N° 3158 - Proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault pour l'instauration d'un bouclier rural au service des territoires d'avenir



N° 3158

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 février 2011.

PROPOSITION DE LOI

pour l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, Germinal PEIRO, Christian PAUL, Michel VERGNIER, François BROTTES, Olivier DUSSOPT, Corinne ERHEL, Frédérique MASSAT, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Jean-Paul CHANTEGUET, Jean GAUBERT, Martine FAURE, William DUMAS, Philippe PLISSON, Jean-Michel CLÉMENT, Marie-Lou MARCEL, Daniel BOISSERIE, Annick LE LOCH, Arnaud MONTEBOURG, Philippe MARTIN, Jérôme CAHUZAC, Jean LAUNAY, Gérard CHARASSE, Kléber MESQUIDA, Jacqueline MAQUET, Chantal ROBIN-RODRIGO, Marie-Line REYNAUD, Bernard LESTERLIN, Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Jean GRELLIER, Marylise LEBRANCHU, Thierry CARCENAC, Jean MALLOT, Jacques VALAX, Gisèle BIÉMOURET, Colette LANGLADE, Pascal DEGUILHEM, Jean-Claude LEROY, Jean-Paul BACQUET, Catherine GÉNISSON, Jean-Michel VILLAUMÉ, Jean-René MARSAC, Jean MICHEL, Pascale GOT, Guillaume GAROT, Michel MÉNARD, Simon RENUCCI, Jean-Louis IDIART, Sylvie ANDRIEUX, Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, Maxime BONO, Christophe BOUILLON, Monique BOULESTIN, Danielle BOUSQUET, Alain CACHEUX, Guy CHAMBEFORT, Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, Claude DARCIAUX, Michèle DELAUNAY, Guy DELCOURT, François DELUGA, Laurence DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Odette DURIEZ, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Albert FACON, Daniel GOLDBERG, David HABIB, Christian HUTIN, Monique IBORRA, Françoise IMBERT, Michel ISSINDOU, Henri JIBRAYEL, Marietta KARAMANLI, Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Jean-Yves LE DÉAUT, Patrick LEMASLE, Michel LIEBGOTT, François LONCLE, Victorin LUREL, Louis-Joseph MANSCOUR, Gilbert MATHON, Pierre MOSCOVICI, Philippe NAUCHE, Marie-Renée OGET, Françoise OLIVIER-COUPEAU, Jean-Luc PÉRAT, Martine PINVILLE, Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Michel SAINTE-MARIE, Jean-Louis TOURAINE, Marisol TOURAINE, André VALLINI, André VÉZINHET, Alain VIDALIES et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________

(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Apeleto Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La capacité d’inventer, de proposer et d’imaginer de nos campagnes est précieuse pour notre pays. En effet, le monde rural dessine aujourd’hui un modèle de vie alternatif et, au fond, très moderne, à tout le moins très vivable. Au nom de l’égalité républicaine, mais aussi pour faire la France du XXIe siècle, il est temps de donner un socle solide à ce renouveau de la ruralité, grâce auquel ces territoires pourront construire leur avenir.

À ce moment de notre Histoire, il serait vain d’opposer villes et campagnes : elles se complètent et se renforcent. Largement factice, l’opposition rural/urbain doit désormais être combattue résolument par la puissance publique. Le devoir de l’État et des collectivités est de s’engager dans des politiques développant les complémentarités existantes pour accompagner les dynamismes locaux. Pourtant, depuis trente ans, il a souvent été conçu et conduit des politiques de la ville, plus rarement pensé et mis en œuvre une politique de la ruralité. Quelle que soit leur localisation, urbaine ou rurale, tout le monde constate l’augmentation du nombre de territoires oubliés de la République.

Depuis 2007, le pire est toujours sûr. La politique territoriale du Gouvernement consiste à s’interdire toute action de solidarité réelle avec les territoires ruraux, et aux « périphéries » en général. Au nom d’une efficience pourtant bien absente si l’on en juge par la croissance colossale des déficits publics, de nombreux territoires et leurs populations sont relégués et, dans les faits, abandonnés. Il en est ainsi du secteur de la santé pour lequel 42 établissements de santé publics et privés à but non lucratif ont été rayés de la carte sanitaire. Désormais, il sera demandé aux femmes de certains territoires, d’aller accoucher à plus d’une heure de transport de leur domicile. Désormais, les patients de Guéret sont priés d’aller suivre leur traitement de radiothérapie à plus d’une heure trente. Il en est ainsi de l’école, dont les effectifs enseignants font l’objet d’une purge massive. Il en est ainsi du service public de la justice remanié à la hache et sans concertation. Au 1er janvier 2011, le nombre de juridictions a été ramené de 1 206 à 819. L’armée paye aussi un tribut territorial inquiétant, d’une ampleur inédite.

C’est cette vision du jour d’après, dont le Premier Ministre s’est félicité au Conseil des ministres du 5 janvier 2010, en parlant d’une politique visant « l’efficience […] l’amélioration de la qualité des services […] la compétitivité et l’attractivité des territoires (1) ».

La situation s’est d’ailleurs à ce point aggravée qu’une initiative d’élus ruraux a conduit à la revendication d’un bouclier rural et du soutien aux territoires d’avenir (2). Issue de la gauche, cette idée a été reprise par des élus de tous bords. Cette appropriation démontre ainsi non seulement sa légitimité, mais plus encore sa réelle pertinence politique et sociale, alors que le sentiment d’abandon s’accroît avec les déménagements des services publics, l’absence d’accompagnement des inventeurs du quotidien de nos campagnes, comme le mépris porté aux commerçants de proximité et aux agriculteurs. C’est notre regard collectif à l’égard des territoires ruraux que nous devons modifier de façon urgente, pour leur offrir les moyens d’un développement que la politique actuelle interdit.

