N° 3111 tome II - Avis de Mme Marie-Odile Bouillé sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)


ogo2003modif

N° 3111

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016,

TOME II

CULTURE

CRÉATION ; TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

PAR Mme Marie-Odile BOUILLÉ,

Députée.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3096, 3110 (annexe n° 9).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. DES CRÉDITS EN HAUSSE EN FAVEUR DE LA CRÉATION, DE LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE 7

A. LES MOYENS RENFORCÉS DU PROGRAMME 131 « CRÉATION » 8

1. L’action 1 : « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » 9

2. L’action 2 : « Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques » 10

B. LA CROISSANCE CONTINUE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 224 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE » 11

1. L’action 1 : « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle » 12

2. L’action 2 : « Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle » 15

3. L’action 6 : « Action culturelle internationale » 17

4. L’action 7 : « Fonctions de soutien du ministère » 17

II. LES SCÈNES NATIONALES, UN RÉSEAU AU CœUR DE LA CRÉATION 19

A. LES LABELS ET RÉSEAUX NATIONAUX DU SPECTACLE VIVANT 19

1. Dix labels et réseaux nationaux acteurs d’une politique de création culturelle déconcentrée 19

2. La prise en compte renouvelée d’une problématique commune 26

B. LES SCÈNES NATIONALES 28

1. La longue histoire du développement de la création culturelle en région 28

2. Des financements publics inégaux s’appuyant sur une dotation d’État très structurante 29

3. Des missions, des charges et des objectifs multiples 32

C. ÉLOGE DE LA DIVERSITÉ 36

1. Une scène pour un théâtre, pour des théâtres ou sans théâtre 36

2. Créer en banlieue parisienne 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I. PRÉSENTATION DE L’AVIS 41

II. AUDITION DE LA MINISTRE 63

III. EXAMEN DES CRÉDITS 64

ANNEXES 69

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 69

ANNEXE 2 : CARTE DE L’IMPLANTATION DES SCÈNES NATIONALES EN 2013 71

INTRODUCTION

Les crédits en faveur de la création artistique et de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture connaissent, dans le projet de loi de finances pour 2016, une augmentation significative qui s’inscrit dans celle, générale, du budget du ministère de la culture et de la communication.

Le programme 131 « création » voient ses moyens renforcés, tant en crédits de paiement que, plus nettement encore, en autorisations d’engagement. Les conditions matérielles de la liberté de création et de diffusion, réaffirmée dans le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, devraient en être renforcées et bénéficier de nouveaux investissements.

Le programme 224 « transmission des savoirs et démocratisation de la culture » voit la poursuite de la progression continue de ses financements engagée depuis trois ans. Il est en effet essentiel que la formation des artistes et des publics, qui conditionne évidemment la création future et sa réception, puisse disposer d’un cadre solide et durable.

La décentralisation culturelle, l’accès de tous à la culture, qui semblait une utopie du 20e siècle, paraît être en voie de se réaliser. Notre pays s’est doté, depuis le début des années soixante, d’un maillage important du territoire par de nombreuses institutions culturelles, porté par une politique publique volontariste, associant l’État, représenté par le ministère de la Culture et de la communication et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), et les collectivités territoriales. Au moment où s’engage un nouveau tournant de la décentralisation, il a semblé utile et nécessaire de faire le point sur ces structures culturelles décentralisées, bénéficiant d’un label ou intégrées à un réseau national.

Cette étude est centrée sur l’une de ces institutions, la plus généraliste dans ses programmations, la plus développée et la mieux implantée sur tout le territoire : les « scènes nationales ».

Le réseau qu’elles constituent est au cœur de la création, tant en région qu’en banlieue parisienne. Il se caractérise à la fois par sa diversité mais aussi par des valeurs communes, qu’il convient de présenter et de mieux mettre en lumière.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 85 % des réponses étaient parvenues.

Le gouvernement a nettement renforcé cette année les crédits accordés à la culture en augmentant de 1,8 % le budget alloué par rapport aux orientations initialement fixées par le budget triennal 2015-2017 (1). Cette hausse de 46,5 millions d’euros comprend notamment l’augmentation de 23 millions pour le programme 224 « transmission des savoirs et démocratisation de la culture » et de 15 millions pour le programme 131 « création » sur les lesquels porte cet avis.

Les dotations pour les programmes 131 et 224 s’élèveront pour 2016 respectivement à 745,8 millions d’euros (+ 1,3 % par rapport à 2015), et 1,13 milliard d’euros (+ 1,9 % par rapport à 2015).

La part du budget de la mission Culture (incluant le programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique ») par rapport au budget général de l’État s’élève à 1,05 % pour 2016, en augmentation par rapport à 2015. Plus que d’atteindre le 1 % symbolique, il s’agit de l’affirmation d’une politique culturelle s’appuyant sur un socle de financements nationaux renforcé.

L’une des priorités de la mission Culture consiste à développer le maillage territorial par l’intermédiaire d’un réseau d’acteurs implanté sur l’ensemble du territoire national dans le but de permettre l’accès de tous à la culture, malgré l’éloignement social ou géographique. Il convient toutefois de souligner que la part des crédits exécutés en Île-de-France représentait 57 % du total des crédits en 2014 et 35 % si l’on exclut les crédits dévolus aux opérateurs de l’État installés sur le territoire francilien. Il importe, dès lors, que ces institutions puissent assurer un rayonnement sur l’ensemble du territoire national à la hauteur des moyens dont elles disposent.

PART DES CRÉDITS DESTINÉS AU TERRITOIRE FRANCILIEN
HORS CRÉDITS OPÉRATEURS

(En pourcentage)

 

2012

2013

2014

P131 : Création

29 %

32 %

34 %

P224 : Transmission des savoirs et démocratisation culturelle

29 %

27 %

30 %

P175 : Patrimoines

34 %

33 %

41 %

Total

31 %

31 %

35 %

Source : ministère de la Culture et de la communication

Le programme « Création » soutient la diversité et le renouvellement de l’offre culturelle par des actions en faveur de la création et des professions artistiques. De ce programme dépend la possibilité matérielle d’une création artistique s’exerçant en toute liberté. Il s’attache également à favoriser la diffusion des œuvres et leur mise à la disposition de tous les publics. Il constitue ainsi le cadre budgétaire national sous-tendant les articles 1 et 2 du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine que l’Assemblée nationale vient d’examiner en première lecture.

Les administrations centrale et déconcentrée du ministère de la culture et de la communication qui mettent en œuvre de cette politique, s’appuient également sur quinze opérateurs de l’État, dont treize franciliens, ainsi que sur un réseau dense de structures réparties sur l’ensemble du territoire et cofinancées par l’État et les collectivités locales. Ce réseau œuvre également pour le développement de la création et de la diffusion. Les labels et réseaux nationaux qui portent notamment cette politique territoriale seront présentés dans la deuxième partie de ce rapport.

La croissance des autorisations d’engagement, plus sensible encore que celle des crédits de paiement, annonce, par ailleurs, un développement dans la durée de cette relance des moyens de la création artistique.

