N° 2671 - Proposition de loi de M. Jean-Claude Flory créant un chèque "fruits et légumes" à destination des employeurs et des services d'action sociale départementaux



N° 2671

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2010.

PROPOSITION DE LOI

créant un chèque « fruits et légumes » à destination
des employeurs et des services d’action sociale départementaux
,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Claude FLORY,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à créer un « chèque fruits et légumes »(1), calqué sur le titre restaurant, qui pourrait être proposé par les entreprises à leurs salariés ainsi que par les services sociaux départementaux aux populations modestes, dans une démarche d’éducation globale des populations à l’éducation nutritionnelle.

Reconnue comme une maladie par l’Organisation mondiale de la santé en 1997, l’obésité constitue aujourd’hui un enjeu de santé publique majeur dans les pays développés, avec près des 2/3 de la population obèse ou en surpoids aux États-Unis et 17,2 % d’adultes et 6,8 % d’enfants obèses en Europe (soit plus de 73 millions de personnes). En France, 16,9 % de la population est obèse (soit 8 millions de personnes) et 32,4 % en surpoids. Si la proportion de personnes en surpoids est stable depuis plusieurs années, le nombre de personnes obèses a triplé depuis la décennie 1990 et si ce rythme se poursuit, 30 % de la population française risque d’être obèse en 2020.

De nombreuses études médicales, dont l’étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale rendue en 2008(2), ont établi que l’obésité était un puissant facteur de risque pour le diabète de type 2, les cancers, l’hypertension artérielle, les maladies des articulations et avait également des répercussions psychologiques et sociales, avec un fort risque de discrimination des personnes obèses. La mortalité cardio-vasculaire, qui doit un large tribut à l’obésité, au diabète – qui touche 6 % de la population française – et aux dyslipidémies, représente 1/3 des causes de mortalité. L’obésité constitue par ailleurs la première cause de cécité et d’insuffisance rénale en phase terminale.

En France, sur les sujets hospitalisés, le pourcentage de sujets chez qui l’on détecte des éléments qui peuvent faire parler de malnutrition, dans certains cas, atteint jusqu’à 50 %. L’activité physique, source de dépense d’énergie indispensable de la prévention de cette maladie, représente pourtant à l’heure actuelle seulement 7 % de nos activités quotidiennes.

Pour répondre au défi que constitue l’éducation à la nutrition, la commission européenne a publié en 2005 un livre vert intitulé « Promouvoir une alimentation saine et l’activité physique ». Le Ministère de la Santé a également mis en place, en lien avec l’Agence française de la sécurité sanitaire des aliments – également une puissante alliée de ces politiques dont elle évalue les impacts – deux Programmes Nationaux Nutrition-Santé (PNNS), le PNNS 2000-2005 et le PNNS 2006-2010, sources de nombreuses campagnes de sensibilisation, notamment consacrées à l’importance de la consommation de fruits et légumes, du « manger-bouger » et au programme « Un fruit pour la récré », permettant la distribution gratuite d’un fruit pour la récréation dans les établissements scolaires situés en zone d’éducation prioritaire. Des rapports parlementaires ont également apporté leur contribution à la réflexion sur le sujet, comme le rapport d’information(3) de Mme Valérie Boyer, qui fait un tour d’horizon complet des politiques envisageables en matière de prévention de l’obésité. Le rapport à la Ministre de la Santé du Professeur Jean-François Toussaint(4), destiné à préparer le futur Programme national de prévention par les activités physiques ou sportives, préconise également de nombreuses mesures destinées à prévenir les maux liés à la sédentarité. L’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, a récemment permis d’ancrer juridiquement l’objectif de prévention de l’obésité dans le Code de la Santé publique, par l’insertion d’un livre intitulé « Lutte contre les troubles du comportement alimentaire », conférant de ce fait à cette maladie le statut d’une grande cause nationale, au même titre que le cancer ou la maladie d’Alzheimer.

