N° 1028 - Rapport d'information de Mme Claude Greff déposé par la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les femmes et leur retraite



N° 1028

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juillet 2008.

RAPPORT D'INFORMATION

déposé

en application de l’article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100
du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1)

sur les femmes et leur retraite

par Mme Claude GREFF

Députée.

——

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Mme Huguette BELLO, Mme Martine BILLARD, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, Mme Chantal BOURRAGUÉ, Mme Danielle BOUSQUET, Mme Valérie BOYER, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, Mme Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, M. Richard CAZENAVE, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, Mme Catherine COUTELLE, Mme Pascale CROZON, Mme Marie-Christine DALLOZ, Mme Claude DARCIAUX, Mme Odette DURIEZ, M. Guy GEOFFROY, Mme Claude GREFF, Mme Arlette GROSSKOST, Mme Françoise GUÉGOT, M. Guénhaël HUET, M. Olivier JARDÉ, Mme Marguerite LAMOUR, M. Bruno LE ROUX, Mme Geneviève LEVY, Mme Gabrielle LOUIS-CARABIN, Mme Jeanny MARC, Mme Martine MARTINEL, Mme Henriette MARTINEZ, M. Philippe NAUCHE, Mme Bérengère POLETTI, Mme Josette PONS, Mme Catherine QUÉRÉ, M. Jacques REMILLER, M. Daniel SPAGNOU, Mme Catherine VAUTRIN, M. Philippe VITEL, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

INTRODUCTION 5

I. LA SITUATION DÉFAVORABLE DES FEMMES AU REGARD DE LA RETRAITE 6

A. DE FORTES INÉGALITÉS EN MATIÈRE DE RETRAITES 6

1. Des écarts marqués entre les pensions servies aux hommes et aux femmes 6

a. Des niveaux de pension bien inférieurs à ceux des hommes 6

b. Un départ à la retraite à un âge plus tardif 7

2. L’amélioration résultant du développement de l’activité féminine risque d’être très lente 8

3. Des mesures positives sur le minimum vieillesse et le maintien du pouvoir d’achat des veuves 9

a. La revalorisation du minimum vieillesse 9

b. L’augmentation du taux de réversion pour le régime général et les régimes alignés 9

B. REFLET DES CARRIÈRES PROFESSIONNELLES DES FEMMES 10

1. Les conséquences des carrières professionnelles des femmes 10

2. Sont amplifiées par l’impact des réformes des retraites 12

II. DES ENJEUX MAJEURS EN MATIÈRE DE RETRAITE 13

A. L’ADAPTATION DES DROITS FAMILIAUX ET CONJUGAUX 13

1. La réforme des droits familiaux et conjugaux 13

2. Les pensions de réversion 14

3. Les bonifications pour enfant dans la fonction publique et la réforme de 2003 15

a. Les modifications apportées par la loi du 20 août 2003 15

b. Le critère d’interruption d’activité 16

c. Les répercussions de la réforme de 2003 sur l’attribution des bonifications 17

B. LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION 18

III. DES RÉFORMES À CONDUIRE 21

A. DES CORRECTIFS IMMÉDIATS À APPORTER AUX MODALITÉS DE CALCUL 21

1. Une meilleure prise en compte du congé de maternité 21

2. La proratisation du nombre de meilleures années en fonction du nombre d’années d’activité 21

3. Les modalités de décompte des trimestres validés 22

B. DES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES SUR LE TEMPS PARTIEL 22

1. L’apport des règles de validation des trimestres et le minimum contributif compensent pour une part les effets du temps partiel 22

2. Des négociations sur le temps partiel sont cependant indispensables 23

a. Le temps partiel est une spécificité de l’activité féminine qui a de fortes conséquences sur les retraites 23

b. La possibilité de surcotiser à l’assurance vieillesse reste, en pratique, marginale 24

3. Ainsi qu’une meilleure information des salariés 25

C. LE PARTAGE DES DROITS À LA RETRAITE EN CAS DE DIVORCE 26

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 29

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 31

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA DÉLÉGATION ET COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS 33

ANNEXE 2 : PRÉSENTATION DES DROITS FAMILIAUX ET CONJUGAUX 99

INTRODUCTION

Au moment où s’est ouvert le deuxième rendez-vous sur les retraites, la Délégation aux droits des femmes a souhaité examiner plus particulièrement la question des pensions de retraites servies aux femmes.

En effet, aux forts écarts existant entre les hommes et les femmes en matière de pensions de retraite, s’ajoute la grande dispersion des retraites servies aux femmes qui placent certaines d’entre elles dans des conditions économiques extrêmement précaires.

Sans méconnaître la nécessité de garantir dans la durée l’équilibre des régimes de retraite, des correctifs sont indispensables pour compenser certaines conséquences des carrières professionnelles des femmes et des inégalités professionnelles, ainsi que les effets des modalités de calcul des pensions. On ne peut, en effet, se contenter d’attendre une amélioration des conditions d’emploi des femmes qui ne sera que très lente, pour faire face aux difficultés qu’elles rencontrent.

I. LA SITUATION DÉFAVORABLE DES FEMMES AU REGARD DE LA RETRAITE

A. DE FORTES INÉGALITÉS EN MATIÈRE DE RETRAITES

Le développement de l’activité féminine réduit les écarts de retraite entre les femmes et les hommes mais n’a qu’un impact modéré sur le niveau des pensions qui leur sont servies en raison des caractéristiques de l’emploi féminin.

1. Des écarts marqués entre les pensions servies aux hommes et aux femmes

a. Des niveaux de pension bien inférieurs à ceux des hommes

En 2004, le montant moyen des retraites perçues par les femmes a été de 38 % inférieur à celui des hommes. Les seuls avantages de droits directs acquis par les femmes, c'est-à-dire les droits acquis en contrepartie de l’activité professionnelle, ne représentent que 55 % de ceux des hommes (Tableau p 11).

Montants mensuels moyens bruts de la retraite globale selon l’âge et le sexe

(en euros)

 

60 à 64 ans

65 à 69 ans

70 à 74 ans

75 à 79 ans

80 ans et plus

Ensemble

             

Retraite globale Femmes

1 191

961

941

986

1 067

1 020

Dont :

- Avantage principal de droit direct

1 073

801

705

663

616

745

- Avantage principal de réversion

75

120

192

279

397

229

- Avantages accessoires

43

41

44

45

54

46

             

Retraite globale Hommes

1 672

1 674

1 604

1 612

1 609

1 636

Dont :

- Avantage principal de droit direct

1 603

1 599

1 519

1 514

1 498

1 550

- Avantage principal de réversion

6

8

10

17

26

13

- Avantages accessoires

64

67

75

82

85

74

Avantages accessoires : bonifications pour enfants, majoration pour conjoint à charge, majoration pour aide constante d’une tierce personne, minimum vieillesse.

Champ : retraités de 60 ans ou plus, nés en France, ayant au moins un avantage de droit direct. Les retraités ne percevant qu’une pension de réversion sont exclus.

Source : Drees, échantillon interrégimes de retraités 2004.

Il s’y ajoute le fait que les écarts sont très marqués au sein des pensions versées aux femmes, c’est-à-dire entre celles qui ont des carrières complètes (seulement une femme retraitée sur deux) et celles ayant eu des carrières incomplètes qui peuvent être très courtes.

b. Un départ à la retraite à un âge plus tardif

Les femmes qui pour beaucoup d’entre elles ont effectué de courtes carrières sont en conséquence contraintes de liquider plus tard leurs droits afin d’éviter une diminution du montant de leur retraite.

En effet, dans le régime général, le montant de la retraite non seulement est proportionnel au nombre de trimestres validés mais, en cas de carrière incomplète, est amputé d’une décote si le départ a lieu avant 65 ans. 3 femmes sur 10 doivent attendre l’âge de 65 ans pour compenser les effets d’une carrière incomplète et accéder au bénéfice du taux plein pour le calcul de leur pension, alors que les liquidations tardives concernent peu les hommes (seulement 1 homme sur 20).

Âge de première liquidation de la retraite selon le régime principal de retraite pour la

génération née en 1938 en France

Régime de base (unique pour les unipensionnés ou principal (1)
pour les polypensionnés)

Répartition des
retraités (en %)

Répartition par âge de liquidation (en %)

Âge moyen de liquidation
(en années)

   

< 60 ans

60 ans

61-64 ans

65-66 ans

Ens.

 

Ensemble des femmes, dont :

100,0

6

53

11

30

100

61,4

Unipensionnés

 

           

Régime général (salariés du privé)

57,3

0

51

10

39

100

62,2

MSA salariés

0,5

0

56

8

36

100

61,9

Fonction publique civile (3)

7,9

38

49

10

3

100

58,5

Polypensionnés

             

Régime général (salariés du privé)

13,7

2

51

13

34

100

61,8

MSA salariés

0,8

0

71

7

23

100

61,3

Fonction publique civile (3)

6,6

29

52

13

5

100

59,1

Unipensionnés et polypensionnés

             

Régimes spéciaux

1,2

78

18

3

2

100

55,3

Agriculteurs

8,8

0

82

10

9

100

60,6

Artisans ou commerçants

1,5

0

53

17

31

100

61,9

Ensemble des hommes, dont :

100,0

14

72

10

5

100

59,5

Unipensionnés

             

Régime général (salariés du privé)

20,5

0

84

10

5

100

60,5

MSA salariés

2,3

0

92

4

4

100

60,3

Fonction publique civile (3)

7,2

39

43

12

6

100

58,8

Polypensionnés

             

Régime général (salariés du privé)

38,1

3

83

9

5

100

60,1

MSA salariés

0,7

0

91

7

1

100

60,2

Fonction publique civile (3)

6,0

34

55

8

3

100

58,6

Unipensionnés et polypensionnés

             

Régimes spéciaux

5,8

91

9

0

0

100

54,6

Militaires (2)

2,1

99

1

0

0

100

47,7

Agriculteurs

7,5

0

89

9

2

100

60,3

Artisans ou commerçants

5,9

0

76

17

6

100

60,6

Professions libérales (2)

1,2

1

17

33

49

100

63,0

(1) Les polypensionnés sont ici classés selon leur régime de base principal, celui où ils ont validé au moins la moitié de leurs trimestres d’assurance. L’âge de leur première liquidation n’est pas nécessairement celui de la liquidation dans leur régime principal.

(2) Non isolés pour les femmes en raison de leur petit nombre.

(3) État, CNRACL, Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, FSPOEIE.

Champ : Retraités de droit direct (hors invalides) en 2004, nés en 1938 (âgés de 66 ans) en France.

Source : Drees, échantillon interrégimes de retraités 2004.

Comme le montre le tableau ci-dessus, pour l’ensemble des retraités tous régimes, les femmes nées en 1938, ont en moyenne liquidé leur droit à la retraite deux ans plus tard que les hommes : à 61,4 ans au lieu 59,5 ans.

2. L’amélioration résultant du développement de l’activité féminine risque d’être très lente

La progression de l’activité professionnelle des femmes depuis les quarante dernières années s’est traduite dans l’évolution de leurs retraites. La part de la retraite acquise au titre d’une activité professionnelle (avantage de droit direct) est plus élevée pour les générations récentes : il est aujourd’hui de 800 euros pour les 65-69 ans contre seulement 600 pour celles âgées de plus de 85 ans.

Selon les indications fournies à la Délégation par la Direction de la sécurité sociale lors de l’audition de son représentant, le rapport entre les pensions des femmes et des hommes s’améliore continûment. « L’écart s’est réduit de dix points entre la génération de 1936 et celle de 1944. En huit générations, l’évolution n’est pas négligeable. Pour autant, il est difficile de déterminer si l’on arrivera à la parité ni à quel moment. »

Les écarts importants des pensions servies aux hommes et aux femmes devraient donc s’atténuer progressivement mais, selon les évaluations du COR, ils ne disparaîtront pas « même pour les générations liquidant leurs droits en 2030 : le volume d’emploi féminin tend à plafonner, notamment à cause de la fréquence accrue du temps partiel, et les écarts salariaux entre hommes et femmes ont cessé de se réduire depuis le milieu des années 90. » (1)

En effet, si le taux d’activité des femmes est en hausse depuis les années 70 : il est passé de 58 % en 1975 à 82 % en 2006, il n’en va pas de même du nombre d’heures travaillées au cours de leur vie active.

Les enquêtes « Emploi du temps » montrent que pour les générations actuellement actives, le temps de travail sur l’ensemble de la carrière est 1,7 fois plus élevé pour les hommes que pour les femmes. Combiné aux autres facteurs d’inégalité, il est un élément qui explique de façon persistante les écarts de pension entre les hommes et les femmes.

Pour les générations nées vers 1960, les pensions perçues par les hommes devraient être encore 1,7 fois plus élevées dans le secteur privé et 1,2 fois dans le secteur public (2). Se pose donc le problème des générations qui vont arriver à la retraite dans les dix à quinze ans à venir. On ne peut, à leur égard, se contenter d’attendre une amélioration de la situation professionnelle des femmes.

La Délégation considère que la loi de financement de la sécurité sociale doit être l’occasion d’arrêter des mesures de réduction des écarts de pensions entre les hommes et les femmes conformément à l’objectif fixé dans les « Programmes de qualité et d’efficience » de la loi de financement votée pour 2008. Pour plus d’efficacité, cet objectif devrait être chiffré.

3. Des mesures positives sur le minimum vieillesse et le maintien du pouvoir d’achat des veuves

a. La revalorisation du minimum vieillesse

L’allocation supplémentaire du minimum vieillesse garantit un minimum de ressources aux personnes âgées démunies. Parmi elles, les femmes, le plus souvent isolées, sont majoritaires et leur proportion s’accroît fortement avec l’avancée en âge, notamment après 79 ans, car ce sont des générations qui ont eu une activité professionnelle souvent très réduite.

La revalorisation de 5 % du minimum vieillesse a été annoncée pour 2008, conformément à l’engagement de campagne du Président de la République d’une augmentation de cette allocation de 25 % en cinq ans.

Le versement de l’avance de 200 euros à titre d’acompte est intervenu en mars 2008.

b. L’augmentation du taux de réversion pour le régime général et les régimes alignés

Le taux de la réversion va être porté de 54 % à 60 %, comme s’y était engagé le Président de la République.

Ce taux sera augmenté en trois étapes pour atteindre :

—  56 % au 1er janvier 2009,

—  58 % au 1er janvier 2010,

—  et 60 % au 1er janvier 2011.

Cette mesure aura également un effet significatif sur les retraites des femmes dans la mesure où celles-ci en sont, de très loin, les premières bénéficiaires : 92 % des bénéficiaires des pensions de réversion sont des femmes. De surcroît, environ 1 million de personnes (essentiellement des femmes) ne perçoivent qu’une pension de réversion sans avoir de droits propres à la retraite.

Cependant, cette revalorisation n’atteindrait qu’une partie de son objectif si elle ne s’appliquait qu’aux pensions de réversion nouvellement liquidées.

La Délégation recommande que le bénéfice de la revalorisation de la réversion ne soit pas limité aux pensions nouvellement liquidées mais s’applique aussi aux veufs et aux veuves déjà bénéficiaires d’une pension.

B. REFLET DES CARRIÈRES PROFESSIONNELLES DES FEMMES

Les écarts de pension qui ont été soulignés sont pour une grande part le reflet des modalités de l’activité féminine et des inégalités professionnelles, tant en termes de salaire que de déroulement de carrière.

Ils résultent aussi de modes de calcul qui s’avèrent particulièrement pénalisants pour les carrières accidentées, incomplètes, interrompues ou à temps partiel. Ces conséquences valent aussi bien pour les hommes que pour les femmes, mais dans la mesure où ces dernières ont plus souvent interrompu leur activité et travaillé à temps partiel (82 % des salariés à temps partiel sont des femmes), elles en subissent particulièrement les effets.

Plus d’une femme sur deux ayant pris sa retraite en 2006 a vu sa pension du régime général portée au minimum contributif (3). Cela signifie que bien qu’elle ait exercé une activité professionnelle, ses rémunérations ont été trop faibles pour parvenir à un niveau de pension minimal de 633 euros mensuels, ou bien qu’elle n’a pas validé un nombre suffisant de trimestres pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein.

1. Les conséquences des carrières professionnelles des femmes

Les caractéristiques de l’emploi féminin retentissent fortement sur le niveau des retraites versées aux femmes, une activité professionnelle réduite ou interrompue se traduisant par la moindre constitution de droits.

En 2004, seulement 41 % des femmes retraitées avaient validé une carrière complète contre 86 % des hommes, c’est-à-dire moins de la moitié.

Le montant moyen de retraite acquis par les hommes en contrepartie de leur activité professionnelle (l’avantage principal de droit direct) est deux fois plus élevé que celui perçu par les femmes. Ce montant dépendant étroitement de la durée de la carrière qui permet ou non d’atteindre le taux plein, l’écart avec les hommes provient en fait de ce que les femmes ont cotisé moins longtemps.

Montant moyen mensuel de l’avantage principal de droit direct selon l’âge et le sexe

 

65 à 69 ans

70 à 74  ans

75 à 79 ans

80 à 84 ans

85 ans et plus

Ensemble

Femmes

           

Toutes carrières

801

705

663

625

601

692

dont : carrières complètes

1 135

1 045

964

965

923

1 027

Hommes

           

Toutes carrières

1 599

1 519

1 514

1 517

1 452

1 535

dont : carrières complètes

1 671

1 569

1 569

1 601

1 568

1 603

Écarts des montants féminins / masculins (en %)

           

Toutes carrières

- 50

- 54

- 56

- 59

- 59

- 55

dont : carrières complètes

- 32

- 33

- 39

- 4

- 41

- 36

Champ : retraités de 65 ans ou plus, nés en France, ayant au moins un avantage de droit direct. Les retraités ne percevant qu’une pension de réversion sont exclus. Source : Dress, échantillon interrégimes de retraités 2004. INSEE 2008

Les raisons en sont multiples :

—  une entrée plus tardive des jeunes femmes dans la vie active en raison d’études plus poussées mais pas seulement : elles mettent aussi plus longtemps que les jeunes hommes à obtenir un premier emploi.

—  l’impact de la maternité sur l’activité professionnelle : lors d’une naissance 22 % des femmes déclarent cesser leur activité ; plus d’une femme sur deux réduit son activité professionnelle ou l’interrompt au troisième enfant, cette « inactivité » se concentrant aujourd’hui dans les années de la petite enfance.

—  la persistance des inégalités salariales qui ne se réduisent plus depuis une vingtaine d’années et les moindres progressions de carrière.

—  l’activité à temps partiel.

La Délégation se félicite des discussions intervenues sur le rapport de situation comparée au sein du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle et souhaite que le calendrier fixé pour les négociations sur la réduction des écarts salariaux et de l’adoption de sanctions soit tenu.

Compte tenu du poids pris par certaines formes d’organisation du marché du travail et des aspirations à la conciliation vie professionnelle et familiale, une réflexion d’ensemble est indispensable sur la compensation des conséquences des aléas de carrière et des interruptions d’activité. Le Conseil d’administration de la CNAV a formulé des propositions en ce sens, ce dont la Délégation se félicite, car les conséquences en sont particulièrement pénalisantes pour les femmes en raison du profil de leurs carrières.

2. Sont amplifiées par l’impact des réformes des retraites

En effet, le niveau des pensions versées aux femmes subit de plein fouet les effets de la réforme de 1993 qui a à la fois allongé la durée de cotisation, et accru le nombre d’années pris en compte pour calculer le salaire de référence.

Le passage de 37,5 à 40 ans de cotisation pour bénéficier du taux plein de liquidation  pénalise d’autant plus les femmes qu’elles ont, en moyenne, des carrières moins longues que les hommes notamment en raison des interruptions d’activité liées à l’éducation des enfants

Il en est de même pour le calcul du salaire annuel moyen qui s’opère désormais (par un allongement progressif de la période prise en compte) sur les 25 meilleures années, au lieu des 10 meilleures.

Plus la période de référence pour le calcul du salaire annuel moyen est longue et plus cela aboutit à y inclure des années pendant lesquelles l’activité a été moindre, en raison d’interruption de carrière ou d’activité à temps partiel.

Là encore les femmes sont plus pénalisées que les hommes.

Par exemple, l’Assurance Vieillesse des Parents au Foyer permet à la personne qui cesse ou réduit son activité professionnelle pour s’occuper d’un ou plusieurs enfants, d’accroître la durée d’assurance validée. Les trimestres validés au titre de l’AVPF le sont sur la base du SMIC.

L’allongement de 10 à 25 ans, de la période de référence sur laquelle le salaire servant de base au calcul de la pension est évalué, augmente nécessairement la probabilité de voir des années « d’AVPF » prises en compte. Pour certaines mères de famille cela fera mécaniquement baisser le salaire moyen servant à fixer le montant de la pension.

II. DES ENJEUX MAJEURS EN MATIÈRE DE RETRAITE

A. L’ADAPTATION DES DROITS FAMILIAUX ET CONJUGAUX

Les avantages familiaux et conjugaux opèrent une redistribution importante en direction des assurés ayant eu des carrières courtes et des ménages les moins favorisés et contribuent à réduire sensiblement les inégalités entre hommes et femmes particulièrement dans le régime général.

1. La réforme des droits familiaux et conjugaux

Les « avantages » familiaux compensent les conséquences sur la retraite du fait d’avoir eu des charges de famille : 9 femmes sur 10 parties à la retraite en 2005 en ont bénéficié.

C’est donc un élément qui joue massivement en faveur des femmes notamment en leur permettant de bénéficier d’une durée moyenne de cotisation proche de celle des hommes. La majoration de durée d’assurance pour enfant dans le régime général – deux ans par enfant élevé – représente en moyenne 20 trimestres et apporte un supplément de pension de 30 %.

La masse globale que représentent les avantages familiaux : 14 milliards d’euros, en 2006 (pour les pensions de droit direct) soit 7,9 % de la masse des retraites de droit direct et 6.8 % de la masse totale, auxquels il faut ajouter les pensions de réversion qui ont représenté 26,2 milliards d’euros en 2003, soit environ 14 % du montant des pensions de vieillesse servies, suffit à mettre en évidence l’importance de leur effet correcteur.

Le Conseil d’orientation des retraites a engagé au début de l’année 2007 des travaux sur « l’égalité entre hommes et femmes, droit familiaux et conjugaux », travaux qui se poursuivent au long de l’année 2008.

Des choix seront à faire selon que l’on veut inciter au partage des tâches au sein du couple, favoriser l’activité des femmes ou encore leur permettre de consacrer certaines périodes à l’éducation de leurs enfants, sans d’ailleurs que ces préoccupations soient exclusives les unes des autres.

Compte tenu de la part occupée par les avantages familiaux et conjugaux dans les pensions servies aux femmes et du rôle qu’ils jouent dans la correction des inégalités hommes/femmes, la Délégation souhaite que la réflexion conduite par le Comité d’Orientation des Retraites sur ce sujet puisse déboucher rapidement sur des propositions.

2. Les pensions de réversion

92 % des bénéficiaires d’une pension de réversion sont des femmes.

La réversion, comme les droits familiaux, joue un rôle essentiel dans le rattrapage des écarts de retraite entre les hommes et les femmes qui proviennent des différences d’activité professionnelle.

L’évolution des formes de conjugalité, conjuguée à la jurisprudence européenne de non discrimination, conduiront à reconsidérer certains aspects de la réversion pour l’adapter à l’évolution de la société. Le COR a également engagé une réflexion sur ce sujet.

Mais un certain nombre de questions se posent dès maintenant, principalement :

—  celle des bénéficiaires de l’augmentation du taux de la réversion. Le taux pour le régime général et les régimes alignés va être porté à 60 % sur trois ans : cette augmentation sera-t-elle ou non applicable aux seules retraites nouvellement liquidées ?

—  celle du rétablissement d’un âge minimal pour percevoir la réversion alors que l’assurance veuvage a été supprimée en 2003.

La loi du 20 août 2003 portant réforme des retraites avait supprimé (de façon échelonnée entre 2004 et 2011) la condition d’un âge minimum de 55 ans pour percevoir la réversion et abrogé parallèlement le dispositif de l’assurance veuvage.

L’assurance veuvage était ouverte, pendant deux ans, aux veuves n’atteignant pas l’âge minimum requis. Cette assurance leur permettait de bénéficier d’un délai pour faire face à cette situation nouvelle et pour celles sans activité de trouver ou retrouver un emploi.

Rappel de la réforme des pensions de réversion du régime général
et des régimes alignés en 2003 :

- suppression de l’âge minimal de 55 ans (et suppression parallèle de l’assurance veuvage) ;

- suppression de la condition de non remariage du conjoint survivant et, en cas de remariage, répartition de la réversion entre les anciens conjoints au prorata de la durée du mariage ;

- suppression de l’exigence de la durée de mariage de deux ans pour le bénéfice de la réversion ;

- modification des règles de calcul des conditions de ressources ;

- caractère différentiel de la pension qui s’accompagne de la possibilité de révision du montant en cas de variation des ressources de l’allocataire.

Rétablir un âge minimum sans prévoir de dispositif équivalent à l’assurance veuvage aurait nécessairement des conséquences sur les veuves « précoces » et ce d’autant plus qu’elles ont des enfants à charge.

En 1999, 1,3 million de personnes déclaraient avoir perdu leur conjoint ou leur concubin avant l’âge de 55 ans.

Comme le souligne le rapporteur pour l’assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale, Denis Jacquat : « Le veuvage très précoce n’est pas une situation anecdotique en France. Parmi le 1,3 million de veufs précoces, 80 000, soit 5,9 %, déclaraient avoir moins de 25 ans au moment du décès de leur conjoint, 241 000 (17,8 %) de 25 à 35 ans, 385 000 (28,5 %) de 35 à 45 ans et 652 000 de 45 à 55 ans. Rapportés à la population française, ces très faibles taux de veuvage ne doivent pas occulter les difficultés matérielles particulières auxquelles sont confrontées ces personnes en raison des règles de l’assurance vieillesse. (4)».

Ce problème a été soulevé lors des auditions devant la Délégation sans que les alternatives proposées dans le document remis par le Gouvernement en vue des discussions d’avril ne paraissent satisfaisantes, que ce soit la prise en charge des veuves en difficulté par l’action sociale des caisses d’allocation familiale ou une couverture de ce risque par les accords de prévoyance.

La Délégation recommande que la situation des veuves ayant des enfants à charge soit prise en considération et que cette question fasse partie de la réflexion globale sur la pension de réversion.

3. Les bonifications pour enfant dans la fonction publique et la réforme de 2003

La jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes relative à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes (5), a conduit à revoir profondément le dispositif de bonification d’un an par enfant accordé aux femmes fonctionnaires.

a. Les modifications apportées par la loi du 20 août 2003

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a arrêté de nouvelles règles fondées, notamment, sur une logique de compensation du retard dans la carrière intervenu en raison de l’arrêt de l’activité professionnelle lié à la naissance ou à l’éducation d’un enfant.

Elle emporte des conséquences importantes.

• pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2004 :

La bonification d’un an est maintenue et étendue aux hommes sous la condition, pour les femmes comme pour les hommes, d’une interruption effective de leur activité professionnelle de deux mois (Article L. 12 b du code des pensions civiles et militaires de retraites).

• pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2004 :

L’article L. 12 bis du code des pensions civiles et militaires de retraites dispose que : « Pour chacun de leurs enfants nés à compter du 1er janvier 2004, les femmes, fonctionnaires ou militaires, ayant accouché postérieurement à leur recrutement, bénéficient d’une majoration de durée d’assurance fixée à deux trimestres. »

Il ne s’agit plus d’un droit à « bonification » d’un an par enfant, mais seulement à une majoration de durée d’assurance de deux trimestres ouverte aux femmes ayant accouché une fois titulaires. Cette majoration a un impact, le cas échéant sur la décote et la surcote mais elle n’augmente pas le taux de liquidation car, à la différence de la bonification, il ne s’agit pas d’une période de service cotisée qui s’ajouterait aux services effectifs. Cette majoration d’assurance n’est, par ailleurs, pas cumulable avec celle existant au titre du congé parental de trois ans maximum.

b. Le critère d’interruption d’activité

L’octroi de la bonification pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004 est conditionné à une interruption d’activité de deux mois pour chaque enfant.

Comme l’a précisé le représentant de la Direction de la sécurité sociale devant la Délégation, « Ce critère (relatif à l’arrêt d’activité) vise à tenir compte du fait qu’une interruption de deux mois a des répercussions plus que proportionnelles sur la carrière, la femme peut ne pas profiter de certaines opportunités de carrière, voire être obligée de quitter ses fonctions ».

La condition d’interruption d’activité d’une durée continue au moins égale à deux mois est généralement remplie par la prise du congé de maternité. Elle écarte de fait la plupart des hommes mais peut conduire également à écarter certaines femmes et ceci, pour les retraites liquidées à compter de 2004, pour des enfants pourtant nés antérieurement à cette date.

L’article R. 13 du code des pensions énumère les cinq cas constituant une interruption d’activité :

- congé maternité,

- congé pour adoption,

- congé parental,

- congé de présence parentale,

- disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans.

Ce qui signifie, par exemple, qu’une mère de famille ayant accouché pendant une disponibilité prise pour un autre motif, ou avant son entrée dans la fonction publique ne pourra bénéficier de la bonification parce qu’elle n’aura pas formellement interrompu son activité.

Une exception à ce principe a été aménagée au bénéfice des femmes ayant accouché pendant leur période d’étude, à condition que leur recrutement dans la fonction publique soit intervenu dans les deux années suivant l’obtention du diplôme leur ayant permis de se présenter au concours (Article L. 12 b bis du code des pensions civiles et militaires de retraites).

Il faut préciser que le fait d’avoir eu un enfant avant le recrutement dans la fonction publique ne prive pas la mère de toute prise en compte de celui-ci pour le calcul de sa retraite. En effet, sous réserve d’avoir fait valider, sur l’ensemble de sa vie professionnelle, au moins un trimestre au régime général ou dans un régime assimilé, ou bénéficié de l’allocation vieillesse pour parents au foyer, la naissance ou l’adoption de l’enfant lui donnera droit à une majoration de durée d’assurance de deux ans selon la règle applicable dans le régime général.

Reste le cas des mères de famille qui n’auraient exercé aucune activité avant d’entrer dans la fonction publique et donc n’auraient pas constitué de droits dans le régime général. Elles ne pourront dans les hypothèses évoquées (enfants nés avant l’entrée dans la fonction publique ou pendant une disponibilité prise pour un autre motif que celui visé par l’article R 13 précité), même pour leurs enfants nés avant la réforme de 2003, bénéficier d’aucun avantage familial.

c. Les répercussions de la réforme de 2003 sur l’attribution des bonifications

La révision du système de bonification effectué par la loi du 20 août 2003 a permis de se conformer à la jurisprudence européenne tout en maintenant pour l’essentiel le bénéfice de cet avantage familial.

Elle a eu un impact sur les bonifications comme le mettent en évidence les chiffres publiés par le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique (6). « Entre 2002 et 2004, les durées de services et bonifications régressent nettement du fait du recul des durées moyennes de bonifications, d’environ un trimestre. Cette diminution est à mettre en relation avec le durcissement d’accès aux bonifications ».

   

2002

2004

2005

2006

Services acquis

actifs

135,8

136,2

136,5

136,8

sédentaires

136,6

137,2

137,4

137,2

Bonifications
acquises

actifs

9,1

8,1

8,3

8,3

sédentaires

6,8

5,7

5,4

5,2

Source : MBCPFP, service des pensions, bases des pensions 2002, 2004, 2005, 2006 (provisoire pour 2006)

Champ : flux de nouveaux retraités civils ayant-droit liquidant pour ancienneté dont la pension a commencé à être payée en 2002, 2004, 2005 ou 2006

La Délégation considère que la situation des mères et des pères de famille n’ayant pas constitué de droits dans le régime général et ne remplissant pas les conditions d’arrêt d’activité au moment de la naissance de leur enfant ou de titularisation au moment de l’accouchement doit être précisément chiffrée et prise en compte.

B. LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION

Le vieillissement démographique et la croissance d’une population féminine âgée, voire très âgée, va peser lourdement sur le système de retraite dans les années à venir et doit être anticipée.

On trouvera en annexe, le compte-rendu de l’audition de M. Alain Parant démographe à l’INSEE qui a présenté de façon détaillée ces évolutions devant la Délégation.

La France doit faire face à un vieillissement très important de sa population alors que parallèlement, les prochaines décennies seront fortement marquées par la progression de la population féminine dans la population totale, comme dans la population d’âge actif, sans que les possibilités de sortie de la vie active ne leur soient très favorables.

Les projections font apparaître que d’ici 2050 :

- le nombre de personnes de plus de 60 ans passerait de 12,6 millions à 22 millions ;

- celui des plus de 80 ans, de 2,7 à 6 ou 8 millions ;

- celui des plus de 90 ans, de 500 000 à 2 millions.

Plus précisément, après 2020, la population âgée de 80 ans et plus aura augmenté de pratiquement 50 %. Or, c’est à partir de cet âge que commence la dépendance. Elle concernera pour l’essentiel une population majoritairement féminine et généralement isolée.

III. DES RÉFORMES À CONDUIRE

A. DES CORRECTIFS IMMÉDIATS À APPORTER AUX MODALITÉS DE CALCUL

Des correctifs immédiats apportés aux modalités de calcul des pensions de retraites doivent permettre de mieux compenser la maternité et de revenir sur certaines règles pénalisantes en cas de carrières incomplètes ou de temps très partiels qui sont des spécificités de l’emploi féminin.

1. Une meilleure prise en compte du congé de maternité

Les périodes de congé de maternité sont, au regard des droits à la retraite, des périodes dites « assimilées » c’est-à-dire qu’elles ouvrent droit à la validation de trimestre de la même façon que si la personne avait été en activité.

Par contre, la période de congé de maternité ne donnant pas lieu à versement de salaires mais à des « indemnités journalières de maternité », les sommes perçues par la salariée au titre de ces indemnités ne sont pas prises en compte dans le salaire annuel moyen qui va servir au calcul de la pension. Il n’y a pas de « report au compte » des sommes perçues pendant le congé de maternité, le salaire annuel moyen s’en trouve donc diminué.

Cette préoccupation qui a été soulevée lors de plusieurs auditions de la Délégation, rejoint les propositions formulées par le conseil d’administration de la CNAV pour une meilleure prise en compte des périodes assimilées.

La Délégation recommande une meilleure prise en compte du congé de maternité par le report au compte, au moins dans les cas où il est plus favorable à l’intéressée, des indemnités journalières de maternité.

2. La proratisation du nombre de meilleures années en fonction du nombre d’années d’activité

La réforme de 1993 a eu un fort effet pénalisant sur les personnes ayant eu des carrières incomplètes, ce qui est surtout le cas des femmes.

Le calcul du salaire moyen sur les 25 meilleures années aboutit, dès lors qu’il y a eu des interruptions d’activité, à intégrer toutes ou presque toutes les années cotisées, y compris celles du début de carrière qui pénalisent les salariés.

L’impact de cette réforme pourrait être réduit en proratisant le nombre d’années pris en compte pour le calcul du salaire de référence en fonction des années réellement cotisées comme cela est effectué pour les poly-pensionnés entre régimes.

La Délégation préconise la proratisation du nombre de meilleures années pris en compte pour le calcul du salaire annuel moyen en fonction du nombre d’années d’activité.

3. Les modalités de décompte des trimestres validés

Les règles actuelles de validation de trimestres permettent à un salarié à temps partiel, travaillant au moins à mi-temps, de valider le même nombre de trimestres que s’il exerçait son activité à temps plein.

Arrêter la validation d’une année entière de cotisation au moment où la personne a cotisé sur l’équivalent de 800 heures/SMIC, en ne prenant plus comme référence l’année civile, permettrait de prendre en compte toutes les heures cotisées pour la validation des trimestres.

Elle aurait un impact positif sur les salariés à temps très partiel (moins d’un mi-temps).

La Délégation préconise de permettre de valider une année de cotisation, sans référence à l’année civile, pour mieux prendre en compte la situation des temps très partiels.

B. DES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES SUR LE TEMPS PARTIEL

1. L’apport des règles de validation des trimestres et le minimum contributif compensent pour une part les effets du temps partiel

Les règles de validation de trimestres cotisés au régime général sont fondées sur le principe des « 200 heures SMIC » : l’équivalent de 200 heures payées au SMIC, ce qui correspond à moins d’un mi-temps – environ 45 % d’un temps complet – permet de valider un trimestre.

Un emploi à temps partiel, ou incomplet sur l’année, peut ainsi permettre de valider quatre trimestres dans l’année. En pratique, un salarié à mi-temps rémunéré au SMIC pourra valider une année en un peu plus de 10 mois et demi.

D’autre part, pour le calcul des 25 meilleures années, on ne comptabilise plus dans les années validées celles au cours desquelles les personnes ont cotisé moins que ce qui était nécessaire pour valider un trimestre.

Il reste que le salaire reporté au compte, celui sur la base duquel le calcul de la pension va s’opérer, sera le salaire effectivement perçu sur l’année, sans prise en compte de la durée de travail ou du nombre de trimestres cotisés. Le niveau de la pension de retraite servie en sera nécessairement affecté.

L’augmentation du minimum contributif décidée en 2003 a également un effet correcteur sur le temps partiel et par voie de conséquence sur les retraites des femmes. Au 31 décembre 2007, 70 % des prestataires du régime général percevant le minimum contributif, étaient des femmes.

Une salariée à mi-temps, payée au SMIC et qui a pu valider 40 années de cotisations touchera une retraite calculée sur un mi-temps, mais qui sera portée au niveau du minimum contributif, qui est le même que l’on ait travaillé à temps complet ou pas. Cependant, le minimum contributif ne corrige que le régime de base et ne s’applique pas aux fonctionnaires.

2. Des négociations sur le temps partiel sont cependant indispensables

a. Le temps partiel est une spécificité de l’activité féminine qui a de fortes conséquences sur les retraites

30 % des femmes ne travaillent pas à temps complet. Elles représentent plus de 80 % des salariés à temps partiel et l’on estime à 30 % le temps partiel subi.

Ces caractéristiques se manifestent dès l’entrée dans la vie professionnelle. Près du quart des jeunes femmes sont embauchées à temps partiel pour leur premier emploi contre 9 % des hommes, l’écart étant important quel que soit le niveau de diplôme.

La majorité des emplois à temps partiel ont une durée comprise entre 15 et 29 heures hebdomadaires, pour une durée moyenne des contrats de 23 heures par semaine. Près de 5 % des femmes actives occupées ont toutefois des emplois inférieurs à 15 heures hebdomadaires.

Dans des secteurs d’activité dans lesquels l’emploi est très majoritairement féminin comme les entreprises de propreté (70 % de femmes) ou les services à la personne (97 % de femmes dans les postes d’intervenantes) on trouve, effectivement, des emplois à temps très partiels.

Selon l’Agence nationale des services à la personne, la durée moyenne de travail dans ce secteur était de 12 heures hebdomadaires en 2004. Elle est de 17 heures en 2007. Pour ces intervenantes, il est difficile de multiplier les employeurs, pour augmenter leurs heures car les horaires d’intervention à domicile sont largement les mêmes, tôt le matin ou tard le soir.

Aux conséquences de ces temps très partiels sur le niveau des retraites, il faut ajouter l’impact maximal de ce mode d’activité sur les retraites pour les carrières croissantes et lorsque le temps partiel intervient en fin de carrière. Ceci a été souligné par le Conseil économique et social dans son rapport sur « Les femmes face au temps partiel » datant de février 2008. Or, 30 % des femmes âgées de 50 à 59 ans dans le secteur privé et 25 % dans le secteur public étaient à temps partiel en 2005 (contre 5 % des hommes).

Compte tenu des conséquences du temps partiel sur le niveau des retraites, la Délégation demande que la question du temps partiel soit discutée avec les partenaires sociaux, dans les secteurs qui recourent le plus à cette forme d’emploi, notamment pour remédier aux conséquences du temps partiel subi et inciter les employeurs à favoriser le passage à des temps de travail qui se rapprochent du temps plein.

b. La possibilité de surcotiser à l’assurance vieillesse reste, en pratique, marginale

La possibilité, ouverte aux salariés à temps partiel, de cotiser à l’assurance vieillesse du régime général sur la base d’un temps plein (article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale) a été étendue par la loi du 20 août 2003.

Ce dispositif réservé initialement aux seuls salariés qui passaient d’une activité à temps plein à une activité à temps partiel, a été étendu, à compter du 1er janvier 2004, à l’ensemble des salariés à temps partiel, y compris à ceux cumulant plusieurs activités et à ceux dont la rémunération n’est pas établie selon un nombre d’heures travaillé. (Décret n° 2005-1351 et n° 2005-1352 du 31 octobre 2005).

Cette même possibilité existe pour la retraite complémentaire dans les régimes AGIRC et ARRCO (délibérations 22 B Arrco et D 25 Agirc).

Son utilisation est pourtant restée marginale : elle concerne moins de 1 % des établissements en 2006. (Direction de la sécurité sociale).

Le recours à cette possibilité est, en effet, facultative tant pour l’assuré que pour l’employeur et les faibles salaires perçus dans le cadre d’un temps partiel rendent peu vraisemblable la possibilité d’un effort de cotisation supplémentaire.

Il est donc indispensable, si l’on veut que cette disposition soit effectivement utilisée, qu’elle figure dans des accords collectifs prévoyants la prise en charge du surcoût pour l’employeur.

Deux dispositifs de ce type figurant dans des accords collectifs ont été identifiés par la Direction générale du travail :

—  L’accord national de la métallurgie du 7 mai 1996 qui prévoit seulement qu’« en cas de transformation d’un contrat de travail à temps plein en contrat de travail à temps partiel, les entreprises examineront la possibilité de calculer les cotisations salariales et patronales pour l’acquisition des droits à la retraite sur un salaire reconstitué à temps plein, sur une période maximale de cinq ans avant que le salarié atteigne l’âge et la durée d’assurance lui permettant le bénéfice d’une retraite à taux plein. »

—  L’avenant sur l’emploi des seniors du 21 juin 2007 à la convention collective nationale pour les industries de produits alimentaires qui est plus prescriptif : « afin de limiter l’impact des aménagements d’horaires des salariés seniors sur leurs droits à retraite à taux plein et dans la mesure où la durée du temps partiel n’est pas inférieure à la moitié de la durée collective applicable dans l’entreprise, l’assiette de calcul des cotisations d’assurance vieillesse et de retraite complémentaire sera calculée sur le salaire correspondant à une activité exercée à temps plein. Le surplus des cotisations est pris en charge par l’employeur » (article 6.1 de l’accord).

Les partenaires sociaux doivent être fortement incités à inclure dans les accords d’entreprise relatifs à l’égalité professionnelle et dans les conventions collectives de branches, des clauses relatives à l’application de cette possibilité de surcotiser à l’assurance vieillesse et de prévoir la prise en charge ou la compensation du surcoût.

3. Ainsi qu’une meilleure information des salariés

Les conséquences sur la retraite de l’exercice d’une activité à temps partiel sont méconnues des intéressés. Ce n’est qu’au moment de la liquidation de leurs droits, où seulement quelques années avant, que bien des femmes en réalisent les conséquences.

La Délégation avait déjà en 2004, attiré l’attention sur ce défaut d’information en conclusion de ses travaux sur le temps partiel. (7)

Ce même constat vient d’être dressé par le Conseil économique et social qui relève lui aussi « la grande méconnaissance de la majorité des intéressées, dans le secteur public comme dans le secteur privé, de l’impact du temps partiel sur le niveau futur de leur retraite, d’autant plus important si la période est longue. »

La possibilité de la surcotisation qui existe dans les régimes de l’AGIRC et de l’ARRCO, est également totalement méconnue, comme le souligne l’Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises (ORSE).

Elle présente pourtant, en effet, un intérêt certain pour les femmes cadres. L’impact d’une période à temps partiel sur la retraite versée par les régimes complémentaires est directement proportionnel à la durée de travail à temps partiel et au niveau du salaire perçu, du fait de la forte contributivité de ces régimes. Le nombre de points acquis étant calculé au prorata des salaires soumis à cotisation, le temps partiel se répercute intégralement sur le montant de la retraite.

La Délégation réitère la recommandation, déjà formulée en 2004, relative à l’information des salariés : lors de l’embauche à temps partiel ou du passage d’un emploi à temps plein les salariés doivent être informés des conséquences de ce mode d’emploi en matière de retraite ainsi que sur la possibilité de cotiser sur la base d’un temps plein.

C. LE PARTAGE DES DROITS À LA RETRAITE EN CAS DE DIVORCE

À la suite d’un divorce, de nombreuses femmes se trouvent dans une situation économique très difficile, en particulier lorsqu’elles parviennent à l’âge de la retraite et n’ont pas exercé d’activité professionnelle, ou l’ont interrompue pour élever leurs enfants.

Les droits à la retraite des mères de familles sont, en effet, très limités : il s’agit des droits acquis au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer, à condition que les ressources du ménage ne dépassent pas un certain plafond ou bien, après une adhésion volontaire à titre onéreux. Dans les deux cas, les droits qui en découlent sont généralement très insuffisants.

Le système allemand du « splitting », mis en place en 2001, propose aux couples mariés d’opter entre le droit à la réversion et un partage égal des droits à la retraite acquis par les deux membres du couple au cours du mariage. Mais ce système s’opère dans le cadre d’un régime de retraite par point – on partage de façon aisée les points de retraite acquis – qui n’existe, en France que pour la retraite complémentaire.

Au moment du divorce, les biens du couple sont partagés et pour la fixation de la prestation compensatoire le juge, en application de l’article 271 du code civil « prend en considération, avec d’autres éléments, la situation respective des ex-époux en matière de pensions de retraite ».

Cette possibilité ouverte au juge s’avère, dans les faits, insuffisante à garantir un véritable partage des droits à la retraite qui viendrait compenser le fait que l’un des conjoints n’a pas exercé, ou a cessé d’exercer pendant la durée du mariage une activité professionnelle pour s’occuper de l’éducation des enfants du couple.

Dans cette hypothèse, il conviendrait donc d’aller plus loin et de confier le soin au juge d’effectuer, au moment du divorce, un partage systématique de la pension qui sera perçue par l’un des conjoints au bénéfice de l’autre, tant que le droit à réversion n’est pas ouvert.

Le partage, opéré au moment du divorce, donnerait lieu au moment de la liquidation de la pension de celui ayant cotisé au versement à l’ex-conjoint d’une fraction de la pension. Cette fraction est déterminée par le juge en fonction de la durée du mariage et de celle de l’inactivité.

La Délégation recommande la mise en ouvre d’un partage des droits à la retraite entre ex-conjoints en cas de divorce afin que celui qui a interrompu son activité professionnelle ou n’en a pas exercé pour élever des enfants, ait droit à une partie des droits à la retraite de son ex-conjoint pour compenser les conséquences de cette période d’inactivité.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes a examiné le présent rapport d’information, au cours de sa réunion du mercredi 2 juillet 2008.

Après que Mme Claude Greff, rapporteure a précisé que la proposition de partage des droits à la retraite entre les ex-époux ne générait pas de dépenses supplémentaires et répondait à un véritable souci d’équité, et que les recommandations de la Délégation seront adressées au Ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ainsi qu’au Conseil d’administration de la CNAV et au Conseil d’Orientation des Retraites, un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Philippe Vitel a demandé comment le partage des droits à la retraite pouvait être opéré dans la mesure où régime des pensions qui repose sur le principe de contributivité.

La rapporteure a précisé qu’il s’agissait de prévoir l’attribution à l’autre conjoint d’une fraction de la pension de retraite de celui qui a constitué des droits personnels à la retraite. Ce partage vise à compenser la qualité de vie personnelle et professionnelle dont il a pu bénéficier grâce à l’inactivité ou à l’arrêt de l’activité professionnelle de son ex-conjoint pour prendre en charge l’éducation des enfants.

Mme Marie-Christine Dalloz a demandé s’il s’agissait de procéder à un partage des droits personnels en attribuant un nombre de point au prorata de l’activité ou de la non-activité d’un des époux.

La rapporteure a répondu que le partage des droits pouvait s’opérer aisément pour la retraite complémentaire qui fonctionne par point. C’est plus délicat pour le régime général qui repose sur la validation des trimestres. C’est pourquoi cette proposition propose de partager la pension une fois celle-ci liquidée par celui ayant constitué les droits.

Mme Catherine Coutelle a souhaité savoir à quel moment le partage serait opéré et à quel moment les sommes seraient effectivement versées. En cas de remariage, le partage de la pension devra être effectué entre plusieurs bénéficiaires ce qui n’ira pas sans difficultés.

La rapporteure a précisé que la décision de partage est prise au moment du divorce mais que celui-ci a lieu au moment de la liquidation. Le choix de divorcer implique que l’on en assume les conséquences en prenant ses responsabilités.

Mme Marie-Jo Zimmermann a souligné l’innovation que constitue cette proposition de Mme Claude Greff, même si le juge peut déjà tenir compte des droits à la retraite pour la fixation de la prestation compensatoire.

La rapporteure a indiqué que cette proposition, en systématisant le partage en cas d’inactivité d’un des deux conjoints, va dans le sens du droit des femmes et de la responsabilisation des époux. Ce n’est pas à la société d’assumer les conséquences de ceux qui choisissent de divorcer. Or, aujourd’hui des femmes d’une cinquantaine d’années, qui souvent n’ont pas travaillé ou ont aidé leur mari bénévolement, se trouvent dans une situation économique critique. Ce sont surtout ces femmes qui sont visées par le dispositif proposé.

Mme Catherine Coutelle a observé que le problème en matière de retraites venant de ce que les femmes n’ont pas une carrière complète, le développement de la précarité depuis les années 90 aura de lourdes conséquences. Ce problème ne disparaîtra pas de lui-même pour les nouvelles générations. Une autre piste constitue donc à apporter des correctifs pour compenser les arrêts de carrière.

La rapporteure a précisé que cela faisait partie des propositions de la Délégation.

Mme Pascale Crozon a souligné que les femmes qui sont plus souvent que les hommes à temps partiel, sont également pénalisées car dans ce cas elles ne perçoivent pas d’heures supplémentaires.

La rapporteure a indiqué que l’on était d’accord sur le fait qu’il fallait permettre le passage du temps partiel au temps complet pour celles qui le souhaitent.

Mme Catherine Coutelle a fait part de son accord de principe sur les recommandations mais a souhaité éventuellement pouvoir y ajouter une contribution de son groupe. Elle a ensuite fait part de ses doutes sur les augmentations du minimum vieillesse et des pensions de réversion qui ont été annoncées et sont soulignées par la rapporteure.

La rapporteure a précisé, à ce propos, que la Délégation insistait pour que la revalorisation s’applique aussi aux pensions de réversion déjà liquidées.

Mme Marie-Jo Zimmermann a indiqué que les recommandations adoptées par la Délégation allaient être adressées dès maintenant au ministre, puis au mois de septembre, le travail de la rapporteure et de la Délégation sur les retraites sera de nouveau mis en avant pour qu’il soit pris en compte dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Catherine Coutelle s’est déclarée partie prenante de la position forte que la Délégation aura sur ce sujet. Il faudra aussi que l’on se mobilise pour obtenir l’adoption d’un texte obligeant à une évaluation des projets de loi en termes de genre, c’est-à-dire une analyse de l’impact des dispositifs proposés sur la situation des femmes.

La rapporteure a observé que cela a été prévu en matière d’environnement.

Mme Marie-Jo Zimmermann a indiqué que le sujet des retraites était typiquement le sujet sur lequel les conséquences pour les femmes devraient être analysées.

Mme Catherine Coutelle s’est déclarée particulièrement attachée aux recommandations relatives à l’information des salariés relative aux conséquences du temps partiel sur la retraite.

Mme Marie-Jo Zimmermann a rappelé que cette exigence avait déjà été formulée par la Délégation en conclusion de ses travaux sur le temps partiel, en 2004.

La Délégation a ensuite adopté le présent rapport d’information et les recommandations suivantes.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

Les discussions qui se sont ouvertes à l’occasion du deuxième rendez-vous sur les retraites ne doivent pas laisser de côté la question des pensions des femmes.

Aux forts écarts existants entre les hommes et les femmes en matière de pensions de retraite, s’ajoute la grande dispersion des retraites servies aux femmes qui placent certaines d’entre elles dans des conditions économiques extrêmement précaires. Sans ignorer la nécessité de garantir dans la durée l’équilibre des régimes de retraite, on ne peut cependant se contenter d’attendre une amélioration des conditions d’emploi des femmes qui ne sera que très lente, pour faire face aux difficultés qu’elles rencontrent.

Sur le rapport de Mme Claude Greff, la Délégation a adopté les recommandations suivantes :

—  Sur le niveau des pensions et les inégalités entre les hommes et les femmes :

La Délégation se félicite des revalorisations annoncées du minimum vieillesse et des pensions de réversion du régime général. Le bénéfice de la revalorisation des pensions de réversion ne doit cependant pas être limité aux pensions nouvellement liquidées, mais bénéficier aussi aux veufs et aux veuves qui en sont déjà bénéficiaires.

La loi de financement de la sécurité sociale doit être l’occasion d’arrêter des mesures de réduction des écarts de pensions entre les hommes et les femmes conformément à l’objectif fixé dans les « Programmes de qualité et d’efficience » de la loi de financement votée pour 2008. Pour plus d’efficacité, la Délégation considère que cet objectif devrait être chiffré.

—  Sur les correctifs immédiats à apporter aux modalités de calcul des pensions :

Des correctifs immédiats doivent être apportés à certaines modalités de calcul des pensions afin d’en corriger les effets pénalisants.

La Délégation recommande que les périodes de congé de maternité soit prises en compte dans l’évaluation du salaire annuel moyen servant au calcul de la retraite, au moins dans les cas où cela est plus favorable à l’intéressée. Des modifications comme la proratisation du nombre des années entrant dans le calcul du salaire de référence en fonction de la durée de l’activité réelle ou le mode de décompte de la validation des trimestres doivent être examinées.

—  Sur les conséquences des spécificités des carrières des femmes en matière de retraite :

Compte tenu du poids pris par certaines formes d’organisation du marché du travail et des aspirations à la conciliation vie professionnelle et familiale, une réflexion est indispensable sur la compensation des conséquences des aléas de carrière et des interruptions d’activité. Le Conseil d’administration de la CNAV a formulé des propositions en ce sens, ce dont la Délégation se félicite, car les conséquences en sont particulièrement pénalisantes pour les femmes en raison du profil de leurs carrières.

La Délégation souhaite que, à la suite des discussions intervenues sur le rapport de situation comparée au sein du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, le calendrier retenu pour les négociations sur le rattrapage des écarts salariaux et la fixation de sanctions soit tenu.

Compte tenu des conséquences du temps partiel sur le niveau des retraites, des discussions avec les secteurs qui recourent le plus à cette forme d’emploi sont indispensables, notamment pour remédier aux conséquences du temps partiel subi et inciter les employeurs à favoriser le passage à des temps de travail qui se rapprochent du temps plein.

