une part, l’ouverture du marché aux particuliers et, d’autre part, GDF. Il a estimé, s’agissant de l’ouverture des marchés pour les particuliers, que la Commission européenne était partie du postulat selon lequel l’énergie était un bien comme les autres, dont l’ouverture à la concurrence allait faire baisser le prix. Or, l’expérience outre-Atlantique, comme celle de nos voisins européens, a montré qu’il n’en était rien. Malheureusement, le train des directives était lancé. Celles-ci imposaient notamment de séparer juridiquement les activités de production, de transport et de distribution, afin d’assurer une meilleure transparence et éviter les financements croisés. Or, outre que la transparence comptable suffit, cette séparation juridique n’est pas souhaitable car, notamment pour l’électricité, rien ne vaut une entreprise intégrée pour adapter l’offre à la demande, comme en témoigne l’exemple californien où l’ensemble du système a été paralysé parce que les producteurs d’un côté et les distributeurs de l’autre se sont amusés à jouer au chat et à la souris pour faire monter les enchères.

Il y a lieu d’être d’autant plus sceptique face à l’ouverture du marché pour les particuliers qu’un industriel comme M. Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain, n’a pas attendu six mois pour réclamer le retour au monopole d’EDF, alors qu’il avait appelé de ses vœux l’ouverture du marché de l’électricité. On peut par ailleurs craindre un dumping énergétique au niveau communautaire, notamment pour les électro-intensifs. Cela étant, certains éléments du projet de loi, notamment le principe de réversibilité est une bonne chose, même s’il pourrait encore être étendu.

La CFDT s’est toujours opposée à une séparation entre le gestionnaire du réseau de distribution et l’opérateur commun, d’autant plus qu’aucune directive ne l’a jamais imposée. Cette décision pourrait en effet menacer l’emploi des 60 000 personnes qui y travaillent, les activités de l’opérateur commun étant externalisables.

Mme Marie-Hélène Gourdin a ajouté que cette décision était d’autant moins souhaitable que depuis 2001, EDF-GDF avait déjà perdu près de 10 000 emplois.

M. Christophe Quarez s’est par ailleurs interrogé sur la pérennité de la caisse nationale de retraites autonome si 60 000 salariés sortaient du statut des IEG.

S’agissant de la fusion, il a rappelé qu’une fusion entre EDF et GDF, possible il y a une dizaine d’années mais refusée à l’époque par les présidents des entreprises et les pouvoirs publics, n’était plus souhaitable aujourd’hui car le prix à payer serait trop lourd. Constatant que GDF ne pesait pas suffisamment face à ses concurrents, et ne saurait rester seul, il a jugé que, dans cette perspective, une fusion avec Suez présentait un intérêt industriel, les deux entreprises étant complémentaires, mais à condition qu’elle ne s’accompagne pas d’une privatisation de GDF. Une réduction de la participation de l’Etat, accompagnée de participations croisées permettrait de pérenniser GDF sans le privatiser.

Le président Patrick Ollier a émis des doutes sur la pertinence des participations croisées, qui ne constitueraient pas véritablement un projet industriel, ce qu’a confirmé M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, tout en ajoutant qu’il ne fallait négliger aucune option, a noté que la CFDT s’était prononcée contre la privatisation, mais s’est félicité qu’elle ait reconnu l’intérêt industriel du projet ; il a souligné que le calendrier d’examen du projet laissait du temps. Il a déclaré garder à l’esprit que la question de l’opérateur commun est un sujet sensible pour les salariés des entreprises concernées.

M. François Brottes a rappelé que, selon le ministre des finances, le projet ne portait pas sur la fusion mais sur la privatisation de GDF et a noté que la CFDT avait pris clairement position sur ce point. Il a confirmé qu’il y a quelques années, la fusion entre EDF et GDF avait été à l’ordre du jour, mais qu’en raison du contexte, elle ne s’était pas réalisée.

Une étude d’impact, réalisée à l’échelle européenne comme l’engagement en avait été pris à Barcelone et pas seulement à l’échelle nationale, permettrait sans doute d’établir qu’il faut réguler le secteur de l’énergie au niveau du continent et non pays par pays. Dans ce contexte, la fusion entre EDF et GDF pourrait redevenir d’actualité.

S’agissant des réseaux, il s’est demandé si, dès lors que le marché de l’énergie s’ouvrait à la concurrence, il n’était pas nécessaire que les réseaux restent publics. Il a enfin déclaré que le projet de loi ne prévoyait pas de clause de réversibilité, avant d’exprimer sa crainte que les amendements qui seront proposés en la matière ne soient de même nature que ceux votés sur la TVA dans le domaine de la restauration.

M. Jean Proriol a rappelé les nombreux atermoiements autour de la recherche d’alliances pour GDF, entre sa fusion avec EDF, déjà envisagée il y a quelques années, et l’ouverture de son capital à des capitaux anglais, proposée en 2000 par M. Laurent Fabius, alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. La nécessité de conforter GDF étant avérée, il faudrait maintenant trancher, et choisir une solution. Il a estimé qu’il valait mieux prendre des mesures de transposition de la directive plutôt que de la laisser s’appliquer dans toute sa brutalité.

Tout le monde cherche un « plan B », mais il semble difficile à trouver : que penser d’une solution tripartite avec Enel au milieu ?

Par ailleurs, GDF évolue compte tenu de la demande mondiale, et se positionne sur l’amont, en investissant et en constituant des réserves, notamment dans des pays parfois difficiles comme la Mauritanie. Mais peut-il agir seul ?

Enfin, quel est le point de vue de la CFDT sur le problème de la tarification et sur les relations que pourront entretenir EDF et GDF après le vote de la loi ?

M. Serge Poignant a demandé aux représentants de la CFDT de préciser en quoi GDF ne pouvait pas « rester seul », et d’expliquer pourquoi ils étaient hostiles à sa privatisation.

Mme Marie-Hélène Gourdin a déclaré que la CFDT estimait que l’État s’était engagé en 2004 sur le maintien de 70 % de capitaux publics et devait respecter ses engagements.

M. Christophe Quarez a rappelé que la CFDT avait toujours dénoncé l’absence d’une véritable politique énergétique européenne. À cet égard, la proposition d’une régulation européenne est intéressante, mais dans cette perspective, il est essentiel que les réseaux restent publics, même si cela soulève des problèmes techniques.

S’agissant des tarifs, la CFDT a toujours considéré que la péréquation tarifaire était un élément fondamental qu’il fallait maintenir. Comment la préserver dans un contexte d’ouverture des marchés à la concurrence ? Peut-être en la faisant jouer uniquement sur les services…

Dans cette perspective, la distinction entre les prix et les tarifs s’impose ; la question de savoir s’ils vont ou non se rejoindre se pose mais M. Christophe Quarez a reconnu ne pas disposer d’études lui permettant de répondre à cette question. Il a estimé cependant que le prix de l’électricité ne devait pas être fixé en fonction des marchés spot.

M. Jean-Charles Taugourdeau a entendu Mme Gourdin plaider en faveur du maintien d'un réseau public pour des raisons d'ordre économique et technique qu'il n'est pas loin d'approuver. Mais il l'a aussi entendue dire que cela s'impose pour des raisons de cohésion sociale. Serait-ce à dire qu'il n'est de cohésion sociale possible qu'au travers d’une entreprise publique ?

Mme Marie-Hélène Gourdin a exposé que GDF avait pour projet industriel de se recentrer sur l'amont à hauteur de 15 % de ses activités. C'était une bonne stratégie et l'entreprise a tous les moyens nécessaires de la mettre en œuvre sans fusion.

Les conséquences de la fusion pour EDF, sans forcément la mettre en difficulté, seront importantes pour l'électricien historique. La fusion a un sens sur le plan industriel parce que, dans le futur groupe, gaz et électricité seront à égalité. Mais cette configuration peut précisément être un frein au développement d'EDF dont la capacité gazière est très faible, puisque Edison ne représente que 2 à 3 % de son activité, et qui se trouvera alors face à plus gros qu'elle. De plus, EDF a pris du retard en matière de services énergétiques, et le groupe fusionné deviendra le deuxième groupe européen dans ce secteur.

Revenant sur le « ménage à trois » avec ENEL évoqué par M. Jean Proriol, M. Christophe Quarez a indiqué que la CFDT n'avait aucun a priori mais qu'il lui était impossible de se prononcer sans avoir connaissance du projet industriel exact qui sous-tendrait une telle opération. Il a précisé que la CFDT préférait le patriotisme économique européen au patriotisme économique « franco-français ». Le rapprochement entre Suez et ENEL aurait eu pour conséquence une vente par appartements, avec séparation de la branche « eau » et de la branche « environnement ». C'est parce qu'ils veulent éviter le démantèlement de leur entreprise que les salariés de Suez sont très favorables à un rapprochement avec GDF, et la Fédération chimie énergie de la CFDT partage leur point de vue.

S’agissant des réseaux publics, la CFDT a réaffirmé lors de son congrès que le cahier des charges et les missions de service public priment sur le statut de l'entreprise. Mais, en matière de cohésion sociale, le cahier des charges doit permettre l'accès de tous les citoyens à l'énergie, et le réseau public permet le maillage territorial que des opérateurs dispersés n'offriraient pas.

Mme Marie-Hélène Gourdin a dit craindre que, dans un contexte de concurrence accentuée, les relations entre EDF et GDF soient de plus en plus tendues et a émis des craintes sur la pérennité d’un opérateur commun dans de telles conditions ?

M. Jean Proriol a observé que le phénomène se produirait qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas fusion, ce que Mme Marie-Hélène Gourdin a admis.

M. Jacques Bobe a relevé une contradiction dans le fait de dire que le projet de fusion permet de mettre en œuvre un projet industriel et que GDF pourrait mener seul sa stratégie à bien.

Mme Marie-Hélène Gourdin a précisé que le projet industriel qui sous-tend le projet de fusion n'est pas le même que celui que GDF avait défini avant que la fusion soit évoquée. Primitivement, GDF voulait se recentrer sur l'amont, éventuellement en partenariat avec un électricien, et il aurait pu le faire seul. Les perspectives ouvertes par le projet de rapprochement avec Suez sont plus ambitieuses.

M. Christophe Quarez a ajouté que le projet initial de GDF était un projet de développement vertical, en mono-énergie. Si le rapprochement avec Suez aboutit, le projet sera celui d'un développement en multi-énergie, horizontal, car c'est le modèle des entreprises concurrentes. La configuration n'est donc pas la même. Pour autant, le projet qu'avait GDF de devenir propriétaire de 15 % de ses sources d'énergie demeure.

Enfin, la CFDT, parce qu'elle est favorable à la fusion entre GDF et Suez mais opposée à la privatisation de GDF, suggère des participations croisées.

Le président Patrick Ollier a observé que fusionner oblige à privatiser. Si la fusion devait aboutir, le nouveau groupe deviendrait le premier acheteur européen de gaz. Selon la CFDT, cela pourrait-il influer sur les tarifs au consommateur et limiter leur augmentation ?

M. Christophe Quarez a répondu que, GDF ayant des contrats de fourniture à long terme, cela n’était pas démontré même s’il paraît de bon sens de penser que l'augmentation du volume acheté met mécaniquement en meilleure position pour négocier. De plus, l'indexation du prix du gaz sur celui du pétrole, subie par l'importateur, relativise la marge de négociation.

Mme Marie-Hélène Gourdin a indiqué que la CFDT, très attachée au statut des personnels des industries électriques et gazières, avait demandé que le champ d'application des dispositions de la loi de février 2000 soit étendu aux commercialisateurs. Or, cette modification, bien que promise depuis 2002 par plusieurs ministres, n'a toujours pas eu lieu. Un amendement en ce sens serait le bienvenu lors de l'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie.

Le président Patrick Ollier a pris note de cette observation et remercié Mme Marie-Hélène Gourdin et M. Christophe Quarez.

AUDITION DE M. JACKY DINTINGER,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CFTC

La Commission a entendu M. Jacky Dintinger, Secrétaire général de la CFTC, sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 19 juillet 2006.

S’exprimant au nom du groupe socialiste, M. François Brottes a souligné la nécessité que les députés soient tenus informés du contenu de la lettre de grief envoyée aux autorités françaises par la Commission européenne mi-juin, et ce avant que la Commission des affaires économiques n’entende les présidents de Suez et de Gaz de France. Estimant qu’il était indispensable d’avoir connaissance du contenu de ce document, et après avoir rappelé que dans d’autres cas similaires, notamment lors des travaux de la Commission Roullet, tous les documents avaient été remis aux parlementaires, il a affirmé qu’en l’absence de transmission, le bien-fondé des auditions menées par la Commission serait à reconsidérer.

Le Président Patrick Ollier a indiqué qu’à sa connaissance, le contenu de la lettre de grief ne serait connu que dans le courant du mois d’août et qu’il ne pouvait donc communiquer un document n’existant pas encore. Après que M. François Brottes a émis le souhait de ne pas être obligé de démentir les propos du Président si lui-même parvenait à disposer de ces éléments avant, M. Jean-Paul Charié a déclaré que le groupe UMP partageait la préoccupation d’information du Parlement du groupe socialiste, estimant que connaître le contenu de cette lettre ne pourrait que contribuer à améliorer la qualité des échanges au sein de la Commission. Toutefois, en l’absence de lettre, il convenait de poursuivre les réunions de la Commission.

Le Président Patrick Ollier a ensuite précisé qu’il convenait de ne pas confondre le document de la Commission enclenchant la procédure d’examen approfondi de la fusion et la lettre de grief intervenant au cours de cette procédure. Considérant que le premier étant sans intérêt pour la conduite des travaux de la Commission, il a souhaité sans plus attendre remercier M. Jacky Dintinger, secrétaire général de la CFTC, et sa délégation, d’être venus devant la Commission des affaires économiques pour s’exprimer sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

M. Jacky Dintinger après avoir présenté sa délégation composée de M. Pierre-Jean Coulon, secrétaire confédéral chargé des questions européennes et internationales et de MM. Noël Yvon et Jean-Michel Bernard, membres de cette Fédération, a souligné que l’énergie constituait un secteur crucial. Puis il a exprimé l’attachement de la CFTC à la préservation d’une couverture énergétique sûre, fiable et à un coût identique sur l’ensemble du territoire ainsi qu’au maintien de l’égalité de tous les citoyens devant ce service. Il a néanmoins indiqué que si la priorité pour la CFTC était bien l’usager, il convenait également de prendre en compte les conséquences sociales du projet envisagé et plus particulièrement de sa pièce maîtresse, la fusion Gaz de France – Suez. A cet égard, il a signalé qu’au sein de la CFTC, les avis étaient partagés, la Fédération Energie étant opposée à la fusion alors que la Fédération Bâtiment – à laquelle les salariés de Suez sont rattachés – y est plutôt favorable. Néanmoins, tout en concédant que l’ouverture des frontières et le développement de la concurrence imposaient de ne pas réagir au seul niveau franco-français, il s’est inquiété d’un éventuel désengagement de l’État laissant la possibilité à d’autres États ou entreprises étatiques d’investir dans le capital de GDF, telles la Russie et ses entreprises gazières.

M. Pierre-Jean Coulon, secrétaire confédéral chargé des questions européennes et internationales, a évoqué la survenue de deux faits marquants hier dans le domaine énergétique : d’une part, la coupure d’électricité qui a affecté pendant dix heures l’aéroport de Los Angeles et entraîné l’annulation de nombreux vols ; d’autre part, l’impossibilité ponctuelle pour EDF d’assurer avec ses moyens propres la consommation française de pointe. Il a estimé que quatre grands problèmes se posaient dans le secteur énergétique depuis plusieurs années, problèmes qui devaient être pris en compte par le projet de loi. Il a précisé qu’il s’agissait d’abord de l’évolution de l’équilibre entre l’offre et la demande d’énergie à l’échelon national et mondial. Il a souligné également les enjeux liés aux évolutions technologiques prévisibles et la nécessité de disposer d’un échéancier en la matière, que ce soit pour la mise en œuvre du charbon propre ou des réacteurs de troisième et quatrième générations dans le domaine nucléaire. Il a indiqué en outre que devaient être analysées et prises en compte les contraintes pesant sur le secteur énergétique à l’échelon hexagonal pour assurer la continuité territoriale et celles existant à l’échelon européen, les gazoducs et lignes électriques ne s’arrêtant pas aux frontières. Il a enfin mis en avant la dimension liée à la préservation de l’environnement et, en particulier, à la lutte contre l’effet de serre et aux problèmes climatiques.

Il a rappelé que dans le même temps, le Gouvernement avait demandé au conseil d’analyse stratégique de mettre sur pied une commission, présidée par M. Jean Syrota, chargée de réfléchir sur l’énergie à l’horizon 2030 et devant rendre ses conclusions d’ici la fin 2007, et souligné l’existence d’un livre vert consacré au secteur énergétique au niveau européen. Il s’est demandé alors si le projet de loi n’était pas fait pour certains acteurs seulement de ce secteur ou s’il n’avait pas, plus largement, vocation à définir la politique énergétique de la France.

Il a considéré que le projet de loi s’inscrivait dans le cadre d’une politique communautaire, dont les prémices ont été évoquées dans le livre vert et qui a conduit à la libéralisation du marché de l’énergie, laquelle n’a pas produit les effets escomptés. Il a dénoncé la perte de 250 000 emplois en Europe et une hausse des prix de l’énergie et souligné les inquiétudes liées à la mise en place de cartels, que ce soit en Allemagne avec RWE et EON, en France avec Gaz de France et Suez ou en Espagne. Il a indiqué que la population européenne voulait pouvoir disposer d’une électricité en quantité suffisante et d’un droit d’accès à un minimum de consommation pour les personnes en difficulté financière, avec le respect du travail des uns et des autres. Il a conclu sur la nécessité de ne pas se retrouver dans la spirale infernale qu’ont connu certains pays européens ces dernières années.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a estimé que les propos tenus par M. Pierre-Jean Coulon se rattachaient plus à la loi d’orientation sur l’énergie votée l’an dernier qu’au projet de loi actuel. Il a indiqué que celui-ci avait eu raison de souligner le problème de sécurité de l’approvisionnement mais regretté qu’il n’ait pas poussé jusqu’à son terme son raisonnement : EDF n’avait en fait pas interrompu la fourniture d’électricité grâce à l’achat d’énergie à l’Italie, son partenaire européen habituel, l’Allemagne, n’ayant par ailleurs pas pu répondre à sa demande avec ses éoliennes. Il a donc insisté sur l’existence d’échanges au niveau européen, qui permettait de résoudre ces problèmes d’approvisionnement.

Il s’est en revanche inquiété du manque d’investissement réalisé en France depuis 14 ans pour accroître les capacités de production d’énergie. Il a déploré le discours qui a prévalu pendant cette période, selon lequel la France avait trop d’électricité. Il a souligné que la situation était aujourd’hui délicate et qu’il fallait investir massivement, indépendamment du lancement de l’EPR, et recourir notamment à des centrales à gaz pour pouvoir répondre aux pics de consommation, ce qui n’était pas sans effet sur l’environnement. Il a rappelé que ces investissements appelaient un financement, ce qui renvoie à la question des prix et des tarifs. Il a demandé aux représentants de la CFTC quel était le point de vue de leur syndicat sur la filialisation de la distribution et sa mise en œuvre concrète ainsi que sur le tarif social du gaz prévu par le projet de loi. Il les a également interrogés sur l’opportunité que pouvait représenter la constitution d’un grand groupe européen GDF/Suez pour la discussion des contrats d’approvisionnement et a souhaité connaître leur position sur la privatisation de GDF.

M. François Brottes, après avoir remercié les différents intervenants au nom du groupe PS pour leur analyse globale du sujet, a tenu à souligner l’aspect conjoncturel du projet de loi ainsi que la précipitation dans laquelle celui-ci était examiné et a dénoncé le camouflage du vrai enjeu – la fusion GDF-Suez – derrière une transposition de directive. Puis il a souhaité interroger la CFTC sur la privatisation de GDF et notamment sur ses conséquences sur les salariés, notamment des filiales et sur les concessions.

M. Jean Dionis du Séjour, s’exprimant au nom du groupe UDF, a indiqué que sa préoccupation concernait également la fusion GDF-Suez, tout en soulignant que pour l’UDF, le projet industriel en lui-même avait un sens. Il s’est néanmoins demandé si pour un distributeur comme GDF, il n’était pas plus intéressant de mieux maîtriser ses approvisionnements ou de présenter des offres communes électricité-gaz. Rappelant que le projet envisagé consistait en une absorption de Suez par GDF avec le maintien d’une minorité de blocage à 34 % pour l’État, il a souhaité savoir si d’autres projets alternatifs ne pourraient pas permettre à l’État de rester majoritaire. Il a ensuite estimé que l’article 7 du projet de loi créait un « objet juridique non identifié », la « filiale commune de distribution EDF-GDF » et s’est interrogé sur la pérennité et le fonctionnement de cette structure. Enfin, s’agissant de la dimension sociale de la fusion, il a demandé à être éclairé sur le futur statut des nouveaux salariés embauchés par le groupe ainsi créé.

M. Serge Poignant, s’exprimant au nom du groupe UMP, après avoir remercié les représentants de la CFTC pour leurs propos, s’est tout d’abord intéressé à la question des tarifs et des prix, souhaitant savoir si la partie du projet de loi relative à la transposition de directive – qui prévoit la possibilité de maintenir les tarifs pour les particuliers et les entreprises – leur paraissait satisfaisante. S’agissant de la partie privatisation-fusion, il a rappelé que quel que soit l’intérêt du projet industriel, dans la perspective d’une fusion, celui-ci ne pourrait se réaliser qu’avec une privatisation de GDF et s’est interrogé sur l’existence d’autres solutions que celle de la privatisation-fusion.

M. Jean-Marie Binetruy, après avoir indiqué qu’il considérait que la question de fond était de savoir comment financer les investissements nécessaires pour l’avenir, a souhaité poser une question très précise sur l’existence de primes qui seraient versées aux agents commerciaux lorsqu’ils font sortir les clients du tarif régulé.

M. Pierre Ducout a ensuite interrogé les représentants de la CFTC sur le niveau souhaitable du maintien de l’État dans le capital de GDF, évoquant notamment le chiffre de 51 %, avec une éventuelle consolidation de l’État français et de l’État belge. Il a ensuite rappelé l’intervention du président Poutine lors du sommet du G8 à Saint-Péterbourg et les récentes déclarations sur la stratégie de Gazprom. Enfin, s’il a souligné la nécessité pour GDF et EDF d’augmenter leurs capacités de négociation et de démultiplier leurs investissements, il a exprimé ses craintes concernant le stockage et les autres garanties concernant la question stratégique de la sécurité d’approvisionnement.

M. Jean Proriol constatant la concentration croissante dans le secteur de l’énergie dans le monde et en Europe a souhaité connaître la position de la CFTC sur cette évolution. Il a estimé que l’enjeu était d’identifier les créneaux les plus intéressants : l’investissement vers l’amont, que GDF pratique déjà depuis quelques années dans des pays comme la Mauritanie, ou vers l’aval, par exemple avec sa filiale d’entretien des chaudières. Enfin, sur le fait de savoir si le projet de loi est ou non conjoncturel, il a rappelé que la question de la privatisation de GDF se posait depuis plus de 10 ans, qu’elle avait été évoquée sous différentes majorités, y compris en 2000 par M. Laurent Fabius. Si l’on considère ainsi cette question comme récurrente, existe-t-il une stratégie alternative ?

M. Jacky Dintinger, secrétaire général de la CFTC, a indiqué que la CFTC n’avait pas encore arrêté de position précise sur la fusion de Gaz de France avec Suez mais qu’en revanche elle s’opposait à la perspective d’une privatisation, en raison des incertitudes sur la part finale que gardera l’Etat. Il s’est inquiété d’un abaissement de cette part à 34%, qui laisse la porte ouverte à l’entrée d’autres acteurs, comme l’Etat russe par exemple. Il a considéré que son syndicat serait moins opposé à une ouverture du capital, l’Etat en conservant 50%. Il a rappelé que la fédération CFTC de l’énergie s’était exprimée contre la fusion, tandis que celle du bâtiment défendait son principe pour éviter toute OPA sur Suez. Si une position au niveau confédéral pourrait se dégager plutôt en faveur de la fusion, celle-ci serait de toute façon subordonnée au maintien de la participation de l’Etat à hauteur de 50%.

M. Pierre-Jean Coulon a ajouté qu’il n’était pas scandaleux pour son syndicat de ne pas avoir de position tranchée à l’heure actuelle sur la fusion. Il a rappelé qu’une enquête approfondie était en cours à la Commission européenne et qu’il était difficile de se prononcer sans avoir de détails sur les contreparties exigées. Il a reconnu l’existence d’une complémentarité et d’une cohérence entre les activités des deux entreprises mais souligné l’existence d’un problème en Belgique, lié aux 92% de parts de marché dans l’électricité que détiendra le futur groupe dans ce pays. Il a considéré que si l’on enlevait Electrabel et certaines activités de Suez du champ de la fusion, le projet industriel commun n’aurait plus de sens.

M. Jean-Michel Bernard a rappelé que la fédération CMTE-CFTC (Chimie-Mines-Textile et Energie) était intervenue de façon pragmatique auprès du gouvernement depuis l’annonce de la fusion en février dernier. Il a souligné que la fédération qu’il représente est opposée à toute privatisation. Il a évoqué la situation des 56 000 salariés relevant de la filière de la distribution actuellement payés conjointement par EDF et GDF et s’est inquiété de leur avenir avec le projet de filialisation, compte tenu de l’absence de garanties sur le maintien du caractère public de cette entité. Il a également mis en garde sur la hausse des tarifs engendrée par la privatisation et les menaces pesant sur les investissements, les actionnaires ayant tendance à privilégier une rentabilité à court terme. Il a déclaré que sa fédération était prête à examiner un abaissement de la participation de l’Etat à 51% avec maintien dans le giron public, même si celle-ci craignait une modification législative ultérieure de ce taux. Regrettant qu’aucune autre alternative par recours à des fonds publics via la Caisse des dépôts ou un emprunt d’Etat n’ait été envisagée, il a considéré qu’une filialisation à 100% n’écartait pas à terme le risque d’un désengagement de la maison-mère et in fine des suppressions de postes.

M. Noël Yvon a indiqué que GDF avait déjà créé une filiale Cofathec spécialisée dans la maintenance des chaudières et le génie climatique, et que Suez disposait également de filiales, telles Elyo ou Ineo intervenant dans le secteur des services. Il a souligné qu’en raison des recoupements possibles, 2000 emplois étaient menacés par la fusion chez Cofathec, dont les salariés, non soumis au statut des industries électriques et gazières (IEG), ne bénéficient pas de la même protection que leurs homologues de GDF. En réponse à M. Jean Dionis du Séjour, il a précisé que les nouveaux arrivés dans les IEG bénéficiaient du statut. Il a estimé que M. Pierre Gadonneix, lorsqu’il présidait GDF, avait une véritable vision stratégique, en appelant GDF à se positionner en amont. Il a rappelé que 10% du gaz de GDF était issu aujourd’hui de ses propres gisements et que l’objectif était d’atteindre le taux de 15%. Il a souligné que cette réorientation vers l’exploration-production permettait de sécuriser les approvisionnements et de garantir les tarifs.

Il s’est par ailleurs inquiété de l’avenir du système de péréquation tarifaire. Rappelant que le prix du gaz était indexé sur le prix du baril de pétrole, qui était actuellement en train de flamber, il a souligné que l’Etat et la Commission de régulation de l’énergie avaient encore aujourd’hui leur mot à dire sur la fixation de ce prix, ce qui n’avait pourtant pas empêché une hausse de 18% depuis l’ouverture du capital. Il a émis les plus vives inquiétudes sur le niveau qu’atteindra cette hausse après la disparition de tout rôle d’arbitre par l’Etat. Enfin, il s’est inquiété de l’avenir de la maintenance des installations, celle-ci s’étant déjà dégradée avec l’allongement de la durée séparant les visites de contrôle et la survenue d’accidents très graves, notamment à Mulhouse.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que le prix du gaz avait augmenté de 30 % en 2000, avant l’ouverture de capital, soulignant ainsi qu’il ne fallait pas confondre composition du capital et évolution du tarif. Il a ensuite indiqué que l’idée sous-jacente de la fusion était que la constitution d’un groupe permettrait d’obtenir une capacité d’achat supérieure en volume et de mieux négocier les prix.

En réponse à la question de M. Jean Proriol relative au niveau de concentration dans le secteur de l’énergie, M. Pierre-Jean Coulon a estimé que les jeux étaient faussés car si l’on constate de très fortes concentrations capitalistiques dans le secteur privé, aux Etats-Unis notamment ou en Allemagne et en Espagne, les plus grosses entreprises gazières sont contrôlées par l’État, tel le groupe russe Gazprom, plus gros acteur mondial dans le secteur du gaz. Avec EDF et GDF, entreprises majoritairement publiques mais qui veulent se rapprocher du privé, la France se trouve donc à la croisée des chemins.

Constatant que sur la question de la privatisation de GDF, la position de la CFTC était proche de celle de la CGC, précédemment entendue par la Commission, – les deux centrales ne souhaitant pas que la participation de l’État dans GDF soit inférieure à 50% –, M. François Brottes, après avoir noté que l’Etat, actionnaire principal de GDF avait pesé pour limiter la hausse des prix dans la période récente, ce dont la CRE s’est émue, a indiqué qu’une solution pourrait consister en une augmentation de capital stabilisant la part de l’État à 51 %, ce qui permettrait déjà de lever 20 milliards d’euros. En comparaison, la fusion avec Suez, n’apportant que 4 % supplémentaire de capacité d’approvisionnement, ne permettrait pas à GDF de peser sur les prix du marché.

Complétant le propos de M. François Brottes, M. Jean-Michel Bernard a indiqué que non seulement le passage de la participation de l’État d’environ 80 % à 51 % apporterait 20 milliards d’euros mais qu’il était également possible de compter sur les capitaux propres de l’entreprise à hauteur de 20 milliards d’euros. Rappelant que GDF est numéro 5 en Europe, il a estimé qu’une somme de 40 milliards d’euros lui paraissait suffisante pour que l’entreprise consolide sa position sur le marché et affronte l’avenir avec sérénité.

M. Pierre-Jean Coulon a par ailleurs souligné que le point faible du projet de fusion était l’amont, signalant que Suez était loin d’être un acteur majeur dans le secteur de l’amont gazier dans lequel il a par ailleurs un niveau d’endettement très important.

M. Jean-Michel Bernard a estimé que la fusion GDF/Suez pourrait conduire à créer un nouveau monopole et s’est inquiété des abandons d’actifs qui pourraient en découler.

M. Pierre-Jean Coulon a souligné en conclusion la nécessité de garder présent à l’esprit l’aspect macro-économique de ce projet et d’évaluer les conséquences de ces choix à long terme, c’est-à-dire dans trente ou cinquante ans.

AUDITION DE M. GÉRARD MESTRALLET,
PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE SUEZ

La Commission a entendu M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez, sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 19 juillet 2006.

Après avoir souhaité la bienvenue à M. Gérard Mestrallet, président-directeur général du groupe Suez, le président Patrick Ollier a donné la parole à M. François Brottes.

Le groupe socialiste regrette, a exposé M. François Brottes, que les auditions des organisations syndicales ne soient pas ouvertes à la presse alors que celles des dirigeants des entreprises le sont. Quoi qu’il en soit, les commissaires socialistes ont pris acte de l’opposition unanime des confédérations syndicales à la privatisation de Gaz de France.

D’autre part, ce matin, le groupe socialiste a demandé avec insistance que deux documents essentiels soient transmis à la commission des affaires économiques : le projet de fusion entre Gaz de France et Suez tel qu’il a été notifié à la Commission européenne ; le premier avis que celle-ci a rendu le 19 juin, préalablement à l’envoi de la lettre de grief attendue le 18 août. Étant donné la gravité du projet en cause, il est profondément regrettable que la représentation nationale n’ait pas eu communication de ces documents avant les auditions prévues aujourd’hui. Faut-il rappeler que l’examen de dossiers comparables, tels la fusion éventuelle entre Endesa et Gas natural, s’était fait en toute transparence, transparence qui a également prévalu lorsque la commission Roulet s’est attachée à définir le projet industriel d’EDF ?

M. François Brottes a ajouté que les commissaires socialistes ont entendu M. Gérard Mestrallet et M. Jean-François Cirelli lorsqu’ils sont venus présenter le projet de fusion à la commission, le 29 mars. Comme ils ne peuvent les interroger plus avant faute de connaître les réserves formulées par la Commission européenne – réserves qui se traduiront selon toute vraisemblance par une obligation de cessions d’actifs -, ils ne participeront ni à l’une ni à l’autre de ces auditions, qu’il aurait été plus judicieux de tenir une fois les griefs connus. M. François Brottes a donc prié le président-directeur général de Suez de ne pas interpréter le départ des commissaires socialistes comme une marque de discourtoisie à son égard.

Le président Patrick Ollier a rappelé que, selon le calendrier prévu, la commission a entamé ses travaux par des auditions, et que la phase de débat n’a pas commencé. Aucun document d’aucune sorte n’a été transmis à quiconque. En aurait-il été autrement qu’il n’y aurait eu aucun inconvénient à le communiquer à l’ensemble des commissaires. Le président Patrick Ollier n’a jamais entendu parler d’un « premier avis » de la Commission européenne, avis dont il prendrait lui-même connaissance avec un grand intérêt s’il existait. Si c’est au document adressé par la Commission européenne en application de l’article 6.1.c du règlement du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises qu’il a été fait allusion, M. Gérard Mestrallet confirmera certainement que sa communication à des tiers est passible de poursuites pénales.

M. François Brottes a remercié le président Patrick Ollier de sa réponse, puis les commissaires socialistes ont quitté la salle de réunion.

Le président Patrick Ollier a déploré que les commissaires socialistes aient estimé devoir sortir sans attendre les explications que M. Gérard Mestrallet allait leur donner.

M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez, a confirmé que, selon la procédure habituelle en pareil cas, la Commission européenne, après que le projet de fusion lui a été notifié le 10 mai, a adressé aux deux entreprises concernées le document dit « 6.1.c », qui n’est pas un document présentant des solutions aux effets concurrentiels de l’opération mais une analyse du marché, dont la communication à des tiers peut être pénalement condamnable car elle contient des informations commerciales confidentielles. Il n’y est rien dit des cessions que demandera éventuellement la Commission européenne dans la communication des griefs attendue pour la deuxième quinzaine d’août. Après qu’une analyse juridique aura été faite, Suez transmettra volontiers au rapporteur et à la commission les éléments contenus dans ce document qu’il est possible de leur transmettre.

Le président Patrick Ollier a noté que, la Commission européenne n’ayant, à ce jour, rendu aucun avis sur le dossier, le document demandé par l’opposition n’existe pas. Il s’est dit heureux d’accueillir à nouveau M. Gérard Mestrallet, que la commission a reçu le 29 mars avec M. Jean-François Cirelli, pour les entendre évoquer le projet de fusion de Suez et de Gaz de France. L’Assemblée nationale est à présent saisie d’un projet de loi qui ne traite pas directement de ce projet. Toutefois, le Gouvernement demande au Parlement l’autorisation de modifier le taux de sa participation au capital de Gaz de France et, si cette autorisation lui est donnée, il étudiera les projets existants. Le seul étant celui qui a été présenté à la commission le 29 mars, rien ne servirait de prétendre qu’il n’existe pas. La commission entendra donc avec un intérêt soutenu M. Gérard Mestrallet exposer le projet industriel qu’il défend.

M. Gérard Mestrallet a déclaré que la fusion de Suez et de Gaz de France apporte une réponse pertinente aux enjeux du secteur énergétique européen. Le gaz prenant une part croissante, et qui devient dominante, dans le mix énergétique du continent, l’Europe entre progressivement dans une économie gazière. Dès 2020, 40 % du mix énergétique sera d’origine gazière, et le gaz gagne des parts de marché par rapport à toutes les autres énergies. Il en résulte une dépendance énergétique croissante, car les gisements en mer du Nord sont en voie d’épuisement. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les importations de gaz de l’Union européenne à quinze, qui étaient de 189 milliards de m³ en 2002, s’élèveront à 336 milliards de m³ en 2010 et à plus de 500 milliards de m³ en 2020. Selon la Commission européenne, la dépendance énergétique globale de l’Union européenne, actuellement légèrement inférieure à 50 %, sera de 70 % en 2030. C’est dire que l’Europe devra acquérir sur les marchés internationaux, en négociant du mieux qu’elle pourra, la quasi-totalité de son approvisionnement énergétique.

C’est en Russie, au Qatar, en Iran, dans plusieurs pays du pourtour méditerranéen et en Afrique centrale que l’Europe peut trouver les réserves de gaz qu’elle n’a pas, ou qu’elle n’aura plus, dans son sous-sol. On note que les réserves de la Russie sont à elles seules dix fois plus importantes que celles de l’Algérie. Celles du Qatar, qui va devenir un géant du gaz naturel liquéfié (GNL), sont cinq fois plus importantes que les réserves algériennes. La tentation pour l’Europe est de se tourner vers la Russie, dont les gisements sont accessibles par gazoduc, les autres réserves gazières étant pour l’essentiel atteignables par bateau, exception faite de quelques zones, dont l’Afrique du Nord. Pourtant, pour sécuriser son approvisionnement et ne pas dépendre d’un seul Etat fournisseur, l’Europe devra diversifier ses sources et développer son approvisionnement en gaz liquéfié, ce qui conditionnera l’avenir de l’industrie du gaz. Les risques de tension sont d’ordre géopolitique et technique mais il existe aussi un risque d’arbitrage en défaveur de l’Europe.

De surcroît, ces tensions s’exerceront dans un contexte d’énergie durablement chère. Sans même parler de l’évolution des prix sur le marché spot, la cotation à moyen terme du baril de pétrole a triplé depuis 2003 et elle s’établit actuellement à 55 dollars pour des livraisons dans sept ans. Le gaz naturel liquéfié est donc appelé à jouer un rôle croissant dans la diversification des approvisionnements et par là même dans leur sécurisation. Or, dans un secteur qui demande des investissements et une logistique considérables – usines de liquéfaction sur les lieux de production, flotte de méthaniers et terminaux de regazéification –, Suez, comme Gaz de France, est déjà un acteur important dans le GNL au niveau mondial, et le seul présent à la fois sur les marchés européen, atlantique et asiatique. Ainsi, Suez est le premier importateur de GNL aux Etats-Unis, par le plus grand terminal américain, situé à Boston.

Sur le bassin atlantique, Gaz de France est leader en contrats d’approvisionnement et en capacités de regazéification, mais il est talonné par Gas Natural et par Suez, chacune des trois sociétés ayant une activité nettement supérieure à celles de British Gas et à British Petroleum pour ce qui est du GNL. Le rapprochement Suez-Gaz de France ferait du nouveau groupe le premier acteur mondial du gaz naturel liquéfié. Les autorités européennes et françaises doivent considérer le développement du GNL, qui est au cœur du projet, comme un élément central de sécurisation de l’approvisionnement en gaz.

Considérant qu’une partie importante des infrastructures existantes seront frappées d’obsolescence d’ici 2030, l’Agence internationale de l’énergie estime à 1 000 milliards d’euros les investissements nécessaires au cours des vingt-cinq ans à venir pour satisfaire les besoins énergétiques, à raison de 750 milliards pour la production d’électricité et de 250 milliards pour le gaz. Suez partage cette analyse. Les entreprises du secteur énergétique devront donc être capables d’investir massivement en nouvelles capacités de production et en logistique – transport et terminaux.

L’Europe a longtemps vécu avec l’idée qu’elle était en situation de surcapacité énergétique. Ce n’est plus vrai. Sur la plaque continentale – France, Benelux et Allemagne -, la capacité de production nécessaire pour couvrir la demande commencera d’être insuffisante dès 2008. C’est pourquoi la plupart des grands pays européens envisagent d’augmenter considérablement leurs capacités de génération d’électricité ; la France devrait d’ailleurs suivre l’avis du Conseil supérieur de l’énergie et le faire elle aussi, a estimé M. Gérard Mestrallet,

Le projet de fusion entre Suez et Gaz de France s’inscrit dans une phase de concentration majeure des grands acteurs du secteur. En 2005, le chiffre d’affaires de Suez s’élevait à 41,5 milliards d’euros, celui de GDF à 22,4 milliards. La même année, E.On facturait 56 milliards, EDF 51 milliards, RwE 42 milliards, Enel 34 milliards, Veolia 25 milliards, Endesa 18 milliards, Iberdrola 12 milliards et Gas Natural 6 milliards. Le secteur est entré dans une période de recomposition sans précédent. Tous les électriciens sont devenus acteurs du secteur gazier, et tous les gaziers se sont associés à des électriciens, sauf un, Gaz de France, qui ne pourra rester seul. Voilà pourquoi, alors que le mouvement est en phase d’accélération parce que les marchés s’ouvrent, la fusion est pertinente.

M. Gérard Mestrallet a rappelé que Suez est le cinquième groupe français toutes activités confondues. L’entreprise, qui compte 160 000 salariés, est le cinquième électricien et le sixième opérateur gazier européen, et le leader européen des services énergétiques La fusion, a-t-il souligné, est une opération logique pour les deux acteurs. Gaz de France a besoin de s’associer à un électricien. En France, il y en a deux : EDF et Suez, Suez qui, outre sa place dans le secteur électrique, est un acteur gazier significatif. Le nouveau groupe aura la chance de pouvoir combiner des activités électriques de Suez et les activités gazières de GDF, qui seront confortées. Avec une capitalisation boursière de 65 milliards d’euros, le nouvel ensemble deviendra le leader européen du gaz en traitant 20 % du marché européen, et le leader mondial du gaz naturel liquéfié, contribuant ainsi à sécuriser l’approvisionnement énergétique de l’Europe et de la France. Sans atteindre celui de Gazprom, le chiffre d’affaires du nouvel ensemble sera important.

On a parfois présenté le projet de fusion comme une opération « franco-française ». C’est caricatural, alors que Gaz de France réalise 40 % de ses activités à l’international, et Suez 75 %. Le nouveau groupe sera un acteur paneuropéen majeur. Enel, en revanche, n’est pas un groupe européen. Il aspire à le devenir, mais ses activités sont concentrées à 95 % en Italie. Suez a construit l’Europe de l’énergie par des partenariats et des contrats négociés – mais jamais de manière hostile, façon de procéder qui ne convient pas dans le secteur énergétique. Le groupe fusionné sera présent dans tous les pays européens, avec une présence particulièrement forte en France et dans le Benelux mais aussi en Hongrie, en Pologne, en Roumanie, en Italie, en Espagne, en Allemagne…

S’agissant du point crucial de la diversification des approvisionnements gaziers, aucun autre groupe n’a une palette aussi diversifiée que serait celle de Suez – Gaz de France. Actuellement, la Russie représente 25 % des approvisionnements de GDF et donc de la France, ce qui n’est pas sans comporter des risques, notamment techniques. Cet hiver, tous les pays européens ont souffert de ruptures d’approvisionnement ; seuls les Français et les Belges ne se sont rendu compte de rien, GDF ayant opportunément puisé dans ses stocks et Suez ayant trouvé des solutions alternatives en Belgique. Outre les sources d’approvisionnement actuelles de Suez et de Gaz de France – Russie, Norvège, Algérie, Pays-Bas –, le nouveau groupe en aurait de nouvelles, actuellement en cours de négociation par l’une ou l’autre des deux entreprises : le Qatar, l’Egypte, le Yémen, Trinité-et-Tobago et le Nigeria. La Mauritanie et l’Iran sont d’autres possibilités à l’étude. Si certaines sources venaient à manquer, on se tournerait donc vers les autres. Outre qu’il assurera ainsi la sécurité d’approvisionnement due aux consommateurs français, le groupe fusionné sera, de par sa taille, en mesure de négocier ses contrats dans de très bonnes conditions.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a remercié M. Gérard Mestrallet pour sa très intéressante présentation. Il a souhaité connaître les intentions des deux entreprises s’agissant de l’amont gazier; savoir comment ils comptent organiser l’opérateur commun de réseaux à deux entreprises dont l’une est privée et l’autre, publique ; avoir quelques éclaircissements sur ce que pourraient être les exigences de la Commission européenne en matière de cessions d’actifs, notamment en Belgique ; connaître, enfin, l’opinion des actionnaires de Suez sur l’édification d’un groupe dont le capital sera détenu à hauteur de 34 % par l’Etat français.

Mme Marie-Anne Montchamp a souligné l’importance d’une vision complète du projet industriel, se projetant dans l’avenir énergétique de la France et de l’Europe. Comment, sinon, faire savoir aux Français que le groupe fusionné serait le leader européen du gaz ? D’autre part, il est dit dans le projet de loi que l’obligation de service public sera maintenue, mais qu’en sera-t-il du projet social, sujet d’une extrême importance pour Gaz de France, où des inquiétudes s’expriment sur les conditions de la fusion ? Comment cette étape du rapprochement sera-t-elle abordée ?

M. François-Michel Gonnot a demandé si Enel s’était manifesté depuis que les dernières élections avaient porté M. Romano Prodi au pouvoir en Italie. Il a prié M. Gérard Mestrallet de préciser en quoi, mise à part une approche initiale hostile, Enel serait un mauvais partenaire pour Suez, alors qu’EDF l’a laissé participer à l’EPR. Il lui a demandé pourquoi l’hypothèse de participations croisées est désormais totalement exclue, alors que les présidents de Suez et de Gaz de France, en annonçant la fusion, le 25 février, l’avaient eux-mêmes présentée comme la première étape, nécessaire, du mariage à venir. Il a enfin demandé si l’on peut raisonnablement s’attendre que les actionnaires de Suez, dont la majorité ne sont pas français, estimeront toujours satisfaisante, lorsqu’ils seront saisis d’une proposition définitive, la parité de fusion qui leur a été proposée le 25 février ou s’il faudra envisager de les rémunérer davantage. L’affaire Arcelor-Mittal a montré qu’en ces matières la prudence s’impose mais que la transparence doit être de rigueur.

Ayant entendu les justifications, légitimes, de la fusion, M. Jean-Paul Charié a demandé pourquoi elle ne serait pas possible si l’Etat français restait majoritaire dans le capital du groupe. Il a souligné le paradoxe consistant à appuyer la fusion de deux concurrents au moment même où l’on parle de libéraliser la concurrence. Il a voulu savoir comment le nouveau groupe, contraint de réaliser des investissements considérables à cinquante ans parviendrait à rémunérer ses actionnaires à six mois.

M. Pierre Lellouche a déclaré que, sans qu’il remette en cause l’intérêt du projet industriel, sa qualité de législateur le faisait s’interroger sur celui-ci du point de vue de l’intérêt général. Si, partout, gaziers et électriciens se marient, pourquoi avoir fait divorcer Gaz de France d’EDF il y a deux ans pour le marier maintenant avec Suez ? La logique d’un tel revirement reste à établir. La question centrale, c’est le contrôle des ressources, pour conforter l’autonomie énergétique de la France. À ce titre, un mariage entre GDF et Total, qui dispose de très importantes réserves gazières, serait parfaitement cohérent. Un mariage avec Suez, groupe d’environnement exploitant des centrales nucléaires en Belgique, ne présente d’intérêt à cet égard que du fait des activités de Suez dans le domaine du GNL. Quelles ressources gazières apporterait la fusion à Gaz de France ?

Par ailleurs, M. Miller, président de Gazprom, société dix fois plus puissante que ne serait le nouvel ensemble, dit vouloir accéder au marché de la distribution. Qui l’empêchera d’approcher M. Albert Frère et M. Paul Desmarais, son partenaire canadien, pour leur proposer deux ou trois fois la valeur de leur participation dans le groupe GDF-Suez ? Quelle garantie a-t-on qu’une fois Gaz de France privatisé, le groupe fusionné ne deviendra pas, à l’avenir, la propriété d’un groupe étatique russe? Si la réponse est que l’Etat français aura une action spécifique, il y a lieu de craindre qu’elle pèse bien peu au regard de la réalité, qui est que la France dépend de la Russie pour 30 % de ses importations de gaz. La meilleure manière de résister aux Russes, qui utilisent désormais leur puissance gazière comme une arme politique, ce que l’URSS n’avait pas fait, n’est-elle pas la coordination européenne des achats de gaz alors même que le récent contrat d’armement entre la Russie et l’Algérie illustre le rapprochement des deux principaux fournisseurs de l’Europe ? M. Pierre Lellouche a conclu que la fusion projetée suscite bien des interrogations au regard de l’indépendance énergétique de la France et indépendamment de la logique industrielle de Suez.

Soulignant que les ressources en gaz de la Norvège et des Pays-Bas allaient s’épuiser, M. Philippe Auberger a demandé lesquels des contrats à long terme de Suez assuraient une grande sécurité d’approvisionnement et quels investissements Suez était disposé à faire en matière de production et, le cas échéant, de transport, pour sécuriser les approvisionnements. Il a voulu savoir si, dans la répartition des approvisionnements, la proportion des achats spot, actuellement de quelque 20 %, demeurerait ou si le nouveau groupe envisageait de la réduire. Il a enfin demandé à M. Gérard Mestrallet s’il pensait, comme lui, l’actionnariat de Suez scindé en trois blocs : des actionnaires français qui, attachés au patriotisme économique, appuieraient le projet ; des actionnaires belges et leurs alliés peu intéressés par les problèmes énergétiques français mais éventuellement par une bonne affaire ; des fonds de pension à la recherche de l’OPA la plus profitable possible.

M. Hervé de Charette a insisté sur le fait que M. Gérard Mestrallet a exposé que le gaz deviendrait progressivement l’énergie principale en Europe, et a indiqué que les tableaux distribués aux commissaires montrent que la part de l’énergie nucléaire dans les approvisionnements serait divisée par deux entre 2000 et 2030. Si cette simulation est faite par projection des conséquences des politiques actuellement menées en Europe, n’est-on pas fondé à penser que la situation peut se modifier ? D’autre part, une fois la fusion réalisée, le nouveau groupe se considérera-t-il en état d’agir et de se développer ou d’autres alliances et d’autres menaces sont-elles prévisibles, et lesquelles ?

M. Jean-Pierre Nicolas a relevé que la fusion créerait un groupe important à la capacité de négociation augmentée et renforcerait la sécurité de l’approvisionnement. De cette sécurité, Gaz de France a fait sa stratégie depuis de nombreuses années, et il faut saluer la volonté de la renforcer ; toutefois, s’agissant de la capacité de négociation, les rigidités du marché la limitent forcément. Aussi, le nouveau groupe mettrait-il en œuvre une stratégie affirmée de producteur, ou s’en tiendrait-il, par la force des choses, au négoce ? À cet égard, le législateur français s’interroge sur ce qu’un terminal méthanier à Boston peut apporter aux consommateurs français. D’autre part, comment Suez parviendra-t-il à concilier les intérêts des actionnaires qui, au cours de l’assemblée générale du 5 mai, n’avaient pas paru favorables à la parité retenue pour l’opération, et ceux des consommateurs ? M. Jean-Pierre Nicolas a dit partager les préoccupations exprimées par le rapporteur sur la cohabitation entre salariés de droit privé et agents sous statut au sein d’une même entreprise. Enfin, alors que l’on évoque de plus en plus souvent une stratégie énergétique européenne commune, pourquoi ce qui est possible entre Suez et Gaz de France n’est-il pas possible entre Suez et Enel ?

M. Xavier de Roux a souligné qu’en contrôlant Gaz de France, l’Etat contrôle la sécurité des approvisionnements. Sa part dans le capital du nouveau groupe - 34% plus une action spécifique - lui permettra-t-il d’exercer ce contrôle de manière pérenne ? Plus précisément, l’action spécifique lui donnera-t-elle un droit de veto sur des cessions d’actifs à un tiers qu’il jugerait indésirable ? D’autre part, l’opération envisagée est d’une portée majeure pour la Belgique, puisque Suez possède toutes les centrales électriques du royaume. Comment l’Etat belge réagit-il à l’idée de la constitution d’un groupe dont l’Etat français détiendra 34 % du capital ainsi qu’une action spécifique ? Enfin, il a longtemps été dit que la géographie du réseau français de distribution de gaz était « inadaptée à l’ouverture réussie à la concurrence » ; cet obstacle a-t-il été levé lors de la définition du projet de fusion entre Gaz de France et Suez ?

M. Claude Gatignol a demandé quel potentiel d’investissements supplémentaires pour le gaz mais aussi pour l’électricité permettrait la fusion. Hormis en Allemagne, la construction de réacteurs nucléaires, seule solution raisonnable, revient à l’ordre du jour dans de nombreux pays européens. Suez a-t-il des projets dans ce domaine ? Par ailleurs, l’indépendance énergétique suppose la maîtrise de l’accès à des parts de la production ; à ce sujet, dans quelles zones crédibles en terme de sécurité des approvisionnements Suez a-t-il des contrats de long terme ? Comment, d’autre part, mieux maîtriser la dérive actuelle du prix de l’énergie ? L’apport à Gaz de France de l’électricité produite par Suez le permettra-t-il ? Enfin, Suez est aussi l’interlocuteur de quelque 6 000 communes pour ce qui concerne l’eau et l’environnement. Dans le cadre de la fusion, quelle sera l’évolution de ces secteurs et qu’en sera-t-il de leurs salariés ?

M. Jacques Bobe a demandé si le moment n’était pas venu de s’interroger sur la définition d’une politique européenne de l’énergie plus large que celle qui est envisagée aujourd’hui. Des participations croisées avec Enel, Endesa et d’autres sociétés ne pourraient-elles être envisagées ? Si, pour des raisons juridiques, la fusion entre GDF et Suez n’aboutissait pas, quelle serait la stratégie de Suez ? La capacité financière cumulée de Suez et de Gaz de France est-elle suffisante pour assurer la réalisation des investissements de long terme indispensables ? Ne peut-on concevoir la constitution d’un groupe dans lequel l’Etat aurait 51 % du capital ? Quelle peut être l’incidence de la demande de l’Asie et des Amériques sur la ressource en gaz ?

M. Jean Proriol a souhaité connaître la position des personnels de Suez sur la fusion, car leur approche semble différer de celle des confédérations syndicales. Ces dernières seraient beaucoup plus favorables à la fusion si l’Etat conservait 50 % du capital et une action spécifique, ce qui reviendrait à nationaliser Suez ; il a demandé l’opinion de M. Gérard Mestrallet à ce sujet. Rappelant qu’en 1996 déjà des contacts, restés sans suite, avaient été pris entre Suez et Gaz de France, et qu’en 2000 M. Fabius soutenait un projet qui s’appuyait sur un rapport de Mme Nicole Bricq prônant la privatisation de GDF, M. Jean Proriol a demandé à M. Gérard Mestrallet quelle avait été la position de Suez à l’époque.

M. Serge Poignant est revenu sur l’hypothèse selon laquelle la part du nucléaire dans l’approvisionnement énergétique européen serait divisée par deux d’ici 2030, alors même que, comme l’a rappelé M. Gérard Mestrallet , l’Agence internationale de l’énergie estime les investissements nécessaires au cours des vingt-cinq ans à venir à 750 milliards pour la production d’électricité, ce qui comprend forcément le coût de nouveaux réacteurs. La question de la part respective des différentes énergies primaires dans la consommation est fondamentale, et M. Serge Poignant a dit considérer la production d’énergie nucléaire et donc le renouvellement du parc, indispensables à la stabilité de l’approvisionnement. Dans ce contexte, quel rôle serait dévolu aux centrales combinées à gaz ? Ne seront-elles conçues que pour l’apport de pointe ? Quelle incidence leur construction aura-t-elle sur les investissements et sur les prix ? Dans un autre domaine, l’action spécifique donne-t-elle l’assurance de pouvoir empêcher une OPA future ? D’autre part, quel sera l’impact de la fusion pour le secteur « environnement » de Suez ? Il s’agit de métiers différents ; une autre solution n’aurait-elle pas été envisageable ? Enfin, Suez considère-t-elle qu’il n’y a pas de solution alternative à la fusion, ou travaille-t-elle encore à l’hypothèse de participations croisées ?

Le président Patrick Ollier a demandé à M. Gérard Mestrallet de préciser la différence entre projet industriel et participations croisées. Il a rappelé avoir demandé au Gouvernement, lors du débat du 14 juin sur l’énergie, des garanties dont le respect conditionnerait le vote d’un texte qu’il considérait devoir être amélioré : la préservation de l’identité du groupe Gaz de France, la pérennité des missions de service public, la création d’un tarif social du gaz, le maintien du statut des personnels, la garantie d’un contrôle public efficace sur le nouvel ensemble, avec, d’une part, l’obligation légale que l’Etat conserve la minorité de blocage, et, d’autre part, la création d’une action spécifique. Soulignant que le ministre de l’économie avait donné ces garanties, le président Patrick Ollier a demandé à M. Gérard Mestrallet s’il était prêt à les faire siennes et l’a interrogé sur la protection exacte qu’apporterait l’action spécifique.

M. Gérard Mestrallet a indiqué qu’il regrouperait ses premières réponses par thèmes. S’agissant de l’amont, il a précisé que Suez avait la ferme intention de développer ses activités de liquéfaction. Dans ce secteur, le groupe est déjà présent à Trinité-et-Tobago, un projet est en cours de réalisation au Yémen, où un contrat sur vingt ans est en cours de discussion, comme avec le Qatar. Des contacts sont également pris avec le Nigeria, et les capacités de négociation seront accrues en cas de fusion. De son côté, Gaz de France se développe très efficacement en Egypte, discute de nouveaux contrats avec la Libye et la Mauritanie et, conjointement avec Total, a pris des contacts avec l’Iran. Le groupe fusionné entend donc effectivement se développer en amont, et sur toute la chaîne.

