N° 3692 - Rapport de M. Roland Blum sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon (n°3678)




N
° 3692

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 3678, autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon,

par M. Roland BLUM,

Député

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INTRODUCTION 5

I – LE JAPON, QUI A RETROUVÉ UN BON NIVEAU DE CROISSANCE, EST UN PARTENAIRE ÉCONOMIQUE DE PREMIER PLAN POUR LA FRANCE 7

A – UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ASSAINIE 7

B – DES ÉCHANGES COMMERCIAUX DÉSÉQUILIBRÉS AU PROFIT DU JAPON, MAIS DES INVESTISSEMENTS CROISÉS RÉUSSIS 8

II – L’ACCORD DE SÉCURITÉ SOCIALE, QUI A SUPPOSÉ DE RÉSOUDRE CERTAINS PROBLÈMES TECHNIQUES, FACILITERA LES ÉCHANGES DE TRAVAILLEURS ENTRE LES DEUX PAYS 11

A – LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES 11

B – UN ACCORD DE SÉCURITÉ SOCIALE CLASSIQUE 12

1) Les personnes et les risques couverts 12

2) Des principes classiques pour l’essentiel 13

C – LES EFFECTIFS ET LES VOLUMES FINANCIERS CONCERNÉS 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

En décembre dernier, notre commission des Affaires étrangères, suivie par notre Assemblée, a autorisé l’approbation d’un accord bilatéral de sécurité sociale entre la France et la Corée, signé le 6 décembre 2004. Elle est aujourd’hui saisie d’un accord du même type conclu entre notre pays et le Japon le 25 février 2005. Ces deux accords traduisent le même souci de renforcer les relations économiques entre la France et chacune de ces grandes économies asiatiques et d’améliorer l’attractivité des territoires en facilitant la mobilité professionnelle.

Il n’existait jusqu’ici aucun accord de sécurité sociale entre la France et le Japon, si bien que, sauf dérogations accordées ponctuellement, les travailleurs français exerçant leur activité au Japon et les Japonais travaillant en France étaient soumis, conformément aux règles internes des deux pays, à la législation du pays d’accueil. Sur le modèle de la quarantaine d’accords bilatéraux de sécurité sociale déjà conclus par la France, l’accord qui nous est soumis pose le principe de l’assujettissement à la législation du pays où l’activité est exercée mais permet des exceptions à ce principe, particulièrement utiles pour les salariés dont la mobilité est de relativement courte durée. Il pose aussi les règles de coordination des régimes.

Après avoir présenté la bonne situation économique du Japon et la densité des relations économiques franco-japonaises, votre Rapporteur évoquera les difficultés rencontrées au cours de la négociation puis détaillera les stipulations de l’accord.

I – LE JAPON, QUI A RETROUVÉ UN BON NIVEAU DE CROISSANCE, EST UN PARTENAIRE ÉCONOMIQUE DE PREMIER PLAN POUR LA FRANCE

Même si elles pourraient encore être renforcées, les relations entre la France et le Japon sont très bonnes, aussi bien en matière politique, qu’économique, culturelle et scientifique. La commémoration, en 2008, du 150ème anniversaire du traité de paix et d’amitié entre les deux pays donnera l’occasion de mettre l’accent sur ces liens forts et dynamiques.

L’alliance entre Renault et Nissan, réalisée en 2002, a d’abord été perçue comme un pari risqué, avant de symboliser le succès des investissements croisés entre la France et le Japon. Même si les médias ne portent leur attention que sur quelques affaires polémiques, à l’exemple des inquiétudes suscitées par l’éventuel départ de l’usine Toyal de la vallée d’Aspe, nombreux sont les Français qui se félicitent de travailler pour des entreprises japonaises.

A – Une situation économique assainie

Le Japon se place au deuxième rang mondial pour son produit intérieur brut (PIB) – celui-ci s’est établi à 4 324 milliards de dollars américains en 2005 – et ses réserves (663 milliards de dollars). Son PIB par habitant dépasse 34 000 dollars. A 566 milliards de dollars, ses exportations sont supérieures de 111 milliards de dollars à ses importations. Son déficit public, de plus de 7 % de son PIB, et sa dette publique, qui atteint 175 % du PIB, restent élevés, mais leur diminution s’amorce. Après des années difficiles, l’économie japonaise connaît incontestablement une embellie.