L’information des salariés sur les conséquences en matière de retraite d’une activité exercée à temps partiel devrait être systématique au moment de la conclusion du contrat de travail ou du passage d’un temps plein à un temps partiel, ce que la Délégation avait déjà préconisé en 2004.

De même, la Délégation recommande l’information des salariés à temps partiel sur la possibilité existante de cotiser à l’assurance vieillesse sur l’équivalent d’un temps plein, pour le régime général mais aussi pour les régimes complémentaires de l’AGIRC et de l’ARRCO. Les partenaires sociaux devraient être incités à inclure dans les conventions collectives de branches et dans les accords d’entreprise une clause relative à cette possibilité et à la prise en charge ou à la compensation de son coût.

—  Sur l’évolution des droits familiaux et conjugaux :

Une réflexion a été entamée par le Comité d’Orientation des Retraites sur les droits familiaux et conjugaux. La Délégation souhaite qu’elle puisse déboucher rapidement sur des mesures concrètes.

La situation des veuves ayant des enfants à charge devrait être mieux prise en charge et cette question faire partie de la réflexion globale menée sur la pension de réversion.

Dans la fonction publique, la Délégation considère que la situation de ceux n’ayant pas constitué de droits dans le régime général et ne remplissant pas les conditions de d’arrêt d’activité au moment de la naissance de leur enfant ou de titularisation au moment de l’accouchement doit être précisément chiffrée et prise en compte.

—  Sur le partage des droits à la retraite entre conjoints divorcés :

Dans nombre de cas, la séparation du couple, laisse les mères de famille qui n’ont pas exercé d’activité professionnelle, ou l’ont interrompue pour s’occuper de l’éducation des enfants, sans droits sociaux suffisants au regard de la retraite. La Délégation considère que dans ce cas, le juge, devrait systématiquement, au moment du divorce, opérer un partage des droits à la retraite constitués par celui qui a cotisé.

La part de la pension versée à l’ex-conjoint serait fonction de la durée du mariage et de la période d’inactivité. Il donnerait lieu directement au versement d’une partie de la pension par les caisses de retraite, au moment où l’un des conjoints fait valoir ses droits, et s’interromprait dès lors que le droit à la réversion jouerait.

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA DÉLÉGATION ET COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS

 

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Audition de Mme Mijo Isabey, responsable du dossier retraite à la CGT, membre du conseil d’administration de la CNAV, de Mme Sylvie Brunol, membre du collectif confédéral Retraite et du Collectif femmes-mixité de la CGT et de Mme Élisabeth Achet, membre du Collectif confédéral Retraite (6 mai 2008)

35

Audition de M. Alain Petitjean, secrétaire confédéral chargé des retraites à la CFDT (13 mai 2008)

43

Audition de Mme Véronique Cazals, directrice de la protection sociale au MEDEF, M. Julien Guez, chef du service retraite, M. Guillaume Ressot, directeur adjoint (27 mai 2008)

51

Audition de M. Alain Parant, chercheur à l’Institut des études démographiques (INED) (3 juin 2008)

59

Audition de Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de la CGT-FO et Mmes Valérie Chartier, Sandra Mitterand, assistantes confédérales et M. Gérard Rivière, assistant confédéral, administrateur de la CNAV (3 juin 2008)

81

Audition de M. Franck Le Morvan, sous directeur des retraites et des institutions de protection sociale complémentaire à la Direction de la Sécurité Sociale, M. Nicolas AGNOUX, chef du bureau des régimes de base,
et M. Julien TIPHINE, chargé de mission à la sous-direction des retraites
(10 juin 2008)

87

Contribution écrite de la CFTC dans le cadre des auditions menées par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale sur le thème « la retraite des femmes »

93

Audition de Mme Mijo Isabey, responsable du dossier retraite à la CGT,
membre du conseil d’administration de la CNAV,
de Mme Sylvie Brunol, membre du collectif confédéral Retraite
et du Collectif femmes-mixité de la CGT
et de Mme Élisabeth Achet, membre du Collectif confédéral Retraite

Réunion du mardi 6 mai 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann

Mme la Présidente, Marie-Jo Zimmermann a remercié les personnes présentes d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation qui souhaite aborder la question des inégalités de retraites entre les femmes et les hommes. En effet, la nouvelle phase de discussion sur les retraites qui vient de s’ouvrir ne doit pas laisser ce sujet de côté. Le ministre a d’ailleurs été alerté sur cette question.

Elle a ensuite souhaité savoir si le problème des retraites des femmes et la prise en compte des particularités des carrières féminines ont été évoqués au cours des discussions et si le dépôt d’un projet de loi est envisagé.

Mme Mijo Isabey a, au préalable, regretté que le rendez-vous prévu en 2008 par la loi sur les retraites de 2003 n’ait pas donné lieu à un bilan. Il est aussi regrettable qu’il ne soit pas l’occasion de revenir sur certaines dispositions qui ont eu des conséquences dramatiques sur le montant des retraites, notamment pour les jeunes générations et les femmes, et ont créé de nouvelles inégalités comme c’est le cas dans la fonction publique.

La CGT a été la seule organisation syndicale à demander, en vain, la tenue d’une véritable négociation. On peut se demander quel sens le Gouvernement donne au mot de « concertation », puisqu’il y a eu, en tout et pour tout, moins de trois heures de rencontre : une heure et quart, une première fois, au cours de laquelle la CGT a présenté ses propositions ; une heure et quart, une seconde fois au cours de laquelle Xavier Bertrand a présenté le texte proposé par le Gouvernement et a recueilli les impressions de la CGT. La plupart des dispositifs de la réforme de 2003 sont simplement poursuivis ; aucune révision n’est prévue, on se contentera de décrets d’application et d’un groupe de travail sur la question du travail des seniors.

Au lendemain de cette rencontre, une réunion intersyndicale regroupant la CGT, la CFDT, la CFTC, FO et la CGC, a décidé une journée d’action, le 22 mai. D’autres organisations se sont jointes à cet appel : la FSU, l’UNSA et des organisations de jeunesse telles que la JOC et l’UNEF.

Les organisations syndicales seront consultées sur les décrets au travers des conseils d’administration des caisses de retraite. Mais, si les propositions sont du même ordre, on ne pourra pas vraiment parler de consultation.

Mme la Présidente, Marie-Jo Zimmermann s’est inquiétée de l’étalement dans le temps de l’augmentation du taux de réversion pour le régime général et les régimes alignés : 56 % au 1er janvier 2009, 58 % au 1er janvier 2010 et 60 % au 1er janvier 2011.

Mme Mijo Isabey a ajouté qu’une condition d’âge minimal était réintroduite, ce qui aura des conséquences dramatiques pour certaines femmes.

Mme Sylvie Brunol a rappelé qu’avant 2003, une veuve de moins 60 ans recevait une allocation veuvage pendant deux ans pour l’aider à faire face à sa nouvelle situation, éventuellement, retrouver du travail. Cette allocation a été supprimée, en 2003, en même temps que la condition d’âge pour percevoir une pension de réversion car elle ne se justifiait plus

Mme Élisabeth Achet a précisé que la CGT n’est pas hostile par principe au rétablissement d’une condition d’âge mais ceci n’est pas envisageable sans le rétablissement concomitant de l’assurance veuvage. Une veuve de quarante ans, par exemple, est vouée à retravailler un jour. Mais il faut ménager un temps lui permettant de se retrouver dans une dynamique de travail, comme le permettait, pendant deux ans, l’assurance veuvage. Il faut également prévoir une prise en charge des enfants. Or, il n’y a pas, dans le régime général, de rente pour enfant.

Mme Claude Greff a demandé ce que percevrait, par exemple, une jeune veuve de 39 ans avec deux enfants.

Mme Élisabeth Achet a répondu qu’elle n’aurait plus droit à rien au titre du veuvage, à moins que son mari ait souscrit un accord de prévoyance personnel. Elle ne percevrait une pension de réversion qu’à soixante ans.

Mme la Présidente Marie-Jo Zimmermann a demandé des précisions sur la mesure avancée par le gouvernement consistant, dans cette situation, à renvoyer la prise en charge des veuves avec des enfants à des accords de prévoyance et à l’action sociale de la branche famille.

Mme Mijo Isabey a précisé que comme il est envisagé de rétablir la condition d’âge sans que l’allocation veuvage ne soit réintroduite, le Gouvernement se tourne vers la prévoyance et la branche famille.

Or, les accords de prévoyance ne sont pas obligatoires et ne comportent pas nécessairement des dispositions sur le veuvage. Il existe des dispositifs particuliers pour les enfants, tels ceux proposés par l’OCIRP, qui rassemble l’ensemble des accords de prévoyance mais on risque de se retrouver devant un vide.

Mme Catherine Coutelle a fait remarquer que ces accords dépendaient de l’entreprise, un salarié ne pouvant pas souscrire seul un accord de prévoyance.

Mme Mijo Isabey a ajouté que, dans les PME, il y a peu d’accords de prévoyance. D’autre part, dans l’ensemble des caisses, comme à la CNAV, une partie – infime – des cotisations va à l’action sociale qui est destinée aux personnes en grandes difficultés. À la CNAV, elle est employée aujourd’hui pour aider à payer des aides ménagères ou à faire de la prévention. À la CNAF, l’action sociale est plus destinée aux enfants. De surcroît, la CNAF n’a pas forcément prévu dans son budget d’honorer cette nouvelle responsabilité.

Avant 2003, une cotisation de 0,10 %, supportée par les seuls salariés, était perçue pour l’allocation veuvage. Elle n’a pas été supprimée en même temps que l’allocation mais a été intégrée dans les cotisations CNAV. Les salariés sont donc doublement lésés : ils continuent à payer mais n’ont plus de droits.

Mme Catherine Coutelle a demandé des précisions sur un article signé dans Le Monde par plusieurs organisations syndicales, intitulé : « Retraites : les femmes paient le prix fort. Les réformes de 1993 et 2003 renforcent les inégalités d’emploi et de salaire ». Sachant que le passage, dans le secteur privé, des dix aux vingt-cinq meilleures années pour le calcul du salaire de référence touche particulièrement les femmes car elles ont davantage de « mauvaises années », est-il possible de compter autrement les trimestres ou de les forfaitiser ?

Mme Mijo Isabey a indiqué que, si, en 2003, il y avait eu peu de concertation, il y en a encore moins aujourd’hui. La CGT n’a pu développer son argumentation sur les points qu’il fallait revoir. Il lui a simplement été possible de présenter ses remarques et ses propositions globalement.

Le problème ne concerne pas seulement les femmes. Les paramètres qui ont été modifiés lors de la réforme de 1993 affectent tous les salariés. L’indexation du salaire annuel moyen – SAM – sur les prix et non sur les salaires, par exemple, entraîne une perte de 20 % tous les dix ans. La France est le seul pays à procéder de la sorte.

Il est vrai cependant que le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années pour le calcul du salaire de référence touche davantage les femmes parce qu’elles ont un taux de chômage plus important et que la plupart des emplois qui leur sont proposés sont des temps partiels, ou des emplois précaires. L’augmentation du taux d’activité des femmes est contrecarrée par la mauvaise qualité des emplois qui aboutit à ce que les femmes ont un salaire annuel moyen beaucoup plus bas que celui des hommes.

La CGT à la suite d’études demandées à la CNAV a souhaité que cette disposition soit revue mais il n’a pas été possible d’en discuter. Pour les jeunes générations, les mesures déjà prises vont entraîner une diminution d’au moins 30 % du taux de remplacement. Les retraites seront encore plus basses pour les femmes, en dépit de la remontée du taux d’activité.

Dans les salaires portés au compte pour calculer le SAM, les congés de maternité qui donnent lieu – comme les indemnités journalières d’accident du travail ou de maladie, ou d’assurance chômage – au versement de prestations et non à des salaires, sont neutralisés. Si une femme a pris trois mois de congés de maternité, neuf mois seulement seront codifiés sur les douze mois de l’année. La CGT demande que le congé de maternité soit distingué de l’arrêt maladie et que l’on prenne pour référence l’année d’avant ou l’année d’après la maternité pour prendre en compte une année complète. Cette disposition devrait d’ailleurs être étendue aux congés pour maladie ou pour accident du travail.

Mme Claude Greff a souhaité que les intervenantes se focalisent sur la question des femmes.

Mme Sylvie Brunol a fait observer que le congé maladie concernait également les femmes car il est souvent lié à la maternité.

Mme Mijo Isabey a informé la Délégation qu’elle a soulevé ces questions dans les groupes de travail du Conseil d’orientation des retraites où elle siège. Quand le calcul du salaire de référence prenait en compte seulement les dix meilleures années, l’impact était faible car les femmes prennent des congés de maternité plutôt en début de carrière tandis qu’en général les salaires sont meilleurs en fin de carrière. La prise en compte des vingt-cinq meilleures années a au contraire un impact important.

Mme Sylvie Brunol a ajouté que, dans la fonction publique, la réforme de 2003, qui a pris effet au 1er janvier 2004, a modifié les conditions d’attribution des bonifications de trimestres pour enfant. Depuis 2004, les enfants n’ouvrent droit à bonification que s’ils sont nés une fois la femme titulaire – et non vacataire – de la fonction publique. Or, dans le secteur de la santé, par exemple, on trouve de nombreuses vacataires de longue durée.

Mme Catherine Coutelle a fait remarquer que, dans beaucoup de secteurs, les femmes commençaient comme contractuelles. Les professeurs, par exemple, commencent toujours par des postes de suppléants et de remplaçants.

Mme Sylvie Brunol a poursuivi en expliquant que, depuis 2004, les durées d’assurance comptent dans le calcul de la décote, qui est un pourcentage correspondant au nombre de trimestres manquant pour avoir cotisé quarante ans. L’allongement de la durée de cotisation joint au système de décote peut être comparé à une double peine. Actuellement, la durée moyenne validée par la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales – CNRACL – qui concerne la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale, est de 120 trimestres pour les femmes, ce qui est très loin des quarante ans et qui donne droit à de très petites retraites. Les bénéficiaires du minimum contributif sont à 75 % des femmes.

La bonification de durée d’assurance s’imputera sur la décote, mais elle ne permet pas la validation de trimestres supplémentaires.

Mme Sylvie Brunol a précisé qu’une mesure prévoit la prise en compte des enfants nés pendant les années d’études mais à condition que la mère soit titularisée dans les deux années qui suivent.

Mme Catherine Coutelle a trouvé scandaleux qu’il faille s’être arrêté de travailler pour bénéficier du bonus.

Mme Sylvie Brunol a expliqué que cette mesure a été introduite sous un prétexte d’égalité hommes/femmes. Seules les femmes répondent en général à cette condition puisqu’elles s’arrêtent pendant leur congé de maternité.

Cela étant, les femmes peuvent bénéficier des bonifications lorsqu’elles sont en congé parental ou qu’elles travaillent à mi-temps dans ce cadre. Elles sont alors considérées en activité. On les pousse presque à laisser leur travail pour élever leurs enfants.

Mme Catherine Coutelle a critiqué cette mesure car les femmes qui ont de petits salaires reprennent très difficilement le travail. Ces dispositifs freinent la mobilité. Il fut un temps où avoir trois enfants équivalait à la licence, de nombreuses femmes en ont profité pour reprendre une activité professionnelle.

Mme Sylvie Brunol a cité des chiffres de la CNRACL qui donnent des indications sur les effets de la réforme de 2003 pour la fonction publique hospitalière. Si la moyenne des retraites des femmes a un peu augmenté puisqu’elle est passée de 1 149 euros en 2003 à 1 184 euros en 2006 – alors qu’elle a diminué pour les hommes – 13,5 % des femmes subissent une décote, contre 4,9 % des hommes. Or la réforme n’était qu’à son début. La décote ne s’applique cette année que pour les femmes qui ont 56 ans et demi pour arriver à 60 ans. Elle sera établie ensuite par rapport à 60 ans pour les femmes qui partent à la retraite à 55 ans, et par rapport à 65 ans pour celles qui peuvent prétendre partir à 60 ans.

En outre, 22,7 % des hommes bénéficient du dispositif en faveur des carrières longues, contre seulement 1,7 % des femmes. Les annonces sur ce sujet ne concerneront donc très peu les femmes.

Mme la Président Marie-Jo Zimmermann a demandé s’il leur semblait possible d’obtenir des mesures ciblées en faveur des femmes.

Mme Mijo Isabey a répondu que, plutôt que de faire du rattrapage, la CGT préfère s’intéresser aux véritables causes de l’évolution des retraites. Les pensions des femmes se calculent selon des règles générales, qui mettent en péril l’ensemble des retraites futures. Le retour à la prise en compte des dix meilleures années réduirait déjà un nombre important de conséquences négatives.

Aujourd’hui, 40 % des personnes qui liquident leur retraite sont portées au minimum contributif. Cela a un coût. Par exemple, une femme qui n’a perçu que des bas salaires tout au long de sa carrière touche une retraite de 500 euros. Un complément lui sera versé pour atteindre les 630 euros du minimum contributif. Réduire le nombre d’années prises en compte serait plus juste. Il vaut mieux rechercher des solutions globales plutôt que des mesures de soutien ponctuelles.

Le même raisonnement vaut pour le temps partiel que les femmes cumulent parfois avec des contrats précaires. Ce qui déclenche la validation du trimestre, ce n’est pas le temps de travail, c’est la valeur de 200 heures de SMIC. Un travail en colonie de vacances au moment des études peut valoir un trimestre, même si ce travail n’a duré qu’un mois ou deux. Comme on ne peut pas avoir plus de quatre trimestres par an, correspondant à 800 heures de SMIC, quelqu’un qui a travaillé à temps partiel toute l’année peut avoir quatre trimestres, mais son salaire de référence sera très faible.

L’État cherche à faire des économies sans dégager de financements supplémentaires pour les retraites alors que le nombre de retraités augmente et que ces derniers vivent plus longtemps. Cela entraîne une baisse du montant des pensions et conduira nécessairement à d’autres dépenses en direction des personnes fragilisées par ce système. D’où l’importance de revenir à la prise en compte des dix meilleures années. Pour les personnes dont le salaire a été au maximum pendant toute leur carrière, cela n’a pas d’incidence. Par contre, cela change tout pour ceux qui ont des parcours non linéaires ou des petits salaires. Pour ceux-là, prendre en compte les vingt meilleures années serait déjà plus juste.

Mme Pascale Crozon a évoqué le mi-temps contraint auquel sont soumises, par exemple, les caissières des grandes surfaces. Elles travaillent le matin, reviennent chez elles, puis retournent au travail dans l’après-midi, ce qui pose des problèmes pour s’occuper de leurs enfants. Au moment de la retraite, elles ne vont pratiquement rien toucher.

Mme Sylvie Brunol a ajouté qu’il était regrettable que la pénibilité du travail ne soit pas reconnue. Ce problème se pose pour les aides-soignantes. Elles peuvent actuellement partir à 55 ans – possibilité d’ailleurs remise en cause dans les propositions de Xavier Bertrand. Or, pratiquement un tiers de femmes partent avant 55 ans parce qu’elles sont en invalidité en raison des charges qu’elles ont portées. Les caissières portent également des poids importants. Une étude montre que c’est un des métiers où il y a le plus de fausses couches.

Mme Catherine Coutelle a demandé quelle retraite pouvaient espérer avoir les personnes qui passent de contrats aidés en contrats aidés.

Mme Mijo Isabey a répondu qu’il n’y a pas de droits à retraite pour le RMI, dans la mesure où il n’y a pas de cotisations. Les allocataires seront donc au minimum vieillesse. Au début, il n’y avait pas de cotisations non plus pour les CEC et les CES.

Les primo-demandeurs d’emploi, même inscrits à l’ANPE, ne touchent pas de prestations, et donc ne constituent pas de droits à retraite.

Mme Élisabeth Achet a soulevé le problème des personnes qui ne sont pas mariées. Dans la génération qui a quarante ans aujourd’hui, il n’y aura que 40 % de personnes mariées au moment de leur départ en retraite. Aujourd’hui les Pacsés n’ont pas droit à la pension de réversion. En revanche, ils sont responsables des dettes du conjoint s’il décède.

M. Jean-Luc Perat a demandé si la date du mariage avait une importance.

Mme Élisabeth Achet a répondu qu’il fallait que le mariage ait eu lieu au moins deux ans avant le départ à la retraite. Mais il est prévu de proportionner la pension de réversion à la durée du mariage, au moins dans le cas des divorces. Cela peut se comprendre mais il faudra alors prendre en compte toutes les formes de conjugalité.

Mme Pascale Crozon a fait valoir que, dans le cas d’un remariage, la seconde femme touche autant que la première en cas de décès du mari.

Mme Élisabeth Achet a signalé que, dans beaucoup de cas, il n’y a pas remariage après un divorce.

Mme la Présidente Marie-Jo Zimmermann a demandé qu’elle allait être la mobilisation syndicale sur cette question.

Mme Mijo Isabey a observé que l’on ne peut préjuger de l’importance de la mobilisation du 22 mai. Il y a un manque de visibilité. Beaucoup de dispositions ne sont que la continuation de ce qui est déjà enclenché. Les gens ne se sont pas aperçus que leurs pensions avaient baissé de 20 % parce que cela s’est étalé dans le temps. Dans le domaine des retraites, il faut dix ou vingt ans pour quantifier les dégâts causés par une politique. C’est ce qu’il est souvent difficile de faire comprendre aux salariés, comme aux responsables politiques.

Mme Pascale Crozon a souligné que la baisse des retraites jointe au renchérissement du coût de la vie est dramatique. Plusieurs femmes sont venues lui demander de leur trouver un logement social parce qu’elles étaient obligées de vendre l’appartement qu’elles avaient acheté avec leur conjoint du temps de son vivant, en raison de l’augmentation des charges de la collectivité, des frais de chauffage et des coûts de l’entretien.

Mme Élisabeth Achet est revenue sur l’augmentation du taux de la pension de réversion de 54 à 60 % en 2011. Actuellement, pour toucher la retraite de réversion du régime général, il ne faut pas que les revenus dépassent 17 000 euros dans l’année. De nombreuses personnes sont au plafond. Ce problème a été examiné en 2003 : on a sorti les retraites complémentaires du calcul de ce plafond de ressources. Or la complémentaire moyenne à l’ARRCO, par exemple, est de 250 euros pour les retraites complètes et de 150 euros pour les retraites de réversion. Pour la majorité des salariés du privé la part complémentaire est très basse. Le système est très inégalitaire.

Mme Mijo Isabey a appelé l’attention de la Délégation sur le minimum contributif : même si le Gouvernement s’est engagé à le porter à 85 % du SMIC en trois fois – 3 % au cours des années 2004, 2006 et 2008 –, les augmentations portent, non sur la totalité des trimestres validés, mais uniquement sur les trimestres cotisés. Donc tout le monde ne bénéficiera pas d’un minimum contributif à 85 % du SMIC.

Par ailleurs, comme le minimum contributif évolue comme les pensions, c’est-à-dire comme les prix, et non comme le SMIC, il est déjà en retard sur ce dernier.

Les organisations de jeunesse sont très inquiètes du devenir des retraites. La CGT a travaillé avec la JOC et l’UNEF. L’UNEF a lancé un appel sur son site qui a déjà été signé par sept ou huit organisations de jeunesse. Les jeunes étudiants qui prolongent leurs études comme les jeunes chômeurs sont particulièrement concernés. Depuis 1945, date de mise en place du système par répartition, la durée des études s’est allongée sans qu’il y ait une évolution du système des retraites. C’est pourquoi la CGT demande la validation des années d’étude. Parallèlement, le chômage est apparu et s’est développé. La CGT demande donc que, dès qu’un jeune est inscrit à l’ANPE, que des droits à retraite lui soient validés.

Mme Élisabeth Achet a ajouté que demander à des jeunes, d’une part, de continuer à payer pour les anciens, d’autre part, de capitaliser pour eux est d’une totale hypocrisie. Il vaudrait mieux que tout le monde paie un peu plus. Chacun sait que la retraite par répartition est plus avantageuse que la retraite par capitalisation. La CNAV a fait de très bonnes analyses qui le prouvent.

Mme Mijo Isabey a fait valoir que les systèmes de capitalisation ou les fonds de pension n’assurent pas beaucoup de solidarité et ne prennent pas en compte les particularités des femmes.

Mme Élisabeth Achet a cité l’exemple de l’Allemagne, qui a conduit, il y a quelques années, une réforme en faveur du système par capitalisation et qui se rend compte que cela à des impacts considérables sur les retraites des femmes, qui ne souscrivent pas à ces suppléments et qui ne bénéficient d’aucune solidarité. Ce n’est pas par un système d’épargne que l’on peut rectifier de telles disparités.

Audition de M. Alain Petitjean,
secrétaire confédéral chargé des retraites à la CFDT

Réunion du mardi 13 mai 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann

Mme la présidente, Marie-Jo Zimmermann après avoir observé que les aléas de la carrière professionnelle des femmes se répercutaient sur leur retraite et amplifiaient leurs difficultés a rappelé que la réforme de 1993 en a aggravé ces conséquences pour les femmes. Il est donc indispensable, au moment où s’ouvre de nouveau le débat sur les retraites, de voir comment certaines conséquences peuvent en être corrigées dans les décrets ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Alain Petitjean a remarqué qu’en effet les problèmes de retraite des femmes résultaient de leur parcours professionnel et qu’on ne peut en corriger tous les effets au moment de la retraite. Mais il est vrai que certains dispositifs de calcul des retraites ont abouti à accentuer les différences entre les hommes et les femmes. Ce fut particulièrement le cas en 1993. En 2003, au contraire quelques correctifs ont été apportés dont il conviendrait de s’inspirer pour formuler de nouvelles propositions.

L’augmentation du minimum contributif décidée en 2003 a un effet correcteur important sur les retraites des femmes, en particulier parce qu’elles sont les plus concernées par le temps partiel. Une salariée à mi-temps, payée au SMIC et qui a pu valider 40 années de cotisations touchera une retraite calculée sur un mi-temps, mais pourra bénéficier du minimum contributif, qui est le même que l’on ait travaillé à temps complet ou pas. Cela dit, le minimum contributif ne corrige que le régime de base et ne s’applique pas aux fonctionnaires.

D’autre part, pour le calcul des 25 meilleures années, on ne comptabilise plus dans les années validées celles au cours desquelles les personnes ont cotisé moins que ce qui était nécessaire pour valider un trimestre.

D’autres correctifs peuvent être envisagés.

Pour les carrières incomplètes, ce qui est le cas surtout des femmes, on pourrait proratiser le nombre d’années pris en compte pour le calcul du salaire de référence en fonction des années réellement cotisées : les 25 meilleures années pour quelqu’un qui a cotisé 40 ans, les 12 meilleures années pour quelqu’un qui a cotisé 20 ans. C’est déjà le cas pour les polypensionnés entre régimes. En effet, le calcul sur les 25 meilleures années aboutit à intégrer toutes les années cotisées, y compris celles du début de carrière, qui sont souvent incomplètes et pénalisent les salariés. La proratisation les neutraliseraient.

Pour les salariés à temps très partiel (moins d’un mi-temps), on pourrait ne plus prendre comme référence l’année civile, mais arrêter la validation au moment où la personne a cotisé sur l’équivalent de 800 heures/SMIC. À l’heure actuelle, lorsque l’on cotise 700 heures/SMIC dans l’année, seuls trois trimestres sont validés, soit trois fois 200 heures, et les 100 dernières sont perdues. Mieux vaudrait attendre que l’équivalent de 800 heures soit atteint pour valider une année entière de cotisations : un salarié pourrait valider une dizaine de trimestres en trois ans, au lieu d’en perdre un demi par an.

