N° 2278 - Projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume d'Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR



N° 2278

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2009.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification du traité entre le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par M. Bernard KOUCHNER,
ministre des affaires étrangères et européennes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 18 octobre 2007, la France, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal ont signé à Velsen (Pays-Bas) le traité portant création de la force de gendarmerie européenne (FGE). Cet instrument européen de gestion de crise, créé à l’initiative de la France, constitue une force autonome, distincte de l’Union européenne et de toute autre organisation internationale. Il assemble, sur le mode intergouvernemental, cinq États membres de l’Union européenne (UE) dotés d’une force de police à statut militaire. Ils ont été rejoints par la Roumanie en décembre 2008.

Forte de l’expérience accumulée par les Européens en matière d’opérations extérieures depuis 1991, la FGE s’appuie sur les caractéristiques propres et le large spectre de compétences des forces de type gendarmerie. Opérationnelle depuis 2006, engagée depuis 2007 en Bosnie-Herzégovine et depuis 2009 en Afghanistan, elle constitue un outil de gestion de crise robuste et crédible, déployé soit à titre préventif de manière autonome, soit à la demande d’organisations internationales et, prioritairement, de l’Union européenne.

La FGE est financée par les contributions des États participants, selon une clé de répartition fondée sur le nombre de personnels de la nationalité de l’État détachés au quartier général permanent ou, le cas échéant, déployés en opération. En 2008, la contribution totale de la France se monte à 105 516,50 €. Elle est prélevée sur le budget de la gendarmerie nationale.

La force, qui dispose d’une capacité juridique restreinte, est dotée d’une instance de décision, le comité interministériel de haut niveau (CIMIN). Le CIMIN est composé de représentants des ministères des affaires étrangères et des ministères de la défense ou de l’intérieur de chaque État membre, selon les modalités nationales de rattachement des forces de gendarmerie. Il statue à l’unanimité.

La force comporte également un état-major permanent, implanté à Vicence (Italie), qui met en œuvre les directives du CIMIN. Il compte six officiers français. Elle ne dispose pas de forces dédiées qui lui seraient affectées de manière permanente. Chaque opération donne lieu à la constitution d’une force, dont la composition est déterminée en fonction de la mission qui lui est assignée, sur la base d’un catalogue recensant des capacités déclarées par les États membres.

Comme le suggèrent l’intitulé même de la force et son insigne bleu, la FGE est un projet européen, une avancée concrète en matière de gestion de crise qui marque une étape importante de la construction de l’Europe de la défense. Conformément aux priorités défendues par la France, elle contribue ainsi au renforcement des capacités disponibles en Europe, notamment pour la politique de sécurité et de défense commune.

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Le chapitre Ier (articles 1er à 3) est consacré aux dispositions générales du traité.

Les articles 1er et 2 définissent l’objet du traité et en déterminent les principes. En particulier, l’article 1erstipule que le traité a pour objet la création d’une force de gendarmerie européenne comprenant exclusivement des éléments de forces de police à statut militaire, pour assurer toutes les missions de police dans le cadre d’opérations de gestion des crises.

L’article 3 définit les principaux termes employés dans le traité.

Il précise notamment que la FGE se compose d’un quartier général permanent projetable situé à Vicence en Italie et de forces désignées par les Parties. Il précise également que l’« État hôte » est la Partie sur le territoire de laquelle se trouve le quartier général (l’Italie) et l’ « État d’accueil » la Partie au traité sur le territoire de laquelle des forces FGE sont stationnées ou en transit.

Le chapitre II (articles 4 à 6) définit les missions de la FGE, ainsi que les principes d’engagement et de déploiement de cette force en opération.

L’article 4 vise à assurer un vaste champ de missions possibles à la force et une grande souplesse d’emploi. Il prévoit que la FGE doit être capable de couvrir l’ensemble des missions de police, par substitution ou renforcement, durant toutes les phases d’une opération de gestion des crises. La FGE peut agir seule ou avec d’autres forces, et être placée aussi bien sous autorité civile que sous commandement militaire.

L’article 5 précise que la FGE peut être mise à la disposition d’autres organisations internationales (UE, ONU, OSCE, OTAN notamment) ou de coalitions ad hoc.

L’article 6 règle les conditions d’engagement et de déploiement de la FGE en opération. Pour le stationnement ou le déploiement de la FGE sur le territoire d’un État tiers, il prévoit la conclusion d’un accord entre les États d’origine des forces et du personnel et l’État tiers concerné.

Le chapitre III (articles 7 à 9) traite des aspects institutionnels et juridiques.