Mais quel est cet espace rural ? Qui sont aujourd’hui les ruraux ? Pour le bien comprendre, il faut résolument tourner le dos aux idées reçues et accepter que la ruralité soit plurielle et, comme toute société, en mouvement. Nous devons rompre avec une vision obsolète des mondes ruraux.

De l’exode rural à l’exode urbain

Trait marquant l’évolution de la société française dès le XIXe siècle, l’exode rural a été accéléré en France durant le XXe siècle malgré les multiples tentatives de la puissance publique d’endiguer un mouvement d’attraction naturelle de la campagne déshéritée vers la ville dynamique et pleine de promesses. Ce sont d’abord les agriculteurs qu’il fallait préserver dans une France qui « a été à dominante rurale plus longtemps et plus intensément que la plupart de ses voisins européens (3) ».

L’exode rural était d’abord un exode social, l’appel d’un avenir meilleur pour des populations touchées par la pauvreté et ne voyant de salut que dans la fuite vers les lumières de la ville.

Cette tendance séculaire se retourne. Selon le dernier recensement réalisé par l’INSEE, entre 1999 et 2004, les pôles urbains ont perdu 72 habitants sur 10 000, tandis que les zones rurales en gagnaient 88. En dix ans plus d’un demi-million de personnes ont quitté la région parisienne. Le XXIe siècle est d’ores et déjà le siècle d’un exode urbain.

Il ne faut pas se tromper sur le sens de ce mouvement. Il ne s’agit pas simplement d’un retour au rural privilégié à l’ombre de villages ensoleillés et bucoliques. Les phénomènes de périurbanisation et de ruralisation cohabitent pour la population ouvrière et salariée. Nous ignorons trop que 35 % des actifs des mondes ruraux sont des ouvriers : « La France populaire, celle des ateliers et des usines n’est plus celle des grandes métropoles mais une France périphérique, soit périurbaine, soit rurale (4). »

Prendre toute la mesure des espaces ruraux

L’espace rural est une réalité que tout migrant issu de la ville sait parfaitement caractériser : il se définit davantage dans sa dimension « spatiale », c’est-à-dire par le cadre de vie qu’il offre plutôt que par ce qu’on y fait. Nier cette spécificité ou la banaliser reviendrait à nier les composantes patrimoniales, culturelles, naturelles, environnementales, voire « rééquilibrantes » ou compensatoires qu’offre l’espace rural à une frange très significative de la population.

Selon l’INSEE, l’espace à dominante rurale, ou espace rural, regroupe l’ensemble des petites unités urbaines et communes rurales n’appartenant pas à l’espace à dominante urbaine (pôles urbains, couronnes périurbaines et communes multipolarisées). Très vaste, il représente 70 % de la superficie totale et les deux tiers des communes de la France métropolitaine. À l’autre bout de la chaîne, et toujours selon l’INSEE, l’unité urbaine est une commune ou un ensemble de communes qui comporte sur son territoire une zone bâtie d’au moins 2 000 habitants où aucune habitation n’est séparée de la plus proche de plus de 200 mètres. Une commune urbaine est une commune appartenant à une unité urbaine. Les autres communes sont dites rurales.

L’opposition traditionnelle entre ville et campagne a cédé la place à une organisation plus complexe, dans laquelle sont imbriqués les marges périurbaines et les espaces ruraux. La ville-centre ne représente plus aujourd’hui que 25 % de la population. Si l’on inclut les banlieues, on parvient à 30 ou 35 % (5).

L’espace rural bénéficie de plus d’une dynamique démographique plus forte que les pôles urbains. Depuis dix ans, les pôles urbains ont connu une croissance de 0,4 % contre 3,5 % pour les espaces de la France périphérique. 75 % des cantons ruraux ont un solde migratoire positif (6). De jeunes ménages s’installent dans le monde rural. Dès 1999, plus d’un Français de 15 à 24 ans sur deux vit « à la campagne » (7).

Rompre avec l’imaginaire d’une représentation du territoire qui marginalise le périurbain et le rural est une condition de la compréhension de la France. C’est à cette condition qu’il sera possible d’apporter plus de justice aux populations rurales laissées de côté au nom d’une rationalisation des politiques publiques qui se transforme en négation des besoins territoriaux.

À ce titre, les dernières projections publiées par L’INSEE devraient imposer une nouvelle vision politique des dynamiques socio-territoriales et des besoins qui en découlent. Ces études montrent des perspectives de croissance de population intéressantes dans des espaces ruraux polymorphes où se jumellent la périurbanisation et la persistance de grands espaces. Ainsi, « dans tous les scénarios, la croissance démographique devrait être proche dans les régions rurales du centre de la France (Auvergne, Limousin), en Île-de-France, en Alsace et en Franche-Comté […] : selon le scénario central, la population y augmenterait de 8 à 10 % (8) ».

Une telle perspective, bien que partielle et ne touchant pas tous les territoires ruraux de la même manière est intéressante puisque l’équilibre social du pays est intrinsèquement lié à l’équilibre des territoires. Pourtant, la puissance publique n’a pas accompagné cette mutation, semblant même l’ignorer tant elle reste ancrée dans un schéma immuable de concentration et d’éloignement croissant au motif d’un coût économique excédant les besoins humains de « territoires vécus (9) », ignorés par la machine administrative et politique centrale.

