TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2008
RAPPORT
D'INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN
relatif à l’évaluation des politiques de l’emploi
ET PRÉSENTÉ
PAR MM. Gaëtan Gorce et Frédéric Lefebvre,
Députés.
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INTRODUCTION 8
I.– L’ÉVALUATION DES POLITIQUES DE L’EMPLOI RESTE TRÈS INSUFFISANTE EN DÉPIT DES MULTIPLES DISPOSITIFS MIS EN OEUVRE 11
A.– UNE POLITIQUE DE L’EMPLOI EN MAL D’ÉVALUATION 11
1.– Les évaluations ex ante restent rares et confidentielles 11
2.– L’évaluation ex post des dispositifs législatifs est embryonnaire 13
a) Le contrôle de l’application des lois par le Parlement s’est renforcé… 13
b) …mais reste trop souvent centré sur le suivi de l’adoption des textes réglementaires d’application 14
3.– La mesure de la performance prévue par la LOLF n’a pas encore produit les effets escomptés 15
a) Des catégories de dépenses d’un montant considérable échappent à toute mesure de la performance 16
b) De nombreux indicateurs ne mesurent pas réellement la performance 17
c) Les évolutions des indicateurs sont insuffisamment expliquées 17
4.– Les tentatives visant à renforcer l’évaluation des politiques publiques ont jusqu’à présent échoué 17
a) Au sein de l’exécutif 18
b) Au sein du Parlement 21
B.– DES DISPOSITIFS D’ÉVALUATION POURTANT NOMBREUX 22
1.– La mobilisation des dispositifs d’évaluation des politiques publiques dans le domaine de l’emploi 23
a) La coopération entre la Cour des comptes et les commissions des Finances s’est renforcée 23
b) Les audits de modernisation 24
c) La révision générale des politiques publiques 25
2.– Les dispositifs d’évaluation des politiques de l’emploi 25
a) Les travaux de la DARES 25
b) La contribution de l’inspection générale des affaires sociales 27
c) Le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) 29
d) Les centres de recherche indépendants 30
C.– DES INSUFFISANCES DUES À DES CAUSES MULTIPLES 32
1.– Une faible demande d’évaluation de la part des pouvoirs publics 32
2.– Une grande instabilité des dispositifs 33
3.– Les difficultés d’accès aux données rencontrées par les chercheurs 33
4.– Les suites limitées des évaluations 34
II.– PLACER L’ÉVALUATION AU CœUR DES POLITIQUES DE L’EMPLOI 35
A.– FAIRE DE L’ÉVALUATION EX ANTE DES EFFETS ATTENDUS D’UNE MESURE LE PRÉALABLE DE TOUT PROJET DE LOI 35
Proposition n° 1 : Développer l’évaluation ex ante en rendant obligatoires les études d’impact préalables 35
a) L’inscription dans la Constitution de l’obligation d’évaluation préalable est préconisée par plusieurs rapports 35
b) Vos Rapporteurs souscrivent à ces propositions sous réserve de quelques précisions 37
c) Cette proposition devrait préfigurer une réforme ambitieuse de la procédure législative 39
B.– FAIRE DE L’ÉVALUATION EX POST LA CONDITION DU MAINTIEN DES DISPOSITIFS EXISTANTS 40
Proposition n° 2 : Conférer au Parlement le droit de commander des évaluations auprès du Centre d’analyse stratégique et des autres services de l’État 40
Proposition n° 3 : Élaborer un programme annuel d’évaluation au Parlement 41
Proposition n° 4 : Recentrer le débat budgétaire sur la performance 41
C.– ACCROÎTRE LA QUALITÉ DES ÉVALUATIONS 43
Proposition n° 5 : Renforcer le droit d’accès des chercheurs aux fichiers administratifs 43
Proposition n° 6 : Créer un pôle de compétitivité sur l’évaluation des politiques publiques 44
D.– RENFORCER LES SUITES DES ÉVALUATIONS 44
Proposition n° 7 : Renforcer les suites des évaluations grâce à un « débat d’orientation pour l’emploi » annuel 44
CONCLUSION 45
EXAMEN EN COMMISSION 47
LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 55
ANNEXE 1 : Liste des auditions réalisées par vos Rapporteurs 59
ANNEXE 2 : La dépense pour l’emploi 61
Synthèse
L’État consacre chaque année plus de 50 milliards d’euros aux politiques de l’emploi. L’efficacité de ces politiques et des sommes engagées est insuffisamment évaluée. Cette situation dure depuis des décennies, sous des gouvernements de gauche comme de droite. La révision générale des politiques publiques concerne évidemment les politiques de l’emploi, mais elle n’a de chance d’aboutir que si les pouvoirs du Parlement en la matière sont considérablement renforcés.
C’est en partant de ce constat, opéré par les rapporteurs lors de l’examen de la loi de finances pour 2008 et mis en évidence à plusieurs reprises par la Cour des comptes et le Conseil d’orientation de l’emploi, que votre commission des Finances a décidé de créer la présente mission d’information. Celle-ci s’est attachée à opérer un diagnostic des dispositifs existants d’évaluation des politiques publiques en général, et des politiques de l’emploi en particulier, afin de formuler des propositions visant à renforcer l’évaluation.
I. L’évaluation des politiques de l’emploi reste très insuffisante en France en dépit des multiples dispositifs mis en œuvre.
1. Une politique de l’emploi en mal d’évaluation.
Les évaluations ex ante restent rares et confidentielles. Plusieurs circulaires successives du Premier ministre ont tenté d’imposer, depuis 1995, la réalisation d’une étude d’impact préalable pour les projets de loi les plus importants. Ces textes sont restés lettre morte jusqu’à une période récente. Des progrès ont été enregistrés depuis 2006 (30 % des projets de loi ont fait l’objet d’une étude d’impact depuis l’été 2006), mais seules de très rares études ont été transmises au Parlement afin d’éclairer ses débats. Cette situation conduit le Parlement à légiférer sans disposer des éléments essentiels à sa prise de décision.
L’évaluation ex post des dispositifs législatifs reste embryonnaire. Le contrôle de l’application des lois a progressé ces dernières années, avec la modification du règlement de l’Assemblée nationale de février 2004, qui a mis en place un suivi systématique de l’application des lois, et l’article 67 de la loi du 9 décembre 2004 imposant au Gouvernement de déposer un rapport au Parlement sur la mise en application de toute loi dans les six mois suivant son entrée en vigueur. Ces dispositions ne visent cependant que le suivi de l’adoption des textes réglementaires d’application, et n’imposent pas une véritable évaluation.
La mesure de la performance prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) n’a pas encore produit les effets escomptés. La LOLF devrait favoriser le développement d’une culture de l’évaluation des politiques publiques, avec le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats. En pratique, les objectifs et les indicateurs de performances de la mission Travail et emploi ne permettent cependant pas d’évaluer l’efficience des politiques de l’emploi. Des catégories de dépenses d’un montant considérable échappent en effet à toute mesure de la performance. Tel est le cas des dépenses fiscales rattachées à la mission Travail et emploi (9,6 milliards d’euros en 2008, soit l’équivalent de plus des trois quarts de l’ensemble des crédits de la mission), auxquelles un seul indicateur, d’ailleurs non renseigné, est consacré, ainsi que des recettes fiscales compensant au régime général les allègements généraux de cotisations patronales et l’exonération des heures supplémentaires (26,8 milliards d’euros en 2008) et des dotations de décentralisation (1,6 milliard d’euros en 2008). De nombreux indicateurs sont en réalité des indicateurs d’activité, et non d’efficience et ne mesurent pas la performance. Les écarts constatés entre les prévisions initiales et les prévisions actualisées ne font trop souvent l’objet d’aucune explication.
Les tentatives visant à renforcer l’évaluation des politiques publiques au sein de l’exécutif ou du Parlement ont jusqu’à présent échoué. Le décret du 22 janvier 1990 avait mis en place le comité interministériel de l’évaluation et le conseil scientifique de l’évaluation (CSE). Le nombre d’évaluations réalisées a été très modeste (13 entre 1991 et 1998), les délais trop long (trois ans et demi en moyenne) et aucune des études ne semble avoir été suivi d’effet. Le Conseil national de l’évaluation (CNE) créé par le décret du 18 novembre 1998 a mieux fonctionné, mais a cessé de fonctionner depuis 2002, son président et ses membres n’ayant pas été renouvelés à l’échéance de leur mandat. Il a été officiellement supprimé en décembre dernier. Au sein du Parlement, l’office d’évaluation des politiques publiques créé par la loi du 14 juin 1996 s’est également révélé décevant, et a été supprimé par la loi de finances pour 2001.
Contraste avec cet échec, le succès de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) créée par votre commission des Finances en février 1999, ainsi que de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) créée par votre commission des Affaires sociales.
2. Cette insuffisance de l’évaluation ne découle pas d’un manque de moyens ou de compétences.
Les dispositifs d’évaluation des politiques publiques en général, et des politiques de l’emploi en particulier, sont en effet nombreux et de qualité. Les instruments transversaux d’évaluation des politiques publiques peuvent être mobilisés pour analyser les politiques de l’emploi. La Cour des comptes s’est ainsi penchée à plusieurs reprises sur ces dispositifs, et a été saisie de nombreuses demandes d’enquêtes par les commissions des Finances des assemblées (sur la prime pour l’emploi, les exonérations de charges sociales, les contrats aidés, par exemple) en application de l’article 58,2° de la LOLF. Plusieurs audits de modernisation de l’État ont été consacrés aux politiques de l’emploi. La révision générale des politiques publiques concerne également les politiques de l’emploi, qui seront abordées lors du prochain conseil de modernisation des politiques publiques.
Ces dispositifs d’évaluation « de droit commun » sont complétés par des outils spécifiques aux politiques de l’emploi, ou du moins au champ social. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du Travail, des relations sociales et de la solidarité contribue ainsi à l’évaluation des politiques de l’emploi, même si la part de ces crédits consacrés à cette activité reste encore faible (17 % en 2007). L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) exerce également des activités d’évaluation (qui représentent environ 30 % de ses interventions), mais la diversité de ses missions et la faiblesse de ses effectifs exerçant effectivement des fonctions d’évaluation limitent son apport. Le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) créé en 2005 a pour mission, entre autres, d’évaluer les dispositifs d’emploi existants. Il s’agit cependant davantage d’un organisme de « diagnostic partagé » – sa plus value est réelle sur ce point – que d’évaluation. Plusieurs centres de recherche indépendants sont également susceptibles de contribuer à l’évaluation des politiques de l’emploi, parmi lesquels figurent le centre d’études de l’emploi (CEE), le centre de recherche en économie et statistique (CREST), le centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP) et l’École d’économie de Paris (EEP).
3. Des causes multiples expliquent les insuffisances constatées.
Une faible demande d’évaluation de la part des pouvoirs publics doit être déplorée. En effet, il n’existe en effet pas, en France, de centre d’impulsion et de commande d’évaluation au sein de l’exécutif. Les tentatives visant à créer un tel centre interministériel (CSE puis CNE) ont échoué. La création du secrétariat d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques permettra peut-être de changer cet état de fait ; sa création est cependant encore trop récente pour en juger, même si la création de la mission d’évaluation des politiques publiques au sein du centre d’analyse stratégique est déjà un signe positif. Le Parlement, dépourvu de capacités d’évaluation propres, n’a pas pu pallier cette carence gouvernementale.
L’instabilité chronique des dispositifs constitue un deuxième obstacle au développement de l’évaluation en matière d’emploi. Elle empêche d’avoir le recul nécessaire à des évaluations, un dispositif étant remplacé par un autre avant même d’avoir pu être évalué. Cette difficulté s’accompagne trop souvent de données lacunaires, imprécises et tardives, en particulier dans le domaine de la formation professionnelle. Les difficultés rencontrées par les chercheurs dans l’accès aux données contenues dans certains fichiers administratifs (ANPE, Unédic, conseils régionaux, etc.) nuit aussi à la qualité des évaluations.
Les évaluations réalisées n’exercent enfin qu’une influence réduite sur la prise de décision. Elles apparaissent trop souvent tardives, le rythme académique ne correspondant pas au rythme politique, et déconnectée des besoins des décideurs.
II. Placer l’évaluation au cœur des politiques de l’emploi.
À l’issue de ses travaux, la mission d’information formule sept propositions visant à renforcer l’évaluation des politiques de l’emploi en France. Ces recommandations tendent à :
– améliorer l’évaluation ex ante des nouvelles mesures envisagées, en rendant obligatoire la réalisation d’études d’impact préalables (proposition n° 1) ;
– développer l’évaluation ex post des dispositifs existants, en permettant au Parlement de demander des évaluations aux services compétents de l’État (proposition n° 2), en élaborant un programme annuel d’évaluation au Parlement (proposition n° 3) et en recentrant le débat budgétaire sur la performance (proposition n° 4) ;
– accroître la qualité des évaluations, grâce à un accès étendu des chercheurs aux données administratives (proposition n° 5) et à la création d’un pôle de compétitivité consacré à l’évaluation des politiques publiques (proposition n° 6) ;
– renforcer le suivi des évaluations réalisées et la diffusion de leurs résultats, en organisant un « débat d’orientation pour l’emploi » annuel au Conseil économique et social (proposition n° 7).
Ces propositions sont détaillées à la fin du présent rapport.
La création de la présente mission d’information par la commission des Finances de l’Assemblée nationale part du constat, opéré par les co-rapporteurs dans le cadre de leurs rapports spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2008, de l’insuffisante évaluation de l’efficacité des politiques d’emploi en France. Cette situation est préoccupante, compte tenu des sommes considérables engagées par l’État : plus de 50 milliards d’euros en 2008, en incluant les crédits de la mission Travail et emploi, les dépenses fiscales qui en relèvent et les exonérations de charges (1).
Cette faiblesse de l’évaluation a été dénoncée à plusieurs reprises par la Cour des comptes (2) et par le Conseil d’orientation de l’emploi (3). Elle est d’autant plus regrettable que l’évaluation permet non seulement de renforcer l’efficacité des politiques menées, mais aussi de « déminer » le débat politique, ou du moins de le recentrer sur les véritables enjeux grâce à des diagnostics partagés. L’évaluation préalable sert à également lutter contre l’inflation législative, lorsqu’elle démontre qu’une nouvelle législation ou réglementation n’est pas la meilleure réponse au problème identifié.
La mission d’information a pour objet de présenter des propositions visant à renforcer l’évaluation de l’efficacité des politiques de l’emploi. Ces recommandations s’inscrivent dans le cadre des réflexions en cours au sujet de l’évaluation.
Le renforcement des compétences du Parlement en matière d’évaluation des politiques publiques est en effet un sujet d’actualité, qui figure parmi les thèmes abordés dans le cadre de la prochaine révision constitutionnelle.
Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par M. Édouard Balladur a proposé d’inscrire dans la Constitution la mission de contrôle et d’évaluation des politiques qui appartient au Parlement, ainsi que l’assistance que la Cour des comptes lui apporte pour exercer cette mission. Il a également suggéré de modifier l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et les règlements des assemblées afin de créer au sein de chacune un « comité d’audit parlementaire », placé sous l’autorité du président de chaque assemblée et composé notamment des présidents des commissions permanentes, chargé d’organiser les activités de contrôle : programme de travail coordonné ; recours à des moyens internes et externes, publics ou privés ; débats sur les suites à donner.
Le président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, a d’ores et déjà annoncé en janvier 2008 la création d’un comité d’évaluation et de contrôle (4). Ce comité, présidé par le président de l’Assemblée nationale, sera chargé d’attribuer aux commissions et aux délégations des moyens nouveaux en crédits d’études ou sous forme de collaborations extérieures temporaires lorsque les missions d’évaluation et de contrôle dont elles prennent l’initiative requièrent de tels moyens. Il comprendra, outre le Président, 8 députés membres du Bureau et 4 députés représentant les groupes politiques. Il désignera en son sein deux vice-présidents appartenant l’un à la majorité, l’autre à l’opposition.
Le Président de la République a par ailleurs souhaité, à l’occasion du bicentenaire de la Cour des comptes le 5 novembre dernier, que celle-ci devienne « le grand organisme d’audit et d’évaluation des politiques publiques dont notre État a besoin ». Il a demandé au Premier président de la Cour de lui remettre un rapport sur la création d’un « grand organisme d’audit » dans un délai de trois mois.
La mission d’information, s’inscrivant dans le cadre de ces travaux et dans la logique qui est celle de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), a analysé les dispositifs d’évaluation existants et a retenu, à l’issue de ce panorama, sept propositions, s’inspirant des bonnes pratiques de nos partenaires, pour placer l’évaluation au cœur des politiques de l’emploi.
I.– L’ÉVALUATION DES POLITIQUES DE L’EMPLOI RESTE TRÈS INSUFFISANTE EN DÉPIT DES MULTIPLES DISPOSITIFS MIS EN OEUVRE
L’évaluation a été définie par le décret n° 90-82 du 22 janvier 1990 relatif à l’évaluation des politiques publiques comme ayant « pour objet de rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés ». Cette définition a légèrement évolué avec le décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l’évaluation des politiques publiques, qui confère à l’évaluation l’objet d’apprécier « l’efficacité [d’une politique publique] en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre ».
