Texte adopté n° 145 - Projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes



TEXTE ADOPTÉ n° 145

« Petite loi »

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

15 mai 2008


PROJET DE LOI

ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
EN PREMIÈRE LECTURE,

relatif à la protection du secret des sources des journalistes.

L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi dont la teneur suit :


Voir les numéros : 735 et 771.

Article 1er

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

1° L’article 2 devient l’article 3 ;

2° L’article 2 est ainsi rétabli :

« Art. 2. – Le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général.

« Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret qu’à titre exceptionnel et lorsqu’un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie. Au cours d’une procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte que si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

« Est considérée comme journaliste, au sens du premier alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public. » ;

3° (nouveau) L’article 35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, les pièces d’une procédure pénale couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction si elles sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. »

Article 2

L’article 56-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 56-2. – Les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels, ou au domicile d’un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat. Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l’article 57. Aucune saisie ne peut concerner des documents relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans cette décision. Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité. Le magistrat et la personne présente en application de l’article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie. 

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste. Il veille à ce qu’elles ne portent pas atteinte de façon disproportionnée, au regard de la nature et de la gravité de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse  et qu’elles ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas de retard injustifiés à la diffusion de l’information.

« La personne présente lors de la perquisition en application de l’article 57 du présent code peut s’opposer à la saisie d’un document ou du matériel de toute nature utilisé, dans l’exercice de ses fonctions, par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations, à laquelle le magistrat a l’intention de procéder si elle estime que cette saisie serait irrégulière au regard de l’alinéa précédent. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal mentionnant les objections de la personne, qui n’est pas joint au dossier de la procédure. Si d’autres documents ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l’article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l’original ou une copie du dossier de la procédure.

« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.

« À cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que la personne en présence de qui la perquisition a été effectuée. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes. Si le journaliste chez qui la perquisition a été réalisée n’était pas présent lorsque celle-ci a été effectuée, notamment s’il a été fait application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 57, le journaliste peut se présenter devant le juge des libertés et de la détention pour être entendu par ce magistrat et assister, si elle a lieu, à l’ouverture du scellé.

« S’il estime qu’il n’y a pas lieu à saisir le document, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.

« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n’exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l’instruction. »

Article 3

I. – L’article 326 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine. »

II. – L’article 437 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine. »

Article 3 bis (nouveau)

I. – L’article 60-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

II. – Les articles 77-1-1 et 99-3 du même code sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du dernier alinéa de l’article 60-1 sont également applicables. »

Article 3 ter (nouveau)

L’article 100-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

Article 4

La présente loi est applicable sur tout le territoire de la République française.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 15 mai 2008.

Le Président, Signé : Bernard ACCOYER


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