N° 3676 - Proposition de loi de Mme Marie-Jo Zimmermann tendant à consolider l'attribution d'annuités de retraite au titre des services effectués à l'étranger par les militaires et les fonctionnaires civils qui ne peuvent bénéficier du droit à pension



N° 3676

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2011.

PROPOSITION DE LOI

tendant à consolider l’attribution d’annuités de retraite au titre des services effectués à l’étranger par les militaires et les fonctionnaires civils qui ne peuvent bénéficier du droit à pension,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi tend à réparer une injustice dont sont notamment victimes les anciens militaires qui se voient refuser, par simple circulaire administrative, le droit à l’affiliation rétroactive au régime général de sécurité sociale lorsqu’ils n’ont pas effectué la durée de services (quinze ans pour les militaires) leur ouvrant droit à une pension de retraite.

Selon l’article L. 65 du code des pensions civiles et militaires de retraite :

« Le fonctionnaire civil ou le militaire qui vient à quitter le service, pour quelque cause que ce soit, sans pouvoir obtenir une pension ou une solde de réforme, est rétabli, en ce qui concerne l’assurance vieillesse, dans la situation qu’il aurait eue s’il avait été affilié au régime général des assurances sociales et à l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités locales (Ircantec) pendant la période où il a été soumis au présent régime.

L’agent non susceptible de bénéficier de l’affiliation rétroactive au régime général des assurances sociales pour tout ou partie de sa carrière peut prétendre, au titre des mêmes périodes, au remboursement direct et immédiat des retenues subies d’une manière effective sur son traitement ou sa solde.

Les mêmes dispositions sont applicables au fonctionnaire civil ou militaire qui, après avoir quitté le service, reprend un emploi relevant du régime institué par le présent code, sans pouvoir obtenir une pension ou une solde de réforme au titre dudit emploi ».

Selon l’article D. 173-16 du code de la sécurité sociale :

« Lorsqu’un des bénéficiaires des régimes de retraites mentionnés à l’article D. 173-15 vient à quitter l’administration, la collectivité ou l’établissement qui l’emploie sans avoir droit à une pension d’invalidité ou de vieillesse à jouissance immédiate ou différée et sans devenir tributaire d’un régime de retraites comportant des règles particulières de coordination avec le régime auquel il appartenait, il lui est fait application des dispositions suivantes :

Ses droits sont rétablis, en ce qui concerne l’assurance vieillesse, dans la situation dont il aurait bénéficié sous le régime général de sécurité sociale, si ce régime lui avait été applicable durant la période où il a été soumis à son régime de retraites postérieurement au 30 juin 1930. Cette période entre en compte, quel qu’ait été le montant de sa rémunération, pour la détermination de ses droits aux avantages prévus par le régime général en matière d’assurance vieillesse…».

Aux termes de l’article D. 173-17  du code de la sécurité sociale :

« Pour l’application de l’article précédent, en ce qui concerne les militaires tributaires du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est effectué chaque année, au profit de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale, un versement forfaitaire pour l’ensemble des militaires ayant quitté l’armée sans droit à pension au cours de l’année civile précédente. Le montant de ce versement est fixé annuellement par décision concertée du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de la défense et du ministre chargé du budget, compte tenu du montant moyen de la solde des militaires quittant l’armée sans droit à pension ».

L’article L. 65 du code des pensions civiles et militaires de retraite et les articles D. 173-16 et D. 173-17 du code de la sécurité sociale prévoient donc en faveur des anciens militaires, qui ont été rayés des cadres sans pouvoir prétendre à une pension au titre de leur régime spécial, le rétablissement dans les droits – sous la forme d’une affiliation rétroactive – au régime général des retraites de la sécurité sociale.

Ce principe est d’ailleurs rappelé par une « circulaire interministérielle » du 8 février 1990 (ministre chargé de la protection sociale, ministre chargé du budget, ministre chargé de la fonction publique, ministre chargé de la défense).

Mais cette circulaire énonce aussi que le droit à affiliation rétroactive ne peut être exercé que pour des périodes de services accomplis sur des territoires où le régime général est ou était applicable. Il s’agit de la France métropolitaine, des départements d’outre-mer, des territoires occupés d’Allemagne et d’Autriche à compter de 1947 et de l’Algérie depuis 1962 pour les fonctionnaires civils et militaires.