Ainsi définie, l’évaluation des dispositifs et politiques de l’emploi reste insuffisante en France, en dépit de progrès récents, et n’exerce qu’une influence réduite sur la prise de décision publique. Cette insuffisance ne s’explique pas par un manque de moyens ou de compétences – les dispositifs d’évaluation existants sont nombreux et de qualité – mais tiennent pour l’essentiel à l’organisation de l’évaluation des politiques publiques, en particulier des politiques de l’emploi.
A.– UNE POLITIQUE DE L’EMPLOI EN MAL D’ÉVALUATION
La prise de décision en matière d’emploi s’appuie trop rarement sur des évaluations ex ante des mesures envisagées ou sur des évaluations ex post des dispositifs existants. La démarche de performance introduite par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) n’a guère changé, jusqu’à présent, cet état de fait en dépit de ses potentialités.
1.– Les évaluations ex ante restent rares et confidentielles
Plusieurs tentatives ont eu pour objet de développer une culture d’évaluation préalable à l’élaboration de nouvelles réglementations. Peuvent notamment être citées en ce sens :
– la circulaire du 21 novembre 1995 du Premier ministre relative à l’expérimentation d’une étude d’impact accompagnant les projets de loi et de décret en Conseil d’État, par laquelle le Premier ministre avait entendu imposer l’élaboration d’une étude d’impact lors de l’élaboration des projets de loi, à l’exception des projets de lois de finances, et des principaux projets de décret ;
– la circulaire du 26 janvier 1998 du Premier ministre relative à l’étude d’impact des projets de loi et de décret en Conseil d’État, qui pérennise le dispositif précédent, en insistant sur la modulation du degré de détail et d’analyse des études en fonction de l’importance des mesures proposées ;
– la circulaire du 26 août 2003 du Premier ministre relative à la maîtrise de l’inflation normative et à l’amélioration de la qualité de la réglementation, complété par la circulaire du 30 septembre 2003 relative à la qualité de la réglementation.
Les deux circulaires de 2003 imposent la réalisation d’une étude d’impact en priorité pour les textes susceptibles d’affecter de façon significative la situation des administrés (le nombre de destinataires, l’importance des enjeux de société en cause ou l’ampleur des conséquences financières font partie des critères pertinents).
Ces textes n’ont pas produit les effets escomptés. Les études réalisées relèvent parfois davantage de la justification et que l’analyse critique. Leur nombre reste faible, des projets de loi importants ne faisant encore l’objet d’aucune étude d’impact. Plusieurs rapports ont souligné ces faiblesses : rapport du groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation présidé par M. Mandelkern (2002), rapport public 2006 du Conseil d’État, rapport du groupe de travail chargé d’une réflexion sur les suites du rapport public 2006 du Conseil d’État (5).
Les efforts engagés depuis 2006 ont entraîné une augmentation de la proportion des projets de loi accompagnés d’une étude d’impact, qui se situe à environ 30 % sur la période allant de juin 2006 à aujourd’hui. Ce taux reste cependant faible et aucune de ces études n’a été transmise aux assemblées.
Cette situation conduit le Parlement à légiférer sans disposer des éléments essentiels à la prise de décision. Quelques illustrations récentes peuvent en être rappelées :
– la loi de finances pour 2008 a pérennisé le dispositif d’aides au secteur des cafés, hôtels, restaurants (HCR) pour un coût de 555 millions d’euros en 2008. Aucune évaluation de l’efficacité de ces aides n’a été effectuée, ou du moins communiquée, par le Gouvernement. Le seul élément mis à la disposition de la représentation nationale (il s’agit de l’indicateur de performance n° 8.1 du projet annuel de performances, comparant la croissance de l’emploi dans le secteur HCR à celle de l’emploi dans l’ensemble des secteurs concurrentiels) tend à suggérer un coût par emploi créé de l’ordre de 470 000 euros (6) ;
– l’article 130 de la même loi a supprimé l’aide au remplacement des salariés partis en congé maternité. Cette aide, créée sur l’initiative du Gouvernement par la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006, venait d’être mise en place avec la publication du décret n° 2007–414 du 23 mars 2007. Aucune évaluation de son efficacité n’a été fournie pour justifier sa suppression ;
– aucune étude d’impact préalable n’a été transmise au Parlement sur des projets de loi aussi importants que le projet de loi en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat (dit TEPA) ou le projet de loi relatif à la réforme du service public de l’emploi.
2.– L’évaluation ex post des dispositifs législatifs est embryonnaire
L’évaluation institutionnelle ex post des dispositifs législatifs en matière d’emploi reste embryonnaire. D’une manière générale, le contrôle de l’application des lois s’est certes étoffé, mais reste trop souvent interprété comme un simple suivi de la publication des textes réglementaires d’application.
a) Le contrôle de l’application des lois par le Parlement s’est renforcé…
La pratique du contrôle de la publication des textes réglementaires d’application est ancienne au Sénat, où le premier rapport d’application des lois a été publié en 1972. Ce rapport se fonde sur un recensement effectué par chaque commission permanente (7).
À l’Assemblée nationale, une pratique similaire n’existait que dans le domaine fiscal, où ce contrôle est exercé chaque année par le rapporteur général de la Commission des finances. Ce n’est qu’en février 2004, à la suite d’une révision du règlement de l’Assemblée (RAN) opérée sur l’initiative de M. Jean-Luc Warsmann, qu’un suivi systématique de l’application des lois a été mis en place. Ce suivi est confié aux rapporteurs du projet ou de la proposition de loi concernés ou, à défaut, à un autre député nommé à cet effet par la commission compétente, qui doit présenter dans les 6 mois un rapport sur la mise en application de la loi.
L’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit a par ailleurs généralisé l’obligation pour le Gouvernement de présenter un rapport au Parlement sur la mise en application de toute loi, dans les six mois suivant son entrée en vigueur. Ce rapport est cependant davantage centré sur le contrôle de l’adoption des textes réglementaires et des circulaires nécessaires pour la mise en œuvre de ladite loi que sur l’évaluation. Au 15 mai 2007, le Gouvernement avait publié 53 de ces rapports soit 57 % du nombre total requis.
L’obligation de prendre rapidement les mesures réglementaires nécessaires à l’application de la loi a par ailleurs été rappelée dans une circulaire récente du Premier ministre en date du 29 février 2008 relative à l’application des lois. Ce texte demande à chaque ministre de mettre en place, au sein de son administration centrale, une structure clairement identifiée qui sera responsable de la coordination du travail d’application des lois ainsi que l’adoption d’un échéancier prévisionnel pour la préparation des décrets après le vote de chaque nouvelle loi. Cet échéancier ainsi qu’un bilan semestriel (mis en ligne sur internet et remis à la presse) seront transmis aux assemblées.
b) …mais reste trop souvent centré sur le suivi de l’adoption des textes réglementaires d’application
Le Gouvernement interprète l’article 67 de la loi du 9 décembre 2004 comme lui imposant seulement de présenter un rapport portant sur le suivi de l’adoption des textes réglementaires d’application de la loi.
L’article 86, dernier alinéa, du Règlement de l’Assemblée nationale ne mentionne lui aussi que le suivi de la publication des textes réglementaires. En pratique, heureusement, les rapports parlementaires d’application comportent fréquemment une évaluation des effets et l’impact des décisions adoptées, au regard des objectifs et des moyens mobilisés. Dans certaines commissions, deux co-rapporteurs issus de la majorité et de l’opposition sont nommés (8), contribuant à renforcer l’efficacité du contrôle exercé. Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République a suggéré d’inscrire cette pratique dans les règlements des assemblées. Il a également proposé que les « contrôleurs juridiques » institués dans chaque ministère puissent faire rapport chaque année aux commissions permanentes sur l’application des lois.
C’est en raison de ces limites de l’obligation systématique de suivi du contrôle de l’application des lois que le législateur impose, de plus en plus fréquemment, au Gouvernement de remettre un rapport d’évaluation de l’ensemble ou de certaines dispositions de la loi adoptée. Peuvent être cités, à titre d’illustration, parmi les textes récents :
– les articles 12 (9), 14, 51, 52, 58 de la loi n° 2007–290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale ;
– l’article 50 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion (RMI) (10) ;
– l’article 79 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a prévu la réalisation d’un bilan sur la mise en oeuvre du volet mutations économiques du plan de cohésion sociale (portant en particulier sur l’obligation triennale de négocier sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la convention de reclassement personnalisé et l’obligation de revitalisation (11)).
Le respect de ces dispositions est cependant mal assuré. Le dernier rapport du Sénat sur l’application des lois souligne ainsi qu’au cours de l’année parlementaire 2006–2007, aucun des 40 rapports parlementaires (d’évaluation ou autre) demandés au Gouvernement n’a été remis au Parlement. La commission des Affaires sociales du Sénat indique ainsi que seuls 42 rapports sur 102 ont été effectivement remis au Parlement de 1997-1998 à 2005-2006 (soit un taux de 41 % seulement).
3.– La mesure de la performance prévue par la LOLF n’a pas encore produit les effets escomptés
La LOLF devrait favoriser le développement d’une culture de l’évaluation des politiques publiques. Elle a consacré le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats, reposant sur une gestion par la performance. Les lois de finances doivent, depuis 2006, tenir compte des objectifs et des programmes qu’elles déterminent. Aux programmes budgétaires sont associés « des objectifs précis, définis en fonction de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une évaluation » (article 7). Parmi les annexes accompagnant le projet de loi de finances doivent figurer pour chaque programme un projet annuel de performances précisant notamment la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié. De même, des rapports annuels de performances doivent désormais être annexés au projet de loi de règlement, exposant par programme les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés.
En pratique, trois catégories d’objectifs et d’indicateurs associés ont été retenues :
– les objectifs d’efficacité socio-économique correspondent au bénéfice attendu de l’action de l’État par le citoyen en termes de modification de l’environnement économique, social, écologique, sanitaire, culturel, etc. Exemple : un objectif associé au programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi est « favoriser le développement de secteurs à forts potentiels d’emploi » ;
– les objectifs de qualité de service énoncent la qualité attendue du service rendu à l’usager. Exemple : un objectif associé au programme Accès et retour à l’emploi est « rapprocher les services offerts par l’ANPE et l’Unédic » ;
– les objectifs d’efficience de gestion expriment l’optimisation attendue dans l’utilisation des moyens en rapportant les biens et services délivrés par l’administration ou son activité aux ressources employées à cette fin. Exemple : un objectif d’efficience associé au programme Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail est « optimiser la gestion des moyens de fonctionnement ».
La LOLF a marqué un progrès certain. Cependant, le projet annuel de performances et le rapport annuel de performances de la mission Travail et emploi ne permettent pas, en l’état, d’évaluer l’efficience des politiques de l’emploi, en raison de l’absence de mesure de la performance de pans entiers de dépenses, de l’insuffisance des indicateurs eux-mêmes et/ou parce qu’ils restent insuffisamment renseignés.
a) Des catégories de dépenses d’un montant considérable échappent à toute mesure de la performance
L’absence de mesure de la performance des dépenses fiscales rattachées à la mission Travail et emploi constitue l’une des lacunes les plus importantes du dispositif. Ces dépenses représentent 9,6 milliards d’euros en 2008, soit l’équivalent de plus des trois quarts (78 %) de l’ensemble des crédits de la mission. Un seul indicateur est relatif à ces dépenses – il s’agit de l’indicateur n° 2.4 relatif à la part des bénéficiaires de la prime pour l’emploi (PPE) précédemment au chômage ou inactifs (12) – et il n’est d’ailleurs pas renseigné (alors que la PPE représente à elle seule 4,2 milliards d’euros, soit l’équivalent de près du tiers des crédits budgétaires de la mission…).
Les recettes fiscales compensant au régime général les allégements généraux de cotisations patronales et, depuis le 1er octobre 2007, l’exonération des heures supplémentaires ne font elles aussi l’objet d’aucune mesure de la performance. Ces transferts de recettes représentent, pour leur part, 26,84 milliards d’euros (soit plus de deux fois le montant des crédits de la mission). La mesure de la performance de ces dépenses nécessiterait peut-être une méthodologie particulière, mais elle n’est pas inenvisageable puisque de nombreux travaux évaluent l’efficacité de ces dispositifs (13).
Les dotations de décentralisation qui compensent aux régions les compétences qui leur ont été transférées en matière de formation professionnelle ne font l’objet d’aucune mesure de la performance (14). Or ces dotations connaissent une progression relativement dynamique et représentent un montant important (1,68 milliard d’euros en 2008).
b) De nombreux indicateurs ne mesurent pas réellement la performance
Trop d’indicateurs sont de simples indicateurs d’activité, et non d’efficience. Tel est le cas, par exemple, de l’indicateur n° 2.3 du programme Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail relatif au nombre de substances chimiques évaluées par l’agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) ou l’indicateur n° 1.1 du programme Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail relatif à la part des crédits disponibles délégués à l’ensemble des BOP régionaux dans les deux premiers mois de l’année.
c) Les évolutions des indicateurs sont insuffisamment expliquées
Les écarts constatés entre les prévisions initiales figurant dans le projet annuel de performances de l’année n et les prévisions actualisées figurant dans le projet annuel de performances de l’année n + 1, parfois très significatifs, ne font le plus souvent l’objet d’aucun commentaire ou explication.
Il en est ainsi, par exemple, du sous-indicateur associé à l’indicateur n° 4.1 du programme Accès et retour à l’emploi relatif au taux d’insertion dans l’emploi durable, six mois après la sortie, des titulaires d’un contrat d’avenir bénéficiaires du RMI : la prévision 2007 initiale était de 26 %, la prévision 2007 actualisée est de 16 % (soit un écart de 10 points représentant une chute de 38 %), sans qu’aucune explication ne soit fournie sur ce différentiel. Il en va de même du sous-indicateur relatif aux titulaires d’un contrat d’avenir bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité (écart de 10 points).
En l’absence de toute explication sur son évolution, l’indicateur le mieux construit et le plus pertinent perd toute utilité pour le contrôle parlementaire.
Ces critiques ne cependant doivent pas masquer les progrès réalisés dans la mesure de la performance, qui reste une démarche récente. De plus en plus d’indicateurs sont satisfaisants et bien renseignés. L’apparition d’indicateurs comparant les taux d’insertion de populations cibles avec une population témoin (tel que l’indicateur n° 4.2 du programme Accès et retour à l’emploi, relatif au taux d’insertion dans l’emploi durable, 18 mois après la sortie des CIE, CAE, contrats d’avenir et CI-RMA comparativement à une population témoin) constitue par exemple une avancée qui doit être saluée.
4.– Les tentatives visant à renforcer l’évaluation des politiques publiques ont jusqu’à présent échoué
Plusieurs tentatives visant à renforcer l’évaluation des politiques publiques grâce à la mise en place de dispositifs transversaux au sein de l’exécutif ou du Parlement ont eu des résultats mitigés.
● Le décret du 22 janvier 1990 : le comité interministériel de l’évaluation (CIME) et le conseil scientifique de l’évaluation
Le décret n° 90-82 du 22 janvier 1990 avait mis en place un comité interministériel de l’évaluation (CIME) et un conseil scientifique de l’évaluation (CSE). Le CIME, présidé par le Premier ministre et composé des ministres de l’économie et des finances, de l’intérieur, du budget, de ceux chargés du Plan et des réformes administratives et des ministres concernés par l’ordre du jour, était chargé de développer et de coordonner les initiatives gouvernementales en matière d’évaluation des politiques publiques. Le CIME arrêtait, sur avis favorable du CSE, les projets d’évaluation bénéficiant du fonds national de développement de l’évaluation. Il pouvait être saisi par le Premier ministre, les ministres, le Conseil d’État, la Cour des comptes et le Médiateur de la République (mais pas par le Parlement ou par le Conseil économique et social). Le CIME décidait de l’affectation du fonds national de développement, auquel le Conseil économique et social pouvait également faire appel dans la limite d’un cinquième de sa dotation annuelle pour faire procéder à des travaux d’évaluation, sous réserve de l’avis favorable du CSE. Il délibérait sur les suites à donner aux évaluations menées. Son secrétariat était assuré par le Commissariat général au Plan.
Le CSE était composé de onze personnalités nommées pour un mandat de six ans non renouvelable par arrêté du Premier ministre et choisies en raison de leurs compétences en matière d’évaluation ou dans le domaine des sciences économiques, sociales ou administratives. Il était obligatoirement consulté sur toutes les études susceptibles de bénéficier du financement du fonds national de développement de l’évaluation.
Ce dispositif s’est révélé décevant. Le nombre d’évaluations a été très modeste : 13 ont été réalisées entre l’entrée en vigueur et la réforme du dispositif en 1998 (15). Les délais de réalisation des évaluations demandées, de l’ordre de 3 ans et demi, ont diminué l’intérêt des travaux. Aucune des études ne semble avoir été suivie d’effets ou avoir suscité un débat public. Les dernières évaluations arrêtées par le CIME l’ont été en 1993. Comme le relève le rapport d’information de la délégation du Sénat pour la planification sur l’évaluation des politiques publiques en France, « le dispositif s’est éteint faute de participants, c’est-à-dire faute de commandes » (16).
