N° 4389 - Proposition de loi de Mme Henriette Martinez visant à interdire l'organisation de concours de beauté pour les enfants de moins de 11 ans



N° 4389

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire l’organisation de concours de beauté
pour les enfants de moins de 11 ans,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Henriette MARTINEZ, Yves DENIAUD, Yvan LACHAUD, Bruno BOURG-BROC, Françoise HOSTALIER, Jacqueline IRLES, Dino CINIERI, Marie-Christine DALLOZ, Brigitte BARÈGES, Jean-Marie BINETRUY, Christian MÉNARD, Jean-Pierre DUPONT, Sophie DELONG, Denis JACQUAT, Michel HERBILLON, Michel GRALL, Loïc BOUVARD, Louis GUÉDON, Valérie BOYER, Georges COLOMBIER, Jean-Claude GUIBAL et Bernard DEPIERRE,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis quelques années, le phénomène, venu des États-Unis, des concours de « mini miss » mettant en scène dès l’âge de 4 ans des enfants, principalement des petites filles outrageusement maquillées, travesties et transformées avant l’âge en « femmes miniatures » devient particulièrement inquiétant.

Ces concours sexualisent avant l’âge des enfants dont on érotise à outrance l’image les mettant ainsi dans une situation de séduction face au public avec des poses et des attitudes suggestives, des sourires coquins et des clins d’œil aguicheurs… Pour cela, les petites filles sont entraînées à se déplacer, à bouger comme le feraient des mannequins sur des podiums, exhibées ainsi sous les projecteurs qui les transforment en objets de désir, avec tous les dangers que cela implique pour elles.

Poussé à l’extrême, ce culte de l’apparence conduit à la création d’instituts de beauté et de salons de coiffure spécialisés pour les enfants qui sont livrés à ce genre de présentations et peut dériver jusqu’à la pratique de la chirurgie esthétique sur des fillettes très jeunes.

Ces concours sont de véritables pièges pour les enfants auxquels cette vie est imposée par les parents et ne sont pas sans conséquences psychologiques. Non seulement ces fillettes se voient voler leur enfance mais elles vont grandir dans l’incapacité d’être vraies et naturelles dans la rencontre avec l’autre puisque pour elles, la beauté et la séduction deviennent le moyen de tout obtenir. Ainsi soumises au culte de la beauté et de la minceur, elles peuvent souffrir précocement d’anorexie, de troubles de l’image de soi et autres dérèglements.

Poussées par des parents, souvent des mères qui jouent à la poupée avec leur enfant et vivent à travers ces concours leurs propres rêves et aspirations, les petites filles se voient imposer des repères sociaux superficiels et factices qui peuvent générer un sentiment de supériorité ou à l’inverse de culpabilité et de frustration, basé uniquement sur l’apparence physique.

Ces concours ne font l’objet d’aucun contrôle ni d’aucun cadre légal alors qu’ils portent atteinte au bon développement des enfants en brouillant les limites entre l’enfance et l’âge adulte. C’est pourquoi il apparaît qu’ils mettent l’enfant en danger ou en risque de l’être.

Or, la convention internationale des droits de l’enfant dans son article 36 stipule qu’« il convient pour les États parties de protéger l’enfant contre toutes formes d’exploitations préjudiciables à tout aspect de son bien-être ».

D’ailleurs, la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance renforce les sanctions pénales en cas d’emploi non autorisé d’un enfant dans une entreprise de spectacle, de cinéma, de radiophonie ou de télévision. Certes, il s’agit là de réglementer le travail des enfants dans le spectacle, la publicité ou la mode mais il apparaît que la volonté de protéger les enfants exprimée par la loi doit s’appliquer aussi aux concours de beauté type « mini miss » dans lesquels les enfants sont aujourd’hui exposés et primés, avec cadeaux à la clé.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance stipule dans son article 1er que : « l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant ». Par ailleurs, la même loi ajoute à la notion d’enfant en danger celle d’« enfant en risque de l’être ».

C’est pourquoi ce genre de dérives ne peut être banalisé et il parait nécessaire pour protéger les enfants d’interdire les concours de beauté type « mini miss » en dessous de 11 ans, âge auquel la décision de participer à ces concours peut être prise conjointement par les parents et par l’enfant, dans le respect de l’article article 371-1 du code civil qui stipule : « les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité ».

Tel est le sens de cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’organisation de concours de beauté pour les enfants de moins de 11 ans est interdite.


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