N° 2758 - Proposition de loi de M. Louis Giscard d'Estaing visant à donner un statut à la profession de conseiller en gestion de patrimoine



N° 2758

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à donner un statut à la profession
de conseiller en gestion de patrimoine,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Louis GISCARD d’ESTAING,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La règlementation d’une profession vise à évaluer l’accès, les qualifications et l’exercice d’une profession et de permettre son contrôle. La mise en place d’un cadre législatif répond également à un besoin de protection et de transparence envers les consommateurs, envers les épargnants, et envers la crédibilité renforcée d’une place financière.

La crise bancaire et financière internationale ne fait que renforcer cette demande de régulation de la chaîne de distribution des produits financiers dans laquelle la profession de conseiller en gestion de patrimoine a pris une place significative.

Pour atteindre ce double objectif, la proposition de loi prévoit la mise en place d’une règlementation visant à protéger le titre de la profession de conseiller en gestion de patrimoine et, en contrepartie, à instaurer une instance de contrôle de l’exercice de la profession.

Cette profession est née de la nécessité d’apporter un conseil indépendant et de répondre aux multiples innovations financières, résultant du passage à une économie de marchés de capitaux. La demande du consommateur et de l’épargnant est aujourd’hui de plus en plus forte car l’environnement reste complexe et incertain : règles fiscales mouvantes, transformation, « financiarisation » et diversification des supports du patrimoine, répartition nouvelle de la propriété liée à l’augmentation de l’espérance de vie, à la recomposition familiale, et à la présence simultanée de plusieurs générations.

Les conseillers en gestion de patrimoine sont en France près de 2 500 professionnels, qui exercent les activités de conseil en organisation et en stratégie patrimoniale, de conseil et de vente de produits financiers, de conseil et de vente de produits d’assurance et de transaction immobilière.

Or, rien ne permet aujourd’hui à l’épargnant et au consommateur d’être garantis sur l’indépendance du conseil fourni et sur les qualifications du professionnel. À cela s’ajoute l’existence de fortes disparités dans le niveau des connaissances et des diplômes de ceux qui exercent aujourd’hui ces activités. Les conseillers en gestion de patrimoine, qui exercent une profession bien particulière pour laquelle ils doivent cumuler des compétences en droit civil, fiscal, et immobilier doivent donc disposer, pour des critères d’équité dans l’exercice de leur activité professionnelle, d’un cadre juridique opposable.

Cette réglementation de la profession s’inscrit dans le prolongement du rapport de Bruno Deletre(1) sur le contrôle du respect des obligations professionnelles à l’égard de la clientèle dans le secteur financier.

En outre, la présente proposition de loi s’inscrit dans la démarche de rationalisation de la supervision des acteurs bancaires, de l’assurance et de la finance, entreprise au plan européen et international, ayant conduit en France à la création de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et à l’adoption en 1ère lecture le 10 juin 2010 par l’Assemblée nationale du projet de loi de régulation bancaire et financière.

C’est bien par un cadre législatif de la profession de conseiller en gestion de patrimoine que la définition, l’accès, les qualifications, l’exercice et le contrôle de la profession pourront être clarifiés, au bénéfice conjoint des professionnels et des consommateurs-épargnants. Ceci participera à l’émergence d’une profession nouvelle, porteuse d’emplois et de croissance, facteur de renforcement de l’attractivité de notre place financière, en même temps qu’elle assurera une meilleure protection du consommateur et de l’épargnant.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Est conseiller en gestion de patrimoine au sens de la présente loi toute personne qui a pour mission d’analyser le patrimoine des particuliers et des entreprises, d’élaborer et de proposer des stratégies, d’en assurer la mise en place et le suivi si nécessaire en assurant la sélection et la diffusion des supports d’investissements, auprès de clients, en toute indépendance.

Ses missions de diagnostics, de propositions, de mise en place et de suivi visent les éléments d’actif et de passif tant en terme de flux que de stocks constituant le patrimoine de ses clients ainsi que leurs modes de détention.

Il peut également donner des consultations, effectuer toutes études et tous travaux d’ordre juridique ou fiscal, accessoire à sa mission patrimoniale.

La commercialisation de produits ou de biens doit être la conséquence de son activité de conseil.

Article 2

Nul ne peut prétendre au titre de « conseiller en gestion de patrimoine » s’il ne satisfait aux conditions suivantes :

1° Pour exercer la profession de conseiller en gestion de patrimoine, le professionnel doit exercer plusieurs activités, dont certaines sont réglementées : conseil en organisation et en stratégie patrimoniale ; conseil en investissements financiers (CIF) ; vente de produits financiers (démarcheur bancaire et financier) ; conseil, intermédiation de produits d’assurance ; et transaction immobilière.