Revitaliser les campagnes

Pour répondre à cette réalité complexe, nous avons besoin avant tout de faire confiance à nos territoires. En effet, les ruralités participent de la construction d’un modèle de vie qui correspond aux nouvelles aspirations de nos concitoyens. En ce sens, elles sont un maillon essentiel de la République des territoires. Une République du respect et de l’échange, une République de la France moderne.

Ainsi, selon BVA, en 2008, 8 millions de citadins (qui seraient 11 millions en 2009 selon le dernier sondage commandé par « projets en campagne » !) ont aujourd’hui un projet de vie à la campagne. Même si les jeunes ruraux continuent de rechercher formations et emplois à la ville, l’envie de revenir au « pays » est une réalité partagée, ne serait-ce que le week-end pour rejoindre son club de foot.

Depuis plusieurs années, la population rurale augmente, la capacité d’entreprendre se développe, ces combats pour vivre mieux font écho auprès de tous ceux qui choisissent, jour après jour, l’espace rural pour réaliser leur projet de vie. La ruralité est devenue moderne, sans faire de bruit.

Une contribution des ruralités à un nouveau modèle de vivre ensemble, qui promeut « la réhumanisation des villes et la revitalisation des campagnes », comme le propose Edgar Morin, est plus que jamais possible dans un espace humanisé où seraient développés les nouvelles technologies et le télétravail, les activités commerciales et artisanales de proximité, et garantie la préservation de l’environnement… Dans ces territoires, la qualité de vie et des relations humaines – l’on se dit bonjour lorsque l’on se croise – se jumelle avec les nouveaux emplois qui émergent de l’invention perpétuelle de la vie quotidienne (Comment se déplacer? Comment lutter contre l’isolement des plus anciens et « faire compagnie »? Comment organiser les relations entre parents et enseignants ? Quel nom donner à la nouvelle école maternelle ? Comment participer à la vie de son village ?...). Ils offrent ainsi un modèle de société que nous devons encourager.

Des dizaines de millions de Français et d’européens choisissent l’espace rural le temps de leurs vacances. Chaque jour, habitant, élu local, salarié, chef d’entreprise, jeune ou retraité, responsable associatif, créent de l’activité agricole, économique, sociale, culturelle, touristique.

Parce qu’ils représentent des valeurs, un art de vivre, une énergie, les territoires ruraux apportent des richesses indispensables à notre pays.

L’État ne protège plus

Et pourtant, l’État a démontré son absence de projet pour la société rurale française. Il abandonne son rôle de stratège et privilégie une approche qui nie le vivre ensemble au profit de l’individualisme. L’hyper concentration apparaît comme un recul dans l’organisation de notre société.

Les transferts de charges sur les collectivités territoriales se sont multipliés sans que l’État n’apporte les fonds qu’il avait promis pour compenser « à l’euro l’euro » les nouveaux besoins de financement auxquels ces collectivités sont confrontées. Aussi, loin d’être monocolore, la critique des désengagements de l’État est largement partagée au-delà des clivages politiques. Si la Gauche, majoritaire dans les départements et régions, estime que l’État floue les collectivités territoriales, il est intéressant de noter que de violentes critiques sont émises aussi par les élus locaux appartenant à la majorité gouvernementale. C’est par exemple le secrétaire général de l’Assemblée des départements de France, le sénateur UMP Bruno Sido, qui a pu clairement exposer le 9 décembre 2010, lors de la session budgétaire du conseil général de la Haute-Marne, qu’il préside, que : « Les contribuables locaux que nous sommes ne peuvent plus payer seuls les surcoûts d’une politique nationale. À force de nous transférer des charges sans avoir en face les recettes, il arrive un moment où le budget ne passe plus ! »

L’État ne joue plus son rôle qui, au-delà du rôle de protection contre les inégalités territoriales, abandonné, devrait consister à apporter une impulsion pour l’avenir des territoires visant à dépasser les inégalités en respectant les différences.

Le Conseil des ministres du 5 janvier 2010 apporte la démonstration de ce laisser-faire étatique. Les choix politiques réels de l’actuelle majorité sont sans ambiguïté. La crise financière n’a fait qu’accentuer une inclinaison déjà admise en principe de gouvernement. « La France rurale et des petites villes fut abandonnée à elle-même : les tribunaux, les brigades de gendarmerie, les trésoreries, les hôpitaux, les postes de douane, les maternités, les bureaux de poste ferment partout (10) ». Le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire a ainsi « souligné le lien étroit entre les services publics et l’attractivité des territoires ». S’il part du juste constat que « les attentes des citoyens vis-à-vis des services publics ont évolué », en tirant la conclusion que la « facilité d’accès via Internet à la plupart des services publics allège les besoins de présence administrative territoriale », il persiste dans la volonté d’un déménagement physique de la présence humaine des services publics des territoires ruraux, sans pour autant développer réellement des télé-services administratifs efficaces et une couverture numérique universelle. La vision humaine d’un tel développement est désastreuse puisqu’elle place la présence territoriale comme un handicap et non comme un atout. Tout se passe comme si le Gouvernement faisait partie de ceux qui « aimeraient se débarrasser de ce souvenir (11) » des racines historiques rurales de la France.