Mme la présidente, Marie-Jo Zimmermann a demandé si ce dernier point était envisageable.

M. Alain Petitjean a répondu que l’on pouvait argumenter sur ce point et en étudier les conséquences.

Ensuite, se pose la question des majorations familiales : Sont-elles toujours légitimes et pertinentes ? Les majorations de durée d’assurance : deux ans par enfant dans le régime général, un an dans le secteur public doivent-elles être appliquées dans tous les cas, qu’il y ait eu ou non arrêt de l’activité professionnelle ? Les années d’arrêt d’activité donnent aujourd’hui droit à la validation de quatre trimestres mais elles ne comptent pas dans le calcul des 25 meilleures années. Si on les validait à un niveau proche du salaire réel avant l’arrêt d’activité, on corrigerait le calcul des 25 meilleures années pour un certain nombre de personnes. De même, la rémunération d’une femme en congé de maternité n’est pas prise en compte dans le calcul des 25 meilleures années. Sans doute pourrait-on obtenir cette prise en compte, la cotisation pouvant relever de la solidarité ou de la politique familiale.

Les périodes dites assimilées donnent seulement droit à des validations de trimestre, le salarié n’étant ainsi pas obligé de travailler plus longtemps pour atteindre 40 ans de cotisation. Elles peuvent donc être très pénalisantes pour des personnes malades ou au chômage en fin de carrière, la compensation touchée pouvant être plus importante que le salaire de l’année antérieure à l’arrêt. Cela vaut pour les hommes comme pour les femmes, mais on peut réfléchir plus spécifiquement à la maternité et au congé parental.

La majoration de pension de 10 % au troisième enfant est sans doute le mécanisme le plus à même de corriger les différences de retraites entre les femmes et les hommes. Or, elle vaut pour les hommes comme pour les femmes alors que l’on sait que la maternité pénalise objectivement la carrière des femmes et, à terme, leur retraite. On pourrait faire jouer cette majoration uniquement pour les femmes et ce dès le premier enfant, sur une base plus forfaitaire. Ce serait cohérent et l’on ne pourrait pas parler de discrimination dès lors que la mesure serait liée à la maternité.

La question de la réversion est plus compliquée. Son augmentation est positive mais ce n’est peut-être pas la meilleure façon de prendre le problème. Cette pension a changé de nature. À l’origine, elle avait un caractère de minimum social. C’est toujours le cas pour une part, mais elle devient davantage une mesure de maintien du pouvoir d’achat du conjoint survivant. Dans ces conditions, est-il logique que l’ensemble des cotisants la financent, quel que soit le revenu des personnes concernées ? Pourquoi ne pas faire en sorte qu’elle corresponde à un minimum social en revoyant le plafond d’accès pour le régime général et relève d’une logique assurantielle au-delà ?

Le statut juridique du couple mériterait aussi une réflexion d’ensemble ; les règles de la réversion ne correspondent plus à la réalité de la société. Le fait que les pacsés n’aient pas droit à la réversion s’apparente à une discrimination. Y remédier augmenterait le coût global de la réversion.

La question de l’âge minimal est également complexe. Une veuve de 35 ans dont le problème est plutôt de consolider sa carrière a-elle les mêmes problèmes qu’une veuve qui est proche de la retraite ? S’il est sans doute trop tôt pour un débat public sur ce thème mais il serait intéressant que les parlementaires y participent au travers du Comité d’orientation des retraites. La pension de réversion est un sujet sensible sur lequel il est difficile d’avoir un débat serein. Les analyses du COR permettront peut-être de relativiser certaines positions sur les avantages familiaux.

Mme la présidente, Marie-Jo Zimmermann a demandé si le COR aurait rendu ses conclusions avant l’examen du PLFSS.

M. Alain Petitjean a précisé que les travaux du COR seraient bien avancés. Corriger les effets négatifs pour les retraites des femmes en adaptant certaines règles de calcul peut se faire par la loi ou par décret. Le coût de ces mesures n’est pas forcément insurmontable. Sur les avantages familiaux, il faudra plus de temps. Se pose déjà la question du transfert de la prise en charge de certains avantages familiaux de la retraite vers la famille. On a intérêt à clarifier ce qui, dans le système de retraites, relève de la contributivité, c’est-à-dire des cotisations, et que ce qui relève d’autres financements, qu’il s’agisse de la famille, de la solidarité nationale ou d’autres régimes. Le système souffre d’un manque de lisibilité.

M. Jean-Luc Pérat a relevé le ton différent de cette audition par rapport à la précédente, au cours de laquelle il était apparu, sans même parler de la réversion, que les femmes étaient pénalisées parce qu’elles avaient moins cotisé et qu’un grand nombre d’entre elles n’atteindraient pas le minimum contributif.

M. Alain Petitjean a précisé que le nombre de femmes pour lesquelles la pension de réversion a été créée, c'est-à-dire qui n’ont pas travaillé et à qui il faut assurer un minimum vital, va en diminuant.

Le premier rapport du COR, faisait apparaître que l’allongement de la durée de cotisation à toucherait d’abord plus les femmes que les hommes, mais qu’en 2020, ce serait l’inverse. En effet, la carrière des femmes tend à s’allonger pour se rapprocher de la durée de celle des hommes et s’y ajoute le bénéfice de la majoration de durée de cotisation.

Mme la présidente, Marie-Jo Zimmermann s’est étonnée de cette analyse en raison de la multiplication, en particulier dans les services à la personne, des temps partiels occupés par des femmes. Lorsqu’elles arriveront à la retraite, et elles se retrouveront au minimum vieillesse alors qu’elles auront travaillé une bonne partie de leur vie ! Il est surprenant qu’on n’en entende pas parler à l’occasion du débat sur les retraites.

Les périodes de travail étant souvent les mêmes, en particulier dans l’hôtellerie, la restauration ou les services de nettoyage, ces salariés ne peuvent pas faire plus d’heures, nombre de tâches n’étant en outre pas modulables. Certes, pour valider une année en étant rémunéré au SMIC horaire, il suffit de travailler 3 heures 30 par jour - par exemple, trois fois une heure 10 auprès d’une personne. Mais encore faut-il les atteindre…

En 2004, les femmes, ont disposé d’une retraite moyenne de 1 020 euros par mois, inférieure de 38 % à celle des hommes. Qu’en sera-t-il en 2020 ? Certes, c’est moins un problème de retraite que de carrière mais à terme c’est le minimum vieillesse qui devra jouer alors qu’elles ont travaillé.

M. Alain Petitjean a observé que dans un système de retraite contributif ce problème peut difficilement être réglé autrement que par les minima. Le minimum contributif est un bon correctif. Si on augmente de 25 % le minimum vieillesse, il faudra augmenter le minimum contributif de façon à ce qu’il reste un peu au-dessus. Sinon, des personnes ayant travaillé toute leur vie toucheront moins, à la retraite, que celles qui n’auront jamais travaillé !

S’agissant de l’évolution de l’activité dans le domaine des aides à la personne, il ne faut pas se montrer exagérément pessimiste : le développement de ce secteur fera que les emplois seront moins précaires qu’aujourd’hui.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a demandé à M. Petitjean s’il avait le sentiment que le Gouvernement était prêt à accepter les propositions qu’il venait d’avancer.

M. Alain Petitjean a répondu que le cumul des heures qui apporte une réponse aux personnes en-dessous du mi-temps et la proratisation qui atténue les effets des règles de calcul quand la carrière est incomplète, peuvent être défendus, d’autant que c’est un outil que le Gouvernement a utilisé pour les polypensionnés. Le seul frein est financier ; il dépend du choix de la population ciblée.

M. Jean-Luc Pérat a observé que l’on est passé d’un calcul sur les dix meilleures années à un calcul sur les 25 meilleures années. Au lieu de l’appliquer à tout le monde, ne pourrait-on adapter le système au bénéfice de ces femmes ?

Qui dit retraite dit vieillissement, dépendance et isolement. Ne pourrait-on imaginer, pour garantir l’accompagnement au-delà de la retraite, d’orienter le système de cotisations vers l’assurance dépendance ?

M. Alain Petitjean a observé qu’effectivement la proratisation aurait un effet non négligeable sur le niveau des pensions accordées aux femmes tout en étant cohérent avec le système de retraite.

S’agissant de la dépendance, il faut bien distinguer ce qui relève du régime de base et des complémentaires. On peut imaginer de coupler des systèmes d’épargne et de dépendance, l’épargne pouvant être mobilisée en cas de dépendance. La réorientation de l’assurance-vie procède de la même logique pour en faire une épargne plus active.

On pourrait aussi faciliter l’accès de tous à une assurance complémentaire dépendance. Le problème est qu’on ne peut définir une complémentaire que par rapport à une base et que l’on n’a pas encore arrêté la part de richesse nationale qu’on consacrera à ce risque.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a souligné que la position de M. Petitjean n’était pas partagée par d’autres syndicats et le problème de la retraite des femmes est bien réel.

M. Alain Petitjean a dénoncé l’amalgame qui a été fait entre les effets de la réforme de 1993 et ceux de 2003. La réforme de 2003 a apporté des corrections aux effets de la précédente. Il y a pour les femmes, un problème de validation du temps d’activité et des périodes où elles n’ont pas été en activité, pour des raisons liées à la vie familiale. C’est un sujet que la CFDT juge très important

Mme Pascale Crozon a évoqué le problème des femmes à temps partiel subi. Dans vingt ou trente ans, celles-ci feront partie des travailleurs très pauvres, et leur retraite sera aussi très faible.

M. Alain Petitjean a rappelé que le minimum contributif permet de corriger, les effets du temps partiel, mais le système des retraites, financé par les cotisants, n’a pas vocation à assumer la responsabilité du temps partiel qui relève des pratiques des employeurs.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a relevé que cela a des conséquences sur le niveau des retraites. On a le sentiment que ce problème, comme l’égalité professionnelle et le temps partiel ne sont pas considérés comme des questions majeures par les syndicats.

M. Alain Petitjean, a souligné qu’il n’y avait aucune raison pour que les cotisants financent les conséquences de l’organisation du marché du travail des femmes. La correction de désavantages comme ceux subis en raison de la maternité peut être défendue de manière cohérente dans un système de retraite. Mais le système de retraite n’a pas forcement vocation à corriger l’ensemble des conséquences des inégalités entre les hommes et les femmes. La CFDT ne se bat en faveur des femmes uniquement sur la question des retraites, mais aussi sur tout ce qui touche aux salaires, à la classification, au temps partiel, etc.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a indiqué qu’en attendant des améliorations en matière d’emploi il faut bien prendre en compte la situation de celles qui vont être à la retraite dans les années qui viennent. La situation des femmes est encore plus difficile que celle des jeunes qui ont eu un début de carrière chaotique, car la période pendant laquelle la femme a ses enfants et les élève est incluse dans les 25 années prises en compte pour le calcul de la retraite. Cela est très pénalisant.

M. Alain Petitjean s’est défendu de ne pas vouloir prendre en compte cette question, mais ce n’est pas dans les techniques ou dans l’organisation du système de retraite que l’on trouvera les réponses.

Il faut arriver à une validation complète de la carrière des femmes pour avoir une durée d’assurance correspondant à la durée exigée. Ensuite, il ne pourra y avoir de correction que par les minima. Grâce au minimum contributif, une personne qui aura travaillé toute sa vie à mi-temps touchera, au moment de sa retraite, davantage qu’en activité. Ce minimum contributif est en effet le même, qu’on ait validé quarante ans à mi-temps ou à temps complet. Le calcul des 25 meilleures années aboutit à un certain montant. Si ce montant est en dessous du minimum contributif, la retraite sera portée au niveau du minimum. L’augmentation est importante pour les femmes ayant eu des carrières à temps partiel. Ce minimum contributif est de 680 euros, plus une retraite complémentaire.

Mme la présidente, Marie-Jo Zimmermann a observé que de nombreuses femmes ne pourraient pas valider quarante années. 

M. Alain Petitjean a précisé que si le salarié n’a pas validé quarante années, il touchera le minimum contributif proratisé en fonction de la période validée.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a observé qu’il y aura de plus en plus de personnes dans cette situation, notamment parmi les femmes de sa génération, qui seront à la retraite dans cinq ou six ans et qui s’étaient arrêtées de travailler ou s’étaient contentées d’un mi-temps entre trente et quarante ans, pour pouvoir élever leurs enfants. La situation de cette tranche d’âge est préoccupante.

Certaines femmes ont cumulé tous les handicaps : un arrêt d’activité à la naissance des enfants, un temps partiel pour continuer à s’en occuper ; un divorce à quarante ans, elles se retrouvent seules avec les enfants. Elles ont aujourd’hui entre 53 et 58 ans. Comment vivront-elles dans quelques années ? Ces femmes viennent souvent exposer leurs problèmes dans les permanences des élus. Elles découvrent tardivement quelle sera leur retraite. Ce problème se pose pour les cinq à dix ans à venir.

La situation des nouvelles générations sera meilleure, sauf pour celles qui occupent des emplois précaires, pour qui les choses seront d’autant plus difficiles qu’elles auront commencé à travailler tard.

M. Alain Petitjean a expliqué qu’il avait cherché à montrer comment corriger les inégalités, tout en restant cohérent avec ce qui fonde le système de retraite. Il ne s’agit pas de nier la situation, mais de se battre pour que des corrections soient apportées.

Mme Pascale Crozon a remarqué que les conséquences d’une petite retraite étaient particulièrement lourdes, sur le plan humain comme financier, pour certaines femmes. On pourrait, obliger la grande distribution à verser une surprime en cas de mi-temps contraint. Ce sont peut-être de petites solutions, mais il ne faut pas oublier que dans dix ans, certaines femmes seront encore plus pauvres.

M. Alain Petitjean a répondu que cela faisait partie de l’action syndicale, qui se déploie dans les entreprises et dans les branches, ceci dans tous les domaines.

Mme Pascale Crozon et Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann ont regretté que les syndicats donnent le sentiment de ne pas toujours se mobiliser suffisamment pour défendre les femmes comme pour l’application de la loi sur l’égalité professionnelle dans les entreprises. Il y a encore des traces, dans les syndicats, comme dans la société, de l’idée selon laquelle le travail des femmes n’est pas primordial. Toutes les autres questions sont traitées ; celle des carrières hommes-femmes vient toujours ensuite.

M. Jean-Luc Pérat s’est demandé si les femmes s’impliquaient au sein de la CFDT. Dans la société, elles n’ont ni toute leur place ni la considération qu’elles méritent.

M. Alain Petitjean a répondu que la manière dont on mène une action sur des sujets de ce type varie en fonction des années et des personnes. À Roissy, par exemple, le temps partiel contraint est très répandu et mixte puisqu’il concerne pratiquement tous les emplois. Mais il est exact que dans la grande distribution, ce sont les femmes qui sont concernées. Dans le secteur du nettoyage, ce sont plutôt des immigrés hommes pour le gros nettoyage, et des immigrées femmes dans les entreprises ou dans les bureaux.

Mme la présidente Marie-Jo Zimmermann a demandé à M. Petitjean si la Délégation pouvait compter sur l’implication de la CFDT.

M. Alain Petitjean a répondu par l’affirmative, mais il convient de considérer ce qu’on est capable d’accepter comme réforme pour améliorer la situation des femmes. Il s’est demandé qui, parmi les personnes déjà auditionnées par la Délégation, était d’accord pour discuter de l’idée de réserver aux femmes la majoration pour trois enfants. Ce serait le moyen de voir qui défend réellement les femmes ! Ces dernières n’ont, en outre, pas toutes des problèmes de retraite.

Par ailleurs, on note une évolution sociologique parmi les adhérents des syndicats. Le fait que la proportion hommes-femmes dans les syndicats soit de plus en plus proche de celle de l’ensemble des salariés est le plus sûr garant d’une évolution. Cependant, il faut bien reconnaître que ce qui vaut pour l’ensemble des adhérents ne vaut pas pour l’ensemble des responsables syndicaux. Pour autant, la CFDT a mené une action déterminée en faveur de la mixité des structures syndicales. On voit aujourd’hui apparaître de nombreuses militantes, ce qui ne signifie pas qu’elles occupent toujours des positions de responsabilité. Mais le temps œuvre dans le bon sens.

Audition de Mme Véronique Cazals, directrice de la protection sociale au MEDEF, M. Julien Guez, chef du service retraite,
et M. Guillaume Ressot, directeur adjoint

Séance du mardi 27 mai 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann,

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a remercié les intervenants d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation. La Délégation souhaiterait connaître la façon dont le MEDEF aborde la question des retraites des femmes, les conséquences du déroulement des carrières et des inégalités salariales et savoir si cette question a été abordée lors des discussions en cours.

Mme Véronique Cazals a d’abord observé que le MEDEF était très impliqué dans la réforme des retraites. La loi de 2003 avait fixé un rendez-vous en 2008 pour tirer le bilan des réformes et réfléchir à des dispositions, plus structurelles, pour pérenniser le régime par répartition, auquel le MEDEF est attaché.

Lors deux premières réunions de concertation organisées par le gouvernement, le MEDEF a appelé de ses vœux des mesures, certes douloureuses mais absolument nécessaires pour garantir la retraite des enfants d’aujourd’hui et pour pérenniser le régime par répartition, pour les hommes et pour les femmes. Il est vrai que la question spécifique de la retraite des femmes n’est pas au cœur de ces rendez-vous. Le Président de la République a toutefois annoncé une mesure qui les concerne principalement : l’augmentation de la pension de réversion.

Le rendez-vous de 2008 a trait au régime général. Ces questions devront ensuite être prises en compte par les partenaires sociaux pour les régimes complémentaires. Ces derniers présentent des spécificités, notamment en matière de droits familiaux et conjugaux. Ces sujets sont au cœur des négociations entre partenaires sociaux en vue de l’élaboration d’un nouvel accord pour les retraites complémentaires en 2008. Ils ont commencé à être traités au sein de groupes de travail paritaires dans le cadre de l’AGIRC et de l’ARRCO.

De façon générale, il est très difficile d’identifier l’objet des avantages et des spécificités accordés aux femmes dans le régime général, dans les régimes particuliers et dans les régimes complémentaires. S’agit-il d’améliorer globalement la retraite des mères de famille, de compenser les effets d’une interruption de carrière – au titre de l’éducation des enfants, par exemple –, ou les conséquences de la moindre accumulation du patrimoine du fait de dépenses supplémentaires engendrées par l’éducation des enfants, ou encore de « récompenser », dans le cadre de la retraite, les parents pour les futurs cotisants que sont les enfants ? S’agit-il d’encourager la politique familiale de la France ou de compenser les effets d’une moindre cotisation ou du temps passé avec les enfants ? Cette problématique doit être au cœur de la réflexion.

La France a le plus fort taux de natalité en Europe après l’Irlande mais aussi le plus fort taux d’activité des femmes ayant des enfants. Cela fait partie des exceptions françaises qui méritent d’être soulignées. Il n’est cependant pas facile d’en expliquer les raisons. Cela tient-il à l’organisation des modes de garde, à une politique familiale et à un système d’allocations familiales incitatif, à un régime de retraite favorable aux femmes qui ont eu des enfants ? Les régimes de retraite sont un élément structurant de la politique familiale française, même si, quand on fait des enfants, on ne pense pas nécessairement aux avantages que l’on va en retirer à la retraite, d’autant que, au moins quand on est une femme, on en est le plus souvent très éloigné. Il reste que selon l’évaluation du Conseil d’orientation des retraites, les droits familiaux ont représenté près de 15 milliards d’euros en 2006, soit près de 7 % des dépenses de retraites. Les pensions de réversion se sont élevées à plus de 30 milliards d’euros en 2006, soit près de 14 % du total des dépenses.

Quelles sont les caractéristiques de l’activité féminine ?

Les femmes sont moins actives que les hommes, mais les inégalités en matière de taux d’activité sont en voie de réduction. Les femmes travaillent souvent à temps partiel et ce dernier se développe. Est-il choisi ou subi, c’est toute la question. Quand il est choisi, les femmes en sont très satisfaites et l’on peut comprendre qu’il y ait des différences au moment de la retraite. Quand il est subi, il pénalise de fait les femmes. Enfin, les femmes ont des salaires horaires plus faibles que les hommes. L’écart s’est réduit, mais ce n’est plus le cas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré une stagnation en ce domaine depuis quelques années.

Mme Véronique Cazals a répondu qu’une progression suppose, à travail égal, une totale égalité entre le salaire des femmes et celui des hommes, la difficulté étant d’évaluer le travail égal et la compétence égale.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a précisé qu’une loi sur l’égalité salariale était prévue pour la fin 2009 et a souligné l’engagement de la Délégation sur cette question.

Mme Véronique Cazals a observé que la réforme des droits familiaux et conjugaux en matière de retraite pose des questions de fond très importantes. Revient-il au système de retraite de rattraper les écarts de situation et de rémunération entre les hommes et les femmes sur le marché du travail ? Est-ce une question d’emploi ou d’égalité ? Les retraites sont actuellement la branche de la sécurité sociale la plus lourdement déficitaire. C’est tout l’enjeu de la réforme à venir. Les déficits se creusent et les besoins de financement à court, moyen et long termes sont croissants. On cherche à faire en sorte que ce régime se dégrade le moins possible tout en ayant encore une politique familiale et conjugale généreuse.

Il faut aussi tenir compte de la jurisprudence européenne à la suite de l’arrêt Greismar et de décisions plus récentes concernant le régime général. L’arrêt Greismar ne concerne pas le régime général, mais les avantages familiaux et conjugaux accordés dans le cadre des régimes complémentaires pour les travailleurs salariés ont été appliqués strictement de la même manière pour les hommes et les femmes. C’est une préoccupation : doit-on privilégier les périodes d’interruption d’activité ou les droits des mères indépendamment de ce choix, compte tenu de la volonté de rapprocher les droits des deux parents ?

Quelles sont les conséquences du temps partiel sur les pensions ? Actuellement, les conditions pour valider un trimestre sont assez souples puisqu’il faut avoir cotisé sur l’équivalent de 200 heures au SMIC. La réforme ne concerne que le régime général, donc les travailleurs salariés. Effectuer l’équivalent de 200 heures de travail rémunéré salarié dans le trimestre n’est sans doute pas facile pour tout le monde ; cependant une grande partie des travailleurs à temps partiel remplissent cette condition. Cela ne représente pas une vraie difficulté.

M. Julien Guez a précisé que, pour le calcul de la retraite, il est tenu compte des salaires et que le temps partiel aboutit nécessairement à des pensions plus faibles. La question est de savoir s’il revient au système de retraite de rattraper ou de compenser les inégalités de salaires liées aux carrières plus compliquées et plus accidentées des femmes.

Mme Véronique Cazals a fait valoir que cette question relève de la politique de l’emploi. Si une femme a choisi, pour des raisons personnelles, de travailler à temps partiel, on peut comprendre que les salaires portés au compte au moment de liquider la retraite soient moins élevés que ceux d’une personne qui a choisi de travailler à temps plein. La problématique de l’emploi entre en jeu s’il s’agit de temps partiel subi et que les femmes travaillent alors dans des conditions qu’elles n’ont pas choisies et perçoivent ensuite des pensions moindres. C’est une vraie question. Mais est-ce bien au régime de retraite de rattraper les difficultés de la vie active ? N’y a-t-il pas un effort plus structurel et beaucoup plus en amont à faire, afin que le temps partiel subi soit le moins subi possible ?

Mme Pascale Crozon a cité l’exemple de la grande distribution dans laquelle un temps partiel est souvent imposé aux caissières : trente heures maximum par semaine coupé d’une pause, les obligeant à revenir l’après-midi. Ce n’est peut-être pas aux régimes de retraite de prendre en compte ce problème, cela étant, il faudra bien en gérer les conséquences.

Mme Véronique Cazals a observé que c’est l’activité économique qui justifie le mode d’organisation du travail. Cela étant, les professionnels de la grande distribution ont considérablement amélioré les conditions de travail. Des cas extrêmes sont médiatisés, mais on en trouve dans tous les secteurs d’activité.

Mme Claude Darciaux a remarqué qu’ils étaient quand même plus nombreux dans la grande distribution.

Mme Véronique Cazals a récusé cette affirmation, qu’aucun chiffre ne vient étayer. Il y a un vrai problème d’adaptation des horaires de travail à une offre, à une demande et au fonctionnement de l’entreprise. Le secteur a pris en considération cette difficulté très en amont. À interroger les chefs d’entreprise de ce secteur, on mesurerait combien ces entreprises se sont adaptées aux difficultés qu’ont connues les salariés à une certaine époque, dans la grande distribution mais aussi dans presque tous les métiers de service.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a reconnu que certains grands groupes de la distribution ont compris la problématique du temps partiel, mais pas la majorité.

La Délégation demande qu’au moment de l’embauche, les personnes qui sollicitent un travail à temps partiel soient informées de ses conséquences sur la retraite. Le temps partiel est une commodité pour l’entreprise mais, au moment de la retraite, c’est l’ensemble du système qui en supporte les conséquences. Si la retraite n’est pas suffisante, il faut y apporter un complément, par des dispositifs de solidarité. Les chefs d’entreprise mènent-ils une réflexion à ce sujet ?

Mme Véronique Cazals a observé qu’on ne devrait pas stigmatiser une profession – le temps partiel subi existe dans tous les secteurs – et que cette question relevait de la politique de l’emploi : il ne revient pas aux caisses de retraite de compenser les difficultés d’emploi rencontrées par les salariés.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé qu’il n’appartient peut-être pas aux caisses de retraite de prendre en charge ces difficultés mais, à un moment donné, la solidarité nationale devra compenser la faiblesse des retraites.

M. Julien Guez a souligné que le système de retraite tient compte de ces éléments. Les 200 heures au SMIC nécessaires pour valider un trimestre – soit 67 heures par mois - sont assez facilement effectuées. Les règles de calcul et de la validation des durées d’assurance et la fixation de minima pour les travailleurs ayant eu des carrières accidentées relèvent du système de retraite. Ce n’est pas le cas du problème plus général du marché du travail.

Mme Véronique Cazals a rappelé qu’il fallait distinguer entre temps partiel choisi et temps partiel subi. Par ailleurs, d’autres situations marginales sont traitées spécifiquement au moment de la liquidation : celles des polypensionnés, des personnes qui ont des carrières accidentées, ou qui ont commencé à travailler très tard. Mais on est limité par l’architecture du système par répartition, où les actifs cotisent pour la retraite de leurs aînés. Le MEDEF propose, donc, que la retraite soit à la carte et choisie grâce à un système par points, que l’on capitaliserait tout au long de sa vie active. Un âge pivot serait défini pour bénéficier d’une retraite à taux plein selon les types de profession. Cette option n’a pas été retenue dans le rendez-vous de 2008 mais le Gouvernement a accepté de constituer un groupe de réflexion avec les partenaires sociaux pour l’examiner et voir si cela aboutirait à un système plus juste.

Actuellement, coexistent des retraites complémentaires par points et des régimes de base par trimestre avec des règles de validations peu lisibles. Cette architecture est difficile à piloter, peu responsabilisante et opaque pour les cotisants. Cela évolue cependant. Lorsqu’ils rentrent dans une entreprise, les jeunes se préoccupent maintenant de savoir quelle sera leur retraite et comment elle sera calculée. Il est très important, et pour les assurés, et pour les entreprises, d’être transparent sur les conséquences des évolutions de carrière sur la retraite future.

