N° 3910 - Proposition de loi de M. Noël Mamère visant à la reconnaissance de la responsabilité de la République française dans le massacre du 17 octobre 1961



N° 3910

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à la reconnaissance de la responsabilité de la
République française dans le massacre du 17 octobre 1961,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Noël MAMÈRE, Anny POURSINOFF, Yves COCHET et François de RUGY,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il y a 50 ans le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers de travailleurs algériens et leurs familles manifestaient pacifiquement à Paris, contre le couvre-feu que la Préfecture de Paris venait de leur imposer.

M. Maurice Papon, alors Préfet de police, avait prononcé cette mesure, de 20h30 à 5h30 du matin. L’action des forces de l’ordre, que dirigeait M. Papon, fut d’une extrême violence.

Les hommes qui manifestaient pacifiquement furent molestés, torturés et massacrés. Des coups de feu furent tirés. Cette action était préméditée et coordonnée par trois services couverts par les plus hautes autorités de l’État : le Service assistance technique, la force auxiliaire de police et la coordination des affaires algériennes.

Durant cette nuit là et le lendemain, de nombreux corps furent retrouvés flottant à la surface de la Seine. Le nombre des personnes décédées demeure imprécis mais les recherches actuelles s’accordent sur deux cent morts au minimum, c’est à dire plus de victimes que lors de la répression sur la place Tien An Men à Pékin en 1989.

Durant de nombreuses années, cet évènement sera occulté. On ne constitue pas la démocratie sur des mensonges et des falsifications.

Depuis dix ans le voile se lève et malgré l’accès limité aux archives nationales, nous commençons à voir clairement les responsabilités des différents échelons administratifs et politiques dans ce crime d’État. Il est temps, d’établir la vérité et de rendre hommage aux victimes.

Ce crime couvert par l’État correspond à la définition de l’article 212-1 du code pénal qui caractérise le crime contre l’Humanité constitué lorsque des actes inhumains ou des persécutions contre tout groupe ou toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste. Pourtant aucun responsable de l’époque n’a été poursuivi pour ces faits criminels établis.

50 ans après, reconnaître la responsabilité de la République française 17 octobre 1961, serait un moyen de contribuer au rapprochement entre le peuple algérien et le peuple français dans un esprit de Fraternité. Ce serait un acte de concorde entre les deux peuples. Le 17 octobre 1961, la République a été salie par un crime d’État. La République a reconnu sa responsabilité dans la chasse aux juifs sous Vichy ; elle l’a reconnu vis-à-vis de l’esclavage. Elle doit reconnaître aux victimes du 17 octobre et à leurs enfants et petits enfants, qu’elle a failli. Elle en ressortira grandie.

Les auteurs de cette proposition de loi proposent donc que la France, par la voix de son Parlement, reconnaisse, cinquante plus tard, cette tragique journée du 17 octobre 1961.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La République française reconnaît sa responsabilité dans le massacre par les forces de police de centaines d’Algériens, lors de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Ce crime constitue un crime défini par l’article 212-1 du code pénal.

Article 2

Un lieu du souvenir à la mémoire des victimes du 17 octobre 1961 est créé.

Article 3

Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à ce crime couvert par l’État la place qu’il mérite. La coopération des historiens permettra d’ouvrir et de mettre en articulation les archives écrites disponibles en France et en Algérie. Elle sera encouragée et favorisée. La liberté d’accès aux archives pour tous les citoyens sera assurée.

Article 4

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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