● Le décret du 18 novembre 1998 : le Conseil national de l’évaluation
Le décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l’évaluation des politiques publiques a réformé le dispositif mis en place en 1990. La procédure a été simplifiée grâce à la suppression du comité interministériel de l’évaluation (CIME) et du CSE, qui ont été remplacés par une sorte d’autorité administrative indépendante, dotée de davantage d’autonomie : le Conseil national de l’évaluation (CNE). Le CNE était composé de quatorze membres nommés pour un mandat de trois ans renouvelable une fois : six personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences en matière d’évaluation et dans le domaine des sciences économiques, sociales ou administratives, un membre du Conseil d’État nommé par celui-ci ; un membre de la Cour des comptes désigné par celle-ci : trois membres du Conseil économique et social désignés par celui-ci ; un maire, un conseiller général et un conseiller régional désignés au vu des propositions faites par les associations représentatives concernées.
Le CNE proposait, chaque année, au Premier ministre le programme d’évaluation. Il recevait, à cet effet, les projets d’évaluation que lui transmettaient le Premier ministre, les ministres, le Conseil d’État, la Cour des comptes, le Conseil économique et social, le Médiateur de la République, les collectivités territoriales et les associations représentatives des maires, des présidents de conseil général et des présidents de conseil régional. Le champ d’application de l’évaluation avait été élargi aux collectivités territoriales. Le programme arrêté par le Premier ministre déterminait les projets retenus, leur contenu, le mode de composition de l’instance d’évaluation chargée de le conduire, les modalités de sa mise en œuvre, les critères en vertu desquels seront choisis les opérateurs publics ou privés chargés de procéder à l’évaluation, le délai de sa réalisation, son coût et les modalités de financement.
Les instances d’évaluation transmettaient leurs rapports au CNE, qui disposait d’un délai de deux mois pour formuler un avis sur la qualité des travaux effectués. Il adressait les rapports d’évaluation, assortis de cet avis, aux administrations intéressées, qui lui faisaient connaître dans un délai de trois mois les suites qu’ils envisageaient de donner à ces rapports. Au terme de ce délai, les rapports d’évaluation étaient rendus publics. Ils comportaient en annexe l’avis du CNE et les réponses des administrations intéressés. Le CNE remettait au Premier ministre un rapport annuel d’activité. La transparence du dispositif avait ainsi été accrue.
Le Commissariat général au Plan (CGP, devenu depuis le centre d’analyse stratégique) assurait le secrétariat du CNE, dont le rapporteur général était nommé par le Premier ministre sur proposition du directeur général du CGP. Le Commissariat général au Plan proposait au Premier ministre les suites à donner aux évaluations en ce qui concerne l’État (rien n’étant précisé pour les autres organismes concernés). Il favorisait le développement de l’évaluation et contribuait à la formation dans ce domaine.
Le fonds national de développement était maintenu. Ses crédits étaient inscrits au budget des services du Premier ministre, au titre du Centre d’analyse stratégique.
Le décret du 3 juin 1998 était complété par la circulaire du Premier ministre du 28 décembre 1998 sur l’évaluation des politiques publiques. Elle prévoyait notamment la désignation d’un haut fonctionnaire chargé de l’évaluation au sein de chaque ministère, correspondant du CGP et du CNE. Le texte recommandait également de limiter la durée des évaluations à un an, sauf dans les cas exceptionnels où cette durée peut être portée à dix-huit mois.
Quinze évaluations ont été engagées sous l’égide du CNE entre 1999 et 2001 (17). Elles ont porté sur les thèmes suivants :
– les nouveaux services emplois jeunes dans le secteur de la jeunesse et des sports ;
– les aides à l’emploi dans le secteur non marchand (18) ;
– la préservation de la ressource destinée à la production d’eau potable ;
– la lutte contre le sida ;
– le logement social dans les DOM ;
– la formation continue des agents de l’État ;
– la mise en œuvre de la politique nationale de sécurité routière par les systèmes locaux de sanction ;
– le développement rural ;
– les fonds structurels et les politiques régionales ;
– le service public des déchets ménagers ;
– les aides aux très petites entreprises ;
– la pratique du recours à des opérateurs externes pour la mise en œuvre des politiques actives d’emploi ;
– le transport combiné rail/route ;
– une étude de faisabilité d’une évaluation sur les politiques d’amélioration de l’accès à la prévention ;
– la politique de contractualisation avec les universités.
Le CNE a estimé cependant avoir été confronté à des difficultés importantes. Il soulignait ainsi dans son 2e rapport d’activité « la difficulté pour les ministères de passer d’une simple intention d’évaluer à un véritable projet d’évaluation » et regrette que « les différents ministères ne consacrent pas assez de temps à ces démarches interministérielles ». Le CNE a cessé son activité à partir de mars 2002, son président et ses membres n’ayant pas été renouvelés à l’échéance de leur mandat triennal.
Sa suppression a été annoncée lors du premier conseil de modernisation des politiques publiques, qui s’est tenu le 12 décembre 2007. Ses missions seront « reprises sous une autre forme dans le cadre d’un renforcement de l’évaluation des politiques publiques ». La création de la mission d’information des politiques publiques et la montée en puissance de la fonction évaluative du centre d’analyse stratégique vont dans ce sens.
L’expérience du CNE a, en dépit de ces résultats mitigés, joué un rôle positif car elle a contribué à renforcer la « culture de l’évaluation » au sein de l’administration française. Sur ce point, d’autres initiatives, telles que l’action menée par la société française de l’évaluation (SFE), exercent une influence très positive qui mérite d’être soulignée (19).
● L’échec de l’office d’évaluation des politiques publiques…
Le Parlement a créé plusieurs offices d’évaluation, parfois communs aux deux assemblées : office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, office d’évaluation de la législation, office d’évaluation des politiques publiques, office d’évaluation des politiques de santé. Comme le souligne le rapport du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, précité, « le bilan d’activité de ces instances est contrasté, au point que l’office d’évaluation des politiques publiques a été supprimé en 2001 faute d’avoir démontré son utilité ». Cet échec repose sur une série de facteurs, tenant à la structure bicamérale de ces organismes (ayant conduit à des blocages en période de cohabitation), à un faible recours aux services d’experts extérieurs, à la faible mobilisation des parlementaires et à la faiblesse du rôle de l’opposition dans ces organismes.
L’office parlementaire d’évaluation des politiques publiques, créé par la loi n° 96-517 du 14 juin 1996, était composé d’une délégation par assemblée, comportant le Président et le Rapporteur général de la commission des Finances et un représentant de chacune des commissions permanentes. Les huit autres membres étaient désignés par les groupes politiques. Sa présidence était assurée, en alternance et pour un an, par les présidents des commissions des finances. L’office pouvait être saisi par le bureau de l’une des assemblées, par un président de groupe, par une commission permanente ou spéciale ou se saisir de sa propre initiative. Il pouvait faire appel à des personnes ou à des organismes choisis en fonction de leurs compétences dans le domaine concerné. Le faible nombre de ses rapports, et les difficultés suscitées par sa composition bicamérale et la lourdeur de la procédure ont conduit à sa suppression par l’article 94 de la loi de finances pour 2001.
● … contraste avec le succès de la MEC et de la MECSS
La mission d’évaluation et de contrôle (MEC), créée par la commission des Finances de l’Assemblée nationale en février 1999 à la suite des conclusions du groupe de travail sur le contrôle parlementaire et l’efficacité de la dépense publique, a connu un plus grand succès. Coprésidée par un membre de la majorité et un membre de l’opposition, la MEC travaille en collaboration avec la Cour des comptes. Elle confie la plupart du temps ses rapports à deux co-rapporteurs, issus de la majorité et de l’opposition. Son existence a été consacrée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dont l’article 60 impose au Gouvernement de répondre aux conclusions de la MEC dans un délai de deux mois. Ses conclusions et recommandations font généralement l’objet d’un suivi, après un an, sous la forme d’un rapport ou d’une communication.
Une mission semblable a été créée au sein de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, en application de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie : la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). L’article L.O. 111-9-3 du code de la sécurité sociale impose au Gouvernement de répondre dans un délai de deux mois aux observations formulées par la MECSS.
B.– DES DISPOSITIFS D’ÉVALUATION POURTANT NOMBREUX
Cette insuffisance de l’évaluation ne découle pas d’un manque de moyens ou de compétences. Les instruments de l’évaluation sont en effet nombreux et de qualité. La France a des chercheurs de renommée internationale et les évaluations menées sont d’un niveau technique élevé, reposant souvent sur des innovations méthodologiques ou utilisant les méthodes les plus perfectionnées (telles que la méthode des variables instrumentales et les expérimentations contrôlées).
L’évaluation des politiques de l’emploi peut reposer sur les outils d’évaluation transversaux des politiques publiques ou sur des dispositifs ad hoc.
1.– La mobilisation des dispositifs d’évaluation des politiques publiques dans le domaine de l’emploi
a) La coopération entre la Cour des comptes et les commissions des Finances s’est renforcée
L’article 58 de la LOLF a renforcé la coopération entre les commissions des Finances et la Cour des comptes.
L’article 58,1° a consacré la collaboration que la juridiction financière apportait, depuis 1999, aux travaux de la MEC. Cette assistance constitue désormais une obligation pour la Cour, lorsque la demande en est formulée par le Président ou le Rapporteur général de la commission des Finances.
L’article 58,2°, a par ailleurs repris et élevé au rang organique une procédure déjà prévue à l’art. L.132-4 du code des juridictions financières, en prévoyant la réalisation par la Cour des comptes des enquêtes demandées par les commissions chargées des finances. Les conclusions de ces enquêtes doivent être communiquées par la Cour dans un délai de huit mois après la formulation de la demande de la commission des Finances, qui statue sur sa publication.
L’entrée en vigueur de l’art. 58 de la LOLF a entraîné une multiplication des demandes d’enquêtes adressées à la Cour des comptes, généralement au nombre de 5 à 6 par an. Les thèmes sont choisis par le bureau de la commission des Finances, à partir des suggestions formulées par les rapporteurs spéciaux. Parmi les enquêtes réalisées par la Cour à la demande de la commission des Finances figurent notamment des enquêtes relatives :
– au fonctionnement des services départementaux de l’architecture et du patrimoine ;
– à la gestion des personnels et établissements publics relevant de la tutelle du ministère chargé de la culture ;
– aux moyens consacrés à la sécurité maritime et au contrôle des navires ;
– aux régimes spéciaux de retraite ;
– à la gestion et à l’utilisation des aides au transport aérien outre-mer ;
– aux actions de formation continue des universités ;
– à la prime pour l’emploi ;
– à l’immobilier du ministère de la défense ;
– aux exonérations de charges sociales.
La plupart des études sont désormais publiées sous la forme d’un rapport d’information, comportant un bref exposé du rapporteur spécial concerné, suivi du compte rendu de la réunion de la commission au cours de laquelle les résultats de l’enquête ont été présentés, puis de l’enquête elle-même.
L’une des dispositions envisagées dans la proposition de loi organique relative aux lois de finances, qui prévoyait la transmission du projet de programme de contrôles de la Cour des comptes aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des Finances afin qu’ils formulent un avis sur celui-ci, a en revanche été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 sur le fondement de l’indépendance des juridictions.
La Cour des comptes transmet également aux commissions des Finances des assemblées (ainsi qu’aux commissions chargées des Affaires sociales depuis la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008) la plupart des communications qu’elle adresse aux ministres.
Votre commission des Finances a ainsi reçu les référés de la Cour des comptes sur le « contrat jeunes en entreprises » de juillet 2007, qui a été extrêmement utile pour l’examen de l’article rattaché 52 du projet de loi de finances pour 2008 supprimant ce dispositif, et plus récemment le référé sur la perspective d’une fusion de l’ANPE et de l’Unédic, qui lui a malheureusement été transmis quelque peu tardivement compte tenu du calendrier fortement contraint d’adoption du projet de loi relatif à la réforme du service public de l’emploi (20).
b) Les audits de modernisation
Plusieurs campagnes d’audits de modernisation de l’État ont été lancées par la circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2005, complétée par la circulaire du Premier ministre du 29 septembre 2005 puis par celle du 13 juillet 2006. À ce jour, sept vagues d’audits se sont succédées, soit 167 audits couvrant près de 150 milliards d’euros de dépenses. Les équipes d’audits associent des membres des corps de contrôle ministériels, des membres de corps de contrôle interministériels et, si nécessaire, des consultants extérieurs à l’administration.
Seuls trois audits de modernisation concernent directement les politiques de l’emploi. Ils portent sur :
– la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle (en cours) ;
– les aides à la création d’entreprises (en cours) ;
– la gestion de l’allocation de solidarité spécifique (juin 2006, enquête IGF-IGAS avec le concours du cabinet Ernst & Young), qui a connu des suites concrètes.
c) La révision générale des politiques publiques
La révision générale des politiques publiques (RGPP), officiellement lancée le 10 juillet dernier par le Premier ministre, consiste à passer au crible les dépenses de l’État, afin de remettre à plat l’ensemble des missions de l’État, pour adapter les administrations aux besoins des citoyens. 26 équipes d’audit, composées d’auditeurs issus des inspections générales interministérielles et ministérielles et du secteur privé, ont été constituées afin d’identifier les pistes de réforme adéquates. L’emploi et la formation professionnelle font partie des thèmes retenus. Les propositions de réforme élaborées par ces équipes d’audit sont examinées par le comité de suivi de la RGPP, puis par le Conseil de la modernisation des politiques publiques, réuni autour du Président de la République. Chaque ministre est ensuite chargé de mettre en œuvre les réformes décidées dans son ministère. Ce processus s’inspire de la revue des programmes menée au Canada entre 1994 et 1998.
Le premier conseil de modernisation des politiques publiques s’est réuni le 12 décembre 2007. L’emploi et la formation professionnelle seront abordés lors du prochain Conseil.
Une revue générale des prélèvements obligatoires (RGPO) complétant cette démarche est également lancée au début de l’année 2008.
2.– Les dispositifs d’évaluation des politiques de l’emploi
Les dispositifs « de droit commun » d’évaluation des politiques publiques sont complétés par des dispositifs ou structures ad hoc d’évaluation des politiques de l’emploi.
La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du Travail, des relations sociales et de la solidarité a été créée en 1993, succédant au service des études et de la statistique (SES). Elle est dotée depuis 1997 d’une sous-direction du suivi et de l’évaluation des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle, qui témoigne de la volonté de développer son activité d’évaluation.
Les missions de la DARES ne se limitent pas à l’évaluation et incluent :
– la production et la diffusion de données statistiques (en liaison avec l’INSEE) et d’études ;
– l’animation de la recherche : la DARES développe des actions visant à mobiliser les organismes de recherche sur les questions de travail, de chômage et de formation professionnelle ;
– la coordination des programmes d’études et de recherche : la DARES élabore le programme annuel d’ensemble des opérations statistiques et des études, évaluations et recherches ;
– le développement des méthodologies d’évaluation ;
– l’animation des services déconcentrés en matière de statistiques, d’études et d’évaluation, c’est-à-dire des services études, prospective, évaluation, statistiques (SEPES) des directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP).
La plupart des travaux de la DARES sont mis en ligne sur le site Internet du ministère (21). La DARES regroupe 192 personnes, dont 115 cadres et le total des emplois équivalent temps plein de la DARES et des SEPES s’élèvent à 368 ETPT. Le budget 2008 de la DARES est 7,2 millions d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoute 1,3 million d’euros pour les SEPES des DRTEFP.
L’activité d’évaluation proprement dite occupe une part finalement réduite de l’activité de la DARES, en raison de l’importance de sa mission de suivi statistique. Le programme d’évaluation 2008 inclut, pour un coût de 1,14 million d’euros en crédits de paiement et de 2,32 millions d’euros en autorisations d’engagement, des actions relatives au contrat de transition professionnelle et aux conventions de reclassement personnalisé (0,12 million), le rôle des maisons de l’emploi (0,1 million), l’apport des opérateurs de placement privé dans l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi (0,15 million), l’accompagnement par des opérateurs privés des jeunes diplômés (0,15 million), des enquêtes par panels auprès des bénéficiaires des contrats aidés, ainsi que l’enquête annuelle sur le contrat nouvelles embauches (0,13 million).
La DARES a pour objectif d’augmenter la part des crédits finançant des travaux d’évaluation. La part des crédits affectés à évaluations, en autorisations d’engagement, est ainsi passée de seulement 7 % en 2006 à 32 % en 2007. L’augmentation de la part des crédits consommés est cependant moins significative : elle est passée de 15 % en 2006 à 17 % en 2007. La DARES explique cette moindre consommation par la complexité du processus d’élaboration scientifique des appels d’offres (passage devant le conseil national de l’information statistique, mise en place du comité de pilotage, définition du cahier des charges) et les difficultés d’accès à certaines données.
