N° 2804 - Proposition de loi de M. Jean-Pierre Brard visant à renforcer les règles de déontologie dans la fonction publique et à assurer son indépendance vis-à-vis des intérêts privés



N° 2804

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer les règles de déontologie
dans la fonction publique et à assurer son indépendance
vis-à-vis des intérêts privés,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Jean-Pierre BRARD, Jean-Paul LECOQ, François ASENSI, Jean-Jacques CANDELIER, Daniel PAUL, Patrick BRAOUEZEC, André GERIN, Jacqueline FRAYSSE et Jean-Claude SANDRIER,

Député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 21 décembre 2009, le dirigeant d’une société spécialisée dans la vente de produits défiscalisés a déposé une plainte à l’encontre d’un haut fonctionnaire du ministère des finances pour « tentative d’extorsion de fonds ». Le fonctionnaire en question aurait demandé et obtenu une somme de 30 000 euros pour avoir conseillé son « client » dans le traitement de trois dossiers différents. Ayant pris goût à l’argent facile, il aurait ensuite exigé, menace à l’appui, un « cadeau de bienvenue » de 400 000 euros pour devenir consultant de ladite société.

Loin de représenter un cas isolé, cette affaire soulève une question de portée beaucoup plus générale : il s’agit de savoir quelles mesures s’imposent pour assurer l’étanchéité entre, d’une part, la défense de l’intérêt général, porté par les agents de la fonction publique, et, d’autre part, la recherche du profit maximal par des intérêts particuliers. Lorsque l’absence d’une telle étanchéité est due à la conduite d’un agent du service public, il ne s’agit pas seulement de manquements à la moralité publique, mais de comportements qui sont de nature à remettre en cause notre pacte républicain.

Parce que la défense de l’intérêt général est la mission principale de toutes les administrations publiques, et parce qu’elle est incompatible avec la rémunération de services rendus aux seuls intérêts privés, nous proposons avec la présente proposition de loi de durcir les dispositions existantes visant à encadrer le départ des agents publics vers le secteur privé et, de manière générale, de renforcer les règles déontologiques dans la fonction publique afin d’assurer son indépendance vis-à-vis des intérêts privés.

Nous proposons donc, dans l’article 1er, de relever les peines prévues en cas de violation de l’interdiction du « pantouflage » qui constitue une prise illégale d’intérêts, réprimée par l’article 432-13 du code pénal. Actuellement, l’agent public qui se rend coupable d’une prise illégale d’intérêt au sens de l’article 432-13 du code pénal encoure une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Afin de doter ces dispositions pénales d’un véritable effet dissuasif, nous proposons de porter la peine d’emprisonnement à cinq ans et l’amende à 300 000 euros.

L’article 2 a pour objet de durcir les dispositions législatives visant à encadrer le « pantouflage », c’est-à-dire le départ d’agents publics vers le secteur privé. Actuellement, les agents publics ayant exercé certaines responsabilités les mettant en relation avec des entreprises privées ne peuvent travailler ou prendre des intérêts dans ces entreprises pendant les trois ans qui suivent la cessation de leurs fonctions. Ce « délai de viduité » tend à éviter des conflits d’intérêts dans le cas où l’agent s’attend à être embauché par une entreprise qu’il contrôle, avec laquelle il conclut des contrats ou sur laquelle il doit formuler des avis. Alors que la majorité sortante avait adopté la loi n° 2007-148 du 2 février 2007, dite de modernisation de la fonction publique, en prétendant renforcer le contrôle des départs d’agents publics vers le secteur privé en réduisant ce délai de cinq à trois ans. Nous proposons aujourd’hui de revenir sur cette faute en portant ledit délai à dix ans.

L’article 3 s’attaque à une pratique assez courante qui consiste en l’usage de pseudonymes par certains agents de l’administration publique, ce qui leur permet de publier des écrits, le plus souvent en échange d’une rémunération, qui fournissent des conseils de nature à encourager le contournement de la loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Au premier alinéa de l’article 432-13 du code pénal, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « cinq ans ».

II. – Au premier alinéa de l’article 432-13 du code pénal, le montant : « 30 000 euros » est remplacé par le montant : « 300 000 euros ».

Article 2

Au premier alinéa de l’article 432-13 du code pénal, les mots : « délai de trois ans » sont remplacés par les mots: « délai de dix ans ».

Article 3

Après le 3° du I de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° L’utilisation de pseudonymes afin de publier dans des manuels ou des revues qui ne dépendent pas du domaine public tout texte que ce soit qui fournisse des conseils de nature à encourager le contournement de la loi ».


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