N° 3719 - Proposition de résolution de M. Hervé de Charette sur la reconnaissance par la France de l'Etat de Palestine



N° 3719

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 septembre 2011.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la reconnaissance par la France de l’État de Palestine,

présentée par Messieurs

Hervé de CHARETTE, François ASENSI, Jean-Michel BOUCHERON, Jean-Michel FERRAND, Jean-Paul LECOQ, François LONCLE, Jean-Marc NESME, Jacques REMILLER, François ROCHEBLOINE et Dominique SOUCHET,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il parait désormais acquis que l’Autorité palestinienne demandera l’admission de l’État de Palestine à l’organisation des Nations Unies à l’occasion de l’Assemblée Générale de ses États membres en septembre prochain.

La France est donc désormais en face de ses responsabilités.

Rien ne s’oppose, sur le plan du droit international, à la reconnaissance de l’État de Palestine et à son admission à l’ONU. La Palestine a une population de l’ordre de 4 millions d’habitants, un territoire formé par la Cisjordanie occupée et par Gaza, et un gouvernement qui, depuis l’accord Fatah-Hamas, peut être considéré comme s’exerçant sur l’ensemble de son territoire.

Dans ces conditions, tout milite pour que notre pays, assumant la plénitude de ses engagements internationaux, notamment en sa qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité – dont 9 membres sur 15, dont les 5 permanents, doivent approuver une demande d’adhésion pour que l’Assemblée Générale puisse ensuite l’adopter à la majorité des deux tiers – franchisse le pas, annonce sa décision de soutenir la demande de l’Autorité palestinienne, voire de la parrainer, ouvrant ainsi une page nouvelle dans la tragique histoire de ce malheureux peuple, victime d’une injustice qui dure depuis plus de 60 ans.

C’est l’échec de tous les efforts entrepris depuis des années pour résoudre le conflit israélo-palestinien qui justifie notre suggestion d’un changement décisif de la diplomatie française.

En effet, dix-huit ans après que Yasser Arafat et Itzak Rabin se sont serrés la main devant la Maison Blanche pour sceller la reconnaissance mutuelle de l’État d’Israël et de l’Autorité palestinienne, la Communauté Internationale ne peut que constater l’échec flagrant de toutes les initiatives prises pour parvenir à la Paix.

Le processus d’Oslo a longtemps représenté un espoir important dans la région. Il visait à fixer un calendrier de négociations qui devait permettre de résoudre par étapes en quelques années les différends les plus abordables (arrangements de sécurité, projets économiques communs, retrait de l’armée israélienne des premiers territoires devant passer sous contrôle de l’Autorité palestinienne) pour aborder trois ans plus tard les questions cruciales des colonies, des frontières, des réfugiés et de Jérusalem. La mort d’Itzak Rabin, l’arrivée au pouvoir du Likoud avec Benjamin Netanyahu, qui a toujours manifesté sa ferme opposition au processus d’Oslo, et l'intransigeance de certains dirigeants palestiniens ont conduit à l’échec de ces négociations.

Les méthodes utilisées par la suite afin de résoudre le conflit israélo-palestinien ont pareillement démontré leur inefficacité. Aucun des objectifs fixés par les différents accords n’a été atteint, aucun des problèmes fondamentaux n’a été réglé.

Malgré une préoccupation omniprésente pour la sécurité, les israéliens font toujours face à la violence terroriste comme le démontrent les récents attentats dans le sud d’Israël. Les investissements toujours plus grands dans cette sécurité se sont même fait au détriment de l’éducation, du logement et des aides sociales aux Israéliens qui connaissent des conditions de vie de plus en plus difficiles, comme le montrent les récentes manifestations populaires de Tel-Aviv.

Du côté palestinien, la situation ne s’est guère améliorée. La population de Gaza, enfermée dans un ghetto souvent qualifié de prison à ciel ouvert, est livrée à la misère et à toutes les violences. La Cisjordanie est occupée par l’armée israélienne et son administration placée sous le contrôle permanent et multiforme des autorités israéliennes. Israël développe inlassablement ses colonies qui s’étendent au-delà des frontières de 1967 et grignotent peu à peu les terres des palestiniens. Le « mur de séparation » aggrave cette situation et vise, non seulement à protéger Israël, ce qui peut paraître compréhensible, mais à annexer des pans entiers de territoires palestiniens, ce qui n'est pas acceptable.