Un effort important est réalisé par le GIP Info Retraite pour informer les salariés, bien avant leur retraite, du nombre de points qu’ils ont capitalisés et du nombre de trimestres qu’ils ont validés. Il faudra rendre cette information plus systématique.

Il en va de même du temps partiel. Lorsqu’une entreprise embauche un salarié à temps partiel, ce dernier devrait être informé, au moment de la conclusion de son contrat de travail, des règles de validation des trimestres et de calcul du salaire de référence.

M. Julien Guez a souligné que l’existence de deux minima pour les retraites, un minimum contributif pour lequel il est nécessaire d’avoir validé la durée d’assurance — ce qui est assez facile même en travaillant à temps partiel, — et un minimum vieillesse, qui n’est pas lié à une activité et à la validation de trimestres, permet la prise en compte par le système des retraites des temps partiels et des petits salaires.

Mme Véronique Cazals a ensuite abordé la question de la pénibilité. On ne peut nier que certains postes sont plus pénibles que d’autres mais il est impossible d’en dresser objectivement la liste : un travail peut être pénible à un moment donné et pour certaines personnes seulement tandis que certains travaux sont toujours pénibles. Depuis plus de trois ans, le MEDEF mène une difficile négociation interprofessionnelle afin de trouver avec les organisations syndicales un accord sur des critères individuels et médicaux de pénibilité de l’emploi. C’est une approche par activité qui est retenue et non une approche de genre qui ne paraît pas pertinente. Pour deux postes de travail exactement identiques, une femme n’a pas nécessairement des conditions de travail plus pénibles que l’homme : un caissier n’est-il pas exposé aux mêmes difficultés d’organisation qu’une femme ? Un caissier qui a des enfants n’a pas la même vie qu’une caissière qui n’en a pas.

Mme Pascale Crozon a objecté que les caissières s’occupent en général davantage des enfants que les caissiers et que beaucoup d’entre elles ont des vies extrêmement difficiles. Il importe d’autant plus de prendre en compte la vie familiale qu’il y a de plus en plus de femmes seules avec des enfants.

Mme Véronique Cazals a indiqué que le MEDEF en discute avec les syndicats de salariés dans le cadre d’une autre négociation, consacrée au stress au travail. Certains métiers stressants peuvent avoir des effets sur la santé. Pour éviter ces effets, le MEDEF travaille à des mesures phares, en particulier en faveur de la conciliation de la vie personnelle avec la vie professionnelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a insisté sur le fait que si la question de la retraite des femmes se posait avec une telle acuité c’est parce que les femmes constituent la très grande majorité des salaires à temps partiel. Cela dit si cette question est prise en compte elle sera réglée aussi pour les hommes.

Mme Véronique Cazals a souligné qu’il n’incombait pas à la réforme des retraites de régler le problème du temps partiel, qu’il soit choisi ou subi.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a objecté que le temps partiel avait bien des conséquences sur les retraites.

M. Olivier Jardé s’est demandé si l’on n’assistait pas à un changement de génération : il y a maintenant plus d’étudiantes que d’étudiants dans les universités, plus d’avocates et de femmes médecins que d’hommes. Une étude américaine montre par ailleurs que les femmes d’une trentaine d’années gagnent plus que les hommes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est réjouie de cette évolution mais a souhaité que l’on n’oublie pas les générations de femmes qui ont eu une activité professionnelle réduite.

Mme Danielle Bousquet a demandé si l’on avait débattu de la nécessité de prendre en compte le critère du genre.

Mme Véronique Cazals a répondu que la question a été abordée mais qu’elle n’a été à aucun moment un élément déterminant de la négociation. Elle n’est en rien pertinente pour les retraites et peut seulement être abordée dans la réflexion sur la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle dans la négociation sur le stress au travail.

La pénibilité concerne indifféremment les hommes et les femmes. Il apparaît difficile de trouver une réponse dans la réparation. Le fait d’avoir été exposé à des travaux pénibles justifie-t-il ou non que l’on parte plus tôt à la retraite, et dans quelles conditions ? La question reste ouverte.

M. Julien Guez a rappelé que le juge communautaire applique un principe d’uniformité des règles entre les hommes et les femmes. Si, au motif que le temps partiel concerne majoritairement les femmes, on décidait d’y lier des droits à la retraite spécifiques, on se heurterait à une jurisprudence communautaire qui s’oppose à tout dispositif visant, directement ou indirectement, une population précise. Même si la norme n’évoque pas un groupe déterminé, si la population visée est majoritairement constituée, par exemple de femmes, le juge communautaire considérera qu’il s’agit d’une discrimination indirecte à l’égard des hommes.

Mme Véronique Cazals a précisé que le MEDEF considère que l’état actuel des comptes des régimes de retraite ne permet pas d’envisager d’accroître la prise en compte du temps partiel. Les besoins de financement estimés à 10 milliards d’euros d’ici trois ans, sont préoccupants pour les retraites des générations à venir.

Le MEDEF déplore que sa proposition de relever l’âge de la retraite n’ait pas été retenue. Mme Parisot a montré, chiffres à l’appui, que seule cette mesure permettrait de sauvegarder les régimes par répartition. Depuis 1983, l’âge légal de départ à la retraite est fixé à soixante ans : la personne qui, à cet âge, a cotisé le nombre de trimestres requis perçoit une pension à taux plein, de même que celle qui atteint l’âge de soixante-cinq ans, même si elle ne réunit pas le nombre exigé de trimestres. Pour atteindre l’objectif de quarante et une annuités à l’horizon 2012, on va exiger chaque année un trimestre de cotisation de plus. Cet allongement de la durée de cotisation est justifié par l’allongement de la durée de vie. Nous vivons aujourd’hui vingt ans de plus qu’à la fin des années 1950 ou 1960. Il y a davantage de retraités pour de moins en moins de cotisants. Le MEDEF avait demandé, en prévoyant quelques exceptions pour les temps partiels, pour les travaux pénibles et pour les gens qui ont commencé à travailler extrêmement jeunes – ce que l’on appelle le régime dérogatoire des carrières longues –, que l’âge légal de départ à la retraite ne soit plus fixé à soixante ans – l’âge le plus bas d’Europe – mais relevé progressivement jusqu’à atteindre soixante-trois ans et demi. Cela aurait eu pour effet d’équilibrer durablement les régimes de retraite. Le Président de la République vient de déclarer que ce ne serait pas le cas. Donc acte.

M. Guillaume Ressot a précisé que ceci s’explique par le fait que ce relèvement de l’âge de la retraite n’était pas un engagement de la campagne présidentielle.

Mme Véronique Cazals a souligné que la France est une exception : c’est le pays d’Europe où les gens commencent le plus tard à travailler, où ils partent le plus tôt à la retraite et où les déficits sont les plus forts alors que le taux de cotisation sur les retraites est l’un des plus élevés.

Mme Pascale Crozon a soulevé la question du travail des seniors. Comment faire comprendre la nécessité de reculer l’âge de la retraite à des personnes qui, souvent, ne retrouvent plus de travail après quarante-neuf ans ?

M. Julien Guez a répondu que pour les 50-54 ans, la France se situe au sixième rang en Europe sur vingt-cinq. En revanche, pour la tranche 55-59, les taux d’emploi sont un peu inférieurs à la moyenne européenne et, pour la tranche 60-64 ans, ils sont catastrophiques. Ils sont inférieurs de moitié à la moyenne européenne, mais ceci s’explique par les règles actuelles du régime de retraite.

Mme Véronique Cazals a ajouté que ce problème est criant dans les entreprises françaises car on a cru longtemps à tort que c’était en mettant les personnes les plus âgées à la retraite ou en préretraite qu’on réglerait le problème de l’emploi des jeunes.

M. Olivier Jardé a évoqué les licenciements dont les salariés âgés font souvent l’objet.

Mme Véronique Cazals a répondu que le problème des licenciements est distinct de celui des retraites. Les personnes licenciées à partir de cinquante-sept ans sont dispensées de recherche d’emploi et sont prises en charge jusqu’à leur retraite par les ASSEDIC. Ce système qui a été bâti en collaboration avec les représentants des employeurs et des salariés et l’État est inadapté à la réalité sociologique et démographique d’aujourd’hui. Unique en Europe, il a des effets catastrophiques pour les personnes concernées comme pour les comptes sociaux car il légitime le départ des personnes de plus de cinquante-sept ans.

M. Julien Guez a fait observer que s’il convient de s’interroger sur l’égalité hommes-femmes en matière de retraite, il faut aussi se préoccuper de l’équilibre financier des régimes de retraite.

Mme Pascale Crozon a insisté sur le fait que les femmes à temps partiel contraint seront, au moment de leur retraite, dans une situation de pauvreté extrême.

Mme Véronique Cazals a répondu que, si on bâtit des régimes de retraite et un système social équilibrés, des mécanismes de solidarité pourront jouer dans l’avenir. Si on ne recule pas l’âge de la retraite et si on continue à faire peser la charge des déficits sur les générations futures, ce ne sera plus possible. Le minimum vieillesse et le minimum contributif sont des dispositifs que l’on a pu supporter à une certaine époque parce que les régimes étaient équilibrés. Actuellement, il n’est plus possible de garantir la même solidarité que dans les années 1950.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a relevé le manque d’optimisme de Mme Cazals.

Mme Véronique Cazals a précisé qu’elle était optimiste sur bien d’autres sujets mais pas sur celui des retraites. Parmi les éléments incitant à l’optimisme, il faut relever que les femmes françaises qui ont des enfants sont les plus nombreuses à travailler en Europe.

Pour prévenir le stress ou mieux le gérer, le MEDEF préconise des dispositifs permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle. On constate, en outre, que les pères de la génération actuelle ont une nouvelle façon d’appréhender leur vie professionnelle.

Mme Pascale Crozon a souligné qu’il y a de plus en plus de femmes seules avec des enfants, pour qui cette conciliation est plus difficile que pour les couples.

M. Julien Guez a insisté sur le décalage entre les temps de l’emploi et de la retraite. Pourquoi évoquer un rattrapage qui n’interviendra que trente ans plus tard ?

Mme Pascale Crozon a souligné que, comme le MEDEF et les syndicats, les parlementaires devaient penser à l’avenir.

Mme Véronique Cazals a répondu qu’un effort d’information était nécessaire en la matière mais pour le MEDEF, ce qui relève de la politique de l’emploi ne doit pas être financé par le régime des retraites qui n’est pas en mesure de le supporter.

Audition de M. Alain Parant,
chercheur à l’Institut national d’études démographiques (INED)

Réunion du mardi 3 juin 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué que M. Parant, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (INED) travaille sur le vieillissement démographique et a participé à un essai de prospective sur les retraites en France à l’horizon 2040. La délégation aimerait donc savoir quels sont les enjeux des évolutions démographiques pour la question des retraites.

M. Alain Parant a observé, au préalable, qu’il pratique « le catastrophisme éclairé » c’est-à-dire un optimisme convaincu et volontaire : envisager le pire pour faire en sorte qu’il ne se produise pas.

La France doit faire face à un vieillissement très important de la population, à tel point que l’on a pu parler de « tsunami » de population âgée dépendante. En même temps, les prochaines décennies seront fortement marquées par la progression de la population féminine dans la population totale, comme dans la population d’âge actif, sans que les possibilités de sortie de la vie active ne leur soient très favorables.

M. Alain Parant a ensuite commenté un certain nombre de graphiques :

France métropolitaine, 2008 Pyramide des âges (Estimation au 1er janvier) Source : Insee, 2008

La pyramide des âges montre que le vieillissement va s’accentuer, indépendamment des nouvelles naissances dans les prochaines années, car le corps central, qui est le plus important, va monter dans les âges élevés.

La dynamique des populations résulte de la fécondité, de la mortalité et des mouvements migratoires. L’étroitesse de la base s’explique par la faiblesse de ces générations puisque, depuis 1975, l’on dénombre chaque année environ 750 000 naissances, contre 850 000 de 1946 à 1974. Le haut de la pyramide correspond à des générations moins nombreuses et plus longtemps exposées au risque de décéder. La migration est plutôt caractérisée par l’arrivée de jeunes adultes qui ont des enfants – que l’on retrouve à la base – et qui, souvent, vieillissent en France – on les retrouve donc aussi au sommet.

Premier constat : 2001 était le meilleur moment pour créer l’APA car elle ne coûtait alors pas cher, dans la mesure où il n’y a eu que 440 000 naissances pendant la guerre de 1914-1918. Le nombre des naissances passant ensuite à 850 000 par an. L’APA concerne de fait aujourd’hui des personnes de plus de 85 ans, ce qui correspond à l’âge moyen d’entrée en institution. Cette allocation a été une décision importante, mais ne pas avoir prévu son financement à long terme a été une faute.

La dissymétrie du graphique provient du fait que, s’il naît plus de garçons que de filles, les probabilités de décéder sont, à chaque âge, supérieures pour les hommes : dans la tranche 81-85 ans, on compte quatre femmes pour un homme, contre 105 garçons pour 100 filles à la naissance. À 50 ans, il y a autant d’hommes que de femmes.

Communauté européenne, 2003. Pyramide des âges (Source : Observatoire démographique européen)

Par rapport à la pyramide des âges française, la base européenne, à quinze ou à vingt-cinq ans, est nettement plus étroite. Elle traduit une fécondité beaucoup plus basse depuis une trentaine d’années en Allemagne, en Italie et en Espagne, pays qui comptent beaucoup en raison de leur nombre élevé d’habitants. L’arrivée des dix nouveaux États membres a peu modifié la pyramide.

France métropolitaine, 1967-2007 Pyramides des âges comparées

(pour 10 000 personnes au total dans chaque population au 1er janvier) Source : Insee

Les jeunes nés en 1967 sont devenus adultes en 2007 et seront âgés dans quarante ans. En 2007 moins de jeunes entrant sur le marché du travail, il devrait y avoir moins de chômage. Compte tenu de son taux d’emploi, la France a des réserves de main-d’œuvre jusqu’en 2050. Elle n’est pas obligée d’ouvrir ses frontières pour des raisons de main-d’œuvre. Par quotas ou choisie, l’immigration est une double réponse positive à une question qui ne se pose pas.




France métropolitaine, 2005-2050 Population âgée de 60 ans ou plus, 80 ans ou plus et 90 ans ou plus selon deux variantes extrêmes de vieillissement Source : Insee, Projections de population de la France métropolitaine, 2006

Selon ces courbes, le nombre de personnes de plus de 60 ans passerait, entre 2008 et 2050 : de 12,6  à 22 millions, celui des plus de 80 ans : de 2,7 millions à 6 ou 8 millions, celui des plus de 90 ans : de 500 000 à 2 millions.

Trois dates ont été envisagées : 2015, 2030 et 2050. Plus l’indice d’évolution des personnes âgées est élevé, plus la croissance du groupe d’âge est importante. Pour les populations âgées de 90 ans ou plus, l’indice peut être multiplié par 2,5 ou par presque 6, selon que l’on est ou non optimiste quant à l’évolution de la mortalité. Le taux le plus élevé correspond à l’hypothèse du maintien du taux de mortalité actuel conjugué à une baisse de la fécondité et à une immigration réduite à 50 000 entrées nettes chaque année.

Ces diagrammes sont des projections démographiques. Ils n’indiquent pas ce qui se passera. Il revient aux politiques d’adapter les dispositifs en fonction des priorités des Français. Pour que la fécondité soit en moyenne de 2,1 enfants par femme – ou même pour qu’elle reste à 1,9 – il faudrait investir fortement dans la politique familiale et favoriser la conciliation de la vie familiale et professionnelle.

Si l’on veut augmenter l’espérance de vie à la naissance, il faut non seulement investir dans le curatif mais aussi renforcer la lutte contre les inégalités sociales. Avec 5 à 7 millions de personnes en âge de travailler dans une situation de pauvreté-précarité, l’espérance de vie pourrait augmenter moins vite qu’on ne le pense. Aujourd’hui les nonagénaires et les centenaires sont « sélectionnés » par la nature, demain, ils le seront par la médecine. Cela ne fait pas les mêmes personnes âgées. Elles auront besoin d’être assistées, ce qui entraîne un coût et le risque d’une médecine à deux vitesses. Les réserves de survie sont à rechercher dans la médecine : protocoles chirurgicaux, recherche, toutes choses qui coûtent très cher, beaucoup plus que la vaccination ou l’hygiène. Qui pourra payer ? Si des travailleurs actifs salariés peuvent faire face à leurs cotisations sociales, avoir une mutuelle et, éventuellement, une assurance dépendance, à l’opposé, 5 et 7 autres millions de personnes se demandent ce que sera leur avenir immédiat. En 2003, un peu plus de 10 % des assurés sociaux hors CMU avaient renoncé à un soin de première nécessité. La CMU, régime qu’on voulait complémentaire, concerne 6 millions de Français. Mais la situation de toute la partie de la population qui se situe juste au-dessus n’est pas non plus très favorable.



France métropolitaine, 2005-2050 Avance en âge de la tête de pont du baby-boom Populations âgées
de 60 ans et de 60 ans ou plus
Source : Insee, Projections de population pour la France métropolitaine, 2006

Ce graphique montre que vers 2020 on est à l’équilibre : l’augmentation de la population des 60 ans et plus sera égale à la croissance observée sur le nombre de personnes fêtant leur soixantième anniversaire. Le choc démographique tient à l’avancement en âge des premières générations du baby-boom, qui s’accroissent de 200 000 personnes par an depuis 2006, mais ceci par rapport à un ensemble de 12 millions de personnes. Le poids de ces générations ne se fera donc pas sentir avant 2020.




France métropolitaine, 2005-2050 Avance en âge de la tête de pont du baby-boom Populations âgées
de 80 ans et de 80 ans ou plus
Source : Insee, Projections de population pour la France métropolitaine, 2006

Ce graphique donne les mêmes indications que le précédent mais pour les populations âgées de 80 ans et 80 ans ou plus. On voit qu’il n’y aura pratiquement pas d’augmentation du nombre de personnes qui fêteront leurs 80 ans jusqu’en 2020, mais la population, âgée de 80 ans ou plus aura quant à elle augmenté de quasiment 50 %. Or, c’est à cet âge que commence la dépendance.




France métropolitaine, 2005-2050 Avance en âge de la tête de pont du baby-boom Populations âgées
de 90 ans et de 90 ans ou plus
Source : Insee, Projections de population pour la France métropolitaine, 2006

En 2020, les effectifs des personnes qui fêteront leurs 90 ans commenceront à augmenter, avec l’arrivée dans cette classe d’âge de celles qui sont nées après la Seconde guerre mondiale. La population âgée de 90 ans ou plus aura pratiquement doublé et l’on aura à faire face à la fois à des dépenses de retraite, de santé et, très vraisemblablement, de dépendance.

Se dire que l’on a le temps de prendre en compte le phénomène de la dépendance est une erreur de calcul. Le « tsunami » des personnes âgées est tout proche. Après 2030, c’est-à-dire à l’arrivée des premières générations du baby-boom dans les âges de la grande dépendance, la population âgée de 90 ans ou plus aura été multipliée par trois.

France métropolitaine, 2007-2050 Pyramides des âges estimées et projetées selon deux variantes extrêmes de vieillissement (pour 10 000 personnes au total dans chaque population au 1er janvier)

Source : Projections de population pour la France métropolitaine, Insee, 2006

Si les populations âgées et très âgées augmentent plus vite que plus jeunes, il s’ensuit un vieillissement démographique. Les pyramides verte et rouge sont celles que l’on pourrait observer en 2050 selon deux combinaisons d’hypothèses. Le vieillissement démographique, disait Alfred Sauvy, n’est pas une maladie, à condition de se placer dans la situation d’y faire face et de s’y adapter. Le vieillissement sera plus ou moins prononcé selon la façon dont on le gérera et sera porteur de conséquences plus ou moins graves selon qu’on aura anticipé plus ou moins tôt la situation.

 

Première action

Deuxième action

Troisième action

4e et 5e actions

Coefficient multiplicateur du taux de la cotisation vieillesse en 2045

Abaissement (%) des ressources nettes des retraités en 2045 par rapport à celles des actifs

Élévation entre 1995 et 2045 de l’âge de cessation d’activité (en années)

Augmentation (en %) de la taille de la population active

Compensant l’effet du vieillissement durant la période 1995-2045

Allemagne

1,49

42

10,6

73

Autriche

1,53

45

10,8

81

Belgique

1,44

42

8,7

73

Danemark

1,43

37

8,2

59

Espagne

1,80

54

10,2

117

Finlande

1,49

42

8,8

72

France

1,51

44

9,6

80

Grèce

1,50

43

8,4

74

Irlande

1,96

54

10,7

118

Italie

1,49

45

11,3

81

Luxembourg

1,50

41

8,9

71

Pays-Bas

1,74

50

11,4

99

Portugal

1,44

39

8,0

63

Royaume-Uni

1,45

39

8,5

65

Suède

1,24

26

5,8

35

Union européenne

1,49

43

9,9

75

Union européenne (UE 15), 1995-2045 Ajustements à opérer en matière de retraite pour compenser l’effet du vieillissement selon la projection centrale d’Eurostat Source : ODE/Futuribles

Ce tableau résume une étude réalisée en 1995 sur les ajustements à opérer en matière de retraites pour compenser l’effet du vieillissement. Quatre leviers étaient envisagés pour maintenir le système de retraite actuel.

- la majoration de la cotisation vieillesse : la France devait la majorer de 51 % au cours de la période 1995-2045.

- l’abaissement des ressources nettes des retraités par rapport à celles des actifs. Selon l’étude, la France devait déconnecter le pouvoir d’achat de la pension moyenne de quelque 44 % par rapport au pouvoir d’achat du salaire moyen. Aujourd’hui, il y a à peu près parité du pouvoir d’achat entre actifs et retraités. Dans cette variante, le rapport serait de 100 pour les salaires, mais donc de 56 pour les pensions moyennes.

Dans la première solution, ce sont les actifs qui paient tout. Dans la deuxième, ce sont les retraités qui prennent tout le choc du vieillissement démographique.

- l’élévation de l’âge frontière entre activité et retraite : en transformant un futur retraité en un futur actif, on encaisse des cotisations sans verser de retraites.

- L’élargissement du nombre d’actifs sur lesquels porte la charge du vieillissement démographique. Les deux tiers des ressources de la protection sociale sont issus du travail : CSG, impôts, cotisations sociales. Selon l’étude, la France devait accroître le nombre d’actifs occupés de 80 % au cours de la période 1995-2045, ce qui revenait à créer 17 millions d’emplois.

On peut, bien sûr, imaginer de faire jouer chacun des quatre leviers pour une part. En tout cas, cela montre l’impact du vieillissement démographique sur la protection sociale. Mais le vieillissement démographique amènera aussi un vieillissement du corps électoral, ce qui pèsera sur les arbitrages : les retraités voteront pour le candidat qui présentera un programme politique qui leur sera, sinon favorable, en tout cas le moins défavorable possible.

France, 2006-2050 Ratio cotisants/retraités du système de retraites
selon variantes démographiques et économiques
Source : COR, 2007

Cette étude du COR donne à peu près les mêmes résultats que la précédente, alors qu’elle a été réalisée sur des hypothèses démographiques et économiques beaucoup plus optimistes. Entre 2006 et 2050, le ratio cotisants/retraités passerait de 1,8 à 1,2. Cela signifie que pour 100 retraités, le nombre d’actifs cotisants diminuerait de 180 à 120 ; la charge sur chacun augmentant d’autant.

France, 2006-2050 Besoin de financement du système de retraites

selon variantes démographiques et économiques Source : COR, 2007

Entre 2006 et 2050, le déficit du régime général de la sécurité sociale passerait de quelque 4,5 milliards d’euros à 90 milliards, voire 110 milliards d’euros ; la différence entre les deux chiffres dépendant de l’allongement de la durée de la vie. Les dépenses de retraite sont très concentrées selon l’âge : si la durée de vie augmente, un nombre plus grand de personnes arrive à la retraite et ceux qui y sont y séjournent plus longtemps. Sans être cynique, on ne peut pas investir pour que la durée de vie augmente et ne pas tirer la leçon qu’une durée de vie plus longue nécessite une adaptation du système, sous peine d’implosion.

2020 : plus de 2 points de PIB sous l’effet :

- du vieillissement (1 point)

- de la dépendance (0,3)

- de la croissance de la population totale (0,3)

- du progrès technique

2050 : de 5 à 6 points pour santé + dépendance

(et plus de 3 points pour la retraite)

- Incertitudes sur la morbidité

- Incertitude sur la disponibilité des aidants

- La dépendance concerne principalement des femmes âgées, c’est-à-dire la population de retraités qui a les plus faibles ressources.

France, 2000-2050 Le coût de la maladie et de la dépendance (Source : CNAM, 2007)

À l’horizon 2050, le coût de la santé et de la dépendance qui représente déjà 11 % du PIB, pèserait 5 à 6 points de plus : abstraction faite de l’accroissement des dépenses de santé des plus jeunes, ce sont près de 7 points de PIB supplémentaires que coûteront les personnes âgées du seul fait du vieillissement démographique.

On peut sans doute être moins pessimiste qu’hier : jusqu’à présent, la population ne voulait pas entendre parler de vieillissement, et les politiques s’y refusaient plus encore. La France est le seul pays développé qui continue à pratiquer les cessations anticipées d’activité : 700 000 personnes sont parties en préretraite l’an dernier. Quand un système est supprimé, un autre est mis en place. Les discours et la pratique sont totalement déconnectés. Cela étant, une évolution se fait jour  et le moment est venu de parler vrai. Encore faut-il s’entendre sur un diagnostic partagé par le plus grand nombre.

La réforme des retraites en Suède a été proposée au gouvernement par l’équivalent d’une coalition qui aurait réuni, en 1995 en France, Jacques Chirac et Georges Marchais. Le projet n’était pas anodin : tout remettre à plat et prélever 18,5 % sur tous les revenus y compris ceux du capital, alors qu’on n’aurait eu besoin de ne prélever que 16,5 %, le tout dans une économie sociale de marché prônant le système par répartition. Pourquoi prélève-t-on deux points de plus que nécessaire ? Simplement pour passer à l’action. On n’est plus dans le dogme de l’un ou de l’autre. On s’entend parce qu’on a compris qu’on ne peut pas s’en sortir autrement.

Les élus locaux, eux, sont très conscients de la situation. En gelant tous les autres budgets, il faudrait qu’ils augmentent de 20 à 25 % la fiscalité locale rien que pour financer l’APA. La solution de créer un cinquième risque, financé par l’État signifie que l’on envoie la balle ailleurs.

Face à l’étendue des besoins, il faudra privilégier toutes les pistes : assurances – dans les entreprises ou en dehors – mutuelles, prévoyance, CSG. La dépendance est aussi un risque de santé. Dès lors, pourquoi la traiter différemment de la maladie ? Pourquoi imaginer une récupération sur succession à partir d’un certain plafond, comme l’idée semble envisagée, ce qui reviendrait à une APA à deux vitesses ? Pourquoi ne pas envisager, au contraire, de faire peser la CSG sur tous les revenus avec un taux égal puisque tout le monde est égal devant la maladie ? Le débat est ouvert.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que, même pour un néophyte, la pyramide des âges est parlante. Il est urgent de faire connaître ces données.

M. Alain Parant a observé que c’est ce qu’il fait depuis trente ans, que bien des rapports ont été rédigés mais que les idées qui dérangent ne sont pas reprises par les médias.

Mme Danielle Bousquet a relevé que le document de la CNAM sur « le coût de la maladie et de la dépendance » montre que cette dernière concerne principalement des femmes âgées, c’est-à-dire la population de retraités qui a les plus faibles ressources. 

