N° 254 tome III - Avis de M. Hervé Gaymard sur le projet de loi de finances pour 2013 (n°235)



N
° 254

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME III

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

PAR M. Hervé GAYMARD

Député

——

Voir le numéro 251 (annexe n° 5).

.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UN ÉTAT DES LIEUX À L’APPROCHE DE L’ÉCHÉANCE DE 2015 9

A. L’APD de la France : une politique publique aujourd'hui passée au crible 9

1. Les analyses de la Cour des comptes et du bilan évaluatif 9

a. Le rapport de la Cour des comptes 9

b. Le bilan évaluatif : douze ans de coopération sous la loupe 11

2. Des critiques qui ne surprennent pas 12

a. L’évaluation par les pairs du CAD de l'OCDE avait ouvert la voie en 2008 12

b. De son côté, la représentation nationale ne dit pas autre chose 13

3. La prise en compte des recommandations par le gouvernement 15

a. La publication du document cadre en 2010 15

b. L’appréciation par le gouvernement des critiques formulées aujourd'hui et le chantier de l’adéquation de notre dispositif 16

B. L’APD mondiale à la croisée des chemins 18

1. La réflexion internationale engagée sur le post-2015 18

a. L’évolution des problématiques : dépasser les OMD 18

b. La problématique de l’efficacité de l’aide au cœur de la réflexion tant de la communauté internationale que de la France 22

2. Les effets de la crise sur le respect des engagements internationaux 23

a. L'APD désormais orientée à la baisse… 23

b. … alors que les besoins de financements sont croissants 25

c. La gageure du taux de 0,7 % d’APD : un rapide état de la question au plan international 25

II. LES CRÉDITS DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 29

A. Quelques considérations préalables sur des thématiques transversales 29

1. Une APD de 0,7 % : vers la fin d’un mythe également hors d’atteinte pour la France ? 29

a. Des données incertaines et des documents budgétaires qui n’aident pas à analyser le budget 29

b. Saura-t-on enfin dire nos limites ? 31

c. Une inflexion opportune 33

2. La taxe sur les transactions financières et ses perspectives 34

a. Bref retour en arrière sur les prémices 34

b. Le champ des engagements 35

c. La taxe sur les transactions financières instaurée en 2012 36

d. Une disposition opportune, cependant loin des engagements présidentiels 37

e. Et au-delà de ce premier pas ? 38

3. Les effets du cadrage, considérations générales 39

B. Les crédits du programme 110 : « aide économique et financière au développement » 40

1. Les crédits de l’action n° 1 : « Aide économique et financière multilatérale » 41

2. Les crédits consacrés à l’aide économique et financière bilatérale : l’action n° 2 44

3. Le traitement de la dette des pays pauvres : les crédits de l’action n° 3 48

C. Les crédits du programme 209 : la solidarité envers les pays les plus pauvres 49

1. Le panorama général 49

2. L’action n° 2 : la coopération bilatérale 51

a. Généralités 51

b. La tendance à la baisse des subventions 53

3. L’action n° 5 : la coopération multilatérale 57

a. Les contributions volontaires au système des Nations Unies 57

b. La francophonie 58

c. Le Fonds mondial 59

4. Les crédits consacrés à la coopération communautaire : l’action n° 7 62

a. Le regard porté sur la politique européenne de développement 62

b. Les crédits demandés pour 2013 64

c. Les perspectives 66

5. Les dépenses de personnel concourant au programme 209 (action n° 8) 67

6. L’action n° 9 : les crédits proposés pour le codéveloppement 68

CONCLUSION 71

EXAMEN EN COMMISSION 73

ANNEXES 91

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En 2013, avec 9,826 milliards d’Euros, la France consacrera 0,46 % de son Revenu National Brut à l’Aide Publique au Développement (1). Cela en fait le deuxième donateur en termes d’effort relatif parmi les membres du G7 après le Royaume-Uni, et le quatrième en valeur absolue. C’est une stabilisation de son effort, après un accroissement de 50 % depuis 2002. Mais nous sommes loin de l’objectif de 0,7 % pour 2015, fixé dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement, dont la satisfaction supposerait un effort budgétaire annuel supplémentaire de 3 milliards d’euros. La question se pose d’ailleurs, et pas seulement pour la France, de savoir si l’on doit continuer d’afficher un objectif que l’on sait inatteignable.

On ne peut évidemment se limiter à la sécheresse de ces chiffres, par ailleurs toujours sujets à caution selon que l’on retient un périmètre plus ou moins large, même sous le contrôle statistique vigilant du Comité d’Aide au Développement de l’OCDE. On le doit d’autant moins qu’il faut s’affranchir d’une certaine paresse de la pensée, pour refonder une politique d’aide et de partenariat pour le développement, enjeu des discussions pour construire l’après 2015. Ce premier avis budgétaire de la législature n’a pas l’ambition d’embrasser l’ensemble des aspects d’un sujet complexe. Mais il convient néanmoins de poser les problèmes et d’en caractériser le contexte.

L’aide, en effet, n’est qu’un des éléments des politiques de développement. Certains estiment même qu’elle est obsolète, car elle a été conçue et mise en œuvre au lendemain des indépendances des pays africains, dans un monde radicalement différent d’aujourd’hui, marqué par une certaine forme de « dédommagement post-colonial », par la guerre froide et les luttes d’influences, dans lequel la gestion de la raréfaction des ressources de la planète, la prise en compte des « biens publics mondiaux » ne se posait pas.

Elle ne peut être évidemment appréciée sans considérer d’autres politiques majeures pour le destin des Nations, rarement reliées dans une approche globale :

- Les effets des négociations commerciales multilatérales ou régionales, à un moment où l’on ne peut que déplorer l’échec de ce qui devait être le « cycle du développement » de Doha, ainsi que des Accords de Partenariat Economique entre l’Union Européenne et les pays d’Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (2). Une analyse sans concession de ces échecs doit être conduite pour enclencher à nouveau un cercle vertueux.

- Les flux financiers engendrés par les remises des expatriés, qui soulignent la pertinence de la démarche de codéveloppement dans la gestion des flux migratoires, lesquels sont d’ailleurs loin d’être seulement dirigés vers les pays développés.

- Les politiques fiscales : il faut assister les pays en développement dans la construction de systèmes fiscaux modernes, gages de l’édification de structures étatiques indispensables, et traiter la question de la localisation de la taxation des centres de profit des grandes entreprises mondiales.

- La variabilité du cours des matières premières : inscrite au programme du G20, cette question, déjà à l’agenda des années 1970, avec les travaux de la CNUCED et des initiatives de la CEE (CNUCED, SYSMIN) doit être revisitée, en relation avec la question des produits dérivés spéculatifs sur les matières premières.

- La question toujours posée, jamais résolue, de la mécanique des monnaies : sans naïveté ni irénisme, il faut toujours réaffirmer que les variations d’une monnaie nationale dominante, le Dollar, dans laquelle sont libellés la plupart des produits sur le marché mondial, peuvent ruiner en quelques semaines de longs effort de développement. Et ne jamais renoncer à proposer la création d’un nouveau système monétaire international, quarante ans après l’unilatéralisme de la décision des Etats-Unis du 15 août 1971 de suspendre la convertibilité de leur monnaie, devenant ainsi « le problème du monde ».

Il faut espérer que le foisonnement des réflexions sur l’Agenda post-2015, ainsi que les chantiers ouverts lors de la présidence française du G20, permettront de retenir enfin cette approche globale qui a toujours fait défaut.

Mais sur la question de l’aide elle-même, il convient également de revisiter un certain nombre de débats convenus :

- La question de l’efficacité et de l’évaluation de l’aide est centrale : comme le souligne justement le Ministre du Développement, la question ne doit pas être « combien je donne ? » mais « à quoi cela a-t-il servi concrètement » ?

- Aide projet ou aide budgétaire ? L’aide projet a toujours été préférée à l’aide budgétaire. Certains acteurs du développement estiment néanmoins qu’une aide budgétaire ciblée, non détournée, peut être utile pour consolider les systèmes étatiques, alors que l’aide projet n’est pas toujours exempte de tout reproche.

- Dons ou prêts ? Il convient d’être pragmatique dans l’utilisation des deux instruments dont le dosage peut être vertueux.

- Aide projet ou coopération technique ? La France a considérablement réduite la voilure de son aide technique humaine en Afrique, au point d’être aujourd’hui très loin derrière l’Allemagne. Il convient sans doute de redéfinir et dynamiser notre politique en la matière (3).

- Aide bilatérale ou multilatérale ? Cette question recouvre plusieurs aspects, parfois difficiles à concilier dans un cadre budgétaire contraint. Il faut évidemment renforcer notre capacité d’action bilatérale, notamment au profit de l’Afrique Sub-Saharienne, d’autant que notre opérateur, l’Agence Française de Développement, y jouit d’un savoir-faire et d’une visibilité éprouvés. Mais il faut être conscient que c’est notre rang de contributeur dans les institutions de Bretton-Woods qui seul nous permet de faire entendre nos priorités et notre vision du développement. Il serait donc hasardeux de se résoudre à n’en être qu’un comparse, qui payerait sans pouvoir agir. Deux questions doivent être néanmoins posées : celle du volume que l’on consacre aux fonds verticaux, le Fonds mondial de lutte contre le sida en premier lieu, par rapport aux fonds globaux ; celle du Fonds Européen de Développement, autour des questions sur son efficience, sa budgétisation, et son articulation avec les autres politiques communautaires, commerciale et agricole notamment.

- Quel avenir pour les financements innovants ? La taxe de solidarité sur les billets d’avion, dont l’initiative revient aux Présidents Chirac et Lula da Silva, fort décriée à l’origine, est aujourd’hui adoptée par huit pays hormis la France (4), pour un rendement global de quelque 250 millions d’euros, dont les trois-quarts, plus de 190 millions d’euros, sont collectés par la France. La taxe sur les transactions financières, adoptée par le parlement français en mars 2012, doit faire école sur le plan européen et mondial. Le Président de la République a annoncé que 10 % de son produit seraient affectés en 2015 à la politique d’aide au développement, au terme d’une montée en puissance au cours des deux exercices budgétaires précédents. La proportion est moindre que ce qu’avaient anticipé les acteurs du développement, qui ne cachent pas leur déception. Il conviendra d’examiner si ces financements innovants doivent alimenter des budgets globaux (nationaux, européens ou mondiaux) ou des fonds verticaux dédiés ; si ce sont des financements additionnels, comme il avait été envisagé à l’origine, ou qui se substituent, au moins partiellement, à des fonds budgétaires en diminution compte tenu de la crise des finances publiques qui touche tous les pays.

Cette transition s’effectue dans un contexte particulier. La politique française d’aide au développement est sous revue. Le rapport de la Cour des Comptes de juin 2012 est fort critique : des objectifs affichés peu réalistes ; une organisation tripartite mal articulée ; une mesure des effets à améliorer ; une panoplie d’aides à mieux utiliser. Un bilan évaluatif de la politique française d’aide au développement depuis la réforme de 1998 est par ailleurs en cours, et devrait être disponible dans les prochains mois. Une nouvelle « revue des pairs » de l’OCDE, après celle de 2008, est engagée. Par ailleurs, le Ministre délégué au développement vient de lancer un ambitieux chantier dans le cadre des Assises du Développement, qui devrait aboutir au printemps 2013 à une redéfinition de notre politique.

Ce projet de budget est donc un budget de transition. L’adopter est donc un encouragement à mieux recentrer notre politique en faveur de l’Afrique, à mieux l’évaluer, et à lui donner une nouvelle ambition, car personne ne comprendrait que la France ne soit pas imaginative et solidaire dans ce nouveau cours du développement.

I. UN ÉTAT DES LIEUX À L’APPROCHE DE L’ÉCHÉANCE DE 2015

A. L’APD DE LA FRANCE : UNE POLITIQUE PUBLIQUE AUJOURD'HUI PASSÉE AU CRIBLE

Deux études importantes ont été effectuées récemment, qui portent un regard critique sur notre politique d’aide au développement. La première, de la Cour des comptes, la seconde à la demande du MAEE, du MINEFI et de l'AFD, qui ont missionné l’agence Ernst & Young pour effectuer un « bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010 ». Cette étude n’est pas encore publiée, mais elle a d'ores et déjà fait l’objet de communications publiques, notamment lors d’une table ronde au Sénat, qui autorisent à rendre compte de ses conclusions qui confirment celles des analyses antérieures.

A quelques mois de la prochaine évaluation par les pairs du CAD de l'OCDE, il apparaît que la politique française de coopération est donc plus que jamais sous revue.

1. Les analyses de la Cour des comptes et du bilan évaluatif

La Cour des comptes a rendu en juin dernier un rapport public thématique sur la politique française d’aide au développement (5) dont la tonalité, pour critique qu’elle soit, ne saurait cependant surprendre. Sous la précédente législature, les travaux de notre Commission des affaires étrangères notamment, tout comme ceux de nos collègues du Sénat, avaient d'ores et déjà mis l’accent sur un certain nombre de points que les magistrats relèvent à leur tour.

Les intitulés des quatre chapitres donnent la mesure : Chapitre I : « Des objectifs affichés peu réalistes » ; chapitre II : « Une organisation tripartite mal articulée » ; chapitre III : « Une mesure des effets à améliorer » ; chapitre IV : « Une panoplie d’aides à mieux utiliser ». On a connu accroches moins sévères.

La Cour des comptes questionne tout d'abord les instruments de mesure de l’APD tels qu’ils ont été définis par le CAD de l'OCDE en 1969, qui, selon elle, traduisent surtout l’effort financier des donateurs plus que les ressources effectivement transférées chez les bénéficiaires, sans prendre suffisamment en compte la complexité de l’aide. Il en résulte un agrégat sujet à controverses en ce qu’il inclut des dépenses ne correspondant pas à des transferts réels de ressources tout en excluant certaines autres, telles les dépenses fiscales, qui pourraient y figurer. Cet état de fait a notamment pour conséquence des pratiques variables de déclaration au CAD par chacun des donateurs qui rendent les comparaisons malaisées, les uns déclarant leurs dépenses d’accueil d’étudiants étrangers, telles la France et l’Allemagne, quand d’autres s’y refusent, tels le Danemark ou les Pays-Bas ; les uns, comme la France, déclarant les dépenses relatives aux réfugiés, à la différence de ce que font le Royaume-Uni ou le Luxembourg. Dans le même ordre d'idées, d’autres questions se posent également quant à l’ampleur de la comptabilisation de certains postes comme le montant des annulations de dettes en faveur de pays en voie de développement, ou au degré de concessionnalité des prêts consentis. Un autre indicateur de l’effort d'APD serait par conséquent souhaitable aux yeux de la Cour.

C’est sur cette toile de fond que l’aide française a fortement augmenté, notamment portée par d’importantes annulations de dettes. La structure des modalités de financements rend difficile la prévisibilité de l’aide française, qui apparaît fluctuante. Elle est aussi nettement en-deçà des engagements qui ont été formulés et, contexte budgétaire oblige, atteindre un niveau de 0,7 % de RNB supposerait un effort supplémentaire de quelque 9 Md€, soit une progression de 20 % par an sur 4 ans, difficilement envisageable aujourd'hui.

L'APD de la France souffre en outre de chercher à poursuivre des objectifs trop nombreux et insuffisamment hiérarchisés, à la différence de ce que l’on constate chez plusieurs partenaires étrangers. Ce n’est que très récemment que la France a commencé à formaliser des documents stratégiques, vis-à-vis de la Banque mondiale ou de l’UE. Un certain nombre d’objectifs sont priorisés - lutte contre la pauvreté, soutien de la croissance, protection des biens publics mondiaux et prévention des crises et des conflits -, des leviers d'action sont définis, mais le pilotage, même facilité, reste complexe. Des instruments doivent être repensés pour gagner en cohérence avec les priorités et les moyens de la politique.

Au plan géographique, les tentatives de concentration mises en œuvre ces dernières années déçoivent quelque peu : l’aide reste destinée à un trop grand nombre de bénéficiaires, souvent partenaires traditionnels de la France, auxquels se sont joints de grands pays émergents - Chine, Indonésie, Maroc, etc. - plutôt que les pays pauvres qualifiés de prioritaires. De nouvelles approches ont été définies en 2009, mais « malgré les affirmations répétées, l'aide au développement peine à se concentrer sur la zone qui en a le plus besoin : l'Afrique sub-saharienne », cependant que la concentration sectorielle de l’aide sur les thèmes sociaux, comme la santé, se heurte à l’utilisation du prêt comme modalité croissante d’intervention.

La Cour des comptes relève ensuite un certain nombre de déficiences au niveau du pilotage de la politique d’aide au développement et se livre à une comparaison internationale pour souligner que le modèle français, marqué par un bicéphalisme plus historique que fonctionnel, est complexe, coûteux et peu adapté, que ce soit dans ses aspects stratégiques ou budgétaires, d’autant plus que ses instances de coordination ne fonctionnent que très épisodiquement. En outre, le poids croissant que l'opérateur principal, l'AFD, a pris dans le système n’a pas contribué à ce que ses deux tutelles exercent leur rôle de façon cohérente.

Il résulte de ces aspects conjugués que le dispositif français se révèle difficile à appréhender en ce qui concerne son efficacité réelle sur le terrain, et la Cour souligne que l’on peine à mesurer l’impact de l’effort. Avant de formuler un certain nombre de recommandations, le rapport s’achève par une analyse détaillée des canaux multilatéraux et bilatéraux et des différents instruments utilisés. Il se penche sur les effets d’une insertion croissante dans les mécanismes multilatéraux et les déséquilibres constatés pour conclure que cette « panoplie d’aide » pourrait être mieux utilisée.

De son côté, le bilan évaluatif de la politique française de coopération a eu pour objectif de dresser, de manière rétrospective, un panorama de la politique de coopération au développement de la France depuis le début de la réforme de 1998, à partir de l’inventaire des stratégies, des réformes institutionnelles, des instruments et du dispositif de suivi et d’évaluation des résultats au cours des douze dernières années. Il s’agissait de porter une appréciation sur la politique actuelle de coopération au développement et d’évaluer la cohérence, l’efficacité et l’efficience de son dispositif de mise en œuvre et de ses instruments pour permettre, de manière prospective, de dégager des recommandations visant à optimiser les résultats de la politique de coopération telle que définie dans le Document Cadre de la Coopération française au Développement. En d'autres termes, il y a à l’évidence quelques similitudes avec le propos de l’étude de la Cour des comptes.

Consécutivement, les conclusions sont inévitablement proches, si ce n’est identiques et votre Rapporteur sera ici plus synthétique que dans sa présentation du rapport de la Cour des comptes. Il ressort de l’analyse le tableau d’une politique publique extrêmement complexe, dont les périmètres, les acteurs et les instruments sont très divers. Les volumes d'APD de la France la placent au quatrième rang des pays donateurs, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne et elle fournit près de 10 % de l'APD mondiale. Pour autant, cette politique n’est pas exempte de défauts, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les possibilités de contrôle laissées au parlement : l’éclatement des budgets rend en effet difficile l’appréhension de l’ensemble des moyens engagés. De nombreuses administrations interviennent, la responsabilité politique est relativement diluée entre diverses autorités. Sur le terrain, une multiplicité d’acteurs interviennent aussi, pas forcément en cohérence ni en bonne coordination, chacun ayant souvent ses propres objectifs. En d'autres termes, comme on aura pu le dire lors de la table ronde tenue au Sénat, « la politique de coopération française est donc en réalité un ensemble de politiques », lequel est mis en œuvre par une grande diversité d’instruments, ce que le rapport de la Cour des comptes avait aussi souligné : bilatéral et multilatéral ; dons et prêts ; financements internationaux et européens ; allègements de dettes et écolages, etc. Les constats en termes de pilotage, de cohérence, d’architecture, de stratégies insuffisants sont formulés qui sont dans la ligne de ce que l’on a lu précédemment. Si la France a progressé ces derniers temps, en élaborant un document stratégique unique pour la première fois, avec l’adoption du document cadre à la fin de 2010, pour autant, on ne relève pas d’amélioration réelle en termes de pilotage ; certaines ambiguïtés demeurent au plan des zones géographiques également prioritaires, ZSP vs. « Pays pauvres prioritaires », ainsi qu’en termes de choix d’instruments, dont l’équilibre incertain ne contribue pas à mettre en évidence la cohérence des politiques conduites avec le discours et l’intention politique affichée. Les instances de coordination sont peu présentes pour ne pas dire inexistantes, ne se réunissant jamais, le suivi et l’évaluation des politiques sont insuffisants, faute de moyens consacrés. Ces aspects ont un impact direct sur le pilotage et la perception de la politique par l’opinion publique envers laquelle les pouvoirs publics communiquent peu, pour ne pas parler des aspects négatifs sur la politique elle-même.

2. Des critiques qui ne surprennent pas

Pour sévères qu’elles puissent paraître, ces critiques concordantes ne sauraient surprendre, tant elles sont aujourd'hui connues. Les ONG, sous la houlette de Coordination SUD, ont sans doute été les premières à attirer l’attention sur les incohérences et insuffisances de notre politique. Sur un plan plus institutionnel, d’autres instances avant la Cour s’étaient saisies du sujet et avaient tiré des conclusions identiques de leur examen. Parmi celles-ci, tant le CAD de l'OCDE que la représentation nationale méritent que l’on rappelle leur apport.

Lors de la revue par les Pairs en 2008, le Comité d’aide au développement de l'OCDE avait adressé à notre pays un ensemble de recommandations qui mettaient en quelque sorte en relief les principales thématiques que l’on retrouvera ensuite sous la loupe des observateurs successifs, jusqu’à aujourd'hui.

Votre Rapporteur en veut pour preuve l’invitation à formuler un document cadre de politique de coopération, destiné à clarifier les objectifs de la France et sa stratégie à moyen terme, à servir de référence unique à l’ensemble des acteurs. Dans le même esprit, la suggestion de « réfléchir à l’élaboration d’un plan d’action pour l’ensemble des stratégies sectorielles et transversales, faisant référence aux objectifs globaux de la coopération française et conduisant à l’établissement de priorités », à refléter dans la programmation budgétaire au plan national.

Sur un autre plan, le CAD recommandait à notre pays de « veiller à ce que sa notification annuelle des statistiques d’aide publique au développement soit conforme aux directives sur les critères d’éligibilité à l’APD qui sont établies par le Comité. » Il jugeait pertinent que la France concentre son aide « sur un plus petit nombre de pays, notamment parmi les moins avancés et les États fragiles. Ce faisant, elle devrait veiller à assurer un équilibre approprié de dons et de prêts. »

La question des canaux multilatéraux n’était pas absente des préoccupations du CAD qui estimait que notre pays, compte tenu de l’importance de son engagement, « gagnerait à définir plus précisément sa stratégie multilatérale, tant en ce qui concerne un positionnement plus ciblé vis-à-vis des acteurs multilatéraux qu’au niveau de l’articulation entre les différents instruments et canaux de l’APD française. »

S’agissant du pilotage du dispositif, on trouvait dans les propos du CAD des conclusions que les observateurs ultérieurs pourraient reprendre à leur compte : « La France doit achever la réforme de son dispositif de coopération avec la mise en place d’une configuration institutionnelle simplifiée, s’inspirant des exemples des autres pays membres du CAD. Il convient notamment de repenser le lien entre la dimension politique du pilotage de l’aide publique et sa dimension opérationnelle, et d’ajuster le statut des différents acteurs institutionnels en conséquence. » Ou encore ceci, pour clore l’énumération : « La programmation de l’aide doit devenir plus opérationnelle en utilisant de façon plus stratégique les outils développés par la France à cet effet. Les indicateurs du Document de politique transversale méritent d’être précisés, en associant l’ensemble des acteurs de la coopération française. »

En d'autres termes, la feuille de route de la révision de la politique française était tracée. D’une certaine manière, la représentation nationale la reprenait à son compte quelques temps plus tard.

A maintes reprises ces dernières années, la représentation nationale a eu l’occasion de se pencher sur notre politique de coopération. Que ce soit par le biais de rapports de missions d’information que les commissions des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat ont menées, ou dans le cadre des avis budgétaires que les commissions des finances et des affaires étrangères des deux chambres émettent chaque année, le regard du parlement sur cette politique publique s’est fait de plus en plus incisif.

C’est le cas par exemple des conclusions que notre collègue Nicole Ameline avait formulées dans le rapport publié en janvier 2011 au nom de la mission d’information sur l’équilibre entre aide bilatérale et aide multilatérale. (6)

Elle relevait ainsi que si la France était évidemment un acteur majeur de la communauté des bailleurs, qui consacrait des financements considérables à l’aide au développement, elle n’était pas pour autant exempte de critiques : certains effets d’affichage, telle la prise en compte excessive des frais d’écolage des étudiants étrangers, des frais d’accueil des réfugiés ou des allègements de dettes qu’elle consentait, nuisaient à la sincérité de son effort d’APD au sens strict, tel que défini par les directives du CAD auxquelles notre pays souscrit. Nicole Ameline remarquait que l’aide de la France restait encore géographiquement dispersée, malgré de louables efforts de concentration, cependant que l’offre sectorielle était pour sa part très étendue. Le rapport relevait que l'APD de notre pays pâtissait de certains déséquilibres internes nuisant à son efficacité : au plan institutionnel, l’éclatement entre de multiples structures de décision impactait la coordination d’une politique manquant par ailleurs d’un véritable leadership, à la différence de ce que l’on constatait chez nos principaux partenaires, et cela se ressentait sur le terrain.

Elle soulignait surtout que, en contradiction avec le discours et les priorités exprimées, ce n’étaient en fait pas tant les pays les plus pauvres d’Afrique subsaharienne qui bénéficiaient finalement en priorité de cette politique, en raison du fort déséquilibre entre les instruments de notre aide : l'AFD, au mandat géographique en constante extension, contribuait certes à la visibilité de l’action de la France et à sa politique d’influence, mais l’évolution récente se traduisait aussi par la proportion sans cesse croissante des prêts octroyés par notre pays sur les subventions, contrairement à la plupart des membres du CAD. Ce choix d’instruments n’était pas sans incidence sur la géographie de notre aide : les pays les plus pauvres ayant difficilement accès aux prêts, la limitation concomitante de nos ressources en subventions détournait notre effort vers les émergents, vers des thématiques portant plus sur les biens publics mondiaux que sur la réduction de la pauvreté. En d’autres termes, la réduction des moyens des postes induisait un effet d’éviction de notre pays d’autant plus net que nos principaux partenaires avaient gardé un meilleur équilibre entre leurs différents instruments et pouvaient continuer, pour la mise en œuvre de leurs politiques d’aide sectorielle en faveur de la réduction de la pauvreté, de faire appel exclusivement aux dons. Ces déséquilibres au sein de notre bilatéralisme risquaient de dénaturer notre aide et de la détourner de la lutte contre la pauvreté sur laquelle la France s’était engagée dans le cadre des OMD. En outre, à la différence de la plupart des pays du CAD, la France avait aussi fait le choix résolu du multilatéralisme au point d’inverser le rapport entre les deux modalités en quelques années, priorité étant donnée dans notre aide multilatérale aux fonds verticaux, qui recevaient de la part de la France des apports en constante augmentation, alors même que les institutions du système des Nations Unies étaient devenues les parents pauvres de nos financements multilatéraux. En d'autres termes, la structure des financements multilatéraux de notre pays apparaissait à son tour fortement déséquilibrée.