Avec ses 17 méthaniers, il disposera de la plus grande flotte du monde, capable de livrer où le marché le souhaite. Ainsi, la Bolivie ayant doublé le prix du gaz qu’elle livre au Brésil, ce pays s’est tourné vers Suez en lui demandant de développer ses capacités de fourniture de GNL. C’est une illustration de ce que le gaz naturel liquéfié participe de l’équilibre géopolitique du système d’approvisionnement mondial. M. Gérard Mestrallet a appelé de ses vœux la mise en œuvre d’une politique énergétique européenne, qu’il a demandée il y a deux ans déjà, car l’industrie a besoin d’un cadre de long terme. Les Etats-Unis ont défini le leur, la Russie aussi, la Chine et l’Inde l’élaborent ; l’Europe doit s’y employer.

M. Gérard Mestrallet a souligné qu’à ses yeux les participations croisées ne constituent pas une solution. Le projet de fusion est un projet industriel et social auquel les deux entreprises ont longuement travaillé. Il s’agit de réunir les équipes, les flottes, les investissements, les contrats d’approvisionnement et les achats pour procéder à une intégration complète, à une union de destins et de cultures. Les enjeux décrits ne peuvent être relevés par de simples participations croisées, qui sont d’ordre financier et n’ont pas de contenu industriel. On aurait pu explorer cette piste si le projet de fusion n’avait pas existé mais, en l’état, ce n’est pas nécessaire, puisque le projet est prêt, que les deux entreprises veulent le mener à bien et que le renforcement de la consolidation du secteur n’attendra pas. Dans un tel contexte, évoquer des participations croisées revient à refuser le projet de fusion ; or, substituer un arrangement financier à un vrai projet industriel et social pénaliserait les deux entreprises. Cette solution ne peut être retenue. Quant à fixer à 51 % la participation de l’Etat dans le capital du futur groupe, cela revient à nationaliser Suez, ce que le conseil d’administration ne veut pas, et que le marché ne voudrait pas davantage. Quinze années ont été nécessaires pour faire accepter par le gouvernement belge l’idée que toutes les centrales électriques du pays soient contrôlées par un groupe privé étranger. Que l’on imagine la réaction de la Belgique à l’idée que ce contrôle majoritaire serait exercé par un Etat étranger ! Cette solution est exclue.

Le service commun EDF-Gaz de France Distribution ne pose pas de problème, et la fusion ne modifiera rien à une évolution qui devait avoir lieu dans tous les cas. Par ailleurs, Suez a déjà la pratique d’un tel service dans les « intercommunalités mixtes » en Belgique.

On peut s’attendre que, pour approuver le projet de fusion, la Commission européenne demandera à Suez de céder certains de ses actifs, par exemple une centrale à charbon, en Belgique. La discussion est engagée sur ce point et Suez s’efforcera de compenser ces cessions obligées en acquérant d’autres centrales ailleurs. Personne ne demande que le groupe cède une centrale nucléaire.

Le noyau stable des actionnaires de Suez, qui représente 20 % des actions et 30 % des droits de vote, a accepté le projet à l’unanimité, en connaissance de cause, sans ignorer qu’il prévoit la présence de l’Etat français à hauteur de 34 % du capital du nouvel ensemble. En particulier, M. Albert Frère, premier actionnaire du groupe Suez, est très favorable à la fusion.

M. Gérard Mestrallet a indiqué que, selon sa lecture du projet de loi, l’action spécifique permet à l’Etat d’empêcher la cession d’actifs français considérés comme stratégiques en matière de distribution, de transport, de stockage souterrain et de terminaux. Le fait que l’Etat puisse vouloir empêcher des cessions d’actifs n’est pas gênant, puisque le groupe fusionné souhaite conserver ses actifs et se développer, par exemple en doublant la capacité de Fos-sur-mer, en accroissant ses capacités de stockage en France et en mettant les réseaux à un bon niveau.

Certes, quelqu’un peut, en théorie, lancer une OPA sur Suez-Gaz de France. En réalité, les risques sont extrêmement limités, a assuré M. Gérard Mestrallet, puisqu’avec la fusion, le noyau stable d’actionnaires représentera 46 % du capital, dont 34 % pour l’Etat français. En outre, dans un métier très régulé, aucun acteur ne peut aller contre la volonté d’un Etat. De plus, la capitalisation du nouveau groupe sera imposante. L’allemand E.On, distributeur de Gazprom, est infiniment plus menacé que Suez-Gaz de France.

Répondant à Mme Marie-Anne Montchamp, M. Gérard Mestrallet a dit qu’après que les autorités publiques auront tranché, il reviendra à Suez et à GDF, forts de leur présence territoriale, d’expliquer aux Français ce que le projet peut apporter en termes de capacité de négociation et de sécurité d’approvisionnement, éléments fondamentaux dont on ne parle pas assez.

Il a indiqué à M. Claude Gatignol que Suez dispose de capacités de production d’électricité très compétitives. Outre son parc de centrales nucléaires et hydrauliques, le groupe est à la tête d’un parc extrêmement moderne de turbines à gaz à cycle combiné, domaine dans lequel il est le premier exploitant mondial, en nombre. Bien entendu, le prix de l’électricité ainsi produite dépend du prix du gaz, qui a augmenté ces derniers temps.

Evoquant les obligations de service public, M. Gérard Mestrallet a rappelé que Suez était délégataire de plusieurs missions de service public pour de très nombreuses collectivités locales depuis cent cinquante ans. En Belgique, Suez gère l’ensemble du service public de l’électricité et du gaz, et il a l’obligation de servir chaque fermier isolé des Ardennes belges comme EDF a celle de servir tout éleveur isolé de l’Aubrac. Ces obligations ont été respectées pendant les trente années où l’Etat belge a régulé les prix, qui sont, en Belgique, les plus bas d’Europe avec les prix français. Suez considère que devoir assumer des obligations de service public n’est pas gênant, à condition que le cahier des charges soit clair.

Enel n’a pas disparu, a souligné M. Gérard Mestrallet, et Enel attend la décision du Parlement français avec beaucoup d’intérêt. Mais lier des entreprises n’est pas une opération abstraite, c’est lier des équipes. Suez et Gaz de France se connaissent, ils ont des projets communs et des filiales communes. Enel, absent du gaz et du nucléaire, n’apporterait pas grand-chose à Suez. Il est principalement présent en Italie où Suez, troisième acteur du secteur est le partenaire de la ville de Rome. Ce partenariat fonctionne à la satisfaction des deux parties, et l’entreprise devrait y renoncer pour s’associer avec Enel, qui l’a tenue en joue pendant cinq mois. M. Gérard Mestrallet n’a rien contre l’idée d’opérations ponctuelles avec Enel, mais il souhaite que l’on en revienne à un dialogue amiable, comme Suez en entretient avec d’autres groupes européens.

Répondant à M. Pierre Lellouche, M. Gérard Mestrallet a convenu que Gazprom souhaite se développer dans la distribution. Suez et Gazprom ont d’ailleurs signé un accord qui prévoit un stockage commun en Belgique. Les Etats européens commettraient une grande imprudence en ne s’exprimant pas d’une seule voix. Pour autant, on ne peut constituer un groupe européen unique. Fusionner deux entreprises est déjà compliqué, et aucune fusion à trois n’a jamais fonctionné ; des expériences ont été tentées dans le secteur de l’aluminium, qui se sont soldées par autant d’échecs. Il faut commencer par rapprocher Suez et Gaz de France pour constituer le premier groupe européen, qui pourra grandir encore par la suite. L’Europe achète 90 % du gaz exporté par la Russie, ce qui devrait normalement la mettre en position de force, mais il n’en est rien car les achats se font en ordre dispersé. M. Gérard Mestrallet a dit se réjouir que l’énergie figure désormais à l’ordre du jour des sommets européens et de ceux du G8 ; cela étant, le chemin sera long, car l’Europe ne s’est pas posé les questions fondamentales il y a dix ans.

En réponse à M. Jean Proriol, le président de Suez a souligné que les salariés et les syndicats de l’entreprise sont favorables à la fusion, comme le comité d’entreprise l’a écrit aux parlementaires. Lorsqu’un appel à la grève a été lancé, on a recensé seulement sept grévistes sur 160 000 salariés. Le projet a été longuement expliqué aux salariés de Suez, qui s’inquiétaient du projet social concernant leurs collègues de Gaz de France. Or, il n’y aura pas de suppressions d’emplois. Aujourd’hui, GDF ne crée pas d’emplois au contraire de Suez, qui embauche entre 8 000 et 9 000 personnes chaque année. Le groupe fusionné profitera de cette dynamique. Il n’y aura donc ni problème d’emplois, ni problème de salaires. Quant au statut, il sera non seulement préservé mais étendu aux commercialisateurs, c’est acquis. Au demeurant, la CPCU, la Compagnie nationale du Rhône et la Société hydroélectrique du Midi, filiales de Suez, emploient déjà 2 000 salariés relevant du statut des industries électriques et gazières. Suez et Gaz de France partagent la culture du service public, fortement présente chez Suez. Cela devrait faciliter le mariage.

Suez, GDF et l’Etat veulent que l’environnement demeure dans le groupe, a déclaré M. Gérard Mestrallet en réponse à M. Serge Poignant, car des synergies existent entre les différents métiers. Ainsi, Suez installe au Moyen-Orient de nombreuses usines combinant, par la technologie de l’osmose inverse, production d’électricité et dessalement d’eau de mer ; un contrat a été signé aujourd’hui même pour la construction d’une unité du même type à Barcelone.

M. Gérard Mestrallet a dit s’engager à ce qu’en cas de fusion, l’identité de Gaz de France soit préservée, de même que ses missions de service public. Au fil de son développement, le groupe Suez a toujours écarté l’idée d’une culture dominante, prenant ce qu’il y a de meilleur de chaque culture : de la Compagnie de Suez le goût du large et l’esprit de conquête, de la Lyonnaise des eaux le goût du service public, de la Belgique le sérieux et le professionnalisme. Gaz de France a d’éminentes qualités, qui seront impérativement préservées, comme le sera son nom.

En conclusion, Suez est d’accord avec l’ensemble des garanties demandées par le président de la commission ou le ministre de l’économie.

Le président Patrick Ollier a remercié le président de Suez pour la clarté de ses réponses.

AUDITION DE M. PIERRE GADONNEIX,
PRÉSIDENT D’EDF

La Commission a ensuite entendu M. Pierre Gadonneix, président d’EDF, sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 19 juillet 2006.

Le président Patrick Ollier a souhaité la bienvenue à M. Pierre Gadonneix, président d’EDF, à cette audition ouverte à tous les députés, membres ou non de la commission. Il l’a invité à donner son sentiment sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie mais également sur les deux conditions posées au Gouvernement par le président et le rapporteur de la commission des affaires économiques afin de rendre le texte acceptable : permettre à tous les consommateurs de continuer à bénéficier des tarifs réglementés après 2007 et trouver une solution sous forme d’un « prix de retour » en faveur des PMI-PME injustement pénalisées par la brutale augmentation – de 60 à 80 % – des prix dérégulés.

M. Pierre Gadonneix, président d’EDF, a commencé par évoquer le nouveau contexte énergétique, qui exige dorénavant des actions rapides et adaptées de la part des opérateurs et des États pour préserver la sécurité énergétique. Le black-out qu’a connu l’Italie en 2003, les délestages préventifs qui ont eu lieu, depuis, en Espagne, en Grande-Bretagne et actuellement en Californie, les situations parfois tendues en France et en Allemagne ont démontré que le temps des surcapacités est bien révolu. La France avait déjà connu la crise de la canicule de 2003 et une fin d’hiver difficile en Corse en 2005, où la vague de froid avait obligé à des délestages ; depuis le début 2006, le dispositif de crise a été activé à quatre reprises pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande lors des périodes de forte tension. EDF a acheté ce jour même plus de 2 000 mégawatts d’électricité sur les marchés étrangers, principalement en Italie, pour faire face aux fortes chaleurs, à des prix s’échelonnant entre 100 et 160 euros par mégawatt-heure, à comparer aux 40 euros habituels. La nécessité de garantir la sécurité d’approvisionnement de l’Europe après plus de dix ans sans investissements est devenue une évidence. Ainsi que l’a indiqué le Livre vert de la Commission, il va falloir investir 500 milliards d’euros dans l’appareil de production européen d’électricité dans les quinze ans qui viennent, c’est-à-dire construire 300 gigawatts de capacité, soit l’équivalent de trois fois le parc de production français. Cela exigera des groupes financièrement solides et puissants.

La flambée des prix des hydrocarbures marque, quant à elle, la fin du temps de l’énergie bon marché. La sécurité de l’approvisionnement énergétique est devenue une question très sérieuse. Qui plus est, il faudra intégrer les contraintes liées aux préoccupations environnementales en favorisant les outils de production peu émetteurs de CO2 et autres gaz à effet de serre.

Ces évolutions expliquent la remontée des prix et des tarifs de l’électricité en Europe, après plusieurs années de forte baisse.

Dans ce contexte, l’ambition d’EDF est de jouer un rôle majeur et durable en Europe et d’être le premier investisseur en France, garant de la sécurité d’approvisionnement du pays.

L’entreprise a tous les atouts pour réussir. Elle a désormais retrouvé des marges de manœuvre, en premier lieu grâce aux efforts du personnel et aux gains de productivité réalisés, mais également par sa politique de cession d’actifs non stratégiques en Argentine, au Brésil ou en Égypte et enfin, grâce au remarquable succès de l’augmentation de capital intervenue l’automne dernier, qui lui ont permis de reprendre le chemin du développement et de l’investissement. La construction de l’EPR, formellement décidée par le conseil d’administration voilà quelques semaines, confortera sa position de leader mondial du nucléaire ; dès cet automne, 600 mégawatts supplémentaires seront remis en service à la centrale à fioul de Porcheville et 2 500 mégawatts supplémentaires y seront développés d’ici la fin 2008, sur un total de pratiquement 5 000 mégawatts de capacités nouvelles dans les cinq prochaines années.

Les priorités d’EDF à court terme sont claires : réussir l’ouverture totale du marché français au 1er juillet 2007 ; continuer à améliorer notre performance opérationnelle et financière ; poursuivre le développement du Groupe, en France et en Europe ; poursuivre l’adaptation et la transformation de l’entreprise.

M. Pierre Gadonneix a ensuite présenté ses observations sur le projet de loi proprement dit. Globalement, ce texte lui paraît permettre de franchir les prochaines étapes dans des conditions satisfaisantes.

EDF s’est préparée à l’ouverture des marchés à compter du 1er juillet 2007, en se fixant une double priorité afin qu’elle profite à tous les particuliers. Dès le 1er juillet 2007, tout client voulant choisir un autre fournisseur pourra le faire aisément, et tout client désirant rester au tarif réglementé pourra le faire en conservant la même qualité de service. Cette double priorité s’inscrit pleinement dans le projet de loi ; et conformément à l’engagement contenu dans le contrat de service public, le tarif réglementé applicable aux particuliers ne subira pas de hausse supérieure à l’inflation pendant les cinq prochaines années.

Reste toutefois une ambiguïté : le texte, tel que rédigé, fait de la fourniture d’électricité au tarif réglementé un service public local, situé dans la même concession que la concession de réseau de distribution, créant une confusion a priori contraire à l’esprit de la directive qui sépare clairement les activités de réseau et de fourniture. De surcroît, le tarif est le seul élément constitutif de la fourniture réglementée et il relève de l’État, son caractère national garantissant un prix unique sur l’ensemble du territoire national par le principe de la péréquation géographique. C’est enfin au niveau de l’État qu’a été conclu le contrat de service public limitant au niveau de l’inflation la possibilité d’évolution du tarif national pour les particuliers.

Pour ce qui est de la filialisation du distributeur, la solution retenue paraît satisfaisante et équilibrée. Elle répond aux exigences communautaires de séparation entre activités en concurrence et activités régulées en monopole, nécessaires pour assurer un accès libre, transparent et non discriminant de tous les fournisseurs au réseau de distribution, tout en préservant l’intégration du distributeur au groupe EDF, essentielle dans l’équilibre du modèle d’activité du groupe, qui fonde la confiance en sa capacité à garantir durablement la sécurité d’approvisionnement dans son ensemble, et qui participe de la cohésion sociale et de la valeur patrimoniale du groupe.

Ce mode d’organisation du distributeur est le fruit d’un travail commun avec Gaz de France et d’une concertation régulière avec tous les partenaires sociaux, conduite notamment dans le cadre du Conseil supérieur de l’énergie présidé par M. Jean-Claude Lenoir. Il préserve la qualité du service public puisqu’il pérennise le service commun EDF-GDF Distribution et le lien concédant-concessionnaire, qui garantit la relation de proximité et l’adaptation aux réalités territoriales.

S’agissant enfin de la fusion Gaz de France – Suez, le projet appelle trois remarques. Il s’inscrit dans le cadre de la recomposition du paysage énergétique observée, à des degrés divers, dans tous les pays d’Europe, et qui nécessite, en application d’une logique industrielle, des opérateurs de taille européenne capables d’engager les investissements nécessaires. Ce faisant, il fait émerger un nouveau grand concurrent qui a vocation à prendre des parts du marché français. De son côté, EDF étudiera avec attention toutes les opportunités qui pourraient se présenter, par exemple sur le marché belge du gaz. Ainsi que l’a affirmé le Premier ministre, EDF est et restera un acteur essentiel de la politique énergétique française, responsable de la filière de production nucléaire de notre pays et leader en Europe.

Passant à la question des prix du marché de l’électricité, M. Pierre Gadonneix a déclaré comprendre les préoccupations des parlementaires. EDF a d’abord la responsabilité de satisfaire tous ses clients et partage évidemment leur volonté de préserver le tissu industriel des territoires et particulièrement les petites et moyennes entreprises.

Les industriels qui avaient choisi entre 2000 et 2003 de quitter les tarifs administrés pour le marché libre alors que les prix étaient au plus bas, se trouvent aujourd’hui confrontés à la hausse brutale de leur facture au moment du renouvellement de leurs contrats, que ce soit avec EDF ou avec ses concurrents. Ils ont le sentiment – légitime – de subir une distorsion de concurrence avec leurs homologues restés au tarif réglementé. Environ un millier de PME- PMI sont concernées : elles représentent un peu moins de 10 % du volume de la consommation nationale.

La commission des affaires économiques recherche actuellement avec le Gouvernement des solutions possibles pour résoudre cette situation. EDF, qui a déjà apporté sa contribution dans le cadre des auditions organisées avec les principales entreprises productrices d’électricité concernées, reste prête à poursuivre une réflexion collective qui doit intégrer trois contraintes, exposées par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie le 4 juillet dernier.

La première touche à la préservation de la sécurité d’approvisionnement de la France, et donc à la nécessité d’investir dans la construction de nouveaux moyens de production. Dans une industrie fortement capitalistique et de long terme comme l’électricité, l’unité de compte en matière d’investissements est le milliard d’euros, pour une durée de vie allant de vingt-cinq ans à un siècle selon les moyens de production. L’ampleur de l’enjeu suppose donc la confiance des différents opérateurs dans leur capacité à obtenir une rémunération satisfaisante sur le long terme de ces investissements, qui représentent des coûts de développement compris entre 45 et 60 euros le mégawatt-heure selon les filières technologiques et le niveau de prix du pétrole, et ce dans le respect des directives communautaires.

La deuxième contrainte oblige à s’inscrire dans une logique d’accompagnement et de transition dans la mise en place en Europe d’un marché de l’électricité ouvert à la concurrence. Quand bien même une période de transition est tout à fait légitime – même en Grande-Bretagne, il aura fallu dix ans –, aucun retour en arrière n’est possible : la construction de l’Europe de l’énergie est déjà une réalité. Le dispositif doit ainsi permettre aux opérateurs concurrents d’EDF de conserver leurs clients – autrement dit, éviter qu’ils ne reviennent tous dans le giron d’EDF qui redeviendrait alors un monopole.

Enfin, la troisième contrainte tient à la nécessité de préserver le projet de développement d’EDF qui a recueilli la confiance de nos actionnaires – l’État, bien entendu, mais aussi les millions d’actionnaires minoritaires qui lui ont apporté leur épargne afin de lui permettre d’investir. La piste d’un « tarif de retour » transitoire et différent des tarifs en vigueur, si elle était explorée, devrait tenir compte de ces trois contraintes.

L’électricité occupe une place particulière au sein du secteur de l’énergie. Les investissements à réaliser sont gigantesques, les prix de l’énergie primaire ne sont plus ce qu’ils étaient, la préservation de l’environnement a désormais un coût. Dans ce nouveau paysage, le groupe EDF doit pouvoir continuer à jouer un rôle moteur : c’est ainsi qu’il servira le mieux ses clients, ses actionnaires et la compétitivité de l’industrie française.

En conclusion, M. Pierre Gadonneix a affirmé qu’à un moment où la sécurité de l’approvisionnement énergétique devenait une préoccupation majeure et le marché européen de l’énergie une réalité avec l’échéance du 1er juillet 2007, EDF représentait une chance pour la France en lui permettant tout à la fois d’assurer sa sécurité d’approvisionnement et de conforter son leadership industriel au niveau européen, notamment grâce à sa réussite dans le nucléaire.

Le président Patrick Ollier a noté que l’idée d’un tarif de retour avait reçu une réponse positive, dans le principe tout au moins. Il restera au rapporteur à en travailler les modalités afin de pouvoir proposer un amendement tenant compte des exigences posées et notamment de la nécessité de préserver les droits de la concurrence.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a rappelé que le projet de loi relatif au secteur de l’énergie ne se résumait pas à la seule privatisation de Gaz de France. Plusieurs dispositions concernent directement EDF : ainsi l’ouverture des marchés aux ménages à compter du 1er juillet 2007, la filialisation de la distribution et la protection des consommateurs.

Au moment de l’ouverture des marchés, bon nombre d’entreprises ont quitté EDF, leur fournisseur historique, voire conclu avec lui un autre contrat. Intéressante pendant deux ans, l’opération l’est devenue beaucoup moins depuis, du fait des hausses. Et si le cas des « électro-intensifs » est souvent mis en avant, on parle moins des PME-PMI menacées jusque dans leur existence par le coût croissant de l’énergie électrique. Il n’était pas possible d’ouvrir les débats sur le projet de loi sans poser cette question. Par chance, l’Assemblée dispose de tout le temps nécessaire pour l’examiner et trouver une solution adaptée, dans le respect des textes européens, sous la forme d’un tarif de retour spécifique ou d’un retour partiel au tarif.

Le problème de l’investissement, devenu crucial, se pose à brève échéance. Après être restée sans investir pendant quatorze ans, la France doit reprendre très rapidement la construction de nouvelles unités de production. À entendre le président de Suez, le gaz est appelé à prendre une place considérable en Europe d’ici à 2 030 alors que la part dévolue au nucléaire diminuerait de moitié. Est-ce un choix délibéré des États ?

M. Pierre Gadonneix a fait remarquer qu’il fallait prendre en compte les fermetures de centrales.

Le rapporteur en a convenu, tout en faisant observer que d’autres voient leur vie prolongée. Il s’est également inquiété de la façon dont s’effectuera la gestion du service commun de distribution EDF-Gaz de France avec le nouveau groupe qui pourrait naître de la fusion Suez-Gaz de France : quelles pourraient en être les effets au niveau de la facturation ou de l’identification des agents qui interviennent au quotidien ? En ressent-on les conséquences au niveau du climat social dans l’entreprise ?

M. François Brottes a rappelé l’attachement des députés socialistes à EDF, à son statut public, à son caractère intégré, à ses compétences, à ses visions à long terme, mais aussi leur préoccupation de voir les entreprises françaises, par trop électrodépendantes, confrontées à une hausse des tarifs qui pèse directement sur leurs charges fixes et aggrave une désindustrialisation qui va bon train dans nombre de territoires. Cela justifierait une pause, ou à tout le moins une étude d’impact de l’ouverture des marchés dans les territoires. Que changerait une privatisation de Gaz de France à la situation d’EDF ? Quel serait l’avenir du service commun et de ses 57 000 agents ? Quelles seraient les incidences de la filialisation sur leur statut et sur la façon dont ils seront perçus par les usagers sur le terrain ? Quelles seraient les conséquences d’une privatisation de Gaz de France sur les concessions des collectivités locales en matière de réseaux de distribution de gaz comme d’électricité ?

Il semblerait, à en croire la presse, que les tarifs réglementés aient vocation à rejoindre le prix du marché, ce qui, du coup, simplifierait les choses. Le président d’EDF ne paraît pas totalement fermé à l’idée d’un retour, sous conditions, aux tarifs, pour peu, semble-t-il, que celui-ci s’applique à tous les opérateurs du marché.

Revenant sur la question des investissements, l’orateur s’est demandé si l’ouverture des marchés n’était pas susceptible de perturber la confiance sur le long terme : si un opérateur en situation de monopole a une garantie de ressources évidente, ce qui lui assure toute sérénité pour investir, un opérateur en situation de concurrence, à défaut de bénéficier d’une telle sécurité, sera naturellement poussé à augmenter ses tarifs pour engranger des fonds et conforter sa capacité d’investissement. Cela n’est-il pas de nature à expliquer, pour une part, certaines évolutions récentes ?

Ayant noté les opportunités d’acquisition en Belgique évoquées par le président d’EDF, M. François Brottes s’est enfin déclaré preneur de toutes informations sur les intentions de la Commission en matière d’abandons de périmètres de marchés suite à une éventuelle fusion Gaz de France-Suez : la fameuse note du 19 juin, à laquelle les parlementaires n’ont pas eu accès, indique-t-elle d’ores et déjà que quelques centrales nucléaires seraient susceptibles d’être acquises par tel ou tel grand groupe ?

M. François-Michel Gonnot a demandé s’il était exact, comme l’a affirmé M. Gérard Mestrallet, que M. Pierre Gadonneix ait jadis été l’initiateur des premiers rapprochements entre Gaz de France et Suez, et si celui-ci avait des contacts avec ENEL, partenaire futur, ou promis, d’EDF dans l’EPR de Flamanville.

La situation promet d’être assez bizarre au 1er juillet 2007, avec toute une série de clients aux statuts et aux droits différents. Les très gros consommateurs d’énergie auront droit à des contrats longue durée à travers un consortium ; les professionnels gros ou moyens consommateurs auront droit au retour aux tarifs régulés ; les petits professionnels seront éligibles, mais sans avoir droit à revenir aux tarifs. Du côté des ménages, il y aura le ménage éligible qui souhaite rester au tarif régulé, le ménage éligible qui veut user de cette faculté pour quitter le tarif et le ménage qui a fait jouer son éligibilité et qui veut revenir au tarif ! Cela n’est-il pas de nature à poser un problème de lecture et, qui plus est, d’égalité aux yeux de Bruxelles ?

On peut également être surpris en voyant réapparaître le besoin en centrales à fioul dans la dernière programmation annuelle des investissements, alors que l’on évoquait plutôt jusque-là les centrales à cycle combiné à gaz. N’est-ce pas contradictoire avec l’évolution du prix du pétrole et les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto ?

Évoquant enfin la question du financement des investissements à court terme, M. François-Michel Gonnot s’est demandé si, compte tenu de la difficulté à relever les prix pour dégager des marges de manœuvre et de la volonté des pouvoirs publics de maintenir le plus de gens possible dans un statut privilégié, autrement dit au tarif régulé, moins rémunérateur, EDF ne serait pas conduit à baisser la participation de l’État dans son capital.

M. Philippe Auberger a reconnu à l’audition de M. Gadonneix un premier mérite : celui de prouver que la concurrence ne se décrète pas, particulièrement dans le secteur de l’énergie et plus encore de la production électrique. Encore faut-il des capacités suffisantes pour financer des investissements aussi lourds, et de surcroît pour des équipements dont la durée de vie ne cesse de s’allonger. Les investisseurs privés n’ayant pas l’habitude d’investir à si long terme, la présence de l’État n’est-elle pas, sous une forme ou une autre, indispensable pour garantir une véritable stabilité et une concurrence effective ? Il est à noter que les investissements dans le secteur du gaz n’ont pas été évoqués : EDF a-t-il des projets d’investissement dans ce domaine pour contrebalancer la toute-puissance d’un Suez-Gaz de France ?

M. Philippe Auberger est ensuite revenu sur le problème de EDF-GDF Services, renommée en 2004 EDF-Gaz de France Distribution, direction commune aux deux établissements depuis trente ans. Comment EDF se prépare-t-elle à la séparation, devenue inéluctable ? Quel en sera le coût ? Comment le justifier, au moins dans l’avenir immédiat, au regard des exigences de la concurrence énergétique ?

M. Serge Poignant, observant que les investissements prévus à moyen et long terme feraient passer la part du nucléaire en Europe d’un peu plus de 30 % à moins de 20 %, voire 15 %, du fait de l’augmentation de la part du cycle combiné au gaz, s’est enquis de savoir comment EDF envisageait de répartir ses futurs investissements entre les différentes filières. Revenant sur la question de la distribution commune, il a demandé si EDF continuerait à collaborer avec Gaz de France en cas de fusion entre ce groupe et Suez.

S’agissant des tarifs, M. Serge Poignant s’est déclaré très attentif au maintien des tarifs au 1er juillet 2007, pour les particuliers comme pour les entreprises, et favorable à la mise en place d’un tarif de retour qui préserve tant les intérêts du consommateur s’agissant notamment du coût des droits d’émissions du carbone puisque, grâce au nucléaire, notre pays en rejette beaucoup moins que les autres, que les capacités d’investissements d’EDF.

M. Pierre Ducout a estimé que, faute d’un État européen, on ne saurait parler d’un marché européen de l’énergie, du moins pas avant vingt ans. Rappelant qu’EDF appliquait des tarifs dits « jaune » et « vert » inférieurs au prix de revient, il a craint que cette pratique ne fasse mauvais effet vis-à-vis de la Commission au moment même où l’on défend le maintien de tarifs réglementés, étant entendu que ceux-ci doivent couvrir les coûts de production, amortissement des investissements inclus. On peut du reste se demander si les mouvements de cours qui ont suivi l’entrée en bourse d’EDF ne vont pas inciter à revoir des tarifs réglementés mal négociés avec les instances européennes.

Un nouveau rapprochement EDF-GDF pourrait redevenir d’actualité dans la mesure où les directives européennes de 1996 et 1998 tiraient les conséquences d’un contexte de baisse des prix et de surabondance de la ressource ; or celui-ci a totalement changé.

Enfin, évoquant la décision du Conseil d’État interdisant la traversée du Verdon par une ligne haute tension destinée à approvisionner la Provence, M. Pierre Ducout a suggéré que le surcoût en résultant soit pris en charge par le conseil régional et rappelé au passage que M. Alain Juppé et Mme Corinne Lepage avaient, il fut un temps, bloqué un projet d’interconnexion France-Espagne.

M. Jean Dionis du Séjour a demandé ce que pourrait représenter pour EDF, en termes de parts de marché, la concurrence d’un futur groupe Gaz de France-Suez. Il s’est également interrogé sur la philosophie qui sous-tendait la rédaction de l’article 1er du projet de loi ouvrant droit à une tarification spéciale « produit de première nécessité ». Faut-il y voir un tarif social à proprement parler ou un service universel au sens de la directive européenne, significativement différent ? Contrairement à l’article 3, qui affirme pour le gaz une philosophie tout à fait claire, l’article 1er se contente de renvoyer à un autre texte de loi.

M. Pierre Gadonneix a répondu que le tarif de première nécessité de l’électricité était déjà régi par un texte existant, ce qui n’était pas le cas pour le gaz.

M. Jean Dionis du Séjour a observé que le projet de loi visait à transposer une directive posant le concept de service universel, sensiblement différent de celui du tarif social, et a insisté pour connaître la philosophie d’EDF en la matière.

S’agissant de la filiale commune de services EDF-Gaz de France, les dispositions proposées au II de l’article 7 sont fort floues : un service commun non doté de la personnalité morale se trouvera gérer 56 000 personnes… Quel statut juridique souhaitez-vous ? Qui commandera ? Peut-on vraiment croire qu’un tel montage fonctionnera ?

S’agissant des tarifs retour, à supposer que tous les consommateurs ayant opté pour les tarifs dérégulés reviennent aux tarifs réglementés, peut-on chiffrer l’enjeu pour EDF ?

M. Jean Dionis du Séjour s’est enfin fait l’écho des multiples plaintes sur le terrain à propos de la facture électrique, proprement illisible. Rien n’étant prévu à ce titre dans le projet de loi, il a demandé si EDF envisageait d’améliorer les choses dans ce domaine.

M. Léonce Deprez a d’abord tenu à lancer un SOS, suite à la mission que lui a confiée le président de la commission des affaires économiques sur la crise de l’industrie papetière, déjà bien mal en point et désormais exsangue depuis les dernières hausses du prix de l’électricité. Ces entreprises se retrouvent aujourd’hui pénalisées pour avoir fait confiance à la dynamique européenne en optant pour les tarifs dérégulés. Les PMI et PME notamment, dans ce secteur comme dans bien d’autres, attendent une réponse claire, et de toute urgence.

L’examen du projet de loi, auquel les membres de la commission consacreront tout l’été, montre à quel point le sujet est devenu terriblement complexe, y compris pour les présidents d’EDF et de Gaz de France. Un formidable effort de pédagogie s’impose en direction des citoyens pour expliquer la problématique du renouvellement des sources d’énergie et la politique française et européenne en la matière. Les citoyens sont perdus, les députés sont inquiets et la presse en profite pour parler d’un malaise à propos du projet de loi… Il est grand temps de les éclairer.

M. Pierre Ducout a rappelé à ce propos le slogan d’EDF : « Nous vous devons plus que la lumière »…

M. Léonce Deprez s’est demandé s’il ne fallait pas ressortir la vieille méthode du tableau noir : trop de citoyens croient que l’électricité est une source d’énergie alors qu’elle n’est qu’une forme d’énergie. Tout cela peut s’expliquer : autant mettre à profit les deux mois d’été pour faire comprendre à des millions de Français – les consommateurs domestiques, mais également les dirigeants de nombreuses entreprises – le bien-fondé de telle ou telle loi, mais également pour les rassurer sur l’évolution future de leurs charges d’électricité, comme on l’a fait pour le gaz.

M. Claude Gatignol a remercié le président d’EDF d’avoir tenu tout à la fois des propos enthousiastes et un langage de vérité sur ce qu’était l’énergie en France et dans le monde : une priorité dans un domaine stratégique. Le recours par quatre fois depuis le début de l’année au dispositif de crise n’est que la conséquence de dix ans d’impéritie et d’absence de décision en la matière.

Si le rôle du nucléaire a été souligné, le coût de l’EPR de Flamanville semble subir une certaine dérive – indépendamment du calendrier et de la garantie de sa construction. Le montant des investissements, initialement arrêté à 30 milliards d’euros, a été porté à 50 milliards d’euros ; encore faudra-t-il trouver les moyens financiers nécessaires. Certes, le chiffre d’affaires d’EDF augmente de 10,6 %, l’excédent brut d’exploitation est en hausse de 3,6 % par rapport à 2004, le résultat net a doublé, mais il n’est « que » de 3,2 milliards d’euros alors que l’EPR en coûtera trois, sinon 3,5. Entre un prix régulé contraignant, un prix libre qui suppose l’existence de capacités de production disponibles et un tarif social dont personne ne conteste la nécessité, comment EDF pourra-t-elle répondre à la demande des prestataires acheteurs alors qu’elle est déjà obligée d’acheter de l’électricité et dégager des marges permettant de répondre à ses obligations de maintenance et de renouvellement du parc ? EDF envisage-t-elle enfin de proposer tout à la fois de l’électricité et du gaz, les enquêtes montrant que les Français préfèrent un fournisseur d’énergie unique ? Quelle est enfin la relation exacte entre le prix de l’électricité et le prix du pétrole, sachant que les « sorties de cocon » programmées concernent avant tout ces centrales à hydrocarbures ? Ne faudrait-il pas plutôt relancer un véritable programme de centrales nucléaires pour répondre à la demande ?

M. Pierre Lellouche a lui aussi souhaité être éclairé, et d’abord sur les décisions antérieures. Il y a deux ans, on expliquait qu’il fallait impérativement faire divorcer le gaz de l’électricité ; aujourd’hui, on veut à toute force le remarier, mais avec de l’électricité nucléaire belge ! Le raisonnement mérite pour le moins explication.

Le déficit électrique français résulte d’une impéritie ancienne : la France vit sur un programme nucléaire lancé en 1973-1974 sous les présidents Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing. Bon nombre de centrales arrivant en fin de vie dans les prochaines années, on peut être surpris de ne voir lancer qu’un seul EPR, et après bien des hésitations. Le premier avait du reste été vendu à la Finlande. Quel est le plan d’EDF dans le domaine nucléaire, le seul qui plus est où la France dispose d’un avantage certain ?

M. Jean-Marie Binetruy a annoncé que le dernier bureau ouvert à la clientèle de sa circonscription était en train de fermer alors même que le contexte de mutation devrait amener les fournisseurs d’énergie et la filiale de distribution à renforcer leur présence sur le terrain. Bien des gens ont encore du mal à maîtriser les technologies modernes, et il paraît nécessaire, au moins pendant cette période de transition, de pouvoir leur expliquer les enjeux en maintenant un service de proximité. Il a demandé s’il était exact que les agents commerciaux d’EDF soient fortement incités à faire sortir leurs clients du marché régulé.

M. Jean Proriol a demandé si EDF envisageait de vendre également du gaz et s’y préparait. Face à une quadrature du cercle assez peu évidente – supporter un endettement heureusement encore absorbable, financer des investissements, proposer des tarifs régulés et des tarifs sociaux, diversifier les sources d’énergie –, il s’est inquiété de savoir comment EDF trouverait tous les financements nécessaires. Le statut d’une entreprise et la part plus ou moins grande que peut y avoir le secteur privé ont-ils ou non une influence sur sa gestion et particulièrement ses tarifs ? Observant enfin que les présidents de GDF et de Suez semblaient entretenir de réelles affinités personnelles, il a demandé si M. Pierre Gadonneix aurait pensé à un tel mariage lorsqu’il dirigeait Gaz de France.

M. Jean-Pierre Nicolas remarquant que le prix des énergies primaires augmentait – encore que l’on puisse se poser la question pour le nucléaire – alors que le besoin d’investissements devenait de plus en plus pressant, a partagé les interrogations de ses collègues en matière de financement. À trop jouer au yo-yo avec les différents tarifs, comment EDF parviendra-t-elle à rentabiliser des investissements aussi lourds ? On affirmait il y a un an que ce serait chose faite à partir de 35 euros le mégawatt-heure ; on parle plutôt désormais de 50 euros. Qu’en est-il exactement ?

M. Jacques Bobe, insistant sur l’importance des investissements à venir, s’est également interrogé sur les sources de financement possibles. Les résultats ne suffiront pas ; une augmentation de capital peut être envisageable. Encore faudra-t-il que l’État suive pour garantir le maintien de sa participation à 70 %. En aura-t-il la capacité ?

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Gadonneix a apporté les précisions suivantes :

– Le prix de l’électricité dépend tout à la fois du mode de production et du coût de l’énergie primaire ou de la matière première qui l’alimente. Si un livre vert a défini un socle commun de priorités au niveau européen, chaque pays a pris ses propres options en matière de politique énergétique et la compétitivité des différents moyens de production varie au gré de l’évolution du coût de la matière première. Par coïncidence, dans la période récente, il en coûtait à peu près autant de produire de l’électricité à partir d’une centrale nucléaire, d’une centrale à charbon ou d’une centrale à cycle combiné au gaz : cette conjonction se retrouve lorsque le charbon est entre 30 et 60 dollars la tonne et le pétrole entre 40 et 60 dollars le baril. À l’époque où l’on tablait sur un prix de l’électricité de 35 euros le mégawatt-heure, le pétrole était à 30 dollars et le cycle combiné au gaz apparaissait incontestablement comme le moyen de production électrique le plus économique : c’est du reste lui qui a fait l’objet de pratiquement tous les investissements en Europe – France exceptée – ces dix dernières années. Mais avec un pétrole à 60 dollars le baril, le cycle combiné au gaz arrive à un prix de 60 euros : le charbon et surtout le nucléaire redeviennent très compétitifs. Toutes les commandes ayant désormais été passées pour l’EPR de Flamanville, on sait très exactement combien il coûtera, et l’approvisionnement en uranium est régi par des contrats à long terme. Aussi le prix de revient du mégawatt-heure produit par cette unité tête de série a-t-il été précisément chiffré à 46 euros ; on peut penser qu’il baissera si d’autres centrales sont construites. Mais d’ores et déjà, il est conforme aux prix du marché.

– L’avenir du nucléaire semblait clairement condamné partout dans le monde tant que le pétrole restait en dessous de 50 dollars le baril. Sitôt ce niveau atteint, les pays ont commencé à s’interroger ; avec un pétrole durablement au-dessus de 50 dollars, le nucléaire devient clairement une réponse au besoin de sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Europe. Le problème du développement du nucléaire n’est pas d’ordre technique : EDF a démontré au monde entier que l’on pouvait construire des centrales sûres. Ses cinquante-huit tranches ont fonctionné pendant trente ans sans incident majeur. Le problème reste celui de son acceptation, qui dépend des politiques et des opinions publiques, et donc de la façon dont chaque pays l’abordera. Pour l’instant, seules la Finlande et la France ont pris en Europe la décision de redémarrer le nucléaire. L’intérêt du pays comme d’EDF est qu’il en soit de même dans plusieurs pays européens. C’est probablement en Grande-Bretagne qu’il pourrait repartir très rapidement : la fermeture des centrales nucléaires y avait été programmée pour des raisons d’ordre technique, compte tenu de l’âge très avancé des unités. En revanche, l’opinion est plus que réticente en Allemagne où l’arrêt des tranches nucléaires avait été dicté par des considérations d’ordre strictement politiques. Ce sont toutes ces fermetures programmées qui expliquent la baisse de la part du nucléaire en Europe.

– Le programme d’investissements français porte, pour ce qui concerne EDF, sur 5 000 mégawatts dans les cinq à sept ans qui viennent. Une seule centrale – 1 600 mégawatts – sera nucléaire ; le autres seront thermiques. La raison tient au fait que le parc français est excédentaire en base, c’est-à-dire en fonctionnement continu, mais déficitaire en pointe : ce qui explique que EDF exporte en moyenne pratiquement 10 % de sa production, mais est contrainte d’importer au moment des pointes. Encore faut-il trouver de l’électricité disponible : il n’y en a pas en ce moment en Allemagne, faute de vent pour les éoliennes… Quatre fois 650 mégawatts proviendront de centrales à fioul anciennes et arrêtées, à l’exemple de Porcheville, qui seront rénovées et remises en route, dès septembre prochain pour la première tranche. Cinq cents mégawatts proviendront de turbines à combustion capables d’être démarrées en quelques secondes et destinées à répondre à la demande d’extrême pointe. Enfin, les investissements dans l’éolien et l’hydraulique – le projet de Gavet – représenteront 300 à 500 mégawatts.

– S’agissant du tarif de retour et de la menace qu’il pourrait représenter pour l’équilibre financier d’EDF et son programme d’investissements, il faut trouver un équilibre entre la nécessité de préserver son modèle de développement et la prise en compte de la situation des PME ayant opté pour le marché libre de l’énergie et confrontées aujourd’hui à des hausses très fortes. Il faut à ce propos remarquer que toutes les énergies ont augmenté et l’électricité plutôt moins que les autres : autrement dit, le problème est général. Il doit être possible de trouver une formule transitoire permettant de passer d’une période de surcapacité à une période de pénurie obligeant à investir et de proposer un système offrant conjointement des tarifs administrés et des tarifs libres. Un compromis peut être trouvé, pour peu qu’il s’applique à tous les fournisseurs d’électricité et non au seul EDF pour éviter tout risque de distorsion, et qu’il n’incite pas tous les clients à revenir à EDF sous peine de remettre en cause le modèle d’ouverture du marché. Un éventuel tarif de retour devra enfin préserver les incitations à investir en tenant compte du coût de développement de la centrale la plus compétitive – centrale à cycle combiné au gaz il y a dix-huit mois, centrale nucléaire aujourd’hui.

– Pour ce qui concerne la filiale de distribution, EDF est attaché au principe d’un service commun avec Gaz de France pour exploiter la partie non concurrentielle de leur activité de proximité, c’est-à-dire la gestion des réseaux de distribution. La solution retenue, certes un peu compliquée, est satisfaisante ; elle concilie deux préoccupations : disposer d’une structure permettant des économies d’échelle pour les deux entreprises tout en leur permettant de consolider financièrement cette activité – ce qui explique que la structure commune n’ait pas la personnalité morale. Avec ou sans projet de fusion Suez-Gaz de France, la séparation entre activité commerciale concurrentielle et activité non concurrentielle était inéluctable. La directive européenne oblige de surcroît à filialiser la gestion du réseau de distribution même si elle peut continuer à être intégrée dans les comptes de l’entreprise, ce que prévoit le projet de loi. Le système mis au point pour le fonctionnement de la distribution mérite d’être pérennisé et EDF souhaite que le changement de statut de Gaz de France ne vienne pas le remettre en cause, tant sur le plan du statut des personnels que sur celui du monopole des contrats de concession de gaz. Cela semble juridiquement possible ; encore faudra-t-il que les responsables du futur groupe confirment que sa politique est bien de maintenir ce dispositif.

– La fusion Suez-Gaz de France, sur laquelle le Parlement comme les actionnaires devront se prononcer, se traduira clairement pour EDF par l’apparition d’un concurrent majeur – il y en aurait eu de toutes façons – et la perte de parts de marché en France qu’elle détient encore à 80 % s’agissant des éligibles. Si EDF s’intéresse au gaz, c’est essentiellement pour alimenter les centrales à cycle combiné à gaz de ses filiales étrangères et, en France, pour offrir à ses clients la possibilité de n’avoir qu’un fournisseur pour le gaz et l’électricité. Sa part du marché gazier qui ne représente pour l’heure que 1 ou 2 %, n’est pas appelée à devenir énorme : il s’agit essentiellement d’une stratégie destinée à préserver son fonds de commerce électrique.

– Le tarif social se distingue des tarifs régulés : c’est une contribution de solidarité de la collectivité des consommateurs au bénéfice de populations démunies. La fourniture d’énergie, facturée nettement en dessous du prix de revient, fait l’objet d’une compensation dans le cadre de la contribution au service public de l’électricité.

– La participation majoritaire de l’État dans le capital d’EDF est un élément positif et le projet de loi ne pose aucune difficulté à cet égard. Le développement du nucléaire dépend de son acceptation par les opinions publiques ; la chance a voulu que le nucléaire en France ait été l’occasion de faire travailler ensemble le CEA, Framatome, la COGEMA et EDF. La présence d’un actionnaire commun n’est pas un obstacle, loin de là. D’un autre côté, l’arrivée de plusieurs millions d’actionnaires a permis de disposer d’un formidable levier pour redémarrer l’investissement mais également d’ajouter à la gouvernance d’une entreprise publique les avantages de la gouvernance d’une entreprise privée, ce qui ne peut que favoriser la transparence.

En conclusion, M. Pierre Gadonneix a déclaré se tenir, avec ses collaborateurs, à la disposition des membres de la commission pour répondre par écrit à toute question qui mériterait d’être approfondie.

Le président Patrick Ollier a remercié M. Pierre Gadonneix pour la clarté et la précision de ses réponses.

AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS CIRELLI,
PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE GAZ DE FRANCE

Puis, la Commission a entendu M. Jean-François Cirelli, président-directeur général de Gaz de France, sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 19 juillet 2006.

Le président Patrick Ollier a informé la commission que M. Jean-François Cirelli, par courrier, lui avait indiqué être dans l’impossibilité de communiquer le document réclamé par un groupe politique de l’Assemblée nationale.

M. François Brottes a rappelé que son groupe demandait la communication de deux documents : le projet transmis à la Commission européenne par Suez et Gaz de France ; l’information premier avis du 19 juin de la Commission, ou au moins sa teneur. Faute d’obtenir satisfaction, il a déclaré que son groupe adopterait la même attitude que lors de l’audition de M. Gérard Mestrallet et qu’il refuserait d’y assister.

Le président Patrick Ollier a répondu que la Commission n’avait pas rendu d’avis mais simplement adressé aux industriels concernés un document contenant des informations commercialement sensibles au regard de la concurrence. Il a précisé que rendre public ces informations exposerait à des sanctions pénales, en application de l’article 9 de la loi du 3 janvier 2003.

M. François Brottes a expliqué que Gaz de France n’était pas encore une entreprise privée, qu’elle avait pris une initiative lourde de conséquences pour l’avenir du secteur énergétique français et que la représentation nationale ne devait pas être exclue du champ des informations, aussi confidentielles soient-elles. Il a conclu que son groupe refusait de participer à ce qui s’apparente à ses yeux à une mascarade.

Le président Patrick Ollier a objecté que le problème n’avait rien à voir avec le fait que Gaz de France soit une entreprise publique et qu’à sa connaissance, le document en question n’avait pas non plus été communiqué au Gouvernement. Il ne s’agit pas d’effectuer de la rétention d’informations, mais de garder confidentiel un document qui n’est pas communicable et ne constitue aucunement un avis provisoire.

Il a regretté que la commission, pour la première fois depuis quatre ans, doive subir ce genre de situation. L’opposition a annoncé qu’elle déposerait 20 000 amendements et refuse de participer aux auditions : cette attitude d’obstruction traduit la volonté d’esquiver le débat démocratique.

Les commissaires socialistes ayant quitté la salle, le président Patrick Ollier a remercié le président de Gaz de France de sa présence. Rappelant que si le projet industriel envisagé était crucial pour la France, pour Gaz de France et pour les consommateurs, il a souligné que le texte de loi soumis par le Gouvernement a uniquement pour objet de déplacer le curseur de la participation de l’État. D’autres options de fusion ou de participations croisées existent-elles ? Est-il exact que Gaz de France a la capacité de poursuivre seul son développement, comme l’affirment les syndicats ?

M. Jean-François Cirelli a appelé l’attention de la commission sur l’importance de la position du Parlement vis-à-vis de ce projet de loi, une très large partie du développement de Gaz de France dépendant de l’évolution de son capital. Gaz de France a l’ambition de devenir le grand groupe énergétique européen à dominante gazière qui fait défaut à la France. L’entreprise a des atouts, mais doit passer à la vitesse supérieure et anticiper plutôt que subir, car le monde change.

Ses atouts sont au nombre de cinq : présence sur l’ensemble des métiers du gaz, de l’exploration et de la production au transport, à la distribution et aux services énergétiques ; compétence technique et industrielle reconnue, avec 53 000 collaborateurs ; notoriété de premier plan ; situation financière saine et bilan solide ; place enviée de première compagnie européenne de gaz – première dans le transport et la distribution, deuxième dans le stockage et les terminaux méthaniers –, avec 15 millions de clients dont 11 millions en France.

Mais l’environnement évolue, et trois éléments incitent à la réflexion. Premièrement, la concentration s’accélère en Europe, les investissements présentent une très grande intensité capitalistique, des sociétés puissantes émergent et le prix des actifs est très élevé. Deuxièmement, le marché est favorable aux producteurs, qui désirent être davantage présents dans l’aval, à l’instar de Gazprom, qui a déjà obtenu une licence de commercialisation du gaz en France. Troisièmement, les marchés seront totalement ouverts le 1er juillet 2007 et les consommateurs aspirent à avoir un seul fournisseur d’énergie, ce qui incite électriciens et gaziers à se rapprocher, au point que, en Europe, il n’existe plus ni gazier pur – hormis peut-être en Pologne – ni électricien pur.

La stratégie de Gaz de France s’articule autour de quatre objectifs. Premier axe : grandir pour faire face aux producteurs et aux concurrents, parce que les besoins énergétiques de l’Europe nécessitent des investissements d’infrastructures considérables et parce que seules les compagnies importantes pourront avoir accès aux ressources, de moins en moins européennes et convoitées par les concurrents asiatiques et américains. Deuxième axe : profiter du processus de concentration pour aller au-delà des actuels 36 % de chiffre d’affaires réalisé à l’étranger, afin de devenir un acteur majeur de taille européenne et de compenser ainsi la perte de parts sur le marché historique, aujourd’hui détenu à 97 %. Troisième axe : se développer dans l’électricité pour offrir aux clients l’offre qu’ils attendent. Quatrième axe : toujours mieux garantir la sécurité d’approvisionnement de la France et de l’Europe, en diversifiant les fournisseurs, les routes et en étant présents dans le secteur du gaz naturel liquéfié (GNL), dominé en Europe par Gaz de France et dans lequel Suez est également un acteur majeur.

L’environnement a davantage changé depuis 2004 qu’entre 1946 et 2004. Mais pourquoi choisir la fusion avec Suez ? L’opération ne pèsera pas sur les capacités financières des deux entreprises : chacune gardera sa force financière pour son développement. Effectuer des participations croisées ne constitue pas un projet industriel mais financier. Les activités des deux groupes sont parfaitement complémentaires – en simplifiant, l’électricité pour l’un et le gaz pour l’autre –, avec très peu de recoupements. Les synergies industrielles sont extrêmement puissantes. Aucun problème social n’est à craindre, le groupe ayant vocation à se développer et à créer des emplois, pas à en détruire. Le rapprochement est équilibré, avec des cultures d’entreprise distinctes mais proches. Suez a autant besoin de Gaz de France que Gaz de France a besoin de Suez. La fusion des équipes et des managements s’opérera entre égaux.

Le groupe possédera la « force de frappe » gazière la plus forte d’Europe puisqu’il procédera du mariage entre la première et la sixième entreprises européennes du secteur : 20 % de tout le gaz acheminé en Europe passera par le nouvel ensemble. Le groupe sera probablement le numéro un mondial dans le GNL. Gaz de France, dont les sources d’approvisionnement sont déjà les plus diversifiées, ajoutera le Yémen et le Qatar – au troisième rang mondial en termes de réserves – à son portefeuille. Gaz de France, jeune dans l’électricité, avec une centrale en fonctionnement et deux en projet, s’unira avec un électricien nucléaire, à une époque où cette source d’énergie est stratégique pour l’avenir de l’Europe. Il s’agira d’une vraie fusion transfrontalière dans le domaine énergétique européen. La France et le Benelux constitueront le cœur de ce nouveau groupe. La vision est extraordinairement équilibrée entre l’amont et l’aval, entre la production et la commercialisation, entre les activités régulées, qui assurent la stabilité du cash-flow, et les activités non régulées, un peu plus risquées. Il est tout simplement proposé de créer un groupe énergétique européen pointant au deuxième rang mondial, à dominante gazière, avec un fort capital français. L’opportunité est historique.

M. Jean-François Cirelli a ensuite mis l’accent sur les cinq exigences de Gaz de France. Premièrement, l’entreprise souhaite le maintien et même, après la privatisation, le renouvellement des obligations de service public prévues par contrat avec l’État, en matière de sécurité, de sécurité d’approvisionnement ou de présence territoriale. Deuxièmement, Gaz de France, dans le cadre du tarif régulé, pourra offrir à ses clients des tarifs plus compétitifs, grâce à l’optimisation de ses achats et de ses transports ; la fusion n’aura aucun effet de hausse des prix et, en tout cas, il est certain que ceux-ci n’augmenteront pas l’hiver prochain puisqu’ils seront dorénavant réévalués annuellement, le 1er juillet. Gaz de France accepte les tarifs réglementés mais demande le respect de la loi de 2003 : il faut incorporer dans les tarifs le prix de la matière, qui représente la moitié du prix total du gaz livré et sur lequel l’entreprise n’a aucune prise. Troisièmement, les collaborateurs de Gaz de France doivent conserver le statut de branche des industries électriques et gazières, qu’il convient du reste d’étendre à l’ensemble des personnels travaillant dans la commercialisation. Quatrièmement, il faut renforcer et adapter le dialogue avec les collectivités locales, afin notamment de lever la confusion entre, d’une part, l’alliance envisagée et, d’autre part, la grande transformation en cours dans le secteur de l’énergie, avec en particulier la mise en œuvre de la séparation entre les activités d’infrastructure et de commercialisation. Cinquièmement, Gaz de France compte maintenir sa collaboration avec EDF dans le domaine de la distribution d’énergie, qui date de soixante ans et constitue un enjeu industriel, économique, managérial et social majeur.

Gaz de France a un grand projet pour le pays et l’Europe. Pour le mettre en œuvre, il a besoin que le Parlement français accepte de modifier la part de son capital détenu par l’État. Le jeu en vaut la chandelle. Il n’existe pas de projet alternatif car Gaz de France n’a pas trouvé d’autre partenaire que Suez. M. Claude Mandil, directeur de l’Agence internationale de l’énergie, a déclaré : « Une fusion des groupes énergétiques français Gaz de France et Suez serait un excellent scénario car cela contribuerait à l’émergence de grands acteurs plus puissants en Europe. Ce serait un excellent scénario non seulement pour Gaz de France et pour Suez mais aussi pour l’Europe et par conséquent pour la France. C’est un scénario qui aboutit à fusionner deux entreprises qui sont très complémentaires. Le secteur de l’énergie a actuellement besoin d’investissements colossaux qui ne peuvent être le fait que d’entreprises puissantes. » Il s’agit bien d’un projet au service du pays, des consommateurs français et de l’Europe.

