N° 3356 - Proposition de loi de Mme Marie-Jo Zimmermann tendant à renforcer les critères d'équité démographique pour répartir les nouveaux cantons servant à l'élection des conseillers territoriaux



N° 3356

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2011.

PROPOSITION DE LOI

tendant à renforcer les critères d’équité démographique pour répartir
les
nouveaux cantons servant à l’élection des conseillers territoriaux,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 relative aux collectivités territoriales a fixé le nombre total des futurs conseillers territoriaux à 3 496 contre 4 182 conseillers généraux et 1 880 conseillers régionaux actuellement. Cependant, le Conseil constitutionnel (décision n° 2010-618, du 9 décembre 2010) a censuré le tableau annexé à la loi pour répartir les sièges des conseillers territoriaux par département.

Plus précisément, il a accepté que dans chaque département il y ait un minimum de 15 conseillers territoriaux. Par contre, au-delà de ce seuil, il a constaté que six départements présentaient des écarts de représentativité de plus de 20 % par rapport à la moyenne régionale : Meuse (+ 41,5 %), Cantal (+ 22,6 %), Aude (+ 21,6 %), Mayenne (+ 20,5 %), Savoie (+ 20,3 %), Haute-Garonne (- 20,2 %). Un nouveau tableau de répartition a donc été à l’Assemblée nationale (projet de loi n° 3235 du 9 mars 2011).

Dans chaque département, il restera ensuite à découper les nouveaux cantons servant à l’élection des délégués territoriaux. Cette opération sera effectuée par le Gouvernement mais la loi du 16 décembre 2010 prévoit que ces nouveaux cantons devront respecter les limites des circonscriptions législatives. Pour le reste, le Gouvernement prétend qu’il n’y a aucun risque de manipulation puisque ce sera la même procédure que pour les circonscriptions législatives avec notamment l’avis d’une Commission de contrôle puis l’avis du Conseil d’État et la validation de la loi de ratification par le Conseil constitutionnel.

Or l’expérience du récent redécoupage des circonscriptions législatives montre que c’est incertain. Certes, il y a eu concertation car les préfets puis le secrétaire d’État, M. Marleix, ont reçu chaque parlementaire. Cependant les avis formulés à cette occasion n’ont pas été écoutés.

De même, la Commission de contrôle du redécoupage électoral et le Conseil d’État n’avaient qu’un avis consultatif et le Gouvernement est passé outre sans état d’âme. Enfin, le Conseil constitutionnel ne vérifiait que les écarts démographiques et ne s’estimait pas compétent pour contrôler l’équité des découpages. Ainsi, le Gouvernement avait en réalité carte blanche.

Le pire exemple est celui du redécoupage en Moselle, lequel a été l’objet d’un avis négatif de la Commission de contrôle, puis d’un avis négatif du Conseil d’État mais le Gouvernement n’a tenu compte ni de l’un, ni de l’autre. La Moselle a ensuite été le seul département de France pour lequel la commission des lois de l’Assemblée nationale a désavoué le Gouvernement en votant un amendement rectifiant le découpage effectué dans la région messine. Cependant, par un vote bloqué à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a imposé sa volonté. Enfin, deux départements ont été cités par le Conseil constitutionnel, comme exemples flagrants d’anomalie, la Moselle et le Tarn. Toutefois, il a estimé ne pas avoir la compétence pour les censurer.

Ce qui s’est passé pour les circonscriptions législatives peut se passer à nouveau pour les cantons servant à l’élection des conseillers territoriaux. En prévoyant que les nouveaux cantons seront découpés à l’intérieur des circonscriptions législatives, la loi a certes fixé un garde-fou. Toutefois, l’inconvénient en est de pérenniser les anomalies créées dans les départements victimes d’un charcutage des circonscriptions. Par ailleurs, la censure de la loi du 16 décembre 2010 par le Conseil constitutionnel montre qu’il y avait déjà une manipulation de la représentativité démographique.