Cette orientation déjà clairement empruntée en matière de cartes sanitaire, scolaire, judiciaire ou encore de la défense comme au titre de la revue générale des politiques publiques n’a apporté qu’une désertification toujours plus grande des territoires d’où les services s’éloignent. La politique du Gouvernement consiste ainsi à faire croire aux Français qu’il serait possible d’apporter plus de services aux citoyens avec moins de personnels, qui plus est éloignés des bassins de vie dont ils ont la charge. L’expérience prouve à l’évidence que la dégradation du service s’accélère. Pour l’instant, l’action du Gouvernement consiste à déshumaniser plus vite que l’on numérise, à détruire plutôt qu’à construire. Autrement dit, la présence humaine des services publics, la couverture numérique en très haut débit, l’accompagnement des projets économiques ou encore l’accès à la culture deviennent réservés au monde urbain. La pratique des gouvernements depuis 2002 contredit M. Yves Censi, député UMP de l’Aveyron, qui, dans un rapport remis au Premier ministre Jean-Pierre Raffarin en 2003, intitulé : L’expansion rurale. Une proposition pour la France, affirmait que « l’expansion de la France peut passer de façon réaliste par le déploiement de ses ressources dans ses espaces ruraux, et ce pour le plus grand bénéfice de ses espaces urbains (12) ».

Plus encore qu’une incompréhension des enjeux humains posés par le développement équilibré des territoires, nous assistons à la mise en place d’une politique du mépris territoriale d’autant plus inquiétante qu’elle porte en elle la rupture du pacte républicain qui fonde la solidarité nationale. À titre d’exemple, il est savoureux de lire l’article L. 212-2 du code de l’éducation qui pose le principe de l’obligation d’une école élémentaire par commune et, en dérogation, une obligation de regroupement dans le cas d’un nombre d’élèves, sur une commune, inférieur à 15 de façon régulière. L’on voit bien là que le principe rédigé est appelé à n’être jamais appliqué dans les zones rurales, où le temps de transport scolaire des tout-petits est considéré comme obligation budgétaire supérieure à l’intérêt des enfants.

Comment alors s’étonner et s’inquiéter du désenchantement de nos concitoyens envers l’action politique qui ne consiste plus qu’à brader au privé les recettes faciles tandis que l’État déserte ses responsabilités premières et sa fonction redistributrice sur les territoires ?

Le développement durable : la France des bonheurs possibles

Cette erreur historique est aujourd’hui non seulement dénoncée mais surtout démontrée.

En effet, ainsi que le souligne le rapport du Conseil d’analyse économique, Créativité et innovation dans les territoires, paru en mai 2010, la proximité est un élément essentiel de la production de richesses : « il ne faut pas oublier que les pôles de production compétitive à vocation exportatrice n’expliquent que 20 à 25 % des revenus d’un territoire. La production locale destinée à la consommation et les transferts induits par la présence de touristes, de résidents secondaires et de retraités – ces trois catégories étant d’autant plus nombreuses que la qualité de la vie est élevée dans le territoire – expliquent entre les trois quarts et les quatre cinquièmes des revenus des habitants (13) ». Pour les auteurs du rapport, la qualité de vie passe notamment par la réalisation de « progrès qui paraissent évidents mais sont en réalité difficiles à réaliser, en matière de qualité de l’accueil dans les commerces, les taxis, les mairies ou les bureaux de poste... (14) » Les services publics comme les services au public ont un rôle moteur à jouer à travers leur présence territoriale. Mais encore faut-il conduire les politiques idoines. Comme le rappelait Henri Nayrou en 2001, « les solutions devraient impérativement remonter des besoins des usagers sur les territoires et non redescendre des cercles dirigeants (15) ». Sans présence, pas d’accueil. La dématérialisation autorisant un éloignement n’aurait alors comme conséquence qu’une déshumanisation de ces territoires.

Innover dans le respect des différences territoriales, agir pour une solidarité renouvelée, aiguillonner les dynamiques locales sans lesquelles rien n’est possible, tel est l’objet de cette proposition de loi. Il s’agit d’apporter aux populations des territoires ruraux le soin d’une action particulière qui saura encourager la création, la captation et la circulation des richesses comme des projets et des idées en garantissant à tous un socle commun de solidarité.

*

L’article 1er propose de poser clairement les principes qui fondent la présence et le fonctionnement des services publics sur les territoires au service des Français. Alors que la volonté politique du Gouvernement consiste désormais à privilégier le désengagement général de l’État au profit d’une politique qui place l’injustice au centre de ses effets, il apparaît primordial de rappeler l’importance des services publics pour le lien social et territorial dans notre République. Proximité et égal accès de tous les citoyens doivent redevenir les deux termes principaux de toute décision à l’égard de services publics.

L’article 2 pose l’obligation pour l’État de revoir l’architecture du système de soins afin de garantir la proximité des infrastructures hospitalières comme des cabinets médicaux privés. Au-delà du maintien d’une présence hospitalière désormais problématique, il convient désormais de revoir sans tabou le dogme de la liberté d’installation des praticiens médicaux. Celui-ci, pour l’instant préservé au profit de politiques d’encouragement coûteuses, pour les collectivités locales comme pour l’État, se révèle désormais inefficace. L’incitation financière apparaît même étrange au regard de la réalité des facteurs qui poussent au désengagement de la médecine libérale du monde rural. C’est bien souvent l’isolement et une quantité de travail effrayante qui pousse les médecins libéraux à rechercher ailleurs des conditions de travail et de vie plus faciles. Face à ce problème, la remise en place d’un maillage médical dense partout sur le territoire apparaît une réponse adaptée.

