N° 2014 - Proposition de loi de M. Étienne Blanc sur le contreseing de l'avocat



N° 2014

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 novembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

sur le contreseing de l’avocat,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Étienne BLANC, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques Alain BÉNISTI, Gabriel BIANCHERI, Jean-Marie BINETRUY, Émile BLESSIG, Roland BLUM, Marcel BONNOT, Jean-Claude BOUCHET, Loïc BOUVARD, Dino CINIERI, Hervé De CHARETTE, Daniel FASQUELLE, Yves FROMION, Claude GOASGUEN, François-Michel GONNOT, Arlette GROSSKOST, Philippe HOUILLON, Maryse JOISSAINS-MASINI, Patrick LABAUNE, Michel LEJEUNE, Geneviève LEVY, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques PÉLISSARD, Jean-Pierre SCHOSTECK, Daniel SPAGNOU, Georges TRON et Michel VOISIN,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque Français, au cours de sa vie, est amené à accomplir des actes juridiques très divers.

Il le fait dans un environnement qui n’a cessé de se complexifier au fil du temps.

Aujourd’hui, ce sont 8 000 lois et 400 000 décrets qui régissent notre vie courante, l’économie et le commerce ou l’exercice de la puissance publique.

Ce véritable maquis génère une appréhension et une insécurité juridique qui appellent l’intervention croissante de techniciens du droit, avocats, notaires, conseils, experts-comptables, huissiers de justice et bien d’autres.

Les professionnels du droit sont-ils armés pour répondre à ce besoin croissant et à la concurrence internationale à laquelle ils sont désormais exposés ?

C’est pour répondre à cette question que le chef de l’État a confié à une commission d’experts le soin d’établir un rapport sur les professions du droit.

Présidée par Maître Jean-Michel Darrois, la commission déposait ses propositions au mois de mars 2009.

La première partie du rapport, après avoir écarté la création d’une profession unique du droit, ouvre, sous le titre I, une réflexion sur une profession d’avocat élargie et rénovée.

Le rapport incite à une modernisation et à une adaptation des moyens dont disposent les avocats ainsi qu’à une meilleure organisation de leur profession pour mieux répondre aux besoins des Français et pour relever les défis de la concurrence internationale dans le domaine du droit.

Après avoir étudié l’éventualité de confier aux avocats la possibilité de dresser des actes authentiques, proposition écartée « en raison des caractéristiques essentielles de l’acte authentique », la commission propose, parmi d’autres mesures, d’instaurer « l’acte contresigné par un avocat » qui pourrait être introduit dans la loi du 31 décembre 1971 relative à la réglementation de la consultation en matière juridique et de la rédaction d’acte sous seing privé. Cet acte fit l’objet d’un colloque à Lyon le 11 septembre 2008 et à la Cour de Cassation le 12 mars 2009.

On peut envisager deux effets significatifs de l’acte d’avocat :

I. Un renforcement de la sécurité juridique :

L’acte contresigné par un avocat renforcera la sécurité juridique des actes sous seing privé dont la fragilité résulte des contestations qui peuvent être élevées sur le fond, les parties soutenant devant les tribunaux qu’elles se sont engagées en méconnaissance de cause, mais aussi sur la forme en contestant leur signature ou leur capacité.

Associé à la négociation et à la préparation de l’acte, attentif à sa rédaction, l’avocat contrôlera l’identité des parties, s’assurera de leur capacité à contracter et, le cas échéant, de l’origine des fonds.

La signature de l’avocat attestera des conseils formulés aux parties et engagera sa responsabilité.

Ainsi, le lien contractuel se trouvera renforcé et les contestations seront moins aisées.

L’acte bénéficiera d’une force probante renforcée, ce qui pourra limiter les conflits et permettra de mieux les gérer par la mise en œuvre, le cas échéant, de clauses de médiation ou de conciliation élaborées par les conseils des parties.

Faisant foi de son origine, la validité et l’efficacité de l’acte se trouveront renforcés.

II. La profession d’avocat :

Actif au cours de la négociation, l’avocat sera présent lors de la signature de l’acte. Les activités de conseil de la profession se verront ainsi reconnues et évidemment renforcées.

La responsabilité de l’avocat en cas de conseil des parties sera attestée par le contreseing, obligeant le professionnel du droit qu’est l’avocat aux diligences et à l’attention qui permettront d’asseoir sa responsabilité.

L’avocat sera en charge de la conservation de l’acte.

Alors que se développe la concurrence entre les juristes des différents pays de l’Union Européenne, le droit Français dote la profession d’avocat d’un outil pertinent qui permettra de donner aux actes qu’il rédige, une véritable sécurité juridique.

L’acte sera de ce fait un outil efficace d’exportation du droit français.

Les parties à un contrat disposeront désormais d’un outil dont l’objet est de renforcer l’efficacité des actes sous seing privé et ils pourront choisir entre l’acte sous seing privé « classique », l’acte sous contreseing d’avocat et l’acte notarié.

Les notaires demeureront les spécialistes de l’immobilier et seuls leurs actes seront revêtus de la force exécutoire. L’acte sous contreseing d’avocat satisfait à l’objectif d’intérêt général qu’est la sécurité juridique, il ne vise pas à affaiblir le monopole des notaires dans la rédaction des actes authentiques mais donne aux Français un outil juridique supplémentaire pour assurer une meilleure sécurité dans des domaines aussi variés que les baux d’habitation ou les baux commerciaux, les locations et ventes de meubles, le cautionnement, les cessions de parts, le droit de la famille, le droit fiscal et le droit matrimonial.

Il répond au développement de la contractualisation que connaît la société française.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Il est créé, au sein du titre II de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Le contreseing de l’avocat

« Art. 66-7. – Le contreseing de l’avocat de chacune des parties ou de l’avocat de toutes les parties sur un acte sous-seing privé atteste que l’avocat a pleinement éclairé la ou les partie(s) qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.

« L’acte sous seing privé contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties, est légalement tenu pour reconnu au sens de l’article 1322 du code civil.

« Lorsqu’une mention manuscrite est exigée par la loi, et sauf disposition expresse contraire, le contreseing de l’avocat se substitue à cette mention manuscrite. »


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