Le président Patrick Ollier a précisé que la commission souhaitait obtenir des garanties à propos des cinq exigences citées, afin de voter le texte en toute connaissance de cause, et qu’il déposerait, si nécessaire, les amendements correspondants. Le mariage doit vraiment être conclu entre égaux, afin de garantir la pérennité de l’identité de Gaz de France au sein du groupe. Il importe que le Gouvernement prenne officiellement position sur le maintien du statut du personnel. Enfin, en ce qui concerne le contrôle public, la minorité de blocage et l’action spécifique, le Gouvernement a répondu positivement.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a souligné la qualité du projet industriel proposé par Gaz de France et Suez. Mais comment les opérateurs s’organiseront-ils sur le terrain ? Un écart entre le tarif régulé et le prix du marché est-il constaté pour le gaz ? Le futur ensemble sera-t-il « opéable » ou bien à l’abri de toute action hostile ? Quels moyens de protection sont envisagés ?

Mme Marie-Anne Montchamp a dénoncé le comportement de l’opposition, estimé que le débat devait éclairer les parlementaires et les Français sur l’évolution de Gaz de France, même si le projet de loi ne portait que sur le niveau de participation de l’État à son capital, et approuvé les campagnes de communication parallèles lancées par Suez et Gaz de France.

Elle s’est néanmoins demandée quel était le point d’aboutissement du projet industriel. Les cadres de Gaz de France sont très attachés à leur entreprise. Ont-ils l’assurance que la gouvernance intermédiaire ne sera pas soumise à une culture dominante ? L’équité entre les cultures des deux entreprises constitue une garantie pour le service public.

M. Pierre Lellouche, après avoir salué le parcours professionnel et le sens de l’État de M. Jean-François Cirelli, a affirmé que, dans un secteur aussi stratégique pour le pays, l’insuffisance principale de Gaz de France se situait en amont, du côté des ressources : l’entreprise contrôle le transport, elle a des clients mais ne produit pas de gaz. Dans ces conditions, Suez, absente de la production mais présente dans le GNL, est-elle un bon parti ? Par ailleurs, la réduction de la part de l’État et le mariage avec un groupe privé étranger ne risquent-ils pas de rendre Gaz de France opéable, face à un opérateur qui a l’une des plus grandes capitalisations boursières et qui est intimement lié au Kremlin ?

M. François-Michel Gonnot s’est inquiété que la réforme envisagée, quoiqu’essentielle, ne bénéficie du soutien d’aucun partenaire social, contrairement à l’ouverture du capital d’EDF et de Gaz de France, qui fut menée avec l’aval de la CGC. Si les participations croisées constituent une opération financière et non industrielle, à quoi pensait la direction de Gaz de France le 25 février, lorsqu’ont été évoquées, dans un premier temps, des participations croisées avec Suez ? Il convient de prendre acte de la libéralisation du marché et de changer des règles du jeu mais l’État doit garder la main sur les investissements. Ne serait-il pas dommageable que tous les réseaux de transport, tous les stockages stratégiques et tous les terminaux de GNL passent sous le contrôle du secteur privé ? La golden share garantira-t-elle que le siège du nouveau groupe demeure sur le territoire français et que son management reste français ?

M. Serge Poignant s’est demandé si, pour Gaz de France, une ouverture du capital maintenant la majorité de l’Etat ne pouvait pas constituer un projet alternatif. Les parlementaires partagent les exigences posées par Gaz de France. Cependant, s’agissant des concessions gazières, une ouverture à la concurrence n’est-elle pas à redouter ? Plus généralement, sera-t-il possible de satisfaire les exigences de la Commission européenne et du Conseil constitutionnel ? Enfin, quel intérêt le projet industriel présente-t-il en termes d’investissements en amont et de développement de l’outil de production ?

M. Philippe Auberger a amicalement reproché aux responsables de Gaz de France d’avoir anticipé sur la décision du Parlement en notifiant, avec ceux de Suez, leur projet de fusion à la Commission européenne et en lançant une campagne d’information dans la presse à ce sujet. Il reviendra au Gouvernement, le moment venu, de juger de la pertinence du projet industriel, mais il aurait fallu commencer par réfléchir au problème de l’ouverture du capital de l’entreprise. Le problème consiste néanmoins à convaincre l’opinion que le service public sera respecté, voire amélioré, par une entreprise composée majoritairement de capitaux privés. Cela n’aura-t-il pas des incidences sur le prix, dont dépendent les dividendes versés, et sur la continuité du service public, qui nécessite des milliards d’euros d’investissements ? L’État ne risque-t-il pas un jour d’être surpris par une augmentation de capital ? Comment convaincre les gens que la séparation entre EDF et Gaz de France sera peu coûteuse ? Les pouvoirs de police en matière de sécurité des infrastructures peuvent-ils être confiés à une entité privée ? Ne convient-il pas d’envisager la création d’une autorité de sécurité ? Enfin, la golden share ne sera sécurisée que le jour où le président de la Commission européenne reconnaîtra sa compatibilité avec les règles communautaires.

M. Jean-Pierre Nicolas a reconnu qu’il était absolument indispensable de donner une autre dimension à Gaz de France mais a réclamé des précisions à propos du projet industriel, d’abord présenté comme le moyen de sauver Suez d’une OPA hostile d’ENEL, puis comme celui de protéger Gaz de France. Il a émis des doutes sur la stratégie de production contenue dans ce projet et s’est enquis des raisons ayant conduit Gaz de France à ne pas privilégier une alliance avec un pétrolier, par exemple Total. Comment réaliser le tour de force de concilier les intérêts des actionnaires et ceux des consommateurs ? Comment faire en sorte que le grand public comprenne et accepte le projet, en particulier ses implications sociales ?

M. Léonce Deprez a invité ses collègues à faire œuvre de pédagogie auprès de leurs concitoyens et s’est élevé contre le fait que la presse relaie toujours l’avis de ceux qui doutent ou qui ne soutiennent pas le projet, y compris parmi le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale. Il convient de créer une dynamique afin de donner à Gaz de France la capacité d’investir et de renouveler toutes ses infrastructures de stockage de gaz d’ici à vingt-cinq ans. Existe-t-il une seule entreprise gazière européenne restant exclusivement gazière ? Accepter cette situation, c’est se mettre en situation d’infériorité. Quels sont les poids respectifs des activités françaises et européennes de Gaz de France ? Deux éléments comptent pour les consommateurs : le prix – à cet égard, la garantie de l’absence d’augmentation est déjà un premier point positif – et les services de proximité. Or la fusion avec un groupe privé ne fera pas perdre à Gaz de France sa vocation de service public de proximité.

Le président Patrick Ollier a confié que cette deuxième série d’auditions était nécessaire pour que les députés s’interrogeant sur l’opportunité du texte puissent poser leurs questions aux intéressés et observé que les membres de la commission favorables au texte, majoritaires, étaient partis tranquillement en vacances et attendaient septembre pour intervenir dans l’hémicycle, pendant que d’autres s’efforçaient de convaincre ceux qui ressentaient encore quelques réticences.

M. Claude Gatignol s’est interrogé sur les modalités d’application de la directive européenne, après le 1er juillet 2007, si le législateur ne faisait rien. Les investissements requis sont gigantesques mais quelle est exactement leur nature et quels moyens pourront être mobilisés ? Tout le monde connaît quelqu’un qui possède des actions de Gaz de France et pense par conséquent que l’entreprise est privatisée depuis longtemps. Mais le texte a pour objet de la libérer de tout boulet et de lui permettre de prendre des décisions industrielles. Le nouveau groupe bénéficiera d’un apport électrique fondé sur le nucléaire et l’hydraulique, c’est-à-dire la meilleure énergie, compétitive et écologique. Le problème numéro un est le prix. La nouvelle entité maintiendra-t-elle les conditions d’une vraie concurrence ? Par ailleurs, sera-t-elle en mesure de se défendre contre toute attaque ?

M. Jean-Charles Taugourdeau, considérant que la culture d’EDF était proche de celle de Gaz de France et que la compétition face à l’Asie et aux États-Unis se durcissait, a évoqué la possibilité d’un rapprochement ou d’une fusion entre les deux entreprises, refusée quelques années auparavant. N’est-il pas urgent que Bruxelles revoie sa position anti-monopole, qui empêche la constitution de groupes suffisamment puissants pour résister à la concurrence extra-européenne ?

M. Georges Tron s’est déclaré convaincu par le projet industriel mais a demandé s’il était compréhensible par les citoyens que la participation de l’État dans le capital de Gaz de France tombe en deux ans de 70 à 34 %. Ne serait-il pas opportun, dans la présentation du projet, d’insister davantage sur ses aspects sociaux, en particulier la mise en place du tarif social ?

M. Jean-François Cirelli a apporté les éléments de réponse suivants :

– Pour le gaz, l’écart entre les tarifs régulés et le prix du marché est très faible – moins d’un euro par MWh contre trente pour l’électricité.

– Le nouveau groupe ne risquera pas de subir une OPA de la part de Gazprom. Pourquoi, en effet, l’entreprise russe commencerait-elle par s’attaquer à un groupe qui pèse 65 milliards d’euros, est doté d’une golden share et est contrôlé à 34 % par la République française, alors qu’il pourrait acheter le gazier anglais pour 10 milliards d’euros, le gazier espagnol pour la même somme, l’électricien portugais pour 11 milliards, l’allemand EON pour 58 milliards, l’italien ENEL pour 42 milliards, Suez, en l’absence de fusion, pour 39 milliards ou Endesa pour 26 milliards ? La cible anglaise est la première priorité de Gazprom en Europe de l’Ouest car elle lui offrirait des ressources supplémentaires en mer du Nord.

Le président Patrick Ollier s’est félicité de cette mise au point, de nature à tordre le cou à des affirmations dénuées de fondements.

M. Jean-François Cirelli a poursuivi ses réponses :

– comment le système de distribution à la charge de l’opérateur commun s’adaptera-t-il ? En soixante ans, jamais la nation n’a fait fusionner Gaz de France et EDF. Il n’en demeure pas moins que, dans les départements, plus de 50 000 agents sont mixtes. Mais, fusion ou pas, il faudra modifier le système ; en effet, conformément à la réglementation européenne et à la loi de 2004, ces personnels ne seront plus autorisés à travailler que sur le réseau, et tous ceux s’occupant des clients devront être extraits de l’opérateur commun. Gaz de France récupérera ainsi 2 000 collaborateurs. Ceux qui resteront rattachés à l’opérateur commun après le 1er juillet 2007 devront par ailleurs opérer en toute indépendance vis-à-vis des fournisseurs, abandonnant leur relation privilégiée avec EDF et Gaz de France. Cet opérateur bénéficiant d’un monopole légal pour ces activités sera toutefois maintenu car c’est l’intérêt d’EDF et de Gaz de France.

– Gaz de France a lancé une campagne de pédagogie intense pour mieux informer les Français pour lesquels la question centrale est celle du prix. L’idée reçue selon laquelle propriété publique égale prix réglementé et propriété privée égale prix plus élevé est fausse : en général, c’est même plutôt l’inverse qui se vérifie. Le facteur déterminant de la fixation du prix du gaz est l’évolution de celui du pétrole. Gaz de France pâtit non pas du projet de fusion mais de l’extraordinaire envolée des prix de l’énergie enregistrée depuis 2004. Cette situation destinée à être durable requiert une nouvelle politique énergétique.

– Gaz de France est très fier de sa culture gazière, de ses valeurs et de son identité, reconnues au-delà des frontières françaises et dont sont dépositaires toutes ses catégories de personnels, au premier chef son président. C’est pourquoi Gaz de France souhaite que la gouvernance du futur ensemble soit équitable. Même EDF, qui est pourtant l’entreprise la plus proche de Gaz de France, n’a pas la même culture qu’elle : les gaziers ne se sentent pas électriciens, et réciproquement. Lorsque deux entreprises fusionnent, les causes des échecs sont internes dans deux cas sur trois : il ne faut pas juxtaposer leurs cultures mais en définir une nouvelle, en retenant le meilleur de chacune.

Les questions concernant l’import gazier m’étonnent :

– la France se rend brusquement compte qu’elle importe plus de 90 % de son gaz et vit en situation de dépendance. Mais cela fait quarante ans qu’il en est ainsi ! Du temps de l’Union soviétique, alors que les échanges entre les deux blocs étaient très limités, l’Europe a accepté de s’approvisionner avec du gaz russe et cela a fonctionné parce que le contrat à long terme crée une interdépendance, avec des kilomètres de tuyaux qui valent des milliards : si le gaz cesse de passer, tout le monde est perdant. L’émergence d’un producteur français ne réglerait pas forcément le problème. Gaz de France produit environ 10 % du gaz vendu, en Norvège, aux Pays-Bas, en Angleterre, en Mauritanie, en Algérie et en Égypte, tandis que les Allemands sont encore à zéro. Mais les prix des actifs énergétiques sont énormes, et Gaz de France n’a pu s’engager que dans deux projets, à hauteur d’1 milliard d’euros chacun, dans le cercle polaire et en Norvège. Gaz de France n’achète pas parce que ce qui est à vendre est rare et n’est pas proposé à un prix susceptible d’être rentabilisé. Gaz de France donne la priorité à l’exploration, dont le budget a doublé en deux ans. Gaz de France est entrée en Iran parce que c’est le deuxième détenteur mondial de réserves, mais aussi parce que des partenaires sont demandeurs, conscients que seuls trois opérateurs européens sont capables de s’engager pour un « train » de 5 milliards de mètres cubes de GNL. Il n’en demeure pas moins qu’il serait illusoire d’ambitionner la constitution d’un opérateur français produisant 100 % de ses capacités. Il existe d’ailleurs un grand producteur pétro-gazier français, qui se situe au quatrième rang mondial.

– Gaz de France ne s’allie pas avec Total parce que M. Thierry Desmarest, immense industriel, n’est pas intéressé par un tel mariage. Les compagnies de l’amont, comme BP ou Statoil, se désengagent de l’aval, moins rémunérateur. Quand bien même Gaz de France désirerait se marier avec un producteur, elle ne trouverait aucun partenaire.

S’agissant de la position des syndicats, la CGC s’est, certes, prononcée contre le projet de fusion, mais les trois précédents secrétaires généraux de cette organisation ont écrit une tribune dans Les Échos pour désavouer la position de leur confédération. Une association de cadres se sentant mal représentés par la CGC s’est par ailleurs constituée et, dans les baromètres internes, 70 % des cadres se déclarent favorables à la fusion. Les appareils syndicaux sont contre mais est-il déjà arrivé, en France, qu’un syndicat approuve une privatisation d’entreprise publique ? Toutefois, dans ce climat apparemment tendu, jamais autant d’accords n’ont été signés avec les syndicats, y compris avec la CGT, sur la question de la distribution. Parmi les 12 000 agents rencontrés en province par la direction, pas un n’a posé la question de la privatisation.

M. Georges Tron a prédit que le débat, en septembre, se focaliserait sur deux ou trois points et a recommandé un effort de pédagogie pour contrer les raisonnements irrationnels surgissant chaque fois que l’État réduit sa participation dans une entreprise publique.

M. Jean-François Cirelli a repris le cours de ses réponses :

– Gaz de France investit chaque année 800 millions d’euros dans les canalisations et 300 millions d’euros dans les transports. En un an et demi, 1 500 kilomètres de tuyaux en fonte grise ont été remplacés et il n’en reste que 400. Gaz de France construit le troisième terminal méthanier français. Nombre de stockeurs, qui datent des années cinquante ou soixante, doivent être changés.

– La golden share est le problème de l’actionnaire. La France, qui demande exactement ce que la Belgique a obtenu pour les deux filiales de Suez, devrait logiquement avoir gain de cause.

– Le siège du groupe sera situé en France et il est hautement souhaitable que le management reste français, tout en s’européanisant davantage. Par ailleurs, Gaz de France a demandé l’abrogation d’un décret de 1946 interdisant de recruter tout ressortissant d’un pays extérieur à l’Union européenne car l’entreprise qui travaille depuis des décennies avec la Russie ou l’Algérie, par exemple, ne peut, en l’état, recruter de russes ou d’algériens.

– Si les pouvoirs publics décident de ramener la participation de l’État à 51 %, le projet de fusion ne pourra alors aboutir car il est peu probable que M. Gérard Mestrallet et ses actionnaires acceptent la nationalisation de leur entreprise. Le maintien d’un contrôle majoritaire de l’Etat interdit donc l’aboutissement du projet existant et il n’en existe pas d’autre sur la table.

– Le Conseil d’État, au nom de la péréquation tarifaire, a clairement autorisé Gaz de France à conserver son monopole sur les concessions.

– Le projet de loi sera soumis à l’approbation du Parlement. Plus vite le processus de fusion aboutira, mieux Gaz de France se portera, car il est difficile de faire vivre une entreprise dans une situation où les collaborateurs ignorent la fonction qui leur échoira dans la future organisation.

– Il importe effectivement de convaincre l’opinion publique.

– La séparation entre EDF et Gaz de France sera coûteuse, à tel point que les agents parlent de « désoptimisation », mais il faut bien respecter la loi – il est désormais interdit de dresser une facture unique – et ce coût devrait être transitoire. Seules cinquante ou cent personnes de l’entreprise travaillent actuellement sur la fusion, suspendue au vote du Parlement, tandis que deux projets mobilisent tout le personnel : faire en sorte que les services commerciaux et informatiques soient prêts au 1er janvier 2007 ; filialiser la distribution.

– À propos de la sécurité, 95 % des accidents surviennent dans les logements, dans lesquels Gaz de France n’entre pas. Mais la sensibilisation au remplacement des flexibles a porté ses fruits puisque le nombre d’accident a été réduit de moitié. Parmi ses obligations de service public, qui seront maintenues, Gaz de France est tenu d’intervenir rapidement.

– La menace d’ENEL a été l’élément déclencheur du projet mais celui-ci répond à des préoccupations stratégiques des deux entreprises.

– Le niveau des dividendes versés par EDF et Gaz de France correspond à peu près au taux de rendement des entreprises privées.

– Les besoins d’investissements sont considérables et Gaz de France devrait engager plus de 2 milliards d’euros en France, sans compter le reste de l’Europe.

– Gaz de France s’engage totalement dans le service de proximité.

– C’est Gaz de France qui a demandé la fixation d’un tarif social du gaz, comme pour l’électricité.

– Il aurait fallu faire fusionner EDF et Gaz de France il y a vingt ans. Aujourd’hui, les autorités de la concurrence n’accepteraient plus une alliance entre deux opérateurs contrôlant respectivement 97 % du marché du gaz et de l’électricité. En décembre dernier, la Commission s’est, du reste, opposée à un rapprochement entre EDP et GDP, les deux entreprises portugaises.

En conclusion, M. Jean-François Cirelli a demandé aux parlementaires de donner sa chance à Gaz de France.

II.— DISCUSSION GÉNÉRALE

RÉUNION DU 26 JUILLET 2006 DE PRÉSENTATION DU RAPPORT D’ÉTAPE DE M. JEAN-CLAUDE LENOIR, RAPPORTEUR

La Commission s’est réunie pour la présentation du rapport d’étape de M. Jean-Claude Lenoir sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie au cours de sa réunion du 26 juillet 2006.

Le Président Patrick Ollier a souligné l’originalité de la procédure du rapport d’étape destiné à permettre une discussion très approfondie du projet de loi.

S’agissant de Gaz de France, il a rappelé que le projet constituait un préalable à la fusion avec Suez mais que cette fusion elle-même n’était pas prévue dans le texte.

Il a souligné que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie serait de nouveau entendu par la Commission afin de débattre, après la promulgation de la loi, des différentes options pour l’avenir de Gaz de France.

Enfin, il a souhaité que les données géostratégiques et économiques du secteur de l’énergie et, en particulier, l’augmentation du prix du baril de pétrole, passé d’environ 25 à 75 dollars en trois ans, alimentent la réflexion de la Commission.

Rappelant qu’il avait demandé au gouvernement d’apporter des garanties s’agissant de l’évolution des secteurs du gaz comme de l’électricité, il a demandé au rapporteur de préciser les engagements annoncés par le Ministre.

M. François Brottes a regretté qu’aucun document écrit rendant compte des réflexions du rapporteur ne soit disponible.

M Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a rappelé qu’il n’était pas envisageable de publier un document qui n’aurait pas été adopté formellement par la Commission.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que c’est à la demande du groupe socialiste qu’il s’était engagé à ce qu’aucun vote n’intervienne lors de la présente réunion. Il a précisé que sans vote, il était impossible de mettre en distribution un document de la Commission, celle-ci ne l’ayant pas adopté.

M. Jean-Claude Lenoir a remercié le Président Patrick Ollier d’avoir pris l’initiative de la présente réunion et a souligné qu’il convenait de tirer parti du délai relativement inhabituel séparant le dépôt du texte de son examen.

Il a rappelé que le texte comportait, outre la privatisation de Gaz de France, plusieurs aspects : l’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence au 1er juillet 2007, en application des directives européennes ; la séparation juridique des activités de distribution de gaz et d’électricité et le renforcement de la protection des consommateurs.

Il a rappelé que, tant à la Commission des affaires économiques qu’à celle des finances, la question des prix de l’électricité avait fait l’objet, au cours de ces derniers mois, d’une attention soutenue.

Il a jugé ce débat nécessaire, constatant que les entreprises qui avaient fait jouer leur éligibilité soit en quittant l’opérateur historique, soit en renégociant avec lui leurs contrats et en abandonnant le tarif régulé, se voyaient aujourd’hui confrontées à d’importantes hausses de prix à l’occasion du renouvellement de leurs contrats alors que les prix de marchés dépassent de 60 à 80 % le tarif régulé.

Les plus grosses entreprises électro-intensives se sont d’abord organisées en consortium mais pour les petites et moyennes industries, le problème demeure, générant d’importantes distorsions de concurrence entre celles qui ont exercé leur éligibilité et celles qui sont restées au tarif.

Le rapporteur a indiqué que cette hausse des prix pouvait sembler surprenante, dans la mesure où 80 % de l’électricité en France est d’origine nucléaire, donc peu affectée par l’évolution des prix du pétrole.

Il a souligné que les Présidents Ollier et Méhaignerie, M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis au nom de la Commission des finances et lui-même jugeaient de leur responsabilité de résoudre ce problème à l’occasion de l’examen du présent projet de loi.

Il a indiqué qu’à ce stade, il envisageait de proposer la création d’un tarif de retour pour lequel les entreprises pourraient opter entre la promulgation de la loi et le 1er juillet 2007 et dont elles bénéficieraient ensuite pendant une période limitée, par exemple de deux ans.

Le rapporteur a rappelé par ailleurs que le droit existant, non modifié par le projet, privait du bénéfice du tarif les entreprises créées après le 1er janvier 2008 : il a indiqué qu’il souhaitait revenir sur cette interdiction et maintenir pour l’avenir la possibilité du choix entre le tarif et le prix.

Le rapporteur a souligné que la création du tarif de retour comme l’élargissement aux nouveaux sites professionnels des tarifs constituaient deux des garanties exigées par le Président Patrick Ollier.

S’agissant des ménages, le rapporteur a rappelé que le projet de loi leur donnait la possibilité de faire jouer leur éligibilité à compter du 1er juillet 2007, conformément à la logique entérinée au sommet européen de Barcelone en mars 2002. Il a indiqué que le Gouvernement lui avait confié, en qualité de président du Conseil supérieur de l’énergie, la mission de réfléchir aux conditions dans lesquelles cette nouvelle étape de mise en jeu de la concurrence pourrait se faire en offrant les meilleures garanties possibles aux particuliers, et qu’il avait suggéré l’instauration d’un certain « droit à l’erreur » pour les ménages ayant fait jouer leur éligibilité, sous la forme d’une possibilité de retour au tarif à chaque évolution du couple « logement / ménage », c'est-à-dire lorsque les particuliers déménagent, ou lorsqu’ils reprennent un logement pour l’approvisionnement duquel le précédent occupant avait fait jouer l’éligibilité. Il a précisé que cette proposition avait été reprise dans le projet de loi.

Le rapporteur a insisté sur la nécessité de profiter de l’occasion donnée au Parlement d’adapter ainsi la mise en œuvre des dispositions communautaires, faute de quoi celles-ci entreraient en vigueur automatiquement, par l’application directe des directives aux échéances prévues, mais en ce cas sans aucun aménagement protecteur.

S’agissant de la partie du projet de loi relative à la protection des consommateurs, le rapporteur a expliqué qu’il en avait largement discuté avec les représentants des associations de consommateurs, et que le seul élément problématique concernait les conditions de l’information pré-contractuelle, sujet techniquement complexe pour lequel il se donnait le temps restant à courir jusqu’à l’examen du texte afin de mettre au point les rédactions les plus appropriées. Par ailleurs, il a indiqué qu’il suggérerait le remplacement du dispositif de médiation prévu par le projet de loi, instaurant un médiateur par fournisseur, par un dispositif à médiateur unique pour l’ensemble des litiges relatifs aux contrats passés dans le secteur concurrentiel.

S’agissant du titre relatif à Gaz de France, le rapporteur a rappelé les six exigences du Président Patrick Ollier :

– la préservation de l’identité de GDF ;

– le maintien des obligations de service public ;

– l’instauration d’un tarif social pour le gaz, à l’image de celui déjà en vigueur pour l’électricité ;

– la préservation du statut des personnels ;

– la détention par l’État d’une minorité de blocage dans le capital ;

– la création d’une action spécifique permettant le contrôle public des actifs statiques de l’entreprise.

Puis, il a rappelé trois éléments de cadrage de la réflexion en cours :

1°) Le fait qu’en l’état actuel du droit, l’État est tenu à une détention d’au moins 70 % du capital de l’entreprise ;

2°) Le constat que GDF n’est qu’une entreprise de taille moyenne à l’échelle européenne, constat qui justifie son souhait d’une alliance lui permettant d’augmenter son pouvoir de négociation face aux fournisseurs mondiaux ;

3°) La nécessité pour les fournisseurs d’énergie de pouvoir proposer une offre double avec de l’électricité et du gaz.

Il a convenu que les analyses stratégiques conduisaient à la même conclusion d’un besoin d’alliance en 2004, mais qu’à l’époque, l’occasion de réaliser ce type d’opération avec le groupe Suez ne se présentait pas. Il a souligné en outre l’acuité nouvelle donnée au besoin d’alliance par la remontée forte des prix du pétrole, GDF disposant de peu de gisements gaziers.

Il a souligné qu’en matière d’alliance industrielle l’État n’avait guère d’autre possibilité que d’entériner le choix d’entreprises décidant librement de leur destin, comme les époux d’un mariage. Il a observé que les autres alliances envisageables pour GDF, avec Total ou EDF, n’étaient pas possibles, Total n’étant pas demandeur et le rapprochement avec EDF, malgré l’évidente complémentarité des deux entreprises publiques, se heurtant aujourd’hui au droit de la concurrence européen. Il a donné comme illustration de cette vigilance de la Commission européenne le cas du rachat par EDF de l’opérateur allemand EnBW, qui n’a été accepté par la commission qu’en contrepartie de la vente par EDF de 6000 MW d’électricité, production équivalente à celle de six réacteurs nucléaires.

Il a rappelé les trois niveaux de complémentarité entre GDF et Suez qui donnaient tout leur sens au projet industriel de fusion entre les deux entreprises :

1°) La possibilité de mettre en commun leurs activités gazières pour constituer le premier groupe européen du secteur, avec une part de marché de 20 %. Cela permettra de négocier les contrats d’approvisionnement en position plus forte, et de relativiser l’importance du fournisseur russe, celui-ci assurant 20 % des approvisionnements de GDF, mais seulement 15 % de ceux du nouvel ensemble, passant ainsi pour la France du rang de premier fournisseur à celui de troisième ;

2°) La possibilité de constituer le plus grand groupe mondial de GNL, ce qui représente un avantage considérable pour la sécurité des approvisionnements, puisqu’il s’agit d’une forme sous lequel le gaz peut être transporté sur de longues distances, ce qui permet de s’affranchir des fournisseurs traditionnels situés à portée de gazoduc et ce qui permet l’accès à de nouvelles réserves comme celles du Qatar ou du Yémen, le Qatar occupant le troisième rang pour les réserves fossiles de gaz naturel et ces deux pays étant liés à Suez par des contrats ;

3°) La possibilité d’associer cette capacité d’offre de gaz à une capacité d’offre d’électricité, puisque Suez est le cinquième producteur européen d’électricité ; dans des conditions de prix en outre avantageuses pour le consommateur, puisque le cœur de la production d’électricité du groupe Suez est fourni par les centrales hydroélectriques de la Compagnie du Rhône, et par les centrales nucléaires d’Electrabel.

Constatant enfin l’absence de structures redondantes entre les deux opérateurs, et la similitude de leur culture d’entreprise, il a déclaré qu’il souscrivait sans réserve au projet de fusion, s’interrogeant seulement sur les modalités pratiques de celle-ci.

À cet égard, il a insisté sur son souci de mettre sur la table toutes les options envisageables, y compris une nouvelle qui sont :

– un mécanisme de participations croisées, envisagé au moment de l’annonce de la tentative d’OPA d’Enel sur Suez, aurait l’avantage de stabiliser l’actionnariat de cette entreprise mais ne répondrait pas au souhait d’intégration industrielle des deux entreprises ;

– une alliance basée sur une détention de l’État français dans GDF ramenée à 51 %, taux de participation qui correspondrait d’ailleurs à celui fixé dans la version initiale du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières adopté en 2004, avant que le Président Ollier et lui-même ne le relèvent par voie d’amendement, aurait comme conséquence une nationalisation de Suez, dont ses dirigeants ne veulent pas, et en conséquence une prise de contrôle du parc nucléaire d’Electrabel par l’État français, ce dont l’État belge ne veut pas ;

– le schéma défendu par le Gouvernement présente l’avantage de permettre un vrai projet industriel et de conserver pour l’État français une minorité de blocage, ainsi qu’une action spécifique pour le contrôle des actifs stratégiques. Il s’agit du schéma le plus abouti parmi ceux envisagés, même s’il laisse encore ouvertes certaines questions ;

– une proposition nouvelle, qu’il a présentée comme une contribution à la réflexion en citant une formule du philosophe Alain, natif de Mortagnes (« Il y a pire que d’avoir plusieurs idées : c’est de n’en avoir qu’une seule »), vise à n’opérer la fusion qu’au niveau d’une filiale de GDF regroupant ses activités concurrentielles et internationales, les activités régulées en France, à savoir le transport, la distribution et le stockage restant sous le contrôle direct de l’entreprise publique. Il a observé qu’en tout état de cause, aussi bien les activités de gestion du réseau, pour le transport et l’approvisionnement, que celles de stockage, ne faisaient l’objet d’aucune concurrence et que l’ouverture à la concurrence imposait même une totale neutralité dans la gestion des réseaux vis-à-vis des différents fournisseurs.

Estimant entre 7 et 10 milliards d’euros la valeur des activités concurrentielles et internationales de Gaz de France, il a noté que le groupe fusionné selon sa proposition aurait une capitalisation de l’ordre de 50 milliards d’euros, au lieu des 65 milliards d’euros correspondant au schéma d’une fusion complète, le groupe constitué conservant ainsi une taille très conséquente et un actionnariat stabilisé par l’entrée de Gaz de France pour environ 18 %. Il a expliqué qu’une telle structure aurait l’avantage de ne faire passer dans le nouvel ensemble privé que 10 % de l’effectif des agents statutaires de GDF, 90 % restant dans l’entreprise publique pour la gestion des activités régulées. Il a observé que le personnel correspondant à ces 10 % travaillait déjà, pour l’essentiel, dans un contexte managérial adapté à des métiers commerciaux exercés sur des marchés très ouverts à la concurrence, et qu’il fonctionnait déjà selon les normes en vigueur dans le secteur privé.

En conclusion, il a rappelé son soutien sans réserve au projet de fusion des deux entreprises et son souhait de poursuivre la réflexion sur ses modalités pratiques afin de juger s’il est possible d’améliorer le projet de loi.

S’exprimant au nom du groupe socialiste, M. François Brottes a remercié le rapporteur pour son travail, précisant toutefois qu’il était très difficile de prendre position sur ses propositions en l’absence d’un texte écrit.

Il a rappelé que, le 28 novembre 2002, M. François-Michel Gonnot avait déclaré que le compromis négocié par la ministre de l’énergie Mme Nicole Fontaine, alors membre du gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, permettrait à la France de rompre avec son isolement européen en prévoyant l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité pour les ménages en 2007. Il a donc estimé qu’il fallait cesser d’affirmer que cette ouverture avait été négociée par le gouvernement de M. Lionel Jospin, lors du sommet de Barcelone en mars 2002.

S’agissant de la proposition du rapporteur d’instituer provisoirement la possibilité d’un retour aux tarifs régulés pour les clients éligibles, il a souhaité savoir ce que deviendraient les tarifs régulés après l’entrée en vigueur des tarifs de retour – les clients étant aux tarifs régulés devront-ils opter pour les tarifs de retour ?– et à quel tarif seraient soumises les entreprises créées après le 1er juillet 2007.

Il a indiqué que son groupe n’était pas opposé à la transposition de la directive visant à maintenir le tarif réglementé, transposition qui aurait d’ailleurs pu intervenir dès 2004, mais il a souhaité être pleinement informé sur les modalités du retour au tarif des clients éligibles, notamment sur le point de savoir si ce retour pourra être réalisé uniquement par Électricité de France et Gaz de France ou par l’ensemble des opérateurs du secteur de l’énergie.

Il a estimé qu’en ne renonçant pas à la privatisation de Gaz de France, le rapporteur était fidèle au projet de loi. Les autres hypothèses envisagées par ce dernier, a-t-il ajouté, ne permettent pas de répondre aux questions soulevées lors des auditions, relatives notamment à l’avenir des concessions signées avec les collectivités locales en cas de privatisation de tout ou partie de Gaz de France, à la partie, fût-elle minoritaire, du personnel de Gaz de France qui perdrait le statut des entreprises électriques et gazières du fait de cette privatisation, au sort de l’opérateur commun de réseaux. Il a ensuite jugé qu’en proposant de privatiser les activités concurrentielles supposées rentables de Gaz de France, la majorité démontrait sa volonté de privatiser l’entreprise de manière progressive.

Il s’est ensuite interrogé sur les réserves qui pourront être opposées par la Commission européenne à ce projet, qui obligeront peut-être Electrabel à vendre des centrales nucléaires à Électricité de France, ainsi que l’a évoqué le président de cette dernière entreprise devant notre commission. Il s’est demandé si des informations complémentaires sur le contour de la nouvelle entité seront disponibles après la notification des griefs de la Commission européenne autour du 18 août, en vue, éventuellement, de nouvelles auditions et du débat au sein de notre commission.

Il a enfin indiqué que la proposition du rapporteur méritait de nombreux éclaircissements, sachant que cette proposition est d’ores et déjà contraire à de nombreuses argumentations développées lors des auditions de notre commission ; il a donc jugé nécessaire de bénéficier du texte des amendements envisagés par le rapporteur, afin d’en évaluer les conséquences. Dans l’attente du résultat du travail du rapporteur, il a réaffirmé l’opposition du groupe socialiste au projet de loi.

S’exprimant au nom du groupe UMP, M. Serge Poignant s’est félicité du travail réalisé par le rapporteur et du temps consacré à l’étude des différentes solutions envisageables, notamment par le biais des auditions des présidents des entreprises concernées et de leurs syndicats.

Il a estimé à titre personnel que ces auditions avaient permis de faire le tri entre les solutions envisagées : le groupe Total ne serait pas intéressé par une alliance avec Gaz de France, et la fusion entre Électricité de France et Gaz de France ne donnerait pas naissance à une entité durablement viable, pas plus que des participations croisées. Par ailleurs, il a indiqué que la réduction de la participation de l’État dans le capital de Gaz de France de 70 à 51 %, évoquée par les syndicats, ne serait pas praticable car elle suppose un accord impensable des actionnaires de Suez.

Il a rappelé que les PDG des deux entreprises ont exposé un projet industriel fort, que leurs syndicats sont dans l’ensemble contre le projet de loi, même s’ils sont plutôt favorables à une fusion et résolument opposés à une privatisation, et que le Président Patrick Ollier a demandé l’instauration de certaines garanties telles que la minorité de blocage et l’institution d’une action spécifique.

Estimant que la question des prix de l’électricité est fondamentale pour nos concitoyens, il s’est dit favorable à l’insertion dans le projet de loi d’une disposition permettant le retour aux tarifs des clients ayant exercé leur éligibilité, même si certaines modalités de mise en œuvre de ce principe doivent encore être précisées, comme par exemple le niveau de ces tarifs de retour ou les garanties entourant les contrats de concessions avec les collectivités locales.

S’agissant enfin de la proposition du rapporteur sur la privatisation partielle de Gaz de France, il a estimé qu’elle devait être étudiée de manière plus approfondie avant la prochaine réunion de commission, ce qui permettrait ensuite au groupe UMP de déterminer sa position et de prendre ses responsabilités.

S’exprimant au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, M. Daniel Paul s’est dit déçu de ne pas avoir reçu un document écrit faisant office de rapport d’étape, permettant de répondre aux questions soulevées par les personnes auditionnées, notamment les organisations syndicales.

Il a indiqué que, pour la première fois, un projet de loi aussi important était unanimement rejeté par ces organisations, en dépit de leurs divergences de vues sur les solutions éventuellement envisageables. Il a en outre estimé que le projet alternatif proposé par le rapporteur démontrait les difficultés de la majorité et la volonté de trouver un projet plus consensuel. Il a ensuite rappelé que, lors de leur audition par la commission, les présidents de Gaz de France et de Suez avaient affirmé qu’il était hors de question de soustraire les réseaux à la nouvelle entité, ce qui démontre leur intérêt pour cette activité lucrative.

Il a par ailleurs jugé que notre commission s’honorerait de faire un bilan avant l’examen d’une loi, ce qui serait particulièrement intéressant dans le domaine de l’ouverture à la concurrence des marchés énergétiques dans la mesure où de nombreuses analyses démontrent l’inefficacité d’une telle ouverture. Il s’est ensuite interrogé sur l’affirmation du rapporteur selon laquelle le « mariage » entre Gaz de France et Suez permettrait de faire profiter la clientèle de coûts plus modérés en matière d’électricité. Il s’est également interrogé sur l’avenir de la propriété du réseau de transport de gaz, dans le cadre de la privatisation de Gaz de France, et des relations contractuelles entre Gaz de France et les collectivités locales en matière de distribution de gaz.

S’agissant du gaz naturel liquéfié, il a estimé nécessaire de rappeler que Gaz de France apporterait à la nouvelle entité une flotte moderne et importante permettant son transport. En conclusion, il a indiqué que, quelle que soit la solution retenue par le gouvernement, son groupe était déterminé à mener d’importantes opérations de communication contre ce projet de loi durant l’été.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis, a rappelé que son rapport serait examiné le 30 août prochain par la commission des finances, laquelle s’est saisie uniquement de l’article 4, concernant les tarifs et les prix de l’énergie, et des articles 10 à 12 concernant le niveau de la participation de l’État dans le capital de Gaz de France.

Rappelant la sensibilité de nos concitoyens à la variation des tarifs de l’énergie, notamment de l’électricité, il a estimé qu’il faudrait, sans permettre un retour complet aux tarifs, envisager de lisser les effets de l’augmentation du prix de l’énergie en instituant un tarif de retour qui soit à mi-chemin entre les prix du marché et les tarifs régulés, la différence par rapport aux tarifs s’analysant comme une forme de pénalité consentie par ceux qui ont fait jouer leur éligibilité. Il s’est néanmoins interrogé sur la possibilité de fournir cette énergie dans des conditions favorables par rapport aux prix déterminés par le marché et a estimé que cela n’était envisageable que de façon temporaire.

Il a ajouté que de nombreux députés s’interrogent sur la formation des prix sur le marché de l’électricité, sur la transparence de ce marché et sur l’existence éventuelle d’ententes ; à cet effet, il a indiqué préparer des amendements destinés à renforcer les pouvoirs de l’autorité de régulation, afin qu’elle ait un véritable pouvoir de contrôle sur la formation des prix.

S’agissant des articles 10 à 12 du projet de loi, il a fait état d’un questionnement sur la possibilité même de privatiser Gaz de France, auquel l’opposition a répondu par la négative ; ce questionnement serait fondé sur plusieurs directives européennes, mais aussi sur le préambule de la Constitution de 1946, dont l’alinéa 9 prévoit que toute entreprise qui a le caractère d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété collective. Il a néanmoins indiqué qu’un avis du Conseil d’État du 11 mai 2006 précisait que cette privatisation était possible au regard des contraintes constitutionnelles.

Il a ensuite estimé que Gaz de France est aujourd’hui dans une situation analogue à celle de France Telecom il y a quelques années, lorsqu’une disposition législative figeait le niveau de participation de l’État dans son capital à 50 %, alors qu’elle avait besoin de nouer des alliances ou de procéder à des acquisitions dans un marché en restructuration. Il a rappelé que cette situation avait conduit France Telecom à un endettement important, ce qui a eu les conséquences que l’on sait sur cette entreprise.

M. Jean Dionis du Séjour, s’exprimant au nom de l’UDF, a fait remarquer, tout en se félicitant du travail d’auditions mené en commission tout au long du mois de juillet, que tant le nombre d’amendements annoncé par le groupe socialiste, que les éventuelles réponses du Gouvernement et du groupe majoritaire, risquaient de nuire à la qualité d’un débat aussi nécessaire que fondamental sur le secteur de l’énergie, qui est l’objet du projet de loi.

Il a rappelé que la Commission s’était, tout au long de la législature, préoccupée de cette question essentielle et que son groupe continuerait son action en présentant notamment des amendements pour promouvoir l’usage des biocarburants et pour donner davantage de pouvoir à la Commission de régulation de l’énergie.

S’agissant de la partie du projet de loi qui vise à la transposition de directives européennes, il s’est étonné qu’une fois encore, selon lui, le projet de loi présente une version illisible de directives claires, ce qui nuit au débat démocratique. Il a précisé que son groupe souhaitait une transposition complète des directives, alors qu’existent des différences importantes dans les textes adoptés ou proposés pour les transposer, comme c’est le cas, par exemple, en matière de service universel, correspondant à l’article 3 de la directive. Constatant que le décret sur le tarif social présentait des incongruités en matière de seuil de ressource retenu, il a annoncé que les amendements de son groupe tendront donc à mettre en adéquation plus rigoureusement le projet de loi avec les directives.

S’agissant du rapprochement entre Suez et Gaz de France, il s’est interrogé sur l’abandon de la possibilité de porter le seuil minimum de détention de l’État au capital de Gaz de France à 51 %. Il a estimé que ce seuil pourrait faire l’objet d’un véritable consensus aussi bien syndical que politique et que les arguments relatifs au risque de nationalisation de Suez et à l’avis défavorable des actionnaires de Suez devaient être relativisés ; ce groupe étant initialement demandeur du rapprochement, l’État devrait être en mesure d’argumenter fermement sur ce point. Il a estimé que la solution de filialisation risquait de s’apparenter à une vente par appartements même si elle répondait à certaines faiblesses du projet de loi, comme son article 7, relatif à l’opérateur commun relatif aux activités de distribution d’EDF et de Gaz de France. Enfin, il a souligné que la privatisation de la partie concurrentielle de Gaz de France, en rejoignant Suez, entraînerait son démantèlement et poserait la question du statut de la partie régulée, en parallèle avec celle d’EDF, et souhaité que ce point, qui peut conduire à terme à fusionner les entités régulées, réseau et distribution, de ces deux sociétés, soit approfondi, éventuellement sous forme d’amendements du rapporteur.

M. Jean-Paul Charié a rappelé que le projet de loi soulevait deux types de questions, politiques et techniques, les enjeux politiques touchant la sécurisation et la diversification des approvisionnements en énergie, la garantie du niveau des prix et les services et se traduisant en termes de qualité de vie pour les ménages, de compétitivité pour les entreprises, d’organisation des collectivités et du pays lui-même. Il s’est déclaré déçu de l’approche politicienne par l’opposition de ce choix de société, alors que le contexte énergétique a profondément évolué, compte tenu de l’augmentation continue de la consommation, de la fin de la surproduction et des profondes mutations géopolitiques en cours. Il a estimé que les rigidités de l’affrontement entre majorité et opposition républicaines sur des questions aussi importantes faisaient le jeu des extrêmes, de droite comme de gauche. Il a constaté qu’alors que l’opposition se contentait d’une contestation de principe de la privatisation, la majorité tendait à un accord sur le texte du projet de loi, avec une Commission de régulation de l’énergie aux pouvoirs accrus, en particulier en matière de transparence de la formation des prix de l’énergie et une privatisation de Gaz de France fusionnant avec Suez qu’il convient de comprendre comme une association public-privé avec un contrôle fort de l’État.

S’agissant de porter la participation de l’État à 51 %, il a estimé qu’outre le refus probable des actionnaires, le risque de faire passer les centrales nucléaires belges sous le contrôle de l’État français rendait cette solution peu convaincante. Abordant ensuite le caractère plus technique du dossier, il a souligné que la fusion présentait un certain nombre de points très intéressants, qu’elle s’appuyait sur un accord de l’ensemble des acteurs, Gaz de France comme Suez, une synergie culturelle entre deux entreprises s’étendant, pour l’une et l’autre, à l’habitude de travailler avec les collectivités locales, sans changement de statut pour leurs salariés, une synergie technologique et une complémentarité répondant au souci de sécurité des approvisionnements, avec une meilleure maîtrise en amont reposant sur le gaz naturel liquéfié, une diversification des sources d’énergie, une augmentation des capacités d’investissement, une contrainte européenne moins pesante qu’en cas de fusion entre Gaz de France et EDF et enfin un renforcement et une diversification de la capacité d’achat, la part de la Russie passant ainsi de 20 à 15 % des approvisionnements.

Après avoir regretté que les propositions, légitimes, du rapporteur n’aient pas été connues plus tôt, il s’est interrogé sur les conséquences du démantèlement de Gaz de France sur les synergies souhaitées avec Suez, sur le rôle de l’État en matière de garantie de péréquation, de qualité du service, de stratégies et sur l’aspect commercial de cette solution ; plus largement, enfin, il s’est interrogé sur l’opportunité politique de la proposition du rapporteur.

M. Jean-Yves Le Déaut a estimé que malgré le rapport d’étape, les discussions et les auditions, il était encore impossible, un mois après le dépôt du projet de loi, de comprendre la solution retenue par la majorité sur un texte à géométrie variable soumis à des mouvements contradictoires. Se refusant précisément à faire de la politique politicienne, il a déclaré que son groupe était opposé à la privatisation du secteur de l’énergie qui, partout où elle a été réalisée, a été un échec, comme le montrent les règles que la majorité elle-même souhaite réintroduire, en matière de tarifs par exemple. Il a rappelé que, devant l’importance des enjeux, depuis la sécurité nucléaire jusqu’au stockage du gaz, l’énergie devait rester un service public, et que l’ouverture décidée au niveau européen au sommet de Barcelone avait été associée aux services d’intérêts généraux. Il a estimé que la proposition de démantèlement du rapporteur allait accentuer le problème de la taille de Gaz de France qu’il convenait précisément de résoudre, alors que les 70 % de détention de capital par l’État assuraient une protection de l’opérateur même s’ils en entravaient sans doute le développement européen, alors que l’avenir est aux entreprises multiservices d’énergie. Il a fait remarquer que si les majorités successives ont chacune eu une part de responsabilité dans cette évolution, il convenait d’explorer maintenant la voie d’une fusion entre EDF et Gaz de France qui ont des activités complémentaires. Enfin, il a souligné que la fusion entre la partie non régulée et filialisée de Gaz de France et Suez n’apportait aucune garantie sérieuse contre une OPA d’ENEL censée en être la raison d’être.

M. Pierre Ducout après avoir regretté que le rapporteur n’ait pas été plus précis dans son rapport d’étape, a rappelé que le secteur de l’énergie était profondément différent de ce qu’il était au moment de l’élaboration des directives européennes qu’il conviendrait donc de rediscuter.

Il a rappelé qu’en matière d’électricité, en particulier pour les consommateurs électro-intensifs, la pression du gouvernement sur EDF pour ramener les prix à des niveaux proches du prix de revient et non de ceux du marché n’a été possible que parce que le capital de l’entreprise est encore majoritairement public.

Il a demandé, alors que le tarif de retour ne serait prévu que sur une période limitée, que des garanties soient données sur le caractère illimité des tarifs régulés consentis aux particuliers. Il a souligné que Suez n’était pas forcément un plus gros acheteur de gaz qu’EDF et que, selon une récente étude du cabinet Lévy-Gosselin, le rapprochement de Gaz de France et de Suez pouvant être eurocompatible, il convenait de s’interroger sur les contreparties qu’il entraînerait. Enfin, il a estimé qu’entre la fusion du seul secteur concurrentiel de Gaz de France et de Suez et l’OPA d’ENEL, les actionnaires de Suez pourraient préférer cette dernière, et qu’il conviendrait également, si l’on se dirigeait vers la solution des 51 % de part publique, de discuter avec l’État belge, l’entreprise issue de la fusion étant franco-belge.

M. Jean Proriol s’est félicité de l’organisation des auditions de la Commission au cours des deux semaines précédentes, estimant qu’elles avaient été très instructives.

Rappelant que l’essentiel des personnes intéressées avait été entendu, il a souligné que bien souvent les points de vue sur la privatisation de Gaz de France et la fusion avec Suez étaient très partagés, y compris au sein d’organisations syndicales comme la CFTC.

Il a jugé rassurant le maintien des participations de l’État à hauteur de 34 % du capital de GDF, ainsi que la mise en place d’un dispositif d’action spécifique, qui constitue une garantie aussi importante que le niveau des participations lui-même. Il s’est dit satisfait des évolutions apportées par le projet de loi en matière de tarifs.

Il a estimé que les critiques formulées par le groupe socialiste à l’encontre du texte contrastaient avec les positions qui avaient pu s’exprimer au sein de la précédente majorité au sujet de l’évolution de Gaz de France, par exemple dans le cadre du rapport de la mission de réflexion et de concertation sur la transposition de la directive européenne sur le marché intérieur du gaz, réalisée par Mme Nicole Bricq, députée socialiste.

Citant des extraits de ce rapport, il a jugé que la majorité socialiste d’alors n’était pas hostile à des évolutions qui sont les mêmes que celles envisagées dans le cadre du présent projet de loi.

Il a estimé que le projet de loi concourait à l’émergence d’un grand acteur de l’énergie réunissant le premier acheteur de gaz et le premier producteur européen de GNL et favorisait une évolution indispensable de Gaz de France.

Revenant sur les propositions alternatives du rapporteur, il a jugé qu’il fallait les considérer avec circonspection dans la mesure où le projet de loi actuel prend en compte les évolutions du secteur de l’énergie aux termes desquelles les gaziers produiront de d’électricité et réciproquement et où la fusion entre GDF et Suez répond à un besoin des deux groupes.

Évoquant les questions posées par la Commission européenne à la Commission de régulation de l’énergie au sujet de la compatibilité, au regard du droit de la concurrence, d’une éventuelle fusion entre GDF et Suez, il a souhaité savoir si le rapporteur avait été informé de la teneur des réponses de l’autorité de régulation française.

Il a également fait allusion à la saisine par le gouvernement belge de l’autorité de régulation nationale, la Commission de régulation de l’électricité et du gaz, et a souhaité obtenir des précisions sur les préconisations que celle-ci avait formulées, en particulier au sujet d’une opération de rétrocession nécessaire à la conformité de l’opération de fusion au droit communautaire.

M. Pierre Cohen a récusé le terme « politicienne » employé par M. Jean-Paul Charié pour qualifier l’attitude du groupe socialiste au cours du débat, arguant qu’il s’agit d’un débat de fond sur le périmètre du secteur public.

Convenant qu’envisager une fusion afin d’éviter que Suez ne soit la proie d’une OPA semblait ne pas être une mauvaise stratégie industrielle, il a souligné qu’il était toutefois légitime de s’interroger sur la privatisation de GDF.

Il a jugé que la position du parti socialiste sur la question du périmètre du secteur public en général, et sur l’appartenance de GDF à ce secteur en particulier, avait été tranchée et que les rapports dont les conclusions avaient été rappelées par M. Jean Proriol ne reflétaient plus cette position.

Il a indiqué que l’évolution de GDF devait être envisagée à l’aune des missions de service public qui lui incombent, et s’est demandé si la privatisation ne compromettrait pas l’indépendance énergétique de la France, la distribution du gaz sur l’ensemble du territoire, et une certaine maîtrise de l’évolution des tarifs.

Il a également dit redouter que la privatisation de GDF ne se traduise par une diminution des efforts de recherche-développement, ainsi que par des évolutions néfastes pour les personnels.

S’agissant de la proposition alternative de M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, il a jugé qu’elle traduisait le désarroi du rapporteur, qu’elle ne conservait dans le secteur public que les activités les moins profitables de GDF, et qu’elle n’offrait de surcroît aucune garantie en cas d’OPA hostile.

Il s’est toutefois dit sensible à l’argument selon lequel elle permet de conserver la spécialisation de chacune des entreprises dans un secteur de l’énergie, et a regretté que le projet de loi prenne le parti inverse, au risque de faire peser sur EDF un risque d’OPA hostile d’ici quelques années. Il a conclu en jugeant qu’il serait préférable de nationaliser Suez plutôt que de privatiser GDF.

Le Président Patrick Ollier s’est réjoui de la tenue de cette réunion qui aura permis à chacun d’exprimer son point de vue à mi-parcours.

En réponse aux différents intervenants, il a estimé que maintenir à 51 % la part de l’État dans le capital de GDF n’était pas envisageable au regard de l’objectif de permettre à ce groupe de s’allier avec Suez et a jugé qu’avec 20 % des achats de gaz européen, celui-ci bénéficierait d’un pouvoir de négociation important susceptible de faire diminuer les prix.

Récusant l’analyse de M. Pierre Cohen, qui voit du désarroi dans l’attitude du rapporteur, le Président Patrick Ollier a salué son intervention en rappelant le caractère expérimental de la procédure du rapport d’étape. Il a jugé que celui-ci était dans son rôle en recherchant l’ensemble des solutions qui peuvent permettre de réaliser l’objectif poursuivi.

Puis, le Président Patrick Ollier a interrogé le rapporteur sur plusieurs aspects de sa nouvelle proposition.

Premièrement, nécessite-t-elle une loi de privatisation différente de celle en cours d’examen dans la mesure où les actifs privatisés représentent une part essentielle des actifs de Gaz de France ? Le cas échéant, quel est l’avantage politique de cette proposition ?

En deuxième lieu, cette proposition permet-elle de réaliser une fusion entre égaux et de préserver l’identité du groupe Gaz de France ?

En troisième lieu, cette proposition n’entraîne-t-elle pas une forme de vente par appartements de Gaz de France ?

Enfin, cette proposition apporte-t-elle les mêmes garanties que le projet du Gouvernement pour protéger le nouvel ensemble contre une éventuelle OPA hostile c'est-à-dire :

– la minorité de blocage de l’État ;

– l’action spécifique ;

– la création d’un noyau dur d’actionnaires, incluant l’actionnariat salarié qu’il faut développer, représentant 46 à 48 % du capital ;

– les connaissances du Gouvernement ;

– une capitalisation portée à 65 milliards d’euros ?

Il a estimé qu’il ne lui semblait pas que la proposition du rapporteur permettait de répondre aussi efficacement que le projet de loi actuel à ces questions.

M. François Brottes a souligné que le risque de prise de contrôle du groupe concernait, certes, le scénario d’une OPA hostile, mais aussi celui d’une montée au capital d’un actionnaire par rachats successifs de titres.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

– s’agissant des tarifs, il a indiqué que le tarif de retour serait réservé aux entreprises ayant exercé leur éligibilité ; il a ajouté que les modalités précises du dispositif restaient à définir.