On pourra rappeler à cet égard les paroles de M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, à la tribune de l’Assemblée nationale lors de la deuxième séance du mardi 27 janvier 2004. Il expliquait ainsi : « Ce qui détourne les jeunes médecins de s’installer à la campagne, c’est souvent l’absence d’un contexte suffisamment médicalisé et notamment d’un établissement hospitalier de référence pour le généraliste. » Si l’on suit cette argumentation, éloigner l’hôpital, comme le fait l’actuel gouvernement, revient à décourager les médecins libéraux de s’installer en milieu rural. Reconnaissant les grandes difficultés concernant la permanence des soins, M. Mattéi plaçait d’abord l’incitation et le relèvement du numerus clausus comme des instruments devant faire leurs preuves à échéance relativement courte. Force est de constater que ceux-ci n’ont pas fonctionné pour rééquilibrer l’offre sanitaire au bénéfice des territoires ruraux. Les études montrent que les professionnels de santé ne privilégient pas l’existence d’une aide financière pour s’installer mais avant tout des territoires pourvus en services publics.

Le temps est venu pour la représentation nationale de prendre ses responsabilités à l’égard des populations dépourvues d’accès au soin.

L’article 3 vise à garantir une proximité maximale d’un certain nombre d’infrastructures de service public aux populations. Comme le posait le rapport sur les services publics en milieu rural de MM. Henri Nayrou et Pierre Cohen en 2001, « le droit français connaît la notion d’“égal accès” mais pas celle d’accessibilité (16) ». Il est urgent aujourd’hui de redonner une réalité concrète au principe en posant clairement les conditions de l’accessibilité.

L’éducation, explique l’article L. 111-1 du code de l’éducation est « la première priorité nationale ». À ce titre, l’accès à l’école fait partie de ces services pour lesquels la proximité est indispensable. Si l’on parle en effet des rythmes scolaires à juste titre comme d’un élément essentiel de la réussite scolaire, il faut inclure dans la question des rythmes les temps de transport imposés aux élèves des communes rurales qui, parfois dès leur plus jeune âge, sont contraints à des déplacements longs qui minorent leur temps de sommeil et entament leurs capacités à apprendre lors de la journée. Par ailleurs, l’obligation de regroupement d’établissements scolaires prévue dans l’article L. 212-2, préjudiciable à de nombreuses communes rurales et à leur offre scolaire, mérite d’être revue pour laisser place au volontariat.

Ce temps maximal doit être aussi imposé pour le service public de l’emploi. Le monde rural est aussi devenu parfois un monde de la relégation sociale, comme ont pu le remarquer certains sociologues. Il faut apporter à ces populations, parfois non motorisées, un service de proximité. L’article ne présume pas de l’organisation, qui pourrait reposer sur la présence dans des maisons de service public, d’un service forain accessible par intermittence. Il impose simplement une proximité encadrée par la loi.

L’article 4 vise à adapter les horaires d’ouverture des services publics aux rythmes de vie des Français. À ce titre, de trop nombreux services restent insuffisamment accessibles pour les personnes actives. Si l’accès par l’Internet permet des discussions réelles avec les services fiscaux notamment, dont les agents sont très réactifs aux demandes d’information, il n’en reste pas moins que beaucoup de services pour lesquels la présence physique est indispensable ne peuvent être rendus dans des conditions d’accès satisfaisantes. C’est pourquoi il conviendrait d’engager des discussions avec les représentants de la fonction publique afin d’établir un plan d’accessibilité améliorée des services, ce qui signifie notamment un élargissement des plages d’ouverture.

L’article 5 pose les bases d’une nouvelle coopération entre les collectivités territoriales au-delà des institutions existantes. Il s’agit d’encourager les échanges d’expérience ainsi que les contrats de partenariat entre collectivités territoriales. Si l’État doit reprendre toute sa place en terme de garant de la solidarité nationale, notamment en garantissant l’accès des communes rurales à une ingénierie publique de qualité, il appartient au législateur d’encourager le développement des initiatives locales pour favoriser l’autonomisation des politiques et projets de vie dans les territoires.

Il aborde par conséquent la question du logement dans le monde rural, avec la lente disparition des programmes publics d’habitat. Favoriser la mixité sociale et générationnelle ne peut qu’être facteur de richesses dans des territoires souvent frappés par la misère. À ce titre, par exemple, il serait intéressant de prolonger la durée des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH), fixée à 5 ans par une circulaire du 8 novembre 2002, et qui pourrait être augmentée de 50 %. Si cette augmentation de la durée des OPAH n’est pas de la compétence du législateur, celui-ci ne peut qu’inciter le pouvoir exécutif à agir en ce sens.

L’article 6 pose les fondations d’une nouvelle approche du travail des banques au service du développement de l’économie réelle. Toutes les études le montrent, de nombreux acteurs économiques, ménages ou petites entreprises artisanales, sont exclus des moyens d’accès au crédit par les banques. Or, l’exclusion bancaire dont ils font l’objet prélude à une exclusion sociale une fois que l’entreprise non soutenue aura mis la clef sous la porte.

Pour résoudre la problématique de l’accès au crédit, il est possible de s’inspirer d’exemples étrangers qui ont pu prouver leur efficacité, en les adaptant aux spécificités de notre pays. À ce titre, il est intéressant de s’attacher à l’analyse de la réponse américaine à « l’exclusion financière » par le Community Reinvestment Act of 1977 (CRA) (17).