Le tableau ci-dessous présente l’évolution des crédits du programme « Création » entre 2015 et 2016 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 131 – CRÉATION

(Hors fonds de concours et attribution de produits)

(En millions d’euros)

 

Autorisations d’engagements

Crédits de paiement

 

LFI
2015

PLF 2016

Évolution 2015/2016

LFI
2015

PLF 2016

Évolution 2015/2016

Action 01 – Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant

658,8

668

+ 1,4 %

669,6

675

+ 0,8 %

Action 02 – Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques

60,7

67,7

+ 11,5 %

66,5

70,8

+ 6,5 %

Total programme 131 Création

719,5

735,7

+ 2,25 %

736,1

745,8

+ 1,3 %

Sources : Projet annuel de performances de la mission Culture pour 2016.

Si l’action 2 relative aux arts plastiques connaît la plus forte augmentation, l’action 1 qui concerne le spectacle vivant représente 90,5 % des crédits de paiement du budget total du programme 131.

Les dépenses d’intervention représentent 56,5 % du total des crédits de paiement de l’action 1 et sont directement destinées à soutenir les structures de création, production et diffusion de spectacles vivants sur l’ensemble du territoire. Ces dépenses sont stables en 2016.

Pour faire suite aux décisions prises lors des Assises de la Jeune Création qui se sont tenues en juin 2015, une hausse des crédits de 13 millions d’euros pour les dispositifs concernés devrait avoir lieu en 2016 afin de favoriser la jeune création, l’emploi culturel, le renouvellement des esthétiques et l’aménagement culturel du territoire. La répartition en fonction des administrations concernées devrait être la suivante :

– les crédits centraux financeront ces mesures à hauteur de 3,5 millions d’euros. L’administration centrale concentrera son action en faveur des ensembles et compagnies à rayonnement international, ainsi qu’au développement du compagnonnage et de la solidarité intergénérationnelle dans le domaine du spectacle vivant ;

– les crédits déconcentrés, qui représenteront 9 millions d’euros, seront consacrés notamment au développement des résidences d’artistes et des lieux intermédiaires favorisant la structuration des professions et de l’emploi du secteur

– 0,5 million d’euros sont transférés vers le programme 334 « livres et industries culturelles » pour aider à l’instauration d’un guichet unique à l’export.

Une grande majorité des crédits d’intervention (81 %) est déconcentrée et gérée par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Véritable fer de lance de l’action culturelle, comme on le verra dans la deuxième partie de ce rapport, les labels et réseaux de création et de diffusion artistiques bénéficient de 193 millions d’euros de moyens pour l’année 2016, représentant plus des deux tiers du total des crédits déconcentrés.

Si les dépenses d’investissement paraissent en diminution (– 7,7 millions d’euros), celle-ci est principalement due au transfert de la maîtrise d’ouvrage de ses travaux à l’Opéra-Comique. En effet, 7,4 millions d’euros ne sont plus inscrits au titre 5 mais au titre 7 correspondant aux dépenses d’opérations financières.

Les dépenses de fonctionnement représentent 39,7 % des crédits de paiement de l’action 1, et sont en augmentation de 2,5 % par rapport à 2015, soit + 6,4 millions d’euros. Cette évolution est due, d’une part au transfert de 9,8 millions d’euros du titre 6 au titre 3 correspondant à la fusion entre la Philharmonie de Paris et la Cité de la musique, et d’autre part à la baisse de 4,04 millions d’euros de la subvention attribuée à l’Opéra-Comique actuellement en travaux. Ces dépenses de fonctionnement correspondent aux subventions pour charges de service public versées aux établissements publics nationaux de spectacle vivant comme l’illustre le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS POUR CHARGE DE SERVICE PUBLIC DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX DE SPECTACLE VIVANT

(Autorisations d’engagement et crédits de paiement)

(En millions d’euros)

Opérateur

PLF 2015

PLF 2016

Évolution 2015/
2016

Comédie Française

25

25,3

+ 1,2 %

Théâtre National de Chaillot

13,3

13,5

+ 1,5 %

Théâtre National de l’Odéon

11,9

12

+ 0,8 %

Théâtre National de la Colline

9,4

9,5

+ 1,1 %

Théâtre National de Strasbourg

9,5

9,6

+ 1,1 %

Théâtre National de l’Opéra-Comique

10,6

6,6

– 37,8 %

Opéra National de Paris (ONP) et École de danse de Nanterre

97,8

96,8

– 1,02 %

Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette (EPPGHV)

21,3

21,3

Centre National de la Danse (CND)

8,9

9

+ 1,1 %

Cité de la musique

24,4

34,6

+ 41,8 %

Caisse nationale de retraite de l’ONP

13,8

13,9

+ 0,7 %

Caisse nationale de retraite de la Comédie Française

3,5

3,5

Orchestre de Paris

8

8

Centre national des variétés (CNV)

0,5

0,5

Ensemble intercontemporain

3,9

3,9

Total

261,8

268

+ 2,4 %

Sources : Projets annuels de performances de la mission Culture pour 2015 et 2016.

L’action 2, dont les crédits représentent plus de 9 % du programme 131, voit ses crédits de paiement progresser de 4,4 millions d’euros sur un an, soit une progression assez nette de 6,5 %.

Les seules dépenses d’intervention progressent de 0,3 million d’euros de crédits de paiement en 2016 :

– au sein des crédits centraux, le lancement du projet de la Tour Médicis à Montfermeil sera financé à hauteur de 1 million d’euros. Des mesures nouvelles (0,10 million d’euros) en faveur de la commande publique permettent d’atteindre un total de 1,8 million d’euros pour ce dispositif essentiel au soutien à la création ;

– au sein des crédits déconcentrés, les DRAC bénéficieront de moyens d’intervention en hausse de 6,5 % par rapport au projet de loi de finances pour 2015, pour atteindre un total de 19,7 millions en 2016. Parmi les mesures nouvelles, 250 000 euros supplémentaires seront attribués au FRAC, et la même somme sera également utilisée pour contribuer à la politique de résidence dans le domaine des arts visuels.

Les dépenses d’investissement s’élèvent à 6,03 millions d’euros de crédits de paiement en 2016, soit une augmentation de 111,7 % par rapport au projet de loi de finances pour 2015. Les investissements consacrés aux travaux de modernisation et de sécurité sont en hausse de 2,2 millions d’euros. De plus, une mesure nouvelle d’un million d’euros est prévue afin de financer l’évolution de la situation immobilière du Centre national des arts plastiques et son déménagement inévitable sur un site unique et adapté.

Une augmentation de 0,65 million d’euros, soit 4,5 % du montant des dépenses de fonctionnement, est prévue en 2016. Les dépenses de fonctionnement sont le deuxième poste budgétaire de cette action après celles d’intervention et représentent 21 % du total des crédits inscrits.

Cette augmentation est notamment portée par la hausse des crédits des opérateurs des arts plastiques, qui s’élèveront à 14,3 millions d’euros (+ 6,9 %) en 2016. Ces dotations intègrent la subvention de la Cité de la céramique Sèvres-Limoges et les crédits budgétés au titre de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique.

En outre, la subvention de 500 000 euros destinée au financement de l’exposition « Monumenta » dans la Nef du Grand Palais est intégrée en 2016 aux subventions pour charges de service public.