Tout cela est accompli en toute illégalité au regard du droit international. La communauté internationale a beau « déplorer », « regretter » ou « s’inquiéter », la situation n’a pas évolué depuis plus de 60 ans. Les médiations n’ont jamais abouti. Les provocations ont continué, les atteintes au droit de l’Homme également, le terrorisme se maintient et les résolutions de l’ONU se succèdent sans effet. Cette situation explosive ne peut perdurer plus longtemps. Le printemps arabe démontre de manière spectaculaire qu’un peuple ne peut supporter toutes les humiliations.

La vérité, c’est que l'actuel gouvernement israélien ne veut ni d’un processus de paix qui l’engagerait réellement, ni d’un État palestinien. Dans ces conditions devant le blocage de toute négociation sérieuse, la Communauté internationale ne peut pas rester inerte. Elle doit tirer les conséquences de cette situation critique, et la première de ces conséquences, c’est l’affirmation, par la communauté des Nations, du droit des Palestiniens à disposer d’une État internationalement reconnu dans les frontières de 1967.

La diplomatie française est parfaitement consciente des risques qui résultent du blocage actuel des négociations. L’initiative présentée par M. Alain Juppé début juin aux responsables israéliens et palestiniens en témoigne. Il s’agissait de pousser à une reprise des négociations sur la base de paramètres précis et équilibrés, qui seraient approuvés par les parties à l’occasion d’une conférence de paix. Lors de son audition par la commission des affaires étrangères, le 5 juillet dernier, le Ministre d’État, Ministre des Affaires étrangères et européennes, a énuméré ces principes : « la renonciation au terrorisme et à la violence, l’acceptation des accords de paix antérieurs, l’abandon de toute autre réclamation après la conclusion de l’accord et, surtout, l’objectif des deux États nations pour deux peuples. Les paramètres portent sur la frontière de 1967 et les garanties de sécurité, puis dans un second temps, dans le cadre d’un accord global, sur la question des réfugiés et de Jérusalem ». Il a formé le vœu que le Quartette lance un appel à la reprise des négociations sur ces bases à l’occasion de la réunion du 11 juillet et réaffirmé la disponibilité de la diplomatie française pour organiser cette conférence de paix, qui pourrait se tenir au début de l’automne, concomitamment à une conférence des donateurs en faveur de l’autorité palestinienne. Cette initiative était incontestablement la bienvenue. L’insuccès de la réunion du Quartette du 11 juillet, qui n’est pas parvenu à une déclaration commune, témoigne de l’échec de cette ultime et courageuse tentative, paralysée par l’opposition concertée des États-Unis et d’Israël.

Il est donc désormais inévitable de rebattre les cartes et de changer radicalement de méthode. La proposition de l’Autorité palestinienne, parfaitement justifiée en droit, pose les bases d’une négociation future équilibrée entre deux États internationalement reconnus, change les rapports de force, rétablit le peuple palestinien dans sa dignité et ses droits, et offre ainsi de nouvelles perspectives de paix pour la région.

Entre les aspirations légitimes d’Israël à la sécurité, et celles toutes aussi justifiées des Palestiniens à la reconnaissance de leurs droits nationaux imprescriptibles, la France a toujours tenu, depuis le Général de Gaulle, un langage et une posture diplomatique fondés sur la clarté et le droit international. Se tenant éloignée de l’esprit de concession, elle est une autorité morale reconnue au Proche et au Moyen Orient. Alors que, dans toute la Méditerranée, nombre de peuples arabes ont fait et font, jour après jour, parfois au prix de lourds sacrifices, le choix de la démocratie, la France est regardée, écoutée, attendue. C’est le moment pour notre pays de montrer le chemin en faisant savoir que, pour nous, la paix entre Israël et la Palestine passe désormais par la reconnaissance de l’État Palestinien et son entrée à l’ONU.

Tel est le sens de la proposition de résolution que nous vous proposons d’adopter.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement,

1– Prend acte de l’échec du processus de paix israélo-palestinien lancé en 1993 et des initiatives prises depuis lors par la Communauté internationale pour parvenir à la paix ;

2– Affirme la nécessité urgente de la création d’un État palestinien, viable, reconnu internationalement et en mesure d’ouvrir sans tarder des négociations de paix avec Israël, sur la base de l’égalité souveraine des États et de leur sécurité ;

3– Estime souhaitable dans ces conditions que la France reconnaisse l’État de Palestine dans les frontières de 1967 et approuve son entrée à l’ONU en qualité d’État membre.


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