L’article 7 propose la création d’une caisse de mutualisation pour le chômage des artisans commerçants et professions indépendantes, et, selon le même modèle, une caisse pour les agriculteurs. Alors que de nombreuses réflexions sont menées autour de la question de la sécurisation des parcours professionnels, il apparaît étonnant que personne n’ait proposé de construire un filet de sécurité général pour les entrepreneurs qui, risquant leurs biens dans l’aventure d’une création d’entreprise, ne bénéficient par exemple d’aucun droit au chômage si l’expérience est confrontée à l’échec. Aujourd’hui, l’article 76 du code de l’artisanat dispose seulement que « les chambres de métiers et de l’artisanat de région peuvent créer et gérer des caisses de secours en vue de servir des indemnités à ceux des artisans qui sont privés complètement du travail dont ils tiraient leurs moyens d’existence ». L’article 78 dudit code prévoit l’approbation préalable du ministre pour opérer une telle création. Il convient d’aller plus loin, de dépasser le système des assurances individuelles pour construire un système mutualisé collectif fondé sur le volontariat. Les cotisations ainsi versées accorderaient le droit d’obtention d’une allocation rebond pour autoriser un nouveau départ à l’entrepreneur mis en faillite. Cette réforme s’inscrit bien au-delà de la problématique des territoires ruraux pour s’inscrire dans celle de la création d’activités sur l’ensemble du territoire. Il convient ainsi de rompre avec la logique de l’abaissement des normes, à l’œuvre avec la création de l’auto-entrepreneur, qui promeut d’abord une pensée magique et impose des conditions déloyales de concurrence aux artisans. Augmenter les droits des entrepreneurs en cas d’échec est l’un des points fondamentaux de la sécurisation des parcours professionnels.

L’article 8 propose une disposition novatrice en matière d’encouragement à l’activité dans les zones rurales. Créant une convention de commerce et d’artisanat rural sur le modèle des Contrats territoriaux d’exploitation qui avaient été mis en œuvre pour aider les agriculteurs, cet article part de la reconnaissance d’une multifonctionnalité des entrepreneurs commerçants et artisans dans le monde rural. Par l’apport de services dans le monde rural, ces activités sont au centre du développement d’une vie économique et sociale. Dans de nombreuses zones, une telle contractualisation, ciblée et définie notamment localement en regard de la situation particulière à chaque territoire, permettrait le maintien d’activités essentielles à l’animation des territoires.

L’article 9 propose de remettre en avant les besoins fondamentaux de la couverture numérique des territoires. À l’avenir, il n’y aura pas de développement économique possible sans maillage numérique des territoires. Il s’agit d’un préalable dont la réalisation incombe à l’État dans son rôle de garant de la solidarité nationale. Par exemple, c’est à partir de ce réseau que pourra se développer le travail à distance pour de nombreux travailleurs. À l’heure où, pour palier le manque de courage politique à l’égard d’une nouvelle organisation de la médecine, le gouvernement annonce le développement de la télé médecine pour les populations habitant en zones sous-dotées en praticiens (donc les zones rurales et les banlieues), il serait plus opportun de permettre à tous les espaces territoriaux de devenir des espaces d’opportunités économiques par l’apport des technologies de l’information et de la télécommunication.

L’article 10 propose d’abonder le Fonds d’aménagement numérique du territoire par une contribution des opérateurs de jeux en ligne.

L’article 11 propose de remettre en avant le rôle de l’État dans le maillage territorial des infrastructures de transport alors qu’un effort financier énorme a été fait par les régions livrées à elles-mêmes. C’est en effet le désengagement financier de l’État qui conduit aujourd’hui par exemple à la forte dégradation du réseau ferré dont les conséquences sont quotidiennes pour des millions d’usagers du train qui se rendent au travail dans des conditions désormais inacceptables. La France, longtemps en avance pour la qualité de ses trains à grande vitesse est désormais dépassée pour la taille de son réseau et de nombreuses régions restent éloignées du fait de choix politiques incompréhensibles au regard des enjeux en terme d’attractivité du territoire national pour les entreprises étrangères. L’Espagne, par exemple bénéficie de plus de kilomètres de réseau à grande vitesse que la France… Au-delà du rail, c’est globalement l’ensemble des infrastructures qu’il convient de revoir pour adapter le maillage des transports au besoin du développement d’une économie durable de l’ensemble du territoire national.

L’article 12 propose de mettre en œuvre une véritable politique de solidarité nationale à l’égard des collectivités territoriales, qui pâtissent de situations géographiques et historiques très diverses. Il faut assurer à toutes les collectivités territoriales des ressources à la hauteur de leurs compétences. La solidarité territoriale ne peut rester, pour les socialistes, une incantation ou une utopie. La décentralisation doit aller de pair avec une forte égalisation des ressources entre collectivités territoriales, ou péréquation, afin que chacune ait les mêmes moyens d’agir.

L’article 13 propose d’étendre aux associations concourant, par contrat avec l’État ou toute autre collectivité territoriale, au développement économique et social, le régime d’exonération des « cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales conformément à un barème dégressif déterminé par décret et tel que l’exonération soit totale pour une rémunération horaire inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 50 % et devienne nulle pour une rémunération horaire égale ou supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 140 % », prévu à l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale pour les zones de redynamisation urbaine et les zones de revitalisation rurale.

PROPOSITION DE LOI

Chapitre Ier

Pour le retour des services publics dans les territoires ruraux

Article 1er

L’État garantit la proximité et l’égal accès des citoyens aux services publics, fondement de la cohésion sociale et territoriale de la République, sur l’ensemble du territoire.

Il est responsable de l’exécution des missions de service public exercées par les entreprises qui lui sont liées par un contrat de service public conformément aux impératifs de continuité, d’égalité d’accès, de péréquation tarifaire et d’adaptabilité. À ce titre, il veille à la qualité, au maintien et au développement des réseaux de service public et sanctionne les manquements et défaillances desdites entreprises.

Article 2

I. – L’organisation du système de soins est adaptée afin de garantir aux populations des territoires ruraux un accès à un service de médecine générale à 20 minutes maximum de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, et, dans les mêmes conditions, à un service d’urgence à 30 minutes maximum et à une maternité 45 minutes maximum.