Enfin, les dépenses fiscales principales sur impôt d’État rattachées au programme sont stables avec une estimation globale de chiffrage de 113 millions d’euros en 2016, comme en 2014 et 2015, cette stabilité touchant également les deux principales dépenses concernées : le taux réduit applicable aux droits d’entrée des premières représentations de certains spectacles, pour 60 millions d’euros et le crédit d’impôt en faveur des métiers d’art, pour 34 millions d’euros.

Le programme 224 « transmission des savoirs et démocratisation de la culture », outre les fonctions de soutien du ministère, regroupe deux politiques essentielles de la culture : l’éducation artistique et culturelle (EAC) comme vecteur premier de la démocratisation culturelle, sociale et géographique, et l’enseignement supérieur de la culture (ESC) comme vecteur de soutien à la création et à la professionnalisation artistique et culturelle. Ce programme disposera, pour assurer ces rôles essentiels, de près de 42 % de l’ensemble des crédits de paiement de la mission en 2016.

Une hausse de crédits de paiement de 21,4 millions d’euros interviendra en 2016 pour le programme 224, soit une nouvelle augmentation de près de 2 % sur un an, les autorisations d’engagement, qui garantissent les développements futurs, progressant quant à elles de 3,5 %. Il convient de souligner que cette double augmentation des crédits de paiement et des autorisations d’engagement est continue depuis 2012. Elle traduit, quand le budget de la mission a globalement stagné, le maintien de la priorité donnée à un programme qui prépare l’avenir même de la création artistique en assurant la formation des artistes et des publics.

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution des crédits du programme « transmission des savoirs et démocratisation de la culture » depuis 2012 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 224 – TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

(Hors fonds de concours et attribution de produits)

(En millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI
2015

PLF
2016

Évolution
2015/2016

LFI
2015

PLF
2016

Évolution
2015/2016

Action 01 – Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle

254

278,9

+ 9,8 %

264,8

267,7

+ 1,1 %

Action 02 – Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle

91,4

96

+ 5 %

89,2

98,1

+ 10 %

Action 06 – Action culturelle internationale

6,1

5,9

– 4,9 %

6,1

5,9

– 4,9 %

Action 07 – Fonctions de soutien du ministère

749,4

758,4

+ 1,2 %

747,7

757,5

+ 1,3 %

Total programme 224 – Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 100,9

1 139,2

+ 3,5 %

1 107,8

1 129,2

+ 1,9 %

Source : Projet annuel de performances de la mission Culture pour 2016.

Cent établissements d’enseignement supérieur de la Culture accueillent près de 37 000 étudiants dans tous les domaines, dont les arts plastiques, l’architecture, les arts du spectacle, les arts visuels et le patrimoine.

Cette action, qui représente presque un quart du montant total de crédits alloués, voit ses crédits de paiement progresser de près de 3 millions d’euros, soit une augmentation de 1,1 % par rapport à 2015. Les autorisations d’engagement progressent quant à elles de 24,9 millions d’euros, soit + 9,8 % en un an.

Dans le projet de loi de finances pour 2016, les dépenses de fonctionnement restent stables, les dépenses d’investissement diminuent tandis qu’à l’inverse, les dépenses d’intervention connaissent une forte augmentation par rapport à 2015.

ÉVOLUTION DES SUBVENTIONS AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTURE INSCRITES DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES
POUR 2015 ET 2016

(En millions d’euros)

 

PLF 2015

Crédits de paiement

PLF 2016

Crédits de paiement

Écoles nationales supérieures d’architecture

50,5

51

Institut national du patrimoine

6,3

6,1

École du Louvre

2,1

2

Sous-total architecture et patrimoine

58,9

59,1

École nationale supérieure des Beaux-Arts

7,7

7,9

École nationale supérieure des arts décoratifs

11,6

11,6

École nationale supérieure de création industrielle

4

4

Écoles d’art en région

11,5

11,8

Académie de France à Rome

5,2

5,2

Sous-total arts plastiques

40

40,5

Conservatoire national supérieur d’art dramatique

3,7

3,7

Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris

25,4

25,5

Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon

13,7

13,8

Centre national des arts du cirque

3,4

3,4

Sous-total spectacle vivant

46,2

46,4

Total

145,1

146

Source : Projet annuel de performances de la mission Culture pour 2015 et 2016.

L’intégration progressive des établissements d’enseignement supérieur Culture dans le cadre universitaire

Dans la continuité de l’intégration de l’enseignement supérieur Culture dans le processus de Bologne, le présent projet de loi de finances prévoit la création de 15 emplois d’enseignants-chercheurs à la rentrée 2016 dans les écoles d’architecture : 1,2 million d’euros seront mobilisés à cette fin, dont 0,7 million pour les contrats doctoraux, 0,4 million pour les congés études et recherche et 0,1 million dans le cadre de la réforme de l’admission en première année.

Afin de soutenir l’intégration des établissements dans les communautés d’universités et d’établissements (COMUE), 0,8 million d’euros devraient être alloués par l’État à cette mesure.

La politique publique de soutien aux établissements prévoit également des dépenses d’investissement poursuivant deux stratégies : la rénovation et l’adaptation des locaux ainsi que le regroupement de centres universitaires pluridisciplinaires :

– les écoles d’architecture bénéficient de 6,1 millions d’euros de crédits de paiement pour 2016, dont près de la moitié destinée à la relocalisation de l’école d’architecture de Marseille dans un pôle d’établissement supérieur ;

– les écoles d’art se voient attribuer 10,5 millions d’euros de crédits de paiement, dont 3 millions pour le projet ARTEM à Nancy et 5 millions pour le lancement des travaux à l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP) à Arles ;

– les écoles du spectacle vivant bénéficient de 2 millions d’euros destinés à des travaux de rénovation et mise aux normes.

Le soutien accentué à la diversité sociale et culturelle et à la professionnalisation des étudiants

Plus d’un tiers (40 %) des crédits d’intervention de cette action sont destinés aux transferts aux ménages et plus particulièrement aux étudiants. En effet, les bourses et aides individuelles, en augmentation constante depuis 2013, devraient atteindre un montant de 38,45 millions d’euros en 2016 en hausse de 2,5 millions d’euros (+ 7 %) par rapport au PLF 2015.

Suite aux amendements adoptés lors de la première lecture du projet sur le projet de loi création, architecture et patrimoine, des mesures nouvelles en 2016 seront financées à hauteur de 1,6 million d’euros, notamment en faveur des classes préparatoires publiques d’art et pour l’attribution de bourses aux étudiants de ces établissements.

L’ensemble des établissements supérieurs d’art sont intégrés au cycle LMD (licence-master-doctorat) et peuvent délivrer des diplômes à bac + 5 conférant le grade de master. Pour soutenir la mise en place de troisièmes cycles, 1 million d’euros sera consacré en 2016 à la recherche dans les écoles d’art. De même, dans le domaine du spectacle vivant, 80 000 euros de subventions pour charges publiques seront destinés à la mise en place d’un diplôme national supérieur professionnel de hip-hop au Conservatoire national de Lyon.