– pour permettre aux sites de consommation des professionnels créés après le 1er janvier 2008 de bénéficier du tarif réglementé, il faut modifier le droit en vigueur et le projet de loi ;

– la proposition nouvelle qu’il présente répond aux interrogations légitimes posées s’agissant des conséquences de la privatisation, d’une part, sur les concessions de distribution et, d’autre part, sur le fonctionnement de l’opérateur commun à EDF et Gaz de France ;

– le statut des industries électriques et gazières défini en 1946 ne mentionne pas l’activité de fourniture qui n’était pas distincte de la distribution à cette date. Le Gouvernement a fait part de sa volonté d’étendre ce statut aux personnels de commercialisation ce qui se fera ;

– le dédoublement des factures de gaz et d’électricité d’EDF et de GDF est un effet direct de la transposition des directives de 2003 ;

– le rapporteur n’a pas connaissance des analyses de la Commission européenne sur le projet de fusion ;

– on ne peut que se réjouir de l’attitude très constructive du groupe UMP telle que l’a présentée Serge Poignant, qui a insisté sur la nécessité d’explorer toutes les pistes, y compris celle proposée par le rapporteur ;

– on ne peut que partager le souci exprimé par Jean Dionis du Séjour d’améliorer la lisibilité de la loi et, en particulier, de simplifier le dispositif relatif au tarif social ;

– le schéma de fusion avec une détention de l’État français ramené à 50% se heurtera à l’opposition ferme du groupe Suez, qui refuse sa nationalisation, et de l’État belge, qui ne veut pas voir le parc nucléaire de Belgique, actuellement détenu par Suez, passer sous contrôle français ;

– le schéma proposé d’une fusion avec les seules activités en concurrence de GDF n’implique en rien une vente par appartements de l’entreprise. Aucune vente n’est proposée dans cette proposition qui repose sur le même projet industriel que le texte du Gouvernement ;

– deux raisons s’opposent à la séparation patrimoniale des réseaux d’EDF : d’abord, l’activité concurrentielle de l’entreprise inclut la gestion du parc nucléaire qu’il est hors de question de privatiser de sorte que l’on voit mal pourquoi séparer EDF en deux entités publiques ; ensuite, en matière électrique, il y a un intérêt industriel à l’intégration production-réseaux car ce sont les centrales de production qui assurent l’équilibre du réseau alors qu’en matière gazière, cet équilibre repose sur les stockages et est donc totalement assuré à l’intérieur du segment régulé ;

– la question de la sécurité d’approvisionnement doit bien évidemment rester au cœur de l’examen des différentes solutions possibles ; de ce point de vue, il semble que le temps de réflexion qu’a donné le Gouvernement sur le projet de loi a permis de faire progresser l’argument selon lequel le rapprochement des deux entreprises correspondait à un véritable projet industriel s’appuyant sur de fortes complémentarités ;

– la question de l’efficacité du contrôle public sur le nouveau groupe est évidemment essentielle, en particulier pour éviter une OPA : la proposition d’une fusion réduite aux activités concurrentielles de GDF peut et doit encore être améliorée pour aboutir à un résultat équivalent sur ce plan avec le projet de loi et garantir une minorité de blocage publique. Ceci étant, l’expérience montre qu’on ne peut pas réussir une OPA dans le secteur de l’énergie contre la volonté d’un État attaché aux intérêts de l’entreprise cible ; ainsi, l’État italien a modifié la législation pour limiter à 2 % les droits de vote d’EDF dans Montedison ; les recours juridiques d’EDF, totalement fondés sur le droit communautaire, n’ont pas permis de dénouer la situation dans un délai acceptable pour l’entreprise qui a dû négocier et obtenir un accord avec les autorités politiques italiennes ;

– le tarif de retour ne vaudra, en tout état de cause, que pour une période de temps limitée ;

– l’idée d’une fusion entre EDF et GDF était encore juridiquement viable, au regard du droit européen, au début des années quatre-vingt-dix ; cette possibilité est désormais définitivement fermée ;

– le rapporteur ne dispose pas d’éléments relatifs à la fusion apportés par les autorités de régulation française et belge ;

– on peut s’interroger sur le fait que les collectivités locales, dans le schéma proposé par le Gouvernement, auront pour concessionnaire de la distribution de gaz une entreprise privée en situation de monopole légal ;

– l’éventuelle traduction législative de la proposition du rapporteur nécessite évidemment des amendements au projet actuel pour remplacer certaines dispositions par d’autres, notamment en vue d’autoriser la privatisation de la filiale fusionnée avec Suez.

RÉUNION DU 29 AOÛT 2006

Lors de sa première réunion du 29 août 2006, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Lenoir, le projet de loi relatif au secteur de l’énergie (n° 3201).

Le Président Patrick Ollier s’est félicité de la présence nombreuse des commissaires de l’UMP, y voyant un signe du soutien de ce groupe au projet présenté par le gouvernement et a excusé M. François Brottes, retenu par une réunion du Conseil national de la montagne.

Considérant que la discussion générale avait déjà eu lieu, il a proposé à la Commission de passer immédiatement à l’examen des amendements.

Abordant la question de la lettre de griefs adressée par la Commission européenne à Gaz de France et à Suez en prévision d’une éventuelle fusion, il a indiqué, ainsi que le lui avaient demandé les groupes socialiste, communiste et UMP, avoir saisi le Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie au sujet des conditions dans lesquelles le contenu de ce document pourrait être porté à la connaissance des parlementaires. Il s’agit d’un long document adressé aux deux entreprises, qui est la propriété de la Commission européenne et dont le gouvernement n’est pas le destinataire. La Commission européenne exige la confidentialité de certaines des informations qui sont en outre protégées par l’article 226-13 du code pénal, interdisant la divulgation d’informations à caractère secret. Une version de cette lettre sera rapidement mise à la disposition des parlementaires, après que la Commission européenne en aura retiré les informations confidentielles et pourra être consultée dans un bureau du secrétariat de la Commission par deux députés désignés par chaque groupe, qui signeront un engagement à ne pas divulguer les informations qu’elle contiendra. Les mêmes conditions ont été imposées aux organisations syndicales représentées au conseil d’administration de chacune des entreprises.

M. Daniel Paul a déploré que le Parlement ne puisse se voir communiquer l’ensemble des informations concernant les conséquences de la privatisation d’une entreprise publique et a réclamé communication de l’intégralité de la lettre de griefs.

M. Christian Bataille a fait part de son désaccord absolu avec la méthode de travail proposée par le Président Patrick Ollier. S’il a jugé nécessaire l’organisation des débats de la Commission, il a néanmoins jugé indispensable de procéder à une discussion générale, estimant qu’à l’occasion de l’examen d’autres textes, en particulier le projet de loi relatif à la gestion des déchets nucléaires, la rapidité des débats avait nui à la qualité du travail parlementaire.

S’agissant de la communication aux parlementaires du contenu de la lettre de griefs, il s’est dit insatisfait des conditions proposées par le Président Patrick Ollier, estimant que le Parlement ne devait pas se contenter d’une version expurgée par les services de la Commission européenne mais que le Gouvernement qui a eu la lettre devait la communiquer à la Représentation nationale, puis il a demandé une suspension de séance.

Le Président Patrick Ollier a précisé qu’il n’entendait pas priver la Commission des affaires économiques de l’opportunité de débattre de ce texte, mais qu’il proposait de procéder à de larges discussions thématiques au fur et à mesure de l’examen des amendements, afin de permettre le vote en bloc sur des amendements traitant d’un même thème.

Après avoir réitéré sa demande de suspension de séance afin que le groupe socialiste puisse débattre des conditions de communication de la lettre de griefs, M. Christian Bataille a indiqué quels sujets devraient recevoir, selon le groupe socialiste, une attention particulière au cours des débats : les tarifs réglementés et la réversibilité des choix des consommateurs de gaz et d’électricité ; le service public de l’énergie ; la présence ou l’absence de l’État au capital de GDF et d’EDF ; les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité ; les orientations de la politique européenne de l’énergie.

S’il a indiqué que les débats seraient sans doute plus longs en séance publique qu’en commission, il a néanmoins souhaité que chaque amendement soit examiné par elle, afin qu’aucun ne puisse être déclaré irrecevable au titre de l’article 44 de la Constitution.

M. Serge Poignant, après avoir rappelé que le gouvernement n’était pas destinataire de la lettre de griefs et que par conséquent on ne saurait lui reprocher de chercher à dissimuler les informations qu’elle contient, a souligné que l’opposition et la majorité disposeraient, dans l’hypothèse évoquée par le Président Ollier, d’informations identiques.

M. Jean-Paul Charié a indiqué que le groupe UMP souhaitait un débat de fond sur les enjeux du projet de loi lui-même. En déposant plus de 40 000 amendements, les groupes socialiste et communiste discréditent gravement le travail parlementaire et nuisent à sa qualité. S’agissant de la communication de la lettre de griefs, il a souligné que les parlementaires ne sauraient s’affranchir de la loi et du code pénal et que si la divulgation de certains éléments pouvait causer un préjudice technique, stratégique ou financier aux deux entreprises concernées, ceux-ci devaient conserver, conformément à la loi, un caractère confidentiel. Il est faux de dire que le Gouvernement est destinataire de la lettre de griefs. La proposition du Président Patrick Ollier permet de concilier l’exigence de confidentialité avec celle, non moins nécessaire, d’information du Parlement. On peut néanmoins s’interroger sur l’intérêt d’avoir accès à des informations qu’on ne peut utiliser.

M. Jean-Yves Le Déaut a regretté que, s’agissant d’une entreprise publique nationale, les règles internes ou communautaires ne permettent pas au Parlement d’être pleinement informé des exigences auxquelles la Commission européenne subordonne l’autorisation d’un projet de fusion. Saluant la démarche du Président Patrick Ollier, il l’a néanmoins jugée inaboutie et a estimé que le gouvernement, actionnaire unique de Gaz de France, était nécessairement informé de l’ensemble de la lettre de griefs. S’agissant du nombre d’amendements déposés sur ce texte, il a souligné que le droit d’amendement appartenait à chaque parlementaire qui devait pouvoir l’utiliser librement, indiquant qu’en leur temps, des députés de l’actuelle majorité avaient abondamment fait usage de ce droit.

M. Jean Dionis du Séjour a estimé que la multiplication des amendements relevait d’une méthode archaïque et dévalorisait le travail parlementaire. Il a ajouté que cette méthode pouvait créer la tentation d’un « passage en force », tout aussi négatif. Il a souligné la nécessité de ne pas escamoter le débat relatif à la transposition des deux directives européennes visant à assurer l’ouverture complète des marchés de l’énergie au 1er juillet 2007. S’agissant du niveau des participations de l’État au capital de Gaz de France, il a jugé que celui-ci devait s’apprécier à l’aune de l’intérêt national ainsi que des objectifs fixés dans la loi d’orientation sur l’énergie du 13 juillet 2005.

M. Léonce Deprez a souligné l’intérêt grandissant de l’opinion publique pour les travaux des commissions et a déploré que la multiplication des amendements, en semant la confusion dans les débats détourne les citoyens des enjeux entourant l’examen de ce texte. Il a estimé que la Commission des affaires économiques devait travailler de manière sereine afin que ces travaux soient fructueux, soulignant l’importance du rôle d’arbitre tenu par son président dont il a salué l’action.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que le projet de loi ne comportait pas de dispositions visant directement la fusion de GDF et de Suez, et ne concernait que l’évolution du niveau des participations de l’État au capital de l’entreprise. Il a donc estimé que l’on ne pouvait exiger du gouvernement qu’il communiquât toute information relative à une fusion qui demeure hypothétique d’autant que la lettre de griefs est envoyée par les autorités communautaires aux deux entreprises et non au gouvernement.

Il a rappelé que la divulgation des informations contenues dans cette lettre qui touchent au secret des affaires pourrait porter un grave préjudice aux entreprises visées voire à d’autres entreprises citées, et que la solution qu’il proposait était une solution de compromis, permettant malgré tout une information satisfaisante des parlementaires.

M. Jean-Paul Charié s’est interrogé sur l’opportunité d’encourager les députés de l’UMP à consulter ce document, craignant que, compte tenu de l’état d’esprit qui anime les commissaires de l’opposition, ceux-là puissent être tenus pour responsables de la communication d’informations divulguées par ceux-ci.

Le Président Patrick Ollier a fait part de son incompréhension face à l’attitude de l’opposition, qui fait un enjeu d’un document sur lequel l’Assemblée nationale n’a nullement vocation à se prononcer. Il a ajouté que la communication de l’essentiel des informations contenues dans la lettre de griefs, dans les conditions qu’il a détaillées, devrait au surplus rassurer l’opposition sur les évolutions requises par une éventuelle fusion de GDF et de Suez.

M. Christian Bataille a rappelé que le gouvernement, en qualité d’actionnaire de GDF, était nécessairement informé du contenu de l’ensemble de la lettre de griefs, et qu’il s’entêtait à ne communiquer qu’une partie de ce contenu.

Répondant à M. Jean-Paul Charié, il a souligné que les députés socialistes ne révéleraient rien du contenu de cette lettre à la presse, d’autant que celle-ci semblait d’ores et déjà pleinement renseignée sur ce sujet. Il a ajouté qu’en tant que représentant de la Nation, il ne se sentait pas tenu de signer une quelconque décharge afin de pouvoir consulter tout document mis à sa disposition. Il a souhaité que l’ensemble des députés puisse prendre connaissance de cette lettre de griefs, et non un nombre limité de représentants de chaque groupe.

Le Président Patrick Ollier a souligné qu’il ne sentait pas en droit de violer une loi qui impose la confidentialité de certaines informations, et que seules la Commission européenne et les directions des deux entreprises avaient autorité pour rendre publics ces éléments. Il s’est déclaré néanmoins ouvert à la possibilité qu’un plus grand nombre de députés puissent prendre connaissance du document sur place, sans qu’aucune copie ne soit faite.

M. Jean Gaubert a remercié le Président Patrick Ollier pour son attitude constructive mais a estimé que le gouvernement était parfaitement informé du contenu de la lettre de griefs, évoquant sa propre expérience d’administrateur d’EDF et les réunions de préparation des conseils d’administration de l’entreprise organisées dans les locaux du ministère des finances et réunissant les administrateurs désignés par l’Etat.

Admettant que la difficulté de communiquer la lettre de griefs tenait aux règles fixées par la Commission européenne, il a souligné qu’elle tenait également aux règles applicables aux entreprises cotées en bourse, mais que c’était l’actuelle majorité qui avait décidé de la cotation de GDF.

Enfin, il a jugé que d’autres pays que la France étaient concernés par les éventuels abandons d’activités auxquels les entreprises devraient consentir en cas de fusion, et que le secret opposé aux députés français était inopportun, d’autant que les parlementaires étaient parfaitement capables de se montrer discrets au sujet des informations qui pourraient leur être communiquées.

M. Daniel Paul s’est étonné de constater qu’un journaliste semblait très bien informé du contenu de la lettre de griefs dans un article des Échos, lorsqu’il indique que les présidents des deux entreprises concernées seront amenés à faire des concessions dans « trois des quatre secteurs » visés par cette lettre.

Il a en outre estimé que la question de la séparation du réseau de transport et de distribution de gaz était au cœur du débat, les deux présidents semblant refuser dans ce même article la perspective de cette séparation. Il a rappelé que, lors de leur audition par la Commission, MM. Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli avaient assuré que le nouveau groupe continuerait à assurer l’intégralité de leurs services, notamment ceux fournis aux collectivités locales, et que la fusion n’aurait plus d’intérêt si le nouveau groupe se voyait retirer le réseau de transport de gaz.

Il a ensuite jugé qu’il était impossible de procéder à l’examen du présent projet de loi, dans la mesure où, en l’absence de certitude sur la décision de la Commission européenne concernant le rapprochement entre Gaz de France et Suez, l’avenir des réseaux de transport et de distribution de gaz était particulièrement incertain, alors même que de nombreuses communes ont contribué financièrement à l’édification de ces réseaux et seront amenées à y contribuer de plus en plus dans le cadre de l’extension de ces réseaux dans des zones à l’habitat peu dense. Il est donc hors de question de se prononcer sur un projet de loi permettant la fusion de Gaz de France et de Suez sans avoir d’informations précises sur le contenu de la lettre de griefs faisant état des conditions de cette fusion.

Il a en outre rappelé que le bilan, demandé à la Commission européenne, au gouvernement français et aux responsables de la majorité actuelle, sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie dans les autres pays de l’Union européenne, n’avait toujours pas été fourni au Parlement. Il a estimé que les premiers effets de cette ouverture se faisaient sentir sur les entreprises dans le domaine de l’électricité, entraînant par exemple la fermeture d’une entreprise dans sa circonscription, et que l’évolution serait probablement similaire dans le domaine du gaz.

Il a enfin jugé qu’il serait très difficile d’expliquer aux électeurs l’obligation de faire serment de ne pas divulguer certaines informations relatives à un projet de loi en cours d’examen, rappelant qu’une telle procédure, en l’occurrence tout à fait inacceptable, n’était pas utilisée dans le cadre des commissions d’enquête.

Le Président Patrick Ollier a indiqué que les questions posées trouveraient réponse dans le document en question. Il a par ailleurs estimé que le statut de député ne permettait pas de passer outre l’interdiction de divulguer certaines informations protégées par l’article 226-13 du code pénal ; il a donc indiqué que les députés intéressés auraient accès aux informations de la lettre de grief dans les conditions de confidentialité exposées précédemment.

M. Pierre Micaux, tout en regrettant certains excès de la bureaucratie européenne, a estimé normal que l’accès à des informations confidentielles soit entouré de précautions particulières

Estimant que la lettre de griefs était au cœur d’un problème important, M. Pierre Ducout a regretté que la politique de la Commission européenne en matière de concurrence n’ait pas évolué ces dernières années, sacrifiant certains rapprochements importants dans un secteur en pleine consolidation, comme celui de Électricité de France et Gaz de France, en raison des concessions qui seraient demandées aux deux entreprises. Pourtant, a-t-il estimé, le projet de rapprochement entre Eon et Endesa démontre que le contexte du secteur de l’énergie n’est pas le même qu’il y a quinze ans.

Il a jugé impensable que le ministre de l’économie et des finances ne soit pas informé du contenu de la lettre de griefs. Comme c’est le même ministre qui soumet le projet de loi au Parlement, les parlementaires devaient être également informés, dans le respect de certaines règles de confidentialité, sans être suspectés de vouloir diffuser ces informations.

M. Jean Proriol, rappelant que le débat sur cette lettre de griefs avait déjà eu lieu devant la Commission avant même qu’elle ne soit parvenue aux entreprises intéressées le 19 août dernier, a estimé qu’il ne fallait suspecter personne de vouloir cacher des informations.

Il a par ailleurs estimé que les informations divulguées récemment par la presse ne démontraient pas une connaissance particulière de la lettre de griefs, et qu’il ne fallait pas demander au gouvernement ou au président de la Commission de violer les dispositions du code pénal protégeant le secret des affaires au motif que la Représentation nationale doit être pleinement informée. D’ailleurs, a-t-il indiqué, le ministre des finances, M. Thierry Breton a rappelé qu’il était de l’intérêt de tous de diffuser ce document, alors que rien n’oblige à le rendre public, mais que cette décision appartient aux deux entreprises concernées.

Il a ensuite indiqué qu’un projet de fusion d’une certaine envergure était nécessairement soumis à l’examen de la Commission européenne, afin de vérifier sa conformité avec les dispositions du traité prohibant les monopoles. Suite aux griefs qui ont été faits en l’occurrence aux deux entreprises, des ajustements peuvent être apportés au projet de fusion et les deux entreprises ont dix jours pour répondre à la lettre de griefs. Au terme de la négociation, qui interviendra le 25 octobre prochain, la Commission européenne donnera sa position définitive. Il n’appartient donc pas au Parlement de s’immiscer dans cette négociation.

Le Président Patrick Ollier a confirmé que la consultation du document pourrait être élargie à d’autres parlementaires que deux représentants de chaque groupe, à condition que les règles de confidentialité soient respectées.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a précisé que les informations divulguées dans la presse au sujet de la lettre de griefs ne provenaient pas du document lui-même mais de son commentaire par les responsables des deux entreprises concernées et par un représentant de la Commission européenne.

Il a ensuite indiqué que le débat avait été vif avec le gouvernement afin d’obtenir des informations concernant ce document, dans la mesure où les deux entreprises ne peuvent le divulguer sans l’accord de la Commission européenne. Initialement, un document communicable au président de la Commission des affaires économiques et au rapporteur du présent projet de loi a été élaboré en accord avec la Commission européenne qui s’est opposé à sa communication à d’autres membres de la Commission. Il a donc estimé que la situation avait évolué positivement et qu’il fallait s’en féliciter en respectant les contraintes imposées par Bruxelles.

En ce qui concerne l’organisation de la discussion en commission, il a demandé d’ajouter aux cinq thèmes proposés par le groupe socialiste, les quatre thèmes suivants :

– quels sont les enjeux dans le domaine de la sécurité de l’approvisionnement en gaz, compte tenu, notamment, du mémorandum signé durant l’été entre Gazprom et Sonatrach.

– comment assurer la protection du consommateur ?

– quelle doit être l’organisation des réseaux de distribution et de transport de gaz ?

– quels doivent être les pouvoirs du régulateur que certains amendements prévoient de renforcer ?

A la demande du groupe socialiste, le président Patrick Ollier a ensuite décidé une suspension de séance de dix minutes.

M. Christian Bataille a ensuite désiré savoir où en était la réflexion du rapporteur sur les grandes orientations du projet de loi.

Le Président Patrick Ollier a indiqué que la majorité avait été ouverte au débat et que le rapporteur avait étudié toutes les solutions. Il s’est félicité qu’un débat fructueux ait eu lieu à la fin du mois de juillet.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a rappelé que son travail initial avait porté sur les conditions de réussite des objectifs poursuivis par le gouvernement et les deux entreprises ; il a donc affirmé avoir été favorable à la fusion dès son annonce, dans la mesure où celle-ci était opportune pour le développement de Gaz de France et ou elle participerait à la sécurisation des approvisionnements en gaz ; dans un contexte de consolidation du secteur, il lui a en effet semblé nécessaire de défendre les intérêts des consommateurs et de notre pays en acceptant les rapprochements opportuns.

Il a ensuite indiqué s’être interrogé sur les moyens de rendre possible cette opération dans le cadre de la loi du 9 août 2004 et avoir, en conséquence, proposé de n’autoriser, en vue de la fusion, que la privatisation des activités concurrentielles de Gaz de France.

Il a indiqué qu’à l’issue d’un débat, cette solution avait été écartée en raison d’une opposition résolue des partenaires sociaux, mais aussi parce qu’elle aurait rendu le nouveau groupe plus fragile en cas d’offre publique d’achat. C’est donc dans un souci de pragmatisme qu’il n’a pas retenu cette option et défend le schéma proposé par le projet de loi.

La Commission est passée ensuite à l’examen des articles du projet de loi.

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II.— EXAMEN DES ARTICLES

La Commission a procédé à l’examen des articles lors de ses réunions des 29 et 30 août 2006.

TITRE IER

OUVERTURE DES MARCHÉS ET LIBRE CHOIX DES CONSOMMATEURS

L’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz naturel est intervenue en application de deux paires de directives, les premières directives datant de 1996 (électricité) et de 1998 (gaz naturel) et les secondes, de 2003.

Ces directives imposent de permettre progressivement aux consommateurs (dits consommateurs finals par opposition aux opérateurs achetant pour revente) de choisir librement leur fournisseur alors qu’en application de la loi de 1946 de nationalisation de l’électricité et du gaz, les consommateurs ne pouvaient être alimentés que par le distributeur desservant la zone dans laquelle ils étaient installés, c’est-à-dire EDF ou Gaz de France sur la plus grande partie du territoire et, dans certaines communes, des distributeurs non nationalisés (DNN) qui sont principalement des régies ou des sociétés d’économie mixtes locales.

Le consommateur libre du choix de son fournisseur est dit « consommateur éligible ». Celui qui a effectivement exercé ce choix est un consommateur éligible ayant exercé son éligibilité. On a donc aujourd’hui trois catégories de consommateurs finals :

– les consommateurs non éligibles,

– les consommateurs éligibles n’ayant pas exercé leur éligibilité,

– les consommateurs éligibles ayant exercé leur éligibilité.

L’éligibilité a été progressivement étendue, en application des directives, sur la base du volume de consommation des clients. Ainsi, pour l’électricité, sont devenus éligibles :

– à partir de juin 2000, tous les sites ayant une consommation annuelle d'électricité supérieure à 16 GWh,

– à partir de février 2003, tous les sites ayant une consommation annuelle d'électricité supérieure à 7 GWh.

En application des directives de 2003 et conformément à l’accord politique intervenu au sommet de Barcelone, tous les consommateurs non domestiques (professionnels, associations, collectivités locales) sont devenus éligibles depuis le 1er juillet 2004. En conséquence, toutes les entreprises et collectivités locales peuvent librement choisir leur fournisseur d'électricité (4,5 millions de sites clients représentant une consommation d'électricité annuelle d'environ 295 TWh). Ce volume de consommation représente 68% environ de la consommation d'électricité annuelle française (435 TWh environ).

Il convient de noter que l’éligibilité est définie par site de consommation. Le site de consommation d'électricité est l'établissement, identifié par son numéro d'identité au répertoire national des entreprises et des établissements tel que défini par le décret du 14 mars 1973 portant création d'un système national d'identification et d'un répertoire des entreprises et de leurs établissements (numéro SIRET). Tout le droit électrique et gazier est donc conçu sur une appréhension par site qui ne coïncide pas nécessairement avec le périmètre des personnes morales. Une même entreprise peut donc compter des sites ayant exercé leur éligibilité et d’autres pour lesquels cette faculté n’a pas été exercée. Avant juillet 2004, elle pouvait compter, en outre, des sites non éligibles.

Les consommateurs finals non éligibles ou n’ayant pas exercé leur éligibilité restent alimentés par l’opérateur historique ou par un DNN tandis que les consommateurs ayant exercé leur éligibilité sont alimentés par le fournisseur de leur choix dans des conditions contractuelles librement négociés avec lui. Trois situations différentes sont donc possibles :

– les consommateurs non éligibles paient leur énergie à un tarif réglementé fixé par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur avis de la Commission de régulation de l'énergie (III de l’article 4 de la loi de 2000 pour l’électricité, I de l’article 7 de la loi de 2003 pour le gaz naturel) ;

– les consommateurs éligibles n’ayant pas exercé leur éligibilité conservent, pour les sites concernés, le contrat en vigueur à la date de leur éligibilité dont les clauses tarifaires se voient, le cas échéant, appliquer les mêmes évolutions que celles applicables aux tarifs de vente de l'électricité aux clients non éligibles (I de l’article 4 de la loi de 2000 pour l’électricité, article 4 de la loi de 2003 pour le gaz naturel) ; tout se passe, en pratique, pour ces clients comme s’ils étaient encore soumis au tarif réglementé ;

– enfin, les consommateurs ayant exercé leur éligibilité ont un contrat avec le fournisseur qu’ils ont choisi en application duquel ils paient leur fourniture à un prix librement négocié. Ce fournisseur peut toutefois être l’opérateur historique.

Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), au 1er avril 2006, 12,5 % des sites éligibles pour l’électricité (soit 564 600 sites) et 9 % des sites éligibles pour le gaz naturel (soit 63 900 sites) avaient exercé leur éligibilité. Environ un tiers de ces sites ont choisi un fournisseur autre que l’opérateur historique de sorte que les fournisseurs dits alternatifs avaient, toujours selon la CRE, une part de marché d’environ 15 % de la consommation totale non résidentielle pour l’électricité et de 10 % de la consommation totale non résidentielle pour le gaz.

Les directives ne réglementent pas directement l’accès aux tarifs et se bornent à prévoir les modalités selon lesquelles des consommateurs peuvent les quitter. Elles ont été conçues sur l’idée que les prix seraient inférieurs aux tarifs et que ceux-ci entreraient donc, en quelque sorte naturellement, en extinction.

Pour la même raison, les lois de transposition de 2000 et de 2003 n’ont pas explicitement organisé les conditions d’accès aux tarifs. Le bénéfice du tarif, au regard de ces lois, constituait soit une contrainte (pour les consommateurs non éligibles) soit le maintien d’une situation acquise (pour les consommateurs éligibles n’exerçant pas leur éligibilité et conservant donc le contrat qui était le leur à la date de leur éligibilité).

La question des nouveaux sites de consommation éligibles, qui, par construction, n’ont pas de contrat existant et qui conséquemment ne disposaient d’un droit clair au bénéfice du tarif, s’est toutefois rapidement posée d’autant qu’il est apparu, à partir de 2004, que le niveau des prix de marché de l’électricité excédait celui des tarifs. A la mi-2006, un petit consommateur professionnel payait ainsi un peu moins de 85 euros par MWh (moyenne des tarifs bleus) s’il était resté au tarif et environ 110 euros par MWh en se fournissant au prix de marché. Pour un consommateur industriel moyen, l’écart était entre un tarif total de l’ordre de 68 euros par MWh (moyenne des tarifs jaunes) et un prix de marché incluant l’acheminement d’environ 90 euros par MWh.

Il convient de noter que le prix total payé par un consommateur correspond à l’addition, outre les taxes et la contribution aux charges du service public de l’électricité, d’une part dite « énergie » correspondant à la fourniture elle-même et d’une part dite d’ « acheminement » correspondant à la livraison de cette électricité par les réseaux de transport et/ou de distribution. Les tarifs sont des tarifs intégrés ne distinguant pas clairement ces deux parts alors que le client ayant exercé son éligibilité paie, en sus de la fourniture qu’il négocie, un coût d’acheminement déterminé par les tarifs d’utilisation des réseaux proposés par la CRE et sur lesquels les ministres n’ont qu’un droit d’opposition.

Il en résulte, d’une part, que la comparaison terme à terme du prix de fourniture et de la part « énergie » correspondant du tarif nécessite une reconstitution artificielle de celle-ci et, d’autre part et surtout, qu’en considérant comme identique la part « acheminement » dans les tarifs intégrés et le tarif d’utilisation des réseaux pour les consommateurs ayant exercé leur éligibilité, l’écart entre la part « énergie » des tarifs et le prix de marché de la fourniture est encore plus important que l’écart entre le tarif intégré et le prix intégrant l’acheminement. Pour un gros consommateur industriel (tarif vert C8 TLU), l’écart atteignait ainsi, selon la CRE, 103 % au 1er janvier 2006.

Confronté à l’émergence du problème, le législateur a décidé, dans l’article 66 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique :

– d’ouvrir le bénéfice des tarifs réglementés aux consommateurs éligibles et, en particulier, aux nouveaux sites de consommation jusqu'au 31 décembre 2007 (cette limitation dans le temps résultant de l’adoption d’un sous-amendement du Gouvernement),

– d’interdire, en revanche, clairement le bénéfice des tarifs pour les sites pour lesquels l’éligibilité a été exercée, soit par le consommateur actuel soit précédemment par une autre personne (dans le cas, par exemple, d’un déménagement sur un site existant).

Outre la création d’un tarif social du gaz, le titre Ier du projet de loi a principalement pour objet d’adapter ces dispositions à l’étape finale d’élargissement de l’éligibilité à l’ensemble des consommateurs imposée par les deuxièmes directives au plus tard le 1er juillet 2007.

Cette étape impose, en premier lieu, une adaptation de nature technique. Tout notre droit repose, comme on l’a vu, sur la distinction entre les clients non éligibles et les clients éligibles (cette dernière catégorie se subdivisant elle-même en deux, selon que l’éligibilité a ou non été exercée). Cette distinction n’aura plus de sens à compter du 1er juillet 2007, date à laquelle les directives (qui sont, sur ce point, d’application directe) font disparaître la catégorie des clients non éligibles ou, en tout cas, qui font de celle-ci un ensemble vide, tous les consommateurs devenant éligibles.

La question du devenir des tarifs réglementés est conséquemment posée, ces tarifs étant explicitement définis, en l’état du droit, comme les tarifs de vente aux consommateurs non éligibles. L’application directe de la directive, sans transposition, se traduirait donc, d’une part, par le gel des clauses tarifaires des contrats en cours (puisqu’il est prévu qu’elles évoluent comme un tarif qui aurait lui-même disparu) et, d’autre part, par des incertitudes juridiques sur les conditions de fourniture des clients contractant après le 1er juillet 2007, l’état du droit pouvant être compris comme leur imposant d’exercer leur éligibilité.

L’objet principal des articles 1, 2, 4 et 5 du projet de loi (l’article 3 étant consacré au tarif social du gaz) est donc :

– d’une part, de transposer effectivement la directive en donnant à tous les consommateurs la faculté d’exercer leur éligibilité,

– d’autre part et surtout, de maintenir explicitement néanmoins des tarifs réglementés, devenus « tarifs réglementés de vente ».

Deux séries de dispositions du projet de loi régissent les conditions d’accès à ces tarifs réglementés. Les articles 1er (pour l’électricité) et 2 (pour le gaz naturel) prévoient, en premier lieu, que les consommateurs n’exerçant pas leur éligibilité continuent de bénéficier des tarifs réglementés. L’article 4, en second lieu, distingue les consommateurs domestiques et les autres consommateurs.

Pour les consommateurs domestiques, le bénéfice des tarifs est ouvert à tout consommateur n’ayant pas lui-même exercé son éligibilité sur un site. Il s’ensuit qu’un ménage s’installant dans un appartement pour lequel l’éligibilité a été exercée par les occupants précédents pourra néanmoins, s’il le souhaite, bénéficier du tarif. En revanche, une même personne ne pourra pas revenir au tarif pour un site donné après avoir exercé son éligibilité pour ce site. L’occupant d’un logement ayant exercé son éligibilité pour ce logement ne pourra donc bénéficier à nouveau des tarifs qu’après avoir déménagé. Le bénéfice du tarif dépend donc d’un couple site/personne qui a été proposé par le groupe de travail mis en place dans le cadre du Conseil supérieur de l’énergie par votre rapporteur.

Ce système évite, en premier lieu, l’inconvénient du droit existant, reposant sur la seule notion de site, qui serait de distinguer, éventuellement en affectant leur valeur si l’écart entre les prix et les tarifs devait se maintenir, les logements pour lesquels l’éligibilité a été exercée de ceux pour lesquels elle ne l’a pas été. Il évite également, symétriquement, l’inconvénient d’un dispositif attaché à la personne qui aurait supposé la constitution d’un fichier nominatif exhaustif des consommateurs et qui aurait interdit tout « droit à l’erreur ».

Il convient de noter que le dispositif proposé pour les consommateurs domestiques est pérenne et qu’il concerne également les nouveaux sites de consommation.

Pour les consommateurs non domestiques, le dispositif proposé est différent. L’éligibilité reste attachée au seul site, comme c’est déjà le cas dans le droit existant. Une fois l’éligibilité exercée par un occupant donné, il n’est donc plus possible, même pour un nouvel occupant, de bénéficier des tarifs sur ce site. Enfin, s’agissant des nouveaux sites, le projet de loi ne permet l’accès aux tarifs que jusqu’au 31 décembre 2007. L’exercice de l’éligibilité serait donc obligatoire à compter du 1er janvier 2008 pour tout nouveau site de consommation non domestique.

Ces dispositions amélioreraient sensiblement le droit existant. Elles restent néanmoins en retrait des attentes de la Commission des affaires économiques sur deux points importants, soulignés par le président Patrick Ollier dès le débat sur l’énergie du 14 juin dernier.

En premier lieu, le Gouvernement propose implicitement de mettre en extinction les tarifs réglementés pour les consommateurs non domestiques puisque les nouveaux sites de consommation ne pourraient plus bénéficier du tarif à compter du 1er janvier 2008. Pour ces nouveaux sites, les consommateurs seraient donc, à compter de cette date, contraints d’exercer leur éligibilité. Or, pour votre Commission, l’éligibilité est et doit rester une faculté que nul ne peut être contraint d’exercer. A cette question de principe, s’ajoute le fait que le système actuel serait, dans l’hypothèse où les prix resteraient durablement supérieurs aux tarifs, fortement pénalisant pour le développement d’activités nouvelles. Votre Commission estime donc nécessaire de maintenir l’accès aux tarifs pour tous les consommateurs, y compris les nouveaux sites de consommation non domestiques, sans limitation de durée.

En second lieu, le projet de loi n’apporte pas de réponse au problème que rencontrent aujourd’hui les consommateurs ayant exercé leur éligibilité à une époque où les prix étaient inférieurs aux tarifs et dont les contrats arrivent à échéance. L’irrévocabilité de l’option entre les prix et les tarifs fait que ces consommateurs sont contraints de conclure de nouveaux contrats aux prix de marché, très supérieurs, comme on l’a rappelé, au niveau des tarifs et, évidemment, davantage encore au niveau de prix de leur ancien contrat qui était lui-même inférieur au tarif.

Cette situation met aujourd’hui en péril l’équilibre économique de certaines entreprises. Elle crée, en outre, des distorsions de concurrence entre ces entreprises et leurs voisins et concurrents restés au tarif. Elle appelle donc une réponse du législateur qui a posé la règle de l’irrévocabilité de l’option entre le prix et le tarif.

C’est pourquoi la Commission vous propose l’institution d’un droit temporaire de retour à un tarif de retour transitoire.

 

Droit en vigueur

Projet de loi

Propositions de la Commission

Consommateurs domestiques

Non éligibles

Tarif réglementé

Éligibles à compter du 1er juillet 2007

Option irrévocable entre le tarif et le prix pour un couple site/personne donné

(pas de modification)

Nouveaux sites de consommation domestique

Non éligibles

Tarif réglementé jusqu’au 31 décembre 2007

Éligibles à compter du 1er juillet 2007

Option irrévocable entre le tarif et le prix pour un couple site/personne donné

(pas de modification)

Consommateurs non domestiques

Éligibles

Option irrévocable par site entre le tarif et le prix

(pas de modification)

Éligibles

Option irrévocable par site entre le tarif et le prix

Droit temporaire d’opter (avant le 1er juillet 2007) pour le retour à un tarif spécifique pendant une période limitée à deux ans pour les consommateurs d’électricité.

Nouveaux sites de consommation non domestiques

Éligibles

Possibilité de bénéficier du tarif jusqu’au 31 décembre 2007.

Option irrévocable par site entre le tarif et le prix

(pas de modification)

Éligibles

Option irrévocable par site entre le tarif et le prix

Avant l’article 1er

La Commission a d’abord examiné les amendements suivants, s’inscrivant dans la problématique de l’évolution du service public de l’énergie :

– Amendements nos 5568 à 5600 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 5700 à 5732 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 10605 à 10769 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 3705 à 3854 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 3888 à 4037 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 1962 à 1994 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 1995 à 2027 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 2028 à 2060 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 1863 à 1895 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 1896 à 1928 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 1929 à 1961 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 2211 à 2243 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 2244 à 2276 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 2277 à 2309 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 2310 à 2342 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 2343 à 2375 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 1830 à 1862 présentés par des membres du groupe socialiste

– Amendements nos 11298 à 11429 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. Christian Bataille a indiqué que la première série d’amendements reprenait le principe fondamental de la loi de 1946 selon lequel la souveraineté du peuple n’était pas absolue lorsque les services essentiels du pays étaient entre les mains d’actionnaires privés. Il a estimé que les conditions dans lesquelles cette loi avait été votée n’avaient pas changé et que le service public de l’énergie dont s’était doté la France à cette époque gardait tout son sens aujourd’hui. Il a précisé que les autres séries d’amendements déposées par les membres du groupe socialiste formulaient les principes qui régissaient ce service public : subsidiarité, égalité, transparence, continuité, durabilité et adaptabilité. Il a ajouté que d’autres amendements, déjà défendus lors de l’examen du projet de loi relatif au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières en 2004, tendaient à définir le service public de l’énergie. Rappelant le coup de butoir décisif porté par M. Nicolas Sarkozy au statut d’EDF, il a dénoncé l’absence de toute volonté au sein du groupe UMP pour protéger ce service public. Il a mis en garde contre la diminution des moyens d’intervention étatiques qui découlerait de l’adoption de l’actuel projet de loi et souligné le dépôt par son groupe d’amendements maintenant le rôle de l’Etat. Il a enfin appelé à l’adoption du projet de directive-cadre sur les services économiques d’intérêt général déposé par le groupe socialiste au Parlement européen.

M. Jean-Yves Le Déaut s’est inquiété du revirement de position du rapporteur et du retour au texte initial, sonnant le glas de toute créativité parmi les rangs de la majorité. Il a également dénoncé le fait de discuter de la privatisation de GDF, dans la perspective d’une fusion avec Suez, sans attendre les conclusions de la Commission européenne sur ce projet. Il a indiqué que le groupe socialiste souhaitait que le système de tarification respecte les principes d’égalité, de transparence, et de continuité du service public, compte tenu de l’enjeu majeur représenté par l’accès à l’énergie. Il a estimé par ailleurs que l’ouverture du marché de l’électricité ne pouvait se faire qu’après l’adoption de la directive-cadre sur les services économiques d’intérêt général. Il a ensuite souligné la nécessité de corréler le service public de l’énergie à l’exigence de développement durable, afin d’atteindre un équilibre entre les différentes sources d’énergie. Il a enfin affirmé l’exigence de tarifs abordables, faisant l’objet d’une péréquation, ainsi que de garanties en termes de sécurité, l’abandon de la recherche dans ce domaine motivé par la recherche d’une rentabilité à court terme pouvant avoir des conséquences dramatiques. Il a rappelé que la crise de production actuelle du pétrole trouvait partiellement son origine dans l’absence d’investissements réalisés dans les installations de raffinage.

M. Jean Gaubert a considéré que les programmes d’investissement conditionnaient la mise à disposition du service public de l’énergie et s’est inquiété de leur avenir. Il a rappelé que la conduite jusqu’à présent par l’Etat de ces programmes avait permis la desserte de certaines régions.

M. François Brottes, constatant que la majorité voyait dans ce débat seulement un mauvais moment à passer, a déclaré que la volonté du groupe socialiste n’était pas de le faire durer mais de clarifier les conséquences des dispositions annoncées. Il a déploré que les dirigeants des entreprises et les syndicats n’aient pas été auditionnés à nouveau après l’annonce de l’accord russo-algérien et l’envoi de la lettre de griefs.

M. Pierre Ducout a souligné que les deux tiers de l’exposé des motifs du projet de loi étaient consacrés au rapprochement de GDF et de Suez et qu’il n’était donc pas possible d’affirmer que cette fusion était sans rapport avec le projet de loi. Il a estimé nécessaire de rappeler le principe liant la souveraineté populaire au caractère public de la propriété des services essentiels, sachant que l’énergie constitue encore plus qu’en 1946 un de ces services en raison du caractère limité des réserves de gaz. Il a considéré que l’énergie était devenue une arme pour les gouvernements et que le rapprochement russo-algérien entre Gazprom et Sonatrach ne pouvait qu’interpeller. Il a rappelé à cet égard les propos de M  Jean-François Cirelli, selon lequel des avancées sur l’approvisionnement en gaz avaient pu être obtenues grâce aux relations nouées entre la France et la Russie au niveau gouvernemental, et souligné les interventions sur la scène internationale de la Chine, des Etats-Unis et de l’Iran. Il a regretté que l’Europe de l’énergie ne puisse exister à ce jour, compte tenu du rejet du projet de constitution et déploré l’absence de directive sur les services économiques d’intérêt général.

M. Serge Poignant a indiqué que le groupe UMP avait posé des questions et obtenu des réponses. Il a rappelé que les différentes solutions alternatives avaient été examinées en juillet et ne s’étaient pas révélées satisfaisantes. Dans ces conditions, il a estimé logique le soutien à un projet de loi allant dans le sens de la sécurité de l’approvisionnement et de la protection du consommateur, qui pourra en outre être amélioré par des amendements présentés par la majorité, apportant de nouvelles garanties.

M. Jean Dionis du Séjour a déploré que les amendements du groupe socialiste se cristallisent sur une vision du service public datant de 1946 et rappelé qu’un des enjeux majeurs de ce projet de loi était la transposition de deux directives sur l’électricité et le gaz, essentielles à la réalisation d’un marché européen de l’énergie. Il a souligné que des obligations en termes de service universel et de protection du consommateur figuraient dans ces directives et qu’il était donc essentiel d’arriver à une transposition la plus satisfaisante possible de ces textes, sachant qu’il est illusoire d’attendre une directive-cadre sur les services économiques d’intérêt général, compte tenu des rapports de force dans l’Union européenne.

Rappelant que le refus de la privatisation de GDF n’était pas en contradiction avec le contenu de la directive sur le gaz, M. François Brottes a mis en garde contre toute caricature de l’attitude de l’opposition. Il a souligné que le périmètre du service universel était fragile et qu’il ne cessait de se réduire au fur et à mesure de l’ouverture des marchés, qu’il s’agisse de la poste ou des télécommunications. Il a rappelé que le groupe socialiste n’était pas favorable à l’ouverture du marché énergétique pour les ménages et s’est inquiété de l’absence d’étude d’impact.

M. Pierre Cohen a estimé qu’il était nécessaire de consacrer un véritable débat de fond sur la notion de service public énergétique, telle qu’elle était souhaitée par les Français. Rappelant les ruptures dans la continuité du service intervenues au Royaume-Uni, il s’est inquiété de la capacité d’investissement des entreprises privées dans la recherche fondamentale et sur le long terme.

M. Daniel Paul a insisté sur le caractère particulier de l’énergie, qui ne constitue pas un produit comme les autres. Il a rappelé qu’en 1946, une unanimité s’était dégagée pour retirer l’énergie de la domination des intérêts financiers et souligné que la reconstruction de la France s’était réalisée dans de bonnes conditions grâce à EDF-GDF. Craignant les conséquences sur les charges locatives de l’abandon des tarifs régulés, il s’est déclaré partisan d’une politique européenne de l’énergie qui ne consiste pas à construire des groupes privés en cassant des entreprises publiques. Il a estimé que la politique de remplacement des monopoles publics par des oligopoles privés, dont l’intérêt n’est pas démontré, risquait à terme de fragiliser également le statut d’EDF, sous couvert de lui apporter une taille critique sur le marché européen de l’énergie. Observant que les principaux fournisseurs de gaz étaient actuellement des entreprises détenues par l’Etat mais que les clients gaziers étaient de plus en plus des entreprises privées, il a souligné la situation délicate dans laquelle se trouvait de plus en plus les usagers. Il a considéré que dans ces conditions il n’était pas étonnant de ne pas pouvoir disposer de bilan de l’ouverture du marché énergétique dans les autres pays européens, aucun exemple ne permettant d’étayer l’hypothèse d’une amélioration de la situation, qu’il s’agisse d’indépendance énergétique, de protection des consommateurs ou des salariés. Il a estimé que le projet de loi n’était finalement qu’une fuite en avant pour sauvegarder l’intérêt des actionnaires privés.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que la première série d’amendements n° 5568 à 5600 était satisfaite dans la mesure où le neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, dispose que toute entreprise dont l’exploitation a les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité. Il a souligné que le Conseil constitutionnel ne manquerait donc pas de censurer une disposition du projet de loi qui porterait atteinte à ce principe.

S’agissant du débat sur la notion de service public, il a relevé un large accord entre les différents groupes sur les objectifs de péréquation, d’aménagement du territoire ou de continuité mais estimé que le groupe socialiste envisageait la propriété publique comme corollaire du service public, tandis que le groupe UMP n’écartait pas l’exercice de cette mission par une autre personne morale selon un cahier des charges défini dans une loi. Il a indiqué par ailleurs que les problèmes de sécurité ne peuvent être reliés à des seules considérations liées à la nature de la propriété de l’entreprise, comme le montrent l’accident survenu à Mulhouse ou a contrario la maintenance des conduites d’eau. Il a conclu que le véritable enjeu en la matière était plutôt le respect des règles de service public.

Se déclarant également défavorable aux autres amendements, il a rappelé qu’il ne s’agissait pas d’un projet de loi sur la politique énergétique de la France, une loi d’orientation ayant déjà été votée l’an dernier. Constatant que des lois relatives au secteur énergétique étaient votées tous les deux ou trois ans depuis l’an 2000, il a souligné que le présent projet de loi ne procédait qu’à des ajustements relatifs à la protection du consommateur ou au statut de GDF. S’agissant de l’ouverture des marchés et de l’exigence par le groupe socialiste d’une directive-cadre, il a rappelé que cette ouverture avait été initiée par le gouvernement Jospin, notamment par le vote d’une loi en 2000, que cette orientation avait été amplifiée lors du sommet de Barcelone et que le projet de loi ne faisait que poursuivre le processus entamé.

M. François Brottes a critiqué le manque d’honnêteté de la démonstration du rapporteur. Il a indiqué que son groupe ne s’était jamais opposé à l’initiative privée mais la considérait comme mal adaptée à la gestion du service public. Il a rappelé que la déclaration du sommet de Barcelone était défavorable à l’ouverture du marché pour les ménages et demandait la réalisation d’une étude d’impact et l’adoption d’une directive-cadre. Il a considéré que la comparaison avec les conduites d’eau n’était pas pertinente dans la mesure où celles-ci restaient la propriété des collectivités territoriales. Il a enfin rappelé que la loi votée il y a deux ans renvoyait à un contrat pour la définition du cahier des charges alors que le groupe socialiste avait demandé que la loi procède à cette définition.

La Commission a rejeté tous les amendements mentionnés ci-dessus.

La Commission a examiné les amendements identiques nos 3108 à 3140 présentés par des membres du groupe socialiste tendant à inscrire en préambule de la loi qu’EDF est « un instrument fondamental de la vie du pays ».

M. François Brottes a estimé que la Commission aurait dû auditionner les organisations syndicales, pour recueillir leurs réactions à la lettre de griefs transmises par la Commission européenne, déplorant au passage que les auditions des organisations syndicales organisées en juillet se fussent tenues à huis clos, alors que les auditions des dirigeants d’entreprise avaient été ouvertes à la presse.

Le Président Patrick Ollier a précisé que les organisations syndicales n’avaient pas souhaité l’ouverture de leurs auditions à la presse.

M. François Brottes a ensuite justifié les amendements par l’importance qu’avait EDF pour l’équilibre du territoire. La Commission les a rejetés après que le rapporteur a souligné leur caractère non normatif.

La Commission a examiné les amendements identiques nos 1013 à 1162 présentés par des membres du groupe socialiste, affirmant que l’indépendance énergétique nationale nécessitait que Electricité de France demeure une entreprise publique nationale.

M. Christian Bataille a expliqué que l’électricité était un pilier de la politique énergétique de la France comme le gaz l’était pour la Russie, et le charbon pour l’Allemagne, et a rappelé l’engagement pris par le ministre de l’économie de l’époque, M. Nicolas Sarkozy, de maintenir une détention à 100% d’EDF par l’État, au cours de la discussion de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Il a estimé qu’il était inutile de maintenir par ailleurs un effort conséquent de défense nationale, si le cœur stratégique de l’appareil énergétique du pays n’était pas préservé.

Le rapporteur a indiqué que le maintien d’EDF dans le secteur public n’était pas incompatible avec une ouverture du capital, dès que la majorité de celui-ci restait contrôlée par l’Etat. Il a rappelé qu’un éminent responsable socialiste s’était d’ailleurs montré favorable à une privatisation de l’entreprise.

La Commission a rejeté les amendements.

La Commission a ensuite examiné les amendements identiques nos 563 à 712 présentés par des membres du groupe socialiste, affirmant que l’indépendance énergétique nationale nécessitait que Gaz de France demeure une entreprise publique nationale.

M. Pierre Ducout a expliqué que cet amendement prenait en compte l’inéluctable montée en puissance de la part du gaz dans la consommation énergétique du pays et la dimension inter-étatique des négociations d’approvisionnement en gaz, illustrées par un récent accord entre la France et la Russie sur les fournitures de Gazprom.

Le rapporteur s’est inscrit en faux contre un parallélisme de traitement des situations des deux entreprises EDF et GDF, la première produisant l’énergie qu’elle vend et revêtant une importance stratégique particulière du fait de la gestion du parc nucléaire, alors que la seconde commercialise et achemine du gaz acheté à l’étranger. Il a estimé que le projet de fusion entre GDF et Suez apportait des garanties adaptées s’agissant des conditions d’approvisionnement de la France en gaz.

Le Président Patrick Ollier a regretté que les intervenants n’aient pas mentionné le triplement récent du prix du pétrole et l’effet d’entraînement que celui-ci a eu sur le prix du gaz, rendant nécessaire de renforcer le pouvoir de négociation des entreprises achetant les approvisionnements en gaz, de manière à réduire l’impact de la hausse des prix au profit du consommateur final. Il a rappelé qu’à cet égard, le statut public de l’entreprise n’entrait guère en ligne de compte, puisque la détention à 100% du capital de GDF par l’Etat, à l’époque du gouvernement Jospin, n’avait pas empêché au cours de l’année 2000 une augmentation de 34% du tarif du gaz. Il a estimé que le maintien de GDF dans son statut actuel n’aboutirait finalement qu’à rendre nécessaire la mise en place d’un mécanisme de subvention pour amortir la montée inéluctable du tarif du gaz.

M. Daniel Paul a cité des propos de M. Jean-François Cirelli montrant que c’est un accord entre la France et la Russie qui assure l’approvisionnement de gaz de GDF jusqu’en 2012.

La Commission a rejeté les amendements.

La Commission a ensuite examiné les amendements identiques nos 1163 à 1312 présentés par des membres du groupe socialiste, justifiant le maintien du statut d’entreprise publique nationale d’EDF au nom de la sécurité d’approvisionnement.

M. Jean-Yves Le Déaut a estimé que, dès lors que cette sécurité d’approvisionnement passait par le maintien d’une production d’électricité reposant pour 80 % sur l’énergie nucléaire, il n’était pas concevable de s’en remettre, dans ce domaine, au secteur privé.

Le Président Patrick Ollier a indiqué que la majorité n’avait jamais remis en cause le contrôle complet de l’Etat sur le parc nucléaire, que l’accord sur ce point transcendait en France les courants politiques, et que c’était justement le souci qu’aucune obligation de vente d’actifs touchant le parc nucléaire ne vienne à être imposée en contrepartie d’une fusion entre EDF et GDF qui expliquait l’opposition du Gouvernement à ce rapprochement industriel.

Le rapporteur, estimant que la série d’amendements avait un objet très voisin de ceux qui venaient d’être examinés, a émis un avis défavorable à leur encontre, et la Commission les a rejetés.

La Commission a également rejeté les amendements identiques nos 713 à 862 présentés par des membres du groupe socialiste, justifiant le maintien du statut d’entreprise publique nationale de GDF au nom de la sécurité d’approvisionnement, après que M. François Brottes a contesté l’idée qu’une fusion de GDF et de Suez permettait d’obtenir des prix d’approvisionnement en gaz sensiblement plus intéressants, l’apport de Suez s’agissant des activités gazières étant, selon lui, très limité.

La Commission a rejeté les amendements identiques nos 1313 à 1462, ainsi que les amendements identiques nos 863 à 1012, présentés par des membres du groupe socialiste, justifiant le maintien du statut d’entreprise publique nationale d’EDF et de GDF au nom de la cohésion sociale et territoriale, après que M. Christian Bataille a fait le constat des différences régionales des prix de l’électricité aux Etats-Unis, a rappelé que la politique tarifaire était un déterminant de l’investissement dans les capacités de production d’énergie, notamment nucléaire, et se soit inquiété des velléités manifestées par les dirigeants d’EDF de lier les prix de l’électricité à ceux du pétrole, et que M. Pierre Ducout a rappelé que l’accès au gaz restait une question d’actualité dans certaines zones du territoire.

La Commission a examiné les amendements identiques nos 1797 à 1829, ainsi que les amendements identiques nos 1614 à 1646 présentés par des membres du groupe socialiste, imposant que tout changement dans le capital d’EDF et de GDF ne puisse intervenir qu’après consultation des autorités concédantes des services publics d’électricité et de gaz.

M. Christian Bataille a justifié ces amendements par la nécessité d’empêcher des opérations n’ayant d’intérêt qu’aux yeux d’une minorité d’actionnaires.

Après que le rapporteur a dénoncé leur caractère irréaliste, puisqu’ils imposeraient une consultation de toutes les communes de France pour la vente d’une seule action, la Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a ensuite rejeté les amendements identiques nos 6546 à 6578, les amendements identiques nos 6579 à 6611, les amendements identiques nos 6612 à 6644, les amendements identiques nos 6645 à 6677 présentés par des membres du groupe socialiste, visant à interdire tout changement dans le capital d’EDF et GDF qui se ferait au détriment des principes fondamentaux du service public ou des usagers.

M. François Brottes s’est interrogé sur la conséquence, en termes de sortie du tarif, qu’emportait, pour le consommateur, l’acceptation des offres de fourniture conjointe d’électricité et de gaz, faite indépendamment par EDF et GDF.

Le rapporteur a expliqué que cette préoccupation avait justifié de sa part le dépôt d’un amendement à l’article 13, visant à garantir, dans ce cas, le maintien au tarif pour les deux fournitures d’électricité et de gaz.

La Commission a examiné les amendements identiques nos 2676 à 2708, ainsi que les amendements identiques nos 2859 à 2891, les amendements identiques nos 2892 à 2924, et les amendements identiques nos 2925 à 2957, présentés par des membres du groupe socialiste, et justifiant le maintien du statut d’entreprise publique pour EDF et GDF, au nom de la préservation de l’environnement et de la santé humaine.

M. Jean-Yves Le Déaut a pris l’exemple des Etats-Unis pour démontrer que le secteur privé était mal placé pour prendre en compte ces deux préoccupations. Il a souligné que des garanties fortes, conférées par un statut public des entreprises gestionnaires, dont il a estimé qu’il était seul à même de mettre celles-ci à l’abri des décisions exclusivement motivées par la recherche du profit, devaient être données en ces domaines à la population, en particulier pour assurer l’acceptabilité sociale du projet nucléaire.

Le Président Patrick Ollier a observé que le statut jusque là public de GDF ne semblait guère avoir eu d’effet sur l’émission de gaz carbonique en France.

M. Daniel Paul a rappelé des propos de presse de M. Dominique Paillé, dénonçant les risques induits par une gestion d’entreprise motivée uniquement par la profitabilité maximale.

M. Jean-Charles Taugourdeau s’est déclaré surpris d’entendre dire que les entreprises privées étaient incapables de prendre en compte des préoccupations d’environnement et de santé, puisque cela contredisait son expérience professionnelle courante.

M. Léonce Deprez a abondé en ce sens en rappelant que par exemple les installations classées étaient contraintes par un cahier des charges très exigent.

La Commission en ensuite rejeté les amendements.