II. – Après l’article L. 1431-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1431-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1431-2-1. – L’agence régionale de santé veille à ce que la répartition territoriale de l’offre de soins permette de satisfaire les besoins de santé de la population. À ce titre, elle autorise les installations dans les zones surdenses dans les limites d’un plafond fixé par décret pris avant le 31 décembre 2011. »

III. – Après l’article L. 1434-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1434-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1434-6-1. – Le schéma régional de l’organisation des soins détermine les zones dans lesquelles, en raison d’une densité particulièrement élevée de l’offre de soins, l’installation des professionnels de santé libéraux, des maisons de santé et des centres de santé, est subordonnée à l’autorisation de l’agence régionale de santé. »

IV. – L’article L. 5125-14 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le transfert n’est possible qu’à la condition que la commune d’origine accueille une nouvelle officine de pharmacie en remplacement de l’officine transférée. »

Article 3

I. – Dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, l’organisation du service public de l’éducation garantit aux élèves un temps d’accès maximum à l’école élémentaire et primaire de 20 minutes de trajet automobile individuel, dans les conditions de circulation du territoire concerné. L’accès à un établissement d’enseignement secondaire ne disposant pas d’un internat, ne peut excéder 25 minutes dans les mêmes conditions.

II. – Le dernier alinéa de l’article L. 113-1 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils sont comptabilisés dans les effectifs des établissements. »

III. – La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 212-2 du code de l’éducation est supprimée.

IV. – Dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, l’organisation du service public de l’emploi garantit un accès à moins de 30 minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, d’un lieu d’accueil et d’information relatif à l’emploi et à la formation.

V. – Dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, l’organisation de la présence postale territoriale garantit un accès à moins de 20 minutes d’un bureau de poste ouvert à des horaires adaptés aux besoins de la population.

Article 4

Il est procédé dans un délai de deux ans à l’adaptation des horaires d’ouverture des services publics aux besoins du public.

Article 5

I. – L’État favorise le partenariat entre collectivités urbaines et rurales par la mise en place de contrats territoriaux de solidarité basés sur la mise en réseaux d’expertises communales pour dynamiser les territoires ruraux.

Ces contrats peuvent prévoir la mise en commun de moyens et de services ainsi que des procédures groupées de passation de marchés publics.

Ils peuvent prévoir également un partenariat spécifique entre les collectivités territoriales pour favoriser, par une gestion coordonnée, une meilleure répartition territoriale des activités et des capacités d’accueil en termes d’habitat et de services publics. Ils peuvent en particulier viser à accompagner les mutations professionnelles, et promouvoir la mixité sociale et générationnelle.

II. – Pour favoriser la mixité sociale et intergénérationnelle, les organismes publics chargés de l’habitat veillent à répartir équitablement sur l’ensemble du territoire les constructions ou les réhabilitations de logements.

III. – Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article.

Chapitre II

Des conditions équitables de développement économique
pour les entreprises et les collectivités territoriales.

Article 6

Après l’article L. 313-51 du code monétaire et financier, est insérée une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5 

« Transparence des informations

« Art. L. 313-52. – Dans leur bilan annuel, les établissements de crédits publient les données relatives au volume d’épargne et des prestations de crédits aux personnes physiques, aux PME et TPE dans chaque canton.

« Ils publient le ratio d’acceptation et de refus des crédits accordés aux personnes physiques et aux entreprises mentionnées au premier alinéa selon les mêmes critères géographiques.

« Le défaut de publication de ces informations est puni, pour les membres du conseil d’administration de l’établissement fautif, d’une des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. »

Article 7

I. – Après consultation avec les partenaires sociaux, dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, une caisse de mutualisation publique contre le chômage des commerçants, artisans et professions libérales et de leurs conjoints collaborateurs est mise en place.

Gérée par l’Unédic, elle délivre, sur la base de cotisations volontaires, une « allocation rebond » après le constat d’échec de l’entreprise.

Cette caisse ne peut être en déficit.

Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.

II. – Après consultation avec les partenaires sociaux, dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi, une caisse de mutualisation publique contre le chômage des agriculteurs et de leurs conjoints collaborateurs est mise en place.

Gérée par la mutualité sociale agricole, elle délivre, sur la base de cotisations volontaires, une « allocation rebond » après le constat d’échec de l’entreprise.

Cette caisse ne peut être en déficit.

III. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.

Article 8

I. – Après l’article L. 127-7 du code de commerce, est inséré un chapitre VIII ainsi rédigé :

« Chapitre VIII

« De la convention de commerce et d’artisanat rural

« Art. L. 128. – Toute personne physique ou morale exerçant une activité commerciale ou artisanale peut souscrire avec l’autorité administrative une convention de commerce et d’artisanat rural qui comporte un ensemble d’engagements portant sur la contribution de l’activité au développement économique territorial, au développement de l’emploi et ses aspects sociaux, à l’occupation de l’espace ou à la réalisation d’actions d’intérêt général et au développement de projets collectifs.

« La convention de commerce et d’artisanat rural a pour objectif d’inciter les commerçants et artisans à développer un projet économique global qui intègre les fonctions économiques, sociales et territoriales des activités concernées.

« La convention concerne l’ensemble de l’activité des commerces et entreprises artisanales des territoires ruraux. Elle définit la nature et les modalités des prestations de l’État et les engagements du commerçant ou artisan qui en constituent la contrepartie. Elle est conclue sous réserve des droits des tiers.

« Le préfet arrête une ou plusieurs conventions types par catégorie d’entreprise d’exploitation déterminant les systèmes d’exploitation assurant un développement durable de l’agriculture, ainsi que les actions répondant aux objectifs mentionnés au premier alinéa. Ces contrats types respectent les orientations définies par le ministre en charge du développement du territoire, après avis du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire.