M. Alain Parant a formulé les remarques suivantes :

-  Il n’est pas certain que l’espérance de vie à la naissance augmente dans les prochaines années au même rythme que par le passé. Plus on se rapproche de l’asymptote, moins les progrès sont rapides.

-  Investir dans la technique est une chose, préserver le mieux possible le capital humain en donnant un toit, de la nourriture, du travail et du bien-être à tout le monde en est une autre. La seconde attitude est moins porteuse politiquement, elle permet des gains de durée de vie moins importants mais elle profite à un plus grand nombre. Quelle sera l’incidence du maintien durable dans une situation de pauvreté - précarité de quelque 5 à 7 millions d’adultes ? Dans quel état de santé maintient-on ces personnes, à quel coût pour eux, pour leurs proches et pour la société, et avec quel bénéfice ? Les États-Unis et le Canada ont arrêté leurs enquêtes sur la qualité de vie car les indices étaient parfois négatifs, des individus regrettant d’avoir bénéficié de certains progrès.

-  Les « réserves » de survie se situent désormais dans les âges élevés alors qu’au temps de la vaccination et de l’amélioration de l’hygiène, elles se situaient dans les âges jeunes. En Inde, l’ajout de chlore dans le système de distribution des eaux a divisé immédiatement par deux la mortalité infantile avant un an.

-  L’analyse de la réduction des écarts de durée de vie entre les hommes et les femmes mérite d’être précisée. L’écart exceptionnellement élevé entre les deux est un premier échec de santé publique. Les hommes n’ont pas la même appréhension de la maladie et de la mort que les femmes, notamment dans la trentaine, où ces dernières sont souvent en période de maternité. La réduction des écarts en valeur absolue est un deuxième échec de santé publique car elle est due à une augmentation moins rapide de la durée de vie des femmes. En imitant les hommes elles ont aussi adopté des comportements comme le tabagisme et l’alcoolisme sources de surmortalité.

-  La deuxième incertitude mise en avant par la CNAM tient à la disponibilité des aidants. Certains démographes partent du principe que, les gens vivant plus longtemps, le nombre d’aidants potentiels pour les 75 ans ou plus augmentera. Mais ils devraient raisonner sur les 90 ans ou plus, car la dépendance ne commence pas à 75 ans, et tenir compte des évolutions de la société.

Les femmes seront-elles encore nombreuses à 90 ans à avoir un conjoint ? Sera-t-il encore avec elle s’il est vivant ? Les femmes ont enfin compris qu’il valait mieux pour elles travailler parce que la fin de vie peut être solitaire. Mais, quand chacun mène sa vie de son côté pendant 40 ans ou plus et se retrouve ensuite vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans un même espace, il y a intérêt à ce que celui-ci soit grand. Sinon cela se termine mal. Les Français sont de plus en plus fidèles, mais c’est une fidélité à répétition car, sur 100 mariages, près de 50 se terminent par un divorce, qui peut survenir après une durée d’union très courte comme très longue. Les enfants étant partis, les conjoints décident de divorcer. Dans les maisons de retraite, des couples âgés se séparent et se remarient.

Autre question : les enfants vivent-ils avec leurs parents ou à proximité ? La réponse est non. Il y a coexistence des générations mais décohabitation.

Troisième élément : bien que l’on parle des nouveaux pères, ce sont toujours les femmes qui mènent la deuxième carrière, qui s’occupent des parents âgés dépendants, et à qui il est demandé d’arbitrer en faveur de leur vie familiale ou de leur vie professionnelle. Il leur est par ailleurs demandé, comme aux hommes, de travailler plus longtemps. Comme elles réussissent mieux dans les études supérieures que les hommes, elles auront des durées de formation initiale plus longues. Si elles ont, en plus, des difficultés d’insertion professionnelle, elles sortiront de la vie active aux environs de 70 ans. Leurs parents les ayant eues plus tardivement, en moyenne à 28 ans, cela signifie qu’ils seront entrés dans la dépendance alors qu’elles ne seront pas encore sorties de la vie active.

Dire que le doublement du nombre des personnes âgées dépendantes entraînera un doublement des coûts ne tient pas compte de tous ces facteurs.

France métropolitaine, 1990-1999 Croissance démographique Source : Insee, RGP, 1999

La dépendance et le vieillissement sont présentés comme des gisements d’emplois. Qui occupera ces emplois dans les zones de déclin démographique représentées en mauve sur cette carte, notamment dans ce qu’on a appelé la « diagonale du vide » qui part de la frontière Nord-Est et descend jusqu’aux Pyrénées ?

Le phénomène migratoire a tendance à accélérer la déprise humaine car il entraîne une hausse des prix des biens locaux : terre, habitations. Les natifs ne pouvant suivre, ils s’en vont. Dans certaines régions, aucun jeune ne peut se maintenir si ses parents n’ont pas de terres.

La théorie prône de privilégier le lieu de vie. Comme, généralement, dans ces zones désertifiées, il n’y a pas d’hôpitaux, les services d’aide ou de soutien à domicile ne peuvent fonctionner que s’il y a des jeunes pour tenir les emplois d’aidants.

France, 1954-2006 Les logements selon le nombre d’occupants (répartition en %)

Source : Insee, Recensement de la population ; Enquêtes annuelles de recensement 2004-2005-2006

La proportion de logements dans lesquels vivent six personnes tend vers zéro. Les logements de cinq personnes représentent 5 %., ceux de quatre personnes, à peine 13 %, et ceux de trois personnes, 15 %. Les seuls pourcentages qui augmentent, fortement, sont ceux des logements de deux personnes et surtout celui des logements d’une personne, qui est passé de 19 à 34 %.

France, 1999-2005 La population vivant seule selon l’âge et le sexe (répartition en %)

Source : Insee, Recensement de la population de 1999 ; Enquêtes annuelles de recensement 2004-2005-2006

Les courbes sont pratiquement superposées. Les plus récentes sont un peu décalées du fait de l’allongement de la durée de vie, la solitude résidentielle apparaissant plus tardivement. Le taux de personnes vivant seules à 90 ans est supérieur de 20 points à celui des personnes vivant seules à 75 ans : en se trompant de population de référence, on n’arrive pas au bon diagnostic.

La solitude résidentielle est plus fréquente chez les jeunes hommes adultes, simplement parce qu’il y a plus d’hommes que de femmes dans ces tranches d’âge. La montée de la solitude chez les femmes à partir de 50 ans s’explique par la surmortalité des hommes. Les femmes deviennent veuves et vivent donc seules. À 80 ans, elles sont pratiquement 60 %. Le pourcentage baisse ensuite, simplement parce qu’elles sont en institution de retraite.

Âge

Population totale (en milliers)

Dont population vivant en :

Population totale (en milliers)

Dont population vivant en :

Ménage collectif

Foyer-logement

Total

Ménage collectif

Foyer-logement

Total

60-64 ans

2 938

1,5

0,2

1,7

2 726

1,5

0,2

1,7

65-69 ans

2 720

1,7

0,4

2,1

2 758

1,5

0,3

1,8

70-74 ans

1 599

2,3

0,9

3,2

2 489

2

0,6

2,6

75-79 ans

1 689

4,1

1,8

5,9

2 167

3,5

1,2

4,7

80-84 ans

1 318

8,1

3

11,1

915

7,4

2,4

9,8

85-89 ans

726

15,6

4

19,6

922

15,7

3,9

19,6

90 ans ou +

312

27,9

4

31,9

502

31,4

4,6

36

60 ans ou +

11 302

4,4

1,2

5,6

12 479

4,6

1,1

5,7

France, 1990-1999 Population âgée de 60 ans ou plus vivant en ménage collectif, selon l’âge

Source : Insee, recensements de population 1990 et 1999

Si le pourcentage de la population âgée de 60 ans ou plus vivant en institution a peu varié entre 1990 et 1999, puisqu’il est passé de 5,6 % à 5,7 %, mais la population totale a augmenté de 11,3 millions de personnes à 12,5 millions. Elle pourrait être, demain, de 22 millions. On observe, par ailleurs, que les proportions ont diminué jusqu’à 85 ans, mais qu’elles ont augmenté à 90 ans et plus : on entre en institution plus tardivement mais plus massivement.

   

2030

 

2005

Variante basse

Variante haute

Nombre de personnes par ménage

2,31

2,08

2,04

Proportion de ménages d’une personne (en %)

33,0

43,2

46,0

Proportion de personnes vivant seules (en %)

14,0

20,3

22,1

 
 

Variante basse

Variante haute

Accroissement du nombre de ménages 2005-2030 (en %)

22,9

25,4

Accroissement annuel moyen du nombre de ménages (en milliers)

236

261

France métropolitaine, 2005-2030 Accroissement et caractéristiques des ménages

Source : Insee, projection de ménages à l’horizon 2030, 2006

Ces chiffres reposent sur l’hypothèse d’une fécondité de 1,9 jusqu’en 2050, 100 000 entrées nettes chaque année et un gain de deux mois d’espérance de vie à la naissance par année civile. Les variantes se différencient par l’importance de la décohabitation, celle-ci étant plus forte dans la variante haute.

En 2005, le nombre de ménages composé d’une seule personne représente 33 % du total de 25 millions de ménages –, les personnes vivant seules représentent ainsi 14 % de la population de 62 millions de Français. Ce pourcentage peut passer, en 2030, à 20 ou 22 %, ce qui signifierait qu’une personne sur cinq vivrait seule, la moitié âgée de 60 ans ou plus. Il s’ensuit qu’il faudrait construire entre 240 000 et 260 000 logements supplémentaires chaque année. Mais quel type de logements ?

Les personnes âgées sont très majoritairement propriétaires de leur logement. Après le départ des enfants, il est devenu trop grand tout en étant inadapté à des personnes aux capacités déclinantes. Pourquoi ne pas organiser une bourse du logement de proximité ? Le produit de la location à des jeunes du logement de la personne âgée lui permettrait de louer dans le voisinage – les personnes âgées souhaitent rester dans l’environnement dans lequel elles ont vécu – un logement adapté à l’installation d’un lit médicalisé et pourvu de dispositif d’assistance. C’est ce type de logements qu’il faudrait construire.

Le rapport que la commission d’études de la vieillesse a publié en 1962 est toujours d’actualité : il faut adapter la société aux caractéristiques d’une population. Il faut également que les personnes âgées apportent leur contribution à la société. La seule différence depuis 1962 tient à l’amélioration considérable du sort des personnes âgées.

Autre problème : alors que l’on demande de travailler plus longtemps et que les deux tiers des ressources du système de protection sociale reposent sur les revenus du travail, la France est en panne d’emplois.

Quelques pays du monde, 2006 Taux d’emploi de la population âgée de 15 à 64 ans Source : Eurostat, 2008

Le taux d’emploi en France – 62 % – est très inférieur à celui de ses principaux partenaires ou concurrents, qui connaissent à peu près les mêmes évolutions démographiques et doivent faire face aux mêmes paradigmes liés à la mondialisation, qu’il s’agisse de pays à économie sociale de marché comme la Suisse, le Danemark, la Norvège, la Finlande ou des pays à économie libérale de marché comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande.

Quelques pays du monde, 2006 Taux d’emploi de la population féminine âgée de 15 à 64 ans

Source : Eurostat, 2008

Le taux d’emploi des femmes en France – 57 % – est, comme pour les hommes, nettement inférieur à celui des pays qui viennent d’être cités. De plus, alors que la France s’enorgueillit d’avoir une politique familiale tendant à libérer les femmes des tâches familiales et à favoriser leur employabilité, son taux d’emploi féminin est pourtant inférieur à celui de l’Allemagne.

Mme Danielle Bousquet a fait remarquer que l’on ne distinguait pas travail à temps partiel et travail à temps plein.

M. Alain Parant a reconnu que les calculs mériteraient d’être faits en équivalents temps plein. Compte tenu des proportions d’emplois à temps plein en France et en Allemagne, cela ne change pas grand-chose : l’Allemagne reste devant la France, tout comme les Pays-Bas, où le temps partiel est encore plus répandu, notamment chez les femmes.

Pour être complète, la comparaison doit être pondérée par le revenu : alors qu’on peut vivre aux Pays-Bas avec deux emplois à mi-temps, en France on ne fait que survivre.

Quelques pays du monde, 2006 Taux d’emploi de la population âgée de 15 à 24 ans Source : Eurostat, 2008

Le taux d’emploi des jeunes en France est deux fois à deux fois et demie plus faible que dans les autres pays. L’une des raisons est que les jeunes français sont sur les bancs de l’école. C’est un investissement dans le capital humain. Mais on est dès lors en droit de se demander pourquoi ils ont tant de difficultés ensuite à trouver un emploi.

Quelques pays du monde, 2006 Taux d’emploi de la population âgée de 55 à 64 ans Source : Eurostat, 2008

Dans la logique du Sommet de Lisbonne, le taux d’emploi des seniors en France, actuellement de 41 %, devrait atteindre 50 % en 2010.

La faiblesse du taux d’emploi des seniors tient au fait qu’on continue à pratiquer les cessations anticipées d’activité et à substituer de nouveaux systèmes à ceux qui arrivent à expiration. C’est ce qui explique qu’on ait abordé très tardivement la question du vieillissement de la population et des retraites, ce qui oblige l’État à solutions drastiques. Il faut faire assez vite pour trouver du travail pour les 7 millions d’actifs vieillissants qui seront 8 millions en 2050.

Certains érémistes, chômeurs ou dispensés de recherche d’emploi touchent davantage lorsqu’ils accèdent à la retraite. C’est anormal. Le taux de remplacement, pour quelqu’un qui passe d’une activité à temps plein à une retraite à taux plein, est en moyenne de 70 % : 40 % pour les cadres supérieurs, 80 % pour ceux qui ont fait une carrière complète au SMIC. On mise beaucoup sur le fait de travailler plus longtemps pour améliorer sa retraite mais cela risque d’en obliger beaucoup à travailler plus longtemps, pour cotiser plus longtemps et percevoir moins.

Pour éviter cela, il faudrait changer les mentalités. Depuis 30 ans, on a habitué les gens à partir à la retraite plus tôt que les précédents et à travailler moins sur la durée de vie totale, sur une année, sur une semaine. On leur demande d’opérer un véritable tête à queue ; alors que leur employabilité n’a pas été préservée, on leur demande de travailler plus longtemps. Les partenaires sociaux sont largement fautifs car ils n’ont pas anticipé la gestion des âges, se contentant de faire de la gestion par l’âge – dans tel secteur, l’âge de la retraite est fixé à 60 ans, 55 ans, voire 52 ans.

La détermination de l’âge de la retraite prend en compte la pénibilité du travail. Or on ferait fausse route en voulant charger la protection sociale de ce problème : s’il y a pénibilité du travail, c’est parce que, au sein d’une entreprise, le patronat et les salariés ne se sont pas entendus sur l’adaptation des postes de travail. C’est là que ce problème doit être résolu. Le répercuter sur la protection sociale revient à la pénaliser.


France, 1960-2005 Bénéficiaires de l’allocation supplémentaire du minimum vieillesse et invalidité

Source : DREES, 2006

En 1960, près de 90 % de la population de 65 ans ou plus pouvaient prétendre à l’allocation supplémentaire du minimum vieillesse et invalidité. Ce taux est tombé à 10 % aujourd’hui.

On observe une sorte de tassement dans la descente. Il se pourrait même que le nombre de titulaires du minimum vieillesse soit sur le point d’augmenter. Il est essentiel de se pencher sur cette question. L’on retrouve là les préoccupations de la Délégation puisque les personnes concernées sont essentiellement des femmes qui ont eu des carrières incomplètes ou pas de carrière du tout. La tendance observée devrait s’étendre encore sur quelques dizaines d’années

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé à M. Parant si le phénomène se résorberait au bout de cette période.

M. Alain Parant a expliqué que la démographie traite de phénomènes relativement inertes. Cela ne veut pas dire que les choses ne bougent pas à terme, mais avec une importante force d’inertie, comme un cargo de 500 000 tonnes.

On est en train de changer la donne de l’activité professionnelle alors que l’on n’est pas en mesure de maintenir les gens dans l’emploi. Les partenaires sociaux se sont félicités d’avoir signé un accord sur la formation continue mais ils ont évité trois questions essentielles. Quand se fait la formation : pendant le temps de travail ou en dehors ? Qui paie : l’entreprise, le salarié ou l’État ? Pour faire quoi ? La formation a pour but d’adapter la main-d’œuvre d’aujourd’hui aux emplois de demain et relève donc de l’anticipation des métiers et des qualifications. Parallèlement, les employeurs doivent rendre les métiers plus attractifs, notamment en proposant des rémunérations nettement plus élevées. On n’a encore jamais calculé à quel niveau de rémunération un emploi de charpentier ou de plâtrier dans le bâtiment devient plus attractif qu’un emploi de greffier. Ce serait pourtant intéressant, d’autant qu’il s’agit là d’emplois non délocalisables.

On ne peut anticiper sur la formation, si l’on veut faire qu’elle réponde aux besoins de l’économie de demain sans investir dans le futur. L’évolution des effectifs de médecins généralistes en est une illustration. À l’époque de la discussion de la loi sur les 35 heures, la profession était composée majoritairement d’hommes qui travaillaient 70 heures par semaine et dont 40 % allaient partir à la retraite dans les dix ans. Or arrivait en médecine une majorité de jeunes femmes dont on pouvait prévoir qu’elles travailleraient 35 heures, compte tenu du fait qu’elles ont la deuxième carrière à faire à domicile. Il fallait donc réévaluer le numerus clausus en conséquence. Or, comme on a le regard fixé sur les dépenses, on ne l’a pas fait de peur que cela n’entraîne un accroissement de la demande de santé. Cette dernière a quand même augmenté, mais elle n’est pas remboursée, ce qui fait des mécontents.

Le risque pour la situation des femmes est élevé. La situation des personnes âgées va se dégrader, or ce sont majoritairement des femmes. Quand on compare les rémunérations moyennes des hommes et des femmes, on ne compare pas forcément des choses comparables. Les hommes n’ont pas d’interruptions de carrière et ont un profil plus linéaire. Même si la fin de vie est également très difficile pour les hommes, il est indéniable que le problème du temps partiel subi est essentiellement féminin.

France, 1970-2005 Minimum vieillesse (personne seule et couple)

(Montants bruts annuels en euros courants ; indice base 100 en 1970) Source : Drees, 2006

On peut s’attendre à une remontée du nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse pour plusieurs raisons.

D’abord, il y a un effet ciseau. Les pensions contributives étant réévaluées moins vite que le minimum vieillesse, il y a, à terme, un rattrapage. Ensuite, beaucoup de gens n’auront pas des carrières complètes.

Les nouvelles générations de femmes commençant à opter pour leur carrière professionnelle, le risque de baisse de la fécondité est relativement important. L’âge moyen à la naissance du premier enfant est de 28 ans. L’objectif des jeunes femmes étant la réussite professionnelle avant les projets familiaux, le risque est grand que si elles se heurtent à des difficultés d’insertion, après un temps de formation long, une part croissante d’entre elles renonce à avoir des enfants. La force de la fécondité française tient à une très faible proportion de femmes n’ayant aucun enfant : 12 %, soit deux fois moins que dans les pays voisins. Il serait donc bon de limiter les obstacles à l’insertion professionnelle des femmes, en luttant contre la discrimination à l’embauche selon le sexe.

Un autre phénomène ajoute à l’inquiétude : le phénomène « DINK » – double income, no kids, « double revenu, pas d’enfants. ». Du fait de la faiblesse de leurs revenus, certains jeunes couples refusent d’avoir des enfants. Cela joue contre les retraites d’une façon générale et contre celles des femmes en particulier.

Le système de protection sociale dit intergénérationnel ne fonctionne que si les générations futures sont pourvues d’un emploi. Un nombre croissant de français doute de ce système et se tourne vers la capitalisation. Une enquête montre que les Français sont disposés à mettre 5 à 7 % de leur salaire de plus de côté pour leur retraite. Il existe donc une marge pour augmenter les taux de cotisation.

Il faut également lui ajouter une solidarité intragénérationnelle. Si la CSG pesait au même taux sur tous les revenus, elle permettrait d’aller prendre dans la poche des âgés les plus riches pour distribuer aux âgés les plus pauvres, d’autant qu’un point de CSG rapporte plus qu’un point de cotisation sociale.

Audition de Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de la CGT-FO et Mmes Valérie Chartier, Sandra Mitterand, assistantes confédérales
et M. Gérard Rivière, assistant confédéral, administrateur de la CNAV

Réunion du mardi 3 juin 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de la CGT-FO et Mmes Valérie Chartier, Sandra Mitterand et M. Gérard Rivière, d’avoir répondu à l’invitation de la Délégation.

À l’occasion du rendez-vous sur les retraites de 2008, la Délégation a décidé de se pencher plus particulièrement sur la question des retraites des femmes et entend, pour cela, les représentants des différentes organisations syndicales.

Revenant sur l’audition précédente de M. Alain Parant, M. Gérard Rivière a souligné que la CGT-FO n’avait rien à ajouter à ce qui a été dit du financement de la protection sociale et espère que la Délégation en tiendra le plus grand compte.

Mme Catherine Coutelle a observé que les scénarios de M. Alain Parant se sont vérifiés, souvent dans l’hypothèse la plus haute...

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu a souligné que, compte tenu des temps partiels subis, des interruptions de carrières, des parcours accidentés, des écarts de salaire avec les hommes, il y avait tout lieu de partager les préoccupations exprimées quant à l’avenir des pensions des femmes. La CGT-FO a formulé des propositions pour améliorer leur situation. Elle suggère en particulier, que les employeurs permettent aux travailleurs à temps partiel de cotiser à taux plein pour pouvoir bénéficier d’une retraite « normale ».

Mme Valérie Chartier a précisé que, depuis la réforme de 2003 et les décrets de 2005, un salarié à temps partiel peut demander à cotiser sur la base d’un taux plein. Cela se fait sur une base individuelle et de gré à gré avec l’employeur, ce dernier étant libre de participer ou non. Dans beaucoup de grandes entreprises, en particulier dans la métallurgie, il existait des conventions de préretraite progressive sur la base d’un temps partiel dans lesquelles l’employeur opérait cette prise en charge, mais elles tendent à disparaître.

M. Gérard Rivière a indiqué qu’une autre proposition consiste à faire jouer en faveur des femmes, la solidarité intra-générationnelle. La prise en compte des vingt-cinq meilleures années pénalise essentiellement les carrières les plus courtes et les plus fractionnées, c’est-à-dire celles des femmes qui ont été victimes de la précarité ou du temps partiel subi : même quand elles ont le nombre de trimestres requis, leur salaire moyen a été tellement faible qu’elles se trouvent au minimum contributif ! Le conseil d’administration de la CNAV a proposé à l’unanimité de valoriser les années incomplètes, ainsi d’ailleurs que les trimestres de congé de maternité qui sont validés mais pour lesquels aucun salaire n’est porté au compte. En proratisant sur douze mois, soit le salaire de référence, soit le salaire minimum, on corrigerait les carrières les plus accidentées. D’après la Direction de la prospective de la CNAV, valoriser tous ces trimestres, particulièrement pénalisants pour les femmes, coûterait à peu près 2 % des prestations, c’est-à-dire environ 1,5 milliard d’euros, sachant qu’un point de CSG représente 10 milliards d’euros.

Cette solidarité intra-générationnelle pouvait s’opérer à travers le Fonds de solidarité vieillesse. Alors que la CSG destinée à l’alimenter figure à hauteur de 1,3 % sur la fiche de paye des salariés, le Fonds ne perçoit en fait que 1,03 %, 0,27 % – soit 2,5 milliards d’euros – ayant été affectés au gré des lois de financement de la sécurité sociale  d’abord à la CNAM, puis à la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. C’est le danger que la CGT-FO avait souligné lors de la création de la CSG. Il n’y a pas de pré-affectation de l’impôt et, pour sociale qu’elle soit, la CSG est un impôt, qui peut être affecté selon les besoins à d’autres fins que sociales.

M. Alain Parant a souligné, à juste titre, que la pénibilité ne doit pas, comme le patronat le souhaite, être financée par l’assurance vieillesse. Le plan « carrières longues » apparaît comme une préretraite déguisée qui coûterait plus de 3 milliards d’euros à la seule CNAV. M. Xavier Bertrand a indiqué que, s’il n’y avait pas d’accord entre les partenaires sociaux, il présenterait un projet de loi au Parlement. Les membres de la délégation doivent donc être vigilants. Aucune organisation syndicale n’acceptera de traiter la pénibilité du travail sans financement patronal. Comme pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, c’est celui qui crée le risque qui doit payer, même si l’on peut envisager une participation de l’État.

M. Alain Parant a souligné que la pénibilité relève des partenaires sociaux au sein d’une entreprise ou d’une branche. Il ne s’agit pas obligatoirement de « charger la barque du patronat ». Cette question doit s’inscrire dans une vision à long terme – adaptation des postes de travail, turn over sur les postes, adaptation des horaires – et figurer parmi les priorités des négociations.

M. Gérard Rivière a observé que s’il faut évidemment faire le maximum pour que les salariés arrivent à l’âge légal de la retraite dans le meilleur état de santé possible, il faut également traiter le cas des gens « cassés », qui sont en invalidité. C’est dans ce cas qu’il faudrait un financement des entreprises.

Mme Valérie Chartier a déploré l’augmentation massive du nombre d’emplois peu qualifiés et mal rémunérés depuis les années 1990 et la politique d’exonération de cotisations. Cela fait autant d’argent en moins dans les caisses de la protection sociale. La CGT-FO avait déjà tiré la sonnette d’alarme lors de la réforme de 2003 : la dégradation des conditions d’emploi des jeunes femmes entrant sur le marché du travail entraînera une dégradation de leur retraite, voire un retour à des situations très difficiles.

Mme Catherine Coutelle a ajouté que l’écart salarial moyen entre les hommes et les femmes ne se réduit plus depuis les années 1990. Par ailleurs, alors qu’une mauvaise entrée dans la vie active a des répercussions tout au long de la vie, de nombreuses carrières commencent aujourd’hui par des contrats aidés.

M. Alain Parant a souhaité apporter une note optimiste : que ce soit dans le monde universitaire, médical ou dans la magistrature, on assiste à une montée en puissance des femmes. Les révolutions silencieuses sont les plus efficaces. Le jour où les femmes seront majoritaires dans ces secteurs, elles s’auto désigneront, comme les hommes l’ont fait avant elles.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu a indiqué qu’une campagne sur la question des retraites est prévue du 10 au 26 juin. La CGT-FO combat également la remise en cause des 35 heures et l’allongement de la durée de cotisation.

Mme Catherine Coutelle a objecté qu’on pouvait en changer l’assiette.

M. Gérard Rivière a indiqué que, selon le Conseil d’orientation des retraites, rester à 40 années de cotisation représenterait, en 2020, un coût d’environ 4,5 milliards d’euros, c’est-à-dire à peu près un point de cotisation vieillesse plafonnée. Ce n’est pas insurmontable au regard de l’augmentation annuelle de 1,8 ou 2 % du produit intérieur brut. Faut-il graver dans le marbre que le coût de la vieillesse ne doit pas dépasser un certain pourcentage du PIB ? Si la classe politique fixe de la sorte des paramètres intangibles, elle ne devra pas s’étonner que les Français n’aillent plus voter.