L’article 7 définit la composition et les missions du comité interministériel de haut niveau (CIMIN), qui est l’organe de décision de la FGE. Il renvoie les détails spécifiques à sa composition, à sa structure, à son organisation et à son fonctionnement à des règlements adoptés par le CIMIN. L’article prévoit la conclusion d’un règlement intérieur pour la tenue des réunions du CIMIN.

Le comité est composé de représentants des ministères compétents de chaque État partie. Les décisions y sont prises à l’unanimité.

Des tâches générales du CIMIN sont détaillées au troisième alinéa, parmi lesquelles :

– le contrôle politique sur la force et la définition des orientations stratégiques ; la nomination des principaux responsables (commandant de la FGE, président du conseil financier, commandants de mission) et l’approbation du rôle et de la structure du quartier général, ainsi que des critères de rotation des postes-clés ;

– la décision d’engagement de la FGE en opération et l’approbation du cadre d’action, l’orientation et l’évaluation des activités de la FGE en cas de déploiement, la participation des États contributeurs, les demandes de coopération d’États tiers ou d’organisations internationales ;

– l’approbation des principales mesures concernant les aspects administratifs, en particulier le budget annuel.

Le CIMIN se prononce sur les demandes d’adhésion et accorde les statuts d’observateur ou de partenaire.

L’article 8 définit les missions du commandant de la FGE, principalement le commandement du quartier général permanent, l’exécution des directives du CIMIN, l’élaboration du budget des dépenses et, le cas échéant, le commandement des forces déployées de la FGE.

L’article 9 dote la FGE de la capacité juridique de contracter sur le territoire de chacune des Parties. Le commandant de la FGE, ou une personne qu’il désigne pour agir en son nom, la représente en justice.

Le chapitre IV (articles 10 et 11) fixe les modalités d’installation du quartier général permanent, ainsi que le régime des permissions d’accès de l’État hôte. Ce dernier met gratuitement à disposition de la FGE les installations du quartier général permanent. Les conditions relatives aux prestations de soutien par l’État hôte sont renvoyées à des arrangements d’application.

Le chapitre V (article 12) pose un principe de protection des informations et des matériels classifiés conformément aux règlements en vigueur. Il prévoit la conclusion d’un accord de sécurité entre les Parties. Des accords de sécurité spécifiques sont prévus pour les échanges avec des tiers.

Le chapitre VI (articles 13 à 18) traite des dispositions relatives au personnel pendant son séjour sur les territoires de l’État hôte ou de l’État d’accueil.

L’article 13 impose au personnel de la FGE et à leur famille de se conformer à la législation en vigueur dans l’État hôte ou dans l’État d'accueil.

L’article 14 prévoit que le personnel du quartier général permanent et leur famille ne sont pas assujettis à la réglementation en vigueur applicable aux étrangers dans l’État hôte.

L’article 15 règle les aspects juridiques et médicaux en cas de décès d’un personnel militaire ou civil de la FGE.

L’article 16 précise les règles de port d’uniforme et d’armes par le personnel de la FGE. La détention, le port et le transport d’armes doivent être conformes à la législation de l’État hôte et de l’État d’accueil.

L’article 17 impose aux Parties de reconnaître la validité des permis de conduire militaires du personnel de la FGE délivrés par un autre État Partie.

L’article 18 fixe les règles selon lesquelles une assistance médicale est assurée au personnel de la FGE et à leur famille, dans l’État hôte ou l’État d’accueil.

Le chapitre VII (articles 19 à 24) détaille les privilèges et immunités de la FGE et de son personnel.

L’article 19 fixe les règles d’exonération d’impôts et de droits de douanes applicables aux avoirs, revenus et biens de la FGE dans le cadre de leur usage officiel, ainsi que de leurs achats, importations, cession et mise à disposition.

L’article 20 fixe les règles relatives aux privilèges individuels du personnel de la FGE dans l’État hôte.

L’article 21 pose un principe d’inviolabilité des installations, bâtiments et archives de la FGE sur le territoire des Parties, et en détaille les modalités de mise en œuvre.

L’article 22 impose aux Parties d’accorder une immunité d’exécution sur les propriétés et fonds de la FGE, ainsi que sur les biens mis à sa disposition pour son usage officiel.

L’article 23 traite des aspects liés aux communications de la FGE et à leur protection.

L’article 24 précise que le personnel du quartier général permanent établissant sa résidence dans l’État hôte uniquement en raison de l’exercice de ses fonctions conserve sa résidence fiscale dans son État d’origine pour les impôts sur le revenu et le patrimoine.

Le chapitre VIII (articles 25 à 27) fixe les dispositions relatives à la juridiction et aux pouvoirs disciplinaires

L’article 25 fixe les règles de partage des compétences de juridiction pénale et disciplinaire entre États d’origine du personnel de la FGE et État hôte ou État d’accueil.