« La convention de commerce et d’artisanat rural d’exploitation doit être compatible avec l’un des contrats types définis à l’alinéa précédent. Elle prend éventuellement en compte les projets à caractère particulier présentés par les commerçants et artisans.

« Elle prend en compte les orientations définies par le ministre en charge de l’aménagement du territoire, après avis de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale. Elle s’inscrit dans le cadre des cahiers des charges définis au plan local, en lien avec les chambres consulaires.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions de mise en oeuvre du présent article. »

II. – Il est créé un fonds de financement des conventions de commerce et d’artisanat rural.

Ce fonds est notamment abondé par une contribution sur la grande distribution.

Article 9

Après consultation des collectivités territoriales, les ministres en charge de l’aménagement du territoire et de l’économie numérique élaborent un plan national de réalisation de la couverture numérique universelle, notamment pour favoriser le développement du télétravail. Ce plan précise, pour la période 2011-2017, les priorités d’investissement de l’État et des collectivités territoriales pour chaque zone ou bassin d’activité présentant un caractère rural en considérant son habitat, ses données et perspectives démographiques et ses caractéristiques économiques.

Ce plan garantit dans un délai de 10 ans aux populations concernées, entreprises et collectivités territoriales l’accessibilité aux technologies à très haut débit à des coûts d’usage comparables à ceux pratiqués dans les zones urbaines.

Article 10

Le Fonds d’aménagement numérique des territoires défini à l’article 24 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique est abondé notamment par une contribution des opérateurs de jeux en ligne à hauteur de 5 % du montant du produit brut des jeux. Ce montant correspond au montant total des mises versées par les joueurs diminué des gains qui leur sont reversés.

Article 11

En concertation avec les collectivités territoriales, un plan national de financement et de développement des infrastructures de transports précise pour la période 2011-2020, les priorités d’investissement de l’État et des collectivités territoriales pour chaque zone ou bassin d’activité présentant un caractère rural en considérant son habitat, ses données et perspectives démographiques et ses caractéristiques économiques afin de garantir aux populations concernées la desserte, le désenclavement et la sécurité par une adaptation des infrastructures routières, ferroviaires, des voies navigables, et du réseau des plateformes intermodales des gares et aéroports par un maillage fin des territoire.

Ce plan favorise, par un maillage fin du territoire, le développement et l’accès aux transports collectifs ou tout autre mode de transport adapté.

Article 12

Dans un délai de 10 ans, les dotations de l’État sont affectées à l’égalisation des ressources entre collectivités. Aucune collectivité ne peut bénéficier d’une ressource financière inférieure à 80 % et supérieure à 120 % de la moyenne de la même catégorie de collectivité.

Chapitre III

Dispositions diverses

Article 13

Au premier alinéa du II de l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale, après les mots : « les embauches réalisées par », sont insérés les mots : « les associations concourant, par contrat avec l’État ou toute autre collectivité territoriale, au développement économique et social, ainsi que par ».

Article 14

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 402 bis, 403, 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement, et corrélativement pour l’État, par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 402 bis, 403, 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 402 bis, 403, 575 et 575 A du code général des impôts.

Les pertes de recettes qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 402 bis, 403, 575 et 575 A du code général des impôts.

1 () V. http://www.elysee.fr/president/root/bank_objects/110105Compte-rendu-CDM_1294230608.pdf.

2 () V. http://www.bouclier-rural.net/.

3 () Michel Rocard, préface à Henri Nallet, L’Europe gardera-t-elle ses paysans ? Une mise en perspective de la réforme de la PAC, Paris, Fondation européenne d’études progressistes/Fondation Jean Jaurès, 2010, p. 11.

4 () Gaël Brustier, Julien Landfried, « Classes populaires : pour sortir des mythes », Libération, 13 décembre 2010.

5 () V. Christophe Guilluy, Fractures sociales, Paris Bourin, 2010.

6 () V. Gaël Brustier et J-P Huelin, Recherche le peuple désespérément, Paris, Bourin, 2009.

7 () V. Les campagnes et leurs villes, Atlas de l’INSEE.

8 () Olivier Léon, La population des régions en 2040, Insee première, n° 1326 décembre 2010. Accessible sur le site : http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/ 2010/12/7/insee-demographie.pdf.

9 () Sur ce concept, v. Olivier Mora (coord.), Les nouvelles ruralités à l’horizon 2030, Versailles, Éditions Quae, 2008, p. 39.

10 () Arnaud Montebourg, Des idées et des rêves, Paris, Flammarion, 2010, p.201.

11 () Michel Rocard, loc. cit., p. 11.

12 () Yves Censi, L’expansion rurale, une proposition pour la France, Rapport à Monsieur le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et à Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales Hervé Gaymard, 2003, p. 15.

13 () Michel Godet, Philippe Durance et Marc Mousli, Créativité et innovation dans les territoires, Conseil d’analyse économique, La documentation française, Paris, 2010, p. 34.

14 () Ibidem.

15 () Pierre Cohen et Henri Nayrou, Pour que le déclin des services publics ne soit plus une fatalité, Rapport d’information n° 2883, Assemblée nationale, 2001, Point de vue de M. Henri Nayrou, p. 61.

16 () Pierre Cohen et Henri Nayrou, Pour que le déclin des services publics ne soit plus une fatalité, Rapport d’information n° 2883, Assemblée nationale, 2001, p. 23.

17 () V. Kent Hudson, Banques et territoires, sur le site http://www.forum-modernites.org/archives-pb/CRA%20Kent%20Hudson.pdf.


© Assemblée nationale