Son rythme de croissance est, avec celui des Etats-Unis, l’un des plus élevés des pays du G8 : le PIB a progressé de 2 % en 2004, puis de 2,8 % en 2005 et en 2006, grâce aux réformes structurelles lancées depuis cinq ans. Le maintien d’un niveau de croissance solide est attribué à la bonne tenue de la demande intérieure, pour ce qui est tant de la consommation des ménages que de l’investissement, et au dynamisme des exportations, grâce au rythme soutenu de la demande chinoise.

Le Japon continue à miser sur l’innovation technologique, qui a fait son succès dans le passé. Les autorités et les entreprises mettent l’accent sur la recherche et le développement, auxquels sont consacrés 3,2 % du PIB (contre 1,8 % pour l’ensemble de l’Union européenne). Pour conserver son avance technologique, le Japon veille à ne délocaliser vers la Chine que l’assemblage des produits largement amortis. Il entend en effet préserver son avantage comparatif dans les technologies de pointe et la robotique, secteur dans lequel il détient une position dominante.

L’embellie de l’économie se traduit par une amélioration de la situation sociale. Après avoir atteint 5,5 % pendant les années d’éclatement de la bulle spéculative, le taux de chômage est en repli à 4 %. La décennie de crise a mis en évidence les limites de l’emploi à vie et du système de rémunération fondé exclusivement sur l’ancienneté. Elle a conduit à imposer une plus grande flexibilité de l’emploi et le développement du travail temporaire.

B – Des échanges commerciaux déséquilibrés au profit du Japon, mais des investissements croisés réussis

Alors que la relation économique franco-japonaise a longtemps été marquée par une grande prudence réciproque, la situation a nettement changé depuis le début des années 1990. On recense aujourd’hui plus de 10 000 sociétés françaises qui exportent vers le Japon, les 1 000 premières exportant près de 5 milliards d’euros par an. Les échanges commerciaux globaux ont progressé de 50 % entre 1993 et 2004, année où le Japon a été le 9ème client de la France dans le monde et le premier en Asie, quasiment à égalité avec la Chine. Au premier semestre 2006, le Japon était encore notre 11ème client et notre 10ème fournisseur.

Le solde commercial franco-japonais est déséquilibré à hauteur de 2,5 milliards d’euros au détriment de la France et constitue notre sixième déficit bilatéral, à la mi-2006. Même si notre pays n’a que peu profité de l’embellie économique japonaise en 2005, puisque la hausse de nos exportations vers le Japon s’est limitée à 1,2 %, le premier semestre 2006, marqué par une croissance de 11 % en six mois, a permis une réduction du déficit de 143 millions d’euros. La part de marché de la France au Japon s’établit désormais à 1,5 %. Nos exportations concernent principalement les biens de consommation, l’agroalimentaire, deux secteurs traditionnels, mais aussi les biens intermédiaires, secteur actuellement en forte croissance.

Les mutations en cours du modèle japonais – possibilités de grandes alliances industrielles, opportunités dans le secteur des services (finance, loisirs, environnement) – offrent aux entreprises françaises des occasions de gagner ou d’améliorer des positions sur ce marché, qui est le deuxième du monde.

Les investissements croisés – japonais en France et français au Japon – sont plus équilibrés et sont couronnés par de nombreuses réussites. Avec un stock de 10 milliards d’euros fin 2003, soit 14 % du stock total, la France occupe la troisième place parmi les investisseurs étrangers au Japon, après les Etats-Unis et les Pays-Bas (1). Fin 2005, ce montant était en léger repli, mais la France a conservé son rang : avec 11 % du stock total, elle se plaçait loin devant l’Allemagne, qui n’en représente que 6 %, et le Royaume-Uni (3 %). Dans l’autre sens, le stock des investissements japonais en France se monte à environ 11 milliards d’euros, ce qui la place au deuxième rang des pays d’accueil en Europe, derrière le Royaume-Uni.

