N° 2338 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune



N° 2338

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 février 2010.

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par M. Bernard KOUCHNER,
ministre des affaires étrangères et européennes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France et la Suisse ont signé à Paris le 9 septembre 1966 une convention en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, qui a été modifiée par un premier avenant, signé à Paris le 3 décembre 1969, puis par un deuxième avenant, signé à Paris le 22 juillet 1997.

Un nouvel avenant a été signé à Berne le 27 août 2009.

Cet avenant prévoit de modifier le titre de la convention, d’en amender les articles 11 (dividendes), 14 (clause anti-abus), 17 (rémunérations privées), 20 (pensions privées), 21 (rémunérations et pensions publiques), 27 (procédure amiable) et 28 (échange de renseignements), d’insérer dans la convention un article 28 bis (notifications des créances fiscales), d’insérer au protocole additionnel à la convention un nouveau point V, relatif à l’application de l’article 11 de la convention, de renuméroter les points V à IX du protocole additionnel et d’ajouter au protocole additionnel de la convention un point XI, relatif à l’application de l’article 28 de la convention.

Article 1er :

Cet article de l’avenant modifie l’article 11 §2. b ii de la convention, qui, dans sa rédaction actuelle, limite le bénéfice de l’exonération de retenue à la source sur les dividendes versés entre sociétés liées (régime dit « mère filles ») lorsque le bénéficiaire effectif des dividendes est une société contrôlée par des résidents d’États tiers. À l’avenir, l’exonération bénéficiera aux sociétés qui pourront établir que la chaîne de participation n’a pas un objet principalement fiscal.

Par ailleurs, un nouveau iii prévoit l’articulation du dispositif mis en place au ii avec les exonérations de retenue à la source demandées sur le fondement du paragraphe 1 de l’article 15 de l’accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne, prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues par la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts.

Ce faisant, le dispositif anti-abus conventionnel est aligné sur celui prévu en droit interne à l’article 119 ter 3 du code général des impôts dans le cadre de transposition de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil du 22 décembre 2003 (dite directive « Mère filles »).

Article 2 :

L’article 14 de la convention prévoit, dans sa rédaction actuelle, un dispositif anti-abus complexe et malaisé à mettre en œuvre par les services de contrôle fiscal. L’article 2 de l’avenant modifie l’article 14, afin de mettre en place un dispositif anti-abus permettant de lutter contre le chalandage fiscal.

Le nouveau dispositif mis en place permet de refuser le bénéfice des avantages conventionnels lorsqu’un résident, qui perçoit des revenus de l’autre État contractant, reverse, à un moment donné et sous une forme quelconque, au moins la moitié des revenus à une personne ou une entité liée, établie dans un État tiers à la convention, lorsque la convention franco-suisse permet d’obtenir des avantages supérieurs à ceux de la convention applicable entre l’État source et l’État de résidence du bénéficiaire des revenus.

Il n’est pas applicable aux cas d’exonération de retenue à la source prévue par le régime mère-filles de l’article 11, paragraphe 2, b, i, la clause anti-abus applicable étant alors celle de l’article 11, paragraphe 2, b, ii.

Article 3 :

Le paragraphe 3 de l’article 17 de la convention est complété afin d’aligner le traitement fiscal des personnels qui exercent leur activité à bord d’un véhicule ferroviaire sur celui des personnels exerçant leur activité à bord d’un navire ou d’un aéronef en trafic international ou à bord d’un bateau servant à la navigation intérieure.

Jusqu’à présent, le lieu d’imposition des salaires dépendait du lieu d’exercice de l’activité lorsque l’employeur était une entreprise privée.

Désormais, les rémunérations versées aux personnels des entreprises de transport ferroviaire international, quel que soit le statut de l’entreprise (privé ou public), seront imposables dans l’État contractant où le siège de direction effective est situé. Cette modification, qui s’inscrit dans le cadre de la modification des règles de territorialité applicables aux rémunérations versées par les personnes publiques exerçant une activité industrielle ou commerciale, simplifie le traitement fiscal de ce type de revenus, en évitant le débat sur la détermination du lieu d’exercice de l’activité.

Article 4 :

L’article 20 de la convention, relatif aux pensions privées, est complété par un paragraphe 2 afin de permettre à l’État de la source de retrouver un droit d’imposition lorsque l’État de la résidence n’exerce pas le droit d’imposer qui lui est attribué aux termes du premier paragraphe.

Article 5 :

Cet article insère un paragraphe 2 à l’article 21 de la convention, relatif aux rémunérations et pensions publiques, afin d’instaurer une dérogation au principe de l’imposition de celles-ci dans l’État du débiteur.