La formation et la professionnalisation des étudiants et des artistes constituent une priorité pour le ministère de la culture et de la communication. Plus de 5 millions d’euros de crédits centraux d’intervention sont dédiés notamment à l’insertion professionnelle, la formation des jeunes et des demandeurs d’emploi, la formation continue des architectes ou la validation des acquis de l’expérience par les écoles d’art. Dans le domaine du spectacle vivant, 26,3 millions d’euros de crédits déconcentrés visent à soutenir les établissements délivrant des diplômes nationaux supérieurs professionnels (DNSP) ou des diplômes d’État, ainsi que ceux formant aux métiers d’interprètes et d’enseignants.

L’accès de tous les publics sur l’ensemble du territoire national à la culture est l’un des objectifs majeurs de la politique culturelle française. Cette action y contribue par le soutien à l’éducation artistique et culturelle (EAC) et par le financement de mesures en faveur du maillage culturel des territoires.

L’action 2, dont les crédits représentent 8,4 % du programme 224, voit ses crédits de paiement augmenter de 8,8 millions d’euros (+ 9,9 %) en 2016. Les autorisations d’engagement progressent de 4,6 millions d’euros, soit 5,1 %.

La politique poursuivie par le gouvernement vise à renforcer les mesures de démocratisation culturelle et se décline en trois axes :

– dispositifs renforcés dans les zones rurales ou prioritaires ainsi qu’en Outre-mer ;

– mesures en faveur de l’attractivité économique et touristique ;

– interventions en faveur de la cohésion sociale.

Les dépenses d’intervention pour l’action 2 progressent de 6,7 millions d’euros en crédits de paiement en 2016 (+ 7,9 %), notamment grâce aux 14,5 millions d’euros mis à disposition du plan EAC en 2016. Ce dernier voit donc son financement augmenter de 4,5 millions d’euros par rapport à 2015.

Les mesures nouvelles en 2016 visent particulièrement au renforcement de l’éducation aux médias et à l’information à la suite des événements de janvier 2015, ainsi qu’au développement d’actions spécifiques pour le numérique. La mise en œuvre de ces actions devrait se faire aussi bien en temps scolaire que hors temps scolaire, afin de dépasser l’approche segmentée qui existait auparavant.

Parallèlement au plan EAC, les principales mesures dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle sont les dispositifs partenariaux État-régions en temps scolaire (9 millions d’euros) et les projets fédérateurs hors temps scolaire (11 millions d’euros). Les actions en faveurs des publics spécifiques (en milieu hospitalier, dans les domaines du handicap ou de la justice) représentent également plus de 10 millions de crédits.

 

2013

Réalisé

2014

Réalisé

2015

Prévision PAP 2015

2015

Prévision actualisée

2016

Prévision

2017

Cible

Part des enfants et des jeunes en âge scolaire ayant bénéficié d’une action éducative d’une structure subventionnée par le ministère de la culture et de la communication

28,82

34,30

30

37

42

43

Source : Projet annuel de performance de la mission Culture pour 2015.

Les actions de politiques territoriales augmentent en 2016 de 0,48 million d’euros (AE = CP) par rapport au PLF 2015, pour atteindre 15,68 millions d’euros en 2016. Ces crédits financent trois dispositifs à destination des populations éloignées socialement ou géographiquement de la culture : des conventions avec les collectivités territoriales, des conventions régionales interministérielles et un soutien aux organismes départementaux et régionaux pour le développement des arts vivants. Ces mesures permettront au gouvernement de maintenir les engagements pris lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté le 6 mars 2015.

Le soutien constant apporté aux pratiques amateurs (3,2 millions d’euros), consacrées au niveau législatif lors de la première lecture du projet de loi sur la liberté de la création, l’architecture et le patrimoine, permet également de développer le maillage territorial et de renforcer la cohésion sociale des territoires.

Le gouvernement s’engage cette année plus particulièrement en faveur des conservatoires en finançant à nouveau ceux-ci, à hauteur d’environ 8 millions d’euros en 2016. Ce soutien financier salvateur devrait permettre le renouveau des esthétiques, le développement de la création et de l’innovation, et l’ouverture à un public jeune et divers. De même, 1,5 million d’euros seront consacrés à l’élargissement à l’ensemble du territoire du dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale (Démos), porté notamment par la Philharmonie de Paris.

L’action 6 ne représente que 0,5 % du programme 224 ; ces crédits (AE=CP) diminuent de 160 000 euros en 2016 par rapport à la LFI 2015, soit
– 
2,6 %.

La baisse porte principalement sur la promotion de la création et des industries culturelles françaises à l’étranger. Ces crédits devraient atteindre 0,38 million d’euros en 2016. Il convient cependant de rappeler que le bureau export du programme 334 « livre et industrie culturelle » disposera d’une mesure nouvelle de 500 000 euros en application des décisions prises lors des Assises de la jeune création afin de favoriser le soutien à la filière française de la musique enregistrée à l’internationale.

La diffusion des cultures étrangères en France et l’accueil des professionnels de la culture et des artistes étrangers en France bénéficient de 3,8 millions d’euros, soit plus de la moitié des crédits alloués à cette action. Ce montant est identique à celui prévu en loi de finances pour 2015.

Cette action regroupe l’ensemble des crédits alloués aux fonctions de soutien (ressources humaines, logistique, système d’information, etc.) de l’administration centrale et des services déconcentrés. Elle comprend également la masse salariale en titre 2 du ministère, afin d’assurer une meilleure gestion des emplois et de leur évolution.

L’action représente les deux tiers des crédits du programme 224 : le montant des crédits alloués s’élève à 757,5 millions d’euros, en hausse de 9,8 millions d’euros (+ 1,3 %) par rapport à l’exercice précédent.

Hors titre 2, les crédits de l’action 7 sont en progression de 4,6 % (+ 3,9 millions d’euros) en crédits de paiement et de 3,6 % (+ 3,1 millions d’euros) en autorisations d’engagement. L’augmentation des crédits est liée plus particulièrement à la formation de 90 apprentis dans le cadre du plan de développement de l’apprentissage dans la fonction publique, ainsi qu’à l’augmentation du montant des crédits accordé à l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC).

Les crédits inscrits en titre 2 devraient atteindre 668 millions d’euros en 2016 (AE = CP), soit une hausse de 0,9 %. Le plafond d’emplois augmente de 137 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2016 et s’établit à 11 095 ETPT. Cette augmentation résulte des opérations suivantes :

– l’extension en année pleine du schéma d’emplois 2015 à hauteur de + 88 ETPT ;

– les suppressions au titre du schéma d’emplois 2016 à hauteur de
– 106 ETPT ;

– une correction technique destinée à compenser le recrutement d’apprentis, soit + 90 ETPT ;

– des transferts pour un solde de + 65 ETPT.

La présentation des dix labels et réseaux nationaux du spectacle vivant dans la circulaire du 31 août 2010 du ministre de la Culture et de la communication sur la mise en œuvre de la politique partenariale de l’État rappelle que l’histoire de la labellisation s’est développée parallèlement à la décentralisation théâtrale et culturelle qui a, le paradoxe n’est qu’apparent, accompagné la création puis le renforcement du ministère de la culture depuis les années soixante. En effet, la défense et l’épanouissement d’une véritable création, répartie équitablement sur l’ensemble du territoire, en étroite interaction avec les collectivités territoriales qui en accueille les productions, supposent une volonté gouvernementale forte et structurée.