C’est en Lorraine, et une fois de plus au détriment de la Moselle, qu’il y avait l’écart le plus important. En sièges par habitant, la Meuse dépassait de 41,5 % la moyenne régionale, soit presque le double du second plus grand écart (22,6 % pour le Cantal). De plus en Lorraine, le département des Vosges était également sur-représenté et ces deux distorsions s’exerçaient principalement au détriment de la Moselle.

Pour chacun des quatre départements lorrains, on trouvera ci-après la population de référence (P) sur la base du décret n° 2009-1707 du 30 décembre 2009, le nombre de sièges qui était proposé (S) et l’écart de représentativité en % par rapport à la moyenne régionale (E) : Meuse (P : 193 962, S : 19, E : + 41,54 %) ; Vosges (P : 380 304, S : 27, E : + 19,3 %) ; Meurthe-et-Moselle (P : 726 592, S : 37, E : - 12,5 %) ; Moselle (P : 1 039 023, S : 51, E : - 16,7 %).

Pour l’ensemble de la Lorraine, (2 339 881 habitants), les 134 sièges proposés conduisaient à un ratio de 17 462 habitants par siège, mais avec une fourchette de 10 209 en Meuse, 14 085 dans les Vosges, 19 637 en Meurthe-et-Moselle et 20 373 en Moselle. Suite à la censure du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a d’ailleurs été obligé de procéder à un rééquilibrage substantiel.

Il le reconnaît dans l’exposé des motifs du projet de loi n° 3235 (Assemblée nationale, 9 mars 2011) : « Dans la région Lorraine, la décision du Conseil constitutionnel conduit à doter la Meuse du minimum de 15 sièges (au lieu de 19), mais cette modification ne suffit pas à contenir l’écart de représentation présenté par le département des Vosges (département de la Meuse non compris) en deçà de l’amplitude maximale de 20 %. Il convient en conséquence de diminuer de 27 à 25 l’effectif de ce département tout en portant celui de la Moselle de 51 à 53. L’effectif du conseil régional se trouve ainsi ramené de 134 à 130 membres. »

Même avec ce très important correctif, la Moselle reste d’ailleurs encore un peu sous-représentée. En effet, sur la base des populations en vigueur en 2011 (décret 2010-1723 du 30 décembre 2010), les 130 conseillers territoriaux de Lorraine correspondent à une moyenne de 18 049 habitants par siège, les 15 de Meuse à 12 948 habitants, les 25 des Vosges à 15 206 habitants, les 37 de Meurthe-et-Moselle à 19 723 habitants et les 53 de Moselle à 19 665 habitants.

La présente proposition de loi a donc pour but d’imposer un respect strict de la représentativité démographique.

– Son article unique fixe la répartition des 3 496 conseillers territoriaux entre les régions conformément au tableau initialement annexé à la loi du 16 décembre 2010.

– Il prévoit que dans chaque région les conseillers territoriaux sont répartis entre les départements proportionnellement à leur population respective, avec un minimum de quinze par département.

– Il prévoit qu’au sein de chaque département les conseillers territoriaux sont répartis entre les circonscriptions législatives en fonction de leur population.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article 6 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. 6. – Le nombre des conseillers territoriaux de chaque région est fixé de la sorte : Alsace 74 ; Aquitaine 211 ; Auvergne 146 ; Bourgogne 134 ; Bretagne 190 ; Centre 172 ; Champagne-Ardenne 138 ; Franche-Comté 104 ; Guadeloupe 43 ; Île-de-France 308 ; Languedoc-Roussillon 167 ; Limousin 91 ; Lorraine 134 ; Midi-Pyrénées 250 ; Basse-Normandie 117 ; Haute-Normandie 98 ; Nord-Pas-de-Calais 138 ; Pays de la Loire 175 ; Picardie 109 ; Poitou-Charentes 124 ; Provence-Alpes-Côte d’Azur 226 ; La Réunion 49 ; Rhône-Alpes 298.

« Dans chaque région, les conseillers territoriaux sont répartis entre les départements proportionnellement à leur population respective avec un minimum de quinze par département.

« Dans chaque département, les conseillers territoriaux sont répartis entre les circonscriptions législatives proportionnellement à leur population. »


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