Alors que seulement 200 entreprises françaises étaient implantées au Japon en 1980, elles sont désormais de l’ordre de 420. Ce nombre, qui a augmenté jusqu’en 2002, s’est stabilisé depuis, les retraits du marché et les disparitions au travers d’opérations de fusion-acquisition étant compensés par l’arrivée de nouvelles entreprises. Ces entreprises emploient plus de 86 000 salariés, parmi lesquels environ 600 expatriés français. Les investissements français au Japon sont répartis entre les secteurs de l’industrie manufacturière (environ 60 % du stock des investissements directs), de l’intermédiation financière (30 %), et, plus modestement, de l’immobilier et des services aux entreprises (8 %) et du commerce (1 %).

La plupart des grands groupes français, de l’automobile à la mode, de l’assurance à la distribution, sont présents au Japon. Ces dernières années ont été marquées par l’alliance Renault-Nissan, en 2002, la construction du magasin amiral de Chanel et la création d’une coentreprise entre Danone et Kirin, en 2003, l’acquisition par Nihon l’Oréal de la société cosmétique Shu Uemura, la même année, et par l’acquisition de l’activité asset management du groupe bancaire japonais Resona par la Société générale en 2004. 2005 a vu le retrait du marché japonais du groupe Carrefour, qui a cédé ses actifs au numéro un de la distribution au Japon, AEON, pour un montant estimé à 68 millions d’euros, et a conclu avec ce dernier un accord assurant la présence de l’enseigne Carrefour dans l’archipel.

La communauté d’affaires japonaise en France regroupe près de 450 filiales ou bureaux de représentation répartis dans plusieurs régions. Près de 200 entreprises ont une présence qui dépasse les activités purement commerciales : leurs établissements industriels, leurs activités de service ou leurs centres de recherche emploient 60 000 personnes en France, sur 650 sites ; entre un et dix salariés japonais expatriés par filiale complètent ces effectifs. C’est la décision de Toyota, en 1997, d’implanter une usine de montage à Valenciennes
– laquelle emploie aujourd’hui près de 4 000 salariés – qui a accéléré les investissements directs japonais dans notre pays. Depuis, se sont implantés principalement Mitsubishi Electric, qui fabrique des téléphones portables, Sandem et NTN, dans le secteur de l’équipement automobile, THK, spécialisé en système de guidage linéaire, et IBIDEN, qui produit des filtres à particules.

Les nouveaux investissements japonais sont moins nombreux depuis 2001, mais ils demeurent assez largement répartis à travers l’ensemble du territoire, et en particulier dans les régions Ile de France, Alsace, Rhône-Alpes, Bretagne, Centre, Nord-Pas de Calais, Lorraine et Picardie. 25 projets se sont néanmoins réalisés en 2005, induisant la création de plus de 1 400 emplois.

L’Agence française pour les investissements internationaux dénombre une centaine de projets japonais susceptibles d’être accueillis par la France et de créer 4 000 emplois au cours des prochaines années. Les plus prometteurs en termes d’emplois concernent le secteur de l’automobile, des machines et de la mécanique, ainsi que les secteurs des matériaux et de l’agroalimentaire.

Si les investissements directs génèrent des emplois dans les zones d’implantation des entreprises, ils s’accompagnent très souvent, au moins dans un premier temps, de l’arrivée de personnels issus de la maison-mère. C’est en particulier pour eux que l’accord bilatéral de sécurité sociale qui est l’objet du présent projet de loi sera précieux. Il constituera un atout de plus pour la France, alors que la concurrence internationale, et en particulier européenne, est forte pour attirer ces investissements.