Si les trois réseaux regroupent un ensemble d’institutions aux missions artistiques homogènes, organisées pour échanger leurs pratiques voire développer des outils mutualisés, les sept labels sont attribués, à leur demande souvent appuyée par une collectivité territoriale, à des institutions devant respecter un cahier des charges spécifique à chacun d’entre eux.

Les structures bénéficiant d’une labellisation en 2014 étaient les suivantes, d’après l’étude d’impact du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine : 38 centres dramatiques nationaux et régionaux (CDN-CDR), 70 scènes nationales (SN), 18 centres chorégraphiques nationaux (CCN), 8 centres nationaux de création musicale (CNCM), 92 scènes de musiques actuelles (SMAC) et autres lieux de musiques actuelles, 12 pôles nationaux des arts du cirque (PNAC) ; 9 centres nationaux des arts de la rue (CNAR), auxquelles se joignent les trois réseaux constitués des 9 centres de développement chorégraphique (CDC), 14 opéras et 19 orchestres en régions, soit au total en 2014, 289 établissements représentant un subventionnement de plus de 194 millions d’euros pour l’État (2) en exécution. Le projet de loi de finances pour 2016 porte le nombre de bénéficiaires à 290. Il convient cependant de préciser que cette stabilité du nombre des établissements recouvre une redistribution interne marginale, comme on le constatera dans leur présentation.

L’intervention du ministère de la culture et de la communication sur ces structures labellisées représentait, toujours en 2014, environ 25 % de la dépense totale du programme « création », ce pourcentage étant maintenu dans le budget pour 2016. Outre les scènes nationales qui feront l’objet de la suite de ce rapport, il n’est pas inutile d’en préciser brièvement le rôle et les crédits d’intervention déconcentrés en fonctionnement, tels qu’ils sont proposés par la loi de finances pour 2016.

● Les centres dramatiques nationaux et régionaux (CDN et CDR), définis par décret en 1972, sont confiés à un artiste dramatique pour que, disposant d’un outil de production et de diffusion, il soit à même de constituer une référence pour son art et de développer un travail artistique tant sur son territoire d’implantation qu’au niveau national et international. Les centres assument une mission de création et de production dans le domaine dramatique et des missions associées comme le soutien aux compagnies et la formation. Les rapports des CDN avec l’État sont réglés par un contrat de trois ans, les CDR bénéficient d’une convention régionale inspirée du modèle des contrats des CDN.

Sur la saison 2013-2014, les 37 centres dramatiques ont donné un total de 7 814 représentations, dont 3 323 en tournées, qui ont attiré 1,7 million de spectateurs payants (et 148 926 spectateurs exonérés).

En 2013, les recettes propres ont constitué 23,4 % du financement des centres dramatiques, en augmentation par rapport à l’année précédente. Au sein des subventions d’équilibre, la part de l’État s’est maintenue à 54,9 % et les collectivités territoriales ont apporté leur concours à hauteur de 28,7 % pour les villes, 6,4 % pour les départements (soit une baisse de 0,4 % par rapport à 2012) et 10 % pour les régions. Aux recettes propres et aux subventions d’équilibre s’ajoutent des subventions affectées à des opérations précises. Leur part est en diminution de 0,8 % au regard de 2012. Il convient cependant de rappeler que, dans la plupart des cas, les villes mettent les locaux nécessaires à disposition.

Les moyens des 37 bénéficiaires dans le projet de loi de finances pour 2015 s’élèvent à 58,27 millions d’euros, ils sont de 58,32 millions dans le projet de loi de finances pour 2016, pour 36 établissements.

● Les centres chorégraphiques nationaux (CCN), créés dans les années 1980, sont au nombre de 19. Dirigés par un ou plusieurs artistes, ils mènent une activité de création et de production de spectacles chorégraphiques et assurent le soutien aux compagnies indépendantes, l’action en milieu pédagogique, la formation professionnelle, la sensibilisation à la danse et, pour une quinzaine d’entre eux, la programmation d’autres compagnies chorégraphiques.

À l’occasion des 30 ans des centres chorégraphiques nationaux, l’association des CCN a développé un projet artistique et de réflexion commun. Un séminaire professionnel a posé les bases d’une réflexion transversale sur les enjeux du secteur chorégraphique, qui se poursuivra en 2016.

Parallèlement, dans le cadre des mesures des Assises de la jeune création, le ministère de la culture et de la communication soutiendra en 2016 la mise en place d’artistes associés dans les centres de développement chorégraphique (CDC) et CCN. Cette mesure permettra à de nouvelles générations d’artistes de trouver un ancrage territorial et des moyens pour développer leurs projets artistiques. Elle renforcera l’accompagnement des équipes indépendantes et de la production, stabilisera la permanence artistique et évitera l’émiettement du temps de travail artistique. Les artistes associés bénéficieront d’un accompagnement financier, structurel et d’un soutien en production et diffusion. Ils assureront également une présence artistique sur le territoire et contribueront à renforcer les relations avec le public, notamment au travers de projets d’éducation artistique et culturelle.

L’État est le premier financeur des CCN puisque sa subvention représente en moyenne 44 % des subventions perçues. En 2013, la part des communes et intercommunalités est en moyenne de 28 %, celle des départements de 4 % et celle des régions de 18 %. Les recettes propres des CCN représentent par ailleurs environ un tiers de leurs ressources. Les 19 établissements concernés disposent, dans le projet de loi de finances pour 2016, d’une dotation stable de 13,13 millions d’euros contre 13,11 millions d’euros en 2015. Leurs 150 spectacles annuels comportent environ un quart de créations et réunissent près de 600 000 spectateurs.

● Le dispositif des scènes de musiques actuelles (SMAC), institué par circulaire en 1998, est dédié à la création, la diffusion et au développement des pratiques artistiques professionnelles et amateurs. Il a pour vocation d’irriguer la vie musicale dans son domaine, en concertation avec les différentes collectivités concernées et sur l’ensemble de leur territoire.

Les scènes de musiques actuelles constituent des outils essentiels au développement de carrière des jeunes artistes. Elles diffusent au moins trente concerts par an et sont, pour la plupart, dotées de locaux de répétition et de centres documentaires et informatiques, ouverts aux praticiens et aux publics. Les musiques concernées couvrent les genres musicaux de la pop, du rock, de la chanson, mais aussi, le jazz et les musiques du monde.

Le réseau des scènes de musiques actuelles et des lieux de musiques actuelles relève prioritairement des collectivités territoriales, mais 87 bénéficiaires sont prévus en loi de finances pour 2016 avec une enveloppe de 9,75 millions d’euros des crédits contre 86 et 9,74 millions d’euros en 2015.

L’achèvement du plan pluriannuel « Scènes de musiques actuelles », lancé en 2011, devrait en outre se traduire par un financement supplémentaire de 2 millions d’euros en 2016.

En 2014, la subvention de l’État, représentait environ 15 à 20 % des aides publiques dont bénéficiaient ces structures.