Ce constat plaçait l'APD de la France dans une situation paradoxale qui imposait une remise à plat allant au-delà du seul rééquilibrage entre bilatéralisme et multilatéralisme. Le rapport de Nicole Ameline formulait ensuite un certain nombre de recommandations articulées sur l’idée qu’il importait que la coopération au développement soit une véritable politique qui définisse des priorités, traduise une ambition et qu’une stratégie en garantisse l’efficacité.

Sans vouloir s’étendre plus sur ce point, qu’il suffise aussi de rappeler que, de leur côté, au long de la précédente législature, nos collègues Henriette Martinez, alors rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, et Henri Emmanuelli, rapporteur spécial du budget de l’APD pour la commission des finances, ont tenu des propos également fort critiques envers la politique de la France, articulés sur la base d’approches complémentaires, qui sur le déséquilibre entre prêts et dons et ses incidences, qui sur le rapport entre aide bilatérale et aide multilatérale et la visibilité de notre politique et son influence, pour ne citer que ces aspects. Il en a été de même de la part de nos collègues sénateurs.

3. La prise en compte des recommandations par le gouvernement

L’honnêteté oblige à dire qu’il y a déjà un certain temps que le gouvernement a commencé de prendre en compte ces différentes recommandations. Un certain nombre de documents stratégiques sont notamment venus à point nommé.

Dès l’automne 2010, dans une lettre (7) faisant suite à la revue à mi-parcours qui venait d’être faite, le président du CAD reconnaissait les premiers progrès constatés. Il soulignait que « la France fait preuve d’efforts louables dans la mise en pratique de la plupart des recommandations issues de l’examen par les pairs de 2008 », notamment sur les aspects stratégiques, sur la notification statistique de son aide au CAD, sur l’organisation et la gestion de son aide ainsi qu’en ce qui concerne son rôle en matière de financements innovants, le plaidoyer international de notre pays sur ce point étant jugé remarquable.

Dans le même esprit, Eckhart Deutscher voyait aussi plus de clarté dans la concentration géographique de l’aide française, un engagement plus affirmé en matière d’efficacité. Pour autant, restaient quelques points à améliorer, notamment le respect des engagements internationaux quant au niveau global d’APD et à l’objectif de 0,7 %, la cohérence à renforcer entre les instruments et les priorités politiques, ainsi qu’en matière stratégique, en ce qui concerne notre position vis-à-vis des institutions internationales.

Ces améliorations, la France les traduisait aussi à cette époque moyennant l’adoption d’un certain nombre de documents stratégiques. Cela a été en premier lieu le cas avec l’élaboration du Document cadre général à l’automne 2010. Partant du constat que le monde a changé, qu’il est de plus en plus complexe et que les interdépendances croissantes des sociétés obligent à la recherche de consensus sur des enjeux globaux, le document propose une politique de coopération articulée sur quatre thématiques complémentaires : celle de la croissance durable et partagée, la coopération devant « favoriser une convergence des normes économiques, sociales et environnementales qui garantisse l’avenir de la planète, contribue à améliorer les conditions de vie des populations des pays en développement, qui préserve le tissu économique des pays bénéficiant déjà de normes sociales et environnementales de bon niveau et qui permette à chacun de construire sa vie dans son pays » ; celle de la lutte contre la pauvreté, enjeu fondamental pour le sixième de l’humanité qui vit encore dans un dénuement extrême pour lequel il importe de trouver les voies et moyens de généraliser et rendre pérennes les acquis des OMD ; la préservation des Biens publics mondiaux et la stabilité et l’Etat de droit constituant les deux autres axes.

Pour cette approche globale, le Document cadre prônait la cohérence des politiques et des financements, soulignant notamment que l’APD ne représentait que 0,2 % du RNB mondial. Cette insuffisance justifiait la recherche de financements innovants et complémentaires, la cohérence des politiques publiques nationales et européennes ainsi que, pour ce qui concernait très précisément l'APD, la définition de partenariats différenciés avec les pays en développement selon leurs niveaux de développement et leurs besoins, en fonction desquels les moyens financiers seraient adaptés, ceux d’Afrique subsaharienne restant la priorité principale.

En complément, d’autres documents furent élaborés et publiés, concernant la politique européenne de développement ou la stratégie santé de la France.

En d'autres termes, la teneur des critiques que formulent aujourd'hui le Cour des comptes et le bilan évaluatif ne surprend pas tant elles sont connues. On peut néanmoins s’étonner du fait que, malgré les efforts du gouvernement, on en soit toujours quasiment au même point que lorsque Nicole Ameline ou le CAD rendaient leurs rapports. L’impression persiste que l’amélioration de notre dispositif reste un chantier immense, que ce soit quant à ses instruments, son architecture, ses géographies comme en ce qui concerne sa dimension sectorielle, dans lequel les avancées véritables sont loin d’être probantes. Il semble qu’en ce début de législature, le Gouvernement soit une nouvelle fois décidé à prendre en compte ces recommandations. Votre Rapporteur indiquera plus loin l’orientation que prendra prochainement la réflexion.

A juste titre, le MAEE voit ces derniers rapports s’inscrire dans un continuum d’évaluations consacrés au dispositif français de coopération au développement, qui nourrissent la réflexion stratégique de l’Etat et de l’ensemble des acteurs.

Selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteur, pour le Gouvernement, il est effectivement nécessaire de travailler à une rationalisation des instances de pilotage et à une réduction du coût global du réseau de mise en œuvre de l’aide au niveau local. L’achèvement de la réforme de 1998, la déclinaison des outils financiers mobilisables en fonction de priorités thématiques centrées sur les zones cibles définies par le CICID, sont vues comme prioritaires, en termes d’enjeu stratégique de notre coopération. Dans le même esprit, la réflexion porte sur une meilleure définition de l’aide pilotable, pour en délimiter le champ précis et concentrer les stratégies de coopération. Les questions de la présence française dans les institutions multilatérales, et d’une stratégie d’aide multilatérale, d’un renforcement de la coordination des actions des opérateurs multilatéraux avec celles des agences bilatérales, la promotion de cofinancements mixant contributions multilatérales et bilatérales, sont également des chantiers de réflexion aujourd'hui ouverts.

Plus largement, selon le MAEE, les recommandations de la Cour pourraient se traduire par une action articulée sur les principes de durabilité, d’efficacité, de transparence et de dialogue. Le contexte budgétaire renforce l’exigence d’efficacité et les ministères concernés, affaires étrangères, économie et finances, devront travailler au renforcement de l’évaluation de l’efficacité et de l’impact de l’aide, à la consolidation de la collaboration avec les bailleurs multilatéraux ou encore à l’amélioration du dialogue avec l’ensemble des partenaires (étatiques ou non) du développement.

Dans le même esprit, il a été indiqué à votre Rapporteur que des travaux visant à accroître la transparence et la prévisibilité de l’aide française sont en cours, pour rapprocher la politique de développement des citoyens, faciliter le contrôle du Parlement et améliorer la prévisibilité de l’aide pour les pays partenaires. Un partenariat avec l’ONG Development Gateway, spécialisée en matière de transparence de l’aide, permet d’engager une réflexion sur l’amélioration de la transparence et du processus de collecte de l’aide.

De son côté, le ministre du développement, Pascal Canfin, a également eu l’occasion de réagir. Intervenant au Sénat, il a ainsi indiqué que l’essentiel reposait avant tout non sur les canaux de l’aide et ses modalités, mais sur les choix politiques et les objectifs concrets retenus, et à cet égard, votre Rapporteur retient le souci de cohérence des politiques publiques que le ministre manifeste. Une fois les priorités politiques clairement définies, la modification de quelques modalités de pilotage permet de donner une meilleure cohérence, comme cela a été notamment été le cas s’agissant de la tutelle de l'AFD. Incidemment, les controverses sur les moyens mis en œuvre, sur la nature des instruments pourront s’en trouver apaisées : le débat sur le déséquilibre entre le multilatéral et le bilatéral, entre prêts et dons, vient aussi, si ce n’est avant tout, selon votre Rapporteur, du fait que la France, quand bien même elle a adopté quelques textes stratégiques, n’a pas fait de son APD une politique publique avec des objectifs précis, assumée au plus haut niveau.

Concrètement, et de manière plus profonde et durable sur le plan politique, le ministre du développement a annoncé l’ouverture des Assises du développement et de la solidarité internationale, conformément à l’engagement du Président de la République, qui se tiendront de novembre à mars, auxquelles l’ensemble des acteurs seront associés : société civile, ONG, élus locaux, entreprises, partenaires du Sud, etc.

Y seront débattus cinq thèmes : les objectifs du développement durable et les objectifs du millénaire, tout d’abord, pour l’après-2015, à la charnière des thématiques de l’agenda de Rio+20 et du développement économique et social ; la transparence, ensuite : à l’instar de l’approche britannique, par laquelle le DFID indique précisément quels bénéficies concrets son aide et ses financements apportent aux populations pauvres des pays en développement ; l'innovation, technologique, organisationnelle, comme moteur du développement, en troisième lieu ; l’intégration de la société civile : depuis plusieurs années, depuis que le Haut conseil de la coopération internationale a été dissous, aucune instance de concertation n’existe plus dans notre pays sur les thématiques de développement. Cela est d’autant plus préoccupant que, en parallèle, aucun espace de coordination n’existe non plus vraiment au niveau institutionnel, si l’on rappelle que le CICID et le COS ne se réunissent plus, fut-ce pour adopter des document stratégiques ; la cohérence entre les différentes politiques publiques enfin - politique de développement, politique agricole, politique d'innovation financière, etc., sujet crucial s’il en est aux yeux de votre Rapporteur.

Si l’on peut prévoir sans crainte de trop se tromper que l’évaluation à laquelle se livreront les pairs du CAD en juin prochain tirera des conclusions proches de celles de la Cour des comptes ou de notre Commission des affaires étrangères il y a deux ans, du moins peut-on espérer que le nouveau chantier ouvert par le gouvernement donne à terme les résultats escomptés.

B. L’APD MONDIALE À LA CROISÉE DES CHEMINS

A deux ans de l’échéance qu’elle s’est fixée, la communauté internationale a depuis longtemps engagé une réflexion sur ce qu’elle entend désormais faire pour le développement des pays pauvres, sur la base des résultats et des nouvelles problématiques apparues depuis le lancement des OMD.

1. La réflexion internationale engagée sur le post-2015

Comme le rappelle le rapport 2011 des Nations Unies sur le suivi des OMD (8), en une décennie, les résultats ont été importants. Certaines des cibles ont même d'ores et déjà été atteintes, soit cinq ans avant l’échéance. Il en est ainsi de la réduction de moitié de la pauvreté extrême, OMD 1, de la réduction de moitié de la proportion de personnes n’ayant pas d’accès à des sources d’eau potable améliorées, (OMD 7). L’OMD 7 est également en progrès sur l’amélioration des conditions de vie de plus de 200 millions de personnes vivant dans des bidonvilles ; le taux d’inscription des filles à l’école est désormais équivalent à celui des garçons (OMD 3) ; l’accès au traitement pour les personnes vivant avec le VIH, (OMD 6), s’est accru dans toutes les régions, cependant que des pathologies telles la tuberculose et le paludisme sont en recul.

Malgré ces avancées notables, le rapport rappelle que certains chiffres restent en revanche alarmants. Ainsi, en 2015, plus de 600 millions de personnes dans le monde n’auront toujours pas accès à une eau potable sans danger, près d’un milliard vivront toujours avec moins de 1,25 dollar par jour. Par ailleurs, la faim continue d’être un défi mondial majeur, tandis que les risques liés à la perte de la biodiversité s’accroissent et que la diminution de la mortalité maternelle reste très éloignée de ce qui serait nécessaire pour que la cible soit atteinte en 2015.

Cela étant, le tableau se révèle fortement contrasté et les progrès sont loin d’être harmonieusement répartis (9). Ainsi que le soulignait Ban Ki-moon lors de la présentation de ce rapport, le constat est finalement troublant : l’Afrique subsaharienne reste ainsi de loin la région où les progrès réalisés sont en-deçà des objectifs et aucun des huit objectifs n’y sera même atteint d’ici à 2015. L’Océanie est la deuxième région la plus en retard sur la plupart des objectifs. En revanche, l’Asie de l’est, ainsi que l’Asie du sud-est et l’Afrique du nord, ont réalisé des progrès très importants, grâce auxquels elles atteindront la plupart des objectifs en 2015.

A titre d’exemple, en Afrique subsaharienne, près du quart des enfants en âge de fréquenter l’école primaire n’est pas ou plus scolarisé : en 2010, 31 millions d’enfants africains, dont le tiers, plus de 10 millions, pour le seul Nigeria, étaient exclus de l’école, contre 29 millions en 2008. L’objectif y est donc en recul et la situation des plus préoccupante (10) à trois ans de l’échéance. Inversement, le sud et l’ouest de l’Asie ont réduit le nombre d'enfants non scolarisés de 39 à 13 millions entre 1990 et 2010.

Comme chacun sait, les OMD recouvrent pour l’essentiel des enjeux humanitaires, économiques et sociaux, de la réduction de l'extrême pauvreté à la baisse de la mortalité infantile en passant par la lutte contre les grandes pandémies actuelles, l'accès à l'éducation ou l'égalité entre les sexes et le développement durable. Pour pertinent qu’il soit, ce cadre d’actions et les efforts qui ont été mis en œuvre depuis bientôt 15 ans, alors même que l’aide publique au développement a atteint des niveaux historiques au tournant de l’année 2010, n’auront pas suffi pour garantir un progrès suffisant sur tous les fronts, comme le soulignait Ban Ki-moon dans un rapport présenté l’an dernier (11). Le Secrétaire général des Nations Unies appelait à une réflexion pour un nouveau programme pour l’après-2015, sur la base d’une analyse approfondie, « de grande ampleur et sans exclusion, du programme actuel et de l’approche qui le sous-tend ainsi que d’une évaluation de ce qui a fonctionné et de ce qui n’a pas fonctionné (…), dans le contexte des défis à venir du développement mondial. » Si les valeurs de la Déclaration du millénaire sont toujours d’actualité, il ne faut pas perdre de vue que le monde a changé depuis 2000 : « La crise économique et financière récente a fait apparaître au grand jour les interdépendances complexes de l’économie mondiale et les carences de la gouvernance économique mondiale pour ce qui est d’assurer un environnement porteur pour le développement et de préserver la stabilité financière et économique mondiale (…) »

En d’autres termes, les enjeux sont plus complexes et leur interdépendance croissante. L’efficacité et la soutenabilité des politiques de développement supposent non seulement que les moyens financiers nécessaires soient fournis mais qu’elles soient aussi en cohérence, entre leurs différentes composantes comme avec les autres politiques publiques. Il n’est pas besoin de rappeler l’impact des politiques commerciales, agricoles ou fiscales sur les pays en développement. En d'autres termes, pour reprendre le sens des propos tenus depuis longtemps par Jean-Michel Severino, l'APD telle que nous la concevons, n’a sans doute plus grand sens aujourd'hui : elle est obsolète. Il en a d’ailleurs naguère prononcé l’acte de décès (12: elle a été fondée en d’autres temps, au sortir des indépendances, à une époque où les enjeux de politique globale n’existaient pas, où les problématiques de gestion de la planète et de sauvegarde de ses ressources pour le bien commun de l’humanité ne signifiaient rien. Il s’agit désormais d’envisager l’aide au développement en des termes nouveaux, sous forme de politiques publiques globales, mondiales, de reformuler ses concepts, ses buts, instruments et modalités, qui se sont trouvés dépassés par les changements intervenus en quelques années dans un monde en mouvement incessant, sous la pression conjointe de la démographie, de la croissance et de la technologie. (13)

C’est dans cette perspective que Ban Ki-moon a récemment constitué un groupe de travail chargé de lui proposer les axes d’un partenariat mondial renforcé pour accélérer les progrès et surtout, prendre en compte les nouvelles problématiques (14).

« J'ignore à quoi sert l'aide au développement, dans le détail : combien de kilomètres de routes, combien de malades du sida sauvés, combien de classes ouvertes ? (…)  Quelle a été la contribution de l'aide française à la hausse du PIB du Burkina Faso ces cinq dernières années ? Nous sommes incapables de le dire, en raison des nombreux paramètres. ».

Pascal Canfin, ministre du développement, s’exprimait ainsi lors de la table ronde organisée au Sénat le 3 octobre dernier. En d’autres termes, on ne sait pas ce que l’on fait ni quelle en est l’utilité. Cette question est pourtant cruciale. Elle concerne le citoyen-contribuable que l’incertitude quant à l’efficacité de l’aide peut « fatiguer ». Elle interpelle aussi directement les acteurs publics : les exemples « éléphants blancs » abondent dans l’histoire de la coopération au développement. Comme politique publique, l’APD a pourtant vocation à être évaluée au même titre que n’importe quelle autre. C’est d’autant plus nécessaire ici que ses bénéficiaires sont lointains et que le fait qu’ils ne sont pas ses contributeurs ne contribue pas d’entrée à renforcer sa légitimité. Ça l’est d’autant plus dans le contexte budgétaire contraint que tous les pays donateurs connaissent. Les Britanniques l’ont bien compris, qui en ont fait depuis longtemps un axe, et un atout, inséparable de leur action.

En outre, la question de l’efficacité a d’autant plus d’acuité que le contexte évolue sans cesse vers plus de complexité comme on vient de le rappeler. De Paris à Busan via Accra, la communauté internationale réfléchit depuis plus de 10 ans à l’amélioration de l’efficacité de l’aide. Que ce soit au niveau régional, cf. le code de conduite européen, ou au niveau global, elle n’a cessé depuis une décennie de travailler à la définition de partenariats, de rénover ses concepts opératifs, de réaffirmer ses engagements, d’essayer de simplifier l’architecture de l’aide - à mesure que le nombre des acteurs croît de manière exponentielle -, de tenter de renforcer l’efficacité, la qualité, la transparence de l’aide, de mettre l’accent sur l’obtention de résultats mesurables, de rechercher des synergies entre acteurs publics, privés, de souligner l’importance de la cohérence des politiques. Avec des succès plus ou moins visibles.

À cet égard, comment analyser le fait qu’un pays comme le Mali, depuis toujours parmi les moins développés d’Afrique subsaharienne, non seulement n’ait jamais réussi à décoller mais se soit effondré en quelques semaines, alors même qu’il recevait chaque année en moyenne 1 milliard de dollars de la part de la communauté internationale, tous bailleurs confondus, selon les données du CAD ? La réflexion sur les causes de l’aveuglement, sur les responsabilités de cette faillite collective est évidemment une question majeure, à l’heure où ce sont aujourd'hui des thérapeutiques d’urgence qu’il faut appliquer à ce pays au risque de voir les effets de la crise qu’il affronte se propager.

2. Les effets de la crise sur le respect des engagements internationaux

Sur les cinq dernières années, les dix principaux pays contributeurs à l’aide publique au développement (APD) ont été, par ordre décroissant : les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, le Japon, les Pays-Bas, la Suède, le Canada, la Norvège et l’Espagne. En 2011, les donneurs qui se sont montrés le plus généreux par le volume de leur aide sont les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et le Japon. 

Cela étant, si un certain nombre de pays ont à nouveau dépassé l’objectif de 0,7 % du RNB, « l’aide consentie aux pays en développement par les principaux donneurs a reculé de près de 3 % en 2011, ce qui rompt avec une longue succession d’augmentations annuelles ; abstraction faite des années marquées par des opérations exceptionnelles d’allégement de dette. Il s’agit là de la première baisse depuis 1997. Les contraintes budgétaires qui vont continuer de peser sur les pays de l'OCDE influeront sur le niveau de l’aide au cours des prochaines années », selon les données communiquées en avril dernier par le CAD de l'OCDE. (15)

L’organisation précise qu’en 2011, les apports nets d’APD versés par les membres du CAD se sont élevés à 133,5 Md$, soit 0,31 % de leur RNB cumulé et que, en valeur réelle, l’APD a fléchi de 2,7 % par rapport à 2010, année où elle avait atteint son niveau record, compte tenu, pour l’essentiel, des contraintes budgétaires qui ont une forte incidence sur les budgets consacrés à l’APD. De fait, l’aide bilatérale hors allégements de dette et aide humanitaire a reculé de 4,5 % en termes réels, comme en témoigne le tableau ci-dessous. S’agissant des donateurs de l’UE, l'OCDE indique que « l’APD nette cumulée versée par l’ensemble des 27 États membres de l’UE s’est chiffrée à 73,6 Md$ en 2011, soit 0,42 % de leur RNB, contre 0,44 % en 2010.  Les dons consentis par les institutions de l’UE aux pays en développement et aux organisations multilatérales œuvrant au développement ont totalisé 12,6 Md$, soit une baisse de 6,4 % par rapport à 2010, due principalement à l’étendue de dialogues politiques pour des opérations de soutien budgétaire avec certains pays. »

Sur le plan géographique, le CAD précise en outre que « si l’aide au continent africain a augmenté de 0,9 %, pour atteindre 31,4 Md$, compte tenu de l’accroissement de l’aide à l’Afrique du nord suite aux révolutions des Printemps arabes, l’APD bilatérale à l’Afrique subsaharienne, 28 Md$, a en revanche diminué de 0,9 % en valeur réelle par rapport à 2010. L’aide bilatérale nette aux PMA a également perdu 8,9 % en termes réels pour tomber à 27,7 Md$. »

C’est évidemment aux mêmes conclusions préoccupées qu’est arrivé le dernier rapport du Groupe de réflexion sur le retard pris dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (16), pour lequel le « gap » entre les engagements et leur traduction se révèle important pour les pays bénéficiaires, comme le montre le tableau reproduit ci-dessous :

« Manquements aux engagements d’aide des donateurs du CAD, 2010 et 2011 » (17)

Or, la baisse tendancielle actuellement observée intervient alors même que les besoins en APD sont croissants, ne serait-ce que parce que les problématiques évoluent et que, comme on l’a vu, les perspectives de l’après-2015 prennent en compte un certain nombre de questions nouvelles qui ont été chiffrées par les Nations Unies ou la Banque mondiale.

Le rapport des Nations Unies précité rappelle ainsi qu’il a été calculé que la réalisation des OMD supposait que « un pays à faible revenu typique aurait eu besoin en 2006 d’investir de 70 à 80 dollars environ par habitant, montant qui grimperait jusqu’à 120 à 160 dollars vers la fin de la période avant 2015 », supposant un financement de 10 à 20 % du PIB par l’APD, quand bien même l’essentiel serait supporté par une part croissante de ressources nationales. Cela signifiait pour les donateurs du CAD d’« augmenter les flux annuels d’APD de 0,54 % de leur RNB combiné d’ici à 2015 ».

Le Groupe de travail rappelle également que la Banque mondiale avait estimé en 2000 qu’il faudrait mobiliser de 40 à 70 Md$ chaque année en sus de l’aide pour réduire de moitié la pauvreté d’ici à 2015 ou pour réaliser les objectifs relatifs à l’éducation, à la santé et à l’environnement, ce qui revenait à doubler l’aide alors accordée.

C’est dans ce contexte que se pose depuis maintenant plus de 40 ans la question de l’engagement des Etats membres du CAD de l'OCDE de consacrer un taux de 0,7 % de leur RNB à l'APD.

Certes, un certain nombre de pays consacrent à leur APD un effort d'ores et déjà sensiblement supérieur à celui de la France. Les pays nordiques, en premier lieu, se sont fixés pour objectif d’atteindre un ratio d’APD/RNB de 1 %, et confirment leur détermination à maintenir leurs efforts. Sur ce plan, la Suède est le premier donateur du CAD : elle a atteint 1% de son RNB dédié à l’APD en 2005 et devrait maintenir ce ratio dans les prochaines années. Cet objectif fait l'objet d'un large consensus politique et sert de cadrage à la programmation budgétaire. Les débats publics suédois se concentrent surtout sur l’amélioration de l’efficacité de l’aide et de la redevabilité.

De même, d’autres continuent-ils d’afficher un volontarisme remarquable dans le contexte de crise actuelle. Le Royaume-Uni en tout premier lieu, dont il faut saluer la détermination à atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB dès l’an prochain, soit deux ans plus tôt que la date initialement fixée. Le 12 septembre dernier, quelques jours après sa nomination en remplacement d’Andrew Mitchell, la nouvelle ministre du développement international, Justine Greening, confirmait l’objectif lors de son premier entretien avec les ONG. En d'autres termes, le Royaume-Uni, dont l’APD représentait 0,56 % du RNB en 2011, qui est d'ores et déjà troisième donateur en volume (13,7 Md$), se distingue et, en termes réels, devrait augmenter de 35 % les budgets du DFID d’ici à 2015. Cela est d’autant plus remarquable que les finances publiques sont par ailleurs soumises à de sévères coupes ; une forte contestation parlementaire commence d’ailleurs à poindre qui remet en cause la priorité gouvernementale à l'APD.

Le tableau ci-dessous donne quelques indications sur l’évolution des volumes et des taux d’APD pour quelques pays.

Montants totaux d’APD nette versée par les 10 principaux contributeurs (M$ courants et % RNB) (18)

La figure ci-après permet de visualiser que très peu de pays donateurs, cinq très précisément, ont atteint et même dépassé leur engagement de consacrer 0,7 % de leur RNB à l'APD.

