N° 4015 - Rapport de M. Yanick Paternotte sur la proposition de résolution de M. Pierre Morange tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux modalités de fonctionnement, au financement ainsi qu'à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Ile-de-France et notamment la ligne A du RER (3259)




N
° 4015

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 novembre 2011

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE M. PIERRE MORANGE ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux modalités de fonctionnement, au financement ainsi qu'à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France et notamment la ligne A du RER (n° 3259).

PAR M. Yanick PATERNOTTE,

Député.

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Voir le numéro : 3259.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— LA RECEVABILITÉ JURIDIQUE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 7

II.— UNE COMMISSION D’ENQUÊTE DONT L’AMBITION EST D’ANALYSER LES MODALITÉS ET LES CONSÉQUENCES DE TOUS ORDRES D’UN PROJET D’INTÉRÊT GÉNÉRAL 8

A.— LA RÉNOVATION DU RER : UN PROJET D’INTÉRÊT GÉNÉRAL DONT L’URGENCE ET LA NÉCESSITÉ SONT INDISCUTABLES… 8

1. Un réseau dégradé du fait d’une trop longue période de sous-investissement 8

2. Un mode de transport victime de son succès et menacé de saturation 9

3. Grèves et retards : une source de souffrance pour les Franciliens 10

B.— … MAIS DONT LA MISE EN œUVRE DOIT FAIRE L’OBJET D’UN SUIVI ATTENTIF 10

1. Le juste dimensionnement du projet : un défi et une obligation 11

2. La maîtrise des coûts : une nécessité absolue 11

3. Un projet respectueux de l’environnement 12

EXAMEN EN COMMISSION 13

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION 19

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 21

MESDAMES, MESSIEURS,

La présente proposition de résolution vise à créer une commission d’enquête de trente membres dont les travaux se dérouleront dans les quelques semaines qui nous séparent de la fin de la treizième législature. L’urgence de cette démarche se justifie à plus d’un titre.

D’abord, le thème de travail proposé, analyser les modalités, le financement et l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France (RER), intéresse les onze millions de Franciliens voués à emprunter ce mode de transport, performant mais vieillissant, aujourd’hui victime de trop longues années de sous-investissements et d’un succès grandissant, les besoins de mobilité à l’échelle de la région capitale étant plus forts que jamais.

Ensuite, comme l’attestent notamment les reports successifs du débat parlementaire sur le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), la représentation nationale reste trop peu associée à la définition des grands choix stratégiques structurants qui engagent l’avenir et mobilisent l’argent du contribuable. Or le Parlement doit, en toute occasion, s’attacher à exercer la fonction de contrôle que la Constitution lui reconnaît et qu’il a, hélas, trop souvent tendance à négliger ou à déléguer à des autorités moins légitimes que lui.

Enfin, la commission d’enquête est un outil d’intervention adapté, en ce qu’elle permet, au-delà des effets d’annonce de certains responsables publics et des stratégies de communication des opérateurs, d’approfondir la connaissance des enjeux et d’obtenir des précisions fiables sur le déroulement des projets. La grande rigueur qui est d’usage dans ce cadre constitue une garantie, face à des enjeux aussi essentiels que la maîtrise des coûts ou le respect de l’environnement.

Pour l’ensemble de ces raisons, votre Rapporteur soutient sans réserve la proposition de résolution déposée à l’initiative de notre collègue Pierre Morange et vous invite à faire de même, sous réserve de l’adoption de quelques amendements d’ordre rédactionnel.

I.— LA RECEVABILITÉ JURIDIQUE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

• Le chapitre IV du Règlement de l’Assemblée nationale (articles 137 à 144-2) fixe notamment les règles habituelles d’examen des propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.

À ce titre, les propositions de résolution doivent :

– déterminer précisément les faits devant donner lieu à enquête ou les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion (article 137) ;

– ne pas avoir le même objet qu’une commission d’enquête – ou qu’une mission d’information bénéficiant des prérogatives d’une commission d’enquête – qui a rendu ses travaux dans les douze mois qui précèdent (article 138) ;

– ne pas porter sur des faits pour lesquels des poursuites judiciaires sont en cours (article 139).