La mise en place d’un conseil scientifique de la mission Travail et emploi en 2006 chargé de veiller à la pertinence et à la qualité scientifique des travaux d’études et de recherches menés ou financés par la DARES, ainsi que la rénovation de la procédure d’élaboration de son programme de travail, devraient également contribuer à renforcer la place de l’évaluation au sein de son activité et à mieux répondre aux attentes des utilisateurs des études.
Parmi les publications de la DARES figurent notamment :
– la collection « Premières informations et Premières synthèses », d’une périodicité hebdomadaire, est un outil précieux pour le suivi des politiques de l’emploi. Elle relève davantage du suivi commenté des principaux indicateurs du marché du travail, des salaires, des conditions de travail, etc. et des études statistiques que d’une véritable évaluation. Certains numéros permettent cependant d’évaluer des dispositifs des politiques de l’emploi : peuvent être cités en ce sens, parmi les publications récentes, l’étude du devenir des bénéficiaires de l’ACCRE en 2004 (22), des bénéficiaires du CIVIS (23) ou du « contrat jeunes en entreprise » (24) ou des zones franches urbaines (25) ;
– les documents d’études, qui sont le fruit d’enquêtes aboutissant à de véritables évaluations. La DARES a publié récemment, par exemple, une évaluation du dispositif d’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACCRE) en février 2008 (26), une étude de l’effet des allégements de cotisations sociales sur la politique salariale des entreprises à l’égard des travailleurs à bas salaires (27) ou encore une étude sur les dispositifs d’accompagnement des restructurations (28) ;
– les « dossiers de la DARES » présentent régulièrement un bilan de la politique de l’emploi, très intéressant mais avec un décalage important (le dernier numéro date de 2006 et dresse le bilan de la politique de l’emploi en 2004 (29)).
b) La contribution de l’inspection générale des affaires sociales
L’IGAS a été créée en 1967 par le regroupement de deux corps d’inspection générale (l’inspection générale de la santé et de la population et l’inspection générale de la sécurité sociale) et du dernier grade du corps de l’inspection du travail. Elle compte actuellement 156 membres, recrutés pour moitié environ à la sortie de l’ENA, l’autre moitié incluant des médecins, pharmaciens, directeurs d’hôpital, membres de l’inspection du travail, des organismes de sécurité sociale et cadres des ministères sociaux. Environ 60 % des membres du corps exercent effectivement des fonctions d’inspection et d’évaluation au sein de l’IGAS ; les autres, en détachement ou en disponibilité, exercent dans d’autres ministères, établissements publics, organismes de sécurité sociale ou mutuelles, voire dans le secteur privé.
L’IGAS a un champ d’action très large, incluant la sécurité sociale, le travail, l’emploi, la formation professionnelle, la santé et l’action sociale et le contrôle de l’aide sociale à l’enfance. Elle est placée sous l’autorité du ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarité et de la ministre de la Santé, de la jeunesse et des sports. Elle est également mise à la disposition de la ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, du ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, du ministre de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement et de la ministre du Logement et de la ville. Le secrétaire d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, le Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, la secrétaire d’État chargée de la solidarité et la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville en disposent également en tant que de besoin.
L’IGAS mène environ 150 missions par an, dont 30 % sont menées conjointement avec d’autres corps d’inspection (IGF, IGA, etc.). 40 % de ces missions relèvent des audits et contrôles, 20 % de missions d’appui, 30 % d’enquêtes et d’évaluations et 10 % de groupes de travail. Actuellement, l’IGAS est naturellement mobilisée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et a été placée à la tête de plusieurs équipes d’audit.
Parmi les rapports récents que l’IGAS a consacrés à l’évaluation des politiques de l’emploi figurent notamment :
– une série de quatre rapports publiés en 2007 opérant des comparaisons internationales (Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) en matière de prestations et de services d’accompagnement des demandeurs d’emploi dans le cadre d’un partenariat avec le Centre d’études de l’emploi ;
– une évaluation à mi-parcours du contrat de transition professionnelle (CTP) publiée en octobre 2007 ;
– un rapport conjoint avec l’IGF sur les méthodes statistiques d’évaluation du chômage publié en septembre 2007 ;
– l’évaluation du dispositif d’exonération de charges sociales spécifique à l’outre-mer (2006), dans le cadre d’un audit de modernisation mené avec l’IGF et l’IGA ;
– la gestion de l’allocation de solidarité spécifique (2006), également dans le cadre d’un audit de modernisation mené avec l’IGF.
La contribution de l’IGAS à l’évaluation des politiques de l’emploi est loin d’être négligeable et la qualité de ses travaux doit être soulignée. La diversité des missions confiées à l’IGAS ainsi que la faiblesse de ses effectifs exerçant effectivement des fonctions d’évaluation limitent cependant cet apport.
c) Le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE)
Placé auprès du Premier ministre, le Conseil d’orientation pour l’emploi est une instance d’expertise et de concertation sur les questions relatives à l’emploi. Créé par le décret n° 2005-326 du 7 avril 2005, il est quatorze membres), des parlementaires (deux députés et deux sénateurs), des membres du Conseil économique et social (deux membres), des représentants des collectivités territoriales (AMF, ADF, ARF), les directeurs des administrations et organismes publics concernés (CAS, DGEFP, DGT, Budget, DGTPE, DGE, INSEE, DARES, ANPE, AFPA, UNEDIC, directeur général de la sécurité sociale, CERCS) et quinze personnalités qualifiées, expertes des questions du travail et de l’emploi. Il est actuellement présidé par Mme Marie-Claire Carrère-Gée.
Le COE a pour missions, en application de l’article 2 du décret du 7 avril 2005 :
– de formuler un diagnostic sur les causes du chômage et d’établir un bilan du fonctionnement du marché du travail et des perspectives pour l’emploi à moyen et long terme ;
– d’évaluer les dispositifs existants d’aide à l’emploi, aux parcours professionnels et à la formation, en s’appuyant en particulier sur les expériences locales et les réformes menées à l’étranger, notamment dans les différents États de l’UE ;
– de formuler des propositions susceptibles de lever les obstacles de toute nature à la création d’emploi et d’améliorer le fonctionnement du marché du travail.
Le COE peut en outre être saisi de toute question par le Premier ministre et par les ministres chargés du travail et de l’économie. Ses rapports et recommandations sont communiqués au Parlement et rendus publics. Le secrétariat général du Conseil est constitué d’une équipe légère (4 personnes) placée sous l’autorité d’un secrétaire général rattaché aux services du Centre d’analyse stratégique. Ce secrétariat prépare les réunions du COE et les documents d’analyse et de synthèse. Il commande aux administrations et organismes d’études les travaux permettant d’alimenter les réflexions du COE, sans procéder directement lui-même à des travaux d’évaluation.
À ce jour, le COE a publié :
– un rapport au Premier ministre relatif aux aides publiques (22 février 2006) ;
– un rapport d’étape sur la sécurisation et la dynamique des parcours professionnels (14 mai 2007) ;
– un avis sur l’élargissement de l’assiette des cotisations de sécurité sociale (20 juillet 2006)
– un avis sur la conditionnalité des allégements de cotisations sociales et la procédure de fixation du SMIC (6 février 2008) ;
– un document de synthèse relatif aux causes du chômage (janvier 2008).
Les travaux en cours, confiés à des groupes de travail, portent notamment sur le revenu de solidarité active (RSA), les bas salaires et la formation professionnelle.
La plus value du COE est réelle et d’autant plus élevée que ses avis et rapports expriment un diagnostic partagé, en principe, par l’ensemble des partenaires sociaux et des administrations concernées, compte tenu de sa composition pluraliste. Il semblerait logique de lui conférer un rôle important, le cas échéant, dans le cadre d’un dispositif d’évaluation ad hoc des politiques de l’emploi.
d) Les centres de recherche indépendants
Plusieurs organismes de recherche indépendants, bien que bénéficiant de financements principalement publics, sont susceptibles de contribuer à l’évaluation des politiques de l’emploi. Sans prétendre à l’exhaustivité, le centre d’études de l’emploi (CEE), le Centre de recherche en économie et statistique (CREST), le Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP) et l’École d’économie de Paris (EEP) peuvent notamment être cités.
● Le Centre d’études de l’emploi (CEE) est un établissement public administratif placé sous la tutelle conjointe des ministères chargés de l’emploi et du travail et du ministère chargé de la recherche. Créé par le décret n° 86-399 du 12 mars 1986 (à partir du Centre d’études de l’emploi placé depuis 1970 auprès de l’Institut national d’études démographiques, INED), le CEE a vocation à conduire dans les domaines des politiques de l’emploi et du travail des travaux de recherche permettant de développer l’ensemble des connaissances susceptibles d’éclairer l’action des pouvoirs publics et des acteurs économiques et sociaux.
Il dispose de 85 emplois en équivalent temps plein, placés pour une grande majorité sous le statut CNRS. Il compte une soixantaine de chercheurs (sociologues, économies, socio-économiques, statisticiens, ergonomes), répartis en 4 unités de recherche :
– « Âges et travail » (directeur : M. Serge Volkoff), qui étudie l’évolution démographique de la population active et sa prise en compte dans la conception des moyens de travail ;
– « Trajectoires, institutions et politiques d’emploi » (directrice : Mme Dominique Méda), qui étudie les risques et incertitudes auxquels les travailleurs sont confrontés dans les entreprises et sur les marchés du travail, et évalue les politiques de protection et de sécurisation ;
– « Dynamiques des organisations et du travail » (directrice : Mme Nathalie Greenan), qui étudie les interactions entre travailleurs, population active et transformation des organisations ;
– une unité transversale à caractère méthodologique sur l’évaluation des politiques publiques, dirigée par M. François Legendre, créée en janvier 2008. Cette nouvelle unité vise à mettre en place, dans le monde de la recherche, un pôle académique dédié à l’évaluation des politiques menées dans le champ de l’emploi et du travail.
Son budget était en 2007 de 10,58 millions d’euros TTC dont une subvention de 6,2 millions d’euros TTC versée par la mission Travail et emploi. Sa subvention pour 2008 a été augmentée de 200 000 euros TTC à la suite du vote de l’amendement déposé par vos Rapporteurs lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008.
● Le Centre de recherches en économie et statistiques (CREST) contribue également à l’évaluation des politiques de l’emploi. Ce centre de recherche fait partir du groupe des écoles nationales d’économie et statistique (GENES) de l’INSEE. Il comprend neuf laboratoires et mène de nombreuses études en matière de politiques de l’emploi, notamment dans le cadre de conventions avec la DARES. Parmi ses travaux récents réalisés ou en cours, figurent par exemple une étude sur le comportement des allocataires du RMI face aux politiques publiques d’incitations à l’emploi (30), une étude menée pour la DARES sur l’efficacité des politiques d’accompagnement des chômeurs (31), ou encore un projet de recherche sur l’évaluation des baisses de cotisations sociales sur les bas salaires dans le cadre du dispositif Fillon 2003 (32).
● Le Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP) est placé sous la tutelle du ministre de la recherche et a pour mission d’assurer une interface entre le monde académique et les administrations économiques. L’un de ses cinq programmes scientifiques est consacré au travail et à l’emploi, avec pour thèmes prioritaires les politiques de l’emploi et l’efficacité du marché du travail, la gestion des âges, rapport salarial et incitations et les conditions de travail.
● L’École d’économie de Paris (EEP), créée en décembre 2006, est l’une des premières « fondations de coopération scientifique » mises en place par la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006. Elle regroupe environ 200 chercheurs et personnels permanents et 300 étudiants en master ou doctorat, fédérant les équipes du campus Jourdan et du centre d’économie de la Sorbonne de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ses équipes contribuent, par exemple, à l’évaluation de l’accompagnement renforcée des demandeurs d’emploi, menée pour l’Unédic, l’ANPE et la DARES (33) selon la technique de l’expérimentation contrôlée.
C.– DES INSUFFISANCES DUES À DES CAUSES MULTIPLES
Diverses causes expliquent le faible rôle joué par l’évaluation en matière d’emploi. Les insuffisances constatées tiennent, pour l’essentiel, à l’organisation en France de l’évaluation des politiques publiques en général et de l’évaluation des politiques de l’emploi en particulier (34).
1.– Une faible demande d’évaluation de la part des pouvoirs publics
Il n’existe pas, en France, de centre d’impulsion et de commande d’évaluation au sein de l’exécutif. Les tentatives visant à créer un centre interministériel (Conseil scientifique de l’évaluation puis Conseil national de l’évaluation) ont échoué (v. supra) et le centre d’analyse stratégique a été recentré sur la prospective, délaissant jusqu’à une période récente l’animation de l’évaluation des politiques publiques.
La création du secrétariat d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques vise à remédier à cette lacune, mais il est encore trop tôt pour en apprécier les résultats. Le décret n° 2007-1006 du 12 juin 2007 le charge notamment de renforcer le processus d’évaluation préalable de l’impact des projets de loi et de promouvoir le développement des pratiques d’évaluation. Il pourra s’appuyer sur la mission d’évaluation des politiques publiques du Centre d’analyse stratégique à cette fin.
Le Conseil d’orientation de l’emploi, bien que chargé d’une mission d’évaluation des politiques de l’emploi par le décret l’instituant, est davantage un organisme de « diagnostic partagé » que d’évaluation et ne semble pas envisager de s’investir dans ce domaine.
La DARES joue un rôle accru dans ce domaine, notamment grâce à la mise en place d’un conseil scientifique et à la part accrue de ses crédits consacrée à l’évaluation. Elle reste cependant absorbée principalement par ses activités de suivi. La Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle estime pour sa part qu’elle n’a pas vocation à réaliser des évaluations, mais à préparer la décision ministérielle.
Le Parlement, dépourvu de capacités d’évaluation propres, n’a pas pu se substituer à l’exécutif, car il ne peut commander directement des études aux services de l’État. La création du comité d’évaluation et de contrôle décidé par le Président de l’Assemblée nationale en janvier 2008 devrait faire évoluer les choses. La proposition n° 2 de vos Rapporteurs (v. infra) visant à permettre au Parlement de commander des études aux services de l’État compétents, y contribuerait également.
En l’absence d’un centre d’impulsion clairement identifié, l’essentiel des évaluations en matière d’emploi est par conséquent réalisé par des spécialistes de l’évaluation (notamment du CEE, du CREST, du CEPREMAP et de l’EEP), qui privilégient les évaluations innovantes sur le plan méthodologique, qui ne recoupent pas toujours les besoins des pouvoirs publics.
2.– Une grande instabilité des dispositifs
L’instabilité – et l’empilement – des dispositifs en matière d’emploi sont un phénomène connu et souvent dénoncé. Elle constitue un obstacle important en matière d’évaluation, car elle empêche d’avoir le recul nécessaire pour procéder à des évaluations. Cette instabilité est particulièrement marquée en matière d’allégements de charge à vocation générale (9 modifications depuis 1993), pour certains dispositifs d’allégements ciblés (DOM par exemple) et les contrats aidés, c’est-à-dire pour des dispositifs aux enjeux financiers particulièrement importants.
Cette difficulté s’accompagne trop souvent de données lacunaires, imprécises et tardives, tout particulièrement dans le domaine de la formation professionnelle. C’est le cas, par exemple, pour les dispositifs d’accompagnement des chômeurs (les causes des sorties de la liste ou les rémunérations de l’emploi repris ou quitté ne sont pas connues). Les données décentralisées suscitent aussi des difficultés de collecte et d’homogénéisation.
3.– Les difficultés d’accès aux données rencontrées par les chercheurs
La protection des données à caractère personnel justifie un encadrement rigoureux de l’accès, même à des fins de recherche, aux fichiers comportant des données individuelles. Ces données sont cependant indispensables aux travaux d’évaluation, et certaines études ne peuvent être menées qu’à partir des fichiers administratifs de l’ANPE, de l’Unédic ou des conseils régionaux. C’est pourquoi un assouplissement des conditions d’accès à ces fichiers est souhaitable (v. proposition n° 4, infra).
4.– Les suites limitées des évaluations
Les évaluations n’exercent qu’une influence limitée sur la prise de décision publique. Elles ne sont pas toujours connues des décideurs et arrivent souvent tardivement, le rythme politique ne correspondant pas à celui du monde académique. Les évaluations elles-mêmes ne répondent pas toujours suffisamment aux besoins du décideur public. Il est indispensable de renforcer le lien entre les évaluateurs et ceux qui prennent les décisions, notamment au Parlement.
II.– PLACER L’ÉVALUATION AU CœUR DES POLITIQUES DE L’EMPLOI
À l’issue de ses travaux, la mission d’information formule sept propositions visant à renforcer l’évaluation des politiques de l’emploi en France. Ces recommandations tendent à :
– améliorer l’évaluation ex ante des nouvelles mesures envisagées, en rendant obligatoire la réalisation d’études d’impact préalables (proposition n° 1) ;
– développer l’évaluation ex post des dispositifs existants, en permettant au Parlement de demander des évaluations aux services compétents de l’État (proposition n° 2), en élaborant un programme annuel d’évaluation au Parlement (proposition n° 3) et en recentrant le débat budgétaire sur la performance (proposition n° 4) ;
– accroître la qualité des évaluations, grâce à un accès étendu des chercheurs aux données administratives (proposition n° 5) et à la création d’un pôle de compétitivité consacré à l’évaluation des politiques publiques (proposition n° 6) ;
– renforcer le suivi des évaluations réalisées et la diffusion de leurs résultats, en organisant un « débat d’orientation pour l’emploi » annuel au Conseil économique et social (proposition n° 7).