II – L’ACCORD DE SÉCURITÉ SOCIALE, QUI A SUPPOSÉ
DE RÉSOUDRE CERTAINS PROBLÈMES TECHNIQUES, FACILITERA LES ÉCHANGES DE TRAVAILLEURS ENTRE LES DEUX PAYS

Les avantages que les travailleurs français et japonais expatriés vont retirer de cet accord sont nombreux. Par exemple, jusqu’ici, un Français qui avait travaillé en France puis au Japon ne recevait une pension de retraite dans ce pays que s’il avait cotisé 25 ans au régime de pension japonais ; grâce à l’accord, les périodes d’assurance effectuées en France seront reconnues au même titre que celles effectuées au Japon. De même, les employeurs japonais ne seront plus soumis à double cotisation en matière d’assurance vieillesse pour leurs salariés qui exercent leur activité en France : mis à part les cas de détachement, ils ne cotiseront plus qu’au régime français, l’obligation de cotiser au Japon ne leur étant plus applicable.

Certes, afin de faciliter l’installation d’entreprises japonaises en France, des dérogations à la règle de l’assujettissement à la législation de l’Etat de travail ont été ponctuellement accordées (2). Mais l’existence d’une base juridique incontestable est largement préférable à l’octroi de dérogations au coup par coup.

Les entreprises des deux Etats étaient donc très favorables à la négociation d’un tel accord, qui a néanmoins rencontré un certain nombre de difficultés.

A – Les difficultés rencontrées

Les pourparlers et les échanges d’informations entre la France et le Japon ont débuté en juin 2000, mais la négociation de l’accord de sécurité sociale, proprement dite, n’a commencé qu’en septembre 2002. Trois autres sessions de négociation ont été nécessaires. La plupart des difficultés étaient dues à un problème de compréhension réciproque des systèmes de sécurité sociale français et japonais d’une part, et à des divergences de fond quant à la définition des modalités et des champs d’application de la convention de sécurité sociale.

D’autres difficultés ont ensuite vu le jour, bloquant jusqu’ici la ratification de la convention de sécurité sociale côté français : la première concerne la fiscalité, la seconde les arrangements administratifs.

La loi de finances rectificative pour 2003 prévoit d’exonérer de l’impôt sur le revenu en France, à partir du 1er janvier 2004, les cotisations de sécurité sociale versées en France pour les ressortissants des Etats qui sont liés à notre pays par une convention de sécurité sociale. Cette disposition implique que, dès l’entrée en vigueur de l’accord de sécurité sociale entre la France et le Japon, les salariés des entreprises japonaises détachés en France pourront bénéficier de cette exonération. La réciproque n’existait pas alors pour les détachés des entreprises françaises au Japon, faute d’une équivalence de la législation fiscale japonaise. Cette difficulté a été résolue dans le cadre d’un avenant à la convention fiscale, paraphée en juin 2006 et signée en janvier 2007. La procédure de ratification de cet avenant va être maintenant engagée en France et au Japon.

La finalisation de l’arrangement administratif général, prévu à l’article 23 de l’accord, et surtout de l’arrangement sur les formulaires administratifs, lui-même prévu à l’article 12 de l’arrangement administratif, a été plus longue que prévue, notamment à cause de la mise au point du mécanisme de désaffiliation (prévu à l’article 26 de l’accord, voir infra) et de la nécessité d’apporter des clarifications concernant l’articulation entre le champ d’application matériel et l’exclusion des fonctionnaires et des personnels assimilés. Finalement, les dernières difficultés ont été levées fin novembre 2006, ce qui a permis la signature de l’arrangement sur les formulaires, l’arrangement administratif ayant été conclu dès mars 2005.

Le Parlement japonais a autorisé la ratification de cet accord dès le 15 juillet 2005, mais le gouvernement a décidé d’attendre que la procédure de ratification française soit accomplie pour notifier l’accomplissement de sa procédure.

B – Un accord de sécurité sociale classique

1) Les personnes et les risques couverts

Le champ d’application matériel de l’accord, c’est-à-dire les risques auxquels il s’applique, est fixé par son article 2. Il s’agit des risques maladie-maternité, vieillesse et accidents du travail. En France, les régimes spéciaux des fonctionnaires civils et militaires sont exclus du champ de l’accord, tout comme les prestations à caractère non contributif (3). Selon la même logique, au Japon, sont exclues les prestations à caractère social versées à titre transitoire ou complémentaire qui sont exclusivement financées par le Trésor public.