Ces principes se conjuguent avec les objectifs que doivent poursuivre les commissions d’enquête en vertu de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Elles sont formées pour recueillir des éléments d’information sur :

– des faits déterminés ;

– ou la gestion des services publics ou des entreprises nationales.

• La présente proposition de résolution satisfait les exigences posées par le Règlement de l’Assemblée nationale :

– d’abord, elle porte à l’évidence sur des faits déterminés puisqu’elle tend à analyser les modalités – notamment financières – et les conséquences de tous ordres du projet de rénovation du réseau express régional (RER) d’Île-de-France. Son objectif satisfait donc aux exigences posées par l’article 137 du Règlement de l’Assemblée ;

– ensuite, elle remplit les conditions posées par l’article 138 du Règlement, puisqu’aucune commission d’enquête ou aucune mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 n’a effectué des travaux sur ce même sujet depuis douze mois ;

– enfin, la dernière condition de recevabilité d’une proposition de résolution concerne la mise en œuvre du principe de séparation entre le pouvoir législatif et l’autorité judiciaire, lequel interdit aux assemblées parlementaires d’enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Cette condition est satisfaite puisque aucune procédure en cours n’entre dans le champ d’étude proposé, ainsi que l’a indiqué par courrier, le 14 avril 2011, M. le Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, au Président de l’Assemblée nationale en réponse à la lettre qu’il lui avait envoyée le 29 mars 2011.

II.— UNE COMMISSION D’ENQUÊTE DONT L’AMBITION EST D’ANALYSER LES MODALITÉS ET LES CONSÉQUENCES DE TOUS ORDRES D’UN PROJET D’INTÉRÊT GÉNÉRAL

Du fait de la dégradation d’un réseau par ailleurs bien conçu et riche de potentialités, du risque de saturation du système – qui, à certains égards, en valide la pertinence – et de la réalité de la gêne qui en résulte pour les usagers, la nécessité de rénover le RER francilien ne fait pas débat. S’agissant d’un projet d’intérêt général, il est d’autant plus légitime que la représentation nationale s’en saisisse que les élus des territoires concernés sont quotidiennement interpellés à ce sujet.

Ouvertes en septembre dernier par la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, les « Assises du ferroviaire » mettent en évidence sans ambiguïté que les décennies d’investissements exclusivement dédiés au TGV – « l’ère du tout TGV » – ont certes doté la France d’un outil que le monde entier lui envie, mais aussi causé des dégâts considérables, tant pour les réseaux de proximité que pour le fret, au point que l’effort de rattrapage semble aujourd’hui presque hors de portée.

S’agissant du RER, un effort particulier doit être fait pour moderniser le matériel roulant, fiabiliser les infrastructures en vue de prévenir les incidents techniques qui attentent de manière répétée à la régularité des trains et conforter les efforts déjà accomplis en matière de rationalisation du service – notamment pour ce qui concerne le partage des responsabilités entre la SNCF et la RATP – et de sécurisation des voyageurs (1).

En matière de « plan(s) de financement », il conviendra que les membres de la commission d’enquête obtiennent des données précises et fiables, précisant les indicateurs à partir desquels elles ont été établies. En effet, tant l’analyse des avant-projets successifs de SNIT (novembre 2010, janvier et novembre 2011) que le contrôle de la mise en application de la loi relative au Grand Paris (2) ont montré combien il était difficile de recueillir des données précises, garanties par les opérateurs, et, parfois, simplement réalistes !

La seule ligne A du RER achemine en moyenne quotidienne un million de passagers les jours ouvrables et il a été constaté que sa fréquentation avait augmenté de 20 % entre 2003 et 2008. Il faut rappeler que cette ligne traverse 7 départements, dessert 75 communes et parcourt la région d’Île-de-France du Nord-Ouest au Sud-Est.