A.– FAIRE DE L’ÉVALUATION EX ANTE DES EFFETS ATTENDUS D’UNE MESURE LE PRÉALABLE DE TOUT PROJET DE LOI
Proposition n° 1 : Développer l’évaluation ex ante en rendant obligatoires les études d’impact préalables
a) L’inscription dans la Constitution de l’obligation d’évaluation préalable est préconisée par plusieurs rapports
L’étude d’impact préalable a pour objet d’évaluer les effets administratifs, juridiques, sociaux, budgétaires et économiques d’une nouvelle loi ou réglementation. Les tentatives visant à imposer la réalisation d’une étude d’impact préalable aux projets de loi les plus importants, formalisées dans plusieurs circulaires successives du Premier ministre (v. supra), ont produit jusqu’à présent des résultats décevants. À ce jour, seuls 30 % des projets de loi feraient l’objet d’une telle étude, et aucune des études réalisées n’est rendue publique ou transmise au Parlement afin d’éclairer ses débats.
Cette situation n’est pas satisfaisante. Elle a conduit le Conseil d’État, dans son rapport public 2006, à préconiser d’inscrire dans la Constitution une obligation d’évaluation préalable, dont la portée devrait être précisée par le législateur organique. La présence d’une étude d’impact deviendrait une condition de recevabilité des projets de loi les plus importants. Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République a repris cette proposition.
Le comité précité, ainsi que groupe de travail chargé d’une réflexion sur les suites du rapport public 2006 du Conseil d’État (35), suggèrent de mettre en place une procédure spéciale de contrôle du respect de cette obligation par le Conseil constitutionnel : le défaut d’étude préalable constaté par le Conseil constitutionnel, saisi par le président de l’assemblée saisie ou par 60 députés ou 60 sénateurs, dans un délai de huit jours conduirait à considérer le texte comme non déposé.
Le groupe de travail sur les suites du rapport public 2006 du Conseil d’État propose par ailleurs une étude d’impact « allégée » :
– si le projet de loi n’entraîne pas de dépenses publiques supérieures à 50 millions d’euros ou touche moins d’un million de destinataires, sous réserve de ne pas modifier ou abroger des dispositions en vigueur de moins de 3 ans ;
– en cas d’urgence. Cette deuxième réserve, indispensable (v. par exemple la loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 prorogeant l’application de l’état d’urgence par application de la loi du 3 avril 1955) devrait être encadrée, afin d’éviter que le Gouvernement ne l’utilise pour s’affranchir trop largement de l’obligation d’évaluation.
Selon les simulations réalisées par le secrétariat général du Gouvernement, les trois quarts des lois votées en 2004 et 2005 auraient fait l’objet d’une étude d’impact en application de ces critères (36), ce qui semble correspondre à l’objectif de proportionnalité recherché.
Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale seraient couverts par l’obligation d’évaluation, sous réserve des mesures relatives aux crédits et au pilotage du solde budgétaire. Les textes réglementaires autonomes pris sur le fondement du premier alinéa de l’article 37 de la Constitution y seraient également soumis.
La responsabilité première de l’évaluation préalable reviendrait au ministère porteur du projet de réforme, qui est le mieux à même de réunir les éléments nécessaires dans un temps limité. L’examen interministériel de l’étude d’impact contribuerait également à exercer une contre-expertise. Il serait souhaitable que cette évaluation s’appuie, le plus fréquemment possible, sur des éléments extérieurs aux ministères, tels que des travaux universitaires, la création d’une commission temporaire ad hoc, des enquêtes auprès des milieux intéressés voire une consultation publique, sur le modèle des « livres verts » de la Commission européenne.
Le secrétariat général du Gouvernement a élaboré un guide méthodologique des études préalables, qui détaille notamment leur contenu et la procédure à suivre pour leur élaboration. Une étude d’impact détaillée doit ainsi décrire la situation de référence en fait ou en droit et le problème dont la résolution apparaît nécessaire, définir l’objectif poursuivi, analyser les différentes options possibles (en particulier leurs effets juridiques, administratifs, sociaux, budgétaires et économiques) et les comparer. Ce guide représente un progrès à saluer, même s’il n’est pas encore aussi élaboré que son équivalent britannique (37), dont l’approche est davantage économique.
Les études d’impact seraient naturellement rendues publiques.
b) Vos Rapporteurs souscrivent à ces propositions sous réserve de quelques précisions
Vos Rapporteurs sont favorables à l’inscription de cette obligation d’évaluation préalable des projets de loi dans la Constitution. La réalisation des études d’impact relève, certes, de la discipline gouvernementale, mais l’expérience a prouvé qu’en l’absence de sanction juridique, l’obligation d’évaluation risque de rester lettre morte.
Les modalités proposées par le groupe de travail sur les suites du rapport 2006 du Conseil d’État et par le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République sont satisfaisantes. Le mécanisme de contrôle par le Conseil constitutionnel devrait cependant être davantage encadré, afin d’éviter que cette procédure ne devienne une arme politique utilisée à des fins d’obstruction, alors que son but est de garantir les droits du Parlement. La saisine du Conseil devrait ainsi être réservée au président de l’assemblée intéressée, sur le modèle du contrôle de l’irrecevabilité réglementaire de l’article 41 de la Constitution.
Un mécanisme de sanction intermédiaire, permettant le renvoi en commission des articles du projet de loi concerné – et non de l’ensemble du texte, ce qui nécessiterait une modification de l’article 91, alinéa 7, du règlement de l’Assemblée nationale – n’ayant pas fait l’objet d’une évaluation préalable (ou pour lesquels l’évaluation est insuffisante), pourrait également être envisagé.
Les études d’impact pourraient être enrichies par les préconisations de la Cour des comptes, qui pourrait être saisie à cet effet, ainsi que par les réflexions de tout autre organisme compétent. Cette consultation contribuerait à assurer un certain pluralisme et permettrait d’éviter que certaines études d’impact tendent à l’auto-justification en lieu et place de l’évaluation.
Il serait souhaitable de soumettre également les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour des assemblées à cette obligation d’évaluation préalable.
Indépendamment des suites données à cette proposition dans le cadre de la prochaine révision constitutionnelle, une grille d’analyse spécifique aux études d’impact concernant les politiques de l’emploi pourrait être élaborée. Elle compléterait le guide méthodologique, assez général car s’appliquant à tous les domaines, qu’a rédigé le secrétariat général du Gouvernement. Ce document, inspiré de la méthodologie du Livre vert britannique précité, permettrait de disposer d’une grille de lecture et d’indicateurs communs pour l’analyse des projets de loi relatifs à l’emploi. La rédaction de ce document pourrait être confiée au Centre d’analyse stratégique (CAS), en concertation avec les commissions des finances et des affaires sociales des assemblées, le ministre chargé de l’emploi ainsi que le secrétaire d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques.
LA PRATIQUE DES ÉTUDES D’IMPACT AU ROYAUME-UNI Les méthodes du travail gouvernemental ont substantiellement évolué au Royaume-Uni depuis 1997. Les études d’impact ont été généralisées, afin d’éclairer la décision de principe sur la forme la plus appropriée d’action publique. Une première étape de l’étude d’impact, dite étude d’impact partielle, est réalisée par le ministère principalement responsable pour être transmise au Cabinet Office. Comprenant nécessairement l’examen de plusieurs options alternatives à celle du recours à une nouvelle réglementation, dont celle du statu quo, elle fait l’objet d’un examen interministériel. Ce n’est qu’une fois intervenu l’accord du Premier ministre que s’engagent les travaux de rédaction des réglementations nationales nouvelles. Leur rédaction ne revient pas aux ministères mais au « Parliamentary Counsel », structure d’une trentaine de juristes placés sous l’autorité du Premier ministre. Une fois intervenu l’accord interministériel et parallèlement à la rédaction du projet de texte, un document de consultation et la fiche d’impact qui l’accompagne sont soumis à la consultation publique. Cette consultation, dont la durée ne peut être inférieure à douze semaines, prend souvent la forme d’une mise en ligne de l’étude d’impact sur le site Internet du ministère en charge du projet, qui doit en outre saisir les organismes et autres milieux intéressés. L’administration est ultérieurement tenue d’expliquer les éventuelles modifications apportées au texte en fonction des avis recueillis. Ainsi enrichie, l’étude d’impact, dite intégrale, doit donner une bonne analyse coût-avantage de la mesure proposée. Bien que l’option retenue soit connue à ce stade, le chiffrage des mesures alternatives continue d’y figurer, pour montrer au public qu’elles ont été envisagées et l’informer des incidences qu’elles étaient susceptibles d’avoir. Les études réalisées sont transmises au Parlement, à la signature du ministre principalement responsable, à l’appui tant des projets de textes législatifs que des propositions d’actes communautaires soumises au Parlement au stade de leur négociation. En principe, si des amendements majeurs sont apportés au texte au cours des différentes phases de la navette parlementaire, le ministère qui en est l’auteur doit reprendre l’étude d’impact pour l’affiner en conséquence. Ce sont ainsi quelque 200 études d’impact qui sont actuellement réalisées chaque année. Environ 75 % des études d’impact attendues sont effectivement produites. Sur le plan administratif, le « Better Regulation Executive », rattaché au Cabinet Office, apporte son appui méthodologique aux analyses d’impact et assure le secrétariat de la « Better Regulation Commission » chargée de superviser ce processus. Des « Departement Regularory Impact Units » ont été créées au sein des ministères et sont chargées du bon déroulement des procédures de consultation et des analyses d’impact. Le ministère des Finances (« Treasury ») a rédigé un « livre vert » précisant la méthodologie à suivre pour apprécier les effets économiques d’une mesure. Source : Rapport au Premier ministre du groupe de travail chargé d’une réflexion sur les suites du rapport public 2006 du Conseil d’État, annexe VI. |
c) Cette proposition devrait préfigurer une réforme ambitieuse de la procédure législative
La transmission systématique d’une étude d’impact devrait préfigurer et favoriser une réforme ambitieuse de la procédure législative. Celle-ci conduirait, sur le modèle britannique, à distinguer :
– un premier examen en séance publique des projets et propositions de loi (appelée « second reading » au Royaume-Uni, la première lecture étant consacrée au dépôt formel du texte), au cours de laquelle aurait lieu la discussion générale, relative à l’opportunité et au principe même du texte, sur le fondement notamment de l’étude d’impact qui l’accompagne ;
– l’examen en commission, laquelle devrait systématiquement être une commission spéciale, comme le prévoit en règle générale (devenue en pratique l’exception) l’article 43 alinéa 1er de la Constitution. Cette réforme permettrait aux commissions permanentes de se concentrer sur leur mission de contrôle du Gouvernement ;
– un second examen du texte en séance publique (appelé « third reading » à Westminster), consacré à l’examen des articles.
Ces réformes devraient conduire le législateur à clarifier les objectifs recherchés par chaque nouveau dispositif mis en place, et à préciser systématiquement les indicateurs dont il estime indispensable le suivi afin de disposer d’une évaluation ex post. Tout projet de loi relatif à l’emploi devrait prévoir les modalités selon lesquelles le dispositif qu’il met en place sera évalué.
B.– FAIRE DE L’ÉVALUATION EX POST LA CONDITION DU MAINTIEN DES DISPOSITIFS EXISTANTS
Proposition n° 2 : Conférer au Parlement le droit de commander des évaluations auprès du Centre d’analyse stratégique et des autres services de l’État
Le renforcement du rôle du Parlement en matière d’évaluation ne doit pas se traduire par la mise en place de nouvelles structures d’évaluation, qui seraient à la seule disposition du Parlement. Une telle option qui conduirait à « doublonner » les nombreuses structures existantes, serait une source de dépenses supplémentaires inutiles. Il convient par conséquent de permettre au Parlement de s’appuyer sur les outils d’évaluation dont dispose le Gouvernement. Les assemblées doivent également utiliser pleinement la possibilité, dont elles disposent déjà, de faire appel à des prestataires privés (universitaires, cabinets d’études) pour réaliser des évaluations, dans un souci de diversité.
Les commissions des Finances des assemblées peuvent déjà, comme cela a été indiqué, demander à la Cour des comptes de réaliser des enquêtes, en application de l’article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances. Cette possibilité est largement utilisée par ces commissions et les enquêtes de la Cour apportent une contribution précieuse aux travaux du Parlement.
Vos Rapporteurs proposent de s’inspirer de cette procédure, en permettant aux commissions chargées des finances et des affaires sociales de commander des évaluations auprès du Centre d’analyse stratégique (38) et, à défaut et en complément, des services statistiques et d’études ministériels (c’est-à-dire, dans le champ des politiques de l’emploi, principalement de la direction de l’animation de la recherche et des études statistiques – DARES), des corps d’inspection (IGAS, IGF en matière d’emploi) et des établissements publics compétents (en l’espèce, principalement le centre d’études de l’emploi). Ce droit pourrait être inscrit dans la loi organique relative aux lois de finances, puisqu’il constitue un prolongement du pouvoir de contrôle budgétaire du Parlement.
La formulation de ces demandes serait réservée aux présidents des commissions concernées, après consultation des bureaux des commissions, et pourrait être centralisée par le comité d’évaluation et de contrôle récemment créé par le président de l’Assemblée nationale.
Les évaluations réalisées feraient systématiquement l’objet d’une audition par les commissions du représentant de l’organisme ayant réalisé l’évaluation par la commission ayant formulé la demande ainsi que du ministre ou du responsable de programme concerné. Ces auditions pourraient être préparées sur la base d’un document de synthèse du secrétariat général du conseil d’orientation pour l’emploi, mettant en perspective l’évaluation réalisée par rapport aux travaux existants.
Ce droit de passer des commandes auprès des services d’études et de statistiques ministériels et des corps d’inspection serait une conséquence logique de la reconnaissance constitutionnelle du rôle du Parlement en matière d’évaluation. Il ne devrait pas, dans ces conditions, être interprété comme une injonction inconstitutionnelle adressée au Gouvernement (39). Il serait donc utile de clarifier ce point lors des débats sur la révision constitutionnelle.
Proposition n° 3 : Élaborer un programme annuel d’évaluation au Parlement
Dans le prolongement de la proposition précédente, un programme annuel d’évaluation commun aux commissions concernées (affaires sociales et finances principalement) devrait être arrêté, en septembre, à l’issue d’un débat en commission. En amont, le choix des sujets pourrait faire l’objet d’échanges informels entre les bureaux des commissions et les organismes sollicités, afin d’assurer la cohérence des demandes formulées avec leurs programmes de travail et d’éviter tout « doublon » inutile. Des réunions avec les rapporteurs concernés devraient également permettre aux organismes auxquels l’évaluation est demandée d’être éclairés, dans le respect de l’indépendance de l’évaluateur, sur les attentes précises des commissions.
Il serait utile de prévoir un délai pour la remise des évaluations, qui pourrait être de huit mois, comme c’est le cas pour les enquêtes de la Cour. Ces évaluations seraient naturellement rendues publiques. Il appartiendrait aux commissions de formuler leurs demandes suffisamment tôt pour que les évaluations soient disponibles lors du « débat d’orientation pour l’emploi » (v. infra), qu’elles auraient vocation à alimenter.
Proposition n° 4 : Recentrer le débat budgétaire sur la performance
Les indicateurs de performance de la mission Travail et emploi présentent de sévères insuffisances et lacunes (v. supra). De nombreux indicateurs ne sont toujours pas renseignés. Il y a abondance d’indicateurs de moyens, d’activité ou d’efficacité mais quasi-absence d’indicateurs d’efficience. L’essentiel de l’effort budgétaire de l’État en faveur de l’emploi échappe à toute mesure de la performance : un seul indicateur – relatif à la prime pour l’emploi (4,2 milliards d’euros, soit près du tiers des crédits budgétaires de la mission) et non renseigné – est ainsi consacré aux 9,6 milliards d’euros de dépenses fiscales rattachées à la mission Travail et emploi, et aucun aux exonérations de charges sociales.