La réforme de 2008 concerne exclusivement l’emploi des seniors, dont le taux d’emploi se situe autour de 38 %. Or, aucune puissance économique ne présente un taux élevé d’emploi des seniors sans un taux global d’emploi élevé. Le Gouvernement ne s’en préoccupe qu’en raison de ses engagements européens. Le taux d’emploi des jeunes n’est-il pas plus catastrophique ? Pour les plus âgés, des solutions ont été trouvées : dispense de recherche d’emploi, invalidité, sorties anticipées de la vie professionnelle. Dans le secteur privé, deux salariés sur trois sont hors emploi au moment de la liquidation, qui intervient en moyenne à 61 ans et demi pour les hommes et à un peu plus de 62 ans pour les femmes.

Selon la CNAV, 46 % des « liquidantes » en 2006 ne totalisaient pas 164 trimestres. Cela signifie que, si la durée de cotisation passe à 41 ans, une femme sur deux devra continuer à travailler ou être à la charge d’un autre système de solidarité : RMI, invalidité, aide du conjoint s’il est toujours là et s’il peut payer.

La Cour des comptes a dénoncé les « niches fiscales », c’est-à-dire les systèmes qui permettent d’échapper aux cotisations. On observe, en effet, une croissance exponentielle de l’intéressement et de la participation que la CGT-FO propose de soumettre à cotisation. Les profits des entreprises du CAC 40 atteignent 100 milliards par an. Une taxe de 3 % rapporterait 3 milliards.

Mme Catherine Coutelle a regretté qu’en contrepartie de la loi sur la modernisation de l’économie qui est favorable à la grande distribution, on n’ait pas demandé à cette dernière des avancées en termes de salaires et de temps de travail.

M. Gérard Rivière a informé la Délégation qu’après la grève qui a eu lieu, Carrefour a proposé un accord pour le « temps complet choisi ». Les termes en sont significatifs.

Rappelant qu’il y a souvent plus d’hommes que de femmes dans les organisations syndicales, Mme Catherine Coutelle a demandé si la CGT-FO s’intéressait spécifiquement au problème des retraites des femmes ou si elle le voyait comme une partie du problème général des retraites.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu a précisé que, sans compter le Secrétaire général, M. Mailly, la direction de la confédération comptait cinq femmes sur douze membres.

Le problème des retraites des femmes est traité dans le cadre de l’égalité homme/femme, au même titre que le temps partiel subi, les écarts salariaux entre les hommes et les femmes et la multiplication des contrats précaires.

Mme Danielle Bousquet a souhaité connaître la position de la CGT-FO vis-à-vis de la position du MEDEF selon laquelle la question du temps partiel et de ses conséquences relève uniquement de l’organisation du marché de l’emploi et n’a pas à être compensé par la protection sociale.

M. Gérard Rivière a indiqué que, s’il est exact qu’il ne revient pas directement aux régimes de retraite de compenser le manque à gagner résultant du travail à temps partiel, ne serait-ce que parce qu’ils n’en ont plus les moyens, il n’en reste pas moins que la solidarité intergénérationnelle – voire, pour faire écho aux propos de M. Parant – intra-générationnelle doit jouer. Le Fonds de solidarité vieillesse a été créé pour renforcer les ressources des régimes de retraite après les Trente Glorieuses afin de prendre en charge ce qui ne pouvait plus l’être par ces régimes en raison du chômage croissant.

Mme Valérie Chartier a fait observer que l’argument présenté par le MEDEF sert aussi un objectif à plus long terme : sortir du système de solidarité professionnelle pour aller vers un système individuel et capitaliste. Ce que veut le MEDEF, c’est ne plus imposer de cotisation à l’employeur et obliger le salarié, quel que soit son niveau de rémunération, à payer lui-même sa protection sociale.

M. Gérard Rivière a indiqué que le MEDEF et la CGPME ont annoncé leur retour dans les conseils d’administration des caisses de retraite du régime général et des allocations familiales. Ils ont l’ambition de transformer le régime général en un régime par points, ce qui permettra ensuite une fusion avec l’AGIRC et l’ARRCO. Cette opération effectuée, il sera possible de mettre en place un pilier par capitalisation.

Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu a appelé de ses vœux une réflexion sur l’obligation faite aux femmes de s’arrêter pour garder leurs enfants ou pour s’occuper de parents dépendants.

Mme Valérie Chartier a souligné l’importance de trouver un système de solidarité collective en début de carrière et en fin de carrière, pour éviter que les femmes ne pâtissent des interruptions de carrière dues aux gardes d’enfants et à la prise en charge des personnes dépendantes, sous peine d’aggraver encore les inégalités professionnelles avec les hommes.

Mme Catherine Coutelle a observé que les générations nées en 1947 arrivaient à l’âge de la retraite et qu’elles étaient suivies de trente ans de baby-boom. Il faudrait sur ce sujet éviter l’imprévision.

M. Gérard Rivière a rappelé par ailleurs que le Président de la République s’est engagé à augmenter progressivement le taux de la pension de réversion à 56 %, 58 % et 60 %. Or certains régimes considérés comme privilégiés – régimes spéciaux, régimes de fonctionnaires – en voient les conséquences car ils sont attachés à conserver la spécificité d’un service sans condition de ressources. Mieux vaut réfléchir à la manière d’améliorer les pensions de réversion sous conditions de ressources, par exemple en agissant sur le plafond.

Dans le document d’orientation de Xavier Bertrand, il est prévu de transférer la totalité du financement des 10 % de majoration familiale vers la branche famille de la sécurité sociale. Pour renforcer le caractère redistributif de l’assurance vieillesse, il faudrait que cette majoration soit servie par les régimes d’assurance vieillesse. Il serait plus simple et plus clair de quantifier en termes de points la valeur du financement, de diminuer la cotisation allocations familiales et d’augmenter à due concurrence la cotisation vieillesse. Ce n’est pas la branche famille qui bénéficie a posteriori du fait qu’un salarié a eu trois enfants. C’est a priori le régime d’assurance vieillesse. L’objectif de la mesure proposée est, à terme, de ne plus financer la branche famille.

Mme Catherine Coutelle a demandé si la CGT-FO est favorable à un aménagement des temps de travail et à l’introduction de souplesse dans la poursuite de la carrière ou si elle considère que la retraite doit être la même pour tout le monde.

M. Gérard Rivière a répondu que la confédération – mais ce point de vue n’est pas forcément soutenu par tous les syndicats – considère les retraites couperets comme liberticides. La retraite est un droit. Elle ne doit en aucun cas être un devoir, sans tomber dans l’excès du cumul emploi-retraite.

La CGT-FO est un ardent défenseur de la retraite progressive. Si elle ne fonctionne pas actuellement, c’est à cause du plafond fixé pour en bénéficier : de 132 trimestres dans la réforme de 2003, il a été porté, par décret en 2006, à 150 trimestres. Ce n’est pas attractif car ce plafond est beaucoup trop élevé. Ce système permettrait pourtant de compléter les carrières pour aller vers une retraite à taux plein et, éventuellement, de poursuivre son activité au-delà de manière plus souple : à mi-temps, tiers temps, quart temps. Il serait favorable aux seniors et permettrait la transmission des savoirs et le tutorat. Tout le monde y gagnerait. On comprend mal le peu d’intérêt que cela suscite chez le Gouvernement.

Audition de M. Franck LE MORVAN, sous-directeur des retraites et des institutions
de protection sociale complémentaire à la Direction de la sécurité sociale,
M. Nicolas AGNOUX, chef du bureau des régimes de base,
M. Julien TIPHINE, chargé de mission à la sous-direction des retraites

Séance du mardi 10 juin 2008

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann,

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé qu’au mois de mai, quand le rendez-vous sur les retraites prévu par la loi de 2003 s’est ouvert, la Délégation a alerté le ministre, Xavier Bertrand, sur la question des pensions de retraite des femmes. Celui-ci a alors indiqué qu’il avait confié à la Direction de la sécurité sociale le soin d’examiner cette question.

La question des retraites des femmes n’est jamais traitée en tant que telle alors qu’à leur égard des problèmes spécifiques se posent. Si les difficultés qui se profilent ne sont pas prises en compte dès aujourd’hui, les mesures qui seront nécessaires demain risquent d’être plus lourdes encore.

M. Franck Le Morvan a observé que la question des retraites des femmes était bien prise en compte de manière spécifique, notamment dans les documents produits par le Gouvernement sur les retraites. La première annexe aux lois de financement de la sécurité sociale, « Programmes de qualité et d’efficience » fixe ainsi au nombre des objectifs, la réduction des écarts entre les pensions de droit direct des femmes et des hommes. Cet objectif existe même s’il n’est pas quantifié.

Effectivement, l’écart est important : les pensions versées aux femmes représentent 55 % du montant moyen perçu par les hommes. Il s’agit d’une donnée en masse qui prend en compte la situation de toutes les personnes actuellement à la retraite et qui résulte donc de leur activité passée.

Parallèlement, on constate que le rapport entre les pensions des femmes et des hommes s’améliore continûment. À soixante ans, l’écart s’est réduit de dix points entre la génération de 1936 et celle de 1944. En huit générations, l’évolution n’est pas négligeable. Pour autant, il est difficile de déterminer si l’on arrivera à la parité, ni à quel moment. En 2005, la Direction de la sécurité sociale a rédigé un rapport stratégique sur l’évolution des politiques de retraite en France et dans tous les pays de l’Union européenne. La réduction des écarts de retraite figure au rang des objectifs mis en avant. Les projections – à prendre avec prudence – donnaient un écart de 20 % en 2015. Cela signifie que la retraite moyenne de droit direct des femmes, celle acquise du fait de leur activité et de leurs droits annexes, en dehors de la réversion, représenterait en moyenne 80 % de la pension des hommes. Selon l’INSEE, cette tendance devrait se poursuivre, mais aucune étude ne prévoit la parité dans un avenir proche.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s’est étonnée que les études montrent une diminution des écarts de pension entre les hommes et les femmes alors que ces dernières travaillent de plus en plus à temps partiel et interrompent toujours fréquemment leur carrière.

M. Franck Le Morvan a précisé que, même si l’on constate plus d’incidents de carrière, le nombre de femmes ayant eu des carrières complètes et des rémunérations plus élevées que dans le passé a augmenté, ce qui joue aujourd’hui sur les retraites.

Si la situation des femmes est relativement défavorable par rapport à celle des hommes, cela tient en premier lieu à la durée de carrière : pendant leur vie active, les femmes travaillent moins longtemps que les hommes parce qu’elles s’interrompent plus souvent pour l’éducation de leurs enfants. Par ailleurs, elles travaillent plus souvent à temps partiel.

En second lieu, les femmes ont, même à temps plein et à qualification égale, des salaires plus faibles que ceux des hommes. Après une nette décroissance lors des décennies précédentes, l’écart entre les salaires hommes/femmes, à durée de travail égal, tend à stagner autour de 20 %.

En revanche, la durée de travail validée, continue à s’allonger pour les femmes : la carrière des femmes a augmenté de six trimestres entre 2004 et 2007, pour atteindre aujourd’hui en moyenne 147 trimestres, contre 155 pour les hommes.

Des écarts demeurant tant en termes de durée de carrière que de salaire de base, et la pension étant calculée en multipliant la durée de travail par le salaire de référence, les deux phénomènes se conjuguent. Et c’est donc parce que ces deux paramètres s’améliorent que les écarts de pension tendent à diminuer.

Outre l’amélioration des carrières des femmes, des mécanismes correcteurs jouent également au sein des régimes de retraite pour expliquer la diminution des écarts entre les pensions.

Le minimum vieillesse, d’abord, même s’il ne concerne qu’une petite minorité des femmes : celles qui sont très âgées, qui ont très peu ou pas travaillé et se retrouvent seules. Il permet de leur garantir un niveau de vie minimum. La réversion ensuite dont les bénéficiaires sont à 92 % des femmes.

Plusieurs autres éléments jouent également en faveur des femmes en matière de droits directs.

Le premier est le mode de calcul de la durée validée dans le régime général. L’équivalent de 200 heures payées au SMIC, ce qui correspond à moins d’un mi-temps – environ 45 % d’un temps complet –, permet de valider un trimestre. Cela permet donc à une personne qui travaille à mi-temps de valider autant de trimestres qu’une personne qui travaille à temps complet. Cet élément joue de manière très forte dans la diminution des écarts entre les travailleurs à temps plein et ceux à temps partiel, dont la majorité sont des femmes.

Le deuxième élément, même s’il ne leur est pas spécifiquement destiné, est le minimum contributif. Il existe dans le régime général et les régimes alignés – artisans, commerçants – et il joue deux fois plus pour les femmes que pour les hommes : 27 % des hommes seulement le touchent contre 55 % des femmes. Lorsque, pour une carrière complète, la pension est inférieure à 620 euros par mois, elle est portée jusqu’à ce montant. Le minimum contributif a été conçu pour les retraités qui ont droit au taux plein, soit parce qu’ils ont effectué une carrière complète avec de très faibles salaires, soit, le plus souvent, pour ceux qui n’ont pas une carrière complète – ce qui est le cas de plus de la moitié des femmes – mais ont accès au taux plein parce qu’ils ont 65 ans. Cette condition explique que les femmes retardent plus souvent que les hommes leur départ à la retraite jusqu’à cet âge : à 65 ans, elles bénéficient de ce mécanisme correcteur qui n’est pas soumis à condition de ressources et représente environ 30 % de la pension.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que si l’on peut espérer une correction des écarts après 2015-2020, pour une frange de la population féminine, âgée actuellement entre 45 et 55 ans, la retraite s’annonce très difficile.

M. Franck Le Morvan a répondu qu’on ne décelait pas de ressaut mais un continuum. Il est exact que les femmes qui vont arriver à l’âge de la retraite dans les cinq ou dix prochaines années auront connu des accidents de carrière liés à la montée du chômage depuis 1973. Mais les hommes en ont connu du même ordre. Cependant, même après avoir connu pendant toute leur vie active la crise liée au chômage, les générations qui arrivent à la retraite ont des pensions plus élevées que leurs aînés. Elles auraient été nettement plus fortes s’il n’y avait pas eu la crise, mais la pension moyenne ne baisse pas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remarqué que cela apparaît en contradiction avec les situations auxquelles les élus sont confrontés dans leur circonscription.

M. Franck Le Morvan a regretté que le mécanisme du minimum contributif ne soit pas assez connu : une personne qui a travaillé toute sa vie à mi-temps y a droit. Celui-ci s’établit sur une basse de 620 euros à laquelle s’ajoutent des pensions complémentaires et une majoration de 10 % en fonction de la durée travaillée. Une mesure prise en 2003 bonifie, en effet, les trimestres cotisés dans ce complément de pension, ce qui renforce son caractère contributif.

On est loin de la parité, mais il ne faut négliger ni l’effet de la validation des trimestres par l’équivalent de 200 heures de SMIC, ni l’apport du minimum contributif même s’il y a des différences d’un régime à l’autre. Dans la fonction publique, un mi-temps correspond à un temps plein divisé par deux : l’année vaut six mois. Dans le régime général, on tient compte d’un montant minimal de cotisations, calculé sur la base d’un mi-temps.

Les avantages familiaux sont le troisième élément qui joue massivement en faveur des femmes en leur permettant de bénéficier d’une durée moyenne de cotisation proche de celle des hommes. La majoration de durée d’assurance pour enfant – deux ans par enfant élevé – représente en moyenne 20 trimestres.

Un quatrième élément favorable est l’AVPF, l’assurance vieillesse des parents au foyer, qui permet, sous conditions de ressources, de prendre en compte des trimestres correspondant à la période où une femme n’a pas travaillé ou a travaillé à temps partiel pour élever un enfant. Liée en général à l’attribution de prestations familiales, elle concerne la moitié des femmes et permet la validation en moyenne de 12 trimestres.

Tous ces éléments sont déterminants pour la correction des écarts. 

Mme Danielle Bousquet s’est enquise de la situation des femmes sans enfant.

M. Franck Le Morvan a fait remarquer que la règle des « 200 heures SMIC » et le minimum contributif concernent toutes les femmes, qu’elles aient des enfants ou non. Les autres avantages se justifient par le fait que les femmes avec enfants sont les plus pénalisées en termes de durée de carrière. Les durées de carrière les plus courtes, avant correction par les avantages familiaux sont celles des femmes avec des enfants.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a demandé comment garantir le maintien des avantages concédés aux femmes compte tenu de la jurisprudence européenne.

M. Franck Le Morvan a indiqué qu’il n’y avait aucune crainte à avoir pour l’AVPF car cet avantage est déjà ouvert aux hommes même si, en pratique, très peu en bénéficient. Il n’en va pas de même pour la majoration de la durée d’assurance.

La France est assez isolée au niveau européen sur la question des avantages familiaux. Dans beaucoup de pays, la problématique hommes/femmes se pose de façon différente : les femmes partent plus tôt à la retraite que les hommes même si on tend progressivement à revenir sur cette différence. Quand ont été élaborés, en 2001, les objectifs communs en matière de retraite, la France a fait valoir que le maintien d’avantages spécifiques aux femmes permettait de corriger des inégalités. Elle a obtenu une mention qui n’est pas aussi nette qu’elle l’aurait souhaité mais qui a le mérite d’exister.

L’arrêt Greismar n’a pas mis en cause la majoration de la durée d’assurance du régime général car il ne s’agit pas d’un régime professionnel soumis aux règles d’égalité homme femme en termes de rémunération, mais un régime universel pour lequel joue la liberté des États d’édicter les règles de sécurité sociale. Une directive européenne les autorise même, dans ce cadre, à pratiquer des différences de traitement entre les hommes et les femmes, si elles ont pour but de corriger les effets des écarts existant entre les sexes. La modification des textes relatifs au régime des fonctionnaires a d’ailleurs été l’occasion d’obtenir du Conseil Constitutionnel la validation du principe de discrimination positive.

En revanche, la jurisprudence Greismar s’appliquant aux régimes spéciaux, il a fallu trouver un mécanisme permettant aux femmes de continuer à bénéficier de l’avantage pour enfant. Il y avait deux risques : soit d’accorder le même avantage aux hommes et perdre le bénéfice de la correction de l’écart – ce qui, de plus, aurait coûté trop cher –, soit d’être trop restrictif. C’est pour cette raison qu’a été introduit le critère d’interruption d’activité de deux mois. Ce critère présente l’avantage, parce qu’il est toujours rempli par les femmes et rarement par les hommes, de maintenir l’avantage au profit des premières. Il a été validé par le Conseil d’État et n’est pas, pour l’instant, contesté par la Commission européenne.

Ce critère vise à tenir compte du fait qu’une interruption de deux mois a des répercussions plus que proportionnelles sur la carrière, la femme peut ne pas profiter de certaines opportunités de carrière, voire être obligée de quitter ses fonctions.

Si la majoration de durée d’assurance pour enfant était également contestée dans le régime général, on pourrait, en dernier ressort, appliquer ce même critère d’interruption d’activité de deux mois, tout en sachant que cela serait plus compliqué que dans le secteur public pour lequel une interruption de deux mois est caractérisée par des congés statutaires facilement identifiables.

Il faut ajouter qu’un arrêt de la Cour de cassation de 2006 a accordé à un homme ayant élevé seul ses enfants les mêmes avantages qu’aux femmes. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un arrêt étendant ces avantages à tous les hommes, on réfléchit à un avantage spécifiquement accordé aux hommes ayant élevé seul ses enfants.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué que personne ne conteste une telle possibilité, dès lors que l’homme prouve qu’il a élevé seul ses enfants.

Mme Claude Greff a fait valoir que, en cas de divorce, on devrait, en faveur du conjoint qui a cessé son activité pour élever les enfants, opérer un partage des droits à la retraite acquis par l’autre pendant cette période.

M. Franck Le Morvan a répondu qu’un dispositif semblable existait dans certains États de l’Union européenne, comme l’Allemagne. Il présente d’ailleurs un avantage par rapport à la réversion - qui opère un partage a posteriori - car il est plus logique que le partage se fasse immédiatement, quand l’activité professionnelle n’est pas répartie équitablement entre les deux parents. En Allemagne, en cas de divorce, le juge peut attribuer une partie des droits acquis par le conjoint qui a continué de travailler à celui qui a cessé son activité. Mais cela est possible parce que le régime allemand de retraite est un système à points, comme cela est le cas pour la retraite complémentaire. Partager des points de retraite est alors aussi aisé que de partager des unités monétaires. Dans un régime fonctionnant en annuité comme le régime général français, ce système est compliqué à mettre en œuvre.

On ne sait pas reprendre aujourd’hui les situations passées pour répartir les droits car ceux-ci sont déjà attribués. On peut réfléchir à un dispositif pour l’avenir et imaginer que, pour telle période donnée, il y ait partage des droits selon une démarche juridique librement consentie par des personnes déjà liées par un acte juridique, comme le mariage.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, ayant fait remarquer que cela excluait le Pacs et le concubinage, M. Franck Le Morvan a rappelé qu’il n’y a pas non plus réversion dans ces deux cas.

Mme Claude Greff a demandé pourquoi on ne pourrait diviser par deux les trimestres acquis par celui des membres du couple qui est demeuré en activité.

M. Franck Le Morvan a souligné que, dans le régime général, c’est à partir des salaires portés au compte chaque année et revalorisés au fur et à mesure qu’est calculée, in fine, la pension. Il faudrait donc introduire des paramètres nouveaux. On peut en outre s’interroger sur le salaire de référence qu’il faudrait prendre en compte : si l’on ne tient compte que de la moitié du salaire, la pension sera nettement moindre, sauf si le minimum contributif joue. Dans un régime en trimestres comme le régime général, ce sont le positionnement et le montant d’un salaire qui déterminent sa valeur.

M. Nicolas Agnoux a ajouté qu’en cas de divorce, le juge qui fixe la prestation compensatoire peut prendre en compte le préjudice subi en matière de droit à retraite par la femme qui a interrompu son activité pour éduquer ses enfants.

Mme Claude Greff a insisté sur le fait qu’il s’agit moins de verser une somme d’argent que de faire bénéficier l’ex conjoint de droits à la retraite, afin d’éviter aux femmes d’être obligées de travailler cinq ou dix ans de plus. Par ailleurs, le calcul devrait être fait sur une période et non sur toute une carrière.

M. Franck Le Morvan a observé que, dans le régime général, le calcul s’opère sur l’ensemble de la carrière. Si une femme a travaillé dix ans avant de s’arrêter pour s’occuper de ses enfants, il faut, non pas lui donner de manière isolée 10 ou 20 trimestres qui compteront peu pour l’obtention d’une carrière complète, mais les ajouter à ceux qu’elle a déjà validés. Quatre trimestres ne représentent rien tant que l’on ne connaît pas le salaire annuel moyen de toute la carrière sur la base duquel ils seront calculés.

Mme Claude Greff a remarqué que les services de retraite devraient savoir ce qu’a fait un salarié de telle date à telle date.

M. Franck Le Morvan a précisé que dans le régime général, les périodes exactes d’activité au sein de l’année ne sont pas identifiées. Ce n’est pas utile puisqu’on détermine le nombre de trimestres en fonction du salaire cotisé sur l’année civile. La Direction de la sécurité sociale réfléchit d’ailleurs à une déclaration nominative mensuelle.

La validation d’un trimestre pour 200 heures travaillées au SMIC procède du principe de contributivité ; c’est également une simplification. Si la personne a concentré son activité sur un seul mois pendant lequel elle a effectué 800 heures, peu importe si elle n’a pas travaillé le reste de l’année. Mais tant qu’il n’y aura pas une déclaration nominative mensuelle, on ne saura pas raccrocher une période d’activité aux droits considérés.

M. Daniel Spagnou a jugé le sujet tellement préoccupant qu’il justifierait une mission de l’Assemblée nationale, d’autant que le nombre croissant de divorces intervenant au moment de la retraite laisse de nombreuses femmes sans droits suffisants.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a vivement souhaité que la Direction de la sécurité sociale se saisisse de ce problème parce que finalement il est pris en charge par la collectivité.

M. Franck Le Morvan a remarqué que, indépendamment de l’amélioration des carrières en moyenne, il est vrai que certaines femmes ont très peu ou pas de droits à la retraite. La question de l’individualisation de leurs droits par rapport à ceux de leur mari peut se poser. Lors d’une discussion à ce sujet au Conseil d’orientation des retraites, les partenaires sociaux se sont déclarés intéressés par cette idée d’individualisation, comme alternative à la réversion. Le sujet étant complexe et sensible, il n’a pas été jugé possible de proposer un projet de loi sur les avantages familiaux et conjugaux avant la fin de l’année, les partenaires sociaux n’ayant pas encore pris position sur tous les aspects de la question.

Un dernier point mérite d’être mentionné. À la fin de l’année dernière, la loi a permis de pratiquer des tarifs différents entre hommes et femmes en matière d’épargne retraite, cette possibilité devant faire l’objet d’un réexamen au bout d’un an. Compte tenu des différences d’espérance de vie entre les hommes et les femmes, cela signifie qu’un même euro cotisé donnera droit à moins de pension pour les femmes que pour les hommes, car il est reversé sur une durée plus longue. Les membres de la Délégation devront être vigilants à ce propos.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié M. Le Morvan pour les précisions qu’il a apportées à la Délégation.

Contribution de la CFTC dans le cadre des auditions menées par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale sur le thème « la retraite des femmes »

Contexte/problématique générale

Les réformes successives de nos régimes de retraites depuis 15 ans ont pour conséquence une baisse significative du niveau des pensions autrement dit du taux de remplacement qui mesure le rapport entre la pension de retraite et le dernier revenu d’activité. Ce constat fait resurgir le problème déjà ancien des inégalités constatées entre hommes et femmes en matière de retraite avec les perspectives d’une persistance de celles-ci.

Même si le niveau de pension des femmes s’est globalement amélioré, notamment du fait de la nette progression de leur taux d’emploi qui avoisine 80 % et de leurs rémunérations, elles apparaissent comme les grandes victimes des réformes de 1993 et 2003 qui ont renforcé la dimension contributive de nos régimes et durci les conditions d’accès à la retraite à taux plein.

Ces évolutions tendent à mettre en évidence la finalité sociale des droits familiaux et conjugaux, qui, quoiqu’en disent leurs détracteurs tenants de l’individualisation des droits, continuent de compenser des inégalités de carrière récurrentes puisqu’ils visent précisément à limiter l’impact sur la retraite des aléas et interruptions de carrière qui concernent principalement les femmes.

Par ailleurs, force est de constater que dans la logique bismarckienne qui est la nôtre, en tout cas s’agissant du secteur privé, l’amélioration du niveau de pension des femmes passe par la constitution de droits propres, et que celle-ci ne sera effective que si les inégalités observées sur le marché du travail disparaissent.

I - Le constat d’une persistance des inégalités entre hommes et femmes en matière de retraite

ÄÉtat des lieux des inégalités

Par rapport à celle des hommes, la retraite des femmes présente la particularité d’être composée de plusieurs éléments : droits directs acquis à titre personnel en tant qu’ancien cotisant, avantages non-contributifs liés à la situation de mère de famille (MDA, bonifications, AVPF…) ou encore droits dérivés acquis en tant que conjoint (réversion).

Les écarts constatés

En 2004 le montant de retraite des femmes est inférieur en moyenne de 38 % à celui des hommes soit 1 020 euros mensuels contre 1 636 euros, montants bruts de prélèvement sociaux.

Si l’on ne prend en compte que les droits acquis en contrepartie d’une activité professionnelle l’écart se creuse davantage soit 745 euros de pension mensuelle moyenne contre 1 550 euros pour les hommes.

Ainsi, alors que la retraite totale des femmes représente 62 % de la celle des hommes, elle ne représente plus que 49 % si l’on ne tient compte que de leurs droits propres (hors réversion). Cette situation concerne surtout les salariées du secteur privé, les écarts entre hommes et femmes étant nettement moins importants dans la fonction publique.