Si les conditions de transport ne manqueront pas d’être améliorées par la mise en service imminente de 60 nouvelles rames à deux étages de type MI 09, disposant d’une plus grande capacité et de meilleures prestations de confort, la qualité de service reste perfectible, comme l’admettait du reste le Président-directeur général de la RATP lors de sa dernière audition par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, le 22 juin 2011 (3) : « La ligne A du RER est un sujet prioritaire pour la RATP. Nous y transportons un million de passagers chaque jour, le trafic ayant augmenté de 20 % au cours des dernières années. Parvenir à transporter tout le monde à l’heure est devenu la quadrature du cercle d’autant que le STIF nous a demandé de renforcer l’offre de trains vers Cergy-Pontoise. S’il était compréhensible que cette destination ne continue pas à être desservie par des trains seulement toutes les vingt minutes dans la journée, l’intervalle aujourd'hui entre deux trains à l’intérieur du tunnel central a dû de ce fait être réduit à pratiquement deux minutes, ce qui pour des trains de très haute capacité transportant 2 000 personnes constitue un exploit sans équivalent dans le monde. Avec des incidents voyageurs constants, des suicides, des difficultés opérationnelles, assurer la régularité d’une telle ligne à 100 % est impossible. Pour autant, notre objectif est d’approcher le plus près possible ce pourcentage, ce qui implique d’énormes efforts, et d’abord, de transporter les voyageurs dans des conditions correctes. Aussi ai-je fait le choix, avec l’aide – partielle – du STIF, de réinvestir dans des trains neufs, bien que les actuels ne soient pas périmés. C’est ainsi qu’une première tranche de trains à deux étages, plus capacitaires donc, ont été commandés pour un montant de 1 milliard d’euros – dix seront mis en service avant la fin de l’année, puis deux trains par mois seront livrés. »

Lors de la présentation du bilan des débats publics conjoints sur le réseau de transport public du Grand Paris (RTPGP) et sur le projet régional « Arc Express », organisés fin 2010/début 2011 en application de la loi n°2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, le président de la Commission nationale du débat public (CNDP), M. le préfet Philippe Deslandes, n’a pas hésité à parler de « souffrance » pour qualifier la situation des Franciliens soumis à d’incessantes perturbations de transport (4), en particulier sur le réseau RER. L’urgence à améliorer la situation est donc d’autant plus grande qu’est vive la souffrance des usagers.

Du fait de l’étalement urbain qui a prévalu depuis les années 1960 et de l’explosion continue des prix de l’immobilier en centre-ville, les Franciliens sont toujours plus nombreux à devoir accomplir de longs trajets quotidiens « domicile-travail » et, dans ces conditions, le fait d’accéder à un réseau de transports en commun de qualité est désormais perçu comme un droit. Ce mouvement est du reste amplifié par l’incitation des pouvoirs publics à renoncer, autant que possible, à l’usage de la voiture individuelle, la promotion des modes les moins polluants s’étant encore amplifiée avec le Grenelle de l’environnement.

Malgré une relative stabilisation de la conflictualité sociale et une application globalement satisfaisante de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs – dite, improprement, « loi sur le service minimum » (5) –, les perturbations liées aux grèves restent une source d’anxiété pour les voyageurs, notamment parce qu’elles mettent en évidence leur dépendance à un mode de déplacement dont ils ne maîtrisent pas toutes les variables.

De la même façon, la dégradation des taux de ponctualité constitue une gêne et une source de stress, en particulier pour les salariés soumis à des horaires stricts ou, lors des trajets de retour, pour les parents de jeunes enfants accueillis en crèches ou scolarisés.

Dérive des coûts par défaut d’anticipation, mauvaise appréciation des besoins, atteintes à l’environnement, perturbations de tous ordres pendant les périodes de travaux… Les risques qui entourent un projet aussi ambitieux que la rénovation du RER ne sont pas négligeables. Aux côtés des experts, dont l’analyse est presque toujours pertinente mais parfois court-termiste ou influencée par une dilection excessive pour les techniques les plus avancées, il est donc indispensable que les responsables politiques orientent les choix et valident les modalités envisagées pour les mettre en œuvre.