La Commission a examiné les amendements identiques n°5601 à 5633 présentés par des membres du groupe socialiste visant à maintenir le droit à l’électricité pour tous au-delà du changement de statut d’EDF et de GDF. Le rapporteur ayant indiqué que l’intervention sociale en matière d’accès à l’énergie était indépendante des conditions de statut des entreprises prestataires, la Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a examiné les amendements identiques n°5634 à 5666 présentés par des membres du groupe socialiste tendant à fusionner EDF et GDF. M. Christian Bataille a jugé qu’une telle fusion s’imposait en toute logique, compte tenu de la proximité historique et de la complémentarité des deux entreprises, déjà habituées à travailler ensemble. Il a estimé qu’en vertu du bon sens, un tel rapprochement serait mieux compris par l’opinion publique que celui envisagé entre GDF et Suez. M. François Brottes a observé que la Commission européenne n’avait pas eu l’occasion de manifester la moindre réserve vis-à-vis de ce rapprochement, puisqu’aucun projet de cette nature ne lui avait jamais été transmis. Il a regretté que l’opération n’ait pas été tentée au cours de la législature précédente, puisqu’elle présentait des avantages en termes d’autonomie énergétique nationale, et en termes de baisse des prix, mais a constaté qu’à l’époque, le contexte la rendait moins indispensable qu’aujourd’hui. Il a observé que l’information selon laquelle ce rapprochement ne serait pas possible au regard des règles de la concurrence européenne était présentée par le ministre de l’économie comme émanant de la commission Roulet, qui serait donc pour l’occasion sortie de son domaine de compétence, puisqu’elle n’avait pour mission que d’établir la valeur patrimoniale d’EDF. Il a estimé que le rapprochement entre EDF et GDF serait une hypothèse de travail recevable si une étude d’impact venait à révéler les inconvénients de la libéralisation en cours du marché européen de l’énergie. Il a ajouté que l’expérience avait montré que les deux entreprises pouvaient travailler ensemble, et a invité ses collègues parlementaires à appuyer un projet de fusion entre elles, ne serait-ce que pour connaître les éventuelles objections que la Commission européenne serait contrainte de formaliser dans une lettre de griefs.

Le rapporteur a rappelé que le contrôle exercé par la Commission européenne sur les concentrations était régi par le règlement du 24 janvier 2004, et ne concernait que les opérations de dimension communautaire, c'est-à-dire concernant des entreprises réalisant un chiffre d’affaires total au plan mondial supérieur à 5 milliards d’euros, et dont deux au moins réalisaient individuellement 250 millions d’euros de chiffre d’affaires au sein du marché commun à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total européen à l’intérieur d’un seul et même État membre. Il a indiqué qu’à l’évidence une opération de fusion entre EDF et GDF relèverait de ce contrôle, puisque le chiffre d’affaires des deux entreprises atteignait respectivement, au premier semestre 2006, 30 et 15 milliards d’euros, dont respectivement 54 % et 62 % étaient réalisés en France. Il a convenu que l’occasion de la formalisation d’une lettre de griefs ne s’était pas présentée, et a rappelé que l’analyse effectuée dans le cadre de la commission Roulet résultait, en son sein, d’une initiative des représentants des organisations syndicales, qui avaient souhaité que l’hypothèse fût examinée, l’étude de cette hypothèse ayant alors été confiée au cabinet Bredin-Prat ; que cette étude avait conclu à ce que la fusion imposerait d’importantes cessions d’actifs en contrepartie.

Le Président Patrick Ollier a signalé que cette idée de fusion lui avait paru séduisante jusqu’à ce que cette contrepartie en termes de cession d’actifs ne lui fût apparue comme porteuse du risque de dispersion du parc nucléaire français.

M. Jean Gaubert a observé que cette crainte n’était pas cohérente avec le constat que la législation permettait déjà l’installation de nouvelles centrales nucléaires par des entreprises privées.

Le rapporteur a rappelé que cette possibilité avait été ouverte par la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

M. Jacques Bobe a souligné la divergence d’attitude des représentants socialistes entre aujourd’hui et la période 1997-2000.

Présentant les amendements identiques nos 5667 à 5699, M. François Brottes a exposé qu’ils étaient motivés par la nécessité de faire preuve de volontarisme face à un contexte énergétique marqué par une hausse des prix pénalisante pour les usagers ; l’énergie n’est pas un bien comme un autre ; la logique libérale qui conduit désormais ce secteur est préjudiciable à la vie économique elle-même.

La Commission a rejeté ces amendements.

Présentant alors les amendements identiques nos 298 à 330, M. François Brottes a exposé qu’ils avaient parfaitement leur place au sein du projet de loi, dans la mesure où il est établi que ce sont les prix du pétrole qui déterminent ceux du gaz. Il a fait valoir que la restauration de la TIPP flottante était une mesure plus juste et plus universelle que l’instauration d’un chèque-transport.

Après avoir exposé son désaccord avec cette opinion, le rapporteur a émis un avis défavorable aux amendements nos 298 à 330 que la Commission a alors rejetés ainsi que les amendements identiques nos 365 à 397.

M. François Brottes a exposé que les amendements nos 530 à 562 avaient pour objet de favoriser le développement des transports collectifs ; à cette fin, il est nécessaire de prévoir des dispositifs fiscaux d’une certaine envergure.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a répondu que les usagers des transports collectifs bénéficiaient déjà largement de l’aide publique, dont l’intervention permettait aux tarifs payés par les usagers d’être inférieurs aux coûts de revient. En revanche, les personnes qui sont contraintes d’utiliser leur véhicule personnel pour se déplacer, comme c’est le cas dans le monde rural, ne bénéficient d’aucun soutien face au renchérissement des tarifs de l’énergie ; il convient donc de leur apporter également une aide.

Le Président Patrick Ollier a ajouté que le mécanisme du chèque-transport serait beaucoup plus efficace.

La Commission a rejeté les amendements identiques nos 530 à 562.

M. François Brottes après avoir souligné que la hausse du prix du pétrole était, pour les sociétés du secteur, à l’origine de bénéfices aussi considérables qu’injustifiés, chaque hausse du cours étant immédiatement répercutée à la pompe, alors que l’essence ainsi vendue a été extraite plus tôt, à des tarifs plus bas, a indiqué que les amendements nos 331 à 363 ont pour objet de taxer spécifiquement ces bénéfices injustifiés.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, s’est déclaré défavorable à ces amendements : chaque année cette proposition revient, et chaque année, elle est rejetée.

La Commission a alors rejeté les amendements identiques nos 331 à 363.

M. François Brottes a ensuite exposé que les amendements nos 431 à 463 avaient pour objet, en instaurant une taxation spécifique sur les véhicules les plus polluants, d’encourager les comportements favorables à la réduction de l’émission des gaz à effet de serre.

Après que le rapporteur eut fait valoir que ces amendements n’avaient pas de rapport avec le projet de loi, la Commission a rejeté les amendements identiques nos 431 à 463.

M. François Brottes a ensuite exposé que les amendements nos 1464 à 1613, en affirmant clairement le caractère public d’EDF, étaient cohérents avec les principes qui guidaient le groupe socialiste.

Faisant valoir leur caractère superfétatoire, le rapporteur a émis un avis défavorable.

La Commission a alors rejeté ces amendements ainsi que les amendements identiques n°s 1647 à 1796.

M. Christian Bataille a alors souligné qu’il relevait du devoir et des prérogatives de l’État de travailler à la maîtrise de la demande d’énergie. Pour cela, il faut que le secteur comporte des sociétés publiques, comme EDF et GDF. Les amendements présentés ont pour objet de fixer cette nécessité dans la loi.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, s’est déclaré défavorable à ces amendements.

La Commission a alors successivement rejeté :

– les amendements identiques nos 2061 à 2210,

– les amendements identiques nos 2376 à 2525,

– les amendements identiques nos 2526 à 2675,

– les amendements identiques nos 2709 à 2858.

Deux amendements de M. Jean Dionis du Séjour, l’un instituant un schéma directeur national énergétique, l’autre prévoyant qu’une loi de politique énergétique est votée chaque année, non défendus, ont été rejetés.

Article 1er

Éligibilité de l’ensemble des consommateurs d’électricité

Le présent article modifie la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité afin d’étendre le champ de l’éligibilité, c’est-à-dire du droit de choisir librement son fournisseur, à l’ensemble des consommateurs finals.

Le paragraphe I redéfinit, en modifiant le III de l’article 2 de la loi du 10 février 2000, le service public de la fourniture d’électricité. En l’état du droit, celui-ci comprend trois composantes :

– la fourniture aux clients non éligibles,

– la fourniture de secours organisée par le V de l’article 15 de la loi de 2000 (maintien de l’alimentation d’un client dont le fournisseur est défaillant pendant au plus cinq jours)

– la fourniture de dernier recours organisée par le VI du même article (maintien, au terme de la période de fourniture de secours et à des conditions différentes de celle-ci, de l’alimentation d’un client dont le fournisseur est défaillant jusqu’au terme de son contrat).

Il convient de rappeler que cette mission de service public est assurée, dans leur zone de desserte, par les distributeurs non nationalisés et, sur le reste du territoire national, par EDF.

Le présent paragraphe procède, par coordination avec l’éligibilité totale imposée par la directive au 1er juillet 2007, à la modification de la première de ses composantes qui correspondra désormais à la fourniture des clients n’ayant pas exercé leur éligibilité. Il résulte de cette disposition qu’EDF et, dans leur zone de desserte, les DNN conserveront le monopole de la fourniture aux tarifs réglementés.

Par ailleurs, il est proposé de faire explicitement mention de la mise en œuvre de la tarification spéciale « produit de première nécessité » définie au I de l’article 4 dans le contenu de la mission de service public de fourniture aux clients n’ayant pas exercé leur éligibilité. Là encore, cette disposition confirme le monopole d’EDF et, dans leur zone de desserte, des DNN pour la fourniture de cette tarification spéciale. La situation sera donc différente de celle prévue par l’article 3 pour le tarif spécial de solidarité du gaz qui pourra, lui, être offert par des fournisseurs autres que Gaz de France et les DNN dans l’hypothèse où un client ayant exercé son éligibilité et ayant choisi un fournisseur alternatif se trouverait ultérieurement en situation de bénéficier de ce tarif spécial.

Le paragraphe II modifie l’article 22 qui organise aujourd’hui l’éligibilité des consommateurs d’électricité en l’ouvrant à tous les consommateurs finals hormis les ménages pour rendre également éligibles ces derniers.

La première phrase pose le principe de l’éligibilité de tous les consommateurs finals, conformément à la directive. Il est ainsi précisé que tout consommateur peut librement choisir son fournisseur pour un site de consommation. L’éligibilité reste donc, comme c’est le cas dans le droit existant, liée au site : un consommateur pourra faire jouer son éligibilité sur certains de ses sites et conserver le tarif réglementé sur les autres.

La deuxième phrase prévoit que le consommateur n’exerçant pas son éligibilité conserve le droit au tarif réglementé. La portée de cette disposition et son articulation avec les autres dispositions du texte méritent, sans doute, d’être précisées. On notera, en outre, qu’elle ne prend pas en compte la notion de site.

Dire, comme l’indique la rédaction actuelle, que les consommateurs n’exerçant pas leur éligibilité « continuent de bénéficier des tarifs » suppose, en effet, qu’ils étaient déjà bénéficiaires de ce tarif et pose donc implicitement la question des nouveaux sites de consommation.

Cette disposition semble donc, au moins pour partie, redondante avec le troisième alinéa du I de l’article 4 de la loi de 2000, non modifié par le projet de loi, qui dispose qu’un client éligible n’exerçant pas son éligibilité « conserve le contrat en vigueur à la date à laquelle il devient éligible », contrat qui, par construction, prévoit son alimentation au tarif réglementé.

Par ailleurs, comme on l’a rappelé, l’article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique prévoit, lui, que les tarifs réglementés « bénéficient, à sa demande, à un consommateur éligible pour la consommation finale d'un site » dont l’éligibilité n’a pas été exercée par lui-même ou par un occupant antérieur. Le même article précise toutefois que pour les nouveaux sites, cette disposition n’est applicable que jusqu’au 31 décembre 2007, cette dernière précision étant issue d’un sous-amendement du Gouvernement. Le projet de loi ne propose de modifier, sur le fond, cette disposition, qui fait l’objet d’une nouvelle rédaction à l’article 4 du projet de loi, que pour ce qui concerne les consommateurs non domestiques pour lesquels les nouveaux sites pourraient bénéficier des tarifs après le 31 décembre 2007.

En l’état du droit et du projet de loi, un consommateur a donc droit au tarif réglementé :

– pour le site qu’il occupait lorsqu’il est devenu éligible en conservant son contrat (article 4 de la loi de 2000),

– pour un nouveau site déjà alimenté en électricité et dont il prendrait possession à la condition que l’éligibilité de ce site n’ait jamais été exercée (article 66 de la loi de 2005 et article 4 du projet de loi),

– jusqu’au 31 décembre 2007 pour un nouveau site dont il demanderait l’alimentation en électricité (article 66 de la loi de 2005), la limitation dans le temps étant levée par l’article 4 du projet de loi pour les consommateurs domestiques.

La troisième phrase dispose que tout consommateur domestique peut bénéficier de la tarification spéciale « produit de première nécessité » s’il réunit les conditions ouvrant droit au bénéfice de cette tarification. Elle pourrait apparaître purement redondante avec le droit existant mais ce n’est, en réalité, pas le cas. Cette phrase ouvre, en effet, l’accès à la tarification spéciale « produit de première nécessité » aux consommateurs ayant exercé leur éligibilité qui n’est évidemment pas prévue par le droit existant, cette tarification ne pouvant concerner que des ménages qui, en l’état du droit, ne sont pas éligibles.

Aucune disposition ne précise les conditions de fourniture de cette tarification spéciale mais, comme on l’a vu, il ressort des dispositions du I qu’elle sera assurée par EDF et, dans leur zone de desserte, par les DNN.

La dernière phrase prévoit l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat pour préciser les conditions d’application du présent alinéa.

Le paragraphe III procède, par coordination, à la substitution, dans l’ensemble de la loi de 2000, de la notion de « tarifs réglementés » à celle de « tarifs de vente aux clients non-éligibles ».

Lors de l’examen de cet article, M. Christian Bataille, présentant les amendements nos 6744 à 6776, a exposé qu’au contraire de la majorité, son groupe considérait que le maintien de sociétés publiques dans l’économie française était nécessaire à l’équilibre de celle-ci.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, s’est déclaré défavorable aux amendements présentés au motif que ceux-ci ne faisaient que répéter des dispositions figurant déjà dans la loi.

Après que le Président Patrick Ollier a ajouté que la majorité n’avait pas l’intention de mettre fin au caractère public d’EDF, la Commission a rejeté les amendements identiques nos 6744 à 6776.

Deux amendements identiques, l’un de M. Jean Proriol, l’autre de M. Pierre Micaux ont alors été examinés.

M. Jean Proriol a présenté ces amendements visant à préciser que c’est une filiale spécifique d’EDF qui sera chargée de la mise en œuvre des dispositions de la loi du 10 février 2000 relatives à l’électricité tarifée et que ces dispositions ne pourront concerner dans l’avenir que les clients n’ayant pas exercé leur droit à l’éligibilité.

Après que le rapporteur a donné un avis favorable à ces amendements, MM. Christian Bataille, François Brottes et Daniel Paul se sont émus d’une démarche qui, au détour de l’examen d’un projet de loi consacré à la privatisation de GDF, faisait disparaître une référence à EDF et à son statut public ; M. François Brottes a ajouté que l’amendement se plaçait clairement dans l’optique d’une privatisation, voire d’un démantèlement futur d’EDF.

M. Pierre Micaux a répondu qu’il s’agissait au contraire d’une disposition protectrice pour EDF ; EDF, au contraire des collectivités locales, est concédant, et non concessionnaire.

M. François Brottes a suggéré, afin d’apaiser toute crainte, de modifier l’amendement en précisant que la société chargée de la gestion de l’électricité tarifée était publique, et il a déposé un sous-amendement en ce sens.

Après que le rapporteur l’eut accepté, M. Serge Poignant s’est réjoui que le groupe socialiste se prononce ainsi favorablement envers l’amendement ainsi sous-amendé.

M. François Brottes ayant répondu que cet accord ne pouvait concerner que l’alinéa premier, sur lequel portait le sous-amendement, et non l’ensemble de l’amendement, M Serge Poignant a exposé que, dans ces conditions, le groupe UMP rejetterait le sous-amendement.

Après avoir rejeté le sous-amendement de M. François Brottes, la Commission a adopté les amendements identiques de MM. Proriol et Micaux (amendement n° 88527).

Le Président Patrick Ollier a alors considéré qu’avec les amendements nos 10770 à 19301, la Commission abordait une nouvelle série de dispositions, relatives au tarif social de l’électricité.

M. François Brottes a indiqué que ces amendements avaient pour objet d’instituer un encadrement solide de la vente d’énergie. L’énergie est désormais un produit de première nécessité. Or, l’entrée de la fourniture d’énergie dans la sphère de l’économie privée comporte de forts risques d’arbitrages en faveur de la solidité des dividendes au détriment de la qualité des tarifs sociaux. Pour écarter ce risque, et protéger ceux qui en ont le plus besoin, un encadrement législatif est nécessaire. Un dispositif contractuel entre l’État et l’entreprise n’est en effet pas suffisant. Tout contrat, on l’a déjà vu, comporte des clauses de sortie, et ce hors de tout contrôle du Parlement.

M. Christian Bataille a ajouté que les dispositions proposées avaient pour objet de conforter le dispositif de tarifs sociaux institué par la loi de 2000. En effet, on ne peut plus désormais exclure une privatisation d’EDF.

Or, dans la limite certes de la satisfaction de certains besoins, l’électricité est devenue un produit de première nécessité dont on ne peut, au même titre que l’air ou l’eau, être exclu pour des raisons économiques.

C’est cette démarche qui a fondé les séries d’amendements présentées. Chacune d’elle propose un encadrement du tarif des ressources électriques fondé sur le revenu, calculé par rapport au SMIC. La série d’amendements la plus exigeante prévoit que cet encadrement s’applique aux foyers disposant de revenus inférieurs à deux fois le SMIC. La plus modeste limite cet avantage aux foyers ne disposant que moins de la moitié du SMIC.

Le groupe socialiste propose ainsi à la majorité un éventail de choix pour déterminer le niveau de revenus à partir duquel elle souhaitera ouvrir l’accès à un prix garanti d’accès à l’électricité.

M. Jean Gaubert a précisé qu’il s’agissait de faire face aux transformations des conditions de fixation des tarifs de l’électricité. Dans la logique ancienne, les tarifs étaient fixés en fonction du prix de revient de l’électricité. Aujourd’hui, nous entrons dans une logique de prix de marché. L’écart entre l’offre et l’ampleur de la demande a entraîné en 2003 une hausse de 45 % des prix. Pour y faire face, il y a bien la solution de conserver des prix administrés ; cependant, la CRE a proposé un rapprochement progressif du prix administré et du prix de marché. Cette solution n’est donc pas satisfaisante. C’est pourquoi l’idée du groupe socialiste est d’utiliser le dispositif du tarif de première nécessité, en l’élargissant au-delà de ses limites actuelles.

Mme Geneviève Gaillard a rappelé les difficultés rencontrées par des ménages dont les revenus d’activités ne leur permettent pas de s’acquitter des factures d’électricité et de gaz. Considérant que l’énergie était un produit de première nécessité, elle a souligné que bien souvent les collectivités locales se trouvaient dans l’obligation de trouver des solutions d’urgence pour garantir à ces familles leur droit fondamental à un minimum de bien-être et de confort, tel qu’affirmé par le préambule de 1946.

M. Pierre Micaux s’est associé au constat dressé par M. Jean Gaubert d’une orientation libérale de l’action et des avis de la CRE.

M. Jean Proriol a regretté que la Commission des affaires économiques n’ait pas procédé à l’audition de la CRE et de sa nouvelle direction, qui aurait pu s’expliquer sur ses prévisions concernant un alignement progressif du tarif réglementé sur le prix de marché, qui conduirait ainsi à une disparition de fait de celui-là. Précisant que la précédente direction de la CRE aboutissait également à pareilles conclusions, il a estimé que le tarif social avait vocation à demeurer l’unique instrument d’une politique sociale en matière d’électricité.

Le Président Patrick Ollier a indiqué que parmi les conditions posées par le groupe UMP à son soutien au présent projet de loi, figurait l’instauration d’un tarif social en matière de gaz ; il s’est félicité de ce que cette novation figure dans le texte présenté par le gouvernement.

M. Jean Dionis du Séjour a déploré le manque de lisibilité du tarif social en matière d’électricité, et a regretté que l’éligibilité à ce tarif soit liée au bénéfice d’un revenu d’assistance, c’est-à-dire la CMU. Estimant que les amendements déposés par le groupe socialiste soulevaient une question intéressante, il s’est néanmoins interrogé sur le coût des solutions proposées.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que les menaces qui pèsent sur les bénéficiaires du tarif social, évoquées en particulier par M. Jean Gaubert, sont liées à l’ouverture complète des marchés de l’énergie à la concurrence dès le 1er juillet 2007. Rappelant la distinction entre tarif réglementé et prix de marché, il a indiqué avoir obtenu du gouvernement que ce tarif soit maintenu pour les consommateurs qui choisissent de ne pas exercer leur éligibilité. S’agissant du tarif social, il a indiqué qu’il avait été créé par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, celle-ci renvoyant, pour son application, à un décret que les gouvernements soutenus par l’opposition d’aujourd’hui, alors majoritaire, n’avaient jamais pris. Il a ajouté qu’il avait fallu attendre que le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin s ‘acquitte de cette obligation en 2004 pour que le tarif social trouve une application concrète. Dénonçant le caractère démagogique des propositions actuelles du groupe socialiste, qui envisage d’élever le plafond d’éligibilité au tarif social actuellement fixé au niveau de revenus ouvrant droit au bénéfice de la CMU, soit 5500 euros pas an, à 1.5 voire 2 fois le SMIC, il a souligné par ailleurs que la majorité souhaitait encore améliorer le tarif social à l’occasion de ce projet de loi en obtenant une modification du décret.

Il s’est donc déclaré défavorables aux amendements n° 10770 à 11297, aux amendements n°11430 à 11891, aux amendements n°11892 à 12221, aux amendements n°18327 à 18821, ainsi qu’aux amendements n°18822 à 19301.

M. François Brottes a estimé que le contexte était très différent en 2000 de ce qu’il est aujourd’hui, puisque l’ouverture à la concurrence envisagée à l’époque était limitée et ne concernait pas les ménages. La question du tarif social ne se posait donc pas avec la même acuité qu’aujourd’hui, alors que le présent projet de loi prévoit une ouverture totale à la concurrence au 1er juillet 2007.

Il a ajouté que la disparition programmée du tarif réglementé commandait de sécuriser et d’élargir rapidement le dispositif du tarif social, d’autant que si le contrat de service public liant l’Etat à EDF imposait en 2000 une baisse des tarifs pratiqués, en 2006 ce contrat ménage la possibilité d’une hausse dans la limite de l’inflation.

Il a également regretté que la CRE n’ait pas été auditionnée par la Commission, puis, soulignant le consensus des commissaires au sujet de la nécessité d’une réforme du tarif social, il a invités ces derniers à considérer avec attention les 72 propositions concrètes formulées par le groupe socialiste.

Après que M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a objecté qu’il n’y avait pas de rapport entre l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie aux clients éligibles et la volonté de prendre en compte la situation des ménages économiquement fragiles par l’instauration d’un tarif social, M. Jean Gaubert a insisté sur la spécificité du contexte de la loi de 2000 par rapport à celui du présent projet de loi. La perspective de l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie pour les ménages était encore lointaine, et le tarif administré atteignait un niveau proche de celui du prix de revient. Estimant que la CRE s’employait à accélérer la disparition du tarif réglementé, il a jugé que la question du tarif social revêtait aujourd’hui un incontestable caractère d’urgence. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de protéger les consommateurs les plus faibles qui sont aussi les plus susceptibles de céder aux sollicitations commerciales tendant à leur faire accepter un autre tarif que le tarif administré.

Constatant lui aussi le consensus se dégageant sur la nécessité de sécuriser le dispositif du tarif social, M. Léonce Deprez a appelé à une clarification du dispositif actuel qu’il a jugé par trop bureaucratique.

M. Jean Dionis du Séjour a regretté que l’éligibilité au tarif social soit lié au bénéfice d’un revenu d’assistance, et a également dénoncé l’existence d’un effet de seuil lié au critère retenu.

M. Serge Poignant a rappelé qu’au cours de l’examen de la loi d’orientation sur l’énergie, la question du tarif social avait été soulevée, et que les discussions en cours avec le gouvernement devaient permettre d’aboutir aux simplifications jugées nécessaires par tous.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a salué les dispositions du présent projet de loi qui prévoient la création d’un tarif social en matière de gaz, puis a précisé que l’aide apportée aux ménages ne se limitait pas au tarif social financé par la contribution au service public de l’électricité, mais comprenait également l’interdiction des coupures en hiver, ainsi que les actions menées par les collectivités locales, par exemple à travers le Fonds de solidarité pour le logement. Il a conclu en estimant que le tarif social n’aurait jamais eu d’existence concrète sans l’action du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

M. Christian Bataille rappelant qu’il avait été le rapporteur de la loi du 10 février 2000, a affirmé qu’il ne s’agissait nullement alors de privatiser ce qui était encore considéré alors comme un service public de l’électricité. Il a jugé que la question était de savoir qui, des consommateurs ou des collectivités locales, devaient financer la solidarité avec les ménages en difficulté.

La Commission a alors rejeté :

– les amendements nos 10770 à 11297 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements nos 11430 à 11891 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements nos 11892 à 12221 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements nos 18327 à 18821 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements nos 18822 à 19301 présentés par des membres du groupe socialiste.

Puis la Commission a adopté un amendement du rapporteur visant à supprimer la disposition concernant le maintien du bénéfice du tarif réglementé pour les consommateurs n’exerçant pas leur droit d’option pour le prix de marché pour rassembler les dispositions relatives à cette question à l’article 4 (amendement n° 88528).

Les amendements nos 2958 à 3107, présentés par des membres du groupe socialiste, sont alors devenus sans objet.

M. François Brottes a déploré qu’ait été présenté comme un simple amendement rédactionnel du rapporteur un amendement qui privait le groupe socialiste de débat sur plus de 150 amendements.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a contesté cette analyse et a précisé que son amendement avait pour objet de rassembler avant l’article 4 l’ensemble des dispositions relatives au maintien et au retour au tarif.

Deux amendements de M. Jean Dionis du Séjour, deux amendements de M. Daniel Paul, les amendements n°s 3141 à 3290 du groupe socialiste concernant l’application des tarifs ont été réservés jusqu’avant l’article 4.

Puis la Commission a examiné trois amendements de M. Daniel Paul tendant à supprimer les consultations obligatoires de la CRE prévues par la loi du 10 février 2000, et à créer un observatoire national du service public de l’électricité et du gaz.

Après que le rapporteur a estimé que, dans un contexte de marché, la présence d’un régulateur s’avérait indispensable, et précisé que les avis de la CRE ne liaient pas le ministre qui demeurait seul compétent, la Commission a rejeté ces trois amendements.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour visant à ce que tous les fournisseurs d’électricité puissent bénéficier de la compensation du surcoût né de l’exécution des obligations d’achat, dans les mêmes conditions qu’Électricité de France.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a demandé le retrait de cet amendement, afin de travailler sur cette question intéressante. M. Jean Dionis du Séjour a donc retiré cet amendement.

La Commission a ensuite rejeté un amendement déposé par M. Daniel Spagnou, visant à renforcer les pouvoirs de la commission de régulation de l’énergie.

Puis, la Commission a adopté l’article 1er ainsi modifié.

Après l’article 1er

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 5352 à 5384 rect., et nos 5535 à 5567 rect. présentés par des membres du groupe socialiste.

M. François Brottes a indiqué que le Consortium Exeltium était un groupement de grandes entreprises fortement consommatrices en électricité, dont l’efficacité et la compatibilité avec la réglementation communautaire font débat. Il a rappelé que la France enregistrait une perte de compétitivité dans le domaine de l’énergie, dans la mesure où elle est maintenant située derrière le Japon ou l’Afrique du Sud, alors que le prix de l’énergie devient un poids important pour nos entreprises. Ces amendements proposent donc, a-t-il indiqué, d’élargir le Consortium Exeltium à des industries qui en sont aujourd’hui exclues, ce qui permettrait également d’éviter des contentieux futurs.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que les industries électro-intensives adhérentes au consortium achètent leur électricité au terme d’un appel d’offre actuellement en cours, que cet amendement risque de remettre en cause. En outre, il a indiqué que cet amendement représentait un risque pour le Consortium, la demande étant déjà supérieure à l’offre ; il a en outre rappelé que les entreprises qui ne font pas partie de cette instance pourront bénéficier du tarif transitoire d’ajustement du marché, prévu par un amendement du rapporteur.

M. François Brottes, rappelant que les relations contractuelles entre les gros consommateurs d’électricité et Électricité de France prévoyaient la possibilité de coupures en cas de forte demande contre un tarif préférentiel, dit EJP (effacement jours de pointe) s’est interrogé sur la probable disparition de cette disposition, la jugeant très favorable à une bonne gestion de l’offre et de la demande d’électricité.

Le rapporteur a indiqué que ce tarif existait encore mais qu’il n’était de toute façon pas du domaine du législateur.

M. Jean Gaubert, soulignant que EDF ne voulait plus proposer le tarif EJP, a estimé que le marché de l’énergie n’étant pas un marché normal, il serait dangereux de le libéraliser et de supprimer dans le même temps les relations contractuelles qui permettent de le stabiliser. Il a en outre indiqué que la commission de régulation de l’énergie avait plus pour objectif de promouvoir une conception libérale du marché de l’énergie que de maintenir des prix bas.

La Commission a ensuite rejeté ces amendements.

La Commission a ensuite rejeté deux amendements identiques présentés par MM. Martial Saddier et Antoine Herth précisant les conditions dans lesquelles un responsable d’équilibre défaillant après mise en demeure par le gestionnaire du réseau de transport voit son contrat avec ce dernier dénoncé.

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 398 à 430 présentés par des membres du groupe socialiste. Après que M. François Brottes eut indiqué que ces amendements visaient à ce que le gouvernement réalise un document de politique transversale dans le cadre de chaque loi de finances, le rapporteur a rappelé que ces amendements étaient satisfaits. La Commission a donc rejeté ces amendements.

Les amendements nos 3141 à 3290 présentés par des membres du groupe socialiste ont ensuite été réservés pour être discutés à l’article 4, ainsi qu’un amendement de M. Jean Dionis du Séjour visant à préciser les conditions de retour au tarif par les clients ayant fait jouer leur éligibilité.

Article 2

Eligibilité de l’ensemble des consommateurs de gaz naturel

Le paragraphe I modifie les conditions d’éligibilité des consommateurs finals de gaz naturel en ouvrant cette éligibilité à l’ensemble des consommateurs finals, pour chacun de leurs sites.

Il maintient la référence à un décret en Conseil d’Etat qui pourra préciser la notion de site.

Le paragraphe II précise qu’un consommateur final n’exerçant pas son éligibilité conserve le bénéfice des tarifs réglementés.

Ce paragraphe soulève les mêmes interrogations que la deuxième phrase du deuxième alinéa du paragraphe II de l’article 1er et, comme elle, n’emploie pas la notion de site, ce qui est un facteur de confusion.

Le paragraphe III procède à des modifications de coordination de la loi de 2003.

Lors de l’examen de cet article, la Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 88529) visant à rassembler au sein de l’article 4 les dispositions relatives à l’accès au tarif réglementé, rendant ainsi sans objet les amendements nos 3456 à 3605 présentés par des membres du groupe socialiste, un amendement de M. Daniel Paul visant à permettre un retour aux tarifs aux clients ayant fait jouer leur éligibilité et un amendement du même auteur visant à permettre à tout consommateur un retour aux tarifs réglementés en cas de différence de plus de 5 % avec le prix de marché.

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 88530), puis elle a rejeté trois amendements de M. Daniel Paul visant à limiter les pouvoirs de la commission de régulation de l’énergie au profit de l’observatoire national du service public de l’électricité.

Puis, la Commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Après l’article 2

La Commission a rejeté deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth visant à harmoniser les règles actuelles d’exercice de l’éligibilité par les clients éligibles entre l’électricité et le gaz naturel.

Article 3

Tarification de solidarité pour le gaz naturel et compensation des charges en résultant

Le présent article institue une tarification spéciale de solidarité pour le gaz naturel (I), ajoute sa fourniture aux obligations de service public imposées aux fournisseurs (II), organise la péréquation des charges en résultant entre les fournisseurs (III) et permet de sanctionner les opérateurs défaillants (IV).

Le paragraphe I complète par un nouveau paragraphe V l’article 7 de la loi de 2003 pour créer une tarification de solidarité pour le gaz naturel, étroitement inspirée de la tarification spéciale "produit de première nécessité" dont peuvent bénéficier des consommateurs domestiques d’électricité.

On se souvient que cette tarification spéciale de l’électricité, dont le principe avait été posé dans la loi de 2000, n’est, en pratique, entrée en application qu’en 2004 à la publication, par le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, du décret (décret n°2004-325 du 8 avril 2004) qui en conditionnait l’entrée en vigueur. On se souvient également que le champ des prestations couvertes par cette tarification spéciale a été étendu aux services liés à la fourniture par l’article 3 de la loi de 2004, issu d’un amendement de votre rapporteur.

La rédaction du dispositif proposé est très proche de celle des dispositions du dernier alinéa du I de l’article 4 de la loi de 2000 régissant la tarification spéciale "produit de première nécessité" de l’électricité. Elle reprend les mêmes principes soit :

– un bénéfice de la tarification de solidarité lié au niveau de revenu et à la composition du foyer (sachant que, pour l’électricité, le décret du 8 avril 2004 fixe à 5 520 euros le montant annuel des ressources permettant à un foyer de bénéficier de la tarification spéciale),

– une tarification spécifique sur une part de la consommation (sachant que, pour l’électricité, le décret du 8 avril 2004 fixe le plafond de consommation bénéficiant de la tarification spéciale à 100 KWh par mois et dispose que cette tarification spéciale repose sur l’application d’un pourcentage de réduction, fonction de la taille du foyer et compris entre 30 et 50 %, sur la partie fixe du tarif et sur le prix de l'énergie),

– une application de la tarification spéciale aux services liés à la fourniture (interventions sur les compteurs par exemple pour la mise en place d’un service de maintien d’énergie ou pour un rétablissement de la fourniture après coupure),

– une information des distributeurs sur les ayants droits potentiels à partir de fichiers constitués par les organismes d’assurance maladie.

Compte tenu, d’une part, de la grande similitude du dispositif proposé avec celui existant en matière électrique et, d’autre part, du fait que, par construction, tous les consommateurs de gaz naturel sont également consommateurs d’électricité, il apparaît possible de simplifier substantiellement la rédaction du projet de loi en ouvrant droit à la tarification spéciale de solidarité pour le gaz naturel aux ayants droits à la tarification spéciale existante pour l’électricité.

Le paragraphe II modifie l’article 16 de la loi de 2003 qui énumère les obligations de service public imposées notamment aux fournisseurs dans le cadre de leurs autorisations de fourniture pour ajouter parmi celles-ci la fourniture de gaz naturel à un tarif spécial de solidarité.

Il résulte de cette disposition et de l’absence de disposition établissant un monopole de la fourniture au tarif spécial que celui-ci pourra être offert par tous les fournisseurs, y compris donc, pour les consommateurs domestiques ayant exercé leur éligibilité, par des fournisseurs autres que Gaz de France ou les DNN.

Le paragraphe III créé, au sein de la loi de 2003, un nouvel article 16-2 organisant la compensation des charges supportées par les fournisseurs au titre de la fourniture au tarif spécial de solidarité.

Le dispositif proposé repose sur une rédaction très similaire à celle de l’article 5 de la loi de 2000 qui organise la compensation des charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques. A la différence de celui-ci, la compensation n’est toutefois pas supportée par le consommateur final (sous la forme d’un prélèvement obligatoire s’ajoutant à la facture) au prorata de leur consommation mais par les fournisseurs au prorata des quantités qu’ils livrent à des consommateurs finals.

Le premier alinéa du nouvel article créé pose le principe de la compensation et précise que le champ des charges compensées correspond, d’une part, aux pertes de recettes résultant de l’application du tarif spécial et, d’autre part, aux coûts résultant de son application en tant que ceux-ci sont distincts des pertes de recettes ce qui correspond donc aux coûts de gestion du dispositif.

Le deuxième alinéa organise le calcul de ces charges sur la base d’une comptabilité établie selon des règles fixées par la CRE et contrôlée par elle, aux frais des opérateurs.

Le troisième alinéa définit les contributeurs à la compensation de ces charges qui sont les fournisseurs de gaz naturel, au prorata des quantités qu’ils vendent à des consommateurs finals.

Le quatrième alinéa organise le calcul de la contribution de compensation qui est fixée annuellement par le ministre chargé de l’énergie sur proposition de la CRE afin de couvrir intégralement les charges ainsi que les frais de gestion exposés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), implicitement désignée ainsi comme gestionnaire du fonds comme cela est également le cas pour l’électricité. Il est précisé, comme cela est également le cas pour l’électricité, que le montant de la contribution est automatiquement renouvelé pour l’année suivante en l’absence d’entrée en vigueur d’un nouvel arrêté la fixant.

Le cinquième alinéa plafonne le montant de la contribution de compensation à « 2 % du tarif réglementé de vente du kilowattheure, hors abonnement et hors taxes, applicable à un consommateur final domestique chauffé individuellement au gaz naturel ». On se souvient que, pour l’électricité, énergie pour laquelle les charges de service public sont beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus lourdes, la contribution applicable à chaque kilowattheure est également plafonnée à « 7 % du tarif de vente du kilowattheure, hors abonnement et hors taxes, correspondant à une souscription d'une puissance de 6 kVA sans effacement ni horosaisonnalité ». Il existe, en outre, en matière électrique, un plafonnement de la contribution totale due par site de consommation finale à 500 000 euros par an.

Le sixième alinéa organise les flux financiers de la compensation. Il prévoit que les contributeurs nets, c’est-à-dire les fournisseurs dont la compensation due au regard de leurs ventes aux consommateurs finals excède les charges compensées qu’ils supportent, versent périodiquement cette différence à la CDC laquelle reverse, selon la même périodicité, la compensation due aux fournisseurs dont les charges excèdent la compensation qu’ils doivent verser.

Le septième alinéa établit une pénalité de retard de 10 % à la charge des contributeurs nets ne versant pas la compensation due dans les deux mois de la date à laquelle elle l’est. Une disposition identique est prévue pour l’électricité.

Le huitième alinéa organise une régularisation a posteriori, au titre des charges de l’année suivante, des écarts constatés au cours d’une année. Une disposition identique est prévue pour l’électricité.

Enfin, le dernier alinéa prévoit l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat pour préciser les conditions d’application du présent article 16-2.

Le paragraphe IV complète l’article 31 de la loi de 2003 qui permet au ministre chargé de l’énergie de sanctionner, soit par une sanction pécuniaire soit par un retrait ou par une suspension temporaire d’autorisation, les auteurs de manquements à diverses dispositions de cette loi. Le présent paragraphe étend le champ des infractions pouvant être ainsi sanctionnées aux auteurs de manquements aux dispositions de l’article 16-2 créé par le paragraphe III.

Lors de l’examen de cet article, la Commission a examiné un amendement présenté par le rapporteur visant à simplifier le dispositif relatif au tarif de solidarité du gaz naturel, en ouvrant le bénéfice de ce tarif aux consommateurs pouvant bénéficier de la tarification spéciale de l’électricité.

M. François Brottes s’est étonné que cette simplification conduise à renvoyer au décret les précisions nécessaires à la compréhension du tarif social du gaz, par le biais de l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000.

M. Jean Gaubert a fait remarquer que ce mécanisme avantageait les foyers utilisant du gaz et de l’électricité et a regretté que ce dispositif instaure une inégalité entre les ménages qui peuvent avoir recours au gaz et les autres.

Le rapporteur a indiqué étudier les modifications à apporter à ce dispositif.

M. Jean Proriol a indiqué qu’un opuscule édité par Électricité de France en 2005 affirme que le tarif de première nécessité s’applique aux foyers dont les ressources sont inférieures à 460 euros, conduisant à une réduction annuelle de 30, 40 ou 50 % en fonction de la composition familiale. Il a par ailleurs indiqué que 370 000 familles bénéficiaient de ce tarif au 1er juillet 2005, et que 250 000 familles bénéficient du fonds de solidarité pour le logement (FSL).

La Commission a ensuite adopté cet amendement (amendement n° 88531), rendant sans objet les amendements nos 497 à 529, les amendements nos 4188 à 4337 et les amendements nos 10374 à 10604 présentés par des membres du groupe socialiste

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 7272 à 7568 présentés par des membres du groupe socialiste. Après que M. François Brottes eut indiqué qu’ils avaient pour objet d’élargir les critères d’éligibilité au tarif social du gaz, et que le rapporteur eut répondu que ces précisions relevaient du domaine réglementaire, la Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 7569 à 7997 présentés par des membres du groupe socialiste. M. François Brottes a indiqué que ces amendements avaient pour objet de préciser dans la loi les critères d’éligibilité au tarif social du gaz. M. Jean Dionis du Séjour s’est dit opposé à ce qu’un tarif social soit lié non pas à un niveau de ressource mais à un statut, ce qui relève d’une vision archaïque de la politique sociale. Le rapporteur a jugé que ces précisions relevaient du domaine réglementaire, en critiquant le fait que, au terme du dispositif prévu, le chômage d’une personne du foyer pendant plus de 6 mois suffise à faire bénéficier le foyer du tarif social. Puis, la Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 8691 à 9152 présentés par des membres du groupe socialiste. M. François Brottes a précisé que ces amendements visaient à faire des propositions à la majorité actuelle, afin que certaines idées puissent être reprises.

Le rapporteur a indiqué qu’en dépit de son ouverture, les propositions rédigées par le groupe socialiste étaient impossible à mettre en œuvre. La Commission a alors rejeté ces amendements.

La Commission a ensuite rejeté les amendements nos 9153 à 9680 présentés par des membres du groupe socialiste. Elle a ensuite adopté trois amendements rédactionnels et de précision du rapporteur (amendements nos 88532, 88533 et 88534).

Puis, la Commission a examiné un amendement de M. Jean Dionis du Séjour, visant à harmoniser les bases de calcul de la contribution aux charges de services public, en optant pour le tarif réglementé de vente du kilowattheure.

M. François Brottes s’est dit totalement opposé à cet amendement, dans la mesure où il conduirait à diminuer le montant global de la contribution, mais aussi à pénaliser les tarifs du gaz au profit des prix fixés par le marché.

M. Jean Dionis du Séjour a alors retiré cet amendement.

La Commission a ensuite adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 88535).

Puis la Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour visant à soumettre à l’avis préalable du Conseil de la Concurrence l’envoi par la Commission de régulation de l’énergie d’une lettre de rappel assortie de pénalités de retard en cas de défaut de paiement de la contribution aux charges de service public. Après que M. Jean Dionis du Séjour a expliqué que ces litiges étaient souvent dus à des problèmes de concurrence, M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, s’est déclaré défavorable à l’adoption de cet amendement, de nature à alourdir les procédures. Suivant son rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté deux amendements de précision du rapporteur (amendements nos 88536 et 88537) puis l’article 3 ainsi modifié.

Après l’article 3

La Commission a examiné les amendements nos 4338 à 4487 présentés par des membres du groupe socialiste, ainsi que les amendements nos 4488 à 4637 présentés par des membres du même groupe.

M. Jean Gaubert a considéré que le tarif réglementé ne devait pas s’aligner sur le prix de marché mais s’approcher du prix de revient, majoré d’une petite marge pour permettre des investissements. En conséquence, il lui a semblé souhaitable d’interdire à la Commission de régulation de l’énergie de dénaturer le tarif réglementé en le rapprochant du prix du marché et de supprimer toute référence à ce dernier.

M. Daniel Paul a souligné les difficultés actuelles pour avoir connaissance des éléments de fixation du tarif. Il a rappelé que le législateur de 1946 avait fait en sorte que le tarif de l’électricité corresponde au seul coût réel de production et qu’il convenait de ne pas s’éloigner de cette conception, sauf à faire de l’énergie une marchandise comme une autre.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a considéré que ces amendements étaient satisfaits par les dispositions de la loi de 2000. S’agissant du débat sur le juste prix, il a observé que le niveau de certains des tarifs réglementés actuels était sans doute insuffisant.

M. Jean Gaubert a dénoncé l’interprétation non littérale de la loi de 2000 par la Commission de régulation de l’énergie tendant à rendre inopérante la notion de tarif réglementé et la volonté des opérateurs historiques de la voir disparaître. Il a estimé qu’EDF, comme toute entreprise, connaissait son prix de revient par unité de production et que la seule interrogation qui restait était le niveau de la provision pour démantèlement.

Suivant l’avis défavorable de son rapporteur, la Commission a rejeté les amendements nos 4338 à 4487 et nos 4488 à 4637 présentés par des membres du groupe socialiste.

Article additionnel avant l’article 4

Tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché

La Commission a examiné un amendement portant article additionnel présenté par le Président Patrick Ollier et le rapporteur instituant un tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché pour la fourniture d’électricité ainsi qu’un autre amendement des mêmes auteurs créant une compensation des fournisseurs supportant une charge du fait de ce tarif. Le Président Patrick Ollier a indiqué que ces amendements proposaient une solution à la hausse insupportable des prix de l’électricité affectant les entreprises qui avaient exercé leur éligibilité, hausse qui a pu atteindre plus de 85 %, et qu’ils permettaient un retour transitoire à un nouveau tarif réglementé. Il a souligné que ces amendements étaient le fruit d’un travail complexe entamé en juillet et salué l’attitude des ministres de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a précisé que l’amendement créant le nouveau tarif était indissociable du suivant présenté par les mêmes auteurs instituant une compensation destinée à financer ce dispositif. Il a rappelé la dégradation significative de la situation des entreprises qui avaient fait jouer leur éligibilité dans le cadre de la loi de 2000 : celles-ci avaient d’abord vu leur facture énergétique baisser et au bout de deux ans le prix de marché a atteint puis largement dépassé le tarif réglementé, jusqu’à des niveaux excédant ce tarif de 60 à 80 %. Il a précisé qu’en raison des engagements communautaires de la France, il semblait exclu de revenir au tarif réglementé de droit commun et qu’en conséquence l’idée d’une période transitoire d’ajustement avait été retenue. Il a indiqué que les entreprises qui ont fait jouer leur éligibilité auront jusqu’au 30 juin 2007 pour déclarer leur souhait de bénéficier de la tarification provisoire, qui s’appliquera pendant une durée de deux ans. Rappelant que ces entreprises avaient dans les premiers temps pu bénéficier d’une baisse de leur facture énergétique, il a expliqué que cette tarification de retour s’inscrivait à mi-chemin entre le tarif réglementé et le prix de marché, en ne pouvant excéder 30 % du tarif réglementé de vente. Il a ajouté que le financement du dispositif figurait dans l’amendement suivant, qui prévoit une compensation de la différence entre le coût de revient de la production des fournisseurs et les recettes correspondant à ce nouveau tarif prise en charge par la création d’une contribution due par les producteurs exploitant des installations d’une puissance supérieure à 2 000 mégawatts, assise sur le volume de leur production d’origine nucléaire ou hydraulique, sources d’énergie les moins coûteuses. Il a enfin rappelé que ces deux amendements résultaient d’une négociation approfondie.

M. Jean Gaubert a rappelé que la loi de 2000 ouvrait la faculté d’exercer son droit à l’éligibilité et n’instituait aucune obligation en la matière. Il a estimé que les entreprises concernées avaient cru que le prix du marché serait forcément plus bas que le tarif, sans même regarder ce qui se passait dans d’autres pays, tels la Norvège ou les Etats-Unis. Il a souligné que le fait de se retrouver dans un marché européen et non national avait constitué en outre un facteur aggravant. Rappelant que le prix de vente était constitué par la confrontation de l’offre et de la demande et non fondé sur le coût de revient dans un système de marché, il a jugé la hausse des prix non pas incompréhensible, comme indiqué dans l’exposé des motifs de l’amendement, mais simplement inadmissible. En conséquence, il a estimé que le marché n’allait pas s’assagir en raison de l’instauration de ce nouveau tarif provisoire et que le problème resterait entier dans deux ans. Il s’est par ailleurs déclaré choqué par la création d’une compensation au bénéfice des fournisseurs privés financée par une contribution pesant principalement sur les opérateurs historiques, dont les besoins financiers pour le renouvellement de leurs installations ont pourtant été soulignés par le rapporteur.

M. Daniel Paul a jugé que ces amendements étaient allés au plus simple. Alors que l’élargissement du marché devrait conduire à une pente ascendante des prix, il a estimé que ces amendements reposaient sur une hypothèse inverse à l’issue de la période transitoire de deux ans. Il s’est inquiété de la situation des entreprises électro-intensives au bout des deux années et a critiqué le financement de la compensation par une contribution due par les opérateurs historiques. Il a souligné le risque de faire supporter au bout du compte cette charge par les usagers domestiques ou les PME, si rien n’empêche dans le dispositif de l’amendement une augmentation du tarif réglementé. Il a conclu en rappelant la hausse des dividendes de GDF de 48 % en 2005.

M. Pierre Ducout a observé que l’amendement proposé ouvrait le régime transitoire à tous les clients ayant fait jouer leur éligibilité, et reposait sur l’hypothèse qu’il n’y avait aucune difficulté à calculer le prix de revient. Il s’est interrogé sur l’impact que ce dispositif aurait sur le tarif, sachant que la charge correspondante conduirait à un relèvement du prix de revient. Il a demandé si des engagements avaient été pris par le ministre de l’économie à cet égard.

M. Jean Dionis du Séjour s’est étonné que l’amendement permette un accès au régime provisoire immédiatement après avoir fait jouer l’éligibilité, ce qui ouvre considérablement le dispositif, et le rend très cher, contrairement à la solution qu’il préconisait, limitant le mécanisme de retour aux clients ayant subi des écarts de prix très importants.

M. François Brottes a résumé la proposition en notant qu’elle visait à augmenter les tarifs réglementés pour pouvoir baisser les prix. Il a estimé que tous les clients ayant fait jouer leur éligibilité demanderaient le bénéfice du dispositif, et que celui-ci serait donc effectivement très coûteux. Il a observé que les opérateurs non producteurs, puisqu’ils se verraient compenser des rabais qu’ils devraient consentir dans ce cadre à leurs clients, ne seraient en rien pénalisés par le dispositif, alors même qu’ils ont contribué, à la manière de coucous venant s’établir sur les capacités productrices des autres producteurs, aux difficultés liées à la mise en jeu de l’éligibilité. Il s’est inscrit en faux contre une présentation tendant à faire accroire l’idée que les clients ayant fait jouer leur éligibilité auraient assez gagné dans un premier temps pour que la remontée ultérieure des prix ne les ait finalement pas trop lésés : en réalité, les industriels électro-intensifs n’ont bénéficié dans un premier temps que d’un gain de un pour encourir ensuite une perte de neuf. Il s’est interrogé sur le risque que le dispositif ne conduise finalement à supprimer en pratique le tarif réglementé. Il a demandé si l’écart par rapport au tarif serait constaté en valeur annuelle moyenne ou « au fil de l’eau ». Il a constaté enfin que l’amendement présenté, tel qu’il était conçu, avait pour effet de court-circuiter une partie importante de la discussion parlementaire en faisant tomber un grand nombre d’amendements.

M. Serge Poignant a rappelé que le dispositif juridique permettant de protéger les industries électro-intensives contre les très fortes hausses du prix de l’électricité des derniers mois devait avoir un soubassement législatif, faute de quoi il ne pourrait être mis en place. Il a indiqué que ses modalités résultaient de compromis, s’agissant de la période transitoire de deux ans, comme du niveau fixé pour le tarif de retour par rapport au tarif réglementé. Il a signalé que ces modalités permettaient aussi bien de préserver la capacité d’investissement des opérateurs, que de trouver une source de financement pour la charge induite par le retour au tarif. Il s’est félicité de ce qu’un accord ait pu se dégager pour la mise au point de ce dispositif équilibré, qui s’accompagne de l’amendement prévoyant la possibilité du maintien au tarif pour les nouveaux entrants.

M. Léonce Deprez a célébré le rôle moteur du Président Ollier dans l’élaboration de cet amendement, soulignant l’importance de l’énergie dans les coûts supportés par certaines industries, notamment celles du papier. Il s’est étonné de voir figurer dans l’exposé sommaire de l’amendement la mention de la dimension « incompréhensible » de la hausse du prix de l’électricité, cette hausse étant à ses yeux tout à fait prévisible, puisque la libéralisation du marché européen avait conduit logiquement à un effet de moyenne entre les prix pratiqués en Europe et les prix beaucoup plus bas disponibles en France grâce à la production nucléaire. Il a estimé que le caractère transitoire du dispositif mis en place donnait le temps de trouver éventuellement une solution plus durable si nécessaire.

Le rapporteur s’est félicité de l’accord de l’ensemble de la Commission sur le principe d’un dispositif atténuant les difficultés subies par les clients frappés par la hausse des prix. Il a indiqué que, parmi les solutions envisagées, celle d’une prise en charge de la compensation par la contribution au service public de l’énergie avait été rejetée, car non seulement elle aurait dévoyé l’objet initial de celle-ci, mais encore elle aurait conduit à faire supporter la charge par le consommateur final, alors que le dispositif finalement retenu la faisait supporter par des producteurs d’électricité nucléaire et hydraulique. Il a précisé qu’EDF fournissait environ les deux tiers du marchés libre et qu’en conséquence la charge de la compensation du dispositif de retour au tarif pesait sur l’opérateur qui avait été aussi le principal acteur de l’ouverture du marché. S’agissant des conditions du calcul de la compensation, il a expliqué que le niveau des prix considéré serait établi à partir d’une moyenne annuelle et que le ministre de l’économie, qui maîtrise l’évolution du tarif réglementé applicable aux clients n’ayant pas exercé leur éligibilité, avait pris l’engagement que le tarif ne subirait pas le contrecoup de la mise en place de cette compensation, les entreprises mises à contribution étant ainsi contraintes de dégager les montants nécessaires sur leurs résultats. Il s’est montré prudent face à l’idée que les clients passés au régime de prix feraient tous jouer leur droit au retour. Il a observé, en conclusion, que la mise en place d’un régime de compensation au niveau des prix n’était pas nouveau en France, puisqu’avant l’ouverture du marché, les tarifs pratiqués en direction des entreprises étaient inférieurs au prix de revient, et compensés par des tarifs supérieurs au prix de revient en direction des particuliers, dans le cadre d’une stratégie de soutien de l’emploi et d’aménagement du territoire et que la phase actuelle correspondait à un effort d’alignement sur la vérité des prix.

Après que M. Jean Gaubert a dénoncé « l’usine à gaz » ainsi mise en place, la Commission a adopté les deux amendements présentés par le Président et le rapporteur (amendements nos 88538 et 88539), les groupes socialistes et communistes votant contre.

La Commission a rejeté deux amendements de M. Jean Dionis du Séjour, et deux amendements de M. Daniel Paul précédemment réservés, car proposant des solutions alternatives de retour au tarif, ainsi que les amendements nos 3141 à 3290 présentés sur le même sujet, après l’article premier, par des membres du groupe socialiste, et qui avaient été également réservés.

Article 4

Conditions d’accès aux tarifs réglementés

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l’article 66 de la loi du 13 juillet 2005 qui détermine les modalités d’accès aux tarifs réglementés.

Comme cela a été rappelé supra, cette nouvelle rédaction, qui concerne l’électricité et le gaz naturel, propose de distinguer la situation des consommateurs finals non domestiques, régie par le I, de celle des consommateurs finals domestiques, régie par le II.

Le paragraphe I ouvre aux consommateurs finals non domestiques (qui sont les consommateurs actuellement éligibles) la possibilité de bénéficier des tarifs sur un site donné à la condition que l’éligibilité de ce site n’ait pas été précédemment exercée par eux-mêmes ou par un tiers.

S’agissant des nouveaux sites de consommation non domestiques, le projet de loi propose d’ouvrir l’accès aux tarifs jusqu’au 31 décembre 2007.

Ces dispositions ne modifient donc pas l’état du droit pour ces consommateurs.

Le paragraphe II définit les conditions d’accès aux tarifs des consommateurs finals domestiques. Comme précédemment indiqué, il est proposé, pour ces consommateurs, d’innover par rapport au droit existant en déterminant l’accès au tarif réglementé sur la base du couple personne/site. Cela signifie qu’un consommateur domestique ne pourra plus bénéficier du tarif réglementé s’il a lui-même exercé son éligibilité pour ce site. Un ménage prenant possession d’un logement pour lequel l’occupant précédent avait exercé son éligibilité pourra donc à nouveau bénéficier du tarif alors que cette possibilité n’est pas et ne sera pas ouverte à un professionnel reprenant un local pour lequel l’éligibilité a été exercée par un occupant précédent.

Aucune disposition spécifique ne limite dans le temps l’accès au tarif des nouveaux sites de consommation domestiques. Celui-ci restera donc possible de manière pérenne.