Ces chiffres montrent à quel point le mécanisme de la réversion contribue à l’amélioration du niveau des pensions féminines et ce, malgré une tendance à la hausse des taux d’activité et des salaires féminins.

Selon l’INSEE, à l’horizon 2040, les pensions de retraite des femmes âgées de 65 à 69 ans seraient encore inférieures d’un quart à celle des hommes.

ÄLes écarts de pension entre hommes et femmes ont pour causes principales les inégalités observées sur le marché du travail

Deux raisons expliquent ce phénomène : les carrières féminines restent plus courtes et les rémunérations demeurent significativement inférieures à celles des hommes. Ces deux éléments sont à mettre en corrélation avec la prévalence du temps partiel (notamment subi) parmi la population active féminine et ce, pendant tout ou partie de la vie active.

Une faible proportion de carrières complètes (tous régimes confondus)

En 2004, 86 % des hommes retraités ont validé une carrière complète contre 44 % des femmes retraitées (DREES, Études et résultats n° 538, novembre 2006). Ce phénomène touche plus particulièrement le régime général.

Des salaires plus faibles

En 2006, 50 % des salariées à temps partiel percevaient un salaire mensuel net de 764 euros. Il est en outre à noter que 80 % des bas salaires concernent des emplois à temps partiel et que les emplois à bas salaires et à temps partiel représentent 20 % de l’emploi salarié des femmes (source : enquête emploi de l’INSEE).

Des écarts de pensions accentués par l’impact pénalisant des réformes et les règles propres aux régimes

Ainsi en est-il du passage des 10 meilleures années aux 25 meilleures années pour la prise en compte du salaire annuel moyen (réforme de 1993). Dans le régime général en effet, le salaire porté au compte est tributaire du temps partiel et peut influer sur le niveau de la pension s’il rentre dans les années servant au calcul du SAM, ce qui devient plus fréquent depuis la réforme de 1993. Dans les régimes complémentaires par points, le nombre de points, proportionnel au salaire, reflète « mécaniquement » le quantum de temps partiel.

Ainsi 10 années de travail à mi-temps en fin de carrière, peuvent faire chuter la retraite de base de 26 % et la retraite complémentaire de 19 % par rapport à un temps complet. Cet impact est majeur dans la mesure où le temps partiel touche en 2005, 30 % des femmes âgées de 50 à 59 ans dans le privé et 25 % dans le public (contre 5 % des hommes tous secteurs confondus) (source : rapport du CES sur le travail à temps partiel des femmes).

Dans la fonction publique le problème ne revêt pas la même ampleur puisque l’impact du temps partiel se trouve neutralisé par les règles du régime.

La loi du 21 août 2003 a pour sa part introduit une distinction entre périodes cotisées et périodes non cotisées pour l’attribution du minimum contributif majoré. Se trouvent ainsi exclus les trimestres validés au titre de l’AVPF et de la MDA. Il se trouve que sur les 37 % de bénéficiaires du minimum contributif en 2005, 55 % sont des femmes. On peut dès lors considérer que les périodes d’assurance accordées au titre des enfants confèrent des droits de « seconde classe », contrairement aux objectifs initiaux de ces dispositifs normalement favorables aux femmes.

En ce qui concerne la réversion, la loi de 2003 en a modifié les conditions d’attribution puisque seule subsiste la condition de ressources. Devenue une allocation différentielle sous condition de ressources, la pension de réversion est depuis le 1er juillet 2004 « révisable » en fonction de la variation des ressources prises en compte.

Sous couvert d’assouplissement des règles d’attribution, les nouvelles dispositions sont en réalité pénalisantes pour les droits des femmes dans la mesure où elles renforcent la notion de dépendance financière dans le mariage au détriment de la notion de solidarité financière conjugale qui prévalait depuis la loi du 17 juillet 1978. Par ailleurs la suppression progressive de la condition d’âge ne constitue pas forcément une avancée : vouloir protéger la jeune veuve revient à faire l’impasse sur le problème des enfants à charge.

Quelles que soient les réflexions menées sur le fondement du droit à pension de réversion, s’agissant de la retraite des femmes, il constitue un élément de compensation indispensable des inégalités qui mériterait d’être amélioré.

Par ailleurs se pose également la question du lien de la réversion avec le mariage et de la possibilité d’ouvrir le droit à réversion aux partenaires pacsés. À cet égard, un groupe de travail de la Chancellerie a proposé en 2005 d’ouvrir ce droit aux partenaires pacsés depuis 2 ans et la mission d’information parlementaire proposait en 2006 de l’ouvrir aux partenaires pacsés depuis 5 ans afin d’éviter les abus.

La CFTC n’a pas à ce jour pris position sur la question mais elle a conscience que le droit ne peut ignorer indéfiniment certaines évolutions sociétales.

Il conviendrait en tout état de cause de chiffrer l’impact d’une ouverture du droit sur les comptes des régimes. Attendu pour la fin de l’année, le rapport du COR sur les droits conjugaux et familiaux devra permettre d’éclairer les débats et les réformes à venir.

Les règles d’acquisition des droits à retraite dans le régime général pénalisent les salariées à temps partiel qui n’atteignent pas les 200 heures rémunérées au SMIC requises pour valider un trimestre. En dessous de ce seuil, aucune validation n’est possible, situation d’autant plus pénalisante qu’elle est ignorée des salariées concernées (temps très partiel, très bas salaires).

II - Quelles propositions d’améliorations ?

Malgré les mécanismes « correcteurs » existant et l’augmentation du taux d’emploi féminin, la retraite des femmes, reflet d’une carrière professionnelle bien souvent « accidentée » demeure largement insuffisante, ce qui doit inciter à mener un combat sur le terrain de l’égalité professionnelle et de l’équité tout en s’attachant à revoir certaines dispositions pénalisantes de nos régimes de retraite.

ÄLa nécessité de promouvoir l’égalité professionnelle

Afin de contribuer à la réduction des écarts salariaux entre les femmes et les hommes, la CFTC a élaboré les propositions ci-après :

Ces propositions ont d’ores et déjà été déclinées à travers la mise en place d’actions concrètes.

ÄLa nécessité de renforcer les droits à pension des femmes en modifiant les règles actuelles

En ce qui concerne les règles d’attribution de la pension de réversion, il pourrait être envisagé de rétablir la condition d’âge afin de tenir compte des besoins réels.

L’attribution des droits de réversion au titre de l’éducation plutôt qu’au titre du mariage pourrait également être une solution avantageuse pour les femmes mais cela suppose d’entamer une réflexion approfondie sur l’ouverture du droit à pension de réversion.

D’une manière générale, les droits à retraite des femmes ne pourront être préservés que s’il est mis fin aux exigences de contributivité qui caractérisent les dernières réformes.

La résorption des inégalités entre les hommes et les femmes en matière de retraite ne se fait que très lentement car elle dépend étroitement des inégalités observées sur le marché du travail. Il est par conséquent indispensable de compenser via les règles de nos régimes les inégalités dont sont victimes les femmes (carrières courtes, bas salaires, temps partiel subi).

À cet égard il convient en premier lieu d’informer les salariés sur les répercussions des emplois précaires sur leurs droits à retraite futurs.

Ainsi, la possibilité pour les salariés à temps partiel de cotiser sur un temps plein est une disposition largement méconnue qu’il importe de promouvoir dans la négociation collective.

ANNEXE 2 : PRÉSENTATION DES DROITS FAMILIAUX
ET CONJUGAUX

(Source : Conseil d’orientation des retraites)

Les deux fiches qui suivent présentent les différents droits familiaux et conjugaux existant dans les régimes de retraite. Ces droits bénéficient principalement aux femmes. Les uns (droits familiaux) constituent des droits propres à pension, les autres prennent la forme de droits dérivés de ceux de leur conjoint (pensions de réversion).

La description qui suit met en évidence une complexité certaine de ces dispositifs, mis en place au fil du temps et qui poursuivent des finalités diverses. L’ensemble, cependant, constitue des compensations qui s’articulent pour assurer une certaine sécurité matérielle aux femmes, le moment de la retraite venu.

Fiche sur les droits familiaux

En France, les sommes versées par les régimes de retraite au titre des avantages familiaux représentent environ 8 % du total des pensions en 2002.

Les deux principaux avantages familiaux, que l’on considère le nombre de bénéficiaires ou les sommes en jeu, sont aujourd’hui les bonifications ou majorations8 de durée d’assurance pour enfants, et l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

Leur montée en charge n’est pas achevée. En effet, créées dans les années 70, elles n’auront leur plein effet que pour les générations ayant eu leurs enfants postérieurement. En conséquence, la part de ces droits familiaux dans les dépenses des régimes devrait continuer de croître au cours des prochaines années.

S’y ajoutent des majorations ou bonifications du montant des pensions pour les hommes et les femmes ayant élevé trois enfants ou plus, des majorations pour conjoints ou enfants à charge et, enfin, dans certains régimes, des possibilités de départ anticipé à la retraite pour les parents de trois enfants.

Les droits familiaux correspondent à différents objectifs :

—  corriger les inégalités dans les droits à pension, pouvant résulter des charges de famille (compensation des effets des interruptions d’activité, du handicap en termes de progression de carrière…) ;

—  compenser le défaut d’épargne pouvant résulter de la charge d’enfants ;

—  compenser les charges liées, pour le retraité, à la présence d’enfants ou d’un conjoint sans revenu ;

—  rétribuer les personnes qui, ayant eu des enfants, contribuent à l’équilibre futur des régimes de retraite ;

—  encourager la natalité.

I - Les majorations ou bonifications de durée d’assurance pour enfants

De telles majorations ou bonifications existent dans l’ensemble des régimes de base à l’exception de la SNCF.

Limitée aux mères de famille, la majoration de durée d’assurance (MDA) a été mise en place en 1971 dans le régime général. Depuis la loi du 3 janvier 1975, la MDA est de deux ans par enfant et est ouverte dès le premier enfant. Ainsi, aujourd’hui, le régime général et les régimes alignés sur celui-ci (salariés agricoles, commerçants et artisans) accordent aux femmes un trimestre d’assurance supplémentaire par année pendant laquelle elles ont élevé un enfant dans la limite de 8 trimestres (2 ans) par enfant. La MDA est accordée qu’il y ait ou non interruption d’activité. Les majorations pour enfants concernent les enfants légitimes, naturels ou adoptés.

En cas de congé parental, la mère, salariée du secteur privé, peut bénéficier dans le régime général, d’une validation de durée d’assurance égale à la durée effective du congé (jusqu’à trois ans par enfant), qui prime sur la majoration (MDA) de deux ans, si son application est plus favorable à la mère. Le père peut bénéficier en tout état de cause d’une validation de durée d’assurance égale à la durée de ce congé, s’il le prend (soit trois ans au maximum par enfant).

Peut s’ajouter à ces droits, depuis la réforme de 2003, une validation spécifique au titre des enfants handicapés (dans la limite de 2 ans par enfant). De même un congé de solidarité familiale permet de valider jusqu’à 6 mois de temps passé à assister un parent malade.

De telles dispositions n’existent pas dans les régimes complémentaires des salariés du secteur privé relevant de l’ARRCO et de l’AGIRC. En revanche, à l’IRCANTEC, dès le premier enfant, le régime sert une bonification de points par enfant élevé, aux cotisants qui justifient avoir interrompu leur activité professionnelle pour élever leurs enfants.

Dans les régimes spéciaux et les régimes de la fonction publique, avant réforme de 2003, la majoration était en principe d’un an par enfant et on la qualifiait de « bonification de durée d’assurance ». Cependant, dans certains régimes (par exemple : EDF-GDF) deux enfants ouvrent droit à une majoration de trois années.

Le principe communautaire d’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes a amené la France à revoir le dispositif de bonifications de durée d’assurance pour enfant accordé aux femmes, dans les trois fonctions publiques19. Les systèmes de retraite correspondant ont, en effet, été qualifiés de régimes professionnels par la Cour de justice de l’Union européenne et entrent de ce fait dans le champ de dispositions communautaires qui imposent un traitement identique des hommes et des femmes. C’est ce qu’a jugé la jurisprudence Griesmar. La loi portant réforme des retraites, tirant les conséquences de cette jurisprudence distingue le cas des enfants nés après le 1er janvier 2004 et celui des enfants nés avant cette date. Il faut désormais distinguer les différents types de validation suivants dans les régimes de fonctionnaires.

Prise en compte gratuite de périodes pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier : Pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004, la bonification d’un an par enfant des années de services effectuées par les femmes fonctionnaires est remplacée par une validation des périodes d’interruption ou de réduction d’activité effectivement consacrées à l’éducation d’un enfant ou aux soins donnés à un enfant malade. Cette possibilité bénéficie aux femmes et aux hommes. La période totale validée peut atteindre une durée de trois ans par enfant.

Sont concernées les périodes correspondant à :

—  un temps partiel de droit pour élever un enfant ;

—  un congé parental ;

—  un congé de présence parentale ;

—  une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans.

Cette validation s’ajoute à la durée de services validés pour le calcul du montant de la pension et elle est prise en considération pour l’éventuelle application de la décote ou de la surcote ;

Majoration de six mois liée à l’accouchement, pour les enfants nés après le 1er janvier 2004 :

Pour compenser les désavantages de carrière qu’induit l’interruption de service liée à l’accouchement, la loi institue pour les femmes fonctionnaires une majoration de durée d’assurance de deux trimestres par enfant né après le recrutement dans la fonction publique. Cette majoration s’ajoute à la validation du congé de maternité.

Cette majoration ne peut se cumuler avec la durée d’assurance prise en compte au titre de la validation de trois années lorsque celle-ci est supérieure ou égale à six mois. Elle ne s’additionne pas aux services validés pour le calcul du montant de la pension (liquidation), mais il en est tenu compte pour la mise en œuvre éventuelle de la décote ou de la surcote.

Majoration pour l’éducation d’un enfant handicapé : La loi crée, en outre, au bénéfice des fonctionnaires élevant à leur domicile un enfant de moins de 20 ans, atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 %, une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par période d’éducation de 30 mois, dans la limite de quatre trimestres.

Bonification pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2004 : Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2004, la bonification d’un an par enfant est maintenue et son bénéfice étendu aux hommes. Pour en bénéficier, les fonctionnaires doivent avoir interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret et élevé l’enfant pendant neuf ans au moins avant son 21ème anniversaire. Les difficultés de mise en œuvre de cette disposition au regard des droits précédemment ouverts au titre de ces enfants déjà nés ont conduit à des aménagements que l’on ne détaillera pas ici.

Dans le régime des professions libérales où jusque là rien n’existait, depuis la loi de 2003, des points supplémentaires peuvent être attribués aux femmes ayant accouché au cours d’une année civile d’affiliation au régime au titre du trimestre civil au cours duquel sera survenu l’accouchement ainsi qu’aux personnes ayant exercé leur activité libérale en étant atteintes d’une invalidité entraînant pour elles l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.

Au total, existent à présent :

—  des majorations de durée d’assurance attribuées automatiquement et exclusivement aux femmes au titre de l’éducation des enfants, qu’elles aient ou non interrompu leur activité ;

—  des validations accordées en cas de congé parental (ou de disponibilité, voire de temps partiel), au père ou à la mère, à condition d’avoir cessé son activité et jusqu’à concurrence de 3 ans par enfant ;

On observe que le rôle joué et la valeur attribuée à ces majorations ou validations varient selon les régimes et les types de droits (prise en compte pour l’accès au taux plein, prise en compte à divers niveaux du calcul de la pension…).

II - L’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF)

L’assurance vieillesse des mères au foyer, créée en 1972 pour les mères de famille inactives, a été étendue aux pères de famille en 1985. Elle est alors devenue l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Elle a été conçue pour garantir à la personne qui cesse ou réduit son activité professionnelle pour s’occuper d’un ou plusieurs enfants, une continuité dans la constitution des droits à la retraite. L’accès à cette assurance est conditionné par la perception de certaines prestations familiales soumises à des conditions de ressources. Pendant les périodes d’inactivité, la branche famille de la sécurité sociale cotise pour le compte des bénéficiaires à l’assurance vieillesse du régime général sur la base du SMIC. L’affiliation à l’AVPF se fait de manière automatique.

Sont affiliées obligatoirement à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale les personnes isolées bénéficiaires soit de l’allocation pour jeune enfant, soit du complément familial, soit de l’allocation parentale d’éducation, qui ont à charge au moins un enfant de moins de trois ans ou au moins deux enfants et dont les ressources ne dépassent pas le plafond de ressources qui est retenu pour l’attribution de l’allocation de rentrée scolaire.

Est également affilié celui des conjoints ou concubins n’exerçant pas d’activité professionnelle qui remplit les conditions suivantes :

—  soit avoir à charge au moins un enfant de moins de trois ans et bénéficier de l’allocation pour jeune enfant, sous réserve que les ressources du ménage ne dépassent pas le plafond de ressources qui est retenu pour l’attribution de l’allocation de rentrée scolaire ;

—  soit avoir à charge au moins trois enfants et bénéficier du complément familial, sous réserve que les ressources du ménage n’excèdent pas le plafond de ressources qui est retenu pour l’attribution du complément familial.

—  Toutefois, ne peut bénéficier de cette affiliation que le conjoint ou concubin dont les revenus propres provenant de l’exercice d’une activité professionnelle pendant l’année civile de référence n’excède pas douze fois la base mensuelle de calcul des allocations familiales.

Sont également affiliées les personnes qui assument la charge d’un enfant handicapé susceptible de bénéficier de l’allocation d’éducation spéciale (AES), ou d'un adulte handicapé pour lequel le maintien au foyer a été reconnu souhaitable par la COTOREP.

Enfin, est affilié obligatoirement le membre du couple ayant au moins deux enfants à charge qui bénéficie de l’allocation parentale d’éducation, sous réserve que les ressources du ménage n’excèdent pas un certain plafond de ressources.

L’AVPF a un double effet.

Elle permet, comme les majorations ou bonifications de durée d’assurance, d’accroître la durée d’assurance validée lorsque des trimestres manquent.

L’effet en ce qui concerne le salaire de référence est beaucoup moins net, en raison de l’allongement de la période de référence servant au calcul du salaire moyen (passage des 10 aux 25 meilleures années entre 2003 et 2008). Les trimestres validés au titre de l’AVPF le sont sur la base du SMIC. L’accroissement du nombre d’années prises en compte dans l’évaluation du salaire servant de base au calcul de la pension augmente la probabilité de voir des années d’AVPF prises en compte, ce qui pour certains parents peut faire baisser le salaire moyen servant à fixer le montant de la pension.

Selon des calculs de la CNAV, pour la génération 1933, l’écart moyen entre la pension moyenne avec et sans AVPF était de 5,2 %, mais dans cet écart, la durée d’assurance intervient pour 4,6 % et les autres facteurs seulement pour 0,6 % (Chadelat, 1997).

L’AVPF est cumulable avec les majorations et bonifications de durée d’assurance.

III - La bonification ou majoration du montant de la pension pour trois enfants

Une bonification proportionnelle à la pension est accordée dans l’ensemble des régimes aux retraités ayant eu au moins trois enfants et les ayant élevés pendant neuf ans avant leur 16ème anniversaire.

Créé en 1945 dans le régime général, cet avantage familial, qui est accordé à chacun des deux parents, s’inscrivait dans le cadre de la politique nataliste ciblée sur les familles de trois enfants et plus et visait à compenser le défaut d’épargne lié aux charges d’enfants.

Cet avantage est commun à tous les régimes à l’exception de celui des professions libérales, et il est égal à :

—  10 % du montant de la pension au régime général ;

—  5 % à l’ARRCO depuis le 1er janvier 1999 ; 10 % à l’AGIRC plus 5 % supplémentaires par enfant dans la limite de 30 % ;

—  10 % du montant de la pension dans la fonction publique, plus 5 % supplémentaires par enfant dans la limite du dernier traitement de base.

Cette bonification est non imposable.

Le coût de cette bonification est actuellement remboursé au régime général et aux régimes alignés ainsi qu’au régime des exploitants agricoles.

IV - Le départ après 15 ans de services dans la fonction publique et dans les régimes spéciaux

Les mères de familles et, depuis 2004, les pères ayant eu au moins trois enfants peuvent prendre leur retraite à tout âge après 15 ans de services dans les trois fonctions publiques (État, collectivités territoriales, hôpitaux),

Ce droit à retraite anticipé est subordonné à une condition de non activité de deux mois au moment de la naissance ou de l’adoption des enfants. Cette retraite est proportionnelle à la durée des services effectifs. Elle est susceptible d’être portée au minimum.

La mère ou le père de famille peut exercer un emploi dans le secteur privé, et le cumul de sa retraite avec un nouveau salaire est possible. Du fait de l’absence de condition d’âge, cette mesure peut bénéficier aux assurées à un moment où ils ont encore la charge, totale ou partielle, de leurs enfants.

Dans les grandes entreprises publiques ayant un régime spécial de retraite (EDF-GDF, SNCF, RATP, Banque de France…) existent des dispositifs analogues, pour l’instant encore réservés aux femmes.

V - La bonification pour conjoint à charge et la majoration pour enfant à charge

La bonification pour conjoint à charge, servie aux titulaires de pension dans un nombre limité de régimes (régime général et régimes alignés, régime des mines et des professions libérales) est accordée au titulaire d’une pension si son conjoint a plus de 65 ans, s’il ne bénéficie pas d’une pension acquise au titre de l’assurance vieillesse ou invalidité, et s’il ne dispose pas de ressources personnelles supérieures à un certain montant.

Son montant, fixé à 610 € (4 000 F) par an au maximum est gelé à ce niveau depuis 1977.

La majoration pour enfant à charge est accordée dans certains régimes aux parents qui ont encore des enfants à charge à la date de la liquidation de leur pension.

—  Une majoration de 5 % est accordée à l’ARRCO pour les périodes de carrière postérieures à 1999. Avant la fusion en 1999, des institutions de retraite complémentaires affiliés à l'ARRCO, cette majoration était de 10 % dans certains régimes. Elle est supprimée dès que l’enfant n’est plus à charge.

—  Dans le régime général, seules les personnes bénéficiant d’une pension de réversion et non titulaires d’un droit propre peuvent avoir droit à une majoration pour enfant à charge d’un montant annuel de 945 €.

Fiche sur les pensions de réversion

Les pensions de réversion sont destinées à garantir au dernier survivant du couple, qui est en général la femme, un niveau de vie correct en lui versant une fraction de la pension du conjoint.

Quatre millions de veuves et veufs bénéficient aujourd’hui d’une pension de réversion.

Le montant total des prestations de réversion servies par les régimes de retraite obligatoires représentait environ 13 % du montant total des dépenses de retraite en 2002.

Tous les régimes de retraite mettent en œuvre des systèmes de réversion, mais ils présentent de profondes disparités. On peut ainsi opposer deux types de régimes :

—  ceux qui font de cette pension une suite de la pension du décédé. Dans ce cas, le droit est acquis sans condition au veuvage. Les régimes de fonctionnaires, les régimes spéciaux et dans une certaine mesure l’ARRCO et l’AGIRC rentrent dans cette catégorie ;

—  ceux qui réservent la pension de réversion aux survivants les plus modestes.

C’est le cas du régime général qui la subordonne à des conditions d’âge et de revenus.

Pratiquement, tous les régimes fondent la pension de réversion sur le mariage9. Le mariage doit avoir eu, sauf pour l’ARRCO et l’AGIRC, une durée minimale, condition souvent supprimée lorsque des enfants en sont issus.

Depuis 1978, tous les régimes partagent la pension de réversion entre les veufs et les ex-conjoints divorcés (pour autant qu’ils ne se soient pas remariés). À l’origine, les pensions de réversion étaient réservées aux veuves, en droit (Fonctions publiques) ou en fait (régime général où la pension de réversion n’était cumulable ni avec une activité professionnelle ni avec une retraite personnelle, situations usuelles pour les hommes).

L’évolution des mœurs, la diffusion du travail féminin et la réglementation européenne expliquent que les règles d’origine aient évolué pour faire bénéficier les veufs aussi bien que les veuves du droit à pension de réversion.

Il existe, par ailleurs, dans certains régimes une possibilité de réversion au bénéfice des orphelins lorsque les deux parents sont décédés ou que le conjoint survivant ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la pension de réversion (cas des fonctions publiques).

Cependant, il existe, selon les régimes, une très grande variété tant des conditions d’ouverture du droit à la réversion (âge, ressources…), que des taux des pensions de réversion (de 50 % à 60 %) et des conditions de cumul de ces pensions avec un avantage personnel.

—  Les conditions les plus restrictives demeurent celles du régime général et des régimes alignés qui fixent une condition de ressources basse10, même si elle ne s’applique ni aux ressources provenant de la succession du conjoint, ni aux réversions des régimes complémentaires.

La loi de 2003 a supprimé dans ces régimes toute condition d’âge pour l’accès à la réversion ainsi que la règle de limitation de cumul avec un avantage personnel de retraite (la contrepartie étant que cet avantage est désormais pris en compte au titre de la condition de ressources).

Les effets de ces règles sont en partie tempérés pour les salariés du secteur privé par l’existence dans les régimes complémentaires de conditions plus souples. Le taux de la réversion de 54 % au régime général est de 60 % dans les régimes complémentaires qui n’appliquent, par ailleurs, ni conditions de ressources, ni conditions de cumul. Ces régimes permettent des attributions de pension avant 55 ans pour les personnes qui ont au moins deux enfants à charge.

—  Dans les régimes du secteur public, la réversion est ouverte sans condition d’âge ni condition de ressources, à un taux de 50 % et sans règle de cumul avec un avantage personnel de retraite, pour les femmes. Depuis la loi de 2003, elle est accordée dans ces régimes aux hommes dans des conditions identiques à celles des femmes (les conditions étaient précédemment plus restrictives).

—  Pour les professions libérales la réversion est accordée depuis la loi de 2003 dans des conditions identiques à celles du régime général. Dans les régimes complémentaires, le droit est généralement ouvert au taux de 60 % et avec une condition d’âge.

—  Pour les exploitants agricoles la réversion est accordée dans des conditions analogues à celles du régime général, notamment avec un taux de 54 %.

Cette hétérogénéité aboutit à une très grande diversité de situations. Cependant, il semble que la combinaison des différents étages de pension et des différentes règles aboutisse, en moyenne, à garantir au survivant un niveau de vie qui ne décroche pas de façon très importante de son niveau de vie antérieur au décès de l’assuré. 11

1 () COR : fiche 2007.

2 () Modèle DESTINIE de l’INSEE. Étude Bonnet Alli, COR séance du 27 février 2008.

3 () Études, recherches et statistiques de la CNAV, l’apport du minimum contributif : entre redistribution et contributivité ; juin 2008.

4 () Rapport de M. Denis Jacquat n° 3384 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Tome IV. Assurance vieillesse.

5 () CJCE, 29 novembre 2001,arrêt Griesmar.

6 () Les comportements de départ observés dans la fonction publique de l’État suite à la réforme de 2003. Minefi 2007.

7 () Rapport d’information n° 1924. Novembre 2004.

8 () La terminologie varie selon les régimes

9 () Dans certains régimes spéciaux ou complémentaires, cependant, sont parfois prises en compte des situations de concubinage, voire le PACS.

10 () 2 085 SMIC horaire pour une personne seule et 1,6 fois ce plafond pour un couple

11 () Si l’on estime, compte tenu d’un calcul par unité de consommation, que ce niveau de vie correspond à 55 %-60 % du revenu total du couple, antérieurement au décès de l’assuré.


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