Hormis le premier groupe de pays, d’autres contributeurs importants éprouvent des difficultés à respecter cet engagement (19). L’Allemagne, 2e donateur en volume (14,5 Md$ en 2011), a augmenté son ratio d’APD à 0,40 % du RNB en 2011, contre 0,32 % en 2010, lequel devrait atteindre 0,42 % du RNB en 2012. Le budget 2012 du BMZ, le ministère fédéral de la coopération économique et du développement, avait finalement été adopté avec une rallonge de 50 M€ par rapport à la réduction de 100 M€ qui était demandée, ce qui traduisait surtout le fort soutien parlementaire à l’engagement d’atteindre une APD de 0,7 % du RNB en 2015, qui apparaît toutefois difficilement atteignable. Il l’apparaît d’ailleurs d’autant moins que le PLF 2013 présenté au Bundestag traduit le fait que, à son tour, l'APD allemande marque désormais le pas. Cela suscite des critiques croissantes de l’opposition SPD-Verts quant à l’objectif de 0,7 % toujours affiché par le gouvernement : le 12 septembre dernier, le projet de budget du BMZ présenté par le ministre de la coopération et du développement Dirk Niebel, était en hausse de 0,6 %, préfigurant probablement, selon l’opposition, une stagnation à 0,42 % dès 2013.

De son côté, le Canada, huitième donateur mondial en volume en 2011 avec 5,3 Md$ a vu son ratio reculer en 2011, à 0,31 %, contre 0,32 % en 2010, et l’ACDI, Agence canadienne de développement international, a reçu pour objectif de réaliser des économies sensibles (diminution de 2 % du budget total d’ici à 2015. En d'autres termes, le ratio APD/RNB devrait diminuer fortement dans les prochaines années compte tenu des perspectives de croissance économique du Canada, et revenir au ratio qui était le sien au début de la décennie 2000, autour de 0,20 % du RNB. En mai dernier, le Canada a d’ailleurs démenti s'être engagé à respecter l'objectif international de 0,7 % lors de sa revue par les Pairs du CAD... De même peut-on relever que l’APD du Japon est aujourd'hui à un niveau historiquement bas, représentant un effort de 0,18 % de son RNB, alors même qu’il est le deuxième bailleur mondial, avec près de 20 Md$ d’aide. Si les prévisions font état d’une augmentation probable des budgets consacrés à l’APD en 2012, le taux de 0,7 % ne peut être envisagé qu’à très long terme.

Pour leur part, les pays du sud de l’Europe, réduisent aujourd'hui fortement, et logiquement, leur effort. L’APD de l’Espagne avait atteint 0,43 % de son RNB en 2010, mais la politique de rigueur budgétaire a conduit à de très fortes réductions dans le budget de la coopération dès 2011, de l’ordre de - 1 Md€, soit une baisse brutale de 28 % en volume d’une année sur l’autre, ramenant le ratio d’APD/RNB à 0,29 % en 2011. De même, l’APD de l’Italie qui avait augmenté récemment, pour atteindre 0,19 % du RNB, grâce à des annulations de dettes et à la comptabilisation de nombreux réfugiés, devrait diminuer fortement dans les prochaines années, et atteindre un niveau historiquement bas, autour de 0,11 % à 0,12 % du RNB en 2012 et 2013.

L’aide publique au développement des membres du CAD
en 2000, 2009, 2010 et 2011, en % du RNB 
(
20)

II. LES CRÉDITS DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

A. QUELQUES CONSIDÉRATIONS PRÉALABLES SUR DES THÉMATIQUES TRANSVERSALES

L’examen auquel votre Rapporteur s’est livré a d’autant plus de pertinence que les recommandations de la Cour des comptes ont servi de référentiel à l’élaboration du projet de budget pour 2013, ainsi que pour la définition de la trajectoire budgétaire du triennum.

Avant d’entrer dans l’analyse des données du PLF 2013 et en regrettant, tout comme notre ancienne collègue Henriette Martinez, que le gouvernement soit incapable, à moins qu’il s’y refuse, de donner à la représentation nationale en temps utile, c'est-à-dire avant l’examen des crédits en commission, l’ensemble des données lui permettant d’analyser notre effort dans sa globalité – puisque c’est moins de 24 heures avant l’examen de ce rapport en commission que le Document de politique transversale lui a été communiqué malgré les engagements réitérés des ministres (21), votre Rapporteur souhaite aborder quelques questions, dans le prolongement de ses développements précédents.

1. Une APD de 0,7 % : vers la fin d’un mythe également hors d’atteinte pour la France ?

Disons-le sans ambages : dans le contexte budgétaire actuel de la France, il aurait été illusoire de croire que la mission APD puisse être exemptée d’une quelconque participation à l’effort de maîtrise des dépenses publiques.

(En millions d’euros)

2012

2013

2014

2015

Aide publique au développement résultant des crédits budgétaires

7 157

7 349

7 429

7 663

(i) dont mission APD (hors aide à effet de levier)*

2 998

3 027

2 910

2 865

(ii) dont prêts AFD (hors impact des refinancements)

1 919

2 083

2 293

2 576

(iii) dont Autres

2 240

2 241

2 226

2 221

y.c. écolage et réfugiés

1 175

1 166

1 158

1 158

Opérations de prêts (prêts RPE)

-101

67

132

92

Prélèvements sur recettes CE (quote-part de l’APD financée sur le budget communautaire)

978

967

1 760

1 257

Annulations de dettes et refinancements nets

1 194

896

616

1 247

TOTAL ETAT

9 228

9 281

9 936

10 259

Taxe de solidarité sur les billets d'avion

192

194

195

195

Taxe sur les transactions financières

0

60

100

160

Collectivités territoriales

65

70

70

70

Autres (agences eau, ressources propres AFD)

219

221

231

231

Total APD

9 705

9 826

10 531

10 916

 

       

APD en % du RNB

0,47%

0,46%

0,48%

0,48%

Prévisions d’APD 2012-2015, en M€

Le premier élément qui ne peut manquer de surprendre est la différence considérable entre les données du tableau précédent et celles de celui-ci : l’un présente des crédits budgétaires pour la mission de 3,3 Md€ en 2012, 3,1 Md€ en 2013 et 3,07 Md€ en 2014 et 2015, le second de 2,998 Md€ en 2012, 3,027 Md€ en 2013 puis 2,91 Md€ en 2014 et enfin 2,86 Md€ en 2015. Surprennent ensuite les estimations relatives aux dépenses d’écolage et de réfugiés, plus élevées que jamais et indiscriminées.

Celles concernant l’évolution des « prélèvements sur recettes CE (quote-part de l’APD financée sur le budget communautaire) », sont pour leur part difficilement compréhensibles, d’autant qu’elles ne sont accompagnés d’aucune explication : inférieures à 1 Md€ en 2012 et 2013, les dépenses passeraient brutalement à 1,76 Md€ en 2014, avant de redescendre à 1,26 Md€ l’année suivante. Or, non seulement les négociations budgétaires ne sont pas achevées mais les propositions de la Commission européenne pour le budget 2014-2020 en ce qui concerne l’Instrument de financement de la coopération au développement, dont il s’agit ici, sont de 20,6 Md€. En rythme annuel, cela correspond, s’agissant de la France, à une quote-part annuelle de 491,5 M€ : 20,6 Md€ / 7 ans x 16,7 %. Quand bien même on ajouterait à l’ICD d’autres instruments européens, mais cela mériterait d’être précisé, on resterait loin des prélèvements annoncés pour 2014 et 2015.

Enfin, votre Rapporteur aurait également souhaité des précisions relatives aux estimations des annulations de dettes et refinancements pour les années à venir, sachant que la tendance avait été indiquée comme étant fortement orientée à la baisse pour les prochaines années.

Cela pour dire que ces chiffres ne peuvent que confirmer l’impression que les taux d’APD annoncés pour les années à venir semblent frappés d’un haut degré d’incertitude. Quelle que soit l’échéance qu’on se fixe, on peine à voir dans cette trajectoire la nécessaire montée en puissance de l’effort de notre pays pour atteindre l’objectif inlassablement réitéré d’une APD correspondant à 0,7 % de notre RNB. En toute objectivité, la perspective s’éloigne encore.

Au risque de choquer, votre Rapporteur demandera s’il faut véritablement s’en désoler. Il lui semble qu’il est enfin temps d’accorder le discours aux réalités et aux possibilités. Les développements précédents ont montré les effets durables de la crise.

S’agissant de notre pays, l’engagement politique en faveur du taux de 0,7 % n’a cessé d’être proclamé sur la scène internationale au long de ces dernières années. Aucune occasion n’a été manquée de le réaffirmer, aux Nations Unies ou avec nos partenaires du G20. Notre pays ne se singularise d’ailleurs pas des autres grands donateurs sur ce sujet.

Cependant, on sait précisément ce qu’il en coûterait à la France de tenir cet engagement, depuis le chiffrage auquel la commission chargée de la rédaction du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France s’était livrée en 2008 :  « Si la France veut : - stabiliser son niveau d’APD exprimé en pourcentage du RNB (0,45 % en 2008), le budget d’aide français devrait augmenter d’un ordre de grandeur de 750 M d’euros par an de 2009 à 2012 ; - atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB en 2012 (objectif souscrit à Monterrey en 2002), elle devra augmenter de 2 Mds d’euros par an ; de 1,5 Mds d’euros par an si elle se contente de l’atteindre en 2015, engagement pris par les pays membres de l’Union européenne en 2005. Il est clair que les circonstances budgétaires risquent d’éloigner la France – temporairement, on peut l’espérer –, non seulement de la réalisation de l’objectif de 0,7 %, mais du niveau de 0,47 % atteint en 2006 après la phase de remontée 2001-2006. Si ce risque se matérialisait, alors que nombre de nos partenaires européens augmentent leur effort, pour le moins ne devrait-il pas entraîner l’abandon d’un objectif quantitatif de référence. » (24)

Plus récemment, c’est évidemment l’un des sujets sur lesquels la Cour des comptes s’est à son tour penchée. En actualisant les chiffres, elle n’a pas conclu différemment. Analysant la structure de notre APD, elle a souligné que « l’effort d’aide repose (…) principalement sur la contribution du budget national. Dans ces conditions, l’atteinte de l’objectif fixé pour 2015 de 0,70 % du revenu national brut supposerait un effort budgétaire d’une grande ampleur. En se fondant sur l’hypothèse d’un revenu national brut français à 2 489 Md€ en 2015, un accroissement de 8,76 Md€ serait ainsi nécessaire entre 2012 et 2015, soit une augmentation annuelle de près de 20 % pendant quatre années consécutives. » (25)

Quand bien même, précisait la Cour, envisagerait-on simplement une stabilisation de l’aide française à hauteur de 10 Md€ par an, « un effort supplémentaire de 6,6 Md€ sur la période 2011-2015 (dont 3,6 Md€ au cours du triennal 2011-2013), acté dans le budget triennal voté par le Parlement fin 2010 » serait nécessaire, sachant que « cette mesure n’empêchera pas, selon les propres projections de l’administration, une baisse de la part du revenu national brut aux alentours de 0,41 % en 2015 »

En d'autres termes, aux yeux de votre Rapporteur, pour souhaitable que puisse être considéré cet objectif, il est clair que, à l’heure où les déficits publics obligent aux mesures les plus drastiques, plus encore qu’en 2008 il est désormais impossible à notre pays de s’en approcher, du moins à échéance raisonnable, sachant que l’on ne peut non plus aujourd'hui compter sur les perspectives d’annulations de dettes pour améliorer l’effort. A cet égard, les données du Document de politique transversale 2013 publié en annexe du PLF sont éclairantes : notre effort a ainsi régressé de 0,5 % de RNB en 2010, à 0,46 % en 2011. Une prévision de 0,47 % est annoncée pour 2012, puis de nouveau à 0,46 % en 2013 ; selon des estimations, optimistes du point de vue de votre Rapporteur, le taux devrait remonter légèrement à 0,48 % en 2014 et 2015. On notera avec intérêt que les chiffres prennent désormais en compte les recettes consacrées à l'APD dégagées de la taxe de solidarité sur les billets d’avion et de la taxe sur les transactions financières, alors même qu’elles devaient initialement être considérées comme des ressources additionnelles…

Pour la Cour des comptes, la question se pose par conséquent de savoir s’il est opportun de maintenir un objectif sans cesse repoussé. « Afin d’assurer une meilleure cohérence générale des ambitions », elle s’est même risquée à recommander « de réviser l’objectif de consacrer à l’aide 0,70 % du revenu national brut en 2015 pour le rendre plus compatible avec les contraintes générales des finances publiques ».

Sans hésitation, votre Rapporteur fait sienne cette recommandation. Plusieurs raisons étayent sa position.

En premier lieu, car il estime qu’il faut avoir le courage politique de dire que les conditions ne sont aujourd'hui pas réunies pour que l’objectif soit respecté. Il importe d’ailleurs de garder à l’esprit que non seulement les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui, mais elles le seront probablement encore moins d’ici quelques années, lorsque le volume des annulations de dettes diminuera ou que l’effet de notre politique « expansionniste » en matière de prêts produira ses effets retour, à savoir une « APD négative », qui point déjà ça et là, à mesure que les pays qui en ont bénéficié rembourseront leurs échéances. En d'autres termes, lorsque deux des principaux instruments qui ont contribué à élever notre niveau d’APD perdront de leur effet.

En second lieu, parce que cette question n’est peut-être pas aussi essentielle que l’on veut bien le croire. A-t-elle encore grand sens, surtout, lorsque l’on prend en compte l’évolution considérable des problématiques que votre Rapporteur a rappelée plus haut et le fait qu’entre l’APD d’hier, celle d’aujourd'hui et celle de demain, qui sera définie pour l’après-2015, les différences sont majeures qui justifieront, on l’a vu, des besoins d’une ampleur telle que l’apport budgétaire des donateurs sera de facto dilué dans maintes modalités, probablement plus importantes, au sein desquelles les contributions budgétaires céderont peu à peu le pas devant les financements innovants.

Cela étant, quand bien même se limiterait-on à la seule question du développement économique et social, certains des économistes du développement parmi les plus reconnus considèrent aujourd'hui qu’il n’est pas forcément pertinent de se focaliser sur l’articulation entre objectifs et moyens, qu’il est sans doute plus intéressant et efficace pour le développement réel auquel on prétend sur le terrain, de réussir à sanctuariser certains programmes d’intérêt majeur et à pérenniser les financements qui leur sont nécessaires, plutôt que de s’en tenir à une approche globales sur un niveau abstrait de ressources. En d'autres termes, différents niveaux de financements, qui appellent diverses modalités et mécanismes, sont à prendre en compte, selon la nature des objectifs poursuivis, pour garantir et sécuriser l’apport que la communauté internationale peut et doit fournir.

Objectera-t-on le respect de la parole donnée au long des 40 dernières années ? La difficulté à se dédire ? Sans doute. Mais il s’agit aussi d’éviter à notre pays de perdre de sa crédibilité dans un domaine où la promotion des idées au plan international est essentielle, et sur lequel la France joue un rôle majeur qu’il importe de ne pas risquer de dévaloriser : la critique qui apparaît de la part de certains sur l’insistance de notre plaidoyer en faveur des financements innovants alors que nous ne respectons pas nos engagements est parlante.

Votre Rapporteur note d’ailleurs qu’une certaine inflexion semble aujourd'hui opportunément s’engager dans le discours du gouvernement, le ministre du développement, Pascal Canfin, ayant d'ores et déjà tenu à indiquer à plusieurs reprises qu’il ne faisait pas de « fétichisme » quant au 0,7 %, qu’il s’agissait d’un indicateur dont on pouvait considérer qu’il n’avait pas grand sens et que cette thématique devrait être traitée lors des Assises du développement dont les travaux débutent dès ce mois de novembre. Au demeurant, s’il est certain que cette approche que défend votre Rapporteur ne rencontrera pas l’unanimité avant longtemps, d’autres inflexions surgissent et certains pays commencent à reconnaître officiellement que cet objectif leur est également hors d’atteinte et que, loin de renoncer à jouer un rôle en faveur du développement, ils préfèrent désormais prioriser d’autres pistes.

2. La taxe sur les transactions financières et ses perspectives

Parmi les thématiques depuis longtemps débattues, celle d’une taxe sur les transactions financières dont le produit serait destiné au financement du développement est l’une des plus connues. Le fait qu’un PLF l’introduise effectivement mérite quelques développements.

A mesure que les enjeux du développement se déplacent vers de nouvelles thématiques, les besoins de financement croissent dans des proportions sans commune mesure avec ce que l'APD, au sens classique, est en mesure d’apporter. A titre d’exemple, une seule donnée permettra de mesurer l’ampleur du défi : selon un rapport de la Banque mondiale de 2010 (26), d’ici à 2030 la seule adaptation au changement climatique coûtera annuellement entre 30 et 100 milliards de dollars, l’atténuation entre 140 et 174 milliards de dollars, et les coûts associés de 265 à 565 milliards dollars annuels. Le temps n’est donc plus où les seuls engagements des pays développés assuraient tant bien que mal l’essentiel des transferts vers les pays pauvres.

Ces besoins croissants de financement ont suscité ces dernières années une intense réflexion sur la manière de dégager efficacement des ressources suffisantes, à la fois prévisibles et durables. La crise financière de 2008 a induit une contrainte supplémentaire sur le respect de leurs engagements par les pays développés et a renforcé l’idée selon laquelle à problématiques mondiales, solutions mondiales.

Celle des financements innovants a investi plusieurs pistes. Elle a privilégié l’instauration de taxes internationales diverses – portant régulation du secteur maritime, aérien, etc. -, dont certaines ont commencé d’être mises en œuvre, cf. la taxe sur les billets d’avion, créée à l’initiative de la France et d’un petit nombre de pays. 

A l’instar de la précédente, la taxe sur les transactions financières, défendue à maintes reprises, de la taxe Tobin au rapport Landau, est une idée depuis longtemps portée par la France. Le Président Nicolas Sarkozy, avait plaidé dès 2008 pour son instauration pour le financement des OMD et du changement climatique et n’avait ensuite cessé de la défendre dans maints forums, Assemblée générale des Nations Unies, G20 et Union africaine, sans réel succès. La France pilote un groupe de travail sur la question, elle essaie de vaincre les résistances, et est à l’origine d’un certain nombre d’initiatives récentes pour concrétiser l’idée. Dès les premiers jours de son mandat, le Président de la République François Hollande a fait de cet enjeu une priorité.

Le projet de taxe sur les transactions financières est de ceux sur lesquels le Président Hollande a d'ores et déjà eu l’occasion de s’exprimer longuement à maintes reprises. Lors des différentes rencontres internationales dans lesquelles il est intervenu depuis son accession à la présidence, le chef de l'Etat a insisté sur sa détermination à instaurer un nouveau financement innovant. Ainsi, dans son discours devant la conférence des Nations Unies sur le développement durable, à Rio de Janeiro, le 20 juin 2012, il indiquait « (…) Je regrette également que la proposition d'instaurer des financements innovants, même si le communiqué final en fait mention, n'ait pas trouvé de traduction concrète. Ces financements sont indispensables. Chacun connait ici la situation budgétaire de bon nombre de nos pays et notamment parmi les plus développés. Et donc si nous n'ajoutons pas des financements aux aides qui sont aujourd'hui prévues, nous ne pourrons pas atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. La France reste donc déterminée à instituer avec les Etats qui le voudront, avec les Européens, avec d'autres, une taxe sur les transactions financières. Et je prends l'engagement que si cette taxe est créée, une partie de ces revenus sera affectée au développement. (…) »

Il ne s’agit pas pour votre Rapporteur de faire ici l’historique des propos présidentiels sur le sujet, qui ont été nombreux depuis le mois de mai dernier. Néanmoins, il faut mentionner le discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies, le 26 septembre, dans lequel le Président de la République a précisé sa pensée : « Puisque je parle de développement, je veux aussi que nous regardions franchement la réalité : nous n'atteindrons pas les objectifs du millénaire sans ressources nouvelles. Chacun connait les contraintes budgétaires de nos Etats respectifs. C'est pourquoi à cette tribune des Nations unies je lance un appel en faveur des financements innovants. Avec eux, nous donnons tous les moyens à nos organisations pour lutter efficacement contre les maladies, le sida, le paludisme... Et je veux saluer le succès d'UNITAID qui a été financé par la taxe sur les billets d'avion. Voilà la voie qui a été ouverte. Aujourd'hui nous devons franchir une seconde étape, je la propose, à travers l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, à laquelle d'ailleurs plusieurs pays européens ont donné leur accord de façon à ce que les mouvements de capitaux puissent être freinés ou, s'ils ne le sont pas, que par cette taxe, ils puissent financer le développement et la lutte contre les fléaux sanitaires. La France s'est dotée de cette taxe. La France a même pris un autre engagement : de reverser une partie des produits de cette taxe, au moins dix pour cent, pour le développement et pour la lutte contre les fléaux sanitaires et les pandémies. Tel est le message que je voulais vous adresser : faisons en sorte qu'une taxe à l'échelle du monde puisse être mise en place sur ces transactions financières et que son produit puisse être affecté à son développement et à la lutte contre les pandémies. Ce serait un bel exemple de ce que j'appelle la mondialisation de la solidarité. Voilà ce qui est aujourd'hui une des plus belles idées que le monde soit capable de porter. »

En d'autres termes, l’engagement international du Président de la République pour l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, française ou européenne, et si possible mondiale, qui soit en partie, - à hauteur de 10 % de son produit, au moins -, affectée au développement, est déterminé.

La taxe sur les transactions financières a été instaurée en mars dernier, à la fin de la précédente législature, dans le cadre de la première loi de finances rectificative de l’année. Elle ne prétendait toutefois pas contribuer au financement du développement non plus qu’aux problématiques pour lesquelles la promotion internationale en a été faite. L’exposé des motifs de la LFR argumentait sur le fait que « le secteur financier a bénéficié à la suite de la crise de 2008 d’un soutien légitime et important des Etats. A l’heure où l’ensemble des contribuables sont sollicités pour participer à l’effort collectif de redressement des finances publiques, il est légitime que le secteur financier apporte également sa contribution, d’autant que la crise est en partie le fruit de dysfonctionnements des marchés financiers. La taxation des transactions financières proposée par le Gouvernement préfigure, en l’adaptant aux contraintes d’une taxe exclusivement nationale, l’adoption d’une taxe plus large, inspirée de la proposition de directive présentée en septembre 2011 par la Commission européenne. La France continuera avec ses partenaires à s’impliquer très fortement en vue de l’adoption rapide d’un projet européen. » Il faut également préciser que la proposition de directive de la Commission européenne à laquelle il est fait référence ne mentionne pas non plus les questions de financement du développement comme parties de ses motivations : « la présente proposition constitue une première étape en vue : – d'éviter la fragmentation du marché intérieur des services financiers, compte tenu du nombre croissant de mesures fiscales non coordonnées mises en place par les États membres; – de faire en sorte que les établissements financiers participent de manière équitable au coût de la récente crise et de garantir une égalité de traitement fiscal par rapport aux autres secteurs 4; de mettre en place les mesures appropriées pour décourager les transactions qui n’améliorent pas l’efficience des marchés financiers, en complétant ainsi les mesures réglementaires destinées à éviter de nouvelles crises. » (27)

En août dernier lors du vote de la deuxième LFR pour 2012, le doublement du taux de cette taxe a été instauré. Les objectifs alors mis en avant ne mentionnaient pas plus le développement qu’au mois de mars : argumentant sur la nécessité de justifier le doublement du taux, le PLR indiquait qu’en l'état actuel, « Cette taxe est insuffisante au regard des objectifs poursuivis : décourager les mouvements spéculatifs de très court terme et renforcer la participation du secteur financier, dans la crise financière que nous traversons, à l’effort de redressement des finances publiques. » De ressources additionnelles dédiées au développement il n’était alors pas question.

Aujourd'hui, le PLF 2013 revient sur la taxe et aborde enfin la question de l’affectation d’une part de son produit au développement.

L’article 27 du PLF 2013 prévoit l’affectation d’une partie de la taxe sur les transactions financières au développement. Le dispositif proposé est le suivant : « Le I de l’article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, est complété par un alinéa ainsi rédigé : " Une fraction de 10 % du produit de la taxe prévue à l’article 235 ter ZD du code général des impôts est affectée à ce fonds, dans la limite du plafond prévu au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ". »

Concrètement, il s’agit de modifier la LFR pour 2005 qui a institué le Fonds de solidarité pour le développement, FSD, géré par l'AFD, qui contribue au financement des pays en développement et à la réalisation des OMD.

L’exposé des motifs rappelle la nécessité d’une réponse renforcée au triple défi de la pauvreté, de la croissance et de la préservation des biens publics mondiaux, qui justifie la recherche de ressources nouvelles de financement de l’aide publique au développement. L’engagement du Président de la République d’affecter une fraction du produit de la taxe sur les transactions financières à l’aide publique au développement est rappelé, et le choix d’abonder le FSD défendu en ce que celui-ci présente l’avantage d’être un dispositif juridique et administratif établi et déjà entièrement dédié à cet objectif, transparent et efficace, répondant de ce fait aux exigences renforcées lors du forum de Busan. La santé et la lutte contre le changement climatique sont les deux secteurs qui devraient particulièrement bénéficier de cette ressource additionnelle.

Tel qu’il est présenté dans le PLF, le dispositif prévoit une affectation progressive du produit de la taxe en faveur du développement, qui n’atteindra la part de 10 % qu’à échéance de trois ans seulement. Ainsi que le précise le PLF : « Dans le cadre du budget pluriannuel 2013-2015, cette affectation sera progressive, dans la limite d’un plafond fixé dans l’article transversal de loi de finances relatif à l’encadrement des affectations de recettes. Ce plafond sera établi pour 2013 à 60 M€, au sein de l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012. Il sera accru en 2014 (environ 100 M€) pour atteindre 160 M€ en 2015. » De sorte que, si le produit espéré en année pleine de la taxe est de 1,6 Md€ dès 2013, ce n’est qu’un montant de 60 M€ qui sera affecté au développement en 2013, conformément au schéma indiqué dans le tableau reproduit ci-dessous, qui définit ainsi la répartition des ressources allouées au FSD par la taxe sur les transactions financières.

Emploi des ressources allouées par la taxe sur les transactions financières (28)

En d'autres termes, pour opportun qu’il soit, on peut effectivement considérer, que le dispositif est en fait bien en-deçà des engagements du Président de la République, qui avait indiqué devant l’Assemblée générale des Nations Unies qu’au moins 10 % du produit seraient reversés au développement. Cette « montée en puissance » aux termes de laquelle ce n’est finalement qu’en trois ans que ce taux sera effectivement atteint, a surpris les ONG que votre Rapporteur a rencontrées (29).

A ce sujet, notre collègue Jean-François Mancel a présenté un amendement, en commission des finances le 10 octobre, qui fut rejeté, et la disposition a été adoptée sans modification, ainsi que lors de l’examen de l’article en séance publique le 22 octobre.