Lors de son examen de cet article, la Commission a adopté, à l’unanimité, un amendement du Président et du rapporteur (amendement n° 88540), ainsi que deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth, autorisant, de façon pérenne, les nouveaux sites de consommation professionnelle à bénéficier des tarifs réglementés. Elle a aussi adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 88541).

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Martial Saddier et un amendement de M. Jean Dionis du Séjour, proposant des solutions alternatives de retour au tarif, ainsi que les deux séries d’amendements identiques nos 4869 à 5018 et nos 5019 à 5168 présentés par des membres du groupe socialiste redéfinissant les déterminants des tarifs d’électricité et de gaz.

Puis, la Commission a adopté l’article 4 ainsi modifié.

Après l’article 4

La Commission a rejeté les amendements identiques nos 9681 à 10373, les amendements identiques nos 7998 à 8690, les amendements identiques nos 12222 à 18326, et les amendements identiques nos 19302 à 25373, présentés par des membres du groupe socialiste, et proposant des dispositions alternatives pour le retour au tarif.

Article 5

Coordination

Cet article procède, par coordination, à la substitution, dans l’ensemble de la loi du 9 août 2004, de la notion de « tarifs réglementés » à celle de « tarifs de vente aux clients non-éligibles ».

Lors de l’examen de cet article, La Commission a examiné les amendements nos 6066 à 6098 présentés par des membres du groupe socialiste prévoyant que les contrats relatifs aux mission de service public d’EDF et de GDF sont soumis au Parlement.

M. Pierre Ducout a fait valoir que la rédaction actuelle du projet de loi ne permettait pas au Parlement d’être partie prenante dans la définition des missions de service public confiées à EDF-GDF. Cette situation devient particulièrement préoccupante dès lors que ces sociétés ne sont plus sous contrôle public. Les amendements n°s 6066 à 6098 visent à remédier à cette situation. Ces amendements sont aussi particulièrement nécessaires dès lors que l’indexation des cours de l’électricité sur le pétrole laisse présager de fortes hausses futures des tarifs réglementés, alors même que l’équipement de production de l’électricité nucléaire a bien été payé par les Français en vue de disposer de ressources électriques facteurs d’avantages compétitifs.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a répondu que si l’expression « soumis au Parlement » signifiait que les contrats devaient lui être communiqués, la demande exprimée par les amendements était déjà satisfaite, et que si elle signifiait qu’ils devaient lui être soumis pour délibération, les amendements se situaient hors du domaine de la loi. Il a conclu à leur rejet.

La Commission a rejeté les amendements.

Elle a ensuite rejeté les amendements identiques n°s 6099 à 6131 présentés par des membres du groupe socialiste, prévoyant une évaluation annuelle de la mise en œuvre de ces contrats.

Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur (amendement n° 88542).

La Commission a adopté l’article 5 ainsi modifié.

Après l’article 5

La Commission a examiné un amendement de M. Jean Dionis du Séjour visant à instaurer un service universel de l’électricité.

M. Jean Dionis du Séjour a souligné que la transposition de la directive européenne du 26 juin 2003 souffrait d’un grave manquement puisque la France n’avait pas créé de service universel. Or un tel service est prévu non seulement pour les clients résidentiels mais aussi pour les petites et moyennes entreprises. En France, aujourd’hui, notamment dans les départements ruraux, nombre de celles-ci n’arrivent pas à accéder à des ressources électriques de la puissance et de la qualité fonctionnelles souhaitées. Les législations allemande et britannique ont en revanche transposé la directive dans son intégralité.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a répondu que la notion de service universel développée par l’Union européenne était en deçà de celle de service public à la française. En réalité, c’est le service public à la française qui lui a servi de référence ; la nécessité d’un consensus entre l’ensemble des États de l’Union n’a cependant pas permis d’en porter toutes les dimensions au niveau européen. Le niveau d’exigence du service universel étant donc inférieur à celui de service public, toutes les prescriptions relatives au service universel sont satisfaites en droit français. Quant aux problèmes rencontrés par les entreprises dans les zones rurales, leur solution relève d’abord des syndicats d’électrification.

M. Pierre Cohen a confirmé que partout où le service universel était mis en œuvre, il était en deçà du service public à la française ; contrairement à celui-ci en effet, le service universel n’est pas la formulation d’un droit ; dès lors, sa mise en œuvre a partout entraîné des désillusions, et l’on s’aperçoit que la notion de service public est sans doute plus fonctionnelle et plus moderne que celle de service universel.

M. François Brottes a lui aussi considéré que la notion actuelle de service public offrait des garanties plus fortes que celles attachées au service universel. Cependant, dès lors que les exigences du service public ne sont pas inscrites dans la loi mais seulement dans des contrats entre deux partenaires, il paraît utile d’utiliser la notion de service universel pour en mettre quelques éléments dans la loi ; et pour éviter une définition trop minimale, il suffit de le transposer avec des garanties fortes. En effet, la formulation des exigences de service public au sein de simples contrats n’était pas trop préoccupante dès lors que les entreprises contractantes étaient la propriété de l’Etat. Le changement d’actionnariat modifie profondément cet équilibre.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, après avoir rappelé qu’il ne relevait pas des prérogatives du Parlement de voter sur le contenu de contrats, a fait observer que les missions de service public étaient déjà définies dans les lois de février 2000 et de janvier 2003 ainsi que dans la loi du 9 août 2004, qui énumère les domaines que doivent aborder les contrats et prévoit un rapport triennal au Parlement sur la satisfaction des objectifs qu’elle leur fixe. La France est bien en avance sur ses partenaires en matière de définition des exigences de service public et c’est bien de sa législation dont se sont inspirées les normes européennes.

M. Jean Dionis du Séjour a insisté sur le caractère concret du texte européen qui vise précisément les consommateurs et les PME, et a jugé étrange sa non transposition. Il a souligné que les actuels contrats ne prévoyaient pas de sanctions en cas de non-exécution. Il a enfin insisté sur les risques encourus par l’État en cas de contentieux portant sur cette non-transposition.

M. Jean Proriol a rappelé que le débat sur les mérites comparés du service public universel et du service public avait déjà eu lieu lors de l’examen du projet de loi sur le service postal. Les conditions imposées par la loi à La Poste ont été plus exigeantes que celles du service universel puisqu’elles prévoient une distribution du courrier 6 jours sur 7 au lieu de 5 jours sur 7.

M. Léonce Deprez a considéré que la loi de 2004 répondait aux préoccupations exposées par les intervenants. La France a une avance historique en matière de définition du service public et l’Europe n’a pu que lui emboîter le pas, avec un langage légèrement différent. Modifier les définitions actuelles serait revenir en arrière.

M. François Brottes a répondu que l’analyse de M. Jean Proriol montrait l’intérêt d’inscrire une partie des obligations de service public dans la loi elle-même. En effet, ce sont bien des amendements insérés dans la loi sur le service postal qui ont instauré l’obligation de distribution du courrier 6 jours sur 7 au lieu de 5. Dès lors que les entreprises prestataires de service public ne sont plus publiques, le dispositif établi par la loi de 2000 n’est plus suffisant.

La Commission a rejeté l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour.

M. Daniel Spagnou a présenté un amendement visant à permettre aux entreprises de constituer des groupements d’achat pour faire face à la hausse des prix de l’électricité.

Après que le rapporteur a rappelé qu’il avait lui-même présenté, avec le président Patrick Ollier, un amendement instaurant une tarification réglementée transitoire afin de satisfaire les inquiétudes relatives à la hausse des prix et que rien actuellement n’interdisait la création de tels groupements, M. Daniel Spagnou a retiré son amendement.

Le rapporteur a ensuite précisé, en réponse à une question de M. François Brottes, que la constitution de tels groupements n’était pas cantonnée site par site mais que les groupements pourraient regrouper des usagers installés sur des sites différents.

La Commission a examiné les amendements identiques n°s 3324 à 3356 et les amendements identiques n°s 3291 à 3323 relatifs aux conséquences de l’adhésion à une offre multiénergies .

M. François Brottes a souligné qu’il fallait développer la protection des consommateurs face aux opérateurs. Ainsi GDF a pris l’habitude de facturer des provisions considérables avant même la fourniture de la moindre prestation. Surtout, il faut veiller à ce que l’acceptation par les consommateurs d’offres de services combinés gaz-électricité ne puisse entraîner ipso facto un renoncement au tarif réglementé, notamment en matière d’électricité.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a répondu que la question des provisions le préoccupait aussi et qu’il donnerait un avis favorable à un amendement portant sur ce sujet. Il a cependant fait observer que l’ensemble de ces amendements relevait plutôt de l’article 13 et en a demandé en conséquence la réserve jusqu’à l’examen de cet article.

Les amendements ont été réservés jusqu’avant l’article 13.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA DISTRIBUTION
DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Le titre II du projet de loi est consacré à l’achèvement de la transposition des dispositions relatives à la distribution de l’électricité et du gaz naturel prévues par les deux directives européennes du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité pour la directive 2003/54 CE et du gaz naturel pour la directive 2003/55 CE.

L’article 6 modifie les articles 13 à 15 de la loi n°2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières pour transposer les dispositions relatives à la séparation juridique des entreprises qui assurent la gestion de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz naturel se trouvant au sein d’entreprises verticalement intégrées, tout en préservant le maintien d’un service commun à EDF et Gaz de France.

L’article 7 prévoit que l’opérateur commun aux activités de distribution d’EDF et de Gaz de France devienne un service commun de leurs deux filiales GRD-EDF et GRD-Gaz de France. Son périmètre d’activité, précisé dans l’article 5 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, est inchangé.

L’article 8 clarifie les obligations qui pèsent sur Gaz de France et les distributeurs non nationalisés (DNN) en ce qui concerne la péréquation des tarifs de distribution pour le gaz sur leur zone de desserte historique.

L’article 9 abroge les dispositions relatives au fonds de péréquation du gaz, créé par l’article 33 de la loi du 8 avril 1946 précitée mais qui n’a jamais été mis en place.

Article 6

Séparation juridique des gestionnaires de réseau de distribution

Mettant en œuvre les conclusions du Conseil européen réuni à Lisbonne les 23 et 24 mars 2000, et rappelant dans les considérants initiaux (respectivement § 2 et 8) les avantages considérables qui peuvent découler du marché intérieur du gaz et de l’électricité, mais aussi les lacunes actuelles de ce marché, les deux directives 2003/54/CE et 2003/55/CE précitées reconnaissaient l’importance primordiale, pour l’achèvement du marché intérieur, d’un accès non discriminatoire au réseau des gestionnaires de réseau de transport et de distribution, ce qui justifie la séparation juridique de l’activité de gestion de ces réseaux.

Les deux directives prévoient en principe les mêmes règles de séparation juridique et fonctionnelle pour l'activité de distribution d'électricité et de gaz que pour la gestion des réseaux de transport. Ces mêmes règles sont en effet reprises dans des termes identiques aux articles 15 de la directive 2003/54/CE pour l'électricité, et 13 de la directive 2003/55/CE pour le gaz, tous deux intitulés : « Séparation juridique des gestionnaires de réseau de distribution ».

Cependant, à la différence de la gestion des réseaux de transport, il est possible de surseoir à la mise en œuvre de la séparation juridique de la gestion des réseaux de distribution, jusqu'au 1er juillet 2007 ; cette dérogation est prévue aux articles 30 de la directive 2003/54/CE, et 33 de la directive 2003/55/CE.

Le Gouvernement français, approuvé par le Parlement, avait choisi en 2004 d'utiliser pleinement cette possibilité. La loi du 9 août 2004 précitée, dans son titre III fixant le régime des distributeurs d'électricité ou de gaz, n'impose pas à celles de ces entreprises qui seraient intégrées une séparation juridique, mais seulement une séparation fonctionnelle. Par ailleurs, cette obligation ne concerne que les entreprises de distribution desservant plus de 100 000 clients, comme les deux directives en laissaient la possibilité.

Le titre III (articles 13 à 15) de la loi du 9 août 2004 précitée a ainsi posé l’obligation de séparation fonctionnelle pour les grands distributeurs, qui ont dû identifier un service autonome chargé de la gestion du réseau de distribution au sein des entreprises intégrées. L’autonomie de ce service a exigé que le contrat de concession de distribution soit désormais contresigné par le responsable du service. Enfin, le titre III a déterminé les modalités pratiques de l’autonomie fonctionnelle de la gestion des réseaux desservant plus de 100 000 clients, conditions équivalentes à celles prévues pour l’autonomie fonctionnelle de la gestion des réseaux de transport.

Les réseaux de distribution de gaz et d’électricité sont actuellement gérés par EDF, GDF, leur opérateur commun, et les entreprises locales de distribution (ELD) ou distributeurs non nationalisés (DNN).

La distribution d’électricité s'exerce dans le cadre des concessions de distribution publique d'électricité en vertu desquelles les gestionnaires de réseaux publics d'électricité ont par principe un monopole local attribué par la loi du 10 février 2000 à EDF et aux ELD. EDF est le gestionnaire du réseau public de distribution de près de 95 % des communes de France métropolitaine continentale. La distribution dans les autres communes étant assurée par l’une des 175 ELD qui assurent les mêmes responsabilités que le distributeur EDF dans leur zone de desserte exclusive. Sur le territoire métropolitain, le réseau en concession EDF comprend 2 100 postes sources, 586 000 kilomètres de lignes haute tension, plus de 700 000 postes de distribution, et 654 000 kilomètres de lignes basse tension.

EDF Réseau Distribution et EDF Gaz de France Distribution constituent le distributeur EDF en France métropolitaine continentale. Au sein du groupe EDF, l'activité de gestion du réseau de distribution est séparée sur le plan organisationnel, comptable et managérial des autres activités, dont la commercialisation.

La responsabilité de la gestion du réseau de distribution d'électricité est confiée à EDF Réseau Distribution qui a pour mission de définir et de conduire les politiques d'exploitation, d'investissement et de développement des actifs des réseaux de distribution concédés à EDF, négocier et cosigner les contrats de concession et leurs avenants, assurer le caractère non discriminatoire du raccordement et de l'accès au réseau de distribution, et assurer la responsabilité des relations avec l'ensemble des autorités de régulation de l'énergie.

Pour mener à bien ces missions, EDF Réseau Distribution s'appuie sur EDF Gaz de France Distribution, l’opérateur commun avec Gaz de France, dont les principales missions sont de réaliser les travaux de construction, de développement et de maintenance sur les ouvrages de distribution d'électricité, d’assurer l'exploitation technique du réseau et des ouvrages de distribution, de réaliser les activités de comptage, et de gérer les relations quotidiennes avec les collectivités locales, les autorités concédantes et les clients résidentiels.

En matière de gaz naturel, les distributeurs assurent, pour le compte des fournisseurs ou clients, le transport du gaz naturel sur des réseaux locaux ou régionaux de gazoducs. Le schéma actuel de l'organisation de la distribution du gaz relève de la compétence des collectivités locales, propriétaires du réseau de distribution, notamment dans le cadre du régime de la concession et de l'exploitation en régie. Le réseau est exploité à 96% par GDF et pour 4% par les 17 distributeurs non nationalisés (DNN). Les agents du distributeur Gaz de France exploitent, entretiennent et vérifient les 174 500 km du réseau. Ils surveillent régulièrement les canalisations des 8 900 communes desservies en gaz naturel.

Depuis le 1er juillet 2004, le distributeur Gaz de France (c'est-à-dire Gaz de France Réseau Distribution et EDF Gaz de France Distribution) permet à tous les fournisseurs d'accéder au réseau de distribution pour l'acheminement du gaz auprès de leurs clients. Il assure toutes les missions liées à la distribution du gaz naturel et garantit un accès au réseau dans des conditions de non-discrimination, de transparence et d'équité avec un niveau de revenu et un tarif d'acheminement déterminé par le régulateur et les pouvoirs publics. Il est ainsi chargé de l'acheminement du gaz naturel, du raccordement des installations des consommateurs au réseau de distribution, de la conception, la construction, l'exploitation et la maintenance du réseau de distribution, de la réalisation de services liés à la livraison du gaz naturel auprès des consommateurs non résidentiels, de la gestion déléguée du service public de distribution du gaz naturel sur le territoire, par l'intermédiaire des contrats de concession conclus avec les collectivités locales, et du développement rentable du réseau de distribution en France pour développer l'usage du gaz.

Dans le cadre prévu par la directive 2003/55/CE, Gaz de France a créé une fonction de gestionnaire de réseau de distribution (Gaz de France Réseau Distribution) clairement identifié au sein du groupe et séparé sur un plan organisationnel et managérial de la fonction de commercialisation. Responsable de la performance économique de l'activité du distributeur, il définit les politiques techniques, les politiques d'investissement et de développement du réseau. Il gère les contrats d'acheminement de gaz naturel avec les fournisseurs et les contrats de livraison du gaz naturel aux clients consommateurs. Il applique les propositions tarifaires fixées par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et négocie les contrats de concession. Il s’appuie sur EDF Gaz de France Distribution, opérateur industriel chargé, pour le compte de Gaz de France, de la construction et du développement des ouvrages, de l'exploitation et de la maintenance des réseaux, ainsi que des activités de comptage.

Le I de l’article 6 propose une nouvelle rédaction pour l’article 13 de la loi n°2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, posant le principe de la séparation juridique des gestionnaires des grands réseaux de distribution, dont il définit également les missions.

Conformément au premier alinéa N proposé par le présent article pour la nouvelle rédaction de l’article 13, la gestion d’un réseau de distribution d’électricité ou de gaz naturel desservant plus de 100 000 clients sur le territoire métropolitain est assurée par des personnes morales distinctes de celles qui exercent des activités de production ou de fourniture d’électricité ou de gaz naturel. L’objectif de cette mesure, affiché par les considérants 10 de la directive gaz 2003/55/CE et 8 de la directive électricité 2003/54/CE, est d’ « assurer l’accès au réseau dans des conditions efficaces et non discriminatoires ».

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur et de M. Jean Dionis du Séjour (amendements n° 88543 et n° 88544).

Figurent aux articles 2 des deux directives les définitions :

– de la « distribution » de gaz : le transport de gaz naturel par l’intermédiaire de réseaux locaux ou régionaux de gazoducs aux fins de fourniture à des clients, mais ne comprenant pas la fourniture.

– de la « distribution »  d’électricité : le transport d’électricité sur des réseaux de distribution à haute, à moyenne et à basse tension aux fins de fourniture à des clients, mais ne comprenant pas la fourniture.

– du « gestionnaire de réseau » : toute personne physique ou morale qui effectue la distribution et qui est responsable de l’exploitation, de l’entretien et, si nécessaire, du développement du réseau de distribution dans une zone donnée et, le cas échéant, de ses interconnexions avec d’autres réseaux, ainsi que de garantir la capacité à long terme du réseau à satisfaire une demande raisonnable de distribution de gaz ou d’électricité.

Les directives (dernier alinéa de l’article 13 de la directive 2003/55/CE et de l’article 15 de la directive 2003/54/CE) permettent aux États membres de ne pas appliquer cette obligation aux entreprises intégrées qui approvisionnent moins de 100 000 clients raccordés, « afin de ne pas imposer une charge administrative et financière disproportionnée aux petites entreprises de distribution » (considérants 11). En cohérence avec la loi n°2004-803 précitée qui n’imposait de séparation fonctionnelle qu’aux plus importants distributeurs, le projet de loi propose de ne soumettre à l’obligation de séparation juridique que les distributeurs qui desservent plus de 100 000 clients sur le territoire métropolitain soit, dans le secteur de l’électricité, EDF, Electricité de Strasbourg, Usine d’Electricité de Metz (UEM), SOREGIES (Vienne) et le service de distribution des Deux-Sèvres et, dans le secteur du gaz, Gaz de France, Gaz de Strasbourg et Gaz de Bordeaux.

Comme les directives le prévoient, cette dérogation vaut sans restriction de délai.

Comme c’était déjà le cas pour les réseaux de transport, la séparation juridique est évoquée en visant particulièrement le cas du gestionnaire de réseau faisant partie d'une entreprise intégrée verticalement, ce qui confère a contrario une pleine validité, en droit communautaire, au maintien du modèle de l'entreprise intégrée dans les deux secteurs. Ce modèle se trouve même préservé par l'affirmation, à la fin du premier paragraphe des deux articles précités (15 & 13) des directives, selon laquelle il n'est pas créé « d'obligation de séparer la propriété des actifs du réseau de distribution, d'une part, de l'entreprise intégrée, d'autre part. » S’il ne peut y avoir de gestionnaires de réseaux de distribution oeuvrant à la fois dans le gaz et l’électricité, rien n’interdit donc aux GRD de gérer également des réseaux de transport. L’article 17 de la directive 2003/54/CE, et l’article 15 de la directive 2003/55/CE ne font pas obstacle à l’exploitation d’un réseau combiné de transport et de distribution (et dans le cas du gaz, de gaz naturel liquéfié (GNL), et de stockage) par un gestionnaire de réseau qui est indépendant, sur le plan de la forme juridique, de l’organisation et de la prise de décision, des autres activités non liées à la gestion du réseau de transport, de GNL, de stockage ou de distribution, sous réserves de certaines garanties d’indépendance du gestionnaire de réseau combiné et de l’interdiction de pratiques discriminatoires.

Le projet de loi se limite à la séparation juridique, seule obligatoire. Plusieurs documents récents de la Commission européenne, comme le rapport préliminaire d’enquête sectorielle sur les marchés du gaz et de l’électricité du 16 février 2006, ou le rapport sur l’état d’avancement de la création du marché intérieur du gaz et de l’électricité du 15 novembre 2005, témoignent pourtant des réflexions en cours à la Commission quant à l’opportunité de prévoir une séparation plus poussée dite séparation patrimoniale organisant la séparation de la propriété des sociétés gestionnaires de réseaux des groupes intervenant dans le champ concurrentiel.

Le principe de séparation juridique s'applique à toutes les entreprises intégrées, quel que soit leur statut, public ou privé, dès lors qu'elles gèrent un réseau de transport d'électricité ou de gaz.

La Commission a examiné les amendements identiques n°s 5202 à 5351 présentés par des membres du groupe socialiste, relatifs au caractère public des gestionnaires des services publics de distribution du gaz et de l’électricité.

M. Christian Bataille a exposé que les collectivités locales étaient seulement concédantes du service de distribution du gaz et de l’électricité. EDF et GDF en sont les concessionnaires, et ces concessions constituent des monopoles ; en ce sens, elles ne peuvent constitutionnellement qu’être confiées à des entreprises nationales. Les amendements présentés visent à réaffirmer, conformément à la Constitution, le caractère nécessairement public des concessionnaires des réseaux de gaz ou d’électricité.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a répondu que la question ne se posait pas pour EDF, dont la loi prévoit que l’État conserve 70 % du capital. En revanche, la question de la constitutionnalité du maintien du monopole de Gaz de France sur les concessions de distribution a été posée par le rapporteur au Gouvernement qui lui a indiqué que le Conseil d’État estimait que cette constitutionnalité était assurée.

M. François Brottes a fait observer que l’avis du Conseil d’État était fondé sur la situation actuelle ; en revanche, le Conseil d’État ne s’engage pas sur une situation future qui pourrait être différente.

La Commission a rejeté les amendements.

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques, l’un de M. Martial Saddier, l’autre de M. Antoine Herth, tendant à préciser notamment pour les distributeurs non nationalisés, que la séparation juridique des activités de gestion des réseaux de distribution prévue par la directive 2003/54/CE peut prendre indifféremment la forme d’une filialisation de l’activité de gestion du réseau de distribution ou des autres activités exercées par l’entreprise intégrée. Après que le rapporteur a jugé ces amendements satisfaits, M. Martial Saddier a retiré son amendement, puis la Commission a rejeté celui de M. Antoine Herth.

Le second alinéa prévu par l’article 6 (alinéa O) du projet de loi pour la nouvelle rédaction de l’article 13 de la loi n°2004-803 précitée précise certaines responsabilités des gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz naturel.

Un tel gestionnaire est notamment chargé :

– de définir et mettre en œuvre les politiques d’investissement et de développement des réseaux de distribution,

– d’assurer la conception, la construction des ouvrages et la maîtrise d’œuvre des travaux,

– de conclure et gérer les contrats de concession,

– d’assurer dans des conditions objectives et non discriminatoires l’accès aux réseaux de distribution,

– de réaliser l’exploitation et la maintenance desdits réseaux,

– de procéder aux comptages nécessaires à l’exercice de ses missions.

Le gestionnaire du réseau de distribution exerce ces missions sans préjudice des dispositions :

– du sixième alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, qui permet aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de coopération, en tant qu'autorités concédantes de la distribution publique d'électricité et de gaz, d’assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux de développement des réseaux publics de distribution d'électricité et de gaz, et donne le même droit aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération qui accordent des concessions aux distributeurs non nationalisés (DNN), c'est-à-dire les distributeurs qui ont historiquement bénéficié de la dérogation au monopole prévue par l'article 23 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, et qui ont été ultérieurement rejoints, pour ce qui concerne la distribution du gaz naturel, par les distributeurs locaux apparus, conformément aux dispositions du III de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, dans les communes n'ayant pu bénéficier du « plan national de desserte » prévu par l'article 50 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique ou financier ;

– de l’article 23-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, qui définit le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics de transport et de distribution, rattache les ouvrages de raccordement à ces réseaux, et autorise le producteur, lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production, à exécuter à ses frais les travaux de raccordement.

La dernière phrase de l’alinéa O prévoit que des décrets en Conseil d’État précisent, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article.

La Commission a examiné cinq amendements en discussion commune :

– deux amendements identiques, l’un de M. Martial Saddier, l’autre de M. Antoine Herth, ayant pour objet de recentrer la définition des missions dévolues aux gestionnaires des réseaux de distribution sur la responsabilité de l’exploitation, de l’entretien et du développement du réseau, en atténuant leurs obligations opérationnelles ;

– trois amendements de M. Jean Dionis du Séjour, l’un précisant que les règles adoptées par les gestionnaires de réseau de distribution doivent être transparentes, l’autre les obligeant à fournir aux consommateurs les informations dont ceux-ci ont besoin pour un accès efficace au réseau, et le dernier soulignant que le gestionnaire réalise ses missions dans des conditions économiquement acceptables en accordant toute l’attention requise au respect de l’environnement.

M. Jean Dionis du Séjour a indiqué que ces précisions figuraient dans le texte de la directive, et les jugeant utiles, a regretté que l’actuelle rédaction du projet de loi ne les mentionne pas.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a précisé que les amendements de MM. Martial Saddier et Antoine Herth auraient pour effet de remettre en cause le service commun d’EDF et de GDF en conduisant à la sous-traitance d’activités comme le comptage, et qu’en conséquence il émettait un avis défavorable à leur adoption. Il a ensuite jugées superfétatoires les précisions proposées par M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Gaubert a souligné la difficulté de concilier l’exigence de transparence au profit des fournisseurs et des consommateurs, et celle de protection des données commerciales sensibles, et a estimé que l’appréciation par les gestionnaires de réseau du caractère sensible de ces données était parfois discutable. Il a donc qualifiée de « pétition de principe » l’obligation de transparence contenue dans la directive précitée.

M. Léonce Deprez a jugé ces précisions intéressantes et a estimé qu’il fallait savoir s’inspirer des formulations proposées par les textes communautaires dès lors qu’elles étaient compatibles avec la tradition juridique nationale.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que la rédaction du projet de loi conciliait les expressions communautaires avec cette tradition, et a craint que l’ajout des précisions proposées par M. Jean Dionis du Séjour, qui aboutirait à une reprise à l’identique des termes de la directive, ne vienne semer une certaine confusion. Citant M. Christian Bataille, rapporteur de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, il a jugé qu’en l’espèce, il convenait de transposer en législateur et non de transcrire en greffier.

M. Jean Dionis du Séjour n’a pas contesté la nécessité pour le législateur de faire preuve d’une certaine autonomie dans l’exercice de transposition, ni la difficulté de concilier transparence et protection des informations sensibles, mais il a estimé que les termes de la directive écartés par le projet de loi constituaient pourtant des précisions utiles.

Le Président Patrick Ollier a estimé que la reprise de certains termes de la directive était acceptable.

M. Martial Saddier a retiré son amendement et la Commission, suivant l’avis de son rapporteur, a rejeté l’amendement de M. Antoine Herth, adopté les deux premiers amendements de M. Jean Dionis du Séjour (amendements n° 88545 et n° 88546) et rejeté le dernier.

M. Jean Dionis du Séjour a ensuite retiré un amendement tendant à transposer mot pour mot le paragraphe 3 de l’article 12 de la directive 2003/55/CE relatif à la fourniture par chaque gestionnaire de réseau de distribution d’informations nécessaires à l’interconnexion des réseaux de gaz.

Le II de l’article 6 (alinéas P à 1b) du projet de loi propose une nouvelle rédaction globale de l’article 14 de la loi n°2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 14 est relatif à la séparation fonctionnelle du service de distribution, et concerne le transfert des contrats de concessions en cours lors de cette séparation. 

Le I du nouvel article 14 régit le transfert des biens, droits et obligations à une entreprise juridiquement distincte, du fait de la séparation juridique prévue à l’article 13.

Le II prévoit la neutralité fiscale de ce transfert.

En vertu du I, la séparation juridique prévue à l’article 13 peut prendre deux formes.

Il est proposé de laisser ouvert aux distributeurs non nationalisés (DNN) le choix de séparer juridiquement soit l’activité de gestion de réseau, soit celle de fourniture d’énergie. Pour EDF et Gaz de France, la séparation juridique entraînera la création de filiales gestionnaires de réseau de distribution.

La séparation juridique entraîne, selon les cas, le transfert à une entreprise juridiquement distincte :

– soit des biens propres, autorisations, droits et obligations relatifs à l’activité de gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz naturel, notamment les contrats de travail et les contrats de concession mentionnés aux I et III de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales (alinéa R) ;

M. Martial Saddier a retiré un amendement ayant pour objet d’intégrer les délégataires et subdélégataires dans le champ d’application du transfert à une entreprise juridiquement distincte des biens et droits relatifs à l’activité de gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz.

La Commission a examiné deux amendements identiques de M. Jean Proriol et de M. Pierre Micaux.

M. Jean Proriol a indiqué que cet amendement, en cohérence avec leur amendement adopté à l’article 1er, tendait à préciser que le transfert des contrats de concession à une entreprise juridiquement distincte chargée de la gestion des réseaux de distribution d’électricité et de gaz ne concerne que les dispositions relatives aux missions relevant de la compétence de cette entreprise.

Suivant l’avis favorable de son rapporteur, la Commission a adopté cet amendement (n° 88547).

La Commission a ensuite examiné en discussion commune deux amendements dont l’auteur, M. Daniel Paul, a précisé qu’ils avaient pour objet d’empêcher le transfert des activités de gestionnaire de réseau de distribution à une filiale et de maintenir l’intégration de ces activités au sein d’une même entité. Après que le rapporteur a fait part de son scepticisme au sujet de la conformité de ces amendements à la Constitution, en particulier au regard du droit de propriété, la Commission les a rejetés.

– soit des biens de toute nature non liés à l’activité de gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz naturel, avec les autorisations, droits et obligations qui y sont attachés (alinéa S).

Cette dernière solution présente plusieurs avantages pour les DNN :

Outre que la filialisation de l’activité de fourniture leur permet de minimiser les transferts d’actifs, celle du GRD heurterait certaines particularités du statut des sociétés d’intérêt collectif agricole d’électricité (SICAE), liées au régime de la coopération agricole. La filialisation de la commercialisation faciliterait d’autre part le contrôle d’éventuelles subventions croisées par la maison mère, placerait les risques inhérents à toute activité en secteur concurrentiel dans une filiale, ce qui pérenniserait l’activité réglementée au sein de l’entreprise locale de distribution, et maintiendrait le cadre contractuel existant avec les autorités concédantes. Elle placerait aussi la société chargée de la commercialisation dans une situation de nouvel entrant, favorisant ainsi la concurrence entre les opérateurs.

Le choix du Gouvernement d'opérer ce transfert d'actifs vise à conférer à cette société une authentique autonomie en matière d'investissements. Il répond en outre pleinement aux exigences des directives 2003/54/CE et 2003/55/CE, qui imposent au c) du paragraphe 2 de leurs articles 15 et 13, que le gestionnaire de réseau dispose de pouvoirs de décision effectifs « en ce qui concerne les éléments d'actifs nécessaires pour exploiter, entretenir ou développer le réseau ».

La Commission a examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth, tendant à préciser que la séparation des activités de gestionnaire de réseau de distribution s’accompagne non seulement d’un transfert de biens, mais aussi des contrats passés avec les clients, et que l’exemption de droits, impôts ou taxes dont bénéficient ces transferts s’applique quelque soit la forme que prennent ces derniers.

Après que le rapporteur a jugé la première précision superflue, et a indiqué que la seconde lui semblait incomplète, omettant notamment les droits de publicité foncière et les salaires des conservateurs des hypothèques, M. Martial Saddier a retiré son amendement, puis la Commission a rejeté l’amendement de M. Antoine Herth.

L'article 6 encadre ce transfert en précisant des points importants.

Le quatrième alinéa du I prévu pour l’article 14 (alinéa T) précise que le transfert n’emporte aucune modification des autorisations et contrats en cours, quelle que soit leur qualification juridique. Le transfert ne saurait donc justifier ni la résiliation, ni la modification de l’une quelconque de leurs clauses, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en résultent. Ces dispositions reprennent les mesures prévues par la loi n°2004-803 relatives à la séparation juridique du gestionnaire du réseau de transport.

La Commission a adopté, conformément à l’avis favorable de son rapporteur, un amendement (n° 88548) de M. Martial Saddier précisant que les transferts de droits et obligations à une entreprise juridiquement distincte intègrent les contrats tacites.

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth précisant que ces transferts n’emportent aucune modification des autorisations et contrats en cours et ne justifient ni la résiliation, ni la modification de leurs clauses, y compris en cas de changement du statut juridique de la société-mère des distributeurs non nationalisés et des distributeurs agréés en vertu du III de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, considérant ces demandes non justifiées puisque le projet de loi ne rendait pas obligatoires de tels changements de statut, M. Martial Saddier a retiré son amendement, puis la Commission a rejeté l’amendement de M. Antoine Herth.

Le cinquième alinéa du I prévu pour l’article 14 (alinéa 1a) indique que les protocoles conclus, en application de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 précitée et de la loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, entre les services gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité et de gaz naturel et les autres services d’EDF et de GDF acquièrent valeur contractuelle entre chacune de ces deux sociétés et les sociétés qu’elles créent en application de l’article 13 de la loi n°2004-803 précitée dans sa rédaction issue du présent article, pour exercer leurs activités de gestion de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz naturel.

Il en est de même des protocoles conclus entre le service commun créé en application de l’article 5 de la loi n°46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz et les autres services d’EDF et de GDF.

Conformément au II prévu pour l’article 14 (alinéa 1b), ces transferts ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit, et notamment des droits de publicité foncière et des salaires des conservateurs des hypothèques.

Ces transferts ne sont pas soumis au droit de préemption de l’article L. 213-1 du code de l’urbanisme, qui concerne le droit de préemption urbain et les zones d'aménagement différé et périmètres provisoires. La formalité de publicité foncière de ces transferts de biens peut être reportée à la première cession ultérieure des biens considérés.

La Commission a examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth visant à ce que les exonérations, notamment fiscales, mentionnées au présent article s’appliquent également en cas de transformation du statut juridique, lorsque celle-ci est réalisée à l’occasion de la séparation juridique des activités de gestionnaire de réseau de distribution. Après que le rapporteur a émis un avis défavorable pour la même raison que précédemment, M. Martial Saddier a retiré son amendement, puis la Commission a rejeté l’amendement de M. Antoine Herth.

Le III de l’article 6 du présent projet de loi (alinéas 1c à 1i) apporte six modifications à l’article 15 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée, pour adapter les mesures d’indépendance fonctionnelle des gestionnaires de réseau de distribution desservant plus de 100 000 clients qui accompagnent la séparation juridique.

Les modifications proposées permettent également de répondre aux griefs soulevés par la Commission européenne sur les modalités en vigueur de transposition des directives 2003/54/CE et 2003/55/CE concernant la séparation fonctionnelle de ces gestionnaires. Dans sa lettre du 4 avril 2006 adressée au ministre des Affaires étrangères, la Commission observe que le 4ème alinéa de l’article 15§4 de la loi n°2004-803 précitée, repris dans les statuts d’EDF, qui prévoit que les actionnaires ou les dirigeants de l’entreprise doivent pouvoir être consultés préalablement aux décisions d’investissement sur les réseaux qui excèdent des seuils fixés par les statuts, n’est pas conforme à l’article 15§2c de la directive 2003/54/CE en vertu duquel le GRD doit disposer de pouvoirs de décision effectifs, indépendamment de l’entreprise verticalement intégrée, en ce qui concerne les éléments d’actifs nécessaires pour exploiter, entretenir ou développer le réseau. De même, la Commission considère que le 4ème alinéa de l’article 15§4 de la loi n°2004-803 précitée, repris dans les statuts de Gaz de France, enfreint pour les mêmes raisons les dispositions de l’article 13§2 de la directive 2003/55/CE.

Dans leur rédaction actuelle, ces conditions, équivalentes à celles prévues pour l'autonomie fonctionnelle de la gestion des réseaux de transport, concernent trois aspects de cette autonomie.

– En premier lieu, s'agissant des marges de manœuvre dont doit disposer le gestionnaire du réseau de distribution, celles-ci doivent lui permettre d'assurer l'exploitation, l'entretien et le développement des réseaux de distribution d'électricité ou de gaz de manière indépendante vis-à-vis de tout intérêt dans des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz. Cette condition relative à un pouvoir de décision effectif « pour exploiter, entretenir ou développer le réseau » est directement prévue par les directives au c) du paragraphe 2 des articles 13 et 15 précités des deux directives.

Les directives prévoient même plus précisément que ce pouvoir de décision concerne « les éléments d'actif nécessaires pour assurer l'exploitation, l'entretien, et le développement du réseau ».

– Cette remarque fait le lien avec le deuxième aspect de l'autonomie fonctionnelle organisé par l'article 15 de la loi n°2004-803, qui concerne la conciliation entre cette autonomie et la préservation des intérêts patrimoniaux des actionnaires, ou le respect des prérogatives des dirigeants, de l'entreprise intégrée servant de cadre à la gestion du réseau de distribution.

Les directives évoquent, toujours dans le c) du paragraphe 2 des articles 13 et 15 précités, la nécessité de « mécanismes de coordination appropriés » en vue de préserver les droits de « supervision économique ». Ces mécanismes de « coordination » sont d'autant plus nécessaires que la politique de développement du réseau de distribution engage l'entreprise intégrée dans une logique d'investissement.

Le septième alinéa de l’article 15 de la loi n°2004-803 précitée dispose que les statuts de la société gestionnaire d’un réseau de distribution de gaz ou d’électricité doivent comporter des dispositions propres à concilier l’indépendance d’action des responsables de la gestion du réseau et la préservation des droits des actionnaires.

Il prévoit actuellement la même obligation pour les statuts de la société à laquelle appartient le service gestionnaire du réseau, qui doivent comporter des dispositions propres à concilier l’indépendance d’action des responsables de la gestion du réseau et la préservation des prérogatives des dirigeants de l’entreprise intégrée.

Le a) du III de l’article 6 (alinéa 1d) supprime cette dernière obligation, tirant les conséquences de l’obligation de séparation juridique.

La suite de l’article 15 de la loi n°2004-803 détaille certaines prérogatives des actionnaires ou des dirigeants de l’entreprise, qui doivent être prévues par les statuts.

Le b) du III (alinéa 1e) remplace la référence aux actionnaires ou au dirigeants de l’entreprise par une mention du conseil d’administration ou de surveillance, précisant que ce conseil est composé en majorité de membres élus par l’assemblée générale. La deuxième phrase proposée par le b) introduit la liste des prérogatives que le conseil exerce à la majorité de ses membres élus par l’assemblée générale. A la différence de la rédaction actuelle, cette liste est limitative.

Le c) du III du présent article (alinéa 1f) propose que le conseil d’administration ou de surveillance exerce un contrôle non plus seulement sur la fixation et l’exécution du budget du gestionnaire de réseau, mais aussi sur sa politique de financement et d’investissement.

Alors que les actionnaires ou les dirigeants de l’entreprise pouvaient être consultés préalablement aux décisions d’investissement sur les réseaux, sur le système d’information et sur le parc immobilier, lorsque ces investissements excèdent des seuils fixés par les statuts, le d) du III (alinéa 1g) rend cette consultation obligatoire, mais en réduit le champ, excluant les décisions d’investissement sur les réseaux.

Le dixième alinéa de l’article 15 permet actuellement aux actionnaires ou dirigeants de l’entreprise de s’opposer à l’exercice d’activités qui ne relèvent pas des missions légalement imparties au gestionnaire d’un réseau de distribution, à la création ou à la prise de participations dans toute société, groupement d’intérêt économique ou autre entité juridique par ce gestionnaire de réseau et, au-delà de seuils fixés par les statuts, aux cessions d’actifs et à la constitution de sûretés ou garanties de toute nature.

Le e) du III du présent article (alinéa 1h) accorde cette possibilité au conseil d’administration ou de surveillance, et l’étend en lui permettant de s’opposer non seulement à des cessions d’actifs, mais aussi à des achats, au-delà de seuils fixés par les statuts.

– Enfin, le troisième aspect de l'autonomie fonctionnelle du gestionnaire du réseau de distribution abordé par l'article 15 de la loi n°2004-803 précitée concerne la prohibition de toute situation pouvant l'amener à subir une pression morale.

Les garanties mises en place pour le protéger de la pression d'éventuels intérêts commerciaux passent :

1°) par l'interdiction d'exercer une quelconque responsabilité, directe ou indirecte, dans la gestion d'activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz. Une interdiction de même nature est prévue par le a) du paragraphe 2 des articles 13 et 15 précités des directives pour le cas d'une participation aux structures chargées des « activités de production, de transport ou de fourniture ».

L'article 15 de la loi n°2004-803 ne reprend pas l'interdiction pour les activités de transport ; en revanche, il étend l'interdiction au-delà du cas de l'entreprise intégrée, visant aussi l'exercice d'une responsabilité prohibée dans une autre entreprise, voire dans un autre secteur ;

2°) par le fait qu'il ne peut être mis fin de manière anticipée à son mandat sans un avis préalable de la Commission de régulation de l'énergie.

L'article 23 de la directive 2003/54/CE et l'article 25 de la directive 2003/55/CE confient aux autorités de régulation concernées la mission de surveiller « la mesure dans laquelle les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution s'acquittent des tâches leur incombant ».

Dès lors, l'avis préalable d'une telle autorité ne pourra conduire qu'à une mise en transparence d'un lien éventuel entre l'éviction du gestionnaire du réseau de distribution et l'impartialité avec laquelle il s'acquittait de sa mission, ce qui devrait avoir un effet de dissuasion à l'encontre de toute mesure de révocation motivée par un refus de subordination aux intérêts discriminatoires de la structure intégrée au sein de laquelle il remplit sa mission.

Le sixième alinéa de l’article 15, prévoyant que les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz réunissent dans un code de bonne conduite les mesures d'organisation interne prises pour prévenir toute pratique discriminatoire en matière d'accès des tiers au réseau, et le onzième alinéa du même article, en vertu duquel la Commission de régulation de l’énergie (CRE) doit publier chaque année un rapport sur le respect des codes de bonne conduite par les gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité et de gaz, ainsi qu’une évaluation de l’indépendance des gestionnaires des réseaux de distribution, et proposer, en tant que de besoin, des mesures propres à garantir l’indépendance de ces gestionnaires, ne sont pas modifiés.

En revanche, le f) du III du présent article (alinéa 1i) supprime le dernier alinéa de l’article 15 de la loi n° 2004-803 précitée, selon lequel « en cas de création d’une société gestionnaire de réseau de distribution, l’ensemble des contrats relatifs à l’activité de gestionnaire de réseau de distribution peut être transféré à la société nouvellement créée, sans que ce transfert n’emporte aucune modification des contrats en cours d’exécution, quelle que soit leur qualification juridique, et ne soit de nature à justifier ni la résiliation, ni la modification de l’une quelconque de leurs clauses, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en résultent. Ces transferts, apports partiels ou cessions d'actifs ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit s'ils sont réalisés dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi ».

Enfin, le paragraphe IV du présent article insère après l’article 15 de la loi n° 2004-803 précitée un nouvel article 15-1, dont le premier alinéa (alinéa 2a) soumet en principe, et sauf disposition législative contraire, les sociétés gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité ou de gaz naturel issues de la séparation juridique imposée à EDF et à GDF par l’article 13 de la loi n° 2004-803 précitée, modifié par le présent article, aux lois applicables aux sociétés anonymes. Cette disposition est limitée à EDF et GDF ; libre choix est laissé aux DNN, dont les statuts sont multiples.

La Commission a examiné un amendement dont l’auteur, M. Daniel Paul, a précisé qu’il avait pour objet de garantir que le gestionnaire du réseau de distribution issu d’EDF resterait détenu par l’Etat ou des entreprises publiques et que le gestionnaire du réseau de distribution issu de GDF resterait détenu par cette même entreprise, par l’État ou par des entreprises publiques.

M. François Brottes a interrogé le rapporteur sur l’avenir des concessions conclues entre les collectivités territoriales et GDF, dans la mesure où elles auront le choix de l’entreprise à laquelle elles pourront déléguer la gestion du réseau de distribution.

Le rapporteur a répondu que la situation actuelle était appelée à perdurer, Gaz de France conservant le monopole des concessions de distribution sous réserve des concessions correspondant aux nouveaux raccordements.

M. Pierre Ducout a récusé cette analyse, prédisant une fragilisation du monopole confié à GDF en cas de privatisation de cette entreprise. Il a jugé que la Commission européenne pourrait contraindre les collectivités à procéder à des appels d’offre pour l’attribution de ce service, plaçant celles-ci dans une situation aussi difficile que celle qui caractérise les concessions du service public de l’eau.

M. Daniel Paul, après avoir cité un article de presse indiquant que le président de la CRE préconisait une séparation complète des activités de gestion de réseau de transport, a dit redouter que les collectivité territoriales, qui avaient apporté une contribution financière à la réalisation des réseaux de distribution de gaz, soient pourtant écartées des décisions relatives à leur gestion par des entreprises privées chargées de cette activité. Il a fait part de son scepticisme quant à la capacité de GDF de demeurer un outil de la puissance publique si la part de l’Etat à son capital diminuait à 34%, et avant la séparation des activités de gestion de réseau de transport et au démantèlement des groupes intégrés crées à la suite de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz.

M. François Brottes s’est alors interrogé sur les remarques éventuellement contenues dans la lettre de griefs au sujet de la nécessité d’une séparation des activités de distribution, voire de transport. Il s’est également demandé si, à l’instar de ce qui s’est produit dans le domaine des télécommunications, des opérateurs concurrents ne seraient pas tentés de proposer aux collectivités la réalisation d’un réseau de distribution à part entière.

Le rapporteur a indiqué que la question de la séparation des activités de distribution semblait posée pour la Belgique et non pour la France, mais qu’il ne pouvait pas donner d’assurances à ce sujet, n’ayant pas eu connaissance de la lettre de griefs. S’agissant de l’hypothèse évoquée par M. François Brottes, elle ne lui a pas paru économiquement réaliste du point de vue des opérateurs, et donc improbable.

La Commission a rejeté l’amendement de M. Daniel Paul.

La première phrase du second alinéa (2b) soumet ces sociétés à la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public dès lors que la majorité du capital de leur société mère est détenue directement ou indirectement par l’Etat, et sans attendre l’expiration du délai de six mois prévu par le 4 de l’article 1er de ladite loi.

La seconde phrase du second alinéa prévu pour l’article 15-1 limite à deux les représentants de l’Etat au conseil d’administration ou de surveillance, pour l’application de l’article 6 de la loi du 26 juillet 1983 précitée. Ces représentants sont nommés par décret.

Conformément à l’article 6 de la loi du 26 juillet précitée, le conseil d’administration ou de surveillance (la forme en sera fixée par ses statuts, conformément à l'article L. 225-57 du code du commerce) comptera 18 membres tant que la majorité du capital social sera détenue par l’Etat, et de neuf à dix-huit membres lorsque ce ne sera plus le cas. Les représentants des salariés devront constituer le tiers des membres du conseil. Les autres membres du conseil, puisque l’entreprise sera constituée en forme de société, seront désignés par l’assemblée générale, conformément aux règles du code de commerce.

La Commission a rejeté deux amendements de M. Daniel Paul déterminant le nombre de représentants de l’État et des salariés au conseil d’administration ou de surveillance des sociétés gestionnaires des réseaux de distribution.

Elle a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth visant à soustraire à l’obligation de séparation juridique des activités de gestion de réseau de distribution les distributeurs non nationalisés desservant plus de 100 000 clients.

Après que M. Martial Saddier a souligné l’importance de ces amendements, le rapporteur a expliqué que ceux-ci contrevenaient aux dispositions de la directive, et qu’il émettait donc un avis défavorable à leur adoption.

M. Jean-Louis Christ a souhaité obtenir des précisions sur les obligations pesant sur les distributeurs non nationalisés aux termes de la directive, estimant que ces dispositions, en particulier l’obligation de séparation juridique des activités de gestion de réseau de distribution, n’étaient pas adaptées à leur spécificité et risquait de compromettre leur existence. Il a rappelé qu’étaient concernées les sociétés suivantes : Electricité de Strasbourg, Usine d’électricité de Metz (UEM), SOREGIES, le service de distribution des Deux-Sèvres, Gaz de Bordeaux et Gaz de Strasbourg.

M. Jean-Yves Le Déaut s’est également inquiété de l’avenir de ces distributeurs.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a expliqué que si des dérogations à l’obligation de séparation juridique étaient possibles pour les distributeurs desservant moins de 100 000 clients, ce n’était pas le cas au-delà de ce chiffre. Il a toutefois convenu que l’application de la directive soulevait des difficultés d’application s’agissant des distributeurs non nationalisés, et indiqué qu’une réflexion était en cours afin d’adapter, autant que possible, les dispositions de la directive à leur situation spécifique.

En réponse à M. François Brottes, il également indiqué que ces distributeurs pourraient fournir de l’électricité sur tout le territoire, sous réserve de respecter cette obligation.

M. Jean-Louis Christ a souhaité être tenu informé des réflexions en cours sur cette question, tandis que M. François Brottes a fait part de son scepticisme sur la possibilité de parvenir à une solution de compromis.

M. Pierre Ducout a souligné que ces distributeurs avaient vocation à demeurer publics, tandis que GDF allait être privatisée, et qu’il importait par conséquent de ne pas fragiliser leur position.

M. Daniel Paul a jugé que cette question témoignait du caractère inabouti de la réflexion des auteurs du texte.

M. Martial Saddier s’est dit sensible à la volonté du rapporteur de régler ce problème, et a donc retiré son amendement, tandis que la Commission a rejeté l’amendement identique de M. Antoine Herth.

La Commission a examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth tendant à exempter d’impôts et taxes les transferts de contrats de fourniture d’électricité et de gaz à des clients ayant exercé leur éligibilité dans la société commerciale créée par le distributeur non nationalisé, prévus par l’article 23 bis de la loi du 8 avril 1946.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, s’est dit favorable au principe de cet amendement, mais a indiqué que celui-ci lui semblait irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, et qu’il faudrait donc le compléter par un gage.

M. François Brottes a jugé légitime la volonté de neutraliser le coût fiscal d’un transfert obligatoire, mais s’est interrogé sur la compatibilité de cette disposition avec les exigences d’une concurrence non faussée.

Le rapporteur a alors indiqué que cette exonération n’avait pas pour objet de viser l’ensemble des opérateurs, mais bel et bien ceux qui auraient à se soumettre aux dispositions de la future loi et à en assumer les conséquences fiscales.

Après que M. Pierre Ducout et M. Jean Gaubert se sont interrogés sur le caractère équitable de cette exonération, M. Martial Saddier a retiré son amendement en vue d’en améliorer la rédaction et de le représenter lors de la réunion que la Commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement de l’Assemblée nationale. L’amendement de M. Antoine Herth a été rejeté par la Commission.

La Commission a adopté l’article 6 ainsi modifié.

Après l’article 6

La Commission a examiné deux amendements de M. Jean Dionis du Séjour tendant à supprimer l’article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001, et à prévoir le dépôt par le gouvernement d’un rapport au Parlement sur la possibilité de remettre sous le régime de concession les réseaux de transport de gaz naturel.

M. Jean Dionis du Séjour a expliqué qu’il s’agissait par cet amendement, inspiré par M. Charles de Courson, de revenir sur une mesure qui avait été présentée à l’époque comme imposée par la directive 98/30/CE, et qui avait eu pour effet de mettre fin, en matière de transport de gaz naturel, au régime de concession par l’Etat aux opérateurs gaziers. Alors qu’il s’avère que cette évolution n’était nullement rendue obligatoire par la directive, les concessions ont été résiliées et la propriété des ouvrages concernés transférée aux opérateurs. Or la propriété publique des infrastructures de transport, dans le domaine du gaz comme dans d’autres, est indispensable, en particulier afin de maintenir une politique d’investissement dynamique.

M. Pierre Ducout a jugé que la question du régime de propriété des infrastructures était capitale pour conserver la maîtrise de la politique d’investissement, éventuellement en concertation avec d’autres pays européens, dans le but d’assurer l’interconnexion des réseaux.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a précisé que ces amendements entraîneraient une renationalisation de fait des ouvrages concernés, ce qui s’avère irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

M. Pierre Ducout a objecté que GDF demeurait à ce jour une entreprise publique, et M. Jean Dionis du Séjour, s’il a admis l’irrecevabilité de son amendement, a maintenu l’argument selon lequel il est indispensable de conserver à l’Etat la propriété des infrastructures de long terme.

M. Jean Gaubert a rappelé qu’en 2001, la propriété du réseau de transport de gaz avait été transférée à GDF dont le capital était alors entièrement détenu par l’Etat. Il a ajouté que les actifs en question n’avaient pas été vendus, mais transférés, et a contesté un amendement qui aurait pour effet de conduire l’Etat à racheter ce qu’il n’a pas cédé. Il a rendu responsable de ces difficultés l’actuelle majorité qui par la loi du 9 août 2004 précitée a conduit GDF à vendre des actifs qu’elle n’avait pas achetés.

M. Daniel Paul s’est déclaré favorable à ces deux amendements ; il a jugé que s’il avait pu paraître opportun, afin d’optimiser la gestion des réseaux de transport, d’en transférer la propriété à une entreprise publique, la question ne se posait pas dans les mêmes termes dès lors que l’opérateur était privatisé. Il a estimé que la spécificité d’un réseau de transport de gaz appelle nécessairement une maîtrise publique. Il s’est interrogé sur l’application de l’article 40 à un amendement prévoyant un transfert de propriété entre une entreprise publique et l’État.

La Commission a rejeté les deux amendements.

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 232 à 264 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. Christian Bataille a indiqué que ces amendements visaient à éviter que la séparation juridique des activités de production ou de fourniture d’électricité ou de gaz n’ait des incidences sur le monopole de la distribution publique d’électricité et de gaz, en maintenant le monopole prévu par la loi de 1946. Il considéré que, compte tenu des changements intervenus récemment dans le domaine de l’énergie, il fallait éviter que la propriété des tuyaux de gaz puisse échapper à la puissance publique.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a estimé que ces amendements étaient satisfaits puisque le monopole était maintenu.

La Commission a rejeté les amendements. Elle a également rejeté les amendements nos 6447 à 6479 et les amendements nos 6480 à 6512 présentés par les mêmes auteurs et ayant un objet similaire.

Article 7

Opérateur commun

Cet article modifie l’article 5 de la loi du 8 avril 1946, lui-même issu de la loi du 9 août 2004 et relatif au fonctionnement de l’opérateur commun de réseau entre EDF et Gaz de France.

Pour des raisons historiques et industrielles (liées aux synergies ainsi rendues possibles), EDF et Gaz de France exploitent de longue date ensemble un service responsable des interventions physiques sur les réseaux de distribution. Autrefois appelé « direction EDF-GDF services (DEGS)», ce service est aujourd’hui « EDF-Gaz de France distribution (EGD) et emploie environ 57 000 agents, communs aux deux entreprises qui en sont co-employeurs et qui se partagent la masse salariale correspondante en fonction de la part effective de l’activité de ses agents pour l’une ou l’autre d’entre elles.

Ce service n’est pas doté de la personnalité morale et n’est donc pas une société qui serait une filiale commune aux deux entreprises. Son existence est toutefois prévue par la loi (l’article 5 de la loi de 1946 que propose de modifier le présent article) qui rend sa création obligatoire et qui précise ses missions qui sont, dans le domaine de la distribution, « la construction des ouvrages, la maîtrise d'oeuvre de travaux, l'exploitation et la maintenance des réseaux, les opérations de comptage ainsi que d'autres missions afférentes à ces activités ».

En application des directives, l’article 6 du projet de loi organise, comme on l’a vu, la séparation juridique des gestionnaires des réseaux de distribution qui sont, eux aussi, aujourd’hui des services au sein d’EDF et de Gaz de France mais qui deviendront, à compter du 1er juillet 2007, des filiales de ces entreprises. Le service commun n’a donc plus vocation à être un service commun aux maisons mères mais à ces filiales.

Les deux paragraphes du présent article modifient, en conséquence, par coordination, l’article 5 de la loi de 1946.