Face à cette situation, les préconisations de la mission d’information sont les suivantes :
– il est indispensable de renforcer la pertinence des indicateurs de performance, à la lumière notamment des rapports annuels de performance (RAP) qui viennent éclairer le projet de loi de règlement, dont l’examen devrait devenir l’un des moments forts de l’année budgétaire et du contrôle parlementaire ;
– des indicateurs de performances devraient être élaborés afin d’évaluer l’efficience des dépenses fiscales rattachées à la mission Travail et emploi (ce qui suppose la mobilisation de l’ensemble des administrations concernées, à commencer, évidemment, par les services fiscaux), ainsi que des dotations de décentralisation ;
– le volet performance du PAP et du RAP pourrait être enrichi par des références aux travaux d’évaluation menés sur les dispositifs concernés ;
– tout décalage entre les prévisions initiales figurant dans le PAP de l’année n et les prévisions actualisées figurant dans celui de l’année n +1 devrait être systématiquement commenté et expliqué ;
– il serait utile d’harmoniser les indicateurs figurant dans les « tableaux de bord du Premier ministre » établis pour chaque ministre, les lettres de mission adressées aux ministres et les documents budgétaires. Il existe en effet une grande hétérogénéité entre les indicateurs figurant dans ces différents outils. Leur mise en cohérence favoriserait une appropriation politique des indicateurs de la LOLF ;
– l’adoption d’objectifs et d’indicateurs au niveau de la mission, et non des seuls programmes, serait souhaitable. Certains objectifs et indicateurs ne peuvent être définis qu’à ce niveau ;
– l’extension du recours à l’examen des crédits des missions en commissions élargies, engagé à l’Assemblée nationale, devrait permettre de concentrer les débats en séance publique sur l’examen des amendements et de faire davantage porter l’examen en commission sur la performance ;
– le suivi des recommandations des rapporteurs spéciaux relatives à la performance devrait aussi être renforcé, par un recours systématique à des auditions, questionnaires ou rapports sur ces suites ;
– une réflexion devrait être engagée sur l’opportunité de compléter l’approche macroéconomique de la mesure de la performance adoptée par la LOLF par une approche microéconomique, prenant davantage en compte les incitations des agents, dans le prolongement des recommandations du rapport du Conseil d’analyse économique réalisé par MM. Dominique Bureau et Michel Mougeot (40).
C.– ACCROÎTRE LA QUALITÉ DES ÉVALUATIONS
Proposition n° 5 : Renforcer le droit d’accès des chercheurs aux fichiers administratifs
Les chercheurs auditionnés par vos Rapporteurs ont souligné les difficultés qu’ils rencontrent en matière d’accès aux données administratives (fichiers de l’ANPE, de l’Unédic, des caisses d’allocation familiale, des services des conseils régionaux, etc.) à des fins de recherche scientifique (41). Or l’accès à ces données est indispensable pour procéder à des évaluations en matière d’emploi.
Un assouplissement de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques est nécessaire pour surmonter les obstacles rencontrés par les chercheurs. L’ordonnance n° 2004-280 du 25 mars 2004 a déjà facilité l’accès des chercheurs aux données administratives d’ordre économique ou financier (dites « données entreprises »). L’article 7 ter qu’elle a introduit dans la loi de 1951 autorise ainsi le ministre chargé de l’économie, le ministre chargé de la recherche ou le ou les ministres dont relève l’administration ou la personne morale qui a collecté ces données à les transmettre aux chercheurs, après avis du comité du secret statistique (42). Il n’existe en revanche pas de procédure équivalente pour les données individuelles relatives aux faits et comportements d’ordre privé (dites « données ménages »), qui ne sont communicables qu’après un délai de 100 ans (43).
Vos Rapporteurs proposent de mettre fin à cette dissymétrie dans le traitement des « données entreprises » et des « données ménages », en étendant la procédure prévue à l’article 7 ter de la loi de 1951 aux « données ménages » (44).
La mise à disposition de ces données pourrait être effectuée via un ou des centre(s) d’accès sécurisé(s), dont l’INSEE teste actuellement un prototype auprès d’un nombre limité de chercheurs. Un tel centre permet aux chercheurs de travailler sur les données individuelles, sans avoir accès à ces informations elles-mêmes, afin de garder le contrôle de toutes les opérations faites sur les données (traçabilité) (45). Ce projet pourrait s’inspirer de l’expérience danoise d’accès par connexion cryptée, via Internet.
Proposition n° 6 : Créer un pôle de compétitivité sur l’évaluation des politiques publiques
La création d’un pôle de compétitivité consacré à l’évaluation des politiques publiques permettrait de développer le vivier des chercheurs (statisticiens, économistes, sociologues, etc.) capables de mener des évaluations lourdes (économétriques notamment) et créerait des synergies importantes autour de projets communs. Elle marquerait la volonté des pouvoirs publics de renforcer l’évaluation et inciterait les jeunes chercheurs à acquérir un savoir-faire et une expertise de haut niveau dans ce domaine. Ce pôle pourrait associer des centres de recherche, des organismes de formation et des cabinets d’études privés ou publics spécialisés dans ce domaine.
Alternativement, la création d’une fondation de coopération scientifique (FCS) pourrait être envisagée pour mettre en place un réseau thématique de recherche avancée (RTRA) spécialisé en matière d’évaluation des politiques publiques.
D.– RENFORCER LES SUITES DES ÉVALUATIONS
Proposition n° 7 : Renforcer les suites des évaluations grâce à un « débat d’orientation pour l’emploi » annuel
Les évaluations ex post des politiques de l’emploi ne peuvent produire d’effet utile qu’à condition d’être systématiquement débattues, afin de parvenir à un « diagnostic partagé » et d’éclairer la prise de décision des pouvoirs publics.
C’est pourquoi vos Rapporteurs proposent d’instaurer un « débat d’orientation pour l’emploi », équivalent pour les politiques de l’emploi du débat d’orientation budgétaire (DOB). Ce rendez-vous annuel, qui pourrait se dérouler en mai ou en juin, se tiendrait au Conseil économique et social, afin que les forces économiques et sociales y prennent une part active. Les ministres concernés, ainsi que les présidents et les rapporteurs des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat concernés par les politiques de l’emploi y participeraient. Ce débat serait naturellement public. Cette proposition contribuerait à la modernisation et à la revalorisation du Conseil économique et social, telle qu’est envisagée dans le cadre de la réforme de nos institutions.
Le secrétariat général du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), en liaison avec le centre d’analyse stratégique, pourrait contribuer à sa préparation, en assurant la synthèse des évaluations réalisées sur les principaux thèmes d’actualité retenus. Celle-ci servirait de base de travail aux sections du Conseil économique et social, dont les travaux alimenteraient le débat d’orientation pour l’emploi.
Beaucoup de tentatives de renforcement de l’évaluation ont échoué, au sein de l’exécutif (conseil scientifique de l’évaluation puis conseil national de l’évaluation) comme du Parlement (office parlementaire d’évaluation des politiques publiques). Certains outils fonctionnent cependant de manière satisfaisante ou encourageante : la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), la loi organique relative aux lois de finances, le Conseil d’orientation pour l’emploi et le centre d’analyse stratégique notamment.
Conscients des échecs passés, les rapporteurs ont abordé cette mission avec beaucoup d’humilité. Leur ambition, dans le présent rapport, est de contribuer à développer les synergies entre les instruments d’évaluation qui ont fait leurs preuves, afin de créer un outil d’évaluation partagé par le Gouvernement et le Parlement.
M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur, a indiqué que ce travail sur l’évaluation avait été mené avec humilité, beaucoup de réflexions ayant déjà été menées sur ce sujet, notamment par le Président Didier Migaud et M. Michel Bouvard ici présents. Après de nombreuses tentatives visant à renforcer l’évaluation, faites par la gauche comme par la droite, et qui ont échoué, des avancées importantes dans ce domaine ont été réalisées par la mission d’évaluation et de contrôle – la MEC – et par la loi organique relative aux lois de finances – la LOLF –.Toutefois, en dépit de ces avancées et de progrès récents tels que la révision générale des politiques publiques et la création du secrétariat d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, la France enregistre un retard considérable par rapport aux démocraties comparables. Notre système fonctionne selon un principe de verticalité, alors qu’il faudrait développer l’horizontalité. Aucune des études d’impact – dont le nombre a augmenté au cours de la période récente – n’est ainsi transmise au Parlement, alors qu’elles pourraient éclairer ses débats. Notre pays manque également de chercheurs spécialisés sur ce sujet. C’est pourquoi la présente mission d’information a retenu des propositions très volontaristes, afin d’enclencher un vrai changement. C’est la réussite même des politiques menées qui est en jeu.
Le Président Didier Migaud a considéré qu’il s’agit d’un sujet crucial. Il est regrettable que le Parlement ne soit pas davantage associé à la révision générale des politiques publique. Celle-ci est menée, hormis la participation des Rapporteurs généraux des commissions des finances, dans le secret des cabinets ministériels. Cette opacité n’est pas satisfaisante et ne correspond pas à l’esprit de la LOLF, quant au constat partagé. Si les résultats de ce processus sont présentés brutalement au Parlement et aux Français, sans un travail des commissions parlementaires en amont, qui va de pair avec débat contradictoire et un minimum de pédagogie, ils susciteront beaucoup de malentendus et de polémiques inutiles.
M. Gaëtan Gorce, Rapporteur, a indiqué que la création de cette mission d’information a été inspirée par l’expérience qu’ont vécu les Rapporteurs spéciaux lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008. Beaucoup des propositions concernant l’emploi figurant dans ce texte ont été présentées sans qu’aucune évaluation justifiant ou expliquant les réformes proposées ne soit présentée par le Gouvernement. Cette situation est aberrante, compte tenu des sommes en jeu, qui dépassent les 50 milliards d’euros si l’on ajoute aux crédits budgétaires de la mission Travail et emploi les dépenses fiscales qui y sont rattachées et les transferts de recettes compensant les allégements généraux. Les évaluations ex ante sont trop rares et restent confidentielles quand elles existent. Depuis 2006, un tiers seulement des projets de loi, hors autorisation de ratification, en fait l’objet, et rares sont celles communiquées au Parlement. Des textes aussi importants que les projets de loi relatifs au pouvoir d’achat, au service public de l’emploi fusionnant l’ANPE et l’Unédic ou encore le projet de loi relatif au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, dit TEPA, n’ont pas fait l’objet d’études d’impact.
Les évaluations ex post restent également insuffisantes. Cette insuffisance ne s’explique pas par un manque de moyens. Les outils d’évaluation sont nombreux : Cour des comptes, inspection générale des affaires sociales – IGAS –, direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – DARES –, du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, centre d’études de l’emploi, conseil d’orientation de l’emploi, etc., mais ils sont dispersés et mal utilisés. Même la LOLF n’a pas produit les effets escomptés, car des pans entiers de dépenses – telles que les dépenses fiscales, les dotations de décentralisation ou les transferts de recettes compensant les exonérations de cotisations – ne font l’objet d’aucune mesure de la performance, ou d’une mesure très lacunaire : un seul indicateur est consacré aux dépenses fiscales rattachées à la mission Travail et emploi, qui représentent 9,6 milliards d’euros en 2008. La faible demande d’évaluation de la part des pouvoirs publics, l’instabilité chronique des dispositifs et l’absence de culture de l’évaluation en France sont les principales causes de ces insuffisances.
Pour faire évoluer les choses, il faudrait faire de l’évaluation des politiques de l’emploi une démarche exemplaire en matière d’évaluation des politiques publiques. La première des propositions formulées concerne l’évaluation ex ante, réalisée avant de créer un dispositif. Il s’agit de rendre les études d’impact préalable obligatoires, sous peine de rendre le projet de loi irrecevable, comme l’a proposé le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Édouard Balladur. Une procédure de saisine du Conseil constitutionnel serait mise en place afin d’assurer le respect de cette obligation.
La deuxième proposition consiste à élaborer une méthodologie d’évaluation des politiques de l’emploi. La rédaction de cette grille d’analyse pourrait s’inspirer de celle mise en place par le Royaume-Uni en matière d’évaluation, sur le modèle d’un document intitulé « livre vert ».
Pour que les études soient utiles, et qu’elles fassent, en quelque sorte, référence dans le débat public, il faut envisager une réforme ambitieuse de la procédure législative – dépassant le cadre de ce rapport. Elle pourraient consister, sur le modèle britannique, à discuter en deux temps : une première discussion, en séance publique, sur l’opportunité du texte, son contenu général faisant l’objet d’un débat politique qui prendrait en compte l’étude d’impact, puis, après son examen détaillé en commission, un nouvel examen en séance publique. Il serait également souhaitable de recourir systématiquement à des commissions spéciales pour l’examen des textes, ce qui permettrait aux commissions permanentes de se recentrer sur leur fonction de contrôle.
M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur, a précisé qu’il serait également souhaitable de prévoir une procédure de sanction intermédiaire en cas d’absence ou d’insuffisance de l’étude d’impact, consistant à opérer un renvoi en commission des seuls articles dont les effets n’auraient pas été évalués. Les études d’impact pourraient faire l’objet d’un avis de la Cour des comptes, qui resterait confidentiel mais qui contribuerait à renforcer la qualité des études.
M. Gaëtan Gorce, Rapporteur, a indiqué qu’un programme annuel d’évaluation en matière d’emploi devrait être élaboré par les commissions des finances et des affaires sociales, et soumis au comité d’évaluation et de contrôle créé en janvier dernier par le Président de l’Assemblée nationale. Le Parlement pourrait saisir directement les services de l’État compétents : centre d’analyse stratégique, IGAS, DARES, centre d’étude de l’emploi, par exemple, de demandes d’évaluations sur des thèmes précis.
Le débat budgétaire devrait être recentré sur la performance, telle qu’est mesurée par les indicateurs, dont la pertinence devrait être renforcée. La qualité des évaluations pourrait être améliorée en facilitant l’accès des chercheurs aux données figurant dans les fichiers administratifs de l’ANPE, de l’Unédic, des caisses d’allocations familiales, des conseils régionaux, etc., grâce à un assouplissement de la loi du 7 juin 1951. La création d’un pôle de compétitivité consacré à l’évaluation des politiques publiques pourrait également être envisagée.
Pour renforcer les suites des évaluations, chacune devrait conduire à une audition de l’évaluateur et du ministre ou du responsable de programme concerné en commission. Les travaux menés alimenteraient aussi un débat annuel au Conseil économique et social, qui serait une forme de « discours sur l’état social », associant les élus et les partenaires sociaux.
M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur, a souligné qu’il s’agit de parvenir à un diagnostic partagé. Le pouvoir politique ne prend pas toujours ses responsabilités sur des sujets sur lesquels des évaluations sont pourtant disponibles. La sous-utilisation qui est faite des rapports de la Cour des comptes en est une illustration. Un débat associant les forces vives de la nation et les élus sur l’emploi est indispensable pour pouvoir engager des réformes à partir d’un constat commun. Cette démarche serait particulièrement utile sur un sujet tel que la formation professionnelle.
M. Michel Bouvard, Président, a approuvé l’élargissement par les rapporteurs de leur champ d’analyse au-delà de la seule politique de l’emploi pour traiter de l’évaluation en général.
M. François Goulard a également considéré que la question de l’évaluation des politiques de l’emploi devait être considérée à partir d’une réflexion beaucoup plus générale. On peut constater l’échec de l’évaluation dans notre pays : la cause n’en est pas dans nos institutions, mais plutôt dans notre culture administrative antinomique avec l’évaluation des politiques publiques. Le redoutable juridisme français conduit à porter tous les efforts sur le respect des normes, la conformation aux prescriptions édictées par le Conseil d’État, plutôt qu’à examiner l’efficacité de l’action publique. La réglementation élaborée par notre administration sous le contrôle du Conseil d’État conduit à insérer chaque activité dans un carcan. La complexité du monde contemporain ne permet plus de s’en tenir là. Cependant on ne peut se limiter à demander aux institutions de contrôle comme la Cour des comptes de faire des propositions. L’intervention d’analystes extérieurs est la seule à même de faire évoluer les choses. Le domaine que nous examinons aujourd’hui peut d’ailleurs servir de levier pour entraîner des changements dans d’autres domaines où l’action politique doit s’ancrer bien plus fortement sur les réalités économiques. Par exemple, les équipes de chercheurs de l’école d’économie de Toulouse, dont les travaux sont très réputés et pragmatiques, pourraient être sollicitées pour des travaux d’analyse sur des sujets ciblés, et l’on pourrait ainsi s’assurer d’une démarche intellectuelle novatrice. Des équipes internationales pourraient aussi être sollicitées pour des analyses de l’efficacité des politiques et en particulier celle de l’emploi.
M. Charles de Courson a fait le même constat d’échec de l’évaluation mais est critique quant aux propositions des rapporteurs. La proposition tendant à rendre les études d’impact obligatoires lui paraît peu efficace, et va se traduire par une loi, car l’on attribue toujours à la loi le pouvoir de résoudre tous les problèmes. La deuxième proposition conduirait à demander aux corps de contrôle d’effectuer des évaluations : il serait préférable que l’évaluation soit effectuée par des intervenants extérieurs aux institutions et aux administrations. Il ne faudrait pas que l’adoption par le Parlement d’un programme annuel d’évaluation (proposition 3) aboutisse à un document parlementaire de plus, à l’impact très limité. Le recentrage du débat budgétaire sur la performance est indispensable, mais le Parlement lui-même est maître de ce processus. Pour apprécier l’incidence économique d’une mesure, des études d’impact sont nécessaires, comme une étude aurait été nécessaire pour la réforme portant sur les heures supplémentaires. Le traitement législatif ou réglementaire de questions à caractère économique n’est pas fondé sur l’évaluation de l’incidence d’une mesure : il faut procéder de façon radicalement différente.