L’année 2016 verra l’achèvement du plan SMAC. Initié il y a cinq ans, il a pour objet de mettre en place une politique structurante dotant la France d’un réseau dense et de qualité de lieux dédiés aux musiques actuelles.

Par ailleurs, sans relever formellement du dispositif SMAC, d’autres lieux seront appelés à s’associer à la politique de développement des musiques actuelles dans le cadre des schémas d’orientation des lieux musicaux (SOLIMA). Ces dispositifs constituent de nouveaux outils de concertation et d’élaboration des politiques publiques en direction des musiques actuelles prenant en compte l’aménagement du territoire en y associant étroitement les collectivités territoriales et les acteurs du secteur. Aujourd’hui une vingtaine de SOLIMA sont en cours ou en prévision notamment dans la Meuse, en Haute-Loire, en Bourgogne ou encore au sein des agglomérations de Rennes et de Montpellier. L’échelon départemental est en général privilégié.

● Les centres nationaux de création musicale ont pour mission de porter la conception et la création d’œuvres musicales faisant appel aux technologies de l’électronique et de l’informatique, et de développer le répertoire contemporain acoustique et électro-acoustique. Par leurs activités, leur politique de commandes et d’accueil de compositeurs, ils constituent des relais pour le développement de la création musicale contemporaine. Les dotations des 6 centres proposées par le projet de loi de finances pour 2016 sont stabilisées à 2,31 millions d’euros, en très légère progression par rapport à 2015.

Trois centres reçoivent environ 0,4 million d’euros (Marseille, Alfortville et Nice), tandis que le Grame à Lyon est doté d’une subvention de 0,7 million d’euros. Les deux derniers labellisés (Reims et Albi) reçoivent une dotation respective de 0,242 million d’euros et 0,175 million d’euros. Les collectivités territoriales complètent le soutien apporté par l’État pour un montant global de 1,56 million d’euros.

● Les 13 pôles nationaux des arts du cirque (PNAC) ont une mission de production et de diffusion et participent au renouvellement des formes et des esthétiques dans ce domaine artistique. Dans le prolongement de « l’année des arts du cirque » lancée en 2001, ont été entrepris le repérage et le développement de lieux pérennes pour le cirque, labellisés depuis. Les crédits qui leur sont attribués connaissent, eux aussi, une très légère progression dans le projet de loi de finances pour 2016, à 2,23 millions d’euros.

La labellisation des pôles nationaux des arts du cirque vient couronner dix ans de politique volontariste menée par le ministère de la Culture et de la Communication pour favoriser la structuration des arts du cirque et accompagner leur essor artistique. Par la nature même de certains spectacles proposés dans ces disciplines (investissement de lieux non dédiés au spectacle, itinérance sous chapiteau), ils favorisent une présence artistique et culturelle au plus près des populations et sur les territoires faiblement équipés. Ils assument également une mission professionnelle, accompagnant les artistes dans leurs parcours. Ils œuvrent, en général, pour une plus grande connaissance et sensibilité à ces formes artistiques, que cela soit auprès des publics ou des autres professionnels de la culture. En ce sens, des initiatives comme « Cirque en campagne » entreprise par l’association Territoires de cirque, fondée par les PNAC, et élargie depuis à une quarantaine d’autres établissements culturels, sont exemplaires.

Les subventions d’État correspondent en moyenne à 14 % des budgets, les collectivités territoriales apportant un volume global d’environ 53 %, pour des recettes propres correspondant à 18 % du total.

● Enfin, 13 centres nationaux des arts de la rue (CNAR) disposent, pour leurs missions d’accueil en résidence d’artistes ou de compagnies dont la démarche artistique s’inscrit dans l’espace public et la rencontre directe avec les populations et le territoire, de soutiens à la création par des apports financiers de 2,35 millions d’euros de crédits dans le projet de loi de finances pour 2016.

La structuration des CNAR et leur inscription parmi les réseaux labélisés en 2010 sont l’aboutissement d’une politique de soutien en faveur du secteur des arts de la rue, mise en œuvre depuis une vingtaine d’années. À un premier repérage dans les années 1995-2005 – caractérisée par des aides à l’investissement – a suivi une deuxième phase instituant l’appellation « centre national des arts de la rue » en 2005.

Il convient cependant de préciser que le montant global des crédits consacrés aux CNAR par le ministère de la culture et de la communication correspond au tiers de l’ensemble de crédits consacré aux arts de la rue. Un autre tiers est consacré aux compagnies (aides à la production, conventionnements), le tiers restant étant destiné aux festivals, aux centres de ressources hors les murs et à la formation professionnelle. Par ailleurs, compte tenu de la gratuité prédominante dans l’offre de ces spectacles, les recettes propres ne sont pas significatives.

La capacité de production, première mission des CNAR, est estimée à 1,6 million d’euros pour 190 projets accompagnés par an, soit une moyenne d’environ 8 500 euros par projet. La diffusion a été développée notamment en dehors des périodes festivalières. La plupart des CNAR participent à des réseaux de diffusion régionale et interrégionale qu’ils ont parfois initiés. Le public touché est estimé à 500 000 spectateurs par an pour une offre de 500 spectacles.

● Les crédits destinés au réseau des 19 orchestres en région, dont le rôle est de faire vivre le répertoire patrimonial et la création contemporaine au profit des publics de leur territoire d’implantation, s’élèvent à 21,2 millions d’euros en 2016. Ces ensembles peuvent également participer aux créations lyriques des opéras régionaux. Le réseau est complété par les opérateurs de l’État que sont l’Orchestre de Paris, l’Ensemble intercontemporain et les orchestres de Radio-France.

Mise en œuvre aux côtés des collectivités territoriales à la fin des années 1960, la politique de l’État en faveur de la permanence des musiciens qui composent ces orchestres répond à une double nécessité : artistique, d’une part, liée à la complexité grandissante des œuvres orchestrales composées à partir du XIXe siècle et sociale, d’autre part, contribuant à structurer, au plan national, l’emploi des musiciens.

Chaque saison, les orchestres interprètent près de trois mille œuvres, pour environ deux millions de spectateurs, à l’occasion d’environ 2 500 concerts. Ces derniers ont lieu à près de 90 % dans la région siège de chacun des orchestres et à plus de 50 % dans la ville siège. Certains des orchestres participent également à des tournées internationales.

Ces orchestres sont les employeurs de plus de 1 300 instrumentistes permanents, auxquels il faut ajouter près de 4 500 musiciens intermittents (musiciens supplémentaires, solistes et chefs).

Globalement, en 2014, le soutien de l’État aux 19 orchestres représentait 20,57 % du total de leurs subventions publiques. Les villes contribuaient, pour leur part, à hauteur de 48,07 %, les régions de 27,63 %, tandis que les départements participaient à hauteur de 3,64 %. Le total des subventions publiques représente 83,40 % du total des budgets des orchestres soit environ 126 millions d’euros. Les recettes propres sont donc de l’ordre de 16,60 % par la vente de concerts, la billetterie, et le mécénat.