Ce premier pas est en soi important et positif, et votre Rapporteur veut saluer l’initiative du gouvernement : c’est la première fois que notre pays dédie au développement une part des recettes qu’il tire de la taxe sur les transactions financières. Cela traduit l’attachement de la France à ce sujet et contribue, par son effet d’exemple, au plaidoyer que notre pays mène sur la scène internationale sur ces thématiques depuis des années. Cela étant, votre Rapporteur confie ne pas comprendre les raisons invoquées pour qu’une part plus importante du produit de la taxe, c'est-à-dire plus proche des « 10 % au moins » annoncés par le Président de la République, ne soit pas dès à présent affectée au développement. Les arguments avancés, tant par le ministre du budget que par le rapporteur général de la commission des finances, selon lesquels la contrainte budgétaire empêcherait dans l’immédiat d’aller au-delà de ce premier pas, et justifierait le plafonnement des CP à 60 M€ pour l’an prochain, ne résistent pas à l’examen, s’agissant de recettes additionnelles.

Cela est d'autant plus important que chacun sait bien les fortes oppositions auxquelles se heurtent les propositions de la France. Celle du Royaume-Uni, par exemple, arc-bouté sur l’idée que seuls valent les financements budgétaires, opinion partagée par d’autres au demeurant, tant au nord qu’au sud, ne perdant pas une occasion de critiquer les positions de la France, vues comme d’autant plus insistantes que notre pays serait incapable de respecter ses engagements internationaux. Celle du Japon, également, fort réticent à la perspective d’une taxe sur les transports maritimes, compte tenu de l’importance de sa flotte commerciale. Des alliances seront nécessaires, pas nécessairement aisées à trouver et à consolider, tant les intérêts des uns et des autres varient et se contredisent. Le plaidoyer de la France sur la scène internationale sur ces questions porte ses fruits (30) ; il gagnerait en force si, sur ce sujet aussi, notre pays savait suivre plus fidèlement ses annonces.

3. Les effets du cadrage, considérations générales

Il aurait été surprenant que la mission APD échappe aux rigueurs du cadrage budgétaire décidé par le Premier ministre. En conséquence, les crédits ministériels participent à l’effort de réduction des déficits publics. Il faut toutefois relever, pour s’en féliciter, qu’un certain nombre d’économies proposées sont, comme le soulignent les documents du MAEE, des économies de constatation, dont il est opportunément tiré profit.

S’agissant de la mission APD, c’est par exemple le cas de la dotation de 5 M€ dédiée à l’organisation du Sommet de la Francophonie à Kinshasa, spécifique à la LFI 2012 sur le programme 209, qui n’est bien sûr pas reconduite. Cela contribue à la diminution du budget. C’est aussi le cas de la baisse des crédits alloués au Fonds européen de développement (FED) qui se poursuit en 2013, avec une diminution de 95,6 M€, soit – 12 %. Cette évolution est liée aux nouvelles prévisions de décaissements de la Commission européenne, établies en fonction de la reprogrammation des engagements.

De sorte que sur ce programme, le ministère indique que « les efforts ont été limités à certains instruments bilatéraux spécifiques, qui ne sont pas grevés par des engagements : aide budgétaire post-conflit et sortie de crise, volontariat international, coopération en matière de gouvernance, subvention à Canal France international, coopération décentralisée, jeunes experts associés, fonds fiduciaires et fonds de coopération Pacifique, pour un total limité à 7 M€. » Votre Rapporteur montrera plus loin que cette affirmation est discutable. Par ailleurs, le retard pris dans la signature de certains contrats de désendettement et de développement, C2D, conduit également à une moindre dépense (- 26,5 M€ soit -21 %, à 102,6 M€ en 2013.

En revanche, l’engagement du Président de la République de doubler l’aide transitant par les ONG françaises sur cinq ans se traduit par une hausse nette de 9 M€ par an des autorisations d’engagement qui leurs sont allouées. Le PLF annonce d’autre part la préservation d’un certain nombre d’instruments bilatéraux et multilatéraux en 2013 : le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (300 M€), les contributions volontaires au système des Nations Unies (51,3 M€), la Francophonie (56 M€), l’aide alimentaire (37 M€), ainsi que le fonds d’urgence humanitaire (8,9 M€). Il est précisé en outre que les programmes en cours seront financés conformément aux engagements pris : ainsi en est-il du dispositif en faveur de l’AFPAK, dans le cadre du traité de coopération conclu avec l’Afghanistan, du Partenariat mondial pour l’éducation, ou de l’effort en faveur de la reconstruction d’Haïti.

Votre Rapporteur revient maintenant en détail sur ces différents aspects dans le cadre de son analyse des données budgétaires.

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 110 : « AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU DÉVELOPPEMENT »

Le programme 110 regroupe l’ensemble des crédits gérés par le ministère des finances destinés à la politique d’APD, tant au plan bilatéral que multilatéral. Le tableau reproduit ci-dessous synthétise les montants qui lui sont consacrés dans le PLF 2013.

Trois actions constituent cette action : l’aide économique et financière multilatérale, qui représente cette année 12,9 %, en AE, de ce programme ; l’aide économique et financière bilatérale, 87 % du total et, de manière résiduelle cette année, le traitement de la dette des pays pauvres, 0,1 %.

1. Les crédits de l’action n° 1 : « Aide économique et financière multilatérale »

Les AE demandées au titre de l’aide économique et financière multilatérale en 2013 s’élèvent à 64 M€, les CP représentant 673,85 M€. La répartition entre dépenses d’intervention et de fonctionnement est la suivante, en M€ :

 

AE

CP

Action n° 1 (global)

64

673,85

Dépenses d’intervention

29

110,33

Dépenses de fonctionnement

35

563,52

S’agissant des dépenses d’intervention, les crédits demandés se répartissent tout d'abord en diverses participations au groupe de la Banque mondiale et du FMI, au profit de fonds fiduciaires auxquels la France apporte son soutien, principalement le Fonds fiduciaire au profit des pays en sortie de crise, ainsi que la Facilité élargie de crédit, FEC, guichet concessionnel du FMI, dont la France est le troisième contributeur. Pour ce dernier instrument, les crédits ici demandés, 20 M€ en AE=CP, représentent le montant estimé des bonifications que l'Etat devra verser à l'AFD pour cette opération.

La facilité internationale de financement appliquée à la vaccination (IFFIm)

Créée en 2006, l’IFFIm est un mécanisme de financement innovant permettant de lever rapidement des fonds pour le financement de la vaccination dont les effets sont d’autant plus grands que la couverture est importante. Il est possible grâce à des engagements d’Etats qui constituent une contrepartie pour emprunter sur les marchés internationaux. Les Etats remboursent ensuite chaque année une partie des engagements. Ce mécanisme a permis d’apporter six fois plus de fonds immédiatement que s’il avait fallu attendre la somme des contributions annuelles des Etats. Sur la période 2006-2015, l’IFFIm aura permis à GAVI Alliance de bénéficier de 3,3 milliards de dollars dont 900 millions grâce à l’engagement de la France.

L’IFFIm est enregistrée comme société de bienfaisance et entreprise britannique. La Banque mondiale est son conseiller financier et son trésorier. Les déboursements sont gérés par l’alliance GAVI (Global Alliance for Vaccines and Immunisation) qui les affecte à des projets de vaccination dont elle vérifie la fiabilité.

La France, avec un quart du financement (1,3 Md€ remboursables sur 20 ans de 2007 à 2026), est le deuxième contributeur après le Royaume-Uni. Ce mécanisme est aussi soutenu par l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Espagne, l’Italie, la Norvège, la Suède et les Pays-Bas.

Par ailleurs, en 2010, le Royaume Uni et la Norvège, auxquels s’est jointe l'Australie, ont annoncé un financement supplémentaire à hauteur d’un milliard de dollars fléché sur le renforcement des systèmes de santé dans les pays en développement.

Depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, l’IFFIm a transféré à GAVI 2,03 Mds$ pour soutenir l’achat et la mise à disposition de vaccins auprès de 70 pays en développement. Ce mécanisme de financement a permis à GAVI d’accroître ses dépenses dans les programmes de santé de 49,5 %. Ces fonds ont permis :

- de financer 90 M$ pour la vaccination contre la fièvre jaune pour assurer des stocks d’urgence disponibles pour l’Afrique de l’Ouest de manière à contenir des poussées épidémiques ;

- de financer 237,5 M$ pour le renforcement des systèmes de santé ;

- de mobiliser 61,4 M$ en faveur de l’initiative d’immunisation contre le tétanos.

Sont ensuite concernées diverses contributions de notre pays à des fonds sectoriels et tout particulièrement celle à l’IFFIm, pour 29,98 M€ de CP, correspondant à la tranche annuelle accordée avec GAVI Alliance.

Votre Rapporteur rappelle à cet effet que la France est le deuxième contributeur de cet instrument financier grâce auquel GAVI mène des opérations de vaccinations dans plus de 70 pays, lesquelles permettront selon les estimations de l’OMS d’éviter les décès prématurés de plus de 5 millions d’enfants d’ici à 2015. Cette action participe à la réalisation de plus de 50 % du quatrième des OMD.

Pays donateur

Contributions directes

Contributions innovantes

TOTAL

AMC

IFFIM

Matching Fund

Royaume Uni

1377

463

632

80

2552

Fondation Gates

1250

30

0

50

1330

Norvège

649

48

103

 

800

Etats-Unis

540

0

0

 

540

France

133

0

362

 

495

Italie

0

266

172

 

438

Australie

210

0

33

 

243

Pays Bas

160

0

80

 

24

Suède

206

0

12

 

218

Canada

66

75

0

 

141

Les principaux contributeurs à GAVI-Alliance, en millions de US$

Indépendamment de cela, la France continue de participer à deux fonds d’aide à l’Ukraine dans le domaine de la sécurité nucléaire, dont on sait que les dépenses, pour légitimes qu’elles soient, ne devraient évidemment pas être à la charge de la mission APD. Quelque 4,09 M€ sont demandés en 2013. En matière d’environnement, le Fonds pour l’environnement mondial, créé en 1999 par la France et l’Allemagne, requiert 33,99 M€ en CP ; notre pays en est le cinquième contributeur, à hauteur de plus de 215 M€, les AE ayant été engagées en 2010 et 2011. De même, le Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal est-il crédité ici de 7,5 M€ de CP.

Enfin, la France participe aussi à quelques autres fonds : le FIAS, pour le soutien au secteur privé en Afrique, le Fonds Doha, au profit des PMA ; ou encore le Fonds de transition de la BERD en Méditerranée, pourvu de 5 M€ en AE=CP.

Les dépenses d’opérations financières de cette action sont prévues pour un montant total de 35 M€ en AE et 563,5 M€ en CP. Il s’agit des contributions de notre pays aux institutions multilatérales de développement et spécialement à leurs guichets concessionnels.

L’essentiel de ce chapitre est ainsi destiné à couvrir la contribution de la France à l’AID (Association internationale de développement), guichet concessionnel de la Banque mondiale. 400 M€ sont prévus en CP à ce titre, pour couvrir la deuxième échéance de l’AID16, reconstituée en 2011, pour laquelle la France a alors engagée un montant total de 1,2 Md€. Le deuxième poste important, comparable dans le propos, concerne notre contribution à la troisième, et dernière échéance, du 12eFonds africain de développement, pour un montant de 126,98 M€ de CP. En 2010, la France s’était engagée à contribuer à hauteur de 400 M€ pour le 12e FAD, derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Etats-Unis. A elles seules, ces deux contributions représentent 45 % de l’aide économique et financière mise en œuvre par le programme 110.

Consécutivement, les autres contributions aux institutions financières régionales de développement sont plus modestes. Notre apport au Fonds asiatique de développement représente en 2013 quelque 23,13 M€ en CP. Il s’agit de la première annuité du 11FAsD, d’une durée de 4 ans, pour lequel les AE, pour un montant de 92,57 M€ ont été inscrits sur la LFI 2012. Enfin, à destination du guichet concessionnel de la Banque interaméricaine de développement, le « Fonds d’opérations spéciales », un crédit de 1,72 M€ en CP est prévu correspondant à la part française dans la compensation de l’annulation de la dette d’Haïti envers le FOS, décidée en mars 2010 par l’assemblée annuelle de la BID.

Le tableau ci-dessous retrace les contributions de la France au système multilatéral (31) et le rang de notre pays parmi les cinq principaux contributeurs (32).

Versements nets en 2010 en M$

France

RFA

Japon

Royaume-Uni

Etats-Unis

Rang France

Total Nations Unies

255

371

518

573

947

5e rang

Total Union européenne

2 661

2 926

0

2 009

0

2e rang

Total Banque Mondiale

872

763

1 931

1 441

1 263

4e rang

Total Banques régionales
et fonds spéciaux

1 132

595

311

717

1 173

2e rang

Total multilatéraux

5 128

4 950

3 684

5 036

3 766

1er rang

Le dernier poste de l’action n° 1 de ce programme 110 regroupe notre contribution au Fonds international de développement agricole, FIDA, rattaché au système des Nations Unies. En 2011, la France s’est engagée à contribuer à hauteur de 35 M€ dans le cadre de la 9e reconstitution, ce qui la place dans les 10 premiers financeurs de cet instrument fondé en 1977 à l’initiative de l’OPEP. Les AE correspondantes sont demandées ainsi que 11,7 M€ de CP, correspondant à la première des quatre échéances.

2. Les crédits consacrés à l’aide économique et financière bilatérale : l’action n° 2

87 % des crédits du programme 110 sont absorbés par cette action. Un total de 431,54 M€ d’AE et de 374,93 M€ de CP sont demandés. Ils se répartissent de la façon suivante.

8,3 M€ sont inscrits en AE et 7,4 M€ en CP au titre des dépenses de fonctionnement. Elles concernent en premier lieu la rémunération par l’Etat des opérations menées pour son compte par l'AFD. 4,2 M€ en AE et 3,3 M€ en CP sont prévus pour rémunérer l’agence pour les aides budgétaires globales qu’elle met en œuvre, ses opérations de conversion de dettes ainsi que pour ses activités dans le cadre du programme de renforcement des capacités commerciales et autres. La rémunération de Natixis pour ses activités de gestion des prêts de la RPE et des dons FASEP est également inscrite ici, pour 3,31 M€, en AE=CP. Les reliquats, modestes, financent les évaluations des opérations bilatérales d’APD ou d’appui au montage des projets.

L’essentiel de la dépense concerne les interventions d’aide bilatérale relevant de l'AFD, à hauteur de 386,5 M€ en AE et de 304,33 M€ en CP.

Par ordre décroissant d’importance, ces crédits permettent de couvrir tout d'abord le coût des bonifications d’intérêts des prêts de l'AFD aux Etats étrangers. 242 M€ en AE sont demandés à ce titre, qui « permettront de stabiliser les activités de l’agence en respectant la priorité donnée à l'Afrique subsaharienne », selon les précisions données par le PAP. Les CP, qui correspondent à la mise en œuvre d’engagements antérieurs à 2013 sont demandés pour un total de 188,17 M€.

Un retour en arrière permet de rappeler qu’en 2012, les AE demandées à ce titre étaient déjà du même montant et les CP de 179 M€. En 2011, la demande était de 225 M€ en AE pour 167 M€ de CP.

En conséquence de quoi, votre Rapporteur en déduit que l’utilisation de l’instrument « prêt » ne semble pas s’orienter à la baisse, quelque recommandation qu’aient pu faire ces dernières années la représentation nationale, la société civile et le CAD de l'OCDE, rejoints aujourd'hui par la Cour des comptes, quant aux risques que la priorité donnée à cette modalité, faisait courir à notre APD, et quant au respect de ses priorités sectorielles et géographiques.

Il en veut aussi pour preuve les données figurant dans les documents de politique transversale (33), reflétées dans le tableau ci-dessous. Il en ressort notamment que, en 2010, sur les 433 M€ d’engagements de l'AFD dans les pays pauvres prioritaires, 62 l’ont été en dons projets, et 136 par des prêts concessionnels, soit respectivement 14,3 % et 32,6 % des engagements. En 2011, le rapport était de 21,7 % pour les dons contre 64,9 % de prêts concessionnels. En 2012, le plan d’activités prévu indique 24,7 % de dons et 65,7 % de prêts concessionnels, avec 148 M€ de dons et 392 M€ de prêts sur un total engagés de 597 M€. En d'autres termes, si la part des dons augmente lentement dans les engagements de l’agence dans cette zone prioritaire, ce n’est pas par un renversement de tendance entre les deux instruments.

Ventilation géographique des engagements de l'AFD (en M€)

 

Dons projets

ABG

Conv. dettes (dont C2D)

Prêts concess.

Prêts non concess et garanties

Autres mandats spécifiques

ONG

Total

Réalisations 2010

               

Afrique subsaharienne

112

72

94

983

473

5

17

1756

Dont pays pauvres prioritaires

62

22

64

141

136

3

5

433

Réalisations 2011

               

Afrique subsaharienne

153

52

249

1741

154

0

25

2374

Dont pays pauvres prioritaires

140

34

0

418

45

0

8

644

Programme d’activités 2012

               

Afrique subsaharienne

166

61

179

1500

540

23

42

2511

Dont pays pauvres prioritaires

148

37

7

392

12

0

1

597

Les prévisions, telles qu’elles apparaissent dans le DPT 2013, ne laissent pas augurer d’une autre tendance pour l’avenir : le tableau reproduit ci-dessous (34) montre la très sensible orientation à la baisse des subventions, qui devraient diminuer de 577 M€ en 2012 à 500 M€ en 2015, cependant que les prêts nets bilatéraux augmenteront de 1818 M€ à 2668 M€ sur la même période.

en millions €

2007

2008

2009

2010

2011*

 

Prévisions

 

2012

2013

2014

2015

TOTAL APD

7 220

7 562

9 048

9 751

9 384

 

9 705

9 826

10 531

10 916

AIDE MULTILATERALE NETTE TOTALE

2 648

3 083

4 008

3 872

3 254

 

3 029

3 192

4 048

3 654

part APD multilatérale dans l'APD totale

37%

41%

44%

40%

35%

 

31%

32%

38%

33%

Dons

Aide Communautaire

1 575

1 753

2 083

2 009

1 742

 

1 554

1 662

2 526

2 076

Autres multi (aide hors UE)

1 116

1 307

1 339

1 413

1 512

 

1 475

1 530

1 522

1 578

Prêts (FMI & BM)

Prêts nets

-43

23

586

450

-5

 

196

198

144

63

Prêts bruts (pour info)

88

159

666

519

183

 

237

237

237

237

AIDE BILATERALE NETTE TOTALE

4 572

4 480

5 041

5 879

6 130

 

6 676

6 634

6 484

7 262

part APD bilatérale dans l'APD totale

63%

59%

56%

60%

65%

 

69%

68%

62%

67%

Dons
(hors annulations de dette)

Total

3 657

3 382

3 528

3 760

3 319

 

3 664

3 588

3 443

3 347

dont subventions

596

645

605

633

530

 

577

562

501

500

Prêts

Prêts nets
(hors rééchelonnement de dette)

-179

422

504

1 004

1 994

 

1 818

2 150

2 425

2 668

Prêts bruts (pour info)

695

1 246

1 276

1 862

2 675

 

2 643

3 019

3 343

3 710

Annulations de dette et rééchelonnements nets

1 094

675

1 009

1 115

817

 

1 194

896

616

1 247

Répartition de l'APD par principaux instruments

En 2013, des AE de 100 M€ et des CP de 5,16 M€ sont demandés au titre des bonifications pour l’initiative de lutte contre le changement climatique, décidée par le G8 en 2008. L’engagement de la France porte sur 500 M$ et a été mis en œuvre par un don projet de 200 M$ ainsi que par un prêt très concessionnel de l'AFD, équivalent à 300 M$. Les CP prévus représentent la neutralisation du coût pour l'AFD de ce prêt, cependant que les AE au coût net pour l'AFD du nouveau prêt que l’agence apportera dans le cadre de la reconstitution du fonds CTF qui interviendra courant 2013.

Pour les aides budgétaires globales, ABG, que l'AFD apporte aux pays dans lesquels elle intervient, notamment dans la Zone franc et en Haïti, 44,5 M€ et 86 M€ sont demandés en AE et CP respectivement. A titre d’information, en 2011, 97 M€ de crédits ont été engagés ou octroyés en faveur d’Etats d’Afrique subsaharienne et de l’Océan indien sous forme d’ABG : 12 M€ répartis entre 2 pays dans le cadre d’ABG de stabilisation macroéconomique (Niger et Togo) ; 5 M€ en faveur du Mali, en faveur de la réduction de la pauvreté ; 80 M€ en appui aux programmes économiques régionaux, versés aux Commissions de l’UEMOA et de la CEMAC. Une aide budgétaire globale de 17 M€ a en outre été octroyée à Haïti, conformément aux engagements pris par la France à la suite du tremblement de terre qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010. Pour le Fonds français pour l’environnement mondial, qui est le principal instrument bilatéral en matière d’environnement global, 25 M€ de CP sont demandés, correspondant à des engagements antérieurs. Enfin, 19,5 M€ de CP sont également demandés pour couvrir les bonifications d’intérêt de prêts que l'AFD a engagé outre-mer avant 2010, les nouveaux prêts étant depuis lors à la charge de la mission « outre-mer ». 480 000 euros sont demandés en AE=CP pour financer l’évaluation des opérations d’APD, qu’elles soient bilatérales ou le fait de bailleurs multilatéraux. A titre de comparaison, pour compléter les remarques qu’il faisait plus haut, votre Rapporteur indique que l’évaluation de l’aide au développement est un poste auquel le DFID, qui a fait de cette question une priorité, consacre entre 1 et 5 % du budget d’un programme.

Plusieurs dépenses correspondant à des opérations de coopération technique et d’ingénierie sont financées. Il s’agit notamment des dons FASEP, pour la dotation duquel 19 M€ d’AE et 35 M€ de CP sont demandés pour 2013 ; ils porteront notamment sur les études et l'assistance technique nécessaires au projet de ligne à grande vitesse au Maroc que la France a décidé de financer en 2008. La dotation au GIP ADETEF, qui apporte l’assistance technique de la DGT, est inscrite ici pour 4,1 M€ en AE=CP. Enfin, le programme de renforcement des capacités commerciales, PRCC, géré par l'AFD, est doté de 13,6 M€ d’AE, permettant de renouveler l’engagement de l'AFD, et de 4 M€ de CP, correspondant à la première tranche.

3. Le traitement de la dette des pays pauvres : les crédits de l’action n° 3

Le traitement de la dette des pays pauvres est doté de 0,42 M€ d’AE dans le PLF et de 113,12 M€ de CP. Deux types de dettes sont concernés. Au titre de la compensation des annulations de dettes bilatérales, les crédits inscrits (0,42 M€ d’AE et 56,69 M€ de CP) permettent l’indemnisation de l'AFD au titre du traitement de la dette décidée lors des accords de Dakar I et II qui ont porté sur des prêts accordés par la France au titre de l'APD. Les CP demandés correspondent aux échéances 2013, les AE ayant été budgétées en 2009.

 

Montants annulés

Montants déclarés en APD

 

Indemnisa- tion Natixis Prog.114

Indemnisa-tion AFD (1)

Solde non reporté en loi de règlement Prog. 851 et 852

COFACE

TOTAL

Annulations Club de Paris PPTE

Annulations Club de Paris hors PPTE

Annulations bilatérales

TOTAL

2011

 

70,01

637,93

437,65

1145,59

840,94

15,00

14,28

870,22

en %

0,00%

6,11%

55,69%

38,20%

100,00%

96,63%

1,72%

1,64%

100,00%

2012

-

61,35

795,93

352,32

1209,6

1174,26

5,99

13,77

1194,03

(prévision)

en %

0,00%

5,07%

65,80%

29,13%

100,00%

98,34%

0,50%

1,15%

100,00%

2013

-

56,7

314,97

778,12

1149,79

740,51

147,77

7,88

896,16

(prévision)

en %

0,00%

4,93%

27,39%

67,67%

100,00%

82,63%

16,49%

0,88%

100,00%

Les annulations de dette (35)

S’agissant de dettes multilatérales, 56,42 M€ de CP demandés correspondent à deux opérations.

En premier lieu, la compensation des annulations de dettes multilatérales des pays pauvres très endettés, PPTE, envers l’AID de la Banque mondiale, décidées lors du sommet du G8 de Gleneagles en 2005, dans le cadre de l’Initiative d’annulation de la dette multilatérale, IADM. Avec ses partenaires, la France s’est engagée à contribuer à cet effort et à compenser le coût de cette annulation auprès de la Banque. Les AE ont été engagées en 2006, 2001 et 2012, les CP demandés, 38,64 M€, correspondent à l’échéance de l’an prochain.

17,78 M€ de CP sont également demandés au titre de la compensation des annulations de dettes multilatérales des PPTE envers le FAD, selon un mécanisme identique également décidé lors du sommet de Gleneagles.

C. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 209 : LA SOLIDARITÉ ENVERS LES PAYS LES PLUS PAUVRES

1. Le panorama général

Le programme 209 regroupe l’ensemble des crédits du MAEE concernant l’APD, sous la rubrique « solidarité envers les pays pauvres », engagés selon des modalités bilatérales ou multilatérales. Il répond à plusieurs objectifs, notamment de ceux de lutter contre la pauvreté, de réduire les inégalités et de préserver les Biens publics mondiaux. A cet effet, il met tout d'abord en œuvre les opérations en direction des pays les plus pauvres, d’Afrique subsaharienne essentiellement, notamment les 17 pays pauvres prioritaires, au moyen des instruments les plus concessionnels de notre aide. Dans une moindre mesure, d’autres pays sont également concernés par ce programme, sur des thématiques différentes et moins strictement liées à la réduction de la pauvreté : c’est le cas des pays méditerranéens, des émergents, avec lesquels les axes de partenariats portent plus sur la croissance créatrice d’emplois, la préservation des écosystèmes, ainsi que des Biens publics mondiaux. Les pays en sortie de crise, naturelle ou politique, sont également au premier rang des bénéficiaires des actions de ce programme.

Les crédits du programme alimentent aussi un certain nombre de partenaires tant européens que multilatéraux. C’est le cas en premier lieu du FED, ainsi que de plusieurs fonds sectoriels, tel le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, FMSTP, et des organisations du système des Nations Unies auxquelles la France verse des contributions volontaires, qui sont inscrites sur cette ligne budgétaire à la charge du MAEE.

Enfin, nouveauté par rapport aux années précédentes, le programme 301, qui regroupait les crédits du codéveloppement dont avait la gestion le ministère de l’intérieur, disparaît cette année. Une nouvelle action est créée au sein du programme 209, et un cinquième objectif a été ajouté à l’ensemble de ceux préexistants, la promotion des actions de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire.

Comme il l’a fait plus haut pour les crédits du programme 110 géré par le ministère des finances, votre Rapporteur reproduit ci-dessous le tableau retraçant les AE et CP demandés pour l’année 2013.