M. Charles de Courson a estimé la proposition 5, visant à renforcer le droit d’accès des chercheurs aux fichiers administratifs, très importante, car il existe de fait un monopole de l’information, les chercheurs ne pouvant accéder aux données de l’administration. Cet accès permettra d’accroître l’expertise extérieure : les équipes de l’ESSEC pourraient, par exemple, s’impliquer dans l’évaluation des politiques de l’emploi. La proposition 6 visant à créer un pôle compétitivité pourrait être fusionnée avec la précédente, puisqu’il s’agit surtout de s’appuyer sur une expertise compétente extérieure à l’administration et aux corps de contrôle.
M. François Goulard a observé que la création d’un réseau thématique de recherche avancée serait plus adaptée que celle d’un pôle de compétitivité, permettant de faire travailler différentes équipes en réseau même si elles se trouvent dans des écoles ou centres de recherche implantés dans différentes régions.
M. René Couanau a estimé que l’on commet une erreur en voulant faire se rejoindre une logique administrative d’une part et une logique humaine et économique d’autre part. L’analyse et l’évaluation de la politique de l’emploi doivent être conduites par bassin d’emploi, et non de façon globale et nationale. Or, cet outil manque aujourd’hui tant pour l’emploi que pour la formation professionnelle. Il manque aux responsables politiques locaux des analyses sur le marché de l’emploi et ses réactions, que les ANPE ne lui fournissent pas.
L’idée d’imposer des études d’impact au plan national lui paraît pour les mêmes raisons sujette à caution car les effets d’une mesure peuvent différer selon le contexte local. Une analyse portant sur un certain nombre de bassins d’emplois choisis pour leurs caractéristiques différentes pourrait être plus utile.
M. Jean Launay a admis qu’associer des organismes et des établissements universitaires au travail d’évaluation donnerait plus de force à l’action parlementaire. Pour autant, de nombreux outils existent déjà au sein du Parlement, à l’image de la mission d’évaluation et de contrôle : il convient de les consolider.
Constatant que ces débats n’étaient pas nouveaux, M. Louis Giscard d’Estaing a invoqué le précédent des « 35 heures », où l’absence d’évaluation préalable avait rendu nécessaire la constitution d’une mission d’information commune sur l’évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail. Par ailleurs, pour preuve du juridisme excessif évoqué par François Goulard, il a cité le document venant d’être transmis par le ministère du budget, qui obéit aux règles comptables et de communication au Parlement, tout en portant sur une somme dérisoire du ministère de la défense et sans plus d’explications. Quant aux rapports des corps d’inspection, ils ne constituent pas nécessairement la solution la plus appropriée : il faudrait plutôt multiplier les sources de contrôle et d’évaluation externes et renforcer les moyens humains, actuellement insatisfaisants, mis à la disposition des Rapporteurs spéciaux.
M. Philippe Vigier a fait remarquer que l’avancée véritable des propositions formulées par les deux Rapporteurs résidait dans l’appel à la responsabilisation des politiques. Une évaluation sérieuse, qui implique une certaine humilité dans la démarche, ne peut être qu’externe à l’administration. Enfin, un lien doit être fait entre le débat sur les politiques de l’emploi et l’évaluation des dispositifs de formation.
Évoquant le bilan des mesures d’exonérations pour les bas salaires, M. Gérard Bapt a indiqué que la mission sur les exonérations de cotisations sociales, dont il est le Président, était parvenue à un constat comparable quant aux grandes difficultés d’évaluation des politiques publiques. L’échelon des bassins d’emploi est souvent le plus pertinent pour juger de l’efficacité des mesures sociales ou fiscales. On doit déplorer à la fois l’impossibilité pour les parlementaires de saisir directement les corps d’inspection et l’insuffisance des effectifs administratifs mis à la disposition des Rapporteurs spéciaux.
M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que le Parlement disposait déjà de leviers d’action intéressants, à l’image des rapports commandés chaque année par la commission des Finances à la Cour des comptes sur le fondement du 2° de l’article 58 de la LOLF. On peut également rappeler que les rapports réalisés par les corps d’inspection doivent être communiqués aux Rapporteurs spéciaux qui en font la demande, conformément à l’article 57 de la LOLF. Le débat parlementaire organisé à l’occasion de la remise du rapport annuel de la Cour des comptes pourrait être mieux valorisé, de même que l’examen et la discussion du projet de loi de règlement. Le rapport annuel de performances – RAP – des programmes de la mission Travail et emploi devra, cette année, faire l’objet d’un travail d’évaluation plus approfondi. Confier des missions d’analyse et d’évaluation à des universitaires est une piste intéressante.
Assurant comprendre le désabusement des parlementaires les plus expérimentés face à un débat récurrent, M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur, a fait part de l’espoir qu’il mettait dans des réussites telles que l’adoption de la LOLF ou la création de la MEC, ces dernières tendant à prouver que les expériences positives et les démarches vertueuses partent toujours d’une initiative des parlementaires. Rejoignant l’esprit des remarques venant d’être formulées, les propositions n° 5 et n° 6 sont précisément inspirées par le souci de recourir aux expertises extérieures : au-delà, la création d’un « pôle de compétitivité » vise à susciter des vocations, en particulier parmi les statisticiens, et à permettre l’émergence d’une évaluation externe et objective des politiques publiques. Quand elles existent, les évaluations des politiques publiques et les études d’impact ne sont pas transmises au Parlement. Rendre des comptes est une chose essentielle. Il appartient aux Rapporteurs spéciaux d’y veiller. D’autant que de nombreux organismes administratifs produisent des rapports et des études intéressants, dont les parlementaires pourraient utilement demander communication. S’il n’est pas toujours très sain de faire évaluer l’administration en interne, un principe d’horizontalité pourrait guider ce type d’évaluation, à travers l’association de plusieurs services de différents ministères. L’Assemblée nationale doit veiller à bien organiser ses travaux sur le prochain projet de loi de règlement, en identifiant les politiques et les missions qui feront l’objet d’un examen plus approfondi et en s’appuyant sur l’ensemble des outils dont dispose le Parlement.
Tout en confirmant son souhait de veiller à la mise en œuvre effective des préconisations du rapport d’information, M. Gaëtan Gorce, Rapporteur, a considéré que les études d’impact peuvent être un moyen de freiner l’ardeur législative et corriger ainsi le défaut du « juridisme » évoqué par M. François Goulard. En effet, certaines administrations chargées de missions concrètes se contentent souvent d’appliquer des normes plutôt que de se soucier de la performance et de l’efficacité des politiques publiques. Confier des missions d’évaluation à des universités est une bonne idée. La discussion du projet de loi de règlement est un cadre plus approprié que celui de la présentation au Parlement du rapport annuel de la Cour des comptes pour rendre compte des travaux d’évaluation des politiques publiques. Les écarts entre les indicateurs des RAP et ceux des projets annuels de performance, les PAP, doivent être justifiés avec précision. Il conviendra plus particulièrement d’y veiller, en juin prochain, s’agissant du RAP des programmes de la mission Travail et emploi. Au-delà de l’efficacité des mesures mises en œuvre par les pouvoirs publics, il serait utile de considérer systématiquement les effets potentiels des mesures alternatives qui auraient pu être mises en œuvre.
La commission des Finances a alors autorisé la publication du rapport d’information sur l’évaluation des politiques de l’emploi.
LISTE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION
Proposition n° 1 : Développer l’évaluation ex ante en rendant obligatoires les études d’impact préalable
– Inscrire dans la Constitution une obligation d’évaluation préalable dont la portée devrait être précisée par le législateur organique. Tout projet de loi non accompagné d’une étude d’impact serait déclaré irrecevable. Une procédure spéciale de contrôle par le Conseil constitutionnel du respect de cette obligation serait mise en place (saisine par le président de l’assemblée concernée dans un délai de 8 jours). L’étude d’impact serait « allégée » pour les projets de loi ne dépassant pas certains seuils (dépenses publiques inférieures à 50 millions d’euros, destinataires inférieurs à un million) ou en cas d’urgence.
– Un mécanisme de sanction intermédiaire permettant le renvoi en commission des articles non évalués – au lieu de l’ensemble du projet de loi – pourrait être prévu.
– Une grille d’analyse spécifique aux études d’impact relatives à l’emploi pourrait être rédigée par le centre d’analyse stratégique (CAS), en concertation avec les commissions parlementaires des finances et des affaires sociales, le ministre chargé de l’emploi ainsi que le secrétaire d’État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques.
– Cette proposition devrait préfigurer une réforme ambitieuse de la procédure législative, consistant à distinguer, sur le modèle britannique, un premier examen en séance publique sur l’opportunité du texte, d’un deuxième examen consacré, après le passage en commission, à l’examen des articles.
Proposition n° 2 : Conférer au Parlement le droit de commander des évaluations auprès du centre d’analyse stratégique et des autres services de l’État
– Le Parlement pourrait commander des évaluations directement au centre d’analyse stratégique (CAS) et, à défaut et en complément, aux services de l’État compétents : services statistiques et d’études ministériels (DARES par exemple), corps d’inspection (IGAS par exemple) et établissements publics compétents (centre d’études de l’emploi notamment).
– Ces demandes seraient centralisées, à l’Assemblée nationale, par le comité d’évaluation et de contrôle créé en janvier dernier par le Président de l’Assemblée nationale, sur proposition des commissions compétentes. Les évaluations réalisées donneraient systématiquement lieu à une audition de l’évaluateur et du ministre ou du responsable de programme concerné.
Proposition n° 3 : Adopter un programme annuel d’évaluation au Parlement
– Les évaluations réalisées sur le fondement de la proposition précédente s’inscriraient dans le cadre d’un programme annuel d’évaluation commun aux commissions concernées, arrêté en septembre à l’issue d’un débat en commission.
Proposition n° 4 : Recentrer le débat budgétaire sur la performance
– Renforcer la pertinence des indicateurs de la mission Travail et emploi et inclure davantage d’indicateurs d’efficience (plutôt que d’activité ou de moyens notamment).
– Élaborer des indicateurs de performance de l’efficience des dépenses fiscales (9,6 milliards d’euros en 2008) rattachées à la mission.
– Enrichir le volet performance des documents budgétaires (PAP et RAP) par des références aux travaux d’évaluation menés sur les dispositifs concernés.
– Justifier tout décalage entre les prévisions initiales, les prévisions actualisées et le réalisé.
– Harmoniser les indicateurs figurant dans les lettres de mission des ministres et ceux de la LOLF, afin d’en favoriser l’appropriation politique.
– Adopter des indicateurs au niveau de la mission, et non des seuls programmes.
– Étendre le recours à l’examen des crédits en commissions élargies.
Proposition n° 5 : Renforcer le droit d’accès des chercheurs aux fichiers administratifs
– Assouplir la loi du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, afin de faciliter l’accès des chercheurs aux données individuelles figurant dans les fichiers de gestion de l’ANPE, de l’Unédic, des conseils régionaux, etc. ;
– Mettre en place un ou des centre(s) d’accès sécurisé(s) pour permettre aux chercheurs de travailler sur les données tout en gardant le contrôle de toutes les opérations effectuées (traçabilité).
Proposition n° 6 : Créer un pôle de compétitivité sur l’évaluation des politiques publiques
– Ce pôle associerait des centres de recherches, des organismes de formation et des cabinets d’études spécialisés. Il permettrait de développer le vivier des chercheurs capables de mener des évaluations lourdes (économétriques notamment).
Proposition n° 7 : Renforcer les suites des évaluations grâce à un « débat d’orientation pour l’emploi » annuel
– Ce débat annuel aurait lieu au Conseil économique et social, afin que les forces économiques et sociales y prennent une part active. Les ministres concernés ainsi que les présidents et les rapporteurs des commissions parlementaires concernés par les politiques de l’emploi y participeraient. Il pourrait être préparé par le secrétariat général du Conseil d’orientation pour l’emploi.
ANNEXE 1 :
Liste des auditions réalisées par vos Rapporteurs
Ministère de l’Économie, des finances et de l’emploi
M. Jean GAEREMYNCK, Délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) Ministère de l’Économie, des finances et de l’emploi, DGEFP.
M. François CARAYON, sous-directeur, 6e sous-direction, MINEFE ; M. BÉTEMPS, chef du bureau emploi et formation professionnelle ; Mme Isabelle VEILLET, chargée de mission, mission Performance de l’action publique, direction du Budget, MINEFE.
Ministère du Travail, des relations sociales et de la solidarité
M. Antoine MAGNIER, directeur de la DARES ; Mme Béatrice SEDILLOT, adjointe, chef de service ; Mme Christelle COLIN, sous-directrice Suivi et évaluation des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle, direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES).
Secrétariat général du Gouvernement (SGG)
M. Jean MAÏA, conseiller pour la qualité de réglementation au secrétariat général du Gouvernement (SGG), rapporteur du groupe de travail chargé d’une réflexion sur les suites du rapport public 2006 du Conseil d’État.
Conseil économique et social
M. Jacques DERMAGNE, président du Conseil économique et social ; Mme Marie-Claude DARDAYROL, directrice de cabinet ; Mme Marie-Christine MARTIN, conseillère chargée des relations avec le Parlement.
Cour des comptes
Mme Marie-Thérèse CORNETTE, présidente de la 5e chambre de la Cour des comptes ; M. Antoine DURRLEMAN, conseiller-maître, président de section ; M. Didier GUÉDON conseiller-maître ; M. Mario DEHOVE, rapporteur, professeur associé d’économie à l’Université Paris XIII.
IGAS
M. André NUTTE, chef de l’inspection générale des affaires sociales ; M. Michel THIERRY, secrétaire général
Centre d’études de l’emploi
M. Pierre RALLE, directeur du centre d’études de l’emploi (CEE) ; Mme Marie RUAULD, responsable de la mission partenariats et programmes.
Conseil d’orientation pour l’emploi (COE)
Mme Marie-Claire CARRÈRE-GÉE, présidente du COE.
Centre d’analyse stratégique
M. René SÈVE, directeur général du centre d’analyse stratégique
Conseil d’analyse économique
M. Dominique BUREAU, directeur des affaires économiques et internationales, ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables, co-auteur du rapport du Conseil d’analyse économique, Performance, incitations et gestion publique, 2007.
Conseil national de l’évaluation
M. Yves COUSQUER, ancien président du Conseil national de l’évaluation.
Mme Véronique CHANUT, ancien rapporteur général du CNE (2000-2002).
M. Stéphane LE BOULER, ancien secrétaire du CNE.
Société française de l’évaluation
Mme Annie FOUQUET, vice-présidence de la SFE, IGAS ; M. Ludovic MEASSON, délégué général de la SFE.
ANNEXE 2 :
La dépense pour l’emploi
A.- LA DÉPENSE POUR L’EMPLOI ET LES ALLÈGEMENTS GÉNÉRAUX
(en millions d’euros)
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 | |
Indemnisation du chômage |
20 660 |
21 838 |
26 124 |
29 243 |
30 442 |
29 817 |
Incitation au retrait d’activité |
3 860 |
3 510 |
2 672 |
2 121 |
1 877 |
1 517 |
Formation professionnelle |
12 698 |
13 083 |
12 777 |
13 012 |
13 318 |
13 437 |
Autres dépenses actives : |
13 829 |
14 279 |
15 000 |
13 847 |
12 880 |
12 731 |
Promotion de l’emploi et création d’emploi |
9 471 |
9 917 |
10 159 |
9 208 |
8 221 |
7 999 |
Exonérations non compensées |
1 708 |
1 553 |
1 401 |
1 111 |
928 |
836 |
Maintien de l’emploi |
498 |
553 |
609 |
598 |
662 |
683 |
Incitation à l’activité |
992 |
1 034 |
1 111 |
1 190 |
1 200 |
1 305 |
Fonctionnement du marché du travail |
1 161 |
1 222 |
1 721 |
1 741 |
1 869 |
1 909 |
TOTAL de la dépense pour l’emploi |
51 046 |
52 711 |
56 573 |
58 223 |
58 518 |
57 503 |
Total de la DPE (en points de PIB) |
3,54 |
3,52 |
3,65 |
3,65 |
3,52 |
3,35 |
Réductions dégressives bas salaires (entreprises à 39 h.) (a) |
5 275 |
5 116 |
4 333 |
2 087 |
9 |
- |
RTT (« Loi Robien » 1996) |
554 |
506 |
539 |
565 |
388 |
17 |
35 h. (« Loi Aubry 1 » 1998) |
2 073 |
2 423 |
2 362 |
1 949 |
846 |
258 |
35 h. (« Loi Aubry 2 » 2000) |
3 674 |
6 371 |
8 191 |
4 260 |
- |
- |
Allègements (« Loi Fillon » du 17 janvier 2003) (b) |
- |
- |
- |
7 230 |
15 033 |
16 918 |
Total allègements généraux |
11 576 |
14 416 |
15 425 |
16 090 |
16 275 |
17 193 |
Total DPE et allègements généraux |
62 622 |
67 127 |
71 998 |
74 313 |
74 793 |
74 696 |
TOTAL DPE et allègements généraux (en points de PIB) |
4,34 |
4,48 |
4,65 |
4,66 |
4,51 |
4,35 |
Dépense pour l’emploi : source DARES, comptes de l’emploi. Allègements généraux : source ministère de l’emploi et de la solidarité (jusqu’à 200). De 2001 à 2003, Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) ; 2003 inclut la liquidation du FOREC, intervenue début 2004. Pour 2004 et 2005 : ministère chargé de l’emploi. Hors dispositif d’appui et de conseil à la RTT. Pour 2000, estimation DARES pour la répartition des allègements. Rupture des séries pour les allègements généraux : les dépenses sont présentées en « données de caisse » (dépenses au cours de l’année). |
Source :DARES – Ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
B.- CE QUE RECOUVRE LA DÉPENSE POUR L'EMPLOI
1. La DARES procède chaque année à un recensement et à une analyse des efforts consentis par la collectivité dans la lutte pour l'emploi et contre le chômage. Cette mesure financière est appelée Dépense pour l'emploi (DPE). Le champ de cette dépense inclut l'indemnisation du chômage et les actions de politique d'emploi conduites par le ministère chargé de l'emploi, mais aussi par les autres administrations chargées de l’agriculture, l’aménagement du territoire, le commerce et l’artisanat, l’économie et les finances, l’industrie, etc. Parmi les actions menées par les administrations autres que le ministère chargé de l'emploi, seules celles qui reposent sur un critère explicite de création ou de maintien de l'emploi, ou encore de sortie du marché du travail, sont considérées comme éléments de la politique de l'emploi. Les politiques sociales comme le RMI ne sont pas prises en compte ici.