La Commission a rejeté, conformément à l’avis du rapporteur, un amendement de M. Daniel Paul visant à supprimer cet article, puis elle a adopté cet article sans modification.

Après l’article 7

La Commission a examiné les amendements nos 199 à 231 présentés par des membres du groupe socialiste, visant à créer un service commun aux deux filiales de distribution de Électricité de France et de Gaz de France, afin de préserver l’emploi et les compétences créées en commun par ces deux entreprises.

La Commission a rejeté ces amendements, conformément à l’avis du rapporteur qui a souligné le caractère déclamatoire de leur rédaction.

Article 8

Péréquation des tarifs d’utilisation des réseaux de distribution dans les zones de desserte des concessions régies par la loi de 1946

Il existe aujourd’hui deux catégories de concessions de distribution de gaz :

– celles pour lesquelles Gaz de France ou les DNN bénéficient d’un monopole légal sur la concession en application de la loi de 1946,

– les nouvelles concessions correspondant à la création d’un réseau de distribution de gaz naturel qui sont concédés dans les conditions de droit commun (appel d’offre et mise en concurrence) par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale et qui peuvent être gérés par toute entreprise agréée à cet effet. Ces nouvelles concessions sont régies par l’article 25-1 de la loi de 2003.

Le présent article concerne la première catégorie de concessions, celles qui sont donc sous le régime du monopole. Il a pour objet de préciser que les tarifs d’utilisation des réseaux ainsi concédés sont péréqués à l’intérieur de la zone de desserte de chaque gestionnaire.

Cette situation correspond à l’état du droit actuel. En application du décret n° 2005-22 du 11 janvier 2005 relatif aux règles de tarification pour l'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel, les tarifs d’utilisation sont, en effet, identiques pour l’ensemble du réseau d’un même gestionnaire de réseau de distribution : tous les consommateurs reliés aux réseaux de distribution d’un même gestionnaire se voient donc appliquer le même tarif.

Il n’y a de base légale claire à ce décret que pour les réseaux gérés par Gaz de France, l’article 1er de la loi d’août 2004 disposant, en effet, que « dans le cadre de leurs activités, en particulier de gestionnaires de réseaux, Electricité de France et Gaz de France contribuent à la cohésion sociale, notamment au travers de la péréquation nationale des tarifs de vente de l'électricité aux consommateurs domestiques, de l'harmonisation de ces tarifs pour le gaz et de la péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution ».

Le présent article lève donc toute ambiguïté sur la base légale de ce décret en dissociant l’obligation de la péréquation de la gestion du réseau par l’entreprise Gaz de France et en la liant au caractère de monopole historique de la concession.

La Commission a ensuite rejeté six amendements présentés par M. Daniel Paul visant à assurer la péréquation du prix du gaz sur l’ensemble du territoire français, M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur ayant rappelé qu’une telle péréquation existait par zone depuis 1946 sans que personne ne demande, à sa connaissance, à la modifier.

La Commission a enfin examiné deux amendements identiques présentés par MM. Jean Proriol et Pierre Micaux, visant à préciser que les réseaux publics de distribution de gaz appartiennent aux communes ou à leurs groupements, par cohérence avec le droit existant dans le domaine des réseaux publics de distribution d’électricité.

Sur avis favorable du rapporteur, la Commission a adopté à l’unanimité les deux amendements (amendement n° 88549).

La Commission a ensuite adopté l’article 8 ainsi modifié.

Article 9

Abrogation de dispositions obsolètes relatives au Fonds de péréquation du gaz

Le présent article abroge les six premiers alinéas de la loi du 8 avril 1946 qui organisent le fonctionnement d’un « fonds de péréquation du gaz » géré par Gaz de France

A la différence du fonds de péréquation de l’électricité, prévu par les alinéas suivants du même article, le fonds de péréquation du gaz n’a jamais été mis en place et l’abrogation des dispositions en prévoyant la création s’apparente donc à un toilettage du droit existant.

La Commission a rejeté deux amendements présentés par M. Daniel Paul, visant à réaffirmer la nécessité d’une péréquation tarifaire sur le territoire national, puis elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 88550) ainsi que l’article 9 ainsi modifié.

Après l’article 9

La Commission a examiné les amendements nos 133 à 165 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. François Brottes a indiqué que, afin d’améliorer la situation des plus démunis, ces amendements visaient à interdire les coupures d’électricité toute l’année et non uniquement durant les mois d’hiver.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a dénoncé le caractère démagogique de ces amendements, rappelant que cette question avait déjà été débattue lors de l’examen d’une proposition de loi déposée par M. Jean-Pierre Kucheida.

La Commission a rejeté ces amendements, ainsi que les amendements nos 166 à 198 des mêmes auteurs ayant un objet similaire.

Article additionnel après l’article 9

Coopération intercommunale dans le domaine de la distribution publique d’électricité

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques présentés par MM. Jean Proriol et Pierre Micaux, visant à renforcer la coopération intercommunale dans le domaine de la distribution publique de l’électricité.

M. Jean Proriol a indiqué que cette distribution était souvent gérée par un syndicat départemental mais également parfois par des syndicats communaux ou intercommunaux, ce qui n’est pas toujours totalement efficient. Il a donc estimé que la coopération dans ce domaine devait être encouragée à l’échelle du département, proposition qui a reçu l’assentiment de plusieurs opérateurs privés du secteur. Cet amendement prévoit une procédure souple de création d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte correspondant au périmètre du département lorsque la distribution publique de l’électricité n’est pas gérée à cette échelle à la date de publication du présent projet de loi, ou, en cas d’échec de cette première procédure, la création d’une conférence intercommunale de l’électricité dans un délai de 18 mois suivant la publication du présent projet de loi.

M. Philippe Tourtelier s’est inquiété de voir les compétences du département renforcées au détriment des intercommunalités.

M. Jean Proriol a précisé qu’il ne s’agissait pas d’une départementalisation de la distribution publique d’électricité sous la houlette du conseil général, mais plus d’une incitation à la coopération intercommunale avec le concours du syndicat départemental d’électrification.

La Commission a adopté ces deux amendements identiques portant article additionnel, avec un avis favorable du rapporteur (amendement n° 88551).

Article additionnel après l’article 9 

Financement des travaux réalisés par un syndicat de communes par une contribution financière de ses communes

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Pierre Micaux, visant à ce que certains travaux réalisés par les syndicats de communes, tels que des travaux sur les réseaux de distribution d’électricité ou les réseaux d’éclairage public, puissent donner lieu au versement au syndicat de contributions financières comptabilisées en dépenses d’investissement par la collectivité qui les verse.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a estimé que de telles dépenses étaient financées par des fonds de concours figurant obligatoirement dans les dépenses de fonctionnement de la collectivité qui les verse.

M. Jean Launay s’est dit favorable à cet amendement, estimant que de telles dépenses n’étaient pas toujours financées par fonds de concours.

M. Serge Poignant a estimé que cet amendement soulevait un problème important relatif aux règles de la comptabilité publique, qui imposent à une commune de financer une intercommunalité par son budget de fonctionnement dès lors qu’elle en fait partie.

M. Philippe Feneuil a indiqué que cet amendement répondait aux interrogations des maires des petites communes.

M. Jean Gaubert a précisé que le droit existant permettait un tel financement par les dépenses d’investissement de la commune, mais que certains receveurs refusent de l’appliquer. Il a donc proposé d’adopter cet amendement, afin que le ministre clarifie la situation en séance publique.

Reconnaissant que ce problème trouvait des solutions divergentes suivant les régions, M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a émis un avis favorable à l’adoption de cet amendement.

Le Président Patrick Ollier a noté qu’au vu des explications du Gouvernement, l’amendement pourrait être retiré en séance.

La Commission a adopté cet amendement portant article additionnel (amendement n° 88552).

Article additionnel après l’article 9

Imputation budgétaire des contributions des communes aux travaux réalisés par leur syndicat de communes

Par cohérence avec l’adoption de l’amendement précédent, la Commission a adopté un amendement de M. Pierre Micaux visant à éviter que le transfert d’une compétence communale à un syndicat de communes ne conduise à transférer les dépenses afférentes à cette compétence vers la section d’investissement du budget communal (amendement n° 88553).

Après l’article 9

La Commission a rejeté un amendement de M. Martial Saddier visant à permettre aux distributeurs non nationalisés et aux entités issues de leur séparation juridique de créer un opérateur commun pour développer leurs synergies.

Article additionnel après l’article 9 

Versement d’une contribution au syndicat d’électricité par les communes membres

Par cohérence avec les amendements précédemment adoptés, la Commission a adopté un amendement de M. Pierre Micaux visant à conforter juridiquement les contributions perçues par les syndicats d’électricité auprès de leurs communes membres en contrepartie des travaux réalisés sur les ouvrages de distribution d’électricité (amendement n° 88554).

Après l’article 9

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 100 à 132 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. François Brottes a indiqué qu’ils visaient à obtenir la transmission au Parlement, par le gouvernement, d’un rapport concernant l’application du statut des industries électriques et gazières dans les filiales et sous-traitants de Électricité de France et Gaz de France, considérant que la date du 31 décembre 2006 permettrait de corriger rapidement certaines dérives.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a précisé que ce statut s’appliquait dans les deux entreprises mentionnées par l’amendement et non dans leurs filiales ou leurs entreprises sous-traitantes, et a donc donné un avis défavorable à l’adoption de ces amendements.

Le président Patrick Ollier a en outre rappelé que le ministre de l’économie et des finances avait pris l’engagement, devant la commission, de maintenir ce statut, ce qui avait conforté une partie de la majorité en faveur du projet de loi.

La Commission a rejeté les amendements.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AU CAPITAL DE GAZ DE FRANCE ET AU CONTRÔLE DE L’ETAT

Article 10

Part du capital d’EDF et de Gaz de France détenue par l’Etat, modalités de contrôle public sur Gaz de France et ses filiales et autorisation de privatisation de Gaz de France

Le présent article fixe la part minimale de l’Etat au capital de Gaz de France (I), organise un contrôle public spécifique sur cette entreprise et ses filiales (II) et en autorise la privatisation (III).

Le paragraphe I propose une nouvelle rédaction globale de l’article 24 de la loi du 9 août 2004.

En l’état du droit, celui-ci dispose :

– qu’Electricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés régies, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes ;

– et que l'Etat détient plus de 70 % de leur capital.

La nouvelle rédaction proposée par le projet de loi prévoit qu’Electricité de France et Gaz de France sont des sociétés anonymes. Elle maintient l’obligation de détention d’au moins 70 % du capital d’Electricité de France par l’Etat et porte ce seuil minimal, pour Gaz de France, à plus du tiers du capital de l’entreprise.

Conformément aux exigences formulées par le président Patrick Ollier lors du débat du 14 juin dernier, il est donc prévu de faire figurer dans la loi la détention par l’Etat dans le capital de Gaz de France d’une « minorité de blocage » c’est-à-dire d’une part du capital lui assurant un droit de veto sur les décisions devant être prises à la majorité des deux tiers. Ces décisions sont celles relevant de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire d’une société anonyme.

L’article L. 225-96 du code de commerce dispose, en effet, que l’assemblée générale extraordinaire « statue à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés ».

L’assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour modifier les statuts de la société (art. L. 225-96 du code de commerce) et pour changer la nationalité de la société vers un pays d’accueil ayant conclu avec le France une convention spéciale en ce sens, aucune convention de ce type n’ayant pour l’instant été conclue (art. L. 225-97 du même code), toutes les autres décisions relevant de l’assemblée générale ordinaire.

Aux termes de l’article L. 210-2 du code de commerce, les statuts d’une société déterminent notamment sa dénomination sociale, son siège social, son objet social et le montant de son capital social. Il résulte de ces dispositions que l’Etat pourra, en tout état de cause, garantir le maintien en France du siège de la société, s’opposer à toute modification de son objet social et, surtout, s’opposer à toute augmentation de capital. Tenu par la loi de détenir plus du tiers du capital, l’Etat ne pourra ainsi se trouver contraint de souscrire à une éventuelle augmentation du capital qui diluerait sa part de capital en dessous de ce seuil en l’absence d’apports nouveaux.

Cette part du capital fera, en outre, de l’Etat de très loin le premier actionnaire du groupe Gaz de France et d’un éventuel nouvel ensemble Gaz de France+Suez dont le groupe Bruxelles Lambert serait le second actionnaire avec environ 4 % du capital (sur la base des titres détenus au 31 décembre 2005 et de la parité de fusion annoncée) soit 8,5 fois moins que l’Etat. De fait, l’Etat sera donc en situation de peser de manière décisive sur les choix de gestion du groupe Gaz de France ou d’un nouvel ensemble fusionné avec Suez.

Il convient, en effet, de rappeler que beaucoup des actionnaires d’une grande entreprise ne participent pas à ses assemblées générales par exemple parce que leurs statuts le leur interdisent (ce qui est le cas de certains fonds d’investissement) ou parce qu’ils ne souhaitent ou ne peuvent pas immobiliser quelques jours leurs titres. Ainsi, s’il l’on prend l’exemple du groupe Suez, lors de la dernière assemblée générale intervenue, le 5 mai 2006, seuls des actionnaires représentant 19,6 % des droits de vote étaient présents, le total des actionnaires présents ou représentés ne rassemblant que 45,1 % des droits de vote. L’Etat seul pourrait donc être fréquemment majoritaire dans les assemblées générales ordinaires.

Enfin, au 31 décembre 2005, le noyau dur des actionnaires de Suez détenait 23,1 % du capital du groupe. Dilués par la fusion, ces actionnaires détiendront environ 13 % du capital d’un nouvel ensemble Suez+Gaz de France sur la base de la parité de fusion actuellement annoncé. En incluant l’Etat dans ce noyau dur, le nouveau groupe disposerait donc d’un actionnariat stabilisé détenant au moins 47 % de son capital. Même sans réaction de défense, une éventuelle offre publique d’achat à laquelle ces actionnaires seraient hostiles devraient donc, pour aboutir, être acceptée par des actionnaires représentant près de 95 % du capital flottant de l’éventuel nouvel ensemble.

Le paragraphe II organise un contrôle spécifique de l’Etat sur Gaz de France régi par deux nouveaux articles insérés au sein de la loi d’août 2004 prévoyant respectivement la création d’une action spécifique pour l’Etat à laquelle des droits particuliers seront attachés (nouvel article 24-1) et la possibilité de désigner des commissaires du Gouvernement dans les organes dirigeants de Gaz de France et des sociétés issues de la séparation juridique légale de l’entreprise (nouvel article 24-2).

Article 24-1 [nouveau] de la loi du 9 août 2004

Action spécifique de l’Etat au capital de Gaz de France

Le nouvel article 24-1 impose à un décret de prononcer la transformation d’une action ordinaire de l’Etat au capital de Gaz de France en une action spécifique régie par les dispositions de l’article 10 de la loi du 6 août 1986 « en vue de préserver les intérêts nationaux dans le secteur de l’énergie, et notamment la continuité et la sécurité d’approvisionnement en énergie ».

Cet article précise que les droits pouvant être attachés à une action spécifique sont les suivants :

« 1° L'agrément préalable par le ministre chargé de l'économie pour le franchissement, par une personne agissant seule ou de concert, d'un ou plusieurs des seuils fixés dans le décret (…) et calculés en pourcentage du capital social ou des droits de vote ;

2° La nomination au conseil d'administration ou de surveillance, selon le cas, d'un ou deux représentants de l'Etat désignés par décret et sans voix délibérative ;

3° Le pouvoir de s'opposer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, aux décisions de cession d'actifs ou de certains types d'actifs de la société ou de ses filiales ou d'affectation de ceux-ci à titre de garantie, qui sont de nature à porter atteinte aux intérêts nationaux. »

L’exposé des motifs du projet de loi précise que ce dispositif « confèrera à l'État, et de manière pérenne, le droit de s'opposer aux décisions de l'entreprise ou de ses filiales affectant en France les actifs concernant les canalisations de transport de gaz naturel, les actifs liés à la distribution de gaz naturel, les stockages souterrains de gaz naturel ainsi que les installations de gaz naturel liquéfié qui concourt à la continuité et à la sécurité d'approvisionnement en énergie ».

L’intention du Gouvernement semble donc être d’attacher à l’action spécifique de l’Etat les droits prévus au 3° précité du I de l’article 10 de la loi du 6 août 1986 pour protéger l’ensemble des actifs utilisés par Gaz de France en France dans ses activités régulées (transport, distribution, stockage et exploitation des installations de liquéfaction donc des terminaux méthaniers). Il ne semble donc envisagé de reprendre les droits spécifiques mentionnés au 1° (agrément préalable des franchissements de seuils de capital ou de droits de vote) et au 2° (représentants de l’Etat sans voix délibérative au conseil d’administration) du même I.

La question de la compatibilité de ce dispositif avec le droit communautaire a été posée lors des auditions auxquelles la Commission a procédé.

Il est vrai qu’un dispositif prévoyant une action spécifique au capital de la Société nationale Elf-Aquitaine, avait été jugé non compatible avec l’article 56 (anciennement 73 B) du Traité instituant la Communauté européenne qui dispose que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites » par la Cour de justice des communautés européennes3.

Cette action spécifique confiait à l’Etat les trois catégories de prérogatives ouvertes par la loi d’août 1986 à savoir :

– un pouvoir d’approbation préalable de toute opération entraînant le « franchissement à la hausse des seuils de détention directe ou indirecte de titres du dixième, du cinquième ou du tiers du capital ou des droits de vote de la société par une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert » (I de l’article 2 du décret n° 93-1298, du 13 décembre 1993, instituant une action spécifique de l'État dans la Société nationale Elf-Aquitaine) ;

– la présence au conseil d'administration de la société de deux représentants de l'Etat nommés par décret siégeant sans voix délibérative (II de l’article 2 du même décret) ;

– un droit d’opposition aux décisions de cession ou d'affectation à titre de garantie de certains actifs (III de l’article 2 du même décret).

Ces prérogatives étaient justifiées, aux termes de l’article 1er du même décret, par la volonté « de protéger les intérêts nationaux » et n’étaient pas encadrées de manière plus précise.

Le raisonnement de la Cour avait alors été de considérer que la réglementation en cause constituait une restriction aux mouvements des capitaux (point 42 de l’arrêt) dont la libre circulation, principe fondamental du traité, ne peut être limitée par une réglementation nationale que si celle-ci est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, proportionnées à celles-ci (point 45 de l’arrêt) et s’appliquant de manière objective et prévisible (point 49 de l’arrêt).

Il importe donc de noter que la Cour a, de manière très claire, admis, conformément d’ailleurs à la lettre des traités, la possibilité de restrictions à la libre circulation des capitaux.

En l’espèce, elle a toutefois considéré que, si « l'objectif poursuivi par la réglementation en cause, à savoir garantir la sécurité des approvisionnements en produits pétroliers en cas de crise, relev(ait) d'un intérêt public légitime » (point 47), la réglementation en cause allait « au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but indiqué » « vu l'absence de critères objectifs et précis dans la structure du régime établi » (point 53) s’agissant :

– du régime d’approbation préalable des franchissements à la hausse de certains seuils de détention directe ou indirecte de titres dont l’exercice n’est soumis « à aucune condition, à l'exception d'une référence à la protection des intérêts nationaux, formulée de manière générale » de sorte qu’il en résulte « un pouvoir discrétionnaire » constituant « une atteinte grave à la libre circulation des capitaux, qui peut aboutir à l'exclusion de cette dernière » et qui « va donc manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif invoqué par le gouvernement français, à savoir la prévention d'une atteinte à l'approvisionnement minimal en produits pétroliers en cas de menace effective » (points 50 et 51 de l’arrêt) ;

– comme du droit d’opposition à certaines décisions concernant certains actifs dont l’exercice n’est pas non plus encadré par des conditions « limitant le large pouvoir discrétionnaire du ministre qui en est titulaire » et qui va donc lui aussi « manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but invoqué par le gouvernement français, à savoir la prévention d'une atteinte à l'approvisionnement minimal en produits pétroliers en cas de menace effective » (point 52 de l’arrêt).

L’action spécifique au capital de la Société nationale Elf-Aquitaine a donc été jugée non compatible avec le droit communautaire parce que les pouvoirs qu’elle accordait au Gouvernement français étaient insuffisamment encadrés. Le principe même de l’action spécifique n’a donc pas été condamné.

Le même jour, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a rendu un second arrêt4 portant sur l'action spécifique du royaume de Belgique dans la Société nationale de transport par canalisations (SNTC) et dans la Société de distribution du gaz (Distrigaz) qui est encore plus explicite.

Comme l’action spécifique au capital de la Société nationale Elf-Aquitaine, le dispositif belge ouvrait au Gouvernement la possibilité de s’opposer à « toute cession, toute affectation à titre de sûreté ou tout changement de la destination des canalisations de la société constituant des grandes infrastructures de transport intérieur de produits énergétiques ou pouvant servir à cet effet » portant « atteinte aux intérêts nationaux dans le domaine de l'énergie » (arrêté royal du 10 juin 1994). A la différence du système français, il n’était pas prévu de contrôle de la structure du capital des sociétés mais la possibilité était ouverte de nommer au sein des conseils d’administration des sociétés « deux représentants du gouvernement fédéral » pouvant « proposer au ministre l'annulation de toute décision du conseil d'administration qu'ils estiment contraire aux lignes directrices de la politique énergétique du pays » (même arrêté).

Comme dans l’arrêt relatif à l’action spécifique au capital de la Société nationale Elf-Aquitaine, la CJCE a considéré que ce dispositif constituait une entrave à la libre circulation des capitaux au nom d’un intérêt public légitime. Elle l’a néanmoins considéré comme compatible avec le droit communautaire en estimant :

– qu’il s’agissait d’instituer « un régime d'opposition » sans exiger « aucune approbation préalable » (point 49 de l’arrêt),

– rendant possible des interventions publiques qui « ne peuvent avoir lieu qu'en cas de mise en cause des objectifs de la politique énergétique » (point 51 de l’arrêt),

– et permettant donc « sur la base de critères objectifs et contrôlables par les juridictions, de garantir la disponibilité effective des canalisations constituant les grandes infrastructures de transport intérieur des produits énergétiques ainsi que d'autres infrastructures pour le transport intérieur et le stockage de gaz, y compris les points de débarquement et transfrontaliers » en donnant à l’Etat belge « la possibilité d'intervenir afin d'assurer, dans une situation donnée, le respect des obligations de service public qui incombent à la SNTC et à Distrigaz, tout en respectant les exigences de sécurité juridique » (point 52 de l’arrêt),

– sans qu’il soit démontré que « des mesures moins contraignantes auraient pu être prises pour atteindre l'objectif poursuivi » (point 53 de l’arrêt).

Il ressort donc clairement de ces deux arrêts qu’une action spécifique peut être compatible avec le droit communautaire dès lors que les droits qu’elle accorde à l’Etat sont proportionnés à l’intérêt public recherché et qu’un contrôle juridictionnel de la nécessité éventuelle de l’exercice de ces droits est rendu possible par une précision suffisante de l’intérêt public poursuivi.

A la lumière de cette jurisprudence, l’action spécifique prévue par le présent projet de loi et dont le champ est précisé par son exposé des motifs apparaît très proche des actions spécifiques de l’Etat belge au capital de Distrigaz et de la SNTC. Comme celles-ci, elle semble donc pouvoir être compatible avec le droit communautaire.

Article 24-2 [nouveau] de la loi du 9 août 2004

Commissaires du Gouvernement auprès de Gaz de France et de certaines sociétés qui en sont issues

Ce nouvel article, créé au sein de la loi du 9 août 2004, autorise le ministre chargé de l’énergie à désigner un commissaire du Gouvernement siégeant avec voix consultative dans les instances dirigeantes (conseil d’administration, conseil de surveillance ou comités de ces conseils) de Gaz de France, de toute entité venant aux droits et obligations de Gaz de France et des sociétés issues de la séparation juridique imposée à Gaz de France (sociétés gestionnaires du réseau de transport ou des réseaux de distribution). Il est précisé que ce commissaire du Gouvernement pourra présenter des observations aux assemblées générales de ces sociétés.

Le paragraphe III autorise la privatisation de Gaz de France en ajoutant cette société à la liste des entreprises figurant en annexe de la loi du 19 juillet 1993 de privatisation.

Lors de l’examen de cet article, après avoir rappelé le caractère central de l’article 10, M. Christian Bataille a indiqué que celui-ci prévoyait une détention du capital d’EDF et de GDF par l’État respectivement à hauteur de 70 % et de 34 %. Il a souligné les contradictions entre une tradition gaulliste attachée à un secteur public fort en matière énergétique et le coup fatal porté par la majorité actuelle à la situation de GDF et, dans l’avenir, à celle d’EDF. De même, il a critiqué le décalage entre les propos de Nicolas Sarkozy, prônant une ouverture nécessaire du capital mais n’envisageant pas de privatisation, et la fraction résiduelle d’un tiers prévue dans le projet de loi pour GDF. Il s’est également inquiété du passage de 80 à 70 % pour la présence de l’État dans le capital d’EDF et a jugé inéluctable la privatisation à terme d’EDF dans ces conditions. S’il lui avait semblé déceler des nuances d’appréciation au sein de la majorité entre les partisans d’un libéralisme forcené et ceux favorables au maintien d’un pouvoir d’intervention de l’État, au nom notamment de l’aménagement du territoire, il a constaté le ralliement de ses membres au tout privatisation. Il a émis de fortes craintes sur le fait que le nucléaire relève à terme de forces du privé. Reconnaissant que le nucléaire pouvait faire débat au sein de la gauche pour des questions tenant à la sécurité des installations, il a estimé que la présence de l’État comme détenteur d’une large fraction du capital était indispensable pour garantir une sécurité maximale et un surinvestissement en la matière et qu’elle était incontournable pour défendre l’image du nucléaire auprès de nos concitoyens.

M. Daniel Paul a critiqué l’article 10, qui abaisse la présence de l’État au sein du capital de GDF au mépris des engagements pris il y a deux ans de ne pas descendre en dessous de 70 %. Soulignant que certains membres du groupe UMP allaient demander en séance publique de réduire cette participation en deçà de 34 %, il a déploré qu’une entreprise publique soit sacrifiée en raison des menaces supposées pesant sur Suez. Il a estimé que si certains députés avaient avancé l’idée de participations croisées, c’est qu’ils étaient conscients de la possibilité de ne pas sacrifier totalement GDF. Il a indiqué que le groupe communiste, qui n’est pas favorable à cette solution alternative, privilégiait le sauvetage de Suez par le jeu d’acteurs publics tels la Caisse des Dépôts et Consignations. Regrettant la tendance actuelle de remise en cause générale du service public dans laquelle s’inscrit ce projet de loi, il a souligné les différences existant entre une entreprise publique et une entreprise ayant une mission de service public dévolue par l’État. Rappelant que les obligations de service public n’empêchaient pas la rémunération du capital, il a affirmé que son groupe politique était opposé à cette dernière lorsqu’il s’agissait de biens nécessaires à la vie, tels l’énergie. S’élevant contre le mythe de la supériorité du privé sur le public, il a rappelé les succès enregistrés par EDF en dépit de son caractère public. Il a considéré la privatisation d’EDF comme inéluctable dans l’avenir, un nouveau verrou devant sauter au 1er juillet 2007 avec l’ouverture totale du marché de l’électricité. Il a défendu au nom de son groupe une renationalisation d’EDF et de GDF, les deux entreprises constituant le cœur d’un pôle énergétique dans lequel seraient associés les salariés et les collectivités territoriales. En conséquence, il a annoncé que son groupe défendrait un amendement portant la participation de l’État à hauteur de 100 %.

M. Jean-Yves Le Déaut a déploré le démantèlement annoncé de GDF. Dans l’hypothèse où les réseaux de transport passeraient dans le secteur privé, il s’est inquiété d’une éventuelle revente de cette activité, en dépit de son caractère stratégique, et rappelé les propositions faites au mois de juillet pour séparer de la vente le réseau de transport et les centres de stockage. Il a vivement regretté qu’une partie hautement stratégique puisse ainsi être revendue et ne fasse l’objet d’aucune règle anti-OPA, l’État étant privé de réel moyen d’intervention pour réagir le cas échéant. Il a rappelé les propos tenus par le ministre de l’économie de l’époque en 2004, selon lesquels il n’était pas envisageable de privatiser EDF, qui, en tant qu’opérateur de centrales nucléaires, ne pouvait être assimilée à un opérateur de centrale téléphonique, et s’est interrogé sur les raisons motivant aujourd’hui un passage à 70 % de la présence de l’État au sein du capital de l’entreprise. Il a déploré que la détermination de choix stratégiques pour notre pays puisse, à terme, être le fait d’intérêts privés.

M. Serge Poignant a répondu que la situation avait considérablement changé depuis 2004, en raison notamment de l’accélération des concentrations industrielles. Dans ces conditions, il a jugé légitime de réfléchir aux moyens à donner à GDF en vue d’affronter cette concurrence. Il a rappelé que l’idée de maintenir une présence de l’État à hauteur de 51 % avait été examinée mais que sa réalisation aurait engagé GDF dans une dette insupportable. Dans ces conditions, il a estimé qu’il fallait répondre au projet industriel rassemblant GDF et Suez et indiqué que le groupe UMP allait très majoritairement défendre les orientations du projet de loi, avec une présence de l’État à hauteur de 34 % renforcée par des actions spécifiques (« golden share ») sur les éléments stratégiques : transport, stockage et sécurité de l’approvisionnement.

M. François Brottes a considéré que la privatisation de GDF n’était pas dans l’intérêt de l’État, ni dans celui du consommateur mais peut-être dans celui de Suez et a déploré le sacrifice d’une entreprise publique au profit d’une entreprise privée. Bien que le Président de la République ait affirmé la nécessité de constituer un grand groupe gazier, il a estimé que la fusion entre GDF et Suez ne réglerait rien sur l’amont gazier et que la possibilité d’atteindre 20 % de parts de marché n’aurait guère d’impact et ne changerait rien au prix d’achat du gaz. Il a en outre souligné que cette privatisation de GDF, au moment où l’on renforce ses actifs, s’apparentait à du vol, cette valorisation allant bénéficier aux acquéreurs privés. Il a par ailleurs précisé qu’aucune déclaration en faveur de la privatisation de GDF n’avait été faite par les socialistes dans les tribunes de l’Assemblée nationale au nom du gouvernement et que seule l’expression de points de vue en dehors de toute configuration officielle avait pu avoir lieu, ce qui n’était visiblement pas le cas pour les membres de l’UMP, dont le dirigeant actuel, alors ministre de l’économie, avait pris en 2004 des engagements à la tribune que le revirement actuel conduit à considérer comme un mensonge d’État. Il a par ailleurs émis de fortes réserves sur les garanties apportées par les « golden share », le futur groupe pouvant néanmoins être contrôlé par une autre entité que l’État, si l’on en croit les doutes exprimés par M. Pierre Lellouche en juillet dernier. Il a considéré comme tout aussi fallacieux l’argument avancé selon lequel la fusion permettrait d’acheter le gaz moins cher aux producteurs. Dans ces conditions, il a qualifié de chèque en blanc un projet de loi qui abaisse la part de l’État à 34 % sans dire ni comment ni pourquoi. Observant que l’ensemble des organisations syndicales s’étaient opposées à ce projet avec des arguments similaires tenant à la perte de contrôle, à l’abandon du service public et à l’absence de garantie pour le consommateur, il a néanmoins rappelé que le groupe socialiste ne contestait pas la transposition de directives, qui en l’occurrence servait d’habillage au projet de privatisation, nécessaire et fondamentale, regrettant que cette partie du texte n’ait pas fait l’objet d’un travail plus abouti.

M. Jean Gaubert a regretté que les engagements pris par le ministre d’État de l’économie et des finances de l’époque n’aient même pas pu être tenus jusqu’en 2007. Il a considéré que l’enjeu essentiel du texte était la précarité de Suez, comme nombre d’entreprises privées, et s’est demandé si l’État allait à chaque fois trouver une entreprise publique pour renforcer une entreprise privée. Il a rappelé que Suez, selon les propos mêmes de ses dirigeants, n’était pas une entreprise française et qu’il était donc malhonnête d’invoquer l’intérêt national. Il a considéré que la future entité, constituée à majorité de capitaux privés, pourrait encore faire l’objet d’une OPA, en dépit de l’adoption du projet de loi et des actions spécifiques qu’il prévoit. Il a rappelé par ailleurs que le sauvetage de Veolia il y a trois ans reposait déjà sur un montage financier impliquant des capitaux publics et une participation d’EDF, sans tenir compte de la situation de cette dernière. Il a exprimé en outre des doutes sur la taille qu’atteindra la future entité, qui ne pourra être leader en Europe mais pourra au mieux constituer un champion régional. Il a ajouté que les accords passés dans le domaine gazier allaient encore renforcer les écarts et constaté que ni Suez ni GDF ne disposaient de ressources gazières. Il s’est enfin interrogé sur le devenir des services communs EDF-GDF, qui emploient près de 55 000 salariés, sachant que Suez dispose déjà d’un personnel capable de travailler dans le domaine de la maintenance gazière et que les techniques employées dans le secteur de l’eau n’étaient pas si éloignées. Il a donc mis en garde contre les conséquences sociales explosives de ce projet de loi.

Soulignant les changements intervenus dans le monde depuis 2004, M. Jean Proriol a évoqué la menace qu’avait fait peser Pepsi Cola sur Danone, société privée, et l’unanimité nationale qui s’était alors dégagée pour voler au secours de cette entreprise. Il a estimé qu’Enel restait à l’affût pour dépecer Suez et qu’il était donc opportun de réagir. Il a ajouté que la crise pétrolière actuelle, la hausse du prix du gaz et du pétrole et l’ouverture du marché de l’électricité au 1er juillet 2007 changeaient la donne par rapport à 2004. Il a rappelé par ailleurs que M. Laurent Fabius, lorsqu’il était ministre des finances, avait envisagé de faire rentrer des capitaux anglais au sein de GDF et qu’une autre personnalité socialiste, M. Dominique Strauss Kahn, avait déclaré que la propriété de GDF n’était pas gravée dans le marbre. Rappelant les conditions laborieuses dans lesquelles avait été votée la loi de 2000, il a attribué le silence de M. Lionel Jospin en la matière à son absence de majorité pour faire voter la transposition de la directive, réclamée par le président d’EDF de l’époque, M. François Roussely, pour pouvoir accéder au marché européen. Soulignant par ailleurs qu’il n’était pas rare qu’un ministre revienne sur ses décisions à l’occasion d’un changement de circonstances, il a insisté sur l’existence d’un vrai projet industriel entre GDF et Suez, deux sociétés complémentaires. Il a reconnu que le risque d’une OPA n’était pas totalement écarté mais que cette opération était rendue plus difficile avec les actions spécifiques de l’État. Rappelant la hausse de prix du gaz de 40 % intervenue sous le gouvernement Jospin, il a souligné que l’évolution de ce prix était indépendante du statut de l’entreprise qui la fixe. Il a ajouté par ailleurs que le groupe constitué par GDF et Suez occupera la première place sur la scène mondiale pour le gaz naturel liquéfié et que la conclusion d’autres alliances reste également soumise à l’adoption du projet de loi. Il a conclu en réaffirmant qu’en raison des conditions mises à cette fusion, le groupe UMP votera dans sa très grande majorité en faveur de ce texte.

M. Jean Dionis du Séjour a tenu à souligner ses points de désaccord avec la position défendue par M. Jean Gaubert, en rejetant tout d’abord l’idée que le groupe Suez ne contribuerait que pour une part négligeable, dans le domaine du gaz, au nouvel ensemble qu’il formerait avec GDF, puisqu’il distribue 400 TWh par an contre 750 TWh par an pour GDF ; en remarquant ensuite que la complémentarité des deux groupes est bien réelle, puisque tous les électriciens cherchent aujourd’hui à renforcer leur capacité de production à partir du gaz de manière à faire face aux pointes de consommation, EDF lui-même ayant des projets d’investissements dans ce domaine à côté de son engagement dans l’EPR. S’agissant du maintien du contrôle de l’État dans GDF à hauteur de 34 %, il a observé qu’il s’agissait d’une solution se rapprochant de la position défendue en 2004 par le groupe UDF, qui préconisait, dans le cadre de la loi n°2004-803 du 9 août 2004, une détention par l’État à hauteur de 50 % au lieu de l’alignement sur la solution choisie pour EDF, à 70 % ; et il a estimé que cette limite de 50 % restait meilleure aujourd’hui, car plus efficace contre les OPA qu’une protection par « golden share », et meilleure garante du maintien de l’indépendance énergétique nationale ; il a regretté qu’elle ait été rejetée aux motifs qu’elle suscitait l’opposition des actionnaires de Suez, et qu’elle ne permettait pas de tirer la meilleure efficacité,en termes de synergie, de la fusion.

M. Léonce Deprez a rappelé que l’opération de fusion avait deux déterminants essentiels : d’une part, l’impécuniosité de l’État français, devenu incapable de faire face aux besoins de financement qu’imposent de nos jours une politique d’adaptation industrielle dans le secteur de l’énergie ; d’autre part, la nécessité d’élever une barrière dissuasive de 75 milliards d’euros face aux velléités d’OPA sur l’un ou l’autre des deux groupes. Il a ajouté que ces arguments avaient pris une force récente à la lumière des évolutions constatées sur le marché de l’énergie au cours des derniers mois.

Le rapporteur a tenu d’abord à rappeler qu’il avait assisté, sous la précédente législature, à des réunions de travail avec des représentants de GDF qui mentionnaient explicitement leur souhait de voir leur entreprise privatisée, sans que des représentants du groupe socialiste également présents se fussent récriés. Il a dénoncé ensuite la stratégie consistant à faire glisser le débat sur le sort d’EDF, alors qu’il s’agit d’une entreprise productrice d’énergie, à la différence de GDF qui n’est qu’une entreprise de négoce, et alors que cette production porte pour partie sur l’énergie nucléaire, ce qui rend nul et non avenu tout débat autour de son statut public. Il a rappelé que la situation de GDF avait beaucoup changé depuis 1946, puisque l’entreprise ne produit pratiquement plus de gaz, ni en provenance du gisement de Lacq, ni en provenance des gisements algériens, sous contrôle français à l’époque ; que cette évolution avait conduit le gouvernement de M. Lionel Jospin à envisager une privatisation, défendue à l’époque par le rapport confié à Mme Nicole Bricq, parlementaire en mission nommée par le premier ministre. Il a déclaré son étonnement que M. François Brottes assimile la privatisation à du vol, puisque le gouvernement de M. Lionel Jospin avait fait en son temps un grand usage de la privatisation. Il s’est inscrit en faux contre l’argument d’une hostilité générale des organisations syndicales à la fusion entre GDF et Suez, puisqu’il a lui-même entendu des représentants d’organisations syndicales, y compris la CGT, apporter leur soutien à l’opération.

Il a rappelé que la fixation d’une détention minimale de l’État à hauteur de 70 % dans le capital de GDF en 2004 se justifiait à l’époque par l’absence d’argument pour créer une situation différente de celle adoptée pour EDF, aucun partenariat industriel n’étant alors envisagé ; que, depuis lors, la forte hausse du prix du pétrole, et les opérations de concentration opérées sur le marché européen de l’énergie avaient bouleversé la donne, obligeant à réagir sauf à se contenter de réciter les litanies d’un bréviaire datant d’un autre âge. Il a estimé que le soutien ainsi apporté au groupe Suez se justifiait dans la mesure où celui-ci faisait partie sans ambiguïté du patrimoine industriel français. Il a défendu l’idée que le groupe résultant de la fusion détiendrait une place de numéro un dans le gaz en Europe et que sa position dans l’approvisionnement en gaz naturel liquéfié en ferait le premier opérateur mondial du secteur, cet approvisionnement renforçant par nature la sécurité énergétique, puisqu’il permet d’accéder à des ressources éloignées et donc de diversifier les fournisseurs.

S’agissant de l’abaissement à 34 % du seuil de détention du capital par l’État, il a jugé qu’il était parfaitement suffisant face au risque d’OPA, puisqu’en lui ajoutant les parts des autres actionnaires stables, il serait possible de compter, au sein du groupe fusionné, sur un « noyau dur » de 46 à 47 %, le second actionnaire après l’État ne détenant, en outre, que 4 % du capital. Il a constaté en outre, pour illustrer la dispersion du capital, qu’au cours des dernières assemblées générales du groupe Suez, seuls 20 % des actionnaires étaient présents, et 45 % présents ou représentés. Il a insisté sur le caractère peu attractif, pour un prédateur, d’un ensemble économique dont le résultat dépendrait, pour l’un de ses principaux paramètres, à savoir le tarif, du ministre de l’économie, et a rappelé la possibilité pour un État de protéger d’une OPA hostile un groupe du secteur énergétique ainsi que les Italiens en ont donné l’exemple lors de la prise de contrôle de Montedison par EDF.

Il a estimé enfin que l’article 11 du projet de loi levait sans ambiguïté toute hypothèque sur la propriété du réseau de transport de gaz de France.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que le marché de l’énergie européen avait été plus modifié par les évolutions des six derniers mois qu’au cours des trente années qui ont précédé, estimant que la France ne pouvait dès lors pas manquer d’adapter sa législation en ce domaine, même datant de 2004. Il a estimé que la constitution d’un opérateur disposant d’un pouvoir de marché renforcé était le seul moyen d’obtenir une relative maîtrise des prix, sauf à se placer dans une situation conduisant inéluctablement à un soutien des tarifs par voie de subvention, solution qui n’aurait probablement pas l’adhésion de la population. Se réclamant personnellement d’une famille politique très sensible à la logique du service public, il a néanmoins contesté qu’un quelconque statut d’entreprise publique puisse être attaché par principe au simple fait de commercialiser du gaz, et s’est appuyé sur le précédent de la crise financière de France Télécom en 2002 pour dénoncer les risques induits par une attitude empêchant les adaptations indispensables. Il a insisté sur la nécessité de préserver le contrôle national sur le parc nucléaire français, dont un tiers devrait probablement être cédé à des intérêts privés dans le cas d’une opération de fusion EDF-GDF, et qui se trouve de fait valorisé, à travers ses plus faibles prix de revient, par l’instauration du mécanisme du prix de retour.

Il a rappelé que la meilleure illustration de la neutralité du statut de GDF sur l’évolution des tarifs avait été donnée par l’augmentation de 34 % décidée en 2000, alors que l’entreprise était la pleine propriété de l’État.

Revenant sur le seuil de détention de 34 % par l’État, il a jugé qu’au-delà des analyses du rapporteur, une OPA hostile resterait envisageable si d’autres éléments de défense n’étaient mobilisés, au nombre desquels il comptait le renforcement de l’actionnariat salarié, la présence au conseil d’administration de commissaires du Gouvernement, et la mise en place d’actions spécifiques de l’État pour la cession de certains actifs stratégiques. Il a repris l’argument du rapporteur selon lequel aucun investisseur n’accepterait une dépense de l’ordre de 30 milliards d’euros pour s’approprier un groupe dont le contrôle lui échapperait.

En réponse à la comparaison avec la prise de contrôle d’Arcelor, il a tenu à insister sur le fait que l’offre de Mittal n’a été acceptée qu’une fois modifiée conformément aux remarques formulées sur l’offre initiale, notamment quant à la nature du projet industriel et au prix d’acquisition, lui-même ayant reçu le dirigeant de l’entreprise pour lui expliquer la situation.

M. François Brottes a remercié le rapporteur d’avoir expliqué en détail ce qui allait résulter de l’autorisation de privatisation de GDF portée par le projet de loi. Répondant à l’évocation du cas de France Télécom, il a salué rétrospectivement la sagesse des responsables politiques de la précédente législature qui s’étaient opposés à la surenchère sur le prix de vente des licences UMTS aux opérateurs français de télécommunications mais a contesté la pertinence de la comparaison avec GDF, le secteur du gaz n’étant pas dans un contexte de « bulle spéculative » contrairement à France Telecom il y a quelques années. Il a noté que, s’agissant du contrôle de l’État sur GDF, le groupe UDF défendait une position médiane, qu’il a contestée en estimant qu’un contrôle à 100 % par l’État était viable dans la durée ; il a rejeté une stratégie de renforcement des cartels, qui ne pourrait aboutir, selon lui, qu’à une prise de contrôle des États par les cartels. Il a contesté l’idée d’un pouvoir effectif du ministre de l’économie sur les tarifs, puisque celui-ci doit tenir compte, pour les fixer, des prix qui lui sont imposés par le marché, sauf à contraindre les opérateurs à des ventes à perte ; en revanche, une certaine maîtrise des prix est possible lorsque l’opérateur est contrôlé par l’Etat, car il est alors plus facilement possible de lui demander d’ajuster ses programmes en conséquence, ainsi que l’a illustrée la séquence de l’hiver dernier au cours de laquelle le ministre a refusé une hausse des tarifs du gaz, pourtant validée par la Commission de régulation de l’énergie. Contestant l’argument selon lequel un prédateur n’aurait pas intérêt à acquérir une entreprise dont il n’aurait pas le contrôle, il a estimé que les fournisseurs de gaz comme Gazprom pourraient de toute façon retirer un avantage d’une OPA réussie, car elle leur permettrait de remonter la filière, en ayant une emprise sur la distribution.

La Commission a alors rejeté, sans que M. Jean Dionis du Séjour prenne part au vote :

– les amendements identiques nos 5385 à 5534 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements identiques nos 25374 à 27551 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements identiques nos 27552 à 30950 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements identiques nos 6843 à 7040 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements identiques nos 6777 à 6809 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements identiques nos 6810 à 6842 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements identiques nos 7041 à 7271 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– les amendements identiques nos 464 à 496 présentés par des membres du groupe socialiste ;

– deux amendements de M. Daniel Paul touchant à la composition du conseil d’administration de Gaz de France.

Puis la Commission a adopté l’article 10 sans modification.

Article 11

Propriété du capital et règles applicables à la société gestionnaire du réseau de transport de gaz issue de la séparation juridique de Gaz de France

Le II de l’article 12 de la loi du 9 août 2004 dispose que le capital de la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France est détenu en totalité par Gaz de France, l'Etat ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public, précise que cette société est régie, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes et prévoit que cette société et, lorsque la majorité du capital de leurs sociétés mères est détenue directement ou indirectement par l'Etat, les autres entreprises de transport de gaz issues de la séparation juridique, sont soumises à la loi n° 83-675 du 28 juillet 1983 de démocratisation du secteur public selon des modalités spécifiques limitant à deux le nombre de représentants de l'Etat nommés par décret à leur conseil d'administration ou de surveillance. Cette dernière disposition garantit une majorité à ces conseils aux représentants des actionnaires.

Le présent article substitue à l’ensemble de ces dispositions un alinéa prévoyant, d’une part, que la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz issue de la séparation juridique imposée à Gaz de France est régie, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes et, d’autre part, que son capital ne peut être détenu que par Gaz de France, l’Etat ou des entreprises ou organismes du secteur public. Des entreprises privées autres que Gaz de France (si cette entreprise était effectivement privatisée) ne pourront donc pas entrer au capital de cette société.

M. Christian Bataille a indiqué que les amendements n°s 1 à 33 avaient pour objectif de maintenir intégralement dans le secteur public le réseau de transport de gaz naturel, à l’instar du réseau de chemin de fer ou du réseau routier.

Après un avis défavorable du rapporteur, la Commission a rejeté les amendements identiques nos 1 à 33.

Puis elle a rejeté un amendement de M. Daniel Paul imposant la présence de 3 représentants de l’État et de 3 représentants des salariés au conseil d’administration de la société gestionnaire de réseaux de transport de gaz.

La Commission a adopté l’article 11 sans modification.

Article 12

Autorisation de privatisation de la production, du transport et de la distribution du gaz naturel

La loi du 8 avril 1946 nationalise notamment « la production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation de gaz combustible ». Elle a toutefois exclu de la nationalisation des entreprises dont la liste est établie par son article 8.

Le présent article modifie cet article pour substituer à l’exclusion de la nationalisation de la production et du transport du gaz naturel jusqu'au compteur d'entrée de l'usine de distribution (état du droit), la production, le transport et la distribution de gaz naturel. Il autorise donc la privatisation de ces activités.

Il convient de rappeler que la disposition qu’il est proposé de remplacer (et qui trouve son origine dans la modification par la loi du 12 août 1949 de la loi du 8 avril 1946) visait, en réalité, à exclure du transfert au monopole créé par la loi de 1946, les activités de production et de transport de gaz naturel réalisées à partir des gisements du Sud-Ouest (Saint-Marcet puis Lacq) par la Société nationale des pétroles d’Aquitaine et par la Régie autonome des pétroles. C’est de cette exception au monopole de Gaz de France qu’est issu la société Gaz du Sud-Ouest (GSO) devenue Total infrastructures Gaz France, filiale de Total, qui exploite un réseau de transport comptant 4 900 kilomètres de canalisations et deux stockages souterrains.

Après l’avis défavorable du rapporteur, la Commission a successivement rejeté quatre amendements de M. Daniel Paul visant l’un à la suppression de l’article et les trois autres à la réaffirmation du monopole de distribution du gaz par une société publique.

La Commission a adopté l’article 12 sans modification.

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES AUX CONTRATS DE FOURNITURE D’ÉLECTRICITÉ OU DE GAZ NATUREL

Article 13

(articles L. 121-86 à L. 121-93 [nouveaux] du code de la consommation)

Mesures relatives à la protection des consommateurs

Cet article transpose les annexes A, très proches l’une de l’autre, des directives 2003/54 et 2003/55 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003, concernant respectivement des règles communes pour le marché de l’électricité et pour celui du gaz naturel, qui prévoient des dispositions concernant la protection des consommateurs.

Les mesures proposées imposent à tout fournisseur d’électricité et de gaz naturel, d’une part, des obligations d’information précontractuelle et, d’autre part, le respect d’obligations contractuelles lors de la conclusion d’un contrat de fourniture d’énergie avec un consommateur.

Elles prévoient également la possibilité pour les consommateurs de conclure un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d’électricité ou de gaz naturel.

Enfin, elles rendent obligatoire la désignation d’un médiateur par chaque fournisseur.

Le I de l’article 13 (alinéa L) crée à cet effet une section 12 dans le code de la consommation, relative aux conditions de conclusion des contrats souscrits par les consommateurs avec un fournisseur d’électricité ou de gaz naturel.

Cette nouvelle section s’insère dans le livre premier relatif à l’information des consommateurs et à la formation des contrats, au sein du titre II relatif aux pratiques commerciales, à la fin du chapitre I consacré aux pratiques commerciales réglementées, qui comprend notamment des dispositions relatives au démarchage, à la vente à distance, et à des secteurs d’activité particuliers. La section 12 proposée s’inscrit après la section 11 dédiée aux contrats de services de communications électroniques, créée par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

L’entrée en vigueur de l’article 13 est actuellement prévue au lendemain de la publication de la loi, puisqu’aucune des dispositions transitoires prévues au titre V ne le concerne.

Or l’article 13 ne distingue pas entre les ménages éligibles et les non éligibles, et de nouveaux contrats pourront être signés par les ménages entre la publication de la loi et le 1er juillet 2007, date fixée pour l’ouverture à l’ensemble des ménages du marché intérieur de l’énergie.

Votre rapporteur vous proposera donc un amendement à l’article 14 prévoyant l’entrée en vigueur du présent article au 1er juillet 2007.

Cette section 12, intitulée « contrats de fourniture d’électricité et de gaz naturel » (N), comporte huit articles.

L’article L. 121-86 (alinéa O) définit l’objet et le champ d’application de la section 12, qui s’applique aux contrats conclus entre les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel et les consommateurs.

Les fournisseurs sont, d’après les directives communautaires, ceux qui assurent la vente, y compris la revente, d’électricité ou de gaz naturel, à des clients.

Les deux directives du 26 juin 2003 ne visent pas les « consommateurs », sauf dans leur annexe A, mais définissent chacune en leur article 2 les « clients résidentiels »  comme ceux qui achètent de l’électricité ou du gaz naturel « pour leur propre consommation domestique, ce qui exclut les activités commerciales ou professionnelles».

Le droit français de l’énergie reprend les termes de client résidentiel, final, ou domestique. Mais le code de la consommation recourt à la notion de consommateur, sans la définir expressément. Il faut se référer à la jurisprudence, et surtout aux définitions du consommateur données par plusieurs directives communautaires.

La directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, comme la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs le définissent comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. La directive 2005/29 /CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur précise :

« Toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». À l’inverse, le professionnel est défini comme « toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne agissant au nom ou pour le compte d’un professionnel ».

Ces mesures de protection des consommateurs ne s’appliquent donc à aucun professionnel. Estimant que certaines PME et certaines professions libérales doivent bénéficier d’une telle protection au même titre que les clients domestiques des fournisseurs d’énergie, votre rapporteur vous proposera de prévoir l’application de ces mesures à une partie des clients professionnels. Cet amendement devrait notamment permettre de remédier au problème des locaux à usage mixte, alors que le code de la consommation ne couvre pas les contrats les concernant.

La Commission a été saisie de deux amendements de M. Martial Saddier et de deux amendements de M. Antoine Herth, identiques, tendant à simplifier les modalités de passation des contrats ; après intervention du rapporteur soulignant leur difficile compatibilité avec les dispositions de la directive européenne, la Commission a rejeté les deux amendements de M. Martial Saddier, M. Antoine Herth ayant retiré les siens.

L’article L. 121-87 (alinéas P à 1j) mentionne la liste des informations qu’un fournisseur est tenu de communiquer au consommateur au moment de l’offre, afin que ce dernier soit en mesure de choisir un opérateur en toute connaissance de cause. Il précise également les moyens par lesquels le fournisseur ou son intermédiaire communique au consommateur les informations précontractuelles précitées.

C’est la principale différence avec les dispositions de la section 11 qui précède ces articles dans le code de la consommation, relative aux contrats de services de communications électroniques : cette dernière n’impose de règle que pour les contrats, pas pour les offres préalables.

Ce faisant, l’article 13 se conforme à l’annexe A dont le dernier alinéa du a) prévoit que « les conditions des contrats doivent être équitables et communiquées à l’avance. En tout état de cause, ces informations doivent être fournies avant la conclusion ou la confirmation du contrat. Lorsque le contrat est conclu par le truchement d’un intermédiaire, les informations mentionnées ci-dessus sont également communiquées avant que le contrat soit conclu ».

Un contrat étant un accord de volontés, il résulte de la rencontre d’une offre et d’une acceptation. L’offre constitue une proposition contractuelle complète à laquelle il suffit d’ajouter l’adhésion du destinataire pour que le contrat soit formé. L’intérêt d’une offre préalable imposée par le législateur dans certains contrats est donc son caractère obligatoire, destiné à assurer au destinataire de l’offre un délai de réflexion avant de s’engager, à empêcher l’offreur de rétracter trop facilement son offre, et à l’obliger à la formuler selon certaines conditions.

Conformément au premier alinéa du présent article, l’offre de fourniture doit constituer un « document unique, aisément accessible, dans des termes clairs et compréhensibles ».

La notion de « document unique, aisément accessible » n'exclut pas les offres faites par téléphone : en pareil cas, les dispositions relatives à la vente à distance s'appliqueraient ; toutefois, dans le cas de l'énergie, la liste des informations précontractuelles que doit fournir le fournisseur au consommateur est plus étendue. Une fois communiquées par téléphone, ces informations devront être transmises au consommateur par écrit ou sur un support durable (par exemple par courrier électronique) afin que le consommateur puisse décider en toute connaissance de cause, au vu du document que lui aura adressé le fournisseur, s'il conclut ou non un contrat avec le fournisseur qui l'a démarché par téléphone.

La Commission a adopté un amendement (n° 88559) de M. Jean Dionis du Séjour tendant à mieux reconnaître l’usage de l’internet pour les actes commerciaux.

L’exigence d’une formulation en des termes clairs et compréhensibles est posée par l’alinéa d) de l’annexe A.

L’offre de fourniture doit comporter au minimum les treize catégories d’informations suivantes, qui transposent et précisent les exigences posées par l’annexe A.

Conformément au 1° de l’article L. 121-87 proposé par le présent article (alinéa Q) pour le code de la consommation, l’offre doit comporter l’identité du fournisseur, l’adresse de son siège social et son numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou tout autre document équivalent pour les sociétés situées hors de France et pour les opérateurs qui ne sont pas inscrits au RCS.

L'inscription au RCS, tenu par le greffier de chaque tribunal de commerce, sous la surveillance d'un juge, donne la personnalité morale à la société et confère au commerçant (personne physique) la présomption de commercialité. Incombent aux commerçants et aux sociétés notamment les immatriculations principales, au plus tard dans le délai de quinze jours à compter de la date du début de leur activité commerciale, ainsi que les immatriculations secondaires ou complémentaires, lors de l’ouverture d’un établissement secondaire.

Sont soumises à ces obligations, les sociétés commerciales et civiles, les entreprises individuelles, les groupements d'intérêt économique. En revanche, ce n’est pas le cas des opérateurs constitués sous forme de régies ou de sociétés d’économie mixte.

La Commission a adopté un amendement de M. Jean Dionis du Séjour visant à faciliter l’accès du client au fournisseur (amendement n° 88560).

En vertu du 2° de l’article L. 121-87 (alinéa R), l’offre doit contenir une description des produits et des services proposés, conformément à l’article 1583 du code civil, selon lequel la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Dans le même esprit, le 3° de l’article L. 121-87 (alinéa S) impose la mention des prix de ces produits et services à la date d’effet du contrat ainsi que, le cas échéant, les conditions d’évolution de ces prix.