2° Bénéficier, cumulativement, 1/ du statut de conseiller en investissements financiers qui doit adhérer à l’une des associations agréées par l’Autorité des Marchés Financiers, 2/ de la Compétence Juridique Appropriée (CJA) telle que définie par l’arrêté du 19 décembre 2000, renvoyant à la loi du 31 décembre 1971, modifié par l’arrêté ministériel du 18 décembre 2003, 3/ du statut de démarcheur bancaire et financier inscrit sur le fichier des démarcheurs bancaires et financiers tenu par la Banque de France, 4/ du statut de courtier d’assurance inscrit auprès de l’ORIAS en qualité de courtier en assurance, 5/ du statut d’agent immobilier titulaire d’une carte professionnelle délivrée par la Préfecture(loi n° 70-9 dite « loi Hoguet »).

3° Exercer sa profession indépendamment de tout lien de subordination juridique, économique ou capitalistique, à titre individuel ou au sein de structures sociétaires, ou bien en qualité de collaborateur d’un autre conseiller en gestion de patrimoine.

Les CGP pourront exercer leur profession sous forme d’entreprise individuelle ou dans le cadre d’une société répondant à cet objet social dont ils détiennent la majorité du capital.

Le caractère libéral de l’activité de conseil ne fait pas obstacle au caractère commercial de l’activité d’intermédiation.

4° Être titulaire d’un diplôme universitaire tel que fixé au 1° de l’article 5, disposer d’une expérience professionnelle assortie d’une validation des acquis de l’expérience ou d’une certification, dans un cabinet en gestion de patrimoine indépendant.

5° N’avoir pas été l’auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ;

6° Une période transitoire est accordée aux conseillers en gestion de patrimoine en exercice à la publication de la présente loi, pour faire valider par le Conseil supérieur de la profession les acquis de l’expérience antérieurs à la promulgation de la présente loi dans un délai qui ne saurait excéder dix huit mois.

Article 3

Est incompatible avec l’exercice de cette profession, toute activité de nature à porter atteinte à l’indépendance de cette dernière : dirigeant ou salarié au sein d’une compagnie d’assurance ou d’une banque; relation d’exclusivité avec un producteur de produits financiers, de produits immobiliers ou de produits d’assurance.

Article 4

Un Conseil supérieur des conseillers en gestion de patrimoine est créé, à compter du 1er janvier 2011. Un décret fixe les conditions d’application du présent article.

1° Le Conseil supérieur est un organe collégial de la profession ;

2° Le Conseil supérieur représente et contrôle l’exercice des activités de la profession, soumises chacune au respect de leur réglementation spécifique ;

3° Le Conseil supérieur délivre le titre de conseiller en gestion de patrimoine (CGP) et répertorie les professionnels inscrits.

4° Le Conseil supérieur a pour mission de contrôler l’accès à la profession, de s’assurer de la qualification professionnelle des conseillers en gestion de patrimoine, de pourvoir à leur formation permanente, d’établir et de faire appliquer le code de déontologie et d’organiser le contrôle de leur activité et la discipline ;

5° Le Conseil supérieur est doté d’un conseil disciplinaire présidé par un membre désigné par le Président de l’AMF et de personnalités qualifiées respectivement désignées par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, le Vice-président du Conseil d’État et le Président de l’Autorité de Contrôle Prudentiel. Ses décisions sont formulées sous forme de recommandation, d’avertissement, de blâme, de sanction financière, de suspension, de radiation ;

6° Le Conseil supérieur est doté d’une fonction arbitrale pour régler les conflits d’interprétation.

Article 5

Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente loi. Il arrête notamment :

1° La liste des diplômes de niveau master 2 donnant accès à la profession de conseiller en gestion de patrimoine.

2° Les conditions de validation des acquis de l’expérience, les incompatibilités, les conditions d’inscription au Conseil supérieur et l’obligation de souscrire un contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant l’intégralité des activités.

3° Les statuts et les conditions de financement du Conseil supérieur des conseillers en gestion de patrimoine. Les ressources du Conseil supérieur seront exclusivement des ressources propres, à l’exclusion de tout financement public.

Article 6

Quiconque aura fait usage, sans remplir les conditions exigées pour le porter, d’un titre tendant à créer, dans l’esprit du public, une confusion avec le titre de conseiller en gestion de patrimoine ou conseiller en gestion de patrimoine indépendant et la profession réglementée par la présente loi, sera puni des peines encourues pour le délit d’usurpation de titre prévu par l’article 433-17 du code pénal.

Article 7

Les dispositions de la présente loi sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République.

1 () Rapport de juillet 2009 établi par Bruno Deletre, Inspecteur général des Finances, de la mission de conseil sur le contrôle du respect des obligations professionnelles à l’égard de la clientèle dans le secteur financier.


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