Le gouvernement met surtout en avant, comme cela a été évoqué en début de propos, les économies de constatation, incontestables, pour expliquer la diminution des crédits. Globalement, les crédits du programme 209 diminuent de – 7 %, tant en AE qu’en CP en 2013, pour respecter la consigne gouvernementale de – 15 % à horizon 2015. Hors économies de constatation, qui concernent essentiellement le FED et les CDD, le ministère argumente que les crédits ne diminuent que de – 2 % en AE comme en CP, et que l’on sera sur une tendance de -4  % en AE et - 6  % en CP jusqu’à 2015, soit globalement en-deçà de la baisse générale.

Cela étant, aux yeux de votre Rapporteur, l’effort ne se limite pas au constat que le FED est moins exigeant ou qu’une dépense de 5 M€ pour le sommet de la francophonie de Kinshasa ne se répètera pas. Force est aussi de constater que l’effort que le programme 209 est appelé à réaliser va au-delà de cette seule réalité. Cela est d'autant plus problématique que les efforts demandés touchent aussi, voire surtout, des aspects sur lesquels notre APD ne cesse d’être questionnée comme on l’a rappelé précédemment : essentiellement la part des subventions et des prêts.

Si l’on compare les AE et les CP demandés pour 2013 avec les crédits votés en 2012 pour le programme 209, les évolutions sont telles que le tableau suivant les traduit :

N° et intitulé des actions

Autorisations d’engagements

Crédits de paiement

Total

Total

2012

2013

différence

Varia-tion en %

2012

2013

Différence

Varia-tion en %

02 (Coopération bilatérale)

651,15

609,11

- 42,04

- 6,4

652.02

604,31

- 47,71

- 7,3

05 (Coopération multilatérale)

420,35

414,72

- 5,63

- 1,3

442,32

436,79

- 5,53

- 1,2

07 (Coopération communautaire)

789,60

694,02

- 95,58

- 12,1

789,60

694,02

- 95,58

- 12,1

08 (Dépenses de personnel)

222,40

210,08

- 12,32

- 5,6

222,4

210,08

- 12,32

- 5,6

09 (Codévelopmt)

25

11

- 14

- 56

25

18,5

- 6,5

- 26

Total

2108,51

1938,94

- 169,57

- 8

2131,35

1963,71

- 167,64

- 7,9

La coopération bilatérale représente 31,4 % de la dépense en AE du programme, selon les données du PAP. 609,11 M€ sont demandés en AE, soit
-6,3 % par rapport aux crédits votés en loi de finances 2012 et 604,31 M€ en CP, soit une diminution de -7,2 %.

Les dépenses de fonctionnement couvrent principalement les subventions pour charges de service public de différents opérateurs. Elles diminuent essentiellement cette année du fait de la suppression de la subvention au GIP ENA, « Education numérique en Afrique ». Il est précisé que le niveau de trésorerie et de fonds de roulement de l’opérateur permet cette économie. 5 M€ d’AE et 4,1 M€ de CP avaient été votés en LFI 2012. Une évaluation des résultats à mi-parcours du GIP est actuellement en cours qui tirera les conséquences sur le futur de son activité.

Le GIP ESTHER, « Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau », qui intervient sur l’accès aux traitements pour les patients atteints de sida dans 18 pays en développement, se voit doté de 3,84 M€ en AE=CP, stables par rapport à l’an dernier. De même, la rémunération de l'AFD, à 28 M€ en AE=CP est-elle identique à celle votée en LFI2012. Une révision des modalités de calcul de rémunération de l’opérateur pour l’ensemble de ses actions (dons-projets, dont assistance technique et ONG, CDD et crédits délégués hors AFPAK et Haïti) est prévue pour 2013.

Les dépenses d’intervention sont stables en AE et en légère baisse en CP, de -1,3 %, à 572,13 M€, par rapport à ce qui était demandé en 2012.

Un examen attentif permet de relever que les crédits de la coopération en matière de gouvernance diminuent de – 8,3 %, en AE=CP par rapport à ce qui avait été demandé 2012. C’est en effet un total de 20,37 M€ qui avait été demandé en 2012.

Rubriques de JPE

AE=CP

2013

2012

Variation

Bourses

6 907 041

7 426 926

- 6,8 %

Echanges d’expertise

3 059 686

3 289 985

- 9,0 %

Dotations pour opérations aux EAF

706 934

760 144

- 7,1 %

Autres moyens bilatéraux d’influence

8 072 401

8 894 974

- 9,0 %

Total sous-action

18 746 062

20 372 029

- 8,3 %

Coopération en matière de gouvernance demandés en 2012 et 2013 (36)

Toutes les modalités de cette coopération sont affectées : les bourses de stages pour ressortissants étrangers en immersion dans des institutions de notre pays, (ENA, ENM, Barreau, Cour de cassation, Conseil d’Etat, etc.), perdent 6,8 %, à 6,9 M€ contre 7,4 M€, soit quelque 100 bénéficiaires en moins, 1700 boursiers contre 1800 les années antérieures. De même, les crédits consacrés aux échanges d’expertise perdent 9 % : 3,06 M€ leur sont consacrés contre 3,29 M€ l’an dernier ; les dotations aux EAF qui peuvent être amenés à intervenir sur la thématique de la gouvernance diminuent de 7,1 %.

Les « autres moyens bilatéraux d’influence » permettent au MAEE de mettre en œuvre directement des projets en matière de gouvernance essentiellement moyennant des subventions à des organisations locales souvent des ONG, sur des thématiques de Droits de l'Homme, Etat de droit, etc. Ils diminuent également de 9 % : 8,89 M€ avaient été demandés en 2012. L’an dernier, une augmentation de 2 M€ était intervenue sur la contribution française au Centre de Marseille pour l’Intégration, institution fondée en 2009, par la Banque mondiale, la BEI, la France, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, la Tunisie et le Maroc, pour la promotion de la convergence des politiques de développement durable dans le bassin méditerranéen. La volonté de la France de contribuer aux processus de transition démocratique engagés dans la région était soulignée à cet effet ; aucune donnée n’est aujourd'hui présentée sur ce volet.

Ces premières conclusions montrent que l’un des volets prioritaires de notre politique de coopération est affecté dans ses différentes rubriques au-delà des strictes exigences du cadrage budgétaire souhaité par le Premier ministre. Il apparaît de même que notre coopération bilatérale, hors gouvernance, est majoritairement orientée à la baisse dans ce PLF. Ces données ne sauraient être considérées comme satisfaisantes. Le tableau ci-dessous, construit sur la base des données budgétaires des années 2011, 2012 et 2013 montre notamment que le gouvernement, quoi qu’il en dise, a du mal à tenir compte des souhaits de la représentation nationale, de voir durablement et nettement réévalués les crédits consacrés aux subventions. Cette tendance est d'autant plus préoccupante aux yeux de votre Rapporteur qu’elle doit évidemment s’analyser en relation avec les crédits inscrits sur le programme 110 destinés aux bonifications de prêts dans les Etats étrangers qui, comme on l’a vu plus haut, ne diminuent pas, tant en AE qu’en CP.

Rubriques de JPE

AE

CP

2011

2012

2013

2011

2012

2013

Dons projets AFD, FSP, ONG

311,83

324,31

321,25

389,33

321,09

312,45

AFPAK

20

20

20

15

15

14

Haïti

30

--

--

20

10

10

CDD

78,32

129,13

102,64

78,32

129,13

102,64

Fonds de coopération Pacifique

2

2

1,86

2

2

1,86

AB post conflit, sorties de crises

25

25

23,25

25

25

23,25

Coopération décentralisée

9,84

9,84

9,15

9,84

9,84

9,15

Volontariat

21,59

21,59

20,08

21,59

21,59

20,08

Canal France international

15,39

14,98

13,94

15,39

14,98

13,94

Aide alimentaire

37,12

37,12

37,12

37,12

37,12

37,12

Fonds d’urgence humanitaire

8,9

8,9

8,9

8,9

8,9

8,9

Total sous-action

559,99

592,88

558,18

622,49

594,65

553,38

Coopération hors gouvernance, années 2011, 2012, 2013, en M€ (37)

Si l’on regarde le détail des crédits inscrits au titre des dons, pour 2013 et 2012 (38), on note les éléments suivants :

 

AE

CP

2012

2013

%

2012

2013

%

Subventions projets AFD

170

170

--

173

167,25

- 3,3

ONG

45

54

+ 20

41

45,27

+ 10,4

Assistance technique

59,3 *

47,3

- 20,2

45

44,89

-0,2

FSP

50

50

--

62

55,04

- 11,2

Total

324,31

321,25

-0,9

321,09

312,45

-2,7

*Dont 12,45 correspondant au transfert depuis le MAEE.

Evolution des dons-projets (AFD, FSP et ONG) 2011-2013 (39)

On peut admettre que la diminution importante constatée sur l'assistance technique est sans doute non significative, compte tenu du transfert intervenu ces dernières années qui a alors « gonflé » un peu artificiellement les chiffres. Cela étant, si stabilisation il y a, les crédits demandés ne s’inscrivent sans doute pas dans la perspective du redressement souhaitée par de nombreuses instances, pour retrouver un positionnement fort sur le terrain face aux moyens développés par d’autres, telle l’Allemagne. On relève cela étant que les subventions aux ONG augmentent de 9 M€, soit + 20 % en AE, conformément à l’annonce qu’avait faite le Président de la République ; si le rythme se maintient au long du quinquennat, la part qui leur est allouée aura effectivement doublée à échéance de 2017. Peut-être les CP auraient-ils cependant pu augmenter à due proportion, dès 2013.

En revanche, on ne saurait trouver dans les autres éléments aucun élément de satisfaction : les crédits demandés pour le FSP tant en AE qu’en CP diminuent, et ceux attribués à l'AFD pour les dons projets qu’elle gère sont simplement stabilisés. Comme il a eu l’occasion de le dire, votre Rapporteur peut-il y voir autre chose que le fait qu’aucune des préoccupations et recommandations adressées de manière réitérée par l’ensemble des observateurs et acteurs de l’APD de notre pays ne trouve grâce aux yeux du gouvernement ?

Le tableau reproduit ci-dessous présente les AE pour les subventions de l'AFD par groupes de pays et grandes régions. Un rapide calcul montre aisément que si, effectivement, la part des pays pauvres prioritaires, les 14 initialement, aujourd'hui 17, ou plus largement des PMA ou des pays d’Afrique subsaharienne, est dominante dans les subventions attribuées par l’agence, la moyenne des sommes concernées reste pour le moins modeste : 10 M€ par pays en 2011 et sur le premier semestre 2012, 1,4 M€ seulement.

Engagements en subventions par groupe de pays et grandes régions (40)

Faut-il y voir la traduction du fait que le concept d’APD évolue, que l’on se situe de plus en plus sur des thématiques de biens publics mondiaux plus que sur une approche solidaire ? Quelle qu’en soit la raison, le sujet appelle réflexion.

Les deux tableaux ci-dessous donnent des précisions sur la répartition géographique et sectorielle des projets FSP sur les trois dernières années.

Répartition par zone géographique

2010

%

2011

%

2012

%

Afrique subsaharienne et Océan Indien

8 900 000

37%

6 750 000

14%

10 200 000

22%

Afrique du Nord et Moyen-Orient

2 300 000

10%

1 900 000

4%

3 100 000

7%

Asie-Pacifique

4 800 000

20%

1 300 000

3%

2 500 000

5%

Amérique et Caraïbes

1 500 000

6%

2 100 000

4%

0

0%

Europe Centrale

0

0%

0

0%

0

0%

Mobilisateur / ensemble de la ZSP*

6 250 000

26%

34 793 600

74%

31 200 000

66%

TOTAL

23 750 000

100%

46 843 600

100%

47 000 000 (41)

100%

* dont projets MUSKOKA

           

Répartition par zone géographique des projets FSP approuvés depuis 2010 en AE (42)

Répartition par secteur

2010

%

2011

%

2012

%

Société civile (CD-FSD-ONG) et luttre contre la pauvreté

7 600 000

32%

2 400 000

5%

5 500 000

12%

Gouvernance et sortie de crise

6 100 000

26%

6 500 000

14%

5 800 000

12%

Santé, femmes *

2 500 000

11%

25 000 000

53%

25 000 000

53%

Enseignement, français, culture

5 550 000

23%

9 350 000

20%

6 700 000

14%

Sécurité

2 000 000

8%

3 593 600

8%

4 000 000

9%

TOTAL

23 750 000

100%

46 843 600

100%

47 000 000

100%

* dont projets MUSKOKA

           

Répartition par secteur des projets FSP approuvés depuis 2010 en AE

Pour le reste, les autres subventions se voient également stabilisées pour le PLF 2013. C’est par exemple le cas des crédits AFPAK, maintenus à 20 M€, le CP diminuant d’1 M€, à 14 M€ cette année ; on rappelle que les actions devront se décliner essentiellement en infrastructures et formation-accompagnement, dans le cadre du programme de coopération bilatérale signé entre les deux pays il y a quelques mois. S’agissant d’Haïti, 10 M€ de CP sont demandés comme en 2012 pour la poursuite des actions engagées à la suite du tremblement de terre de janvier 2010, pour lesquelles 30 M€ d’AE ont été demandées en 2011. Les crédits pour le Fonds Pacifique restent de même globalement stabilisés, ne diminuant que de 0,14 M€ en AE=CP.

Un certain nombre des autres rubriques à la charge de cette enveloppe importante du programme 209 sont strictement stabilisées. Il s’agit des crédits destinés au Fonds d’urgence humanitaire, maintenus à 8,9 M€ en AE=CP, à l’identique depuis plusieurs années, de ceux consacrés à l’aide alimentaire d’urgence, à 37,12 M€ en AE=CP, sans changement depuis plusieurs années également. Les autres postes sont en revanche orientés à la baisse, dans des proportions variables. Les ressources pour le volontariat perdent 0,5 M€, à 20 M€ en AE=CP et peut-être l’objectif de triplement du nombre de volontaires internationaux sur 5 ans décidé en 2009 sera-t-il difficile à tenir. Les actions de coopération décentralisée sont dotées de 9,2 M€ en 2013, en AE=CP, soit 0,7 M€ de moins qu’en 2012, cependant que Canal France international, perd 1 M€, AE=CP, pour son action de soutien aux média des pays en développement.

Les crédits destinés aux contrats de désendettement et de développement, CDD, sont amputés de 27 M€ en 2013, à 102,64 M€ en AE=CP, sur la base des prévisions de décaissement calculées en fonction des contrats signés, ainsi que des besoins estimés par anticipation des contrats qui seront signés d’ici la fin de l’année 2012 ou au cours de l’année 2013 ; ils concernent les pays suivants : Mozambique, Mauritanie, Ghana, Cameroun, Congo, Guinée, Côte d’Ivoire et République Démocratique du Congo. Selon les indications qui ont été données à votre Rapporteur, la baisse des C2D se poursuivra en 2014 et en 2015. Enfin, l’aide budgétaire post-conflit et sorties de crise, destinée à des opérations ponctuelles d’urgence, par définition non planifiables, à la différence des ABG financées sur le programme 110, est diminuée de 1,7 M€.

3. L’action n° 5 : la coopération multilatérale

Les crédits de l’action n° 5, « coopération multilatérale » représentent un peu plus du cinquième du programme 209, 21,4 % des AE exactement. 414,72 M€ en AE sont demandés pour 436,79 M€ de CP. En 2012, les demandes étaient respectivement d’AE= 420,35 M€ pour CP = 437 M€ ; en 2011, d’AE = 412,7 M€ et de CP = 434 M€. En d'autres termes, on constate une relative stabilité des AE comme des CP demandés sur les dernières années. Les postes de cette action concernent les contributions de notre pays au système des Nations Unies, le soutien à la francophonie ainsi que celle au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

La rationalisation des contributions volontaires au système des Nations Unies, engagée en 2010 sera poursuivie en 2013. Elle se traduit par un resserrement de nos contributions, sur la base de l’évaluation de l’efficacité des agences. A ce jour, quatre d’entre elles reçoivent l’essentiel des contributions de la France : le PNUD, le HCR, l’UNICEF et l’UNRWA. Si les crédits demandés en AE=CP sont identiques à ceux de l’an dernier, soit 51,38 M€, il faut ici aussi regretter que les rédacteurs des documents budgétaires n’aient pas jugé utile cette année de donner le détail de la répartition entre les bénéficiaires qui aurait permis à la représentation nationale d’être pleinement informée. A titre d’indication, votre Rapporteur peut rappeler qu’en 2012, le PAP précisait que « le PNUD est l’un des principaux bénéficiaires des contributions volontaires (environ 33 % de l’enveloppe globale en 2011) et la contribution au HCR à hauteur de 20 M$ permet à la France de continuer à figurer dans le groupe des grands donateurs. La contribution à l’UNRWA devrait être augmentée d’environ 1,5 M€ en 2012. Par ailleurs en 2012, 3,5 M€ seront spécifiquement dédiés à des programmes et activités de l’UNICEF pour des projets spécifiques portant notamment sur la scolarisation des filles au Sahel et en Côte d’Ivoire. » Sans plus d’information détaillée cette année, on supposera qu’il en est de même en 2013. Les tableaux reproduits ci-dessous mettent en tout cas en évidence la part minime des contributions de la France aux organisations du système. En cela, la structure de notre APD multilatérale est fort différente de celle de bien d’autres donateurs (43). Votre Rapporteur renvoie aussi au tableau qu’il a présenté page 44.

Contributions de la France aux organisations multilatérales comptabilisées en APD (44)

Le soutien de la France à la francophonie se décline en deux volets. D’une part, en dépenses de fonctionnement, avec le fait d’assumer le loyer de la Maison de la Francophonie, pour CP = 5,4 M€ annuels, coût pour lequel les AE (52 M€) ont été accordés en 2010.

En outre, la France soutient la francophonie sous diverses modalités. Si l’on tient compte de la dépense exceptionnelle de 5 M€ faite en 2012 pour l’organisation du sommet de Kinshasa, la demande est identique à ce qu’elle était l’an dernier. Il est dommage que les documents budgétaires soient moins détaillés que les précédents, car la comparaison termes à termes est évidemment moins aisée. Ils le sont cependant suffisamment pour relever que notre contribution à l’Organisation internationale de la francophonie, diminue : notre contribution volontaire à l’OIF s’élevait en effet à 16 M€ en 2012. Elle est réduite à 14 M€ en 2013. Il n’est pas certain que cette baisse de 12,5 %, nettement supérieure aux exigences du cadrage, soit le signe le plus positif que notre pays pouvait adresser à ses partenaires de langue et de culture ; pour prioritaire qu’elle soit, notre diplomatie culturelle et d'influence se voit amputée de moyens conséquents. En parallèle, notre contribution obligatoire à l’OIF passe de 13,4 M€ à 14 M€. Les documents pour 2013 n’indiquent pas ce qu’il en est du soutien du MAEE à l’Association internationale des maires francophones, dotée de 1,1 M€ l’an dernier, non plus qu’à d’autres bénéficiaires.

La ligne Jeunes experts associés - Fonds fiduciaires, qui permet de conforter la présence de la France dans diverses instances internationales (Banque mondiale, OCDE, PNUD, MOPAN) est dotée de 7,34 M€ en AE=CP, en baisse de 7,6 % par rapport à l’an dernier, en conformité, par conséquent, avec les consignes gouvernementales.

Dans l’ensemble des contributions au système multilatéral, la contribution de la France au FMSTP reste parmi les plus élevées. Aux 300 M€, AE=CP, que notre pays verse annuellement depuis 2008, se sont ajoutés en 2010 et pour une durée de trois ans, 60 M€, financés par une partie de la recette de la taxe de solidarité sur les billets d’avion.

Le programme 209 continue d’assurer la contribution française, qui place notre pays au tout premier rang des financeurs du Fonds : 2e en volume et 1er en % de RNB. A ce propos, il est surprenant qu’il ait fallu attendre la sur-cotisation de 60 M€ décidée en 2010 pour que, enfin, la France se voit accordé un siège permanent au conseil d’administration, selon ce qui a été indiqué à votre Rapporteur. Auparavant, en effet, la France partageait son siège avec l’Espagne, alors même que les Etats-Unis ou des pays comme l’Italie ou le Japon, contributeurs à un niveau bien moindre, occupaient seuls le leur depuis les origines. La situation s’est donc heureusement améliorée et notre pays participe en outre à deux des trois Comités techniques - Comité stratégie, investissement et impact et Comité audit et éthique. Notre contribution en 2011 a représenté 15 % des ressources totales recueillies par le Fonds.

Sans remettre en question l’utilité du Fonds mondial, dont on sait l’importance majeure qu’il a eu, et continue d’avoir, pour le traitement des trois pathologies qu’il est chargé de combattre (sida, tuberculose et paludisme), peut-être devrait-on néanmoins s’interroger sur l’ampleur de la priorité accordée à un seul organisme sectoriel, priorité qui conduit, qu’on le veuille ou non, à limiter ou réduire les contributions de notre pays à d’autres secteurs également essentiels pour la cohérence de notre politique en matière de santé.

En ce sens, les annonces faites par le Président de la République à la tribune des Nations Unies en septembre dernier ne laissent pas augurer une inflexion qui serait cependant opportune, ne serait-ce que pour nous permettre de mieux coller à nos engagements internationaux en faveur des OMD, en tout premier lieu le quatrième, réduire des deux tiers la mortalité infantile d’ici à 2015. Selon le rapport 2011 de suivi des OMD, des progrès important sont certes intervenus dans ce domaine, qui restent cependant insuffisants, comme en témoignent le graphique reproduit ci-dessous. Or, comme le soulignent les Nations Unies, « il apparaît de manière de plus en plus claire qu’atteindre la cible est possible, mais seulement si une action substantielle et rapide est mise en place en vue d’éliminer les causes principales de décès chez les enfants. En Afrique subsaharienne, la diarrhée, le paludisme et la pneumonie sont responsables de plus de la moitié des décès des moins de 5 ans. En Asie du Sud, plus de la moitié des décès infantiles surviennent pendant les premiers 28 jours de vie, ce qui prouve qu’il est nécessaire d’améliorer les soins postnatals. Dans les deux régions, la sous-alimentation reste la cause sous-jacente d’un tiers de ces décès. Des efforts particuliers pour combattre la pneumonie, la diarrhée et le paludisme, tout en améliorant la nutrition, pourraient sauver des millions d’enfants. » (45)

Ce sont donc essentiellement des pathologies telles que la pneumonie et la diarrhée qui sont, et de très loin, les premières causes de mortalité infantile. Selon les données épidémiologiques de l’OMS, la prématurité, les infections néonatales et autres accidents de la naissance sont pour leur part responsables de plus d’un quart de ces décès (27 %), cependant que le VIH-sida n’intervient que pour 3 % et la malaria pour 12 % des cas de mortalité infantile. En d’autres termes, les deux tiers des décès des enfants de moins de cinq ans sont dus à trois types de maladies, que ne traite pas le Fonds mondial...

La sous-alimentation et les maladies infectieuses sont les principales causes des décès d’enfants (46)

Votre Rapporteur y voit à tout le moins matière à réflexion stratégique quant à la cohérence de notre politique d’aide au développement en matière de santé, quant au rééquilibrage qui pourrait probablement être opéré, pour revenir sur l’extrême concentration de notre contribution en faveur d’un seul fonds vertical. En ce sens, on peut par exemple s’interroger sur l’option prise par le gouvernement quant à l’affectation en 2013 des recettes de la taxe sur les transactions financières, la lecture de l’article 27 du PLF laissant entendre qu’une part importante sera consacrée à la lutte contre le sida.

Il serait au contraire plus opportun, selon votre Rapporteur, de profiter du fait que notre engagement supplémentaire de 20 % assis sur la taxe de solidarité sur les billets d’avion arrive à échéance à la fin 2013 pour revenir à des contributions plus conformes à la moyenne et décider de consacrer ces ressources, taxe sur les transactions financières et taxe sur les billets d’avion, à de nouvelles priorités en matière de santé.

4. Les crédits consacrés à la coopération communautaire : l’action n° 7

Avant d’analyser les crédits demandés par le PLF pour la politique européenne de développement, votre Rapporteur estime intéressant d’ouvrir la question en donnant quelques éléments relatifs au regard porté sur la politique de coopération de l’UE, notamment par les pairs du CAD de l'OCDE, suite à la revue effectuée en début d’année, ou par la France, dans le cadre de la stratégie qu’elle a adoptée à ce sujet.

« Face aux nouveaux défis et dans la perspective de la mise en œuvre du traité de Lisbonne, de la négociation des prochaines perspectives financières et du prochain grand cycle de programmation, la France est convaincue qu’une plus grande cohérence, un ciblage plus stratégique, une plus grande efficacité et une meilleure prise en compte de nos atouts respectifs sont possibles. En six objectifs, la France souhaite soumettre à ses partenaires européens, par la présente stratégie, sa vision de l’architecture européenne de l’aide et ses principales attentes en matière de politique européenne de développement pour ces dix prochaines années. » (47). Sur la base de cette vision, notre pays s’est donné six objectifs vis-à-vis de la politique européenne de développement, pour que l’action européenne soit plus efficace, plus intégrée, et mieux adaptée aux nouveaux défis du monde contemporain. On peut les lire comme autant de critiques et de propositions d’amélioration.

En ce sens, la politique européenne de développement doit être « inscrite au cœur de l’action extérieure de l’Union européenne », tirant profit des opportunités offertes par le traité de Lisbonne, pour renforcer la politique de développement, laquelle, notamment, doit être articulée avec la politique étrangère de l’Union. La politique européenne de développement doit être plus intégrée, plus efficace et plus visible, et à cet effet, l’Union devrait se doter d’un nouveau consensus politique en matière de développement. La question de la plus grande complémentarité et d’une division du travail est jugée prioritaire par le document stratégique français. En troisième lieu, la politique européenne de développement devrait être mieux adaptée à la diversité croissante des pays bénéficiaires, et des partenariats géographiques devraient être promus, les modalités adaptées aux objectifs. Les défis du monde nouveau devraient trouver une réponse européenne adaptée, que ce soit en ce qui concerne l’approche et les financements diversifiés, ou concernant les thématiques les plus prioritaires : la sécurité alimentaire, le changement climatique, la gouvernance démocratique, l’articulation entre sécurité et développement, notamment dans les situations de fragilité ou l’intégration régionale.