M. François Brottes a ensuite présenté des amendements identiques nos 5169 à 5201 tendant à obliger les fournisseurs à informer systématiquement les consommateurs des évolutions de leurs tarifs. Après un avis défavorable du rapporteur, la Commission a rejeté ces amendements.

Afin de garantir la meilleure information possible des consommateurs, et de leur permettre un choix éclairé, il importe que l’offre de fourniture d’énergie puis le contrat comprennent une mention relative à la distinction entre les tarifs réglementés et les prix libres, et à l’exercice de l’éligibilité, ainsi qu’à l’irréversibilité de cette option pour un site donné pour la personne l’exerçant. La Commission a adopté un amendement du rapporteur en ce sens, le groupe socialiste votant pour (amendement n° 88561).

Le 4° de l’article L. 121-87 (alinéa T) prévoit l’indication de la durée du contrat et de ses conditions de renouvellement

En vertu du 5° de l’article L. 121-87 (1a), le document unique doit indiquer la durée de validité de l’offre de fourniture.

Conformément au 6° de l’article L. 121-87 (1b), doit également figurer sur ce document le délai nécessaire à la fourniture d’énergie.

Le 7° de l’article L. 121-87 (1c) impose au fournisseur d’électricité ou de gaz naturel d’indiquer sur l’offre les modalités de facturation et les modes de paiement proposés.

La Commission a adopté un amendement de précision de M. Jean Dionis du Séjour tendant à faciliter le paiement par internet. (amendements n° 88562).

Le 8° de l’article L. 121-87 (1d) prévoit l’inscription sur le document unique des moyens d’accéder aux informations relatives à l’accès et à l’utilisation des réseaux publics de distribution, notamment la liste des prestations techniques et leurs prix, les conditions d’indemnisation et les modalités de remboursement applicables dans l’hypothèse où le niveau de qualité ou la continuité de la livraison ne sont pas atteints.

L’article 6 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité prévoit un abattement forfaitaire lorsqu'un utilisateur subit une interruption de fourniture d'une durée supérieure à six heures imputable à une défaillance des réseaux publics de transport et de distribution.

L’article 60 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique a complété la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 par un article 21-1 selon lequel le gestionnaire du réseau public de transport et les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité conçoivent et exploitent ces réseaux de façon à assurer une desserte en électricité d'une qualité régulière, définie et compatible avec les utilisations usuelles de l'énergie électrique.

Un décret, qui devrait être pris d’ici la fin de l’année, fixera les niveaux de qualité et les prescriptions techniques en matière de qualité qui doivent être respectés par le gestionnaire du réseau public de transport et les gestionnaires des réseaux publics de distribution. Les niveaux de qualité requis correspondants peuvent être modulés par zone géographique.

Conformément à ce décret, le cahier des charges de concession du réseau public de transport, les cahiers des charges des concessions de distribution mentionnées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales et les règlements de service des régies fixent les niveaux de qualité requis.

La Commission a adopté un amendement de précision de M. Jean Dionis du Séjour tendant à une meilleure reconnaissance de l’usage de l’internet pour les actes commerciaux (amendement n° 88563). Puis elle a adopté un amendement de précision présenté par le rapporteur (amendement n° 88564).

Le 9° de l’article L. 121-87 (alinéa 1e) exige l’indication des cas d’interruption de la fourniture d’énergie.

Les cas visés sont les interruptions du fait du fournisseur ou du distributeur, par exemple en cas de non paiement des factures, ou de travaux sur le réseau.

M. Christian Bataille a présenté plusieurs amendements identiques précisant que ces interruptions sont volontaires. Après avis favorable du rapporteur, la Commission a adopté les amendements identiques nos 4836 à 4868.

Toutefois, comme le proclame l’article 1 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (POPE), l’un des objectifs de la politique énergétique, qui repose sur un service public de l'énergie, est de garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie. À cette fin, l’article 2 de la loi POPE précitée précise que « le droit d'accès à l'énergie, et en particulier à l'électricité, dans des conditions indépendantes du lieu de consommation, élément constitutif de la solidarité nationale, doit être préservé. L'énergie, en particulier l'électricité, étant un bien de première nécessité, l'Etat en garantit l'accès aux personnes les plus démunies par l'existence d'un tarif social et maintient des dispositifs de solidarité qui en assurent l'accès aux ménages en grande difficulté ». Ce principe est notamment mis en œuvre par l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles qui organise le maintien de la fourniture aux ménages rencontrant des difficultés pour honorer leurs factures.

La Commission a donc adopté un amendement du rapporteur précisant que les possibilités contractuelles d’interruption de la fourniture d’énergie existent sans préjudice du droit au maintien de l’énergie institué par l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles (amendement n° 88565).

Elle a de ce fait rejeté les amendements identiques nos 4803 à 4835, présentés par des membres du groupe socialiste, dont M. François Brottes a exposé qu’ils avaient pour objectif de permettre la formulation par décret de conditions aux décisions de rupture volontaire de fourniture d’énergie, pour sécuriser l’accès à l’énergie des personnes les plus modestes.

Conformément au 10° de l’article L. 121-87 (alinéa 1f), l’offre de fourniture devra comporter les conditions de la responsabilité contractuelle du fournisseur et du gestionnaire du réseau de distribution.

L’offre devra également mentionner l’existence du droit de rétractation prévu aux articles L. 121-20 et L. 121-25 du code de la consommation, relatifs respectivement aux ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance et au démarchage, comme l’exige le 11° de l’article L. 121-87 (alinéa 1g).

En vertu de l’article L. 121-20 du code de la consommation (vente à distance), le consommateur dispose d'un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de retour. Il peut déroger à ce délai au cas où il ne pourrait se déplacer et où simultanément il aurait besoin de faire appel à une prestation immédiate et nécessaire à ses conditions d'existence. Dans ce cas, il continuerait à exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités.

Le délai court à compter de la réception pour les biens ou de l'acceptation de l'offre pour les prestations de services. Il peut être porté à trois mois lorsque les informations prévues à l'article L. 121-19 n'ont pas été fournies. Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient dans les trois mois à compter de la réception des biens ou de l'acceptation de l'offre, elle fait courir le délai de sept jours.

Conformément à l’article L. 121-25 du code de la consommation (démarchage, hors le démarchage téléphonique), le client a la faculté de renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception dans les sept jours à compter de la commande ou de l'engagement d'achat. Toute clause du contrat par laquelle le client abandonne son droit de renoncer à sa commande ou à son engagement d'achat est nulle et non avenue.

Selon le 12° de l’article L. 121-87 (alinéa 1h), devront aussi figurer sur l’offre les conditions et modalités de résiliation du contrat.

Enfin, conformément au 13° de l’article L. 121-87 (alinéa 1i), les modes de règlement amiable des litiges devront être mentionnés.

Le dernier alinéa prévu pour l’article L. 121-87 du code de la consommation (alinéa 1j) dispose que les treize catégories d’informations qui viennent d’être décrites doivent être confirmées au consommateur, par écrit ou sur un support durable mis à sa disposition, en temps utile et préalablement à la conclusion du contrat.

Ces dispositions visent à dissiper tout risque d'insécurité juridique entre le moment où le fournisseur présente son offre, par exemple par téléphone, et le moment où le client contracte avec le fournisseur.

L’obligation de confirmation des informations est importante. Elle est conforme aux dispositions de l'article L. 121-19 du code de la consommation, relatives à la vente à distance. De plus, la notion de « temps utile » doit être circonscrite par la conclusion du contrat, comme le prévoient d'ailleurs les annexes A des deux directives précitées.

Dans un premier temps, les conditions de formulation de l’offre de fourniture d’électricité ou de gaz naturel énumérées par l’article L. 121-87 du code de la consommation concernent uniquement la nature de certaines informations. Rien n’interdit la formulation d’offre de fourniture par téléphone par exemple. C’est dans un second temps seulement que ces informations doivent être confirmées par écrit ou sur un support durable.

La condition d’un écrit ou support durable préalables à tout engagement figure déjà à l’article L. 121-20-11 du code de la consommation, introduit par l’ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005 relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs.

M. Jean-Yves Le Déaut a alors présenté plusieurs amendements tendant à modifier la rédaction de l’alinéa 19 de l’article de façon à obliger le prestataire à confirmer au consommateur par courrier à son domicile les conditions du contrat.

M. François Brottes a ajouté que l’usage systématique de l’internet pour les correspondances commerciales finissait par créer des difficultés pour une bonne partie des consommateurs, la moitié d’entre eux n’ayant pas d’ordinateur.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, s’est déclaré défavorable à la création d’une obligation systématique d’envoi de courriers. Il a fait valoir que le texte prévoyait que la liste des informations devait être fournie par écrit, et que cet écrit pouvait être remis par d’autres moyens que La Poste, par exemple à l’occasion d’une visite du consommateur dans les locaux commerciaux du prestataire.

M. Jean Dionis du Séjour, tout en approuvant le raisonnement de M. François Brottes, a fait valoir que l’obligation d’un courrier vaudrait retour en arrière par rapport aux dispositions de la loi sur l’économie numérique.

Après que M. Serge Poignant a également exprimé des réserves sur l’usage systématique du mode de communication numérique, et que M. Jérôme Bignon a jugé qu’il fallait offrir au consommateur l’option du mode sous lequel il souhaitait recevoir les informations relatives à son contrat, le Président Patrick Ollier a proposé que le rapporteur élabore, en vue de la réunion à venir en application de l’article 88 du Règlement, un amendement tenant compte de la discussion qui venait d’avoir lieu.

En conséquence, ont été retirés par leurs auteurs :

– les amendements identiques nos 4704 à 4736 ;

– les amendements identiques nos 4770 à 4802 ;

– les amendements identiques nos 4737 à 4769 ;

– les amendements identiques nos 4671 à 4703.

Pareillement, M. Jean Dionis du Séjour a retiré un amendement permettant la communication des informations par internet.

L’article L. 121-88 proposé pour le code de la consommation (alinéas 2a à 2g du présent article) aborde les prescriptions relatives non plus à l’offre précontractuelle, mais au contrat lui-même. Il dispose que le contrat souscrit par un consommateur avec un fournisseur d’électricité ou de gaz naturel doit être écrit, ou disponible sur un support durable, conformément aux annexes A des directives précitées. Ces dispositions sont plus protectrices que les articles du code de la consommation relatifs aux contrats de services de communications électroniques.

Dans le droit commun, l’écrit n’est obligatoire à titre de preuve que « pour toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret », conformément à l’article 1341 du code civil, actuellement fixée à 1 500 euros.

La loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique a introduit une conception substantielle de l’écrit, et non plus nécessairement matérielle. Ainsi, en vertu des articles 1316 à 1316-4 du code civil, la preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission, et l’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier.

Pour les mêmes raisons que précédemment, le groupe socialiste a retiré les amendements identiques nos 4638 à 4670, et M. Jean Dionis du Séjour a retiré un amendements permettant la communication des informations par internet.

M. François Brottes a ensuite exposé que les clauses d’un contrat devaient être immédiatement identifiables ; les amendements identiques nos 3855 à 3887 tendent à ce but, les contrats de fourniture d’énergie étant souvent considérés comme incompréhensibles.

Le rapporteur a fait remarquer que, compte tenu de la rédaction de ces amendements, ils étaient déjà satisfaits par les dispositions du projet de loi.

M. Jérôme Bignon a fait observer qu’en tout état de cause, lorsque les clauses des contrats étaient détournées ou formulées de façon abusive, les juridictions sanctionnaient les prescripteurs.

M. François Brottes a alors retiré les amendements identiques nos 3855 à 3887.

Le contrat de fourniture d’énergie doit reproduire les informations devant figurer sur l’offre précontractuelle au titre de l’article L. 121-87 du code de la consommation proposé par le projet de loi. En outre, il doit également comprendre cinq autres éléments :

– la date de prise d’effet du contrat et sa date d’échéance s’il est à durée déterminée (alinéa 2b) ;

– les modalités d’exercice du droit de rétractation (alinéa 2c), dont l’existence doit avoir été signalée dans l’offre précontractuelle ;

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 88566).

– l’adresse du gestionnaire de réseau auquel est raccordé le client (alinéa 2d), afin que le client sache où s’adresser, par exemple lorsqu’une intervention de dépannage est nécessaire ;

– le débit ou la puissance souscrits, ainsi que les modalités de comptage de l’énergie consommée (consommation estimée ou consommation réelle) (alinéa 2e) ;

– le rappel des principales obligations légales auxquelles les consommateurs sont tenus concernant leurs installations intérieures (alinéa 2f). Ces obligations sont différentes selon que le consommateur est locataire ou propriétaire, et que le logement est un bâtiment neuf ou une construction existante.

Les installations intérieures comprennent des installations en extérieur, par exemple dans le jardin, mais l’expression est consacrée. Elles comprennent le disjoncteur principal, les coupe-circuits, les fils électriques et les prises. Près de 47 % des logements construits avant 1974, soit 7 millions de logements, ont une installation électrique défaillante ou inadaptée aux nouveaux équipements et qui peut s'avérer dangereuse. Un tiers des 250 000 incendies déplorés chaque année sont d'origine électrique.

Le dernier alinéa prévu pour l’article L. 121-88 du code de la consommation (alinéa 2g) dispose que ces dispositions s’appliquent quel que soit le lieu et le mode de conclusion du contrat : vente à distance, vente directe, vente lors de salons commerciaux, conclusion du contrat par voie électronique, etc.

L’article L. 121-89 du code de la consommation prévoit dans son premier alinéa (2h), s’agissant de la durée des contrats, le principe de la liberté contractuelle en imposant toutefois aux fournisseurs de présenter au moins une offre d’une durée d’engagement d’un an, afin de rendre possible une comparaison des offres des différents fournisseurs sur un type de contrats au moins.

Le deuxième alinéa de cet article (alinéa 2i) vise la résiliation du contrat en cas de changement de fournisseur. Dans ce cas, non seulement le contrat est résilié de plein droit à la date de prise d’effet d’un nouveau contrat de fourniture d’énergie, mais aucun frais ne peut être réclamé au consommateur au seul motif qu’il change de fournisseur, conformément au e) des annexes A des deux directives du 26 juin 2003, qui stipule que les consommateurs ne doivent rien avoir à payer lorsqu’ils changent de fournisseurs.

M. Christian Bataille a présenté plusieurs amendements identiques tendant à modifier l’alinéa 28 pour exonérer le consommateur de frais de résiliation pour changement de fournisseur.

Après que le rapporteur a exposé que, aux termes de la directive européenne, cette exonération était de droit pour ce seul motif et que les frais étaient très encadrés dans les autres cas, sauf mention expresse dans le contrat, M. Christian Bataille a retiré les amendements nos 3672 à 3704.

Le dernier alinéa de cet article (alinéa 2j) vise les autres cas de résiliation. La date d’effet est alors celle qui est souhaitée par le consommateur, dans la limite de trente jours à compter de la notification de la résiliation au fournisseur.

Ce dernier ne peut facturer au consommateur d’autres frais que ceux qui correspondent aux coûts qu’il a effectivement supportés au titre de la résiliation, directement ou par l’intermédiaire du gestionnaire de réseau. Toutefois, pour être facturables, ces frais doivent avoir explicitement été prévus dans l’offre de fourniture, et doivent être dûment justifiés.

L’article L. 121-90 proposé pour le code de la consommation impose au fournisseur d’informer ses clients de tout projet (c'est-à-dire toute offre liant le fournisseur) de modification des conditions contractuelles, notamment en cas d’évolution des prix.

Le premier alinéa de cet article (alinéa 3a) dispose que cette communication doit se faire par écrit ou sur un support durable, au moins un mois avant la date d’application envisagée.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à ce que chaque proposition de modification d’un contrat soit accompagnée d’une simulation personnalisée de l’impact sur la facture des modifications proposées.

Après que le rapporteur a souligné la difficulté de simulation personnalisée et suggéré de remplacer cette obligation par une obligation de fournir des exemples, M. Jean Dionis du Séjour a retiré cet amendement.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur (amendement n° 88567).

M. Jean Gaubert a ensuite retiré les amendements identiques nos 3639 à 3671 par cohérence avec les retraits des amendements nos 4638 et suivants opérés précédemment par M. François Brottes.

M. Jean Dionis du Séjour a, pour les mêmes raisons, retiré un amendement à l’alinéa 30.

M. François Brottes a alors présenté plusieurs amendements identiques tendant, pour améliorer la stabilité des contrats, à interdire l’entrée en vigueur de certaines modifications avant l’échéance de chaque contrat.

Après que le rapporteur eut souligné les effets pervers de ces amendements, les fournisseurs risquant alors de ne proposer que des offres de courte durée, la Commission a rejeté les amendements identiques nos 3423 à 3455.

D’autre part, conformément au deuxième alinéa (3b), cette communication est assortie d’une information précisant au consommateur qu’il peut résilier le contrat sans pénalité, dans un délai maximal de trois mois à compter de sa réception.

La Commission a rejeté les amendements identiques nos 3606 à 3638 présentés par des membres du groupe socialiste relatifs aux pénalités pour résiliation après que le rapporteur eut fait remarquer que le délai prévu par le projet de loi avait pour objectif la protection des consommateurs.

Enfin, le dernier alinéa (3c) exclut de l’application des dispositions de l’article L. 121-90 les modifications contractuelles imposées par la loi ou le règlement. Les tarifs réglementés ne sont donc pas concernés par les dispositions de cet article.

L’article L. 121-91 proposé pour le code de la consommation (alinéa 3d) donne compétence aux ministres chargés de la consommation et de l’énergie pour fixer par arrêté les conditions de présentation des factures de fourniture de gaz naturel et d’électricité.

M. Jean Dionis du Séjour a présenté un amendement tendant à obliger toute offre de fourniture d’électricité ou de gaz à permettre une facturation en fonction de l’énergie effectivement consommée dès lors que le consommateur accepte explicitement par contrat les contraintes techniques d’accès à son domicile qui en résultent.

Il a indiqué que les consommateurs qu’il rencontrait insistaient sur le caractère illisible des factures d’énergie, notamment d’électricité, en particulier du fait des données relatives aux consommations prévisionnelles. L’objet de cet amendement est de permettre aux consommateurs le choix d’une facturation à partir d’une consommation réelle et non prévisionnelle. EDF est consciente de la difficulté puisqu’elle a entrepris d’équiper les foyers avec ce qu’elle appelle « les compteurs intelligents ». En revanche, le rythme d’équipement est très lent puisqu’il n’est prévu de n’installer que 200 000 compteurs de ce type en 3 ans. Il convient donc que la loi incite à aller plus vite.

M. François Brottes a considéré que les préoccupations ainsi formulées rejoignaient celles du groupe socialiste. Il est indispensable que ce soit la consommation réelle qui soit facturée.

M. Jean Gaubert a cependant attiré l’attention de la Commission sur le risque que ferait courir aux foyers les plus fragiles ce type de facturation et sur les difficultés pratiques que soulève l’installation de nouveaux compteurs.

Après que M. Jean Dionis du Séjour, approuvé par M. Léonce Deprez, a fait observer qu’il revenait à EDF de s’organiser pour arriver à établir et percevoir des factures de la consommation réelle dans des conditions fonctionnelles, et que Mme Josiane Boyce a fait observer qu’EDF avait mis en place des mécanismes qui permettaient à chacun de relever sa consommation, la Commission, après avis favorable du rapporteur, a adopté l’amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour (amendement n° 88568).

L’exposé des motifs du projet de loi indique que cet arrêté sera pris après avis du Conseil national de la consommation, comme cela a été le cas dans le secteur des télécommunications.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur inscrivant dans la loi cette consultation du Conseil national de la consommation (amendement n° 88569).

L’article L. 121-92 nouveau du code de la consommation prévoit en son premier alinéa (3e) l’obligation, pour les fournisseurs de gaz naturel ou d’électricité, d’offrir à leurs clients la possibilité de conclure un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution, qu’il s’agisse d’électricité ou de gaz naturel.

Doivent être reproduites en annexe de ce contrat les clauses réglant les relations entre le fournisseur et le gestionnaire de réseau, notamment les clauses précisant les responsabilités respectives de ces opérateurs.

Il ressort de l’article 4 de la loi n° 2000-108 précitée que le tarif réglementé est un tarif intégré.

Le second alinéa (3f) de la rédaction proposée pour l’article L. 121-92 du code de la consommation permet au consommateur de bénéficier, dans le cadre de ce contrat unique, de toutes les prestations techniques proposées par le gestionnaire du réseau, outre la prestation d’accès aux réseaux (mise en service et résiliation, prestations liées à une modification contractuelle, conseils et informations, vérification d’appareils, etc).

La Commission a examiné en discussion commune :

– les amendements n°3324 à 3356 précédemment réservés présentés par des membres du groupe socialiste, tendant à permettre à un consommateur de bénéficier d’un tarif réglementé de vente d’électricité dans le cadre d’une offre multiénergies d’un même opérateur ;

– les amendements n° 3291 à 3323 précédemment réservés présentés par des membres du groupe socialiste, visant à permettre à un consommateur de bénéficier d’un tarif réglementé de vente de gaz naturel dans le cadre d’une offre multiénergies d’un même opérateur ;

– un amendement du rapporteur, qui a indiqué qu’il avait pour objet d’éviter à un consommateur de perdre par mégarde le bénéfice du tarif réglementé notamment s’il choisissait d’opter pour une offre duale du fournisseur qui ne l’alimentait auparavant que dans l’une des deux énergies. M. Jean-Claude Lenoir a expliqué que le consommateur ne pourrait renoncer qu’explicitement au tarif réglementé de vente, et qu’à défaut, le contrat le contrat conclu pour l’offre autre que celle faite au tarif réglementé serait requalifié en contrat conclu à ce tarif.

Après avoir jugé cette proposition intéressante, M. François Brottes a déploré que les consommateurs domestiques ne bénéficient pas du « tarif retour » prévu par le texte, et qu’ils ne puissent revenir sur le renoncement au tarif, renoncement qui peut être involontaire.

Le rapporteur a estimé que compte tenu des garanties offertes par son amendement, il lui paraissait très improbable qu’un consommateur renonçât involontairement au tarif, puis, en réponse à M. François Brottes, il a indiqué qu’un consommateur bénéficiant d’une offre au tarif en conservait le bénéfice en cas de déménagement. Il lui a également précisé qu’un jeune quittant le logement de ses parents pour s’installer dans un appartement indépendant pouvait naturellement bénéficier d’une offre au tarif, ajoutant qu’il en serait même explicitement informé.

Il a souligné que la question de l’information et de la protection des consommateurs avait particulièrement retenu l’attention du groupe de travail qu’il avait présidé dans le cadre du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz.

M. Pierre Ducout a regretté la complexité des dispositions du projet de loi s’agissant des différents tarifs, et évoquant les exemples des tarifs des renseignements téléphoniques ou du surendettement, a dit redouter que les consommateurs soient abusés par des démarcheurs indélicats. Il a jugé que l’instauration d’un tarif de retour en faveur des consommateurs domestiques constituait une piste qu’il aurait été intéressant d’explorer.

M. Daniel Paul s’est inquiété des offres commerciales promotionnelles d’une durée limitée, qui conduiraient le consommateur à renoncer sans le savoir au tarif.

Le rapporteur a estimé que la loi garantissait une information claire et détaillée au consommateur, et qu’au demeurant toute modification par l’opérateur des clauses du contrat pouvait entraîner sa résiliation.

La Commission a alors adopté l’amendement n° 88570 du rapporteur, et rejeté les amendements n°3324 à 3356, ainsi que les amendements n°3291 à 3323 présentés par des membres du groupe socialiste.

Le premier alinéa de l’article L. 121-93 du code de la consommation (alinéa 3g), proposé par le présent article prévoit la désignation de médiateurs par chaque fournisseur d’électricité ou de gaz, chargés de recommander des solutions aux litiges avec les consommateurs.

L’alinéa f) des annexes A des deux directives du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et du gaz prévoit en effet que les clients bénéficient de procédures transparentes, simples et peu onéreuses pour traiter leurs plaintes. Ces procédures doivent permettre un règlement équitable et rapide des litiges, assorti, lorsque cela se justifie, d’un système de remboursement et/ou de compensation. Il est précisé que ces procédures devraient respecter, autant que faire se peut, les principes énoncés dans la recommandation 98/257/CE de la Commission européenne, qui multiplie, depuis quelques années, les initiatives relatives aux modes alternatifs de règlement des différends.

La recommandation 98/257/CE du 30 mars 1998 concernant les principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation a ainsi été complétée notamment par la recommandation du 4 avril 2001 relative aux principes applicables aux organes extrajudiciaires chargés de la résolution consensuelle des litiges de consommation, et par une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, présentée par la Commission le 22 octobre 2004.

Limitée aux procédures qui mènent à un règlement du litige par l’intervention active d’une tierce personne qui propose ou impose une solution, à l’exclusion de celles qui se limitent à une simple tentative de rapprocher les parties pour les convaincre de trouver une solution d’un commun accord, la recommandation précitée de 1998 met en avant les principes d’indépendance du médiateur, de transparence de la procédure, qui doit être contradictoire, et d’efficacité. La médiation doit respecter le droit à l’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ; de ce fait, la décision du médiateur ne peut priver le consommateur de la protection offerte par des dispositions légales, et ne peut lier les parties qui si celles-ci l’ont préalablement accepté. Enfin, les parties ont le droit de se faire représenter ou assister par un tiers à tout stade de la procédure.

Les organes de médiation, prévus par le législateur, ou issus d’une démarche propre aux entreprises, se multiplient dans différents secteurs d’activité : banque, assurances, médiateur du net, par exemple. Dans le secteur de l’énergie, des médiateurs ont été créés dans les principales entreprises françaises, EDF et GDF. Si le nombre de demandes adressées au médiateur d’EDF a plus que quadruplé en six ans, pour s’élever à 1712 en 2005, le nombre de différends traités varie selon les années entre 160 et 240. Plus de 85 % des demandes émanent de particuliers, et l’action du médiateur s’est traduite dans 83 % des cas par une recommandation écrite en 2005. Plus de la moitié des litiges ont concerné l’exécution du contrat, un quart étant lié à l’exploitation (travaux, réseaux, mise en service, branchements, sinistres, etc…).

Le médiateur de Gaz de France a lui, reçu 642 demandes d’intervention en 2005, soit une hausse de 25 % par rapport à 2004. Près de soixante relevaient de sa compétence comme ultime recours amiable. L’essentiel concernait le périmètre d’action d’EDF GDF distribution, et pour plus de la moitié, la facturation des consommations. 7 sollicitations sur 10 proviennent de particuliers.

À l’étranger, divers exemples de médiation ont été élaborés. Au Royaume-Uni, un médiateur national est opérationnel depuis le 1er juillet dernier ; mis en place par l’association des fournisseurs, après un recours massif introduit auprès de l’autorité de régulation par l’association de consommateurs Energywatch, il est également compétent pour les télécoms. C’est une entreprise privée indépendante. En Irlande, le médiateur est un organe indépendant mis en place par l’opérateur historique, avec une forte implication de l’autorité de régulation. En Italie également, le régulateur veille à la protection des consommateurs, en oeuvrant à des codes de conduite en matière de facturation par exemple.

Le deuxième alinéa prévu pour l’article L. 121-93 (alinéa 3h) précise le champ de compétence du médiateur : il ne peut être saisi au titre de ces dispositions que de litiges nés de l’exécution des contrats mentionnés dans la nouvelle section 12, à l’exclusion donc de litiges relatifs à la conclusion de ces contrats.

De plus, ces litiges doivent déjà avoir fait l’objet d’une réclamation préalable, écrite, auprès du fournisseur intéressé, sans que cette réclamation ait permis le règlement du différend dans un délai fixé par voie réglementaire.

Enfin, le dernier alinéa prévu pour l’article L. 121-93 (alinéa 3i) précise les modalités de saisine du médiateur. Il doit être saisi directement et gratuitement par le consommateur ou son mandataire. Il est alors tenu de statuer dans un délai fixé par voie réglementaire. Les médiateurs qui oeuvrent actuellement dans les entreprises principalement concernées traitent la très grande majorité des dossiers dans un délai de deux mois. La saisine du médiateur suspend la prescription pendant ce délai de réponse. La réponse du médiateur doit être motivée.

Si la désignation d’au moins un médiateur par chaque fournisseur peut être une bonne chose, l’expérience du médiateur de Gaz de France et de celui d’EDF en témoigne, votre rapporteur souhaite la mise en place d’un médiateur national, mieux à même d’assurer un traitement homogène des demandes pour l’ensemble du territoire et de satisfaire aux recommandations de la Commission européenne.

La Commission a examiné deux amendements identiques, l’un de M. Martial Saddier, l’autre de M. Antoine Herth, concernant les modalités de nomination ainsi que les pouvoirs du médiateur de l’énergie.

Après que le rapporteur a indiqué qu’il allait présenter un amendement poursuivant le même objectif, mais dans une rédaction plus satisfaisante, M. Antoine Herth a retiré son amendement, tandis que la Commission a rejeté l’amendement de M. Martial Saddier.

La Commission a alors examiné un amendement de M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, tendant à mettre en place un médiateur national de l’énergie, désigné par le ministre chargé de l’énergie et le ministre chargé de la consommation, assisté de deux médiateurs désignés par les fournisseurs et les associations des consommateurs et pouvant s’appuyer sur les services de la CRE, sans remettre en cause les médiateurs actuels existant dans les entreprises.

M. François Brottes s’est interrogé sur les pouvoirs conférés à ce médiateur, et en particulier sur d’éventuels pouvoirs de sanction.

Le rapporteur lui a répondu que celui-ci pouvait saisir une juridiction ou la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, mais qu’un médiateur, par définition, ne dispose pas, lui-même, de pouvoirs de sanction.

Indiquant que l’actuelle majorité avait supprimé le médiateur postal, qu’elle jugeait inutile, M. François Brottes a estimé que la création d’un médiateur de l’énergie avait pour objet d’apaiser les consommateurs sans pour autant constituer une protection efficace de leurs droits.

La Commission a alors adopté l’amendement n° 88571 de son rapporteur.

Elle a ensuite examiné les amendements n° 3357 à 3389 présentés par des membres du groupe socialiste, tendant à préciser que le médiateur de l’énergie serait désigné dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente loi.

Ceux-ci ont été retirés par leurs auteurs après que le rapporteur a expliqué qu’un autre amendement prévoyait que ce médiateur soit mis en place avant le 1er juillet 2007.

La Commission a adopté les amendements n°s 3390 à 3422 présentés par des membres du groupe socialiste, après que M. Christian Bataille a précisé que ceux-ci avaient pour objet d’imposer aux fournisseurs d’adapter la communication des contrats aux handicaps des consommateurs, en particulier en fournissant une communication en braille.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur précisant que les dispositions de la section 12 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation, créée par le présent article, sont d’ordre public (amendement n° 88572).

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur renvoyant à un décret en Conseil d’État la définition des conditions d’application des dispositions relatives au médiateur de l’énergie (amendement n° 88573).

L’article 13, comporte enfin, en ses paragraphes II et III, des dispositions de coordination entre les lois n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie d’une part, et le code de la consommation d’autre part, en ce qui concerne le contrat unique que chaque consommateur domestique peut conclure avec son fournisseur d’électricité ou de gaz.

Le paragraphe II modifie ainsi le I de l’article L. 141-1 du code de la consommation, qui comprend des dispositions particulières relatives aux pouvoirs des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et aux actions juridictionnelles. En vertu du I de l’article L. 141-1, sont recherchées et constatées dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-2, L. 450-3 L. 450-4, L. 450-7, L. 450-8, L. 470-1 et L. 470-5 du code de commerce, les infractions aux dispositions du code de la consommation relatives notamment aux ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance, au démarchage, aux contrats de jouissance d'immeuble à temps partagé, aux ventes ou prestations à la boule de neige, aux abus de faiblesse, au crédit à la consommation, au crédit immobilier, au taux d'usure, et au crédit hypothécaire garanti par une hypothèque rechargeable.

Le II du présent article (alinéas 3j et 4a) ajoute à cette liste la section 12 du chapitre Ier du titre II du livre Ier intitulée : « contrats de fourniture d’électricité ou de gaz naturel ».

Les articles précités du code de commerce permettent à des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'économie de procéder aux enquêtes nécessaires à l'application de ces dispositions. Lorsque le Conseil de la concurrence est saisi, ses rapporteurs disposent des mêmes pouvoirs. Des fonctionnaires du ministère chargé de l'économie, spécialement habilités à cet effet par le garde des sceaux, sur la proposition du ministre chargé de l'économie, peuvent recevoir des juges d'instruction des commissions rogatoires. Les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux et, le cas échéant, de rapports.

Les enquêteurs peuvent effectuer des contrôles sur place et sur pièces, demander toute expertise contradictoire nécessaire, et procéder à la saisie de documents sous l’autorité et le contrôle d’un juge.

Est puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 7 500 euros le fait pour quiconque de s'opposer à l'exercice de ces fonctions des agents habilités et des rapporteurs du Conseil de la concurrence.

L’article L. 141-1 du code de la consommation prévoit également que le secret professionnel ne peut être opposé aux agents agissant dans ce cadre, y compris lorsqu’il s’agit d’accéder à tout document ou élément d'information détenu par les services et établissements de l'État et des autres collectivités publiques.

Les agents habilités à constater ces infractions peuvent enjoindre au professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ses obligations ou de faire cesser les agissements illicites ou abusifs. L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut demander à la juridiction civile ou administrative d'ordonner, s'il y a lieu sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur et demander au juge d'ordonner, s'il y a lieu sous astreinte, toute mesure de nature à mettre un terme aux agissements illicites.

Le paragraphe III du présent article (alinéa 4b) complète l’article 22 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Pour tenir compte de l’ouverture complète du marché intérieur de l’énergie, l’article 22, modifié par l’article 1er du projet de loi, rendra éligible tout consommateur final d’électricité, prévoira le maintien des tarifs réglementés, le bénéfice de la tarification spéciale « produit de première nécessité », et certaines règles relatives aux fournisseurs souhaitant acheter de l’électricité pour sa revente aux clients éligibles.

La Commission a examiné un amendement de coordination de M. Jean Dionis du Séjour, dont le rapporteur a indiqué qu’il comportait une erreur de référence, que l’auteur de l’amendement a corrigée. La commission a adopté l’amendement ainsi rectifié (amendement n° 88574).

Le paragraphe VIII (alinéa 4c) qui devrait venir compléter cet article prévoit que, dans les conditions fixées par l’article L. 121-92 du code de la consommation, les consommateurs domestiques ont la possibilité de conclure un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d’électricité.

Enfin, le paragraphe IV du présent article complète l’article 3 de la loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie. Cet article 3, modifié par l’article 2 du projet de loi pour tenir compte de l’entière libéralisation du marché intérieur de l’énergie, définit les clients éligibles en ce qui concerne le gaz naturel.

L’alinéa 4e qui complète cet article prévoit que dans les conditions fixées par l’article L. 121-92 du code de la consommation, les consommateurs domestiques ont la possibilité de conclure un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution de gaz naturel.

L’article 30 de la loi n°2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières mentionne le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée, qui devient le huitième et avant-dernier alinéa. Cet article 30 indique que les dispositions du code des marchés publics n'imposent pas à l'État, à ses établissements publics, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics d'exercer leur éligibilité, mais les soumet au code des marchés publics en cas d’exercice de l’éligibilité.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur corrigeant cette référence problématique (amendement n° 88575).

Puis la Commission a adopté l’article 13 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 13

Extension du champ d’application de la section 12 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation à certains clients non domestiques

Les mesures de protection des consommateurs prévues par l’article 13 du projet de loi ne s’appliquent à aucun professionnel. Estimant que certaines PME et professions libérales doivent bénéficier d’une telle protection au même titre que les clients domestiques des fournisseurs d’énergie, votre rapporteur vous propose un amendement prévoyant l’application de ces mesures à une partie des clients professionnels.

Outre que ceux-ci sont placés, au regard de la complexité des offres proposées par les fournisseurs, dans une situation comparable à celle des consommateurs ou clients domestiques, qui exige des garanties en matière d’information précontractuelle et d’exécution des contrats, des difficultés spécifiques tiennent à la proximité de leur activité professionnelle et de leur vie privée : ainsi des locaux à usage mixte, qui font l’objet d’un contrat unique de fourniture, mais ne sont pas concernés par le code de la consommation.

La Commission a adopté l’amendement n° 88555.

Après l’article 13

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean Dionis du Séjour créant un titre IV bis relatif aux énergies renouvelables dans les transports, puis a examiné une série d’amendements du même auteur tendant à :

– accorder aux seules distilleries le bénéfice des agréments de production d’éthanol ;

– élargir l’autorisation d’utilisation des huiles végétales pures et les exonérer de la taxe intérieure de consommation ;

– permettre leur utilisation comme carburant agricole ou comme carburant des véhicules propriété des collectivités territoriales et des entreprises de transport en commun ;

– permettre à titre expérimental leur utilisation par les collectivités territoriales ;

– préciser la valeur énergétique qui doit être prise en compte pour le contenu en alcool des dérivés de l’alcool éthylique incorporés au supercarburant dont la composante est d’origine agricole ;

– étendre le bénéfice du crédit d’impôt visé au I de l’article 200 quinquies du code général des impôts aux véhicules fonctionnant grâce au système « flex fuel » ;

– préciser dans la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 qu’il convient de favoriser l’insertion des efforts de recherche français dans les programmes communautaires.

– compléter cette loi afin de rappeler les avantages et les inconvénients de l’énergie nucléaire ;

– indiquer dans cette loi qu’il importe d’orienter le bouquet énergétique vers l’énergie fossile qui émet le moins de gaz à effet de serre ;

– imposer que soient indiquées avec précision les spécifications techniques, et notamment la pression de vapeur des essences mises à la consommation ;

– créer une taxe sur l’énergie ;

– prévoir que le gouvernement déposera un rapport au Parlement sur les démarches engagées au niveau communautaire afin d’obtenir une modification des spécifications techniques sur la mise à la consommation des essences, en vue de faciliter l’incorporation directe d’éthanol dans les essences.

M. Jean Dionis du Séjour a indiqué que ces amendements avaient pour objet de faciliter le développement des biocarburants et de mettre fin à une situation de flou juridique qui conduit à certains abus dans l’usage des huiles végétales.

M. Serge Poignant a dit partager l’intérêt de M. Jean Dionis du Séjour pour la question des biocarburants, mais a estimé que celle-ci n’était pas directement liée au présent projet de loi, et que les dispositions fiscales contenues dans ces amendements pourraient plus utilement être débattues dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Il a ajouté que le rapport d’information sur l’effet de serre apportait d’intéressants éclairages sur les biocarburants.

Le Président Patrick Ollier a souligné son attachement au développement des biocarburants, et a rappelé que son intervention avait permis la mise en œuvre d’une expérimentation qui, si elle se déroule parfois dans une certaine confusion, n’en est pas moins instructive.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a émis un avis défavorable à l’adoption de ces amendements, qu’il a jugés sans rapport avec l’objet du projet de loi, et la Commission les a rejetés.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Jean Dionis du Séjour précisant que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) publie les avis adressés aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie si ceux-ci ne l’ont pas fait dans un délai de deux mois après les avoir reçus.

Après que le rapporteur a jugé qu’il semblait difficile de rendre publics des avis donnés sur des projets qui ne l’étaient pas ou pas encore, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a examiné en discussion commune :

– un amendement du rapporteur tendant à attribuer à la CRE la mission de concourir à un fonctionnement des marchés bénéficiant aux consommateurs finals et à étendre ses compétences en matière de surveillance des marchés ;

– les amendements identiques n°s 67 à 99 présentés par des membres du groupe socialistes, précisant que les décisions de la CRE prennent en compte la protection des consommateurs.

M. Christian Bataille s’est opposé à l’extension des compétences de la CRE, rappelant qu’en sa qualité de rapporteur de la loi du 10 février 2000, il avait souhaité limiter ses pouvoirs. Il a estimé que les prérogatives que la CRE exerce constituent un empiètement sur les pouvoirs du législateur et qu’elle n’a de cesse de les outrepasser. Du reste, son existence n’est nullement prescrite par les directives communautaires.

M. Daniel Paul a rappelé l’opposition du groupe communiste à la création de cette autorité de régulation, dont il a jugé qu’elle ne se contentait pas d’organiser la dérégulation des marchés de l’énergie mais qu’elle l’encourageait. Il a estimé que d’autres organismes, voire les services de l’État, pouvaient parfaitement s’acquitter des tâches que l’amendement du rapporteur prévoit de confier à la CRE.

M. Jean Dionis du Séjour a récusé l’affirmation selon laquelle la création d’une autorité de régulation n’était pas imposée par le droit communautaire et s’est déclaré favorable à l’amendement du rapporteur. Il a ajouté que l’Etat ne saurait s’acquitter de cette tâche, tant qu’il est, en qualité d’actionnaire d’EDF et de GDF, juge et partie dans ce domaine.

M. Jean-Paul Charié a admis que les opinions pouvaient diverger quant à l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie, mais a soutenu qu’une fois cette ouverture réalisée, la présence d’un régulateur impartial s’avérait indispensable. Il a rappelé que la CRE s’acquittait de missions de surveillance du fonctionnement concurrentiel des marchés, ainsi que d’adaptation des règles générales fixées par le législateur. La CRE dispose actuellement de très peu de pouvoirs. Elle pourrait utilement intervenir afin de renforcer la transparence des marchés.

M. Serge Poignant, s’associant à la volonté du rapporteur d’attribuer à la CRE la mission de concourir à un fonctionnement des marchés bénéficiant aux consommateurs finals, s’est déclaré plus réservé sur le rôle qui lui serait confié de surveillance des transactions effectuées entre fournisseurs, négociants et producteurs.

M. Pierre Ducout a observé que rien n’interdit à la CRE de prendre en considération l’intérêt des consommateurs dans ses décisions, mais que ses principaux critères d’appréciation concernaient l’accès aux marchés des nouveaux entrants. Il a estimé que l’amendement du rapporteur avait notamment pour objet de permettre à la CRE d’empêcher les ventes à pertes, mais n’obligeait nullement les fournisseurs à pratiquer des prix de revient. Rappelant que la CRE plaide pour une convergence des tarifs règlementés et des prix de marchés, il a jugé qu’il n’était pas souhaitable d’accroître ses compétences.

M. François Brottes s’est associé au point de vue exprimé par M. Serge Poignant, mais a ajouté que la rédaction de l’amendement du rapporteur ne garantissait pas que l’intérêt des consommateurs fût pris en compte, comme le demandent les amendements n°s 67 à 99.

Le Président Patrick Ollier a indiqué qu’il n’était pas prêt à voter l’amendement du rapporteur en l’état et à donner plus de capacités d’intervention à la CRE, le jour où le président de la CRE, dans une interview aux Échos, intervient de manière intempestive dans le débat parlementaire. Il a demandé au rapporteur de revoir son amendement dont l’examen pouvait être reporté à la réunion que tiendra la Commission en application de l’article 88 du Règlement de l’Assemblée nationale.

Le rapporteur a retiré son amendement et la Commission a rejeté les amendements n°s 67 à 99.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour, prévoyant que la CRE est consultée sur les projets de règlements ayant un effet sur les réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité.

M. Jean Dionis du Séjour a déploré que la CRE manque totalement de moyens juridiques pour organiser efficacement un marché important.

M. Jean-Paul Charié a demandé le retrait de cet amendement, au motif que la Commission lui semblait insuffisamment informée pour prendre une décision sur l’ensemble de ce sujet ; il a en outre préconisé un travail en commun permettant d’aboutir à des solutions consensuelles avant l’examen du projet de loi en séance publique.

M. Christian Bataille a noté que, depuis sa création, la CRE n’avait cessé de tenter d’outrepasser ses prérogatives, à tel point qu’il avait dû, en tant que rapporteur, faire un courrier à son président afin qu’elle respecte certaines dispositions législatives. Il s’est dit méfiant à l’égard de ce type d’organisme, et s’est opposé à la position défendue par l’auteur de cet amendement.

M. Jean Dionis du Séjour a accepté de retirer son amendement, en estimant toutefois que le renforcement des pouvoirs de la CRE découlait des directives communautaires.

Par cohérence avec le retrait de son premier amendement, M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a retiré un amendement alignant les compétences de la CRE dans le secteur du gaz naturel sur celles dont elle dispose dans le secteur électrique, en lui conférant un pouvoir réglementaire supplétif technique et limité.

Dans le même esprit, M. Jean Dionis du Séjour a également retiré un amendement permettant à la CRE de prononcer des injonctions, tout en précisant que cet amendement lui paraissait essentiel puisqu’il constitue la transposition du cinquième alinéa de l’article 23 de la directive communautaire de 2003 et permettrait à cette autorité de régulation d’avoir des avis réellement contraignants.

M. Pierre Ducout s’est étonné de constater que le rapport d’activité de la CRE pour 2005 plaide ouvertement pour l’abandon des tarifs réglementés, ce qui n’entre évidemment pas dans ses compétences.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a ensuite retiré deux amendements relatifs aux pouvoirs de la CRE.

TITRE V

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

La Commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant l’intitulé du titre V, du fait que les dispositions qui y sont contenues n’ont pas toutes un caractère transitoire (amendement n° 88556).

Article 14

Entrée en vigueur des articles 1er à 5

Le présent article prévoit l’entrée en vigueur au 1er juillet 2007 des articles 1er à 5 du présent projet de loi.

La Commission a ensuite examiné les amendements identiques nos 4038 à 4187 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. François Brottes a rappelé que le groupe socialiste était contre la privatisation d’Électricité de France et l’ouverture à la concurrence de la fourniture d’énergie aux particuliers. Il a indiqué que ces amendements prévoyaient donc, conformément à ce qui a été décidé par les États membres au sommet de Barcelone, l’élaboration d’une directive-cadre relative aux services d’intérêt économique général avant toute nouvelle ouverture à la concurrence dans le domaine de l’énergie. Il a regretté que le gouvernement actuel n’ait pas donné suite à cette décision.

Après que le rapporteur eut indiqué que l’adoption de ces amendements risquait de créer une situation incompatible avec les traités européens, la Commission les a rejetés.

La Commission a examiné les amendements identiques nos 5916 à 6065 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. François Brottes a indiqué que ces amendements prévoyaient, conformément à ce qu’ont décidé les États membres au sommet de Barcelone, la réalisation d’une étude d’impact préalable à toute nouvelle ouverture à la concurrence du marché de l’électricité dont la situation est difficile, avec des prix qui augmentent, une offre opaque, un déséquilibre entre l’offre et la demande et une régulation trop nationale alors qu’elle mériterait d’être européenne. Il a estimé que cette étude d’impact permettrait d’éviter de nouvelles errances et conduirait peut être à retarder l’échéance du 1er juillet 2007.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué avoir déjà réalisé lui-même une telle étude d’impact, à l’occasion de la consultation sur l’ouverture des marchés d’énergie au 1er juillet 2007 réalisée dans le cadre du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz dont il est le président.

M. Daniel Paul a estimé que l’étude réalisée par le rapporteur n’était pas à la hauteur de l’enjeu du projet de loi, à savoir la dérégulation d’un secteur fragile et la création d’un géant de l’énergie dans notre pays. Il a estimé qu’une telle étude devrait comporter des analyses comparatives entre les différents États membres sur l’efficacité de la régulation des prix, la stabilité des contrats d’approvisionnement avec les petits producteurs, et la perspective de la mise en place d’une Europe de l’énergie. Il s’est dit certain qu’une telle étude mettrait en évidence l’inefficacité des politiques actuelles dans tous les domaines qui viennent d’être mentionnés, hormis peut être s’il s’agissait de remplacer un monopole public par un monopole privé.

M. François Brottes a précisé que l’étude d’impact en question résultait de la volonté des États membres formulée à Barcelone et que celle réalisée par le rapporteur ne correspondait certainement pas à cette volonté.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que, en tout cas, son rapport était le fruit d’un travail fourni, au cours duquel il avait entendu toutes les parties concernées et analysé toutes les conséquences de l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie, notamment sur la situation des consommateurs.

La Commission a ensuite rejeté ces amendements. Elle a également rejeté les amendements nos 6132 à 6281 identiques présentés par des membres du groupe socialiste, relatifs à la réalisation d’une étude d’impact préalablement à l’ouverture du marché du gaz.

La Commission a examiné les amendements identiques nos 5766 à 5915 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. Christian Bataille a indiqué que ces amendements visaient à préciser que l’abandon des tarifs régulés pour les particuliers au 1er juillet 2007 résultait d’un accord datant du 26 novembre 2002, négocié par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué qu’un projet de loi ne pouvait servir à écrire l’histoire, précisant que le sommet de Barcelone avait conduit à l’ouverture à la concurrence de 70 % du marché de l’énergie.

M. François Brottes a attiré l’attention de ses collègues sur l’exposé des motifs de ces amendements, qui rappellent la manière dont M. François-Michel Gonnot s’est félicité, lors d’une question au gouvernement du 28 novembre 2002, du fait que la France sorte de son isolement européen par le biais de cet accord.

Puis la Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur portant au 1er juillet 2007 la date d’entrée en vigueur de l’article 13 et de l’article additionnel après l’article 13 étendant ses dispositions aux petits professionnels (amendement n° 88557).

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour, prévoyant une ouverture complète des marchés de l’énergie au plus tard le 1er juillet 2007. Après que le rapporteur a indiqué que l’ajout de la mention « au plus tard » laissait pendante la question de l’autorité compétente pour décider de la date d’ouverture effective des marchés énergétiques, M. Jean Dionis du Séjour a retiré son amendement.

La Commission a adopté l’article 14 ainsi modifié.

Article 15

Date avant laquelle la séparation juridique des gestionnaires des réseaux de distribution doit intervenir

Le présent article prévoit que la séparation juridique des gestionnaires des réseaux de distribution doit intervenir, conformément aux directives, avant le 1er juillet 2007.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 16

Modalités transitoires de fonctionnement des organes dirigeants des sociétés gestionnaires de réseaux

Le présent article organise le fonctionnement transitoire des sociétés gestionnaires des réseaux de distribution soumises à la loi de démocratisation du secteur public en permettant à leurs conseils d’administration ou de surveillance de siéger valablement en l’attente de l’élection des représentants des salariés.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur puis l’article ainsi modifié (amendement n° 88558).

Après l’article 16

Le rapporteur a retiré un amendement de coordination visant à étendre les compétences de sanction du ministre chargé de l’énergie sur les manquements aux obligations relatives à l’utilisation des stockages souterrains de gaz par cohérence avec le retrait de l’amendement similaire proposé pour la Commission de régulation de l’énergie.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour laissant un an à l’ensemble des fournisseurs d’énergie pour proposer une offre comportant une facturation en valeur réelle sur la base de l’énergie consommée.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que le projet de loi prévoyait une mise en application immédiate de cette obligation et que lui-même proposait de laisser un délai de six mois aux fournisseurs pour proposer une offre. Suivant la suggestion du rapporteur, M. Jean Dionis du Séjour a retiré son amendement.

Article 17

Application de certaines dispositions de la loi à Mayotte

Le présent article rend applicable à Mayotte les dispositions des articles de la présente loi modifiant des articles déjà applicables dans cette île.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Après l’article 17

La Commission a examiné les amendements identiques nos 34 à 66 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. François Brottes a souligné que ces amendements qui visaient à intégrer la lutte contre le changement climatique dans les documents d’urbanisme n’étaient pas hors sujet dans un texte consacré à l’énergie et que, par considération pour l’énorme travail effectué par la mission d’information sur l’effet de serre dont ils reprenaient une recommandation, il convenait de les prendre en considération. Il a rappelé en outre que, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, le principal responsable de ce phénomène n’était pas l’industrie mais l’habitat et les déplacements.

M. Serge Poignant a confirmé que ces amendements reprenaient une recommandation de la mission d’information sur l’effet de serre, dont il avait été lui-même un des membres. Pour autant, il lui a semblé que ces amendements étaient en décalage avec les sujets traités par le projet de loi.

M. Pierre Ducout a souligné que les questions liées au réchauffement climatique faisaient partie des préoccupations actuelles des maires et qu’elles avaient été évoquées cet après-midi lors de la réunion de la commission urbanisme de l’association des maires de France examinant le projet de décret relatif à la réforme du régime des autorisations d’urbanisme.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a rappelé que l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme faisait déjà référence aux pollutions de toute nature et a invité les membres du groupe socialiste à retirer leurs amendements.

M. François Brottes a souligné que ces amendements n’étaient pas hors sujet dans la mesure où l’ouverture du marché énergétique le 1er juillet 2007 concernait les ménages, et donc le chauffage et l’éclairage de l’habitat.

Le Président Patrick Ollier a répondu qu’il fallait faire confiance au gouvernement qui s’est engagé à prendre en compte l’excellent travail effectué par la mission d’information sur l’effet de serre. Si ces amendements peuvent se rattacher à la consommation énergétique, il a estimé que ceux-ci n’avaient pour autant aucun lien avec les 17 articles du projet de loi et qu’ils constituaient à cet égard des cavaliers.

Suivant l’avis défavorable de son rapporteur, la Commission a rejeté les amendements.

La Commission a ensuite examiné les amendements identiques nos 265 à 297 présentés par des membres du groupe socialiste. M. François Brottes a expliqué que ces amendements tendaient à créer dans chaque assemblée parlementaire une délégation au changement climatique, conformément à la proposition formulée par la mission d’information sur l’effet de serre, qui pourrait notamment analyser l’impact de la dérégulation du marché énergétique sur ce phénomène. Suivant l’avis défavorable de son rapporteur, la Commission a rejeté ces amendements.

Suivant l’avis défavorable de son rapporteur, la Commission a ensuite rejeté les amendements portant articles additionnels nos 5733 à 5765 et n° 6348 à 6380 présentés par des membres du groupe socialiste, relatifs à la présentation annuelle par le Gouvernement d’un rapport sur les conséquences économiques du changement de statut d’EDF et de GDF.

La Commission a examiné les amendements identiques nos 6282 à 6314 présentés par des membres du groupe socialiste. M. François Brottes a précisé que ces amendements posaient le principe de la remise d’un rapport au périmètre plus restreint que celui proposé dans les amendements précédents puisqu’il se limitait à l’impact du changement de statut d’EDF sur les ménages et les PME. Suivant l’avis défavorable de son rapporteur, la Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a ensuite examiné les amendements identiques nos 6315 à 6347 présentés par des membres du groupe socialiste. M. François Brottes a estimé qu’en se privant de la remise d’un rapport sur l’impact du changement de statut de GDF, la majorité se satisfaisait de la simple constatation de l’augmentation des tarifs sans analyser les moyens d’y remédier. Il a souligné que l’objectif du rapport prévu par ces amendements était d’arriver à une amélioration des services et à une baisse des tarifs. Suivant l’avis défavorable de son rapporteur, la Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a examiné les amendements identiques nos 6381 à 6413 présentés par des membres du groupe socialiste relatifs à la présentation d’un rapport sur l’évolution des tarifs d’électricité depuis 2004.

M. François Brottes a regretté qu’une nouvelle fois la majorité refuse l’analyse et ne fasse aucune proposition.

M. Léonce Deprez a répondu que la majorité était particulièrement attentive à la hausse de la facture énergétique pour les entreprises. Il a ajouté qu’une solution avait pu être trouvée à travers l’adoption de l’amendement présenté conjointement par le Président et le rapporteur sur ce sujet.

Le Président Patrick Ollier a souligné que le gouvernement était le premier à se préoccuper de ce problème, sans qu’on ait à surcharger son travail par la rédaction d’un rapport.

Suivant l’avis défavorable de son rapporteur, la Commission a rejeté ces amendements.

Conformément à l’avis du rapporteur, elle a également rejeté les amendements identiques nos 6414 à 6446 présentés par des membres du même groupe, relatifs à la présentation d’un rapport sur l’évolution des tarifs du gaz.

Puis elle a examiné les amendements identiques nos 6513 à 6545 présentés par des membres du groupe socialiste. M. Pierre Ducout a expliqué que ces amendements prévoyant la remise d’un rapport au Parlement sur les mesures prises pour éviter les ruptures de fourniture d’électricité étaient particulièrement pertinents dans la mesure où le nécessaire n’a pas été fait pour organiser les interconnexions avec les réseaux européens. Il a souligné la nécessité de prendre en compte la dimension internationale de ce problème. Suivant l’avis défavorable de son rapporteur, la Commission a rejeté ces amendements.

Elle a également rejeté les amendements identiques nos 6678 à 6710 présentés par des membres du groupe socialiste relatifs à la création d’une nouvelle catégorie d’établissement public industriel et commercial chargé des services d’intérêt général, conformément à l’avis de son rapporteur.

La Commission a ensuite examiné les amendements identiques nos 6711 à 6743 présentés par des membres du groupe socialiste. M. François Brottes a indiqué que le Parlement français n’avait pas autorité pour légiférer sur la création d’une autorité européenne de régulation de l’énergie et que le groupe socialiste proposait donc la remise d’un rapport sur cette question d’ici la fin de l’année. Il a souligné la nécessité d’une régulation au niveau européen et non national en l’absence d’étude d’impact. Il a estimé que l’existence d’une telle régulation pourrait changer l’organisation du marché énergétique.

M. Jean Dionis du Séjour a reconnu que lâ€