L’article 3 de l’accord détermine son champ d’application personnel. Les personnes visées sont toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, qui sont ou ont été soumises aux différentes législations entrant dans le champ d’application matériel de l’accord. Leurs ayants droit bénéficient également des stipulations de l’accord.

2) Des principes classiques pour l’essentiel

L’article 4 énonce le principe qui fonde tous les accords de sécurité sociale auxquels la France est partie, celui de l’égalité de traitement : toute personne qui a été soumise à la législation sociale française et qui vit au Japon et toute personne qui a été soumise à la législation sociale japonaise et qui vit en France bénéficie du même traitement que, respectivement, un Japonais vivant au Japon et un Français vivant en France.

En application de l’article 5, et comme toujours dans les accords de ce type, les personnes qui travaillent dans un Etat sont, en principe, soumises uniquement à la législation de cet Etat en ce qui concerne leur affiliation aux régimes sociaux qui sont obligatoires dans les deux Etats.

Il existe néanmoins une série de dérogations à ce principe :

– conformément à l’article 7, les personnes travaillant en mer à bord d’un navire qui bat le pavillon d’un Etat contractant sont considérées comme exerçant leur activité dans cet Etat, mais si elles sont salariées et rémunérées par un employeur ayant son siège ou son domicile dans l’autre Etat, et si elles y résident, elle relève des régimes sociaux de leur Etat de résidence ;

– très classiquement, l’article 8 exclut du champ de l’accord les personnels diplomatiques et consulaires, tandis que les autres personnels employés par un Etat sur le territoire de l’autre Etat contractant sont soumis uniquement à la législation de l’Etat qui les emploie ;

– en application de l’article 6, les travailleurs salariés détachés demeurent placés sous les législations de leur pays d’origine, si la durée prévisible du détachement ne dépasse pas cinq ans (4) ; cette durée n’est pas reconductible et un salarié ne pourra à nouveau bénéficier de ces stipulations qu’après un délai minimum d’un an ; en outre, cette dérogatoire ne sera applicable en France qu’aux salariés qui bénéficient au Japon d’une couverture contre les risques d’accidents du travail. L’article 11 écarte aussi du bénéfice de la dérogation les personnes dont l’employeur est installé au Japon mais qui ne sont pas affiliées à l’un des régimes japonais de pensions visés à l’article 2 de l’accord. Aux termes de l’article 16, les travailleurs détachés au Japon qui bénéficient de la dérogation touchent les allocations familiales françaises pour leurs enfants qui les accompagnent. L’article 26 autorise en outre, au titre des dispositions transitoires, l’acquisition du statut de travailleur détaché par un salarié affilié au régime de sécurité sociale de l’Etat où il travaille au moment de l’entrée en vigueur de l’accord et qui remplit les conditions posées par l’article 6. Il devra, dans ce cas, être désaffilié du régime de cet Etat et réaffilié à celui de l’autre Etat.

Enfin, comme c’est toujours le cas dans ce type d’accords, l’article 9 permet aux autorités compétentes de prévoir, d’un commun accord, d’autres dérogations aux règles d’assujettissement, à condition que les intéressés aient donné leur accord et soient in fine soumis à la législation de l’un ou l’autre des Etats contractants. Cette possibilité permettra, par exemple, de régler la situation de salariés dont la durée de détachement dépasserait finalement cinq ans.

Egalement de manière classique, en application de l’article 13, lorsqu’un travailleur ne justifie pas de la durée d’assurance prévue par la législation de l’Etat d’affiliation pour l’ouverture ou le maintien d’un droit, il est fait appel aux périodes d’assurance accomplies sous la législation de l’autre Etat, à condition que les périodes ne se superposent pas. Cette stipulation vaut aussi pour les régimes spéciaux qui entrent dans le champ matériel de l’accord, à condition que les périodes accomplies au Japon ou en France l’aient été dans une profession correspondante.

Les règles précises de calcul du montant des prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivants sont énumérées à l’article 14 en ce qui concerne le Japon, à l’article 15 pour la France.