L’article 26 institue un principe d’entraide judiciaire entre les États Parties et en définit les modalités.

L’article 27 détermine les règles de rapatriement, d’absence ou d’éloignement du personnel de la FGE.

Le chapitre IX (articles 28 à 32) traite des dommages.

L’article 28 stipule que les Parties renoncent aux demandes d’indemnités entre elles pour les dommages survenus dans le cadre du traité et en fixe les modalités.

L’article 29 définit les règles de réparation des dommages causés à un tiers ou à la propriété d’un tiers : répartition entre les Parties ; cas d’une négligence grave ou d’une faute intentionnelle d’un membre du personnel de l’une des Parties ; traitement des demandes d’indemnité.

En cas de doute sur la question de savoir si le dommage a été causé dans l’exécution du service, l’article 30 prévoit que le CIMIN statue sur la base d’un rapport établi par le commandant de la FGE.

L’article 31 prévoit la possibilité de conclure des arrangements ad hoc sur les questions des dommages pour les exercices et opérations conduits sur le territoire d’un État tiers.

L’article 32 étend les dispositions des chapitres VIII et IX aux experts scientifiques ou techniques amenés à effectuer des missions au sein de la force, dans le cadre et pour la durée de leur mission.

Le chapitre X (articles 33 à 37) traite des questions financières et relatives au droit de propriété.

L’article 33 crée un conseil financier, dont il précise la composition et les tâches. Cet article prévoit l’adoption par le CIMIN d’un règlement financier définissant les modalités de fonctionnement du conseil financier et le calendrier de présentation, d’examen et d’approbation du projet de budget de la FGE.

L’article 34 précise les différents types de dépenses de la FGE et renvoie leur définition et leurs modalités de financement au règlement financier.

L’article 35 définit les grands principes du budget annuel de la FGE pour les coûts communs.

L’article 36 prévoit que les auditeurs nationaux peuvent obtenir toutes les informations et examiner tous les documents détenus par le personnel de la FGE pour assurer leur fonction d’audit à l’égard des gouvernements nationaux et de reddition de compte devant les parlements nationaux.

L’article 37 précise les modalités selon lesquelles la FGE peut passer des marchés publics conformément aux principes en vigueur dans l’Union européenne.

Le chapitre XI (articles 38 à 47) contient les dispositions finales du traité.

L’article 38 stipule que les langues officielles de la FGE sont les langues des Parties et qu’une langue de travail commune peut être utilisée.

L’article 39 prévoit que les différends entre Parties seront réglés par voie de négociation.

L’article 40 règle les modalités d’amendement du traité par les Parties.

L’article 41 fixe les modalités de retrait du traité. Un délai minimal de douze mois est prévu après la notification au dépositaire d’une décision de retrait.

L’article 42 fixe les règles d’adhésion à la FGE. Tout État membre de l’Union européenne disposant d’une force de police à statut militaire peut adhérer au traité.

Les articles 43 et 44 définissent les conditions de candidature aux statuts d’observateur ou de partenaire de la FGE. Le critère de distinction entre les deux statuts est uniquement lié aux caractéristiques de la force de gendarmerie dont dispose le pays candidat :

– le statut d’observateur de la FGE peut être demandé par tout État membre de l’UE disposant d’une force de police à statut militaire ou par tout État candidat à l’UE disposant d’une force de police à statut militaire. S’agissant des membres de l’UE, le traité précise que le statut d’observateur peut être une première étape avant l’adhésion au traité. Le statut d’observateur permet de détacher un officier de liaison au quartier général permanent ;

– le statut de partenaire de la FGE peut être demandé par tout État membre de l’UE disposant d’une force à statut militaire ayant quelques compétences en matière de police ou par tout État candidat à l’UE disposant d’une force à statut militaire ayant quelques compétences en matière de police.

L’article 45 permet de compléter le traité par des accords ou arrangements d’application spécifiques.

L’article 46 fixe la date d’entrée en vigueur au premier jour du mois suivant la notification aux Parties du dépôt du dernier instrument de ratification.

L’article 47 désigne l’Italie comme État dépositaire.

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Telles sont les principales observations qu'appelle le traité portant création de la force de gendarmerie européenne qui, comportant notamment des stipulations engageant les finances de l’État, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR, délibéré en conseil des ministres après avis du conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification du traité entre le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas et la République portugaise, portant création de la force de gendarmerie européenne EUROGENDFOR, signé à Velsen le 18 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 3 février 2010.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères
et européennes


Signé :
Bernard KOUCHNER


© Assemblée nationale