Des politiques globales et une action européenne plus cohérente au service du développement sont indispensables, notamment autour de questions nodales, comme le commerce, les migrations, l’agriculture ou encore la propriété intellectuelle, qui ont toutes un lien étroit avec les questions de développement. Enfin, le document stratégique français appelait à une offre européenne de financements plus moderne, articulée sur l’affirmation d’une politique européenne contractuelle et incitative, plus réactive face aux crises, sur une allocation plus stratégique du budget communautaire du développement, des aides budgétaires mieux maîtrisées au service des politiques publiques et de leurs bénéficiaires, un soutien plus fort au secteur productif et de nouvelles solutions de mixage entre prêts et dons.

De son côté, le CAD de l'OCDE a procédé en avril dernier à sa revue par les pairs de l’aide européenne, la précédente remontant à 2007.

Indépendamment du fait qu’est salué l’effort remarquable de l’Union et de ses Etats membres, en termes de volumes financiers consacrés à l’aide, le CAD a relevé que l’UE avait su prendre les mesures pour accroître l’efficacité et l’impact de son aide, notamment quant à la restructuration organisationnelle intervenue depuis la dernière revue, à la rationalisation des processus financiers, à l’amélioration de la coordination et au resserrement des liens avec la société civile.

Toutefois, des progrès restent à accomplir en matière de répartition de compétences entre les différentes institutions européennes chargées des questions de développement, de même qu’en ce qui concerne la charge administrative pesant tant sur les personnels de l’UE que sur les pays en développement. Le système se révèle en effet particulièrement complexe et requiert une meilleure coordination entre les Etats membres.

Le CAD a formulé un certain nombre de recommandations afin que l’Union européenne puisse améliorer l’efficacité de son aide, tenant par exemple à la construction d’une vision stratégique commune à l’UE et à ses États membres. De même a-t-il été jugé souhaitable pour l’efficacité de son action dans les pays pauvres et les États fragiles, que l’UE veille à ce que son prochain cadre financier, 2014-2020, soutienne ses priorités stratégiques à l’aide de fonds et d’outils appropriés, en particulier en ce qui concerne les problèmes de sécurité et de transition, prenant en compte systématiquement les questions d’égalité hommes femmes et d’environnement et soutenant le développement du secteur privé. Surtout, la cohérence des politiques de l’Union européenne et de ses États membres avec les objectifs de développement auxquels ils ont souscrit est indispensable. Votre Rapporteur a souvent eu l’occasion d’insister de son côté sur cette question pour se féliciter que ce point soit mis en exergue par les pairs.

Enfin, les questions de simplification des processus budgétaires et administratifs encore complexes, de déconcentration, sont vues comme souhaitables pour une meilleure rapidité et flexibilité de l’aide européenne.

Le FED est pour notre pays un instrument majeur de notre coopération, non seulement par les montants très importants que l’on y consacre, mais aussi en ce qu’il correspond à nos priorités géographiques. S’il a considérablement évolué depuis sa création, le FED a néanmoins gardé quelques-unes de ces caractéristiques qui lui valent aujourd'hui certaines critiques récurrentes, notamment le fait qu’il soit un instrument hors budget communautaire, échappant ainsi au contrôle démocratique du parlement européen. Cela étant, cette caractéristique nous a sans doute permis de maintenir les priorités que l’on souhaitait lui voir conserver, notamment vis-à-vis de l'Afrique subsaharienne, grâce à la « sur-cotisation » à laquelle nous avons consentie il y a quelques années : sous le 9e FED, la France assurait ainsi seule le financement du quart du FED, 24,3 % exactement (48).

Clef de répartition des contributions des Etats membres au 10e FED (49)

Dans le cadre des négociations de la 10e reconstitution, la France a réussi à réduire sa part à 19,55 %, qui la place en deuxième position derrière l’Allemagne, désormais premier contributeur avec 20,5 % du total, comme on le voit sur le tableau ci-dessus.

Ce 10e FED, qui couvre la période 2008-2013, est d’un montant total de 22,7 Md€, soit considérablement plus que le 9e FED, qui s’était élevé à 13,5 Md€, pour la période 2002-2007. La répartition de l’enveloppe de 21,97 Md€ qui revient concrètement aux pays ACP se fait très majoritairement au profit de programmes nationaux des Etats et aux programmes régionaux d’appui à la coopération. Cette ligne représente 17,77 Md€. 2,7 Md€ financent la coopération intra-ACP et interrégionale, incluant des instruments transversaux et un soutien structurel aux institutions conjointes. 1,5 Md€ sont destinés à la dotation à la BEI pour le financement de la facilité d’investissement.

En matière de répartition sectorielle, le FED, et plus largement l’aide européenne, consacre 30 % de ses financements aux aides budgétaires, 25 % aux infrastructures de communication et de transport, 15 % à l’appui à la gouvernance (appui à la démocratie, Etat de droit, réformes institutionnelles et économiques), 9 % au développement rural, à l’agriculture et à la sécurité alimentaire, 6 % au développement humain, 4 % à l’eau et à l’énergie, 3 % à la prévention des conflits et aux Etats fragiles, 2 % à la cohésion sociale et à l’emploi et enfin, 2 % également à l’environnement et aux ressources durables.

Ces rappels étant faits, l’action n° 7 du programme 209 regroupe l’ensemble des crédits destinés à la coopération européenne. Ils représentent plus du tiers de l’enveloppe, 35,8 % exactement du programme 209, soit 694 M€ en AE=CP pour 2013, correspondant à 19,55 % du total appelé par la Commission européenne pour 2013 à ce titre, soit 3,55 Md€.

Votre Rapporteur a mentionné en début de propos le fait que parmi les économies de constatation réalisées, celle effectuée sur le FED était conséquente, puisque la diminution de la contribution française est de quelque 95,6 M€ par rapport à ce qu’elle aurait dû être, le nouveau montant actualisé de la dotation française au Fonds européen de développement, communiqué en juin par la Commission européenne, étant inférieur de 213,3 M€ au montant initialement inscrit en LFI 2012.

Il faut remarquer à cet égard que cela fait maintenant plusieurs années que la Commission européenne ne réussit pas à consommer les crédits prévus. Si jusqu’en 2010 crédits inscrits en LFI ont été effectivement utilisés, nécessitant parfois le dégel de la réserve légale, comme entre 2007 et 2009, voire même justifiant l’ouverture de crédits en LFR comme en 2010, on assiste depuis lors en revanche à une moindre consommation. Cela s’est traduit en 2011 par une réduction de 118 M€ du montant appelé ; de même, l’appel de 2012 est-il finalement inférieur de 213,1 M€ aux prévisions.

Il faut mettre cette réalité en regard des propositions que la Commission européenne a faites pour le 11e FED, tant sur les montants que sur les financements.

Les négociations pour le 11e FED sont engagées sur la base des propositions formulées par la Commission européenne. Cette échéance est importante à plusieurs titres et votre Rapporteur a tenu à y consacrer une part de sa réflexion dans son analyse.

Les propositions de la Commission européenne incluses dans « L’agenda pour le changement » adopté par le Conseil des affaires étrangères en mai dernier, sous-tendent les axes de priorités du 11e FED : Droits de l’homme, gouvernance et développement humain, cela couvrant les services sociaux, notamment la santé et l’éducation, l’énergie, l’emploi, la protection sociale et la protection de l’environnement. Conformément aux recommandations les plus actuelles issues des conférences internationales de ces dernières années, l’accent sera mis sur l’efficacité, la performance, l’impact et les résultats en matière de lutte contre la pauvreté. A cet effet, la programmation du FED sera articulée autour des principes promus dans l’Agenda : une plus grande différenciation géographique, thématique et financière ; un effort de concentration de l’aide ; une meilleure coordination avec les États membres ; le recours à des mécanismes de financement innovant ; une plus grande flexibilité de la programmation.

Cela étant, c’est surtout sur le plan budgétaire que la proposition de la Commission européenne de 11e FED retient l’attention. La Commission propose en effet un FED d’un montant total de 34,28 Md€, soit en augmentation de 13 % par rapport au 10e FED, étant entendu que la période couverte, 2014-2020, est supérieure d’un an à celle du 10e FED (2008-2013). Les nouveaux besoins identifiés dans l’Agenda, ont également leur part.

Il est clair que dans le contexte budgétaire actuel de la France et de nombreux autres pays européens, cette proposition ne saurait être entérinée sans une forte révision à la baisse. Selon les informations recueillies par votre Rapporteur, notre pays, conformément au cadrage budgétaire souhaité par le Premier ministre, négocie la réduction de l’enveloppe globale par rapport à cette proposition initiale, nonobstant le fait que la Commission européenne propose en parallèle une nouvelle clef de répartition, à 17,81 % pour notre pays, contre 19,55 % actuellement, pour continuer d’aligner progressivement les clés de contribution au FED sur celles du budget général de l’UE, dans la perspective d’une éventuelle budgétisation (50) du FED à partir de 2020.

La France est suivie dans sa démarche, et sans surprise, par l’Allemagne, la Grande-Bretagne et d’autres contributeurs importants au FED, l’Italie et l’Espagne notamment, pour lesquelles il n’est pas question que les crédits augmentent. A ce sujet, les responsables de la Commission européenne que votre Rapporteur a rencontrés sont d’ailleurs assez peu optimistes.

Selon les scénarios envisagés par le MAEE sur cette négociation, les contributions annuelles du 11e FED de notre pays seraient les suivantes, sur la base de la clef de répartition de 17,81 % (51) :

 

Contribution totale de la France 2014-2020

FED à 34 Md€ (proposition Commission)

6,105 M€ au total, soit une contribution annuelle de 872 M€

FED à 30 Md€ (solution médiane)

5,343 M€, au total soit une contribution annuelle de 763 M€

FED à 27 Md€ (proposition basse)

4,809 M€ au total, soit une contribution annuelle de 687 M€

Source : MAEE

5. Les dépenses de personnel concourant au programme 209 (action n° 8)

L’action n° 8 regroupe en fait les dépenses de personnel, Titre 2, du programme. Elles se montent à un total de 210,08 M€ en 2013. Le tableau ci-dessous synthétise les emplois, selon les catégories et les crédits nécessaires.

Une comparaison avec les données des années antérieures permet de relever des diminutions conséquentes. La diminution des plafonds d’emplois en 2013 par rapport à 2012 porte au total sur 113 ETP, soit 4,75 % des effectifs totaux. Sans remonter dans un passé très lointain, on peut néanmoins rappeler que le plafond prévu dans la LFI de 2011 était de 2517, toutes catégories confondues. En d'autres termes, c’est à une baisse totale de 250 emplois que l’on a assisté, soit près de 10 % des effectifs en deux ans.

Deux catégories d’emplois sont particulièrement touchées : les agents de droit local, 364 en 2011 ne sont plus que 217 en 2013, soit – 40,4 % en deux ans ; les CDI et volontaires internationaux, au nombre de 1817 en 2011 ne sont plus que 1693 en 2013, soit une diminution de 124 unités (6,8 %). En revanche, les titulaires et CDI, tant en administration centrale que dans le réseau, voient leurs effectifs orientés à la hausse cette année. En deux ans, les effectifs en administration centrale gagnent 5 ETP, soit + 2,3 %, et 16 ETP dans le réseau, de 122 en 2011 à 138 en 2013, soit + 13,1 %.

En d'autres termes, le programme 209 et avec lui la politique d’aide au développement semble particulièrement touché par les mesures portant sur les effectifs du MAEE, si l’on rappelle que le plafond d’emplois du ministère dans son ensemble diminue de 184 ETP nets. Conjointement avec le programme 185, sont les deux programmes qui contribuent le plus à notre diplomatie d'influence qui se voient affectés. Que le réseau soit coûteux, comme on l’a vu au début de ce rapport, ainsi que la Cour des comptes l’a souligné, est un fait, mais la présence des hommes sur le terrain en matière de politique de développement est aussi une des conditions du succès des actions engagées.

6. L’action n° 9 : les crédits proposés pour le codéveloppement

Comme indiqué, le programme 301, « Développement solidaire et migrations », initialement géré par le ministère de l’immigration puis par le ministère de l’intérieur, a été supprimé. Pour honorer les quelques engagements passés entre la France et les pays qui avaient acceptés de signer des conventions de codéveloppement, une nouvelle action est insérée dans le programme 209. Elle est d’un montant des plus réduit, puisque seulement 11 M€ en AE et 18,5 M€ en CP sont demandés sur 2013.

Pour mémoire, on rappellera que, à ce jour, sur les quinze accords de gestion concertée des flux migratoires signés, huit (52) comprennent l’ensemble des trois volets de l’approche globale, c'est-à-dire l’organisation de la migration légale, la lutte contre l’immigration irrégulière et la recherche de synergies entre la migration et le développement notamment au travers du codéveloppement impliquant des diasporas. Sept accords ont été ratifiés, ceux conclus avec le Sénégal, le Gabon, la République du Congo, le Bénin, la Tunisie, le Cap Vert et le Burkina Faso. L’accord conclu avec le Cameroun est toujours en instance d’examen par la Commission des affaires étrangères du Sénat, mais ses dispositions relatives au codéveloppement ont été mises en œuvre, les crédits du programme 301 pouvant être mobilisés sur la base de la loi de finances.

Cela étant, ainsi que le précisent les documents budgétaires, une nouvelle stratégie de codéveloppement conduite par le ministère des affaires étrangères est désormais engagée, dissociée de la politique de gestion des flux migratoires. Il s’agit désormais de favoriser le développement en mobilisant les communautés étrangères installées en France, notamment ressortissantes des pays économiquement les moins avancés, principalement d’Afrique subsaharienne et au-delà des neuf pays dont l’accord de gestion concertée comporte un volet développement. Dans cette nouvelle optique et dans le respect des engagements juridiques déjà contractés, le MAE soutiendra des projets d’aide au développement menés par les associations de migrants, en cohérence avec la politique de développement française.

A cet égard, on sait désormais l’importance des transferts d’argent de la part des diasporas vers leurs pays d’origine. Le tableau ci-dessous en témoigne. (53)

Principaux pays Africains récipiendaires

Envois de fonds des migrants résidants en France (en millions d'euros)

Variation annuelle

2009

2010

2011

2009/2010

2010/2011

Total Afrique

3 620

3 849

3 735

+6,3%

-3,0%

Total Maghreb

3 058

3 248

3 136

+6,2%

-3,4%

Total Afrique subsaharienne

563

602

600

+6,9%

-0,3%

Maroc

1 253

1 351

1 418

+7,8%

+5,0%

Algérie

1 114

1 164

1 053

+4,5%

-9,5%

Tunisie

653

689

622

+5,5%

-9,7%

Sénégal

141

146

148

+3,5%

+1,4%

Côte d'Ivoire

79

99

99

+24,8%

-0,2%

Cameroun

61

61

60

-1,2%

-1,7%

Madagascar

49

51

50

+4,2%

-1,3%

Egypte

38

44

43

+15,8%

-2,3%

Bénin

26

30

29

+14,2%

-1,7%

Congo

19

24

24

+30,0%

-0,3%

Mali

22

22

21

0,0%

-4,5%

Nigeria

20

21

20

+5,0%

-4,8%

RDC

23

17

17

-25,0%

0,0%

Togo

17

15

15

-13,8%

0,0%

Burkina Faso

11

15

14

+37,8%

-4,6%

Gabon

11

12

12

+9,9%

-1,8%

Djibouti

11

12

12

+9,1%

-1,8%

Comores

11

11

11

+2,5%

0,0%

C’est la raison pour laquelle les politiques de codéveloppement, qu’elles soient nationales ou mises en œuvre dans un cadre multilatéral, au sein de l’UE ou en partenariat et avec le soutien des institutions financières internationales, Banque mondiale, BAD ou autres, cherchent à associer le plus possible les communautés de migrants. Sous un autre angle que strictement financier, cette approche sera par exemple au cœur de la réflexion du prochain forum mondial « Migrations et développement », qui se tiendra au mois de novembre à Maurice, au cours duquel la problématique de la valorisation et de la mobilisation des migrants dans le développement sera traitée.

CONCLUSION

Dans la conjoncture budgétaire actuelle, on ne pouvait demander aux programmes constituant la mission APD de ne pas participer à l’effort que l’ensemble des administrations et des politiques publiques doit aujourd'hui fournir.

Pour autant, votre Rapporteur doit à son tour souligner les conditions dans lesquelles il a dû faire son rapport dans la mesure où l’ensemble des données ne lui a été connu que la veille de l’examen en commission : après deux années consécutives où le document de politique transversale, qui retrace l’effort global de notre pays, n’a été communiqué à la représentation nationale qu’après la réunion de la commission, le progrès est donc des plus modestes, malgré les assurances réitérées du Gouvernement.

Faute de recul suffisant, l’analyse de votre Rapporteur a essentiellement porté sur les deux programmes de la mission APD, sur les 23 concernés par cette politique et il n’a pu réellement étudier les efforts demandés en parallèle aux autres ministères en ce qui concerne leurs actions en faveur du développement. Il n’est pas acceptable que le DPT relatif à la politique d’aide au développement soit systématiquement adressé à la représentation nationale aussi tard. La transparence que le ministre appelle de ses vœux ne devrait-elle pas commencer vis-à-vis du Parlement ? Il est à souhaiter que les prochaines Assises contribuent à lancer de nouvelles pratiques en ce sens.

Sous réserve de ces observations, votre Rapporteur vous invite à adopter les crédits qui sont proposés pour la mission APD, même si certains aspects, comme la part de la taxe sur les transactions financières versée sur le FSD, auraient sans doute mérité un autre traitement, à tout le moins une inflexion, s’agissant de la question du rééquilibrage entre les prêts et les subventions.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, et M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, au cours de sa séance du mercredi 31 octobre 2012, à 9 heures 30.

M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, monsieur le ministre chargé du développement, je suis heureux de vous accueillir, en mon nom personnel et au nom de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, qui m’a chargé de le remplacer.

C’est en commission élargie que nous allons vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2013.

La conférence des présidents du 31 juillet dernier a reconduit cette procédure, destinée à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre les ministres et les députés. Les rapporteurs des commissions disposeront de cinq minutes pour vous interroger. S’exprimeront ensuite, également pendant cinq minutes, les porte-parole des groupes. Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront vous poser des questions, leur intervention étant limitée à deux minutes.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. L’aide au développement étant une composante essentielle de notre politique étrangère, il est capital que nous puissions débattre de ses objectifs et de ses moyens – lesquels ont toujours été insuffisants par rapport aux besoins. La question dépasse les clivages politiques habituels, comme le montre le fait que nos commissions aient choisi pour rapporteurs des membres de l’opposition.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les prêts à des États étrangers. Il serait bon qu’à l’avenir, le Gouvernement nous réponde dans de meilleurs délais. Le 10 octobre, date limite fixée par la LOLF, nous n’avions reçu que 56 % de ses réponses. Le document de politique transversale où figurent les deux tiers des sommes consacrées à l’aide au développement ne nous est parvenu qu’hier. Il est difficile de travailler dans ces conditions.

Les crédits de la mission baissent d’environ 6 %, et l’objectif d’investir 0,7 % de notre PIB dans l’aide publique du développement avant 2015 est loin d’être atteint. Si difficile que soit la conjoncture, on en déduit que la mission n’est pas une priorité du Gouvernement. Dans ces conditions, quel est l’avenir ? Retrouverons-nous les crédits de 2013 à la fin de la loi de programmation, qui s’achève en 2015 ?

La Cour des comptes a rédigé un rapport approfondi sur la gestion de l’aide publique au développement. Par ailleurs, le gouvernement précédent avait chargé le cabinet Ernst & Young d’analyser la politique française dans ce domaine entre 1998 et 2010. Leurs critiques convergent : complexité, poursuite de trop nombreux objectifs, coût élevé de la gestion, manque d’évaluation. Quelles conséquences en tirez-vous ? Quelle politique mettrez-vous en œuvre pour gagner en efficacité, à l’heure où les moyens se réduisent ?

Depuis plus de dix ans, bien des postes d’assistants techniques ont été supprimés. Il en reste seulement un peu plus de 700, ce qui est très peu, alors que ce personnel joue un rôle essentiel. Quelle est votre position sur ce point ?

L’AFD, l’Agence française de développement, est le bras armé de notre politique d’aide au développement. Cette institution efficace emploie d’excellents collaborateurs au niveau tant national que local. Quelles missions lui confierez-vous dans les années à venir ? Conserverez-vous la même ligne ou l’infléchirez-vous ?

Il faut tourner la page de la Françafrique, mais ne perdons pas de vue les liens d’histoire, d’amitié et de fraternité qui nous unissent au continent africain. Ne nous éloignons pas de lui au moment où il renaît ; ne laissons pas la place à des pays étrangers. Quelles actions pourrions-nous mener pour occuper avec plus de vigueur la place qui doit être la nôtre auprès de nos amis africains ?

Durant la campagne électorale, le candidat François Hollande avait promis qu’il affecterait à l’aide au développement une part importante de la TTF, la taxe sur les transactions financières. Comme beaucoup de mes collègues de toutes les formations politiques, j’ai été déçu que l’article 27 de la première partie de la loi de finances ne retienne que le taux de 10 %, réduit en fait à 3,7% par les dispositions de l’article 26. J’ai essayé d’amender le texte sans succès. Pensez-vous qu’au niveau européen, une part de la taxe pourrait être affectée au développement ?

À ces réserves près, j’invite mes collègues à voter les crédits de la mission au bénéfice sinon du doute, du moins de l’espérance.

M. Jacques Myard. Un emprunt au bonheur !

M. Hervé Gaymard, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, pour l’aide publique au développement. Je fais miennes les remarques et les questions de M. Mancel, notamment à propos de la TTF.

En ce qui concerne l’efficacité de l’aide internationale, nous traversons une période de pessimisme. Les pré-discussions commencent sur les objectifs du millénaire pour le développement. Quant à l’aide française, entre le rapport de la Cour des comptes, le travail d’Ernst & Young et la revue par les pairs qui va commencer au sein de l’OCDE, elle est dans une période charnière. Partout sévit l’austérité, même si la Grande-Bretagne, qui effectue des coupes dans son budget domestique, continue d’augmenter les fonds alloués à l’aide au développement.

Ma première question porte sur la réalité des chiffres. Le document de politique transversale qui nous est parvenu hier en fin d’après-midi contredit le document budgétaire publié en septembre. Les divergences portent sur des sommes significatives : près de 300 millions d’euros sur l’exercice de 2012, 100 millions pour 2013, et presque autant pour 2014 et pour 2015. Accordez vos violons si vous voulez que la représentation nationale puisse se prononcer dans de bonnes conditions !

Même incertitude pour le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne : on passe de 967 millions d’euros en 2013 à 1,76 milliard en 2014, alors que les arbitrages européens en matière d’aide au développement n’ont pas encore été rendus. Un tel flou est dommageable pour la sincérité des chiffres.

J’en viens au problème de leur signification. Quelle est votre position sur ce qu’on a appelé le « fétichisme du 0,7 % ». Ce taux sera-t-il atteint ? Est-il pertinent ? Un autre le serait-il davantage ? Récemment, le Canada s’en est publiquement affranchi. Pour paraphraser le cardinal de Retz, faut-il sortir de l’ambiguïté, fût-ce à notre détriment ?

Quel que soit notre groupe parlementaire, nous sommes tous attachés à la priorité africaine, surtout quand elle concerne les pays les plus pauvres. Or ceux-ci voient depuis dix ans les dons de la France diminuer « au profit » des prêts. Quelle est votre position sur le sujet ? Compte tenu de l’encours considérable des prêts de l’Agence française de développement, les remboursements pourraient excéder les dons au cours des prochaines années. Notre aide au développement deviendrait alors négative, ce qui serait pour le moins singulier !

Selon une idée commune, la bosse des annulations de dettes serait derrière nous. Il ressort pourtant du document de politique transversale qu’on pourrait constater un ressaut en 2015, avec l’annulation de quelque 1,3 milliard de dettes. Qu’en sera-t-il réellement ?

Enfin, comment concevez-vous les Assises du développement et de la solidarité internationale, que vous vous apprêtez à piloter ? Comment associerez-vous la représentation nationale à cet exercice aussi important qu’utile ?

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement. Les retards dont vous vous plaignez sont imputables à la charge de travail considérable qu’entraîne, outre le lancement des assises, la conjonction de plusieurs évaluations. Je vous prie d’excuser mon administration pour cet engorgement, mais je constate que le retard existe aussi quand une mission est confiée à un cabinet extérieur comme Ernst & Young, qui ne remettra son rapport qu’en novembre.

M. Mancel a parlé d’une baisse générale du budget. Si les programmes 110 et 209 diminuent d’environ 200 millions, nous disposerons cependant d’une capacité d’engagement supplémentaire de 160 millions, grâce aux 10 % de la TTF estimée à 1,6 milliard. La somme, qui ne figure pas dans les crédits de paiement, est mentionnée dans les documents que vous avez reçus. Pour les trois prochaines années, nous bénéficierons ainsi d’une capacité d’engagement de 480 millions. À cet égard, nous avons tenu notre engagement, même s’il prend une forme budgétaire peu lisible.

Ces 10 % se scinderont en deux parties. La première, dédiée à l’environnement et au climat, passera essentiellement par le Fonds vert créé à Copenhague, qui ne sera opérationnel qu’en 2014. De ce fait, nous n’aurons pas à la décaisser en 2013. La seconde partie de la taxe ira au poste santé/sida.

Soit dit sans polémique, le gouvernement précédent, qui avait instauré la TTF, prévoyait qu’elle abonderait le budget général de l’État, sans plus de précision. C’est nous qui, dans le contexte contraint que vous connaissez, avons choisi d’en affecter 10 % à l’aide au développement.

Ainsi, plutôt que d’une baisse de l’effort en faveur de la solidarité internationale, on peut parler d’une quasi-stabilité des crédits, puisque la diminution de 200 millions est compensée par 160 millions supplémentaires. De plus, nous avons récupéré 200 millions du FED, le Fonds européen de développement, qui n’avaient pas été décaissés. On peut donc considérer que la capacité d’engagement réelle est stable, voire qu’elle augmente. En tout cas, notre logique consiste à stabiliser l’effort en faveur de la solidarité internationale.

Quelles leçons tirer du rapport de la Cour des comptes, du bilan d’Ernst & Young et des différents efforts d’évaluation ? La première leçon que j’en ai tirée m’a conduit à organiser des Assises du développement et de la solidarité internationale. Du 5 novembre à début mars, ces assises, engagement de campagne de François Hollande, ouvriront un débat public qui n’a pas eu lieu depuis quinze ans. Elles s’articuleront autour de cinq chantiers.