Désormais, les rémunérations et pensions versées par des personnes publiques exerçant une activité industrielle ou commerciale seront imposées dans l’État de résidence du bénéficiaire, et non plus dans l’État du débiteur. Cette modification est conforme au paragraphe 3 de l’article 19 du modèle OCDE, relatif aux fonctions publiques.

Article 6 :

Un paragraphe 5 est inséré à l’article 27 de la convention, relatif aux procédures amiables, afin d’instaurer une procédure d’arbitrage entre la France et la Suisse. Cette nouvelle procédure, qui s’inspire de la convention européenne d’arbitrage du 23 juillet 1990, est limitée aux questions relatives aux prix de transferts et à l’existence d’un établissement stable.

Article 7 :

Cet article de l’avenant modifie l’article 28 de la convention relatif à l’échange de renseignements, afin de le mettre en conformité avec les derniers standards de l’OCDE.

La nouvelle rédaction proposée est très proche de celle de l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE dans sa dernière version de juillet 2008, qui permet d’échanger des renseignements sans limitation quant à la nature des impôts, des personnes et des renseignements visés par la demande. Elle ne s’en écarte que sur deux points.

Le paragraphe 2 de l’article 28 de la convention ajoute une précision figurant parmi les clauses alternatives prévues par les commentaires de l’article 26 du modèle OCDE, ayant pour objet de permettre d’utiliser les renseignements échangés à des fins non fiscales, notamment sociales.

La dernière phrase du paragraphe 5 de l’article 28 de la convention, dans sa rédaction issue de l’avenant, clarifie l’articulation entre les paragraphes 3 et 5 de cet article et permet aux autorités suisses de déroger aux dispositions de leur droit interne qui limitent l’accès de l’administration fiscale aux renseignements, notamment bancaires, aux fins de l’établissement des impôts.

Article 8 :

Cet article de l’avenant insère, dans la convention, un nouvel article 28 bis, relatif à l’assistance entre les États contractants pour la notification des actes et documents relatifs au recouvrement, d’une part, des impôts visés par la convention, et, d’autre part, de la TVA, des droits d’enregistrement, de la taxe de 3 % et des impôts locaux.

Article 9 :

Cet article de l’avenant insère un nouveau point V au protocole additionnel à la convention, permettant aux caisses de retraite, fonds de pension ou institutions de prévoyance exonérés implantés dans un des deux États de bénéficier des taux de retenue à la source prévus par la convention au titre des dividendes (15 %), intérêts (absence de retenue à la source) ou redevances (5 %) qu’ils perçoivent de l’autre État.

Ce bénéfice est toutefois limité aux caisses de retraite, fonds de pension ou institutions de prévoyance dont la majorité des bénéficiaires sont des personnes physiques résidentes de l’un ou l’autre des deux États.

Article 10 :

Cet article de l’avenant insère un nouveau point XI au protocole additionnel à la convention, précisant les modalités de l’échange de renseignements, dans un cadre et selon une rédaction pleinement conformes aux commentaires de l’OCDE sur l’article 26 du modèle de convention.

Le premier alinéa précise que les demandes de renseignements sont effectuées après utilisation par l’État requérant de ses sources habituelles de renseignements.

Le deuxième alinéa vise à empêcher la « pêche aux renseignements ».

Le troisième alinéa indique les informations que l’État requérant doit fournir dans le cadre d’une demande d’échange de renseignements.

Le quatrième alinéa rappelle que l’État requis peut appliquer ses procédures internes relatives aux droits des contribuables, sans toutefois que ceux-ci puissent entraver ou retarder indûment l’échange de renseignements.

Le cinquième alinéa rappelle que l’article 28 de la convention n’impose pas aux États de procéder à un échange de renseignements spontané ou automatique.

Article 11 :

Cet article précise la date d’entrée en vigueur et de prise d’effet des dispositions de l’avenant et modifie le titre de la convention.

L’entrée en vigueur de l’avenant interviendra le jour de réception du second instrument de ratification.

Les demandes d’échanges de renseignements pourront concerner toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1er janvier 2010 et la notification des créances fiscales pourra s’appliquer à toute créance non prescrite à la date d’entrée en vigueur de l’avenant.

Le titre de la convention est modifié afin de faire explicitement référence à l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signé à Berne le 27 août 2009 qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 9 septembre 1966 (et son protocole additionnel), modifiée par l’avenant signé à Paris le 3 décembre 1969 et par l’avenant signé à Paris le 22 juillet 1997, signé à Berne le 27 août 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 23 février 2010.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères
et européennes


Signé :
Bernard KOUCHNER


© Assemblée nationale