Quant aux prestations, elles doivent être versées, dans la monnaie de l’un des deux Etats (article 16), au bénéficiaire qui vit dans l’autre Etat comme s’il vivait dans le premier. S’il vit dans un Etat tiers, lui seront appliquées les mêmes règles qu’à un ressortissant de l’Etat débiteur (article 12). L’accord permet donc de lever, lorsqu’elle existe, la clause de résidence.

Les autres stipulations de l’accord (relatives, notamment, à la protection des données échangées dans le cadre de l’accord, à la langue de communication, à la commission mixte chargée de suivre l’application de l’accord, aux dispositions transitoires) ne requièrent pas de commentaires particuliers.

Seul l’article 10, qui porte sur les conjoint ou enfants qui accompagnent le travailleur, est inhabituel. Il prévoit que l’affiliation, obligatoire en droit japonais, du conjoint ou des enfants ne s’applique pas lorsqu’ils accompagnent une personne travaillant au Japon mais soumise à la législation française en application des stipulations de l’accord, sauf si le conjoint ou les enfants ont la nationalité japonaise. Dans ce dernier cas, une exemption sera éventuellement accordée en application de la législation japonaise. A l’inverse, le conjoint ou les enfants qui accompagnent en France un travailleur maintenu sous législation japonaise restent soumis à cette dernière, à moins qu’ils n’exercent eux-mêmes une activité professionnelle. Ces stipulations tirent les conséquences de la différence des règles d’affiliation entre les deux pays : en France, le conjoint ou les enfants sont automatiquement couverts pour le risque maladie-maternité dès lors que le travailleur est affilié ; au Japon, ils doivent être affiliés séparément.

C – Les effectifs et les volumes financiers concernés

Actuellement, un peu moins de 4 000 Français actifs, dont 80 % de salariés et une majorité de cadres, sont immatriculés auprès des consulats de France au Japon ; le nombre total de Français immatriculés (plus de 7 500) a augmenté de 43 % depuis 2000. De plus en plus de nos ressortissants sont donc susceptibles de bénéficier des stipulations de l’accord de sécurité sociale.

D’après les données fournies par l’ambassade du Japon en France, près de 5 000 Japonais sont des résidents permanents en France et plus de 20 500 sont présents sur le territoire français en possession d’un visa (c’est-à-dire sans compter les simples touristes). Parmi eux, près de 3 500 sont salariés, 1 360 exercent une profession libérale et 5 700 sont enseignants, chercheurs ou étudiants. Leurs ayants droit seraient de l’ordre de 4 800. Selon une estimation réalisée au moment de la négociation de l’accord, environ 3 000 Japonais pourraient être susceptibles de bénéficier du statut de salarié détaché.

Le détachement se traduit par une perte de recettes pour les caisses de sécurité sociale du pays d’exercice de l’activité. Des études estiment à 80 millions d’euros annuels l’économie qui sera réalisée par les entreprises japonaises du fait du différentiel de cotisation, le montant des cotisations au Japon étant de deux à trois fois moins élevé qu’en France. La sécurité sociale française subira un manque à gagner estimé entre 100 et 150 millions d’euros annuels.

En contrepartie, les Français envoyés par leur entreprise au Japon passeront sous le régime du détachement, ce qui implique un gain pour la sécurité sociale française.

Par ailleurs, l’accord renforce l’attractivité de la France pour les entreprises japonaises et devrait donc favoriser la réalisation d’un certain nombre d’investissements créateurs d’emplois.

CONCLUSION

Tout en ne présentant pas de différence notable par rapport aux nombreux accords bilatéraux de sécurité sociale déjà en vigueur, l’accord entre la France et le Japon est particulièrement utile, étant donné l’importance des liens commerciaux et d’investissements directs qui existent déjà entre les deux pays, et les perspectives de leur renforcement.

Si on peut déplorer qu’il n’ait pas été possible d’examiner simultanément l’accord de sécurité sociale et l’avenant à la convention fiscale qui lui est en partie lié, l’autorisation de l’approbation de ce dernier devant être renvoyée à la prochaine législature, votre Rapporteur est néanmoins favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 13 février 2007.

Après l’exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 3678).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 3678).

© Assemblée nationale