Dans l’exposé des motifs présenté à l’appui de sa proposition de résolution (6), notre collègue Pierre Morange insiste avec raison sur la nécessité de bien dimensionner les opérations de rénovations aux besoins constatés, puisqu’il considère qu’il est essentiel d’évaluer de manière précise « tant la capacité d’absorption du projet de réseau d’un afflux ponctuel de voyageurs – par exemple, en cas de pannes de machines ou de grèves – que l’augmentation prévisible du trafic à trente ans, en fonction de l’accroissement prévisible du nombre d’usagers ».

Votre Rapporteur souscrit sans réserve à cette analyse. Prévoir un projet de rénovation a minima, en vue de ne résoudre que les incidents constatés au cours des dernières années et sans tenir compte des projets concurrents, ne serait pas moins coûteux à terme puisque de nouvelles opérations seraient nécessaires à brève échéance. À l’inverse, envisager un réseau surdimensionné ou un matériel roulant surcapacitaire, dans une logique de « grands travaux », semble peu réaliste au vu des contraintes qui s’exercent actuellement sur les finances publiques.

La commission d’enquête devra par conséquent porter une attention particulière aux études qui pourront lui être présentées, afin de vérifier que les solutions envisagées sont conformes aux prévisions de charge dimensionnante du réseau rénové.

Sans doute n’est-il pas besoin d’insister ici sur cet aspect essentiel du projet, l’époque ne prêtant guère à la perspective de projets pharaoniques, même dans une région aussi stratégique que l’Île-de-France.

Devant mobiliser plus de 30 milliards d’euros (7), le projet de réseau du « Grand Paris Express » présente déjà une ampleur inédite et l’on peut considérer que son exécution aura, à horizon 2020-2025, un effet très bénéfique sur les réseaux existants, plusieurs lignes – dont celles du RER – s’en trouvant « soulagées ». À titre d’exemple, il est probable que le prolongement de la ligne 14 du métro sans rupture de charge jusqu’à l’aéroport d’Orly participera du désengorgement des lignes B et C du RER.

Au-delà des données relatives à l’investissement stricto sensu, il serait souhaitable que la commission d’enquête obtienne des éclaircissements sur les charges futures de fonctionnement du réseau, ainsi que sur les perspectives de répartition des charges entre opérateurs – dont le STIF, dans un contexte d’extinction progressive du monopole de la RATP et de la SNCF.

Le réseau express régional irrigue tous les sillons de mobilité de l’Île-de-France et traverse, au long de quelque 600 kilomètres de voies, tous les territoires de la région, des plus déshérités aux plus prospères, des mieux préservés des excès de l’urbanisation aux plus denses. Si cette diversité est une richesse, votre Rapporteur considère que doit être à l’œuvre un mouvement continu de rééquilibrage et de préservation. Rééquilibrage entre les zones où le réseau déchire l’espace urbain comme une source de nuisances potentielles et celles où il s’insère harmonieusement dans son environnement. Préservation des espaces naturels et des paysages, dans un territoire déjà saturé par des décennies de surexploitation.

La commission d’enquête devra se rapprocher des bons interlocuteurs pour exprimer sa préoccupation que les projets de développement et de modernisation des réseaux de transport franciliens prennent en compte les enjeux environnementaux, tant pour ce qui concerne la préservation des milieux desservis que pour le choix de solutions techniques et d’un matériel roulant aussi peu nuisants que possible.

Lors de son audition de juin dernier par notre commission, précitée, le PDG de la RATP a précisé l’ambition environnementale de son groupe : « Pour ce qui est de l’environnement, optimiser les moyens est un réel souci pour nos ingénieurs. Nous expérimentons par exemple les LED, qui donnent satisfaction car même si l’investissement est relativement élevé au départ, cette technologie permet ensuite de faire des économies. Cependant, si les objectifs de réduction de nos consommations d’énergie qui ont été cités sont exacts, nos efforts en la matière sont souvent compensés par des demandes nouvelles de services telles que la pose de caméras de vidéoprotection pour renforcer la sécurité de nos voyageurs ou la mise en place d’un meilleur éclairage des stations puisque le confort des gens aujourd'hui passe par plus de lumière. Néanmoins, en dépit de cette contradiction entre notre souci de développement durable et ces demandes d’un confort amélioré ou d’une sécurité renforcée, nous devrions parvenir, grâce notamment au nouveau matériel ferroviaire à récupération d’énergie au freinage, au pourcentage de 15 % d’économies dont il a été fait état. »

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 30 novembre 2011, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Yanick Paternotte, la proposition de résolution de M. Pierre Morange et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d’enquête relative aux modalités de fonctionnement, au financement ainsi qu’à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France et notamment la ligne A du RER.

——fpfp——

M. le président Serge Grouard. Nous examinons cette proposition de résolution sur le rapport de notre collègue Yanick Paternotte. La conférence des présidents l’ayant inscrite à l’ordre du jour de la séance publique du 6 décembre prochain, nous sommes tenus de travailler dans des délais restreints et je le remercie par conséquent d’avoir accepté cette mission. Aux termes de l’article 140 du Règlement, il nous revient notamment de vérifier que les conditions requises pour la création d’une commission d’enquête sont réunies et de nous prononcer sur son opportunité.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Présentée par notre collègue Pierre Morange et plusieurs de nos collègues au printemps dernier, la présente proposition de résolution vise à créer une commission d’enquête de trente membres dont les travaux se dérouleront dans les semaines qui nous séparent de la fin de la législature. L’urgence de cette démarche se justifie à plus d’un titre.

D’abord, le thème de travail proposé, analyser les modalités, le financement et l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France (RER), intéresse tous les Franciliens voués à emprunter ses différentes lignes. Pour utiliser personnellement ce mode de transport, je puis témoigner qu’il est aujourd’hui victime de trop longues années de sous-investissements et de son succès grandissant, les besoins de mobilité à l’échelle de la région capitale étant plus forts que jamais.

Ensuite, comme l’attestent notamment les reports successifs du débat parlementaire sur le schéma national des infrastructures de transport (SNIT), la représentation nationale reste trop peu associée à la définition des grands choix stratégiques structurants qui engagent l’avenir et mobilisent l’argent du contribuable. Or le Parlement doit, en toute occasion, s’attacher à exercer la fonction de contrôle que lui reconnaît la Constitution.

Enfin, la commission d’enquête est un outil d’intervention adapté, en ce qu’elle permet d’approfondir la connaissance des enjeux et d’obtenir des précisions fiables sur le déroulement des projets. Comme j’ai pu le constater en tant que Rapporteur de la commission d’enquête sur la situation de l’industrie ferroviaire, créée à l’initiative de nos collègues du groupe GDR, la grande rigueur qui est d’usage dans ce cadre constitue une garantie.

Il est de ma responsabilité de vous indiquer que la présente proposition de résolution satisfait les exigences posées par le Règlement de l’Assemblée nationale.

D’abord, elle porte sur des faits déterminés, puisqu’elle tend à analyser les modalités – notamment financières – et les conséquences de tous ordres du projet de rénovation du RER. Son objectif satisfait donc aux principes posés par l’article 137 du Règlement de l’Assemblée. Créé dans la dynamique du plan Delouvrier et des villes nouvelles, le RER a pâti d’une forme de télescopage avec le choix d’investir massivement dans le réseau de trains à grande vitesse. Le RER est désormais à bout de souffle et il a atteint les limites de son efficacité. Je souscris donc pleinement à l’idée d’analyser dans le détail ces différents éléments.

Ensuite, elle remplit les conditions posées par l’article 138, puisqu’aucune commission d’enquête ou aucune mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 n’a effectué des travaux sur ce même sujet depuis douze mois.

Enfin, la dernière condition de recevabilité d’une proposition de résolution concerne la mise en œuvre du principe de séparation entre le pouvoir législatif et l’autorité judiciaire, lequel interdit aux assemblées parlementaires d’enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Cette condition est satisfaite puisque aucune procédure en cours n’entre dans le champ d’étude proposé, ainsi que l’a indiqué par courrier, le 14 avril 2011, M. le Garde des sceaux au Président de l’Assemblée nationale, en réponse sa lettre du 29 mars 2011.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de résolution fait un zoom sur la ligne A. Je défendrai un amendement tendant à ce que la commission d’enquête s’intéresse à l’ensemble du réseau express régional. Par définition, lorsqu’une maille du réseau ne fonctionne pas, cela peut avoir un « effet papillon » en un point situé à l’autre bout. Sur la ligne D, un amas de feuilles à Malesherbes, dans le Sud de l’Île-de-France, peut causer des perturbations dans le sud du département de l’Oise, avec des effets de rabattement sur l’ensemble des lignes interconnectées. Avec l’accord de Pierre Morange, je juge donc préférable que la commission d’enquête considère l’ensemble du réseau. Une attention particulière devra être portée au financement des projets de rénovation, ainsi qu’aux difficultés nées de la gestion conjointe par la SNCF et la RATP, même si certains problèmes statutaires ou de différentiel de voltage ont déjà été réglés.

Ce qui est frappant lorsque l’on discute avec les opérateurs du système RER, c’est que chacun a sa solution, mais avec des chiffrages qui peuvent être très différents. Les montages actuels ne sont pas toujours convaincants. Ainsi, les 500 millions d’euros du plan de mobilisation prévus pour les lignes B et D ne sont guère réalistes alors que beaucoup préconisent le doublement du tunnel du Châtelet, dont le coût est évalué à 2 milliards.

Enfin, l’interconnexion doit-elle être maintenue à tout prix alors que se profilent le Grand Paris Express et l’automatisation de plusieurs lignes de métro ? À titre personnel, je me demande s’il ne faudrait pas privilégier les solutions qui permettent, une fois arrivé dans Paris, de profiter de la fluidité de l’ensemble du réseau car chacun sait que personne ne parcourt une ligne du RER de bout en bout.

M. Yves Albarello. Je reste assez dubitatif quant à la nécessité de créer aujourd’hui une commission d’enquête sur le fonctionnement de la ligne A du RER. Quitte à créer une commission d’enquête, autant qu’elle porte sur l’ensemble du réseau !

M. Yanick Paternotte, rapporteur. C’est l’objet de mon premier amendement.

M. Yves Albarello. La semaine dernière, avec Annick Lepetit, nous avons présenté à la commission notre rapport d’information sur la mise en application de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, l’une de nos principales préconisations portant sur la création d’un comité de suivi sur le Grand Paris au sein de notre commission. Ce texte a mis en évidence les dysfonctionnements du réseau, le législateur ayant clairement exprimé sa volonté que le projet du Grand Paris contribue à y remédier. Puis est intervenu l’accord « historique » entre l’État et la région d’Île-de-France, lequel prend acte d’un accord général sur la nécessité de moderniser le réseau. Cette dynamique a « boosté » le volet transport du Grand Paris.

S’agissant du RER, la dualité de gestion entre la SNCF et la RATP ne facilite pas les choses. J’ai accueilli récemment dans ma circonscription le numéro deux de la SNCF et je lui ai fait remarquer que les usagers de la ligne B étaient frustrés de voir stationner sur les voies des rames neuves pas encore mises en service. La modernisation de la ligne B, qui devait être achevée en janvier prochain, prend du retard et ne devrait l’être finalement qu’en septembre 2012. Si l’on y ajoute les bouleversements liés aux changements d’horaires du mois prochain, je vous laisse imaginer les réactions de la population !

Je pose donc la question : à quelques mois des élections, est-il nécessaire de mettre en place cette commission d’enquête ? Pour ma part, je n’en suis pas convaincu.

Mme Annick Lepetit. Je partage les réserves d’Yves Albarello. Il serait pour le moins disproportionné de créer une commission d’enquête pour la seule ligne A du RER, dont on sait de longue date qu’elle fonctionne mal. C’est du reste pour cette raison qu’a été décidé le renouvellement des rames, qui, s’il ne résoudra pas tout, va améliorer la situation. La première rame neuve sera mise en service le mois prochain.

Pourquoi la représentation nationale ne s’est-elle pas penchée sur ce problème avant la fin de la législature ? Est-ce le moment de le faire, alors que vont être mises en service des rames permettant d’accueillir, dans de meilleures conditions, 2 600 voyageurs au lieu de 1 700 ? Est-ce bien utile alors que nous savons déjà que le réseau est saturé et qu’il faut diversifier l’offre de transport ? C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le président de la région et les huit présidents de conseils généraux d’Île-de-France avaient présenté à M. Jean-Louis Borloo dès 2008 – soit bien avant que l’on ne parle du Grand Paris – un plan d’urgence et de mobilisation pour les transports.

Au moment de la décentralisation du STIF, les administrateurs unanimes avaient demandé un état des lieux du réseau. Las, il n’a pas été fait à l’époque. Est-il encore nécessaire aujourd’hui après que les travaux conjoints du STIF et du législateur dans le cadre de la loi relative au Grand Paris ont permis de dégager un consensus sur l’urgence à le rénover ?

L’exposé des motifs de la proposition de résolution contient un certain nombre d’erreurs. Alors que la région n’est aux commandes que depuis 2006, il est pour le moins abusif d’écrire que l’État et la région « se renvoient la balle » depuis vingt ans ! De même, les données relatives au financement des rames ne sont pas exactes.

J’appelle en outre l’attention sur une difficulté, non imputable aux collectivités, liée à l’augmentation systématique des coûts du matériel roulant. S’agissant des nouvelles rames du RER A, nous avions raisonné sur un coût unitaire de 10 millions d’euros et l’on va finalement nous présenter une facture à 15 millions pièce ! Or les commandes sont passées aux constructeurs par le biais de la RATP. Et je sais qu’Yves Albarello se souvient de l’amendement que nous avions présenté dans la loi Grand Paris afin que les plus gros contributeurs au budget du STIF reviennent dans le conseil d’administration de la RATP et de la SNCF. Si les lois de décentralisation de 2004 voulues par M. Raffarin ont permis une avancée en confiant plus d’autonomie aux collectivités dans le domaine des transports, force est de reconnaître qu’elles ont écarté les élus des conseils d’administration des grandes entreprises publiques de transport : nous aurions une meilleure maîtrise des factures présentées au STIF – souvent augmentées de 20 % à 25 % – si nous étions mieux représentés dans ces conseils.

Le rapporteur parle aujourd’hui urgence. La même urgence avait été proclamée sur le projet de loi relatif au Grand Paris… juste avant les élections régionales. Là, on invoque l’urgence à quelques mois d’élections nationales… S’il me semble urgent de constituer un comité de suivi sur le Grand Paris, dans la mesure où les parlementaires sont concernés au premier chef par l’application de la loi, il n’en va pas de même de la présente commission d’enquête. Ne serait-il pas suffisant de demander au président du STIF de constituer un groupe de travail sur le fonctionnement du RER, à l’heure où la mise en service des nouvelles rames permet d’espérer une amélioration globale de la qualité du service ?

M. Pierre Morange. Monsieur le président, je souhaite tout d’abord remercier votre commission d’avoir bien voulu examiner cette proposition de résolution. Bien entendu, son objet vise l’ensemble du RER et non la seule ligne A, que je n’ai citée qu’en forme de clin d’œil, y étant, vous l’aurez compris, particulièrement attentif.

Je tiens aussi à rappeler la chronologie : la proposition de résolution a été déposée au premier trimestre de cette année et seul l’embouteillage du calendrier parlementaire explique que nous n’en débattions que maintenant. Si nous avons privilégié la voie de la commission d’enquête, c’est parce qu’elle donne la capacité de vérifier sur pièces et sur place les allégations qui nous sont faites. Or, comme a eu raison de le souligner Mme Lepetit, cela est d’autant plus précieux qu’est grand le risque de dérapage budgétaire attaché à de telles opérations.

Enfin, je note que le président de la région d’Île-de-France s’est lui-même récemment ému de la dégradation de la qualité du service compte tenu des moyens qui lui sont affectés. Le diagnostic fait désormais consensus et il n’est donc que temps d’entamer la thérapie.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Pierre Morange a eu raison de rappeler que cette proposition de résolution avait été déposée il y a déjà plusieurs mois : elle ne nous prend donc pas à l’improviste.

Le premier de mes amendements tend à gommer la référence à la ligne A et je note que tout le monde s’accorde sur le fait que la commission d’enquête devra se préoccuper de l’ensemble du réseau. Par définition, un réseau doit être appréhendé dans sa totalité car il suffit d’une embolie en un point déterminé pour que tout son fonctionnement s’en trouve affecté.

J’ai bien entendu l’argument d’Annick Lepetit sur le fait que nombre d’experts s’étaient déjà saisis de la question. Puis-je cependant lui faire observer que la commission d’enquête présente l’avantage de libérer la parole des « sachants », qui ne tiennent pas toujours le même discours selon l’interlocuteur auquel ils s’adressent ? De par leur caractère pluraliste, les commissions d’enquête recueillent souvent des informations intéressantes qui n’auraient pas filtré autrement. Et il est alors frappant de constater que toutes les familles politiques sont capables de s’accorder sur des idées force qui n’auraient pas émergé dans un autre contexte. Je soutiens donc sans réserve la proposition de création de cette commission d’enquête, ne serait-ce que pour dissiper le soupçon qu’« on ne nous dit pas tout »…

M. le président Serge Grouard. Nous en venons à l’examen des amendements.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, l’amendement CD 1 vise à réécrire le premier alinéa de la proposition de résolution en vue de préciser que la commission d’enquête devra s’intéresser à l’ensemble du réseau RER d’Île-de-France, ainsi qu’à toutes les composantes du projet de rénovation.

M. Jean-Paul Chanteguet. Le groupe SRC s’abstiendra sur l’ensemble des amendements.

La Commission adopte l’amendement CD 1, ainsi que les amendements rédactionnels CD 2, CD 3, CD 4, CD5, CD 6 et CD 7.

M. Yves Albarello. Je m’abstiendrai sur le vote d’ensemble.

Puis la Commission adopte la proposition de résolution ainsi modifiée, le groupe SRC votant contre.

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Titre

Proposition de résolution tendant à créer une commission denquête
relative aux modalités, au financement et à l
impact sur lenvironnement
du projet de rénovation du réseau express régional d
Île-de-France

Article unique

Conformément aux articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres relative aux modalités, au financement et à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France.

Elle devra notamment :

– analyser les causes des dysfonctionnements observés et les mesures prévues pour y remédier, tant sur le plan humain que technique et financier, ainsi que les délais de leur mise en œuvre ; la trame du plan d’urgence visant à faire face aux situations extrêmes, ainsi que l’ensemble des procédures de sécurisation préconisées pour la prévention des risques de vandalisme ;

– analyser les conséquences du projet sur l’environnement.

Les enseignements tirés de ses investigations devront permettre de formuler des propositions pour l’avenir de la gestion du réseau.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CD 1 présenté par M. Yanick Paternotte, rapporteur au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Article unique

I. Rédiger ainsi l’alinéa 1 :

« Conformément aux articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres relative aux modalités, au financement et à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France.»

II. En conséquence, modifier ainsi l’intitulé de la proposition de résolution :

Proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête relative aux modalités, au financement et à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation du réseau express régional d’Île-de-France.

Amendement CD 2 présenté par M. Yanick Paternotte, rapporteur au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Article unique

À l’alinéa 3, substituer au mot : « suggérées », le mot : « prévues ».

Amendement CD 3 présenté par M. Yanick Paternotte, rapporteur au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Article unique

À l’alinéa 3, substituer au mot : « mises », les mots : « leur mise ».

Amendement CD 4 présenté par M. Yanick Paternotte, rapporteur au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Article unique

À l’alinéa 3, supprimer le mot : « proposée ».

Amendement CD 5 présenté par M. Yanick Paternotte, rapporteur au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Article unique

À l’alinéa 3, substituer au mot : « conséquences », le mot : « situations ».

Amendement CD 6 présenté par M. Yanick Paternotte, rapporteur au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Article unique

À l’alinéa 4 supprimer les mots : « l’impact et ».

Amendement CD 7 présenté par M. Yanick Paternotte, rapporteur au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Article unique

À l’alinéa 5, supprimer les mots : « Les observations et ».

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