Nous nous interrogerons d’abord sur notre vision du développement après 2015, dans un contexte où il est désormais impossible de séparer les objectifs du millénaire de lutte contre la pauvreté et ceux du développement durable – c’était également la position du précédent gouvernement. Dans ce domaine, les agendas se rejoignent. Ainsi, il est impossible de réfléchir sur la pauvreté au Sahel sans prendre en compte l’impact du changement climatique sur les écosystèmes les plus vulnérables.

En second lieu, nous nous interrogerons sur l’efficacité et la transparence de l’aide. En la matière, la France est en retard sur certains de ses voisins, notamment britanniques. Depuis des années, les parlementaires souhaitent que nous progressions dans ce domaine. Nous nous y emploierons dès le 5 novembre. En ce moment, avec les services du Quai d’Orsay et de Bercy, je travaille à délimiter un cadre permettant de définir les contours de notre aide, trop souvent évaluée en termes d’input, c’est-à-dire de montants, plutôt que d’effets produits, ce qui serait un bien meilleur indicateur. Consacrer de l’argent à une politique qui ne marche pas – parfois d’ailleurs parce qu’elle ne marche pas – ne relève pas d’un bon pilotage politique.

M. Gaymard regrette que les pays du Sud soient contraints de rembourser leurs dettes. Est-ce un si mauvais indicateur, que l’investissement ait dégagé chez eux une capacité de remboursement ? N’est-ce pas au contraire le signe que l’investissement a créé du développement ? Dans le cadre des assises, je proposerai des pistes pour évaluer l’efficacité de notre aide.

Le troisième dossier concerne la cohérence des politiques publiques pour le développement. Comment s’assurer que nos politiques agricoles ou commerciales et nos politiques de développement n’entrent pas en contradiction ? Nous ferons en sorte de progresser sur ce thème.

Les partenariats avec les acteurs non gouvernementaux – entreprises, ONG, syndicats, fondations, collectivités locales – constitueront le quatrième sujet. Comment améliorer l’efficacité de l’écosystème institutionnel, qui fait que notre aide publique au développement passe par des canaux très différents ?

Nous aborderons enfin la question des innovations. Quand on réfléchit sur l’aide publique au développement, on projette de faire des routes ou de construire une centrale, bref on prévoit de se lancer dans de grands équipements. Or, quand on demande aux Kenyans ce qui, au cours des dernières années, a le plus contribué au développement, ils répondent que c’est le mobile banking, lequel permet d’exécuter des opérations bancaires sur des téléphones portables, innovation qui n’a pas été financée par l’aide publique au développement. Cet exemple fait réfléchir sur la rétroaction des innovations, qui se mettent parfois en place au Sud avant de s’imposer au Nord. Il est en effet bien plus facile de recourir au mobile banking à Nairobi qu’à New York ou à Paris. Par ailleurs, la capacité d’innover en matière d’aide publique au développement est un beau sujet de réflexion. Il faut être où l’on nous attend, et travailler avec les start-up ou les PME qui ne demandent qu’à développer leurs innovations au Sud.

Autant de sujets qui seront traités aux assises. En ce qui concerne votre participation, nous avons souhaité la présence de cinq parlementaires : deux députés et de deux sénateurs, choisis par le président de leur assemblée, et un député européen de la Commission du développement. Il serait bon qu’ils assistent à tous les chantiers, mais, s’ils le souhaitent, ils seront libres de siéger ensemble aux mêmes débats.

La deuxième leçon que j’ai tirée du rapport de la Cour des comptes, c’est qu’il faut améliorer le pilotage par l’État de la politique de développement, notamment améliorer les relations entre Bercy et le Quai d’Orsay. Auparavant, les administrateurs appartenant à des ministères différents pouvaient tenir des discours différents lors des réunions des conseils d’administrations de l’Agence Française de développement. J’ai donc souhaité qu’ils se réunissent de manière informelle avant ces réunions pour se mettre d’accord sur un seul discours car la parole de l’État ne peut être qu’unique. De la sorte, cette parole y gagne en crédibilité, en force et en efficacité.

S’agissant du reste de l’Agence française de développement, je vois son directeur général tous les quinze jours. Il s’agit pour moi de faire non du micro management – ce serait contreproductif et inefficace, et ce n’est pas mon rôle – mais d’exercer une tutelle politique sur une agence publique. C’est l’occasion de discuter des grandes orientations stratégiques de celle-ci, secteur par secteur. Ainsi, quand l’alternance a eu lieu, nous avons souhaité repousser de quelques semaines le cadre sectoriel « énergie » qui allait être voté et, avec l’ensemble des autorités de tutelle, nous l’avons réorienté. Aujourd’hui, les 5 à 6 milliards d’investissement prévus dans les trois prochaines années dans le secteur de l’énergie iront en priorité vers trois branches : d’abord, celle des énergies renouvelables ; ensuite, celle de l’efficacité énergétique – la mauvaise qualité des réseaux en Afrique entraîne une déperdition colossale d’énergie ; enfin, celle de la décarbonisation. Ces trois priorités constituent, dans ce secteur, la feuille de route de l’AFD, qui a été approuvée par le conseil d’administration du mois d’octobre.

Nous travaillons maintenant sur d’autres cadres sectoriels ? C’est le cas le cadre dit de « sécurité financière ». C’est la première fois que l’AFD va formaliser, noir sur blanc, les règles qu’elle applique en matière de lutte contre la corruption. Cela concerne aussi bien le droit d’alerte en matière de corruption ou de risque de corruption, que la transparence financière ou les paradis fiscaux. Nous regardons évidemment ce qui se fait ailleurs, à la Banque européenne d’investissement, à la Banque mondiale ou à la KfW –Kreditanstalt für Wiederaufbau – en Allemagne. Notre objectif est que la France, à travers l’AFD, ait une attitude exemplaire en la matière.

Une des priorités validées dans le nouveau plan d’orientation stratégique adopté au précédent conseil d’administration de l’AFD est la responsabilité sociale des entreprises. Au représentant de Vinci qui trouve anormal que, dans tel aéroport de tel pays, l’argent de l’AFD aille à un prestataire chinois, on ne peut fournir que la réponse suivante : d’abord, il est interdit de conditionner l’octroi de l’aide ; ensuite, ce serait contreproductif car si nous décidions que nos financements ne vont qu’à nos entreprises et que les autres pays fassent la même chose, nos entreprises ne recevraient alors qu’une toute petite partie du gâteau. Pour résoudre ce problème, il a été décidé, dans le cadre du plan d’orientation stratégique, que les appels d’offres de l’AFD devraient comporter des règles de responsabilité sociale et environnementale. Ainsi, seules les entreprises qui les respecteront pourront bénéficier de ses financements. Si les entreprises chinoises respectent ces clauses, tant mieux ; sinon, elles ne pourront pas répondre au marché. Dans les deux cas, ce sera positif et source de progrès : soit nous tirons la mondialisation vers le haut, y compris chez certains compétiteurs qui, parfois, ne respectent pas toutes les règles du jeu ; soit nous imposons des règles du jeu qui excluent ceux qui ne les respectent pas et font de la concurrence déloyale. Le principe a été acté, même s’il faudra un certain temps pour que tous les appels d’offres de l’AFD contiennent des clauses sociales et environnementales.

Toutefois, en cas d’appel d’offres commun avec d’autres bailleurs, nous risquons de ne trouver confrontés à une difficulté. Si nous tentons d’imposer nos clauses sociales et environnementales à d’autres bailleurs tels que la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement ou la Banque japonaise, et que ceux-ci n’en veulent pas, ils risquent fort de nous exclure du dispositif et de chercher un autre partenaire. Pour que le système soit efficace, il faut qu’il soit adopté par tous. En tout cas, les agences y réfléchissent . Quoi qu’il en soit, le processus est d’ores et déjà engagé, et c’est pour moi un élément prioritaire de l’évolution de l’Agence française de développement.

J’en viens à l’Afrique.

L’Afrique subsaharienne représente 60 % du coût budgétaire de l’APD, contre 20 % pour l’Afrique du Nord et le bassin méditerranéen. Ainsi, 80 % du coût budgétaire de l’aide publique au développement française va en Afrique, hors Afrique du Sud. On ne peut donc pas dire que ce ne soit pas une priorité. C’était une priorité, cela le reste. De ce point de vue, il n’y a pas de changement.

Comment voyons-nous notre relation avec l’Afrique ?

Premièrement, cette relation doit reposer sur un partenariat dans le cadre de la diplomatie mondiale. Que ce soit dans les négociations sur la biodiversité ou dans celles sur le climat, l’axe euro-africain est le plus progressiste dans la mesure où il a l’ambition de contribuer à la création d’un droit international sur ces sujets. Le premier élément de notre accord partenarial stratégique est la volonté de tirer la mondialisation vers le haut, par opposition certaines alliances plus « conservatrices » avec les États-Unis, le Canada et certains pays émergents. Certes, cet axe euro-africain est minoritaire, mais c’est un élément de progrès.

Deuxièmement, cette relation avec l’Afrique doit également reposer sur des accords bi-latéraux. Je souhaite que davantage d’entreprises françaises soient présentes en Afrique, et qu’elles y respectent des règles du jeu conformes à nos valeurs et à nos intérêts. De la sorte, non seulement nous empêcherons les pires pratiques de se développer en Afrique, mais, de plus, nous y gagnerons. C’est pourquoi, tout comme Pierre Moscovici, je suis de très près la négociation européenne sur la transparence des investissements des multinationales européennes des secteurs extractif et forestier ; à cet égard, une directive européenne, qui est en cours de négociation, devrait être finalisée avant la fin de l’année. La France est aujourd’hui, avec les pays scandinaves, le pays le plus offensif en la matière. Nous avons même relevé d’un degré l’ambition du précédent gouvernement d’assurer la transparence des investissements des entreprises européennes.

Cette transparence est absolument nécessaire, car seule la capacité des États africains de lever des impôts leur permet de mener des politiques publiques en matière de santé ou d’éducation, d’assurer les conditions de leur développement et, au final, de se passer de notre aide. Il serait paradoxal que les grandes entreprises ne paient pas d’impôts, ou pas suffisamment. Car ces pays, s’ils sont privés des moyens de mener leurs politiques publiques, feront appel à nous, via nos propres impôts, pour financer leur développement. Autant faire en sorte que, sur place, les conditions d’exploitation des ressources économiques soient équitables et bénéficient directement aux pays du Sud. Cela me semble plus logique, plus efficace et politiquement souhaitable.

Dans le même état d’esprit, dans le cadre de l’action de la Banque mondiale, la France sera le premier pays au monde à financer des contrats équitables, de façon que les États du Sud puissent, dans le cadre de la négociation de ces contrats, s’offrir les services de fiscalistes et d’avocats ayant les mêmes compétences que celles des fiscalistes et des avocats des grandes entreprises. Pierre Moscovici l’a annoncé à l’occasion de la réunion des ministres des finances la zone franc. Nous allons consacrer quelques millions d’euros à cette action, dont l’impact est déterminant pour les États concernés – plusieurs centaines de millions d’euros de royalties. Ce type d’action me semble être l’avenir de l’aide publique au développement. Un tel exemple répond à vos préoccupations de transparence et d’efficacité de notre action en matière d’aide publique au développement.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je répondrai aux questions sur l’annulation de la dette.

Depuis 2000, nous consacrons entre 600 millions d’euros et 1,2 milliard d’euros par an à l’annulation de la dette. En 2012, le principal poste était la Côte d’Ivoire, avec 1,02 milliard d’euros. L’année prochaine, ce sera la Birmanie, avec 500,83 millions d’euros. En 2015, le poste principal sera le Soudan pour 870 millions d’euros, suivi par la Birmanie, pour 280 millions d’euros. D’où l’importante augmentation des sommes consacrées à l’annulation de la dette en direction des pays pauvres très endettés (PPTE). Ces annulations de dettes se sont traduites, depuis 2000, par l’augmentation, dans les budgets de ces pays, des postes consacrés aux dépenses sociales. Cela suffit à démontrer l’intérêt de ces politiques d’annulation de la dette.

Par ailleurs, nous consacrons aujourd’hui l’essentiel des dons et des subventions aux PPTE, et l’essentiel des prêts destinés à financer la croissance verte et solidaire aux pays émergents.

J’ajoute que 2 % de notre effort budgétaire va aux pays émergents – le plafond ayant été fixé à 10 % – et que 73 % de celui-ci va à l’Afrique subsaharienne, ce qui est bien au-delà du minimum de 60 % que recommandait le Comité interministériel de la coopération internationale pour le développement (CICID).

M. Jean-Paul Bacquet. Le groupe SRC votera les crédits de l’aide publique au développement. Pourtant, nous retrouvons dans le budget de cette mission ce que nous avons déjà dénoncé précédemment, qui apparaît dans le rapport de Mme Martinez, dans celui que j’avais préparé avec Mme Ameline, et dans celui de la Cour des comptes, à savoir la complexité de l’aide au développement, le caractère parfois totalement illisible de celle-ci, la multiplicité des intervenants, la sous-traitance à l’AFD, l’inexistence du contrôle parlementaire et des choix politiques faits par le Parlement, et le manque de coordination entre les différents intervenants.

Les interventions relèvent du bilatéralisme ou du multilatéralisme. Nous avions, en son temps, dénoncé, le manque de lisibilité du système. Pour ma part, j’avais dit : « Dans le bilatéralisme on sait ce que l’on fait, dans le multilatéralisme on sait ce que l’on paie ».

Les actions multilatérales sollicitent un très grand nombre d’intervenants, onusiens ou européens. Malheureusement, la France participe insuffisamment à la gouvernance. Selon Hervé Gaymard, nos idées ne seraient pas correctement diffusées. Toutefois, pour faire connaître nos idées, encore faut-il siéger dans les structures internationales. Je rappelle que nous venons seulement d’obtenir un siège au conseil d’administration du Fonds mondial, alors que nous sommes parmi ses premiers contributeurs en termes de PIB. Jusqu’à présent, notre pays payait, sans même avoir le droit de s’exprimer !

S’agissant du Fonds européen de développement, je me réjouis de la baisse de la participation de la France – celle-ci était en effet surévaluée. Toutefois, cela ne doit pas occulter le fait que le FED a besoin d’une restructuration organisationnelle, qui redonnerait un peu de lisibilité à son action.

S’agissant des évolutions qui sont proposées, je me rangerai aux arguments développés par Jean-Louis Christ, Nicole Ameline et d’autres, en remarquant que le Parlement n’a jamais été consulté à ce propos.

Les baisses des crédits consacrés à l’assistance technique, au volontariat et à la coopération décentralisée me semble discutable. En revanche, je me félicite de l’augmentation de 20 % des crédits des ONG.

La volonté de transparence et de vérité a été mise en avant. Ayons donc le courage de dire que nous ne tiendrons pas l’objectif de 0,7 % du RNB pour l’aide au développement. En revanche, le Royaume-Uni a augmenté sa participation et atteindra cet objectif. Parallèlement, sous la pression de son parlement, l’Allemagne a demandé d’augmenter sa participation. Pour ma part, je souhaiterais que le Parlement s’exprime clairement sur les choix à faire – et sur l’objectif à atteindre – en matière d’aide au développement.

Je remarque, en outre, que le pourcentage annoncé de 0,46 % est faux. En effet, si nous retirons un certain nombre d’éléments qui ne sont pas pris en compte par tous les pays – les frais d’écolage, les frais d’aide aux réfugiés, l’annulation de dette, l’aide à la protection nucléaire de l’Ukraine –, ce pourcentage tombe à 0,37 %.

Comme cela a déjà été souligné, il nous faut investir les structures internationales, pour que la voix de la France soit entendue et que les choix perdent de leur aspect technocratique.

Le problème des dons et des prêts a été posé. En faisant des prêts – qui sont le mode d’action essentiel de l’AFD –, nous ne touchons qu’une partie des pays, en particulier les pays solvables. Et si nous ne pouvons pas faire de dons, nous laissons de côté les pays les plus pauvres et les plus endettés. Vous avez fait des pays de l’Afrique subsaharienne une priorité; or c’est beaucoup plus par des dons que par des prêts que l’on pourra agir efficacement sur le développement de ces pays.

Enfin, il est souhaitable, et même nécessaire, que le Parlement puisse peser davantage sur les choix politiques et les objectifs prioritaires de l’aide au développement. Dans l’un des rapports, nous pouvons lire que 27 % de la mortalité infantile est due à des pathologies comme la diarrhée ou la pneumonie, et 3 % au sida. Cela ne veut pas dire qu’il faille abandonner la politique de lutte contre le sida, mais peut-être conviendrait-il de recentrer un certain nombre d’actions.

Nous voterons bien sûr les crédits de cette mission, mais nous souhaitons que le Parlement soit davantage informé, que l’action menée soit davantage lisible, et que nous ayons davantage voix au chapitre.

M. François Asensi. Je me rallie totalement aux propos, d’ailleurs parfois très critiques, de Jean-Paul Bacquet.

Je voudrais savoir, comme l’a demandé l’un de nos rapporteurs, si l’objectif de 0,7 % est maintenu et, s’il ne l’était pas, ce qui, politiquement, justifierait de changer d’orientation.

Je ne résiste pas au plaisir de constater qu’une unanimité se dégage dans cette assemblée autour de la taxe Tobin, dite taxe des transactions financières. Je me souviens d’un temps où l’on présentait la proposition d’instituer cette taxe comme une position ultragauchiste, de nature à mettre en cause le capitalisme mondial. Je tiens à rappeler qu’il y a chaque jour 6 000 milliards de transactions financières, ce qui permettrait de dégager des moyens pour aider les pays en grande difficulté. Il semblerait qu’il manque, au niveau mondial, entre 50 et 80 milliards pour atteindre l’objectif consistant à consacrer 0,7 % du RNB à l’aide au développement. N’oublions pas que, depuis 2008, 4 500 milliards ont été dépensés pour recapitaliser les banques et annuler la dette de certains pays. Quand on met côte à côte ces 50 à 80 milliards et ces 4 500 milliards, on voit bien que les pays développés, dits riches, pourraient apporter une aide importante aux pays en voie de développement.

En ce qui concerne l’Afrique, je pense qu’il faut que nous réfléchissions tous ensemble, de manière à avoir une vision nouvelle du devenir de ce continent. Certains pays ont vu leur taux de croissance augmenter, mais la situation est très inégale entre l’Afrique du Sud et les pays du Sahel. Reste que ce continent a de grandes capacités de développement et que nous devrions regarder avec intérêt la possibilité de l’aider à s’inscrire dans une croissance en développement.

On critique beaucoup les Chinois. On ne veut pas aujourd’hui d’une « Chinafrique », qui remplacerait la Françafrique. Cela étant, il est évident que les pays africains acceptent l’aide chinoise – si tant est qu’elle puisse leur permettre de se développer. Bien sûr, cette aide n’est pas dénuée d’arrière-pensées. Quoi qu’il en soit, nous devons considérer différemment, selon moi, la place que le continent africain pourra occuper, demain, dans la mondialisation.

Ce budget est en retrait. Il s’inscrit dans ce que d’aucuns appelleront la rigueur, la contrainte, et que moi j’appellerai l’austérité. Je noterai tout de même que je perçois une volonté du Gouvernement de travailler différemment avec la société civile, notamment avec les ONG. Je me félicite également de l’aide qui est apportée, ce qui est tout de même le fondement de notre action au plan mondial, à l’Afrique : la lutte contre le sida et le paludisme. Et je veux donner crédit au Gouvernement de s’inscrire, bien qu’il soit aujourd’hui dans une période de rigueur, dans une démarche plus progressiste en faveur des pays en voie de développement.

Voilà pourquoi le groupe GDR votera les crédits de ce budget.

M. André Schneider. La mission « Aide publique au développement » regroupe les crédits des deux principaux programmes y concourant : le programme 110 géré par le ministère de l’économie ; le programme 209 géré par le ministère des affaires étrangères. Toutefois, je remarque que huit ministères, au total, concourent au financement de la mission, et je m’associe à certains collègues qui ont souhaité un peu plus de transparence et de lisibilité.

Les documents dont nous disposons manquent de précision. Tout à l’heure, le ministre a cité des chiffres, qui ne correspondent pas exactement à ceux qui figurent dans lesdits documents. Nous aimerions y voir un peu plus clair. De fait, nous n’avons une vision ni très transparente, ni globale, ce qui nous empêche de remplir pleinement notre mission de contrôle de l’action de la France dans le domaine de l’aide publique au développement.

Ce matin, nous examinons 3,15 milliards de crédits sur un total de plus de 9 milliards. Il est d’autant plus important que nous puissions avoir une vision globale que l’objectif fixé pour 2015 est de consacrer 0,7 % du RNB à l’aide publique au développement. À ce propos, un rapport de la Cour des comptes précise que, pour atteindre cet objectif, il faudrait augmenter ce budget de près de 9 milliards, soit de 20 % par an – condition assez peu réalisable dans les circonstances actuelles.

Messieurs les ministres, je tiens à rappeler que, malgré un contexte budgétaire contraint, le gouvernement de François Fillon avait réussi à maintenir, et même à augmenter les crédits de cette mission. On entend souvent parler d’une augmentation de 10 % sur les dix dernières années. Or je crois que nous sommes passés de 0,31 % du RNB à 0,46 %, ce qui correspond tout de même à une augmentation d’à peu près 50 %.

Lundi dernier, le Président de la République a promis aux chefs des organisations économiques internationales – BM, FMI, OCDE, OIT, OMC – qu’un effort considérable serait fait dans ce domaine. En juin, à Rio, il avait déclaré devant la communauté internationale qu’une grande partie – voire, à terme, la totalité – de la TTF serait affectée à l’aide au développement. Enfin, le mois dernier, à New York, il a précisé que la France avait pris l’engagement de reverser une partie importante de cette taxe à l’aide au développement, à la lutte contre les fléaux sanitaires et les pandémies.

Tout à l’heure, M. le ministre Canfin a évoqué les problèmes climatiques. J’indique que j’ai eu l’honneur de présenter ici même, avec un collègue socialiste, Philippe Tourtelier, un rapport sur les changements climatiques et leur nécessaire prise en compte par les politiques d’aide au développement. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit, monsieur le ministre, mais, si vous me permettez l’expression, il faudra « mettre le paquet » !

Qu’en est-il aujourd’hui ? Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que 10 % du produit de la TTF seraient affectés à l’APD, mais les documents dont nous disposions jusqu’à ce matin ne faisaient état que de 4%. Cela représente 60 millions d’euros alors que la diminution du budget de l’APD est de 197 millions d’euros. Quelle est la réalité ? Tel qu’il est présenté dans le projet de loi de finances, le dispositif prévoit que cette part de 10 % ne sera atteinte que dans trois ans. Est-ce bien le cas ?

Le programme 110, doté de 101,16 milliards d’euros, connaîtrait une baisse de 2,5 %. Quant au programme 209, ses crédits, de 1,96 milliard d’euros, diminueraient de 7,8 %. J’emploie le conditionnel car je vous ai écouté attentivement, monsieur le ministre, mais nous pouvons regretter que le Parlement ne dispose pas de chiffres exacts.

Le projet de budget pour 2013 serait ainsi réduit de quelque 200 millions d’euros. Selon les prévisions triennales courant jusqu’en 2015, la contraction des crédits devrait se poursuivre en 2014 et en 2015.

Les subventions bilatérales prévues pour les dix-sept pays prioritaires – ce qui nous ramène à la question cruciale du problème alimentaire et donc à l’Afrique – devraient baisser de 3,5 %.

Presque toutes les actions de cette mission voient leurs dotations diminuer, à l’exception de l’action 2 du programme 110 « Aide économique et financière bilatérale ».

La France occupe aujourd’hui le quatrième rang des pays donateurs de l’OCDE. Elle doit impérativement conserver cette place voire progresser. La ponction des crédits alloués à cette politique doit donc cesser. De nombreux défis nous attendent. Nous devons réduire les frais administratifs : les nôtres s’élèvent à 3,4 % de ce que nous consacrons à l’APD alors que ce taux n’est que de 2,8 % au Royaume-Uni et de 3 % en Allemagne. L’organisation des réseaux d’aide doit également être simplifiée. M. Pierre Lellouche avait réalisé un travail que je tiens à souligner pour l’amélioration de la liaison entre l’aide au développement et les entreprises. Les organisations doivent être simplifiées par l’approfondissement des relations entre les acteurs et les institutions ; les financements bilatéraux doivent être réservés à des projets liés à des objectifs nationaux clairement définis.

Le budget que vous nous proposez, messieurs les ministres, ne dégage pas d’ambition très claire. Néanmoins, nous notons des avancées et des intentions positives. Personne ne peut être opposé à l’APD et au renforcement de la place de la France dans ce domaine. Dans l’attente de la concrétisation de vos intentions dans des chiffres, le groupe UMP s’abstiendra lors du vote de ce budget.

M. Noël Mamère. Le groupe Écologiste votera ce budget de l’APD malgré les observations que je vais formuler. Nous nous retrouvons en effet pleinement dans les critiques émises par Jean-Paul Bacquet et François Asensi.

En période de crise, l’APD est d’une très grande nécessité. En 1980, le revenu par habitant des quatorze pays les plus riches du monde était quarante-quatre fois supérieur à celui des quatorze pays les plus pauvres ; ce rapport s’élève à cinquante-six en 2012. La France doit donc conduire une politique d’APD guidée par d’autres objectifs que ceux qui priment aujourd’hui et qui se concentrent dans la défense d’intérêts économiques et géopolitiques. La liste des pays prioritaires et celle des pays bénéficiaires fait d’ailleurs apparaître un grand décalage.

Nous ne pouvons certes que nous féliciter que la nouvelle majorité ait choisi de transformer le ministère de la coopération en ministère du développement et qu’un écologiste le dirige après avoir été, au Parlement européen, un artisan de la TTF.

Mes collègues de gauche comme de droite ont souligné que la part du produit de la TTF attribuée à l’APD ne correspondait pas aux engagements pris par le Président de la République. D’autres pays de l’Union européenne comme le Royaume-Uni tiennent l’objectif de 0,7 % du Revenu national brut consacré à l’APD. Je ne vois pas pourquoi notre pays n’en ferait pas autant. Comme le Royaume-Uni, la France est un ancien pays colonisateur ; sur les territoires que nous avons colonisés, notamment en Afrique, nous avons donc une dette écologique. Pour l’honorer, nous devons privilégier les dons aux prêts. En effet, l’attribution de prêts ne permet d’aider que les pays les plus solvables. Si nous voulons réparer cette dette écologique et rendre à ces pays que nous avons colonisés et dont nous avons épuisé, pour beaucoup d’entre eux, les ressources, nous devons modifier notre politique d’APD.