Les services effectués à l’étranger ou dans un T.O.M. ne sont pris en compte qu’à compter du 1er janvier 1989. Pour les services effectués avant cette date, l’affiliation rétroactive au régime général est refusée. Selon la circulaire, les intéressés peuvent seulement :

– soit demander le remboursement à leur administration employeur des retenues pour pension qu’ils ont versées pendant les périodes concernées ;

– soit racheter lesdites périodes auprès du régime général et de l’I.R.C.A.N.T.E.C. pour tout ou partie de leur durée.

Cette circulaire exclut donc les militaires qui ont participé aux opérations extérieures (Tchad, Liban…) de tout droit à retraite, ce qui est tout à fait scandaleux. L’auteur de la présente proposition de loi l’a d’ailleurs souligné dans la question écrite (n° 108841 du 17 mai 2011). Il évoque ainsi « la situation des militaires qui ont quitté l’armée sans droit à une pension militaire au motif qu’ils n’ont pas quinze années d’armée. Dans ce cas, la loi prévoit qu’ils sont affiliés rétroactivement à la sécurité sociale et à l’IRCANTEC, comme s’ils avaient travaillé dans le privé. Toutefois, pour les périodes effectuées à l’étranger, notamment dans le cadre d’interventions en Afrique et au Moyen-Orient, l’État refuse d’appliquer cette règle antérieurement au 1er janvier 1989. Ainsi, les militaires qui ont été affectés au Tchad entre 1972 et 1974 ne peuvent pas bénéficier de la prise en compte de leur période de service pour valider des trimestres. C’est très injuste car tout se passe comme s’ils n’avaient pas travaillé ».

La circulaire pose aussi un sérieux problème juridique qui a été relevé par la Cour de Cassation. Une Cour d’appel avait estimé que, pour une période de services militaires accomplis à l’étranger entre 1961 et 1964, un ancien militaire ne pouvait pas, sur le fondement des circulaires administratives en vigueur, bénéficier de l’affiliation rétroactive. Dans un arrêt du 16 septembre 2003 (Cass. civ. 2 16/09/2003, n° 02-30.658), la Cour de Cassation a jugé que le droit à validation était ouvert quel que soit le lieu où l’intéressé avait été soumis au régime spécial.

La présente proposition de loi a donc pour objet de consolider le principe de validation – par l’affiliation rétroactive au régime de base des assurances sociales – des services civils ou militaires effectués par des fonctionnaires qui ont quitté le service, pour quelque cause que ce soit, sans pouvoir obtenir, en conséquence, une pension. Ce principe est certes affirmé par l’article L. 65 du code des pensions civiles et militaires de retraite, de même que par les articles D. 173-16 et D. 173-17 du code de la sécurité sociale, mais de simples circulaires, on l’a vu, réussissent jusqu’à présent à en restreindre la portée et ce, depuis plusieurs décennies, en y ajoutant une condition de lieu.

Il est donc proposé de compléter l’article L. 65 par une disposition selon laquelle les dispositions de son premier alinéa relatif au principe d’affiliation rétroactive sont applicables sans condition de lieu, conformément à l’arrêt de la Cour de Cassation. Par ailleurs, le deuxième alinéa de l’article L. 65 crée actuellement une certaine ambigüité en énonçant que  « l’agent non susceptible de bénéficier de l’affiliation rétroactive au régime général des assurances sociales pour tout ou partie de sa carrière peut prétendre, au titre des mêmes périodes, au remboursement direct et immédiat des retenues subies d’une manière effective sur son traitement ou sa solde ». Ce texte paraît ouvrir la voie à des possibilités de dérogation au principe pourtant affirmé à l’alinéa précédent. Il convient donc de supprimer toute ambiguïté.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Après le premier alinéa de l’article L. 65 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions prévues à l’alinéa précédent sont applicables quel que soit le lieu où l’intéressé a été soumis à son régime spécial ».

II. – Le début du deuxième alinéa de l’article L. 65 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :

« L’agent qui ne souhaite pas bénéficier de l’affiliation rétroactive au régime général… (le reste sans changement) ».

Article 2

Les charges qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


© Assemblée nationale