● Le réseau des 13 opéras en région soutenus par l’État comprend cinq pôles lyriques de référence distingués par le label « opéra national en région » que sont les opéras de Bordeaux, Lyon, Montpellier, Nancy, et l’opéra du Rhin. Cet ensemble est fortement diversifié en raison de l’histoire propre à chacune de ces institutions ainsi que de leur différence statutaire et financière. Ces maisons accomplissent, grâce à leurs forces artistiques internes (ballet, chœur, orchestre), une mission commune consistant à faire vivre et à présenter au public, sur l’ensemble du territoire, les œuvres lyriques et chorégraphiques du répertoire ou des créations. Elles développent, en outre, une politique d’éducation artistique et culturelle destinée à favoriser l’accès de la programmation à tous les publics.

Elles proposent en moyenne chaque saison 1 600 manifestations (hors comptabilisation des tournées) pour 960 000 spectateurs, tous spectacles confondus, opéra, danse, concerts et œuvres diverses.

Au plan strict des activités de production lyrique, les treize opéras en région aidés par l’État proposent au total pour la saison 2015-2016, 96 œuvres lyriques en version scénique pour 430 levers de rideau. Sur ces 96 œuvres, la moitié relève du répertoire lyrique des XVIIIe et XIXe siècles, 39 % de la période contemporaine des XXe et XXIe siècles, et 11 % peuvent se rattacher au répertoire baroque ou de musique ancienne.

Sur le plan financier, l’État soutient ces treize opéras en région à hauteur de 15 % de l’ensemble des subventions qu’ils reçoivent. Les villes contribuent massivement pour 70 %, les régions pour 12 % et les départements, qui ne participent qu’à hauteur de 3 %, sont des partenaires plus modestes de cette politique. Au-delà des subventions, les recettes propres représentent 20 % environ du budget général de ces structures.

RÉPARTITION DES SUBVENTIONS PUBLIQUES ATTRIBUÉES AUX OPÉRAS EN RÉGION AIDÉS PAR L’ÉTAT

 

En M€

En %

État

28,21

15,1 %

Villes, communautés urbaines et d’agglomération

130,93

70,3 %

Régions

22,06

11,8 %

Départements

5,17

2,8 %

Total

186,37

100 %

Source : Ministère de la Culture et de la Communication.

Il est sans doute opportun de rappeler ici que le seul opéra de Paris, dont les charges et le rayonnement international ne sont pas contestés et qui est le principal opérateur de l’État pour cette action, bénéficie cette année d’une subvention de 98,25 millions d’euros.

● Enfin, il convient d’évoquer le réseau des centres de développement chorégraphique, créé en 1995 dans l’objectif de développer des programmes de diffusion, de formation et de culture chorégraphiques en établissant un lien entre les œuvres et le public, les équipes chorégraphiques et les territoires avec un accompagnement de l’État, correspondant à 50 compagnies aidées annuellement et 250 spectacles programmés. Les CDC soutiennent la présence d’artistes en résidence de création et de recherche et contribuent à remarquer et à faire évoluer les futurs danseurs et chorégraphes. Centres de ressources dans le domaine de la danse, ils participent à la diffusion de la culture chorégraphique, en mettant en œuvre des programmes d’éducation artistique dans leur domaine, en encourageant la rencontre entre amateurs et professionnels.

Ils accompagnent la structuration professionnelle du secteur chorégraphique, mettent en place des offres de formation continue en direction des danseurs et soutiennent l’insertion professionnelle des jeunes artistes.

Le financement de l’État en faveur des CDC représente en moyenne 34 % des subventions perçues. La part des communes et intercommunalités est en moyenne de 21 %, celle des départements de 20 % et celle des régions de 20 % (données 2013).

Les 12 centres (2 sortent de préfiguration) disposent de 2,17 millions d’euros de crédits dans le projet de loi de finances pour 2016.

Les structures qui bénéficient d’un label ou constituent un réseau sont pour la plupart des structures de droit privé constituées sous forme associative ou d’établissement public, à part les centres dramatiques nationaux et régionaux qui ont, à deux exceptions près, un statut de sociétés.

Si, dès l’origine, l’intervention de l’État a reposé sur le soutien d’activités d’initiative privée présentant un intérêt général sous forme de subventions, elle s’est accompagnée de la définition de caractéristiques propres, afin de matérialiser la mise en œuvre du projet artistique et culturel, prenant la forme, en particulier, de cahiers des missions et des charges.

Chaque label conféré doit ainsi remplir un certain nombre d’obligations pour satisfaire aux critères de la politique publique d’aides à la création mise en œuvre au niveau national. Ces obligations varient mais s’appuient sur un socle d’engagements communs autour de trois sortes de missions.

Les missions territoriales et en direction des publics prévoient que les structures et réseaux labellisés assument une responsabilité vis-à-vis de la population du territoire dans lequel ils sont implantés en tendant à développer, à renouveler et à diversifier les publics, en s’adressant en particulier aux plus éloignés ou empêchés, par tous moyens de diffusion.

Les missions pédagogiques se fondent sur le développement d’actions d’éducation artistique et culturelle et de sensibilisation en direction des enfants, des jeunes et des publics spécifiques.

Enfin, les missions professionnelles s’appuient sur la constitution d’espaces de ressources pour les artistes et les professionnels du territoire en leur offrant la possibilité de développer leur pratique artistique, notamment par la mise en œuvre de dispositifs d’accueil et d’espace de travail, d’assistance et de conseil et de soutien financier à la production. Les structures et réseaux labellisés participent également à la formation et à l’insertion professionnelle des jeunes notamment par l’accueil d’étudiants stagiaires et d’apprentis et la mise en place de contrats de professionnalisation.

Dans le cadre ainsi fixé, l’intervention de l’État prend la forme de procédures harmonisées et transparentes pour la sélection du projet artistique et la désignation des personnes chargées de le mettre en œuvre au sein de la structure labélisée concernée. Elle s’appuie sur une procédure d’appel à candidatures et une évaluation, suivant un dispositif conventionnel.

Or, on l’a vu, à part le décret n° 72-904 du 2 octobre 1972 relatif aux contrats de décentralisation dramatique qui encadre les rapports entre l’État et les seuls centres dramatiques nationaux, la politique de soutien aux structures de création et de diffusion par les 10 labels et réseaux repose sur une circulaire du 31 août 2010, qui regroupe en un seul texte les circulaires relatives à chaque label du spectacle vivant, circulaire modifiée le 22 février 2013 afin de mieux assurer la promotion de l’égalité, de la diversité et de la parité, en particulier en matière de nomination mais aussi de nombre et de durée de mandats des dirigeants des institutions concernées.

Constatant que ces dispositifs n’étaient pas dotés d’une portée juridique suffisante, compte tenu de la variété des modes d’intervention des collectivités publiques dans le fonctionnement des structures, et ne permettaient donc pas à l’État et aux collectivités territoriales d’avoir une influence suffisante pour s’assurer du respect des missions ayant conduit à l’attribution du label, le ministère de la culture et de la communication a proposé, dans l’article 3 du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, de définir le cadre juridique de la politique publique de soutien aux institutions de référence nationale.

Cet article crée une procédure de label unifiée pour les structures, se contentant sur ce point de simplifier et réorganiser les dispositifs existants. Il fixe les principes essentiels de la labellisation en renvoyant à un décret en Conseil d’État, commun à tous les labels, le soin de préciser les modalités de la procédure d’instruction des demandes de label, des conditions de renouvellement et de retrait.

Mais il sécurise aussi juridiquement la procédure mise en place pour la nomination des dirigeants des structures labellisées. Il s’agit en effet de permettre à l’État et aux collectivités territoriales d’intervenir dans la désignation des dirigeants de structures, essentiellement de droit privé, sans que cela puisse être contesté, par dérogation aux dispositions du code du commerce ou du code du travail, fondées sur le principe de la liberté d’embauche.

Le décret en Conseil d’État devrait également préciser les conditions, modes de gestion et modalités du soutien apporté par l’État et, le cas échéant, par les collectivités territoriales. Ces dispositions feront l’objet d’une convention pluriannuelle d’objectifs permettant une évaluation et un contrôle de la mise en œuvre de leur action.

Les structures labellisées ou constituées en réseau vont ainsi connaître une réécriture de leurs cahiers des missions et des charges. Il conviendra à cet égard, mais cet aspect sera développé pour les scènes nationales, qu’ils évitent de n’être qu’un empilement de missions difficilement compatibles, traduisant les intérêts variés des différentes parties à la convention.

L’étude d’impact annexée au projet de loi précise que ce nouveau cadre normatif devrait entraîner des effets vertueux, obligeant à un meilleur respect des prescriptions attachées au label et de la procédure d’agrément des dirigeants. Dès lors, une fois que les objectifs communs à l’ensemble des labels seront posés par la loi et le décret, une structure labellisée qui ne respecterait pas ces objectifs se verrait retirer son label sur des bases plus sûres. Par ailleurs, le cadre plus contraignant devrait inciter à un engagement plus prudent et à des demandes de labellisation supplémentaires fondées sur une étude plus serrée de la capacité des structures candidates à répondre à leur cahier des charges.

Les scènes nationales peuvent assez bien résumer, par leurs seules structures et productions, l’ensemble des missions dévolues aux autres institutions labellisées. Leur vocation à la fois généraliste et embrassant tous les domaines de la création, leur implantation, leur capacité d’accueil et leur créativité leur confèrent un caractère unique dans le paysage culturel non seulement national mais aussi international.

Si le label « Scène nationale » n’a vu le jour qu’en 1991, l’histoire des scènes nationales est beaucoup plus ancienne : elle s’inscrit dans la volonté des pouvoirs publics, prolongeant les initiatives pionnières de grands noms du théâtre comme Firmin Gémier ou Jean Vilar, de diffuser une création contemporaine de qualité sur l’ensemble du territoire, développée dès l’après-guerre, mais portée par l’impulsion donnée par André Malraux, ministre des affaires culturelles, à cette politique de rayonnement culturel au cours des années 1960. La labellisation de 1991 a permis de réunir sous une même dénomination les 8 maisons de la culture, les 25 centres d’action culturelle et les 25 centres de développement culturel existant, chacun apportant ses propres traditions. Cette origine différente se retrouve encore aujourd’hui dans le mode de financement, la participation de l’État suivant un gradient décroissant des ex-maisons de la culture aux ex-centres de développement culturel, malgré près de 25 ans de destin partagé.

Les scènes nationales, aujourd’hui au nombre de 71, sont réparties sur l’ensemble des régions métropolitaines ainsi qu’en Guadeloupe et en Martinique. Leur statut est associatif pour 57 d’entre elles, 10 ont celui d’un établissement public de coopération culturelle (EPCC) et 3 un statut particulier soit de société coopérative ouvrière de production (SCOP), de société d’économie mixte ou de société anonyme d’économie mixte locale.

Leur présentation dans le cahier des missions et des charges que leur attribue le ministère de la culture et de la communication (3) rappelle qu’elles mettent en œuvre leurs projets à partir de complexes architecturaux voués à la rencontre de tous les arts du spectacle vivant que sont le théâtre, la danse, la musique, le cirque mais aussi, pour nombre d’entre elles, des arts visuels comme le cinéma et les arts plastiques. Elles sont, pour la majorité d’entre elles, situées dans des villes moyennes, au cœur d’agglomérations de 50 à 200 000 habitants où elles sont encore très souvent les seuls équipements à proposer une programmation permanente, pluridisciplinaire et exigeante. Elles jouent donc, à ce titre, un rôle essentiel en servant et présentant des œuvres et des artistes qu’elles peuvent produire ou coproduire et dont elles soutiennent activement la diffusion dans les réseaux du spectacle vivant, tant en France qu’au niveau européen et international.

Les scènes nationales constituent un réseau robuste, comme le remarque M. Jean-Paul Angot (4), président de l’Association des scènes nationales (ASN), que renforce d’ailleurs leur adhésion à cette association pour 70 d’entre elles. Les auditions auxquelles elle a procédé ont également montré à la rapporteure une grande homogénéité dans la réflexion menée par les différents membres des directions de ces établissements sur leurs projets comme sur leurs missions et leurs responsabilités.

Lieux accessibles et de proximité de l’art, les scènes nationales ont rassemblé lors de la saison 2013-2014 (5) plus de 3 millions de spectateurs selon la comptabilité des billetteries, dont 2,8 millions pour le spectacle vivant, au cours de 9 200 représentations de 3 950 spectacles représentant 70 disciplines ou thématiques de configurations différentes, du spectacle en salle au cabinet de curiosités.

L’ensemble des scènes nationales emploient environ 1 880 personnes dans des métiers très divers, correspondant à la diversité des fonctions et des productions, soit 26 salariés permanents en moyenne par scène. Elles génèrent par ailleurs un volume important de salariat sous CDD, 773 000 heures de travail, soit l’équivalent de 480 emplois équivalents temps pleins pour les artistes ou techniciens sous statut d’intermittent du spectacle, ainsi que de nombreux emplois indirects.

Si en 2013-2014, les financements publics se sont globalement maintenus, depuis un an, des annonces de baisse de subventions des collectivités territoriales se sont multipliées, et parfois fortement appliquées, comme à l’Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie. La ville de Chambéry a en effet annoncé, fin mars 2015, la baisse de 22 % de sa subvention, représentant, selon sa directrice, l’équivalent de quinze spectacles (6). L’établissement étant, symboliquement, la dernière-née des maisons de la culture, conçue par l’architecte Mario Botta et ouverte en 1987, la mesure, en plus de son caractère brutal, résume assez bien la fragilité structurelle des financements pluriels des scènes nationales, soulignée par tous les responsables auditionnés, s’ils ne sont pas accompagnés d’un engagement politique fort, seul à même de maintenir cet équilibre budgétaire précaire. Il conviendrait sans doute, à cet égard, de renforcer le rôle des conseils d’administration des scènes nationales et de leurs membres afin d’éviter les désengagements unilatéraux de partenaires parfois insuffisamment investis.

En effet, les villes, les agglomérations, les départements et les régions ont, pour la plupart, répercuté une partie de la baisse de dotations de l’État sur les subventions accordées aux associations et structures culturelles. Si des mesures