2. La DPE comprend également la participation des entreprises et des salariés au financement de ces mesures par le biais de l’UNEDIC ou des dépenses de formation professionnelle continue, pour l'essentiel. L'effort des collectivités territoriales n'est, en revanche, que très imparfaitement appréhendé puisqu'il est ici limité essentiellement au domaine relevant de l'obligation statistique (formation professionnelle en régions).
3. La Dépense pour l'emploi recouvre des subventions, des allocations ou des exonérations (compensées ou non par l'État). Elle n'inclut pas le coût de mesures économiques générales pouvant avoir un effet sur l'emploi ou encore de mesures réglementaires (comme celles relatives à la durée du travail, au salaire minimum ou au contrat de travail) dont les incidences financières ne sont pas directement mesurables.
Les mesures d'abaissement général du coût du travail (exonération de cotisations d'allocations familiales sur les bas salaires, aides à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, puis allègements généraux) sont considérées comme des mesures de nature macroéconomique affectant le mode de calcul des cotisations sociales ou de l'impôt, même si leur objectif principal est bien d'encourager l'emploi. A ce titre, elles ne sont pas prises en compte ici, mais seulement mentionnées pour mémoire, tant il est vrai qu'elles constituent un volet important des politiques publiques en faveur de l'emploi et qu'elles donnent lieu à compensation par le budget de l'État. Cette convention est celle retenue par les organismes internationaux, en particulier l’OCDE qui compare chaque année les dépenses publiques pour l'emploi dans les principaux pays industrialisés, ainsi que par Eurostat.
4. Certaines exonérations de cotisations sociales à objet spécifique (exonération à l'embauche du 1er salarié, abattement temps partiel, ces,...) ne font pas l'objet de compensation par l'État. Les régimes sociaux subissent ainsi un manque à gagner. Considérant que ce manque à gagner représente un coût pour la collectivité, bien que ne constituant pas une dépense à proprement parler, la DARES choisit de privilégier le point de vue du coût pour la collectivité et donc d'intégrer les estimations de perte de recettes (source ACOSS). Le manque à gagner est présenté comme une série autonome.
5. Les données financières présentées ici correspondent à des dépenses effectives (crédits consommés), des manque à gagner (exonérations de cotisations sociales non compensées) ou, très rarement, à des dépenses fiscales (cas du crédit d'impôt-formation).
6. La Dépense pour l'emploi est traditionnellement répartie en dépenses dites « passives » (indemnisation du chômage et incitation au retrait d'activité) qui correspondent à des revenus de remplacement et dépenses « actives » qui regroupent les autres rubriques et présentent les différentes facettes de la politique de l'emploi et les moyens administratifs qu'elle sollicite (Service public de l'emploi). Ce classement est indicatif, car un certain nombre de dispositifs présentent des caractéristiques des deux ordres. Par exemple, les mesures d’ « intéressement » des allocataires d’ASS constituent une « activation » de dépenses (passives) d’indemnisation du chômage.
7. Le champ couvert par la DPE est un peu plus vaste que celui retenu par Eurostat (base « Politiques du marché du travail ») et l'OCDE (Perspectives de l'emploi) pour leurs comparaisons internationales. Les organisations internationales prennent en compte les politiques publiques du marché du travail mises en oeuvre par l'administration du travail ou le Service public de l’emploi, l'UNEDIC ou les régions, principalement. Elles excluent les dépenses de formation professionnelle engagées par les entreprises.
8. La Dépense pour l’emploi comprend une rubrique « Formation professionnelle » dont le champ se retrouve entièrement dans celui traité dans le « Compte économique de la formation professionnelle ». Ce dernier vise à couvrir l’ensemble des dépenses de formation professionnelle. À ce titre, il inclut par exemple les exonérations de cotisations sociales en faveur des contrats en alternance, considérés comme des éléments de coût des rémunérations des bénéficiaires – que la Dépense pour l’emploi classe avec les autres exonérations ciblées dans la rubrique Promotion de l’emploi. Le compte de la formation professionnelle couvre également le secteur public. La Dépense pour l’emploi traite uniquement des actions de formation en faveur des demandeurs d’emploi ou des jeunes en insertion, ainsi que les dépenses de formation continue des salariés du secteur concurrentiel.
Source : DARES – Ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
C.- COMPARATIF DES CHAMPS DE LA « DÉPENSE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE ET DE L’APPRENTISSAGE » ET DE LA « DÉPENSE POUR L’EMPLOI » | ||||
Comparatif établi en mai 2007 sur des données provisoires qui peuvent avoir évolué dans les publications définitives (en millions d’euros | ||||
La dépense nationale pour la formation professionnelle continue et l’apprentissage |
Montant 2004 |
La formation professionnelle dans la dépense pour l’emploi |
Montant 2004 | |
Actions en faveur des jeunes, apprentissage, alternance | ||||
Mesures en faveur des jeunes |
Ateliers pédagogiques personnalisés, permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO), CIVIS… |
871 |
Ateliers Pédagogiques Personnalisés, Permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), CIVIS… |
871 |
Apprentissage |
Dépenses pour l’alternance |
3 787 |
Non pris en compte (considéré comme formation initiale ou aide à l'emploi) |
0 |
Dont : dépenses, investissement |
2 109 |
Non pris en compte (considéré comme formation initiale) |
0 | |
Primes, exonérations, aides à l’embauche |
1 678 |
Les exonérations et aides (1503 M€) sont comptabilisées comme aides à l'emploi (dans la rubrique "promotion de l'emploi"), à l'exception des exonérations sur l'impôt sur le revenu de l'apprenti (175 M€). |
0 | |
Alternance |
Dépenses pour l'alternance |
1 288 |
Seulement dépenses obligatoires pour les entreprises |
938 |
Dépense des OPCA alternance/professionnalisation |
937 |
Dépense des OPCA alternance/professionnalisation |
937 | |
Exonérations, aides à l'embauche |
351 |
Uniquement le financement Unédic du Contrat de qualification adulte. Les autres exonérations du contrat de qualification (350 M€) sont comptabilisées comme aides à l'emploi (dans la rubrique "promotion de l'emploi"). |
1 | |
Actions en faveur des demandeurs d’emploi adultes | ||||
Fonctionnement |
Financements des organismes publics et parapublics (AFPA...), SAE, SIFE, FFPPS, Stages Régions, aides PARE… |
1 633 |
Financements des organismes publics et parapublics (AFPA...), SAE, SIFE, FFPPS, Stages Régions, aides PARE… |
1 633 |
Rémunération |
Rémunération des stagiaires |
1 829 |
Rémunération des stagiaires |
1 829 |
Actions en faveur des actifs occupés du secteur privé | ||||
Programmes publics |
FFPPS, Accompagnement des restructurations (FNE), CNAM, Formations financées par les Régions… |
216 |
FFPPS, Accompagnement des restructurations (FNE), CNAM, Formations financées par les Régions… |
216 |
Entreprises |
Formations des salariés financées par les entreprises ou les OPCA (Plan de formation, CTF, CIF) |
7 861 |
Formations des salariés financées par les entreprises ou les OPCA (Plan de formation, CTF, CIF) |
7 861 |
Post-scolaires |
Salariés suivant une formation en université ou IUT |
1 148 |
Non pris en compte (hors politique de l’emploi) |
0 |
Actions en faveur des demandeurs des actifs occupés du secteur public | ||||
Formation du public |
Formation du personnel des trois fonctions publiques |
5 374 |
Non pris en compte (hors politique de l’emploi) |
0 |
Divers | ||||
Ménages |
Formations financées par les ménages |
481 |
Non pris en compte (hors politique de l’emploi) |
0 |
GRETA |
Subventions au GRETA (destiné aux demandeurs d’emploi et aux actifs du secteur privé) |
77 |
Non pris en compte (hors politique de l’emploi) |
0 |
VAE |
Subventions de fonctionnement pour la validation des acquis de l’expérience |
13 |
Non pris en compte (hors politique de l’emploi) |
0 |
TOTAL |
24 577 |
TOTAL |
13 348 |
Source : DARES – Ministère du Travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
1 () En 2008, ces 50,2 milliards se décomposent ainsi : 12,32 milliards d’euros au titre de la mission Travail et emploi, auxquels s’ajoutent 1,49 milliard d’euros de crédits relevant d’autres missions (Outre-mer, Ville et logement, etc.) contribuant directement à la politique de l’emploi ; 9,6 milliards d’euros au titre des dépenses fiscales rattachées à la mission ; 26,85 milliards d’euros au titre des allégements généraux de cotisations patronales (y compris les dispositions relatives aux heures supplémentaires de la loi TEPA).
2 () Rapport annuel 2004 de la Cour des comptes « Les dispositifs d’évaluation des politiques d’aide à l’emploi » et rapport annuel 2007 sur les suites de ces observations.
3 () Rapport au Premier ministre relatif aux aides publiques.
4 () V. Assemblée nationale, Le feuilleton, n° 74, 31 janvier 2007.
5 () V. Rapport spécial n° 276 de M. Gaëtan Gorce au nom de votre commission des Finances, p. 56 s. Cet indicateur ne saurait naturellement se substituer à une véritable évaluation, car il ne prend en compte ni la dynamique propre du secteur HCR ni l’impact de ces aides sur les conditions de travail dans la restauration (suppression du SMIC hôtelier, etc.).
6 () Secrétariat général du Gouvernement, rapport au Premier ministre du groupe de travail chargé d’une réflexion sur les suites du rapport public 2006 du Conseil d’État, 2007.
7 () V. le dernier rapport 2006-2007 : http://www.senat.fr/rap/appleg_07/appleg_07.pdf.
8 () V. par exemple le rapport d’application de MM. Serge Blisko et Guy Geoffroy, au nom de votre commission des Lois, sur la mise en application de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, doc. AN n° 491.
9 () Il s’agit en l’espèce d’un rapport du Conseil économique et social.
10 () IGAS, Évaluation de la loi n° 2003-1200, rapport de synthèse, novembre 2006.
11 () DGEFP, Bilan du volet mutations économiques de la loi du 15 janvier 2005, mars 2007.
12 () L’existence et la pertinence de cet indicateur démontre d’ailleurs qu’il est tout à fait possible de définir de bons indicateurs pour mesurer l’utilité de certaines dépenses fiscales.
13 () V. la synthèse des travaux relatifs aux allégements de cotisations sociales employeurs sur les bas salaires réalisée par le secrétariat général du Conseil d’orientation pour l’emploi pour la conférence « emploi et pouvoir d’achat » du 23 octobre 2007, en ligne sur le site du COE : www.coe.gouv.fr.
14 () Sur la problématique générale de l’évaluation des politiques décentralisées, v. le rapport au Premier ministre du groupe de réflexion sur l’évaluation des politiques locales présidée par M. Gilles Carrez (juin 2003). Le principe d’une évaluation périodique des politiques locales et la création d’un Conseil national des politiques publiques, préconisés par ce rapport et inscrits dans le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, ont été par la suite rejetés par le Sénat.
15 () Ces évaluations ont porté sur l’informatique de l’État, l’insertion des adolescents en difficulté la réhabilitation du logement social, les services publics et les populations défavorisées, l’aménagement des rythmes de vie des enfants, l’action sociale de l’État en faveur de ses agents, l’aménagement et la gestion des zones humides, la prévention des risques naturels, la politique de maîtrise de l’énergie, les aides à la création d’entreprise, la politique de la montagne, la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, enfin la loi quinquennale relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.
16 () Rapport d’information n° 392 de MM. Joël Bourdin, Pierre André et Jean-Pierre Plancade, 30 juin 2004.
17 () V. rapport d’activité du CNE 2000-2002, « Une évaluation à l’épreuve de son utilité sociale », La Documentation française, 2003.
18 () CNE-CGP, Rapport de l’instance d’évaluation présidée par M. Yves Robineau, publié à la Documentation française en 2002.
19 () La SFE est une association fondée en 1999 qui a pour vocation générale de contribuer au développement de l’évaluation et de promouvoir son utilisation dans les organisations publiques et privées. Elle a notamment élaboré une Charte de l’évaluation (2003, révisée en 2006), définissant les standards de référence et la déontologie en matière de pratiques évaluatives et d’évaluations de politiques et de programmes publics.
20 () Le référé a été reçu par la commission des Finances le 24 janvier 2008, le lendemain de l’adoption en première lecture du projet de loi par l’Assemblée. Le délai prévu par l’art. L. 135-5 du code des juridictions financières est de 3 mois et le référé date du 3 octobre 2007 : il aurait donc dû être transmis le 3 janvier 2008.
21 () http://www.travail.gouv.fr/etudes-recherche-statistiques/etudes-recherche/publications-dares/98.html
22 () Premières informations et Premières synthèses, février 2008, n° 9.01.
23 () Premières informations et Premières synthèses, janvier 2008, n° 02.2.
24 () Premières informations et Premières synthèses, novembre 2007, n° 46.2.
25 () Premières informations et Premières synthèses, juin 2007, n° 26.1.
26 () Document d’études n° 136, février 2008.
27 () Document d’études n° 136, février 2008.
28 () Document d’études n° 119, octobre 2006.
29 () Dossier 2006 – n° 1 – Bilan de la politique de l’emploi en 2004.
30 () S. Gauthier, document de travail du CREST n° 2008-01.
31 () « Politiques d’accompagnement, éviction et équilibre du marché du travail », convention CREST-DARES n° 1239.
32 () « Politiques d’accompagnement, éviction et équilibre du marché du travail », convention CREST-DARES n° 1239.
33 () V. ANPE, DARES, Unédic, « L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi », janvier 2008, n° 1.
34 () Les réflexions qui suivent s’appuient tout particulièrement sur une note de M. Mario Dehove, rapporteur à la Cour des comptes, transmise aux Rapporteurs.
35 () Rapport au Premier ministre du groupe de travail chargé d’une réflexion sur les suites du rapport public 2006 du Conseil d’État.
36 () Annexe IX du rapport du groupe de travail, op. cit.
37 () HM Treasury. The Green Book. Appraisal and Evaluation in Central Government.
38 () Le décret n° 2006-260 du 6 mars 2006 instituant la création du centre d’analyse stratégique n’autorise actuellement les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat qu’à adresser des propositions d’études au Premier ministre, afin qu’il en saisisse le CAS.
39 () Décision n° 2004-493 DC du 26 février 2004, Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale ; décision n° 2000-435 du 7 décembre 2000, Loi d’orientation pour l’outre-mer.
40 () Conseil d’analyse économique, Performance, incitations et gestion publique, 2007.
41 () V. aussi avis du Conseil national de l’information statistique (CNIS) sur les programmes statistiques 2007, du 18 décembre 2006, point 5.
42 () Présidé par un conseiller d’État, ce comité comprend notamment des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat (v. décret n° 2005-333 du 7 avril 2005).
43 () Le projet de loi relatif aux archives adopté par le Sénat en première lecture le 8 janvier 2008 prévoit d’abaisser ce délai à 75 ans lorsque les données ont été obtenues à la suite d’une enquête, le délai restant maintenu à 100 ans lorsqu’elles ont été obtenues dans le cadre d’un recensement. Dans les deux cas, un délai de 25 ans après le décès de l’intéressé s’appliquerait, s’il est plus bref.
44 () Tel est le sens de l’amendement au projet de loi relatif aux archives adopté par le Sénat – sur avis défavorable du Gouvernement – sur l’initiative des sénateurs Yves Fréville et Yannick Texier, qui étend à ces données la compétence du comité du secret statistique.
45 () V. sur ces centres, le compte-rendu de la 4e réunion du conseil scientifique de la DARES du 21 juin 2007, en ligne sur le site de la DARES.
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