L’éducation à la nutrition est une démarche globale qui, si l’on souhaite qu’elle dépasse l’écueil des disparités sociales, doit s’adresser aux enfants dès leur plus jeune âge, en complément des campagnes de prévention grand public menées par le Ministère de la Santé et dont l’efficacité est démontrée: alors que seuls 21 % de la population avaient connaissance des repères de consommation journaliers recommandés en matière de fruits et légumes en 2005, après la campagne nationale dédiée à la promotion de leur consommation, ils étaient 43 % à les connaître en mai 2008. Une proposition de loi n° 467, de M. François Vannson, souhaitait ainsi imposer aux établissements scolaires de dispenser un enseignement relatif à la santé et aux pratiques alimentaires au sein des établissements scolaires.

Ce texte propose, pour permettre aux salariés comme aux plus modestes d’entre nous d’accéder à une alimentation équilibrée cuisinée à base de légumes frais et de fruits, de mettre en place un « chèque fruits et légumes »(5), calqué sur le titre restaurant, qui pourrait être proposé par les entreprises à leurs salariés ainsi que par les services sociaux départementaux aux populations modestes, dans une démarche d’éducation globale des populations à l’éducation nutritionnelle que l’État confierait aux agences régionales de santé.

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que je vous demande de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

TITRE I

DONNER LES MOYENS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE METTRE EN PLACE UNE RESTAURATION SCOLAIRE DE BONNE QUALITÉ NUTRITIONNELLE

Article 1er

Les communes et/ou leurs groupements qui ont pris l’initiative d’organiser un service de restauration collective dans les écoles dont ils ont la charge, les départements et les régions qui ont la charge d’un tel service en vertu des articles L. 213-2 et 214-6 du Titre 1er du Livre II du code de l’éducation, ont l’obligation d’assurer la bonne qualité nutritionnelle des repas qui y sont servis. L’État compense aux collectivités territoriales concernées le coût supplémentaire du service de restauration collective dont elles ont la charge induit par l’application de cette disposition.

Un décret publié en Conseil d’État précisera les critères de bonne qualité nutritionnelle auxquels devra répondre la restauration scolaire et les conditions d’application de cette mesure.

TITRE II

MISE EN PLACE D’UN CHÈQUE « FRUITS ET LÉGUMES » À DESTINATION DES EMPLOYEURS ET DES SERVICES D’ACTION SOCIALE DES DÉPARTEMENTS

Article 2

Après l’article L. 3263-1 du code du travail, il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Chèque fruits et légumes

« Art. L. 3264-1. – 1. Sur le modèle du “titre-restaurant” défini dans le chapitre II du titre VI du livre II de la 3e partie du code du travail, il est créé un nouveau titre spécial de paiement intitulé “chèque fruits et légumes” qui peut être remis par l’employeur aux salariés ou par les services d’action sociale des départements aux publics défavorisés pour leur permettre d’acheter des fruits et légumes et ainsi d’avoir accès à une alimentation équilibrée.

« 2. L’employeur ne peut substituer le versement de chèques fruits et légumes à celui de titres restaurants à ses employés.

« 3. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.

« 4. Les “chèques fruits et légumes” sont exonérés de droit de timbre. »

Article 3

L’article L. 131-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1. Après le mot : « titres-restaurant », sont insérés les mots : « et dans les chèques fruits et légumes ».

2. Après la référence : « 81-19° », est insérée la référence : « 81-38° ».

Article 4

Le premier alinéa de l’article L. 131-4-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les mots : « de l’article L. 3261-3 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 3261-3 et L. 3264-1 ».

2° Après la référence : « 19° ter », est insérée la référence : « et au 38° ».

Article 5

L’article 81 du code général des impôts est complété par un 38° ainsi rédigé :

« 38°. Dans la limite de 5,19 euros par titre, le complément de rémunération résultant de la contribution de l’employeur à l’acquisition par le salarié des “chèques fruits et légumes” émis conformément aux dispositions du chapitre IV du titre VI du livre II de la 3e partie du code du travail, lorsque cette contribution est comprise entre un minimum et un maximum fixés par arrêté du ministre de l’économie et des finances. La limite d’exonération est relevée chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu de l’année précédant celle de l’acquisition des titres-restaurant et arrondie, s’il y a lieu, au centime d’euro le plus proche.

« Cette exonération est subordonnée à la condition que le salarié se conforme aux obligations qui sont mises à sa charge par le chapitre IV du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail. »

Article 6

Les collectivités territoriales en charge de l’action sociale peuvent délivrer aux populations modestes, dans des conditions déterminées par décret, en lien avec les Agences régionales de Santé, des « chèques fruits et légumes ».

Le code général des collectivités territoriales, le code de la santé publique et le code général des impôts sont modifiés en conséquence.

TITRE 3

MISE EN PLACE D’UNE NORME D’ÉTIQUETAGE DESTINÉE À INFORMER LE CONSOMMATEUR DU RESPECT PAR LES PRODUITS MANUFACTURÉS DES RECOMMANDATIONS ÉMISES PAR L’AGENCE FRANÇAISE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

Article 7

Les Agences régionales de santé mettent en œuvre, au plan local, en lien avec les collectivités territoriales, les écoles et les maisons de retraite, des actions de sensibilisation à destination du grand public et de toutes les tranches d’âge (enfants, adultes et séniors) visant à promouvoir l’éducation à la nutrition, à la diététique et à une alimentation équilibrée.

Un décret publié en Conseil d’État détermine les conditions d’application de cette disposition.

Le code de la santé publique est modifié en conséquence.

Article 8

L’État confie à l’Agence française de normalisation la conception, en lien avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d’une norme spécifique aux profils nutritionnels des aliments issus de l’industrie agro-alimentaire destinée à permettre une meilleure lisibilité de leurs qualités nutritionnelles par le consommateur.

Un décret publié en Conseil d’État détermine les caractéristiques de cette nouvelle norme, notamment en ce qui concerne sa lisibilité immédiate par le consommateur sur l’emballage du produit et la signalétique susceptible de l’accompagner dans les lieux de distribution de ces produits.

Article 9

Les charges pour les collectivités territoriales qui résulteraient de l’application de la présente loi sont compensées par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement, et corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 991 du code général des impôts.

Les charges et les pertes de recettes pour l’État qui résulteraient de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 991 du code général des impôts.

Les charges et les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale qui résulteraient de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 402 bis, 438 et 520 A du code général des impôts.

1 () Cette mesure se rapproche d’un amendement de Mme Valérie Boyer au projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, adopté par l’Assemblée nationale lors de la 2e séance du 10 mars 2010, et qui visait à étendre l’emploi des chèques de restauration chez les primeurs. Ces titres encouragent actuellement l’employeur à participer aux frais de repas de ses salariés en exonérant cette participation de cotisation de sécurité sociale (art. L. 3262-1 à 7 et R. 3262-1 à 46 du code du travail). Toutefois, cette mesure n’avait pas trouvé de traduction concrète car elle posait un problème juridique à la Commission nationale des titres restaurants, organisme qui attribue les autorisations permettant d’utiliser les chèques restaurant et dont les avis se fondent sur le critère d’une offre constituée de produits immédiatement consommables permettant une alimentation variée.

2 () L’expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) s’est étalée de 2006 à 2008, synthétisant plus de 5 000 publications en un document de 800 pages.

3 () cf. Rapport d’information n° 1131 déposé le 30 septembre 2008 par Mme Valérie Boyer en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la prévention de l’obésité.

4 () cf Rapport de la Commission Prévention, Sport et Santé, présidée par Jean-François Toussaint, réunie par le Ministère de la santé d’avril à octobre 2008, intitulé « Retrouver sa liberté de mouvement »

5 () Cette mesure se rapproche d’un amendement de Mme Valérie Boyer au projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, adopté par l’Assemblée nationale lors de la 2e séance du 10 mars 2010, et qui visait à étendre l’emploi des chèques de restauration chez les primeurs. Ces titres encouragent actuellement l’employeur à participer aux frais de repas de ses salariés en exonérant cette participation de cotisation de sécurité sociale (art. L. 3262-1 à 7 et R. 3262-1 à 46 du code du travail). Toutefois, cette mesure n’avait pas trouvé de traduction concrète car elle posait un problème juridique à la Commission nationale des titres restaurants, organisme qui attribue les autorisations permettant d’utiliser les chèques restaurant et dont les avis se fondent sur le critère d’une offre constituée de produits immédiatement consommables permettant une alimentation variée.


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