Jean-Paul Bacquet a beaucoup insisté sur la transparence. Dois-je rappeler que l’APD est aujourd’hui gérée par huit ministères et répartie dans vingt-trois programmes ? Le Parlement n’a pratiquement aucun mot à dire sur l’utilisation des crédits affectés à cette politique. En remplaçant « coopération » par « développement », a-t-on réellement supprimé la Françafrique – domaine réservé du Président de le République – ou a-t-on voulu initier une politique de transparence ? L’AFD ne doit, certes, pas être placée sous tutelle mais la politique qu’elle conduit doit pouvoir être évaluée grâce à la mise en place d’outils pertinents.

Le Président de la République s’est engagé à ce qu’une loi de programmation soit adoptée. Où en est ce projet ?

Nous attendons beaucoup de ces Assises du développement et de la solidarité internationale. Si nous voulons rénover notre politique d’APD et notre action en direction des pays les plus pauvres pour lutter contre le changement climatique et les pandémies ainsi que pour favoriser la biodiversité, la France, au sein de l’Europe, doit jouer un rôle essentiel. Je partage l’affirmation de Jean-Paul Bacquet selon laquelle nous sommes peu représentés dans le Fonds européen de développement. Or, les politiques de développement ne seront efficaces que si elles comportent une dimension européenne.

M. Paul Giacobbi. Le groupe RRDP votera l’adoption des crédits de cette mission tout en partageant les observations contenues dans les rapports relatifs à ce budget et celles présentées par mon collègue, M. Jean-Paul Bacquet.

La page huit du rapport de M. Hervé Gaymard a fait naître chez moi une grande nostalgie. En 1980 et 1981, j’étais élève de l’ENA et étudiais ces questions. Un séminaire portait sur le fait de savoir si l’APD devait privilégier des zones – en particulier l’Afrique francophone et subsaharienne. En effet, ce rapport comporte un extrait d’un document de la Cour des comptes soulignant que « malgré les affirmations répétées, l’aide au développement peine à se concentrer sur la zone qui en a le plus besoin, l’Afrique subsaharienne ». À l’évidence, la question n’a donc toujours pas été tranchée. Il est d’ailleurs difficile de se faire une idée de l’allocation de l’APD puisque les deux documents présentant cette mission ne contiennent aucune carte ni aucun tableau indiquant vers quels pays vont nos dons et nos prêts et à quelle type de politique ils correspondent. La politique d’APD contient-elle une dimension géographique ? En tout cas, s’il y en a une, elle n’est pas lisible.

Je vais maintenant, à titre de comparaison, citer quelques exemples d’aides d’origine privée.

La fondation Bill-et-Melinda-Gates dispose de dizaines de milliards de dollars de fonds propres. Elle va ainsi consacrer plusieurs milliards de dollars à un programme devant lutter contre la mortalité infantile dans un pays africain. En Inde, la société informatique Wipro a employé un milliard de dollars pour le développement rural, domaine qui n’est en rien dans le champ de son activité. Après deux ans de discussion, la France, sous prétexte de respecter la LOLF, est incapable d’attribuer une aide paritaire de deux millions d’euros à la réalisation d’un projet de l’Indian Institute of Technology du Rajasthan. Il s’agit d’un établissement – dont le niveau est équivalent voire supérieur à celui de l’École Polytechnique – dans lequel les meilleurs ingénieurs du pays seront formés dans des domaines stratégiques comme celui des énergies alternatives. Contribuer à son financement servirait donc les intérêts de la France. Mais sans doute attendons-nous que le Japon ou la Chine – voire ces deux pays – vont proposer vingt millions de dollars. La comparaison entre une aide privée d’un milliard de dollars au développement rural en Inde et notre incapacité à honorer un tel engagement mérite une explication.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Les Assises du développement et de la solidarité internationale sont une excellente initiative, d’autant plus qu’y sont conviés des parlementaires français et européens. Je m’associe aux remarques de mes collègues réclamant que le Parlement soit davantage associé à la conduite de cette politique. Je me retrouve tout particulièrement dans les propos de Jean-Paul Bacquet, qui a beaucoup étudié ces questions avec Mmes Nicole Ameline et Henriette Martinez – leurs rapports avaient d’ailleurs été très critiques sous les précédentes législatures.

La baisse des crédits dévolus à la coopération décentralisée me préoccupe. Votre explication sur ce point est importante, messieurs les ministres, car, si l’on prend l’exemple du Mali, l’essentiel de l’aide aux populations dans le nord du pays transite par la coopération décentralisée.

Si la priorité doit bien être portée sur l’Afrique, quelle est la politique d’aide aux pays ayant connu le printemps arabe ? À Deauville en 2011, le G8 avait fait des promesses fortes : 40 milliards de dollars de financements bilatéraux et multilatéraux et une extension à cette région du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Néanmoins, le volume des crédits accordés est sans commune mesure avec celui que consacraient l’Union européenne et les pays qui la composent aux pays d’Europe centrale et orientale avant l’adhésion de ceux-ci à l’UE. Pouvez-vous nous brosser un tableau de la mise en œuvre du partenariat lancé à Deauville ? Quelle est, en outre, votre évaluation de l’aide accordée à ces pays par les États du Golfe ?

Le Mali a reçu, selon l’OCDE, une aide globale au développement d’un milliard de dollars par an. Ce pays était considéré comme l’un des plus prometteurs de sa région. Or, il s’est effondré.

Quel est le bilan de soixante ans d’aide publique au développement dans ces États prioritaires ? Quelle est la nature des actions que vous comptez promouvoir pour ces pays qui doivent évidemment rester prioritaires mais dont l’aide qui leur est apportée doit gagner en efficacité afin de parvenir vraiment aux bénéficiaires et de ne plus souffrir de déperdition ?

Je salue le fait, monsieur Canfin, que vous souhaitiez piloter de manière cohérente la politique d’APD avec M. Benoît Hamon afin que le Gouvernement ne parle que d’une seule voix au sein de l’AFD. Néanmoins, beaucoup d’efforts vont devoir être fournis pour que les mêmes routines et les mêmes errements cessent de perdurer.

M. Jean-Paul Dupré. Les analyses de la Cour des comptes sur l’APD ne constituent pas une surprise. Chacun d’entre nous a pu constater sur le terrain les difficultés pour mesurer l’impact de l’effort fourni par la France en matière d’aide au développement. Dans certains cas, j’ai même pu considérer que l’aide bilatérale passait par pertes et profits.

Le bénéfice réel de l’aide pour les populations peut susciter des interrogations dans des domaines comme celui de la santé ou de l’éducation.

L’avenir de la francophonie dans les pays concernés est également une source de questionnement.

Sommes-nous, messieurs les ministres, en mesure d’améliorer concrètement et immédiatement l’efficacité de l’aide et de rompre ainsi avec les soixante dernières années ?

Mme Chantal Guittet. Quelle est votre stratégie, messieurs les ministres, pour promouvoir, par le biais de l’APD, l’égalité entre les hommes et les femmes ? Le développement des pays aidés passe par l’autonomisation des femmes et par l’extension de leur capacité à agir. Le paragraphe 42 de la Déclaration de Paris de 2005 sur l’efficacité de l’aide fixait comme objectif aux pays donneurs et aux pays partenaires l’harmonisation de leur approche en matière d’égalité des genres. Ce principe a-t-il été mis en œuvre ?

M. Jacques Myard. L’APD est une double nécessité géostratégique. D’une part, elle permet de stabiliser des États dont les déséquilibres ont des conséquences pour la France et l’Europe. D’autre part, elle permet de nous rendre compte que nous vivons en concurrence avec plusieurs de nos partenaires, y compris certains de nos amis comme les Britanniques – si tant est que ces derniers soient nos amis –, ou d’autres pays conduisant une politique plus agressive comme la Chine voire les États-Unis.

Quelle répartition souhaitez-vous appliquer, messieurs les ministres, entre l’aide bilatérale et les projets multilatéraux ? Le rapport présenté par M. Hervé Gaymard démontre, une nouvelle fois, que la France privilégie le multilatéral qui rend anonyme son aide et plus délicate la conduite d’une stratégie d’influence.

Quelle est votre politique en faveur de la maîtrise démographique ? L’un de nos collègues écologistes refaisait tout à l’heure le monde en affirmant que les États africains avaient été pillés. Or, le problème de l’Afrique est qu’elle était habitée par 250 millions d’habitants en 1950, qu’elle est aujourd’hui peuplée de plus d’un milliard d’individus et que 1,7 milliard de personnes y vivront d’ici vingt à trente ans. Ce déséquilibre démographique est à la source même des problèmes de développement car il ne peut y avoir de pays connaissant une croissance démographique supérieure à 2 % et parvenant à prospérer.

Vous nous avez indiqué que 10 % du produit de la TTF allait être consacré à l’APD. Je me permets de vous rappeler que la taxe de solidarité sur les billets d’avion a été mise en œuvre à l’initiative de l’ancien Président de la République, M. Jacques Chirac.

M. Jean-Louis Christ. Les ONG sont indignées par la réduction de la TTF à un simple symbole. À Rio de Janeiro, le Président de la République avait promis à la communauté internationale qu’« une grande partie d’une telle taxe servirait au développement ». À New York le mois dernier, il annonçait a contrario que seulement 10 % du produit de cette taxe y seraient consacrés.

Voilà des années que des organisations de la société civile se battent pour que les sommes rapportées par cette taxe soient affectées au développement. Elle doit permettre de financer les urgences sociales, environnementales et humanitaires ; elle doit devenir un mécanisme fondamental de redistribution des richesses à l’échelle mondiale. Monsieur le ministre, quelle sera l’évolution de l’utilisation de la TTF dans les années à venir ?

M. Gwenegan Bui. Jean-Paul Bacquet a très bien exprimé les craintes et les espoirs du groupe socialiste, républicain et citoyen nés de l’examen de ce budget.

Monsieur Canfin, vous avez évoqué la question du Sahel où la situation humanitaire s’est encore détériorée en 2012 du fait de la sécheresse, de la pénurie alimentaire et de nouveaux déplacements de population. Ces difficultés touchent 18 millions de personnes dans cette zone. Or, les réponses alimentaires et d’urgence ne règlent pas les problèmes, car les crises sont récurrentes et leurs pics de plus en plus rapprochés. Quels sont les engagements du Gouvernement pour mener une politique de fond – et non simplement d’urgence – permettant de susciter, à moyen et long terme, le développement de cette zone grâce à l’agriculture, à la formation agricole, à l’amélioration de la santé, à l’accès à l’éducation et à l’assistance technique ?

M. Éric Alauzet. L’engagement de François Hollande de doubler, au cours du quinquennat, le soutien aux associations contribuant à l’aide au développement se retrouve dans les 9 millions d’euros qui sont consacrés à cette aide. Il s’agit d’un effort important même si le respect du tableau de marche exigeait d’y affecter 13 millions d’euros en 2013. Quelle sera l’augmentation de cet appui aux ONG – par lesquelles les aides transitent – dans les cinq années qui viennent ?

Quelle stratégie pourrait être mise en œuvre pour mobiliser davantage les associations agissant dans ce domaine, en France et, surtout, dans les pays aidés ?

M. Michel Terrot. Le reniement du Président de la République sur la TTF est inouï. Il y a quelques mois, la part du produit de cette taxe affectée à l’aide au développement devait être très importante. Elle est aujourd’hui annoncée à 10 % mais elle n’atteindra peut-être même pas ce taux puisque les documents budgétaires qui nous ont été transmis l’évaluent à 3,7 %. Ce hold-up ne peut être passé sous silence, alors que cette taxe devait servir les intérêts de l’Afrique et contribuer à atteindre les objectifs du Millénaire dont chacun sait qu’ils ne seront pas remplis sans le produit de cette taxe.

Je rejoins les propos de Jean-Paul Bacquet : la France veut-elle encore avoir une politique d’influence ? Si elle ne le souhaite plus, il convient de poursuivre notre engagement dans les programmes multilatéraux au détriment de l’aide bilatérale. La France aura alors totalement disparu du continent africain au moment où les puissances émergentes y sont toutes présentes.

M. Jean-Luc Drapeau. La mission « Aide publique au développement » est importante puisque un quart de la population mondiale doit compter sur la solidarité internationale pour s’extraire des conditions d’extrême pauvreté.

La France occupe depuis 2010 le quatrième rang des contributeurs parmi les pays membres du comité d’aide au développement de l’OCDE. Le Président de la République avait pris l’engagement d’une aide au développement accrue. Dans un contexte budgétaire très contraint, je voudrais saluer le fait qu’une partie du produit de la TTF sera allouée à l’APD : cette part peut sembler faible, mais il s’agit d’un premier pas et l’on peut espérer qu’elle sera plus élevée dans les années qui viennent.

L’augmentation du financement des ONG pour cibler au plus près les populations des pays qui ont le plus besoin d’aide est notable.

Je suis, en revanche, réservé sur la politique d’effacement de dettes, qui ne comprend souvent que des étalements du remboursement de dettes et qui ne touche que les pays les plus solvables. Certains pays n’ont, en effet, pas les moyens d’avoir de dettes et considèrent parfois ces mesures comme iniques.

La remise à plat de notre politique d’APD, l’ouverture des Assises du développement et de la solidarité internationale sont des axes très positifs.

La France a souscrit, lors de la conférence de l’ONU tenue à Monterrey, au Mexique, en 2002, à l’objectif de porter l’APD à 0,7 % du RNB en 2012. Cette échéance a déjà été repoussée à 2015. Le Président de la République a affirmé que des ressources nouvelles étaient nécessaires pour tenir cet engagement. Quelles sont les premières pistes étudiées, messieurs les ministres, pour trouver de nouvelles ressources ou capacités permettant d’atteindre ce but ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. L’aide publique au développement est répartie à raison d’un tiers pour l’aide multilatérale et de deux tiers pour l’aide bilatérale.

Conserver une part d’aide publique au développement dans le cadre de l’action multilatérale est, à nos yeux, très important, monsieur Myard. Les institutions financières internationales qui interviennent dans ce domaine, notamment la Banque mondiale, constituent un élément essentiel du soft power, un concept inventé par les Anglo-saxons. Si nous ne voulons pas que les principales orientations en matière de politique d’aide au développement soient pilotées aujourd’hui par les Anglo-saxons, il est indispensable que la France puisse contribuer efficacement, c’est-à-dire financièrement, au fonctionnement de ces organisations multilatérales. Au-delà même de l’image de la France, c’est son rôle dans l’aide multilatérale qui serait remis en cause si elle devait baisser sa contribution. Notre influence au sein de la Banque mondiale pour que 50 % des fonds AID soient consacrés aujourd’hui à l’Afrique découle directement de notre contribution financière dans le cadre de l’aide multilatérale. La diminuer procèderait d’un choix stratégique tout à fait préjudiciable aux intérêts que nous défendons, y compris dans l’Afrique subsaharienne. Il s’agit de ne pas laisser le pilotage des fonds des organisations multilatérales à d’autres pays qui, de la même manière que nous – je pense aux pays du G 7 –, consacrent deux tiers de leur aide au bilatéral et un tiers au multilatéral. La France ne fait pas là figure d’exception.

Nous cheminons progressivement sur la voie du ratio APD/RNB. Incontestablement, nous n’atteindrons pas les 0,7 % du RNB en 2015, puisque de 0,46 % en 2011 nous avons plutôt une perspective de 0,48 % en 2015. Cette trajectoire fait de nous le quatrième donateur au monde et le deuxième pays du G 7 en ratio APD/RNB. Notre contribution est donc tout à fait importante et, de ce point de vue, la France n’a pas perdu son rang.

Je confirme la volonté du ministère de l’économie et des finances de travailler en parfaite symbiose avec le ministère des affaires étrangères pour ce qui relève des choix politiques et budgétaires de la France en matière d’aide publique au développement. Ce sera vrai aussi de l’AFD. Nous avons la volonté aujourd’hui de ne parler que d’une seule voix, ce que l’on pourra vérifier au cours des prochaines années.

La TTF est loin de n’être qu’un symbole, y compris dans les montants attendus lors de sa montée en charge : 60 millions, 100 millions et 180 millions sur les trois années à venir. La différence de ratio entre autorisations d’engagement et crédits de paiement vient de ce que la TTF participe au financement du Fonds vert, qui a été créé à Copenhague. Les pays se sont engagés à y contribuer et, puisque celui-ci va monter en puissance à partir de 2013, il en est tenu compte dans le budget. Toutefois, les premiers versements n’interviendront que lorsque les projets financés par le Fonds vert l’appelleront à décaisser. D’où le delta entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement. Rappelons que les 480 millions d’euros d’engagements pris sur la TTF respectent le pourcentage de 10 % de cette taxe consacrés à l’aide publique au développement.

À la TTF française vient s’ajouter la TTF européenne, qui procède de la réussite d’un engagement du Président de la République à convaincre plusieurs pays – onze aujourd’hui – de mettre en œuvre une taxe sur les transactions financières. Cet outil de régulation politique et financière participera à élever le niveau de la contribution à l’aide au développement des pays européens.

M. Pascal Canfin, ministre délégué, chargé du développement. Je ne reviens sur la taxe sur les transactions financières que pour dire qu’il ne s’agit pas de modifier les chiffres qui vous ont été transmis mais d’additionner les deux logiques que sont les autorisations d’engagement sur plusieurs années et les crédits de paiement décaissables immédiatement. En additionnant les deux, notre capacité d’engagement est bien de 10 % du 1,6 milliard de recette estimée de la taxe française.

S’agissant de la TTF européenne, je veux clarifier les différentes interprétations et exégèses qui ont pu être faites, dans cette enceinte, de la parole présidentielle. J’ai bien regardé les engagements que le Président de la République avait pris pendant la campagne et bien écouté ce qu’il a dit à Rio et à New York. Au cours de sa campagne, François Hollande n’a pris d’engagement d’affectation de la taxe sur les transactions financières que pour la taxe européenne, tout simplement parce que la taxe française devait aller intégralement à la réduction des déficits. Avec Laurent Fabius notamment, nous avons obtenu 10 % pour le développement. Il n’y a donc pas de régression vis-à-vis des discours mais, au contraire, un pas en avant par rapport à des engagements qui n’avaient pas été pris.

Les engagements portaient sur la taxe européenne, et le Président a bien dit, à Rio, vouloir faire en sorte qu’une part significative de la TTF européenne soit affectée au développement. La position de négociation est en cours de discussion au sein du Gouvernement français ; elle sera rendue publique dans les prochaines semaines, et je l’espère la plus ambitieuse possible. Aujourd’hui, au sein des dix autres pays qui souhaitent participer à cette coopération renforcée, nous sommes parmi les plus ambitieux en termes d’affectation au développement. Nous devons donc nous attacher à trouver des alliances pour y parvenir.

Le doublement de l’aide aux ONG est un autre engagement du Président de la République qui a été tenu. Il s’agit bien de montée en puissance, monsieur Alauzet, puisque l’engagement portait sur un doublement sur le quinquennat, pas en 2013. Nous avons fléché une trajectoire de 45 millions d’augmentation sur cinq ans, soit 9 millions par an, et donc 9 millions en 2013 pour commencer. Ce doublement de la part de l’aide passant par les ONG implique de formaliser les relations entre l’Agence française de développement, qui sera le véhicule par lequel transitera cette augmentation, et les ONG concernées. Pour la première fois, au premier trimestre 2013, l’AFD mettra en œuvre un cadre, actuellement en cours de rédaction, de règles de partenariat entre l’Agence et les ONG. Si les crédits augmentent pour répondre à la nécessité de développer, comme vous le souhaitez, des projets plus petits, qui ne sont pas de grosses infrastructures fonctionnant par prêts et qui viennent donc en complément de ce que sait faire traditionnellement l’Agence française de développement, la politique dans laquelle ils s’inscrivent doit être parfaitement transparente, d’où la clarification des règles.

Un autre engagement de campagne du Président de la République était de stabiliser la part des dons-projets, le cœur de l’aide en quelque sorte. Nous l’avons fait dans ce premier budget et prévoyons de le faire sur le triennal. Nous avons donc calibré le budget de façon à respecter le troisième engagement qui avait été pris par le Président, le quatrième étant les Assises dont j’ai abondamment parlé.

Dans le cadre de ces assises, je vous invite à continuer à être une force de stimulation et de progression de notre pilotage, de nos choix et de nos arbitrages en matière de transparence et d’efficacité. Certes, une grande partie des critiques du rapport de la Cour des comptes, malheureusement justifiées, s’adresse au gouvernement antérieur sans que nous ayons à en assumer le coût politique, il n’en reste pas moins que nous devons nous appuyer sur ces critiques pour changer les pratiques. Pour cela, nous avons besoin de votre volontarisme, de votre énergie, de votre regard critique. Je compte vraiment sur vous pour faire entendre votre voix et faire des propositions concrètes et argumentées. La loi de programmation, portez-la pendant les Assises, tout comme les autres sujets que vous avez évoqués en matière d’efficacité et de transparence. Les Assises sont précisément faites pour déboucher sur des modifications concrètes en matière de gestion et de pilotage de notre aide.

Dans le cadre européen, j’ai noué des relations directes, qui n’existaient pas auparavant, avec le commissaire en charge du développement, M. Andris Piebalgs. Je le rencontre très régulièrement tous les quinze jours ou trois semaines, et ce pour maintenir l’influence de la France au sein de l’Union européenne en matière d’aide au développement. Il faut savoir que deux tiers de nos dons passent par l’Union européenne. À nous – à moi – d’avoir suffisamment d’influence pour que, dans les choix qu’elle effectue, par exemple en matière de définition de la stratégie à mener au Sahel ou de répartition géographique ou sectorielle de l’aide, l’Union européenne prenne en compte le plus possible notre vision. Si, comme je m’emploie à le faire, nous y parvenons, cela aura un effet levier sur nos dons. Ainsi, tout en contribuant à moins de 20 % du FED, nous aurons un impact et une visibilité sur le terrain, et le multilatéral européen apparaîtra comme une force d’influence de la France, en aucun cas comme la privation de ressources qui pourraient être utilisées au niveau bilatéral.

M. Dominique Baert, président. Nous avons terminé notre réunion en commission élargie, et je remercie MM. les ministres d’y avoir participé.

*

A l’issue de la commission élargie, la commission des affaires étrangères examine, sur le rapport pour avis de M. Hervé Gaymard, les crédits de la mission Aide publique au développement du projet de loi de finances pour 2013.

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

– M. Pascal Canfin ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement

– M. André Périssol, président de l'Agence française de développement (AFD)

– M. Dov Zerah, directeur général de l'AFD, accompagné de M. Louis-Jacques Vaillant, directeur exécutif en charge des relations extérieures et des partenariats, et de M. Hervé Gallèpe, chargé des relations parlementaires

– Mme Cécile Molinier, directrice du bureau du PNUD à Genève, accompagnée de Mme Najat Rochdi, directrice-adjointe, et de M. Alexis Laffittan, consultant, Partenariats et mobilisation des Ressources

– Mme Esther Duflo, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), département d’économie (entretien téléphonique)

– M. Pierre Jacquemot, ancien ambassadeur de France au Kenya, au Ghana et en RDC, chercheur associé à l’IRIS, président du GRET

– M. Guillaume Grosso, directeur de l’ONG ONE France, accompagné de Mme Friederike Roeder, responsable du plaidoyer

– M. Arnaud Buissé, sous-directeur des affaires financières multilatérales et du développement, direction générale du Trésor, accompagné de Mmes May Gicquel, adjointe au chef du bureau Afrique subsaharienne et AFD, et Clotilde L’Angevin, chef du bureau de l'endettement international, secrétaire du Club de Paris, DGT, et de M. Laurent Weill, adjoint au chef de bureau du Bureau de l'aide publique au développement et des institutions multilatérales de développement

– M. Patrick Guillaumont, président de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI), accompagné du Professeur Sylviane Guillaumont Jeanneney

– M. Jean-Baptiste Mattei, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères, accompagné de M. François Goldblatt, directeur de l’économie globale et des stratégies du développement, Mme Nathalie Broadhurst, sous-directrice des stratégies et du développement, M. Max-Olivier Gonnet, sous-directeur de la sécurité alimentaire et du développement économique, M. Vincent Dalmais, chef de la mission des programmes et de M. René Troccaz, chef du service des programmes et du réseau

– M. Pierre Duquesne, ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement

– M. Jean-Christophe Donnellier, ministre conseiller pour les affaires économiques de l'OCDE et délégué permanent de la France au Comité d'Aide au Développement (CAD)

– Représentants de Coordination Sud : M. Robert Toubon (Equilibres & Populations), Mme Sandrine Chopin (Handicap International), vice-présidente de Coordination Sud, M. Christian Reboul (Oxfam France) et Mme Gipsy Beley, chargée de mission Europe

à Bruxelles :

– M. Gustavo Martin Prada, directeur de la politique de développement de l'Union européenne

– M. Laurent Gallissot, conseiller pour la coopération au développement, Mmes Fatène Benhabyles-Foeth, attachée pour la coopération au développement et Valentine Delcoustal, attachée économique

– M. Andreas Hartmann, conseiller en charge de la coopération économique

– Mme Eva Joly, présidente de la commission du développement du Parlement européen

– M. Andris Piebalgs, Commissaire européen chargé du développement

L’effort d’APD de l’Etat

A partir de 2013, la mission interministérielle « aide publique au développement » comporte deux programmes : le programme 110 « Aide économique et financière au développement » géré par le ministère de l’économie et des finances (MEFI) et le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » géré par le ministère des affaires étrangères (MAE). Les crédits de la mission APD représentent environ 69 % de l’APD financée par les crédits du budget général en 2012.

Trois autres missions contribuent pour des montants élevés à l'effort d'APD :

- la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour environ 12 % de l’APD totale nette en 2012. Cette contribution s’explique essentiellement par des dépenses d'écolage, ainsi que de coopération technique au titre de la recherche consacrées au développement et aux maladies sévissant dans les pays en développement ;

- la mission « Action extérieure de l'État » pour environ 4 % de l’APD totale nette en 2012 (coopération technique et, dans une moindre mesure, contributions à des organismes internationaux et opérations de maintien de la paix, dont une faible part est comptabilisable en APD) ;

- la mission « Immigration, asile et intégration » pour environ 4 % de l’APD totale nette en 2012 (crédits d'aide aux réfugiés).

Les tableaux reproduits ci-après présentent les 23 programmes et 14 missions qui concourent à la politique d’APD. Il est prévu que le cumul des dépenses budgétaires atteigne 7,157 Md€ en 2012 et 7,349 Md€ en 2013. Interviennent en outre d’autres types de dépenses : annulations de dettes, notamment.

Liste des programmes concourant à la politique transversale d’aide publique au développement (55)

Dépenses budgétaires comptabilisables en APD, prévisions pour 2012-2013, en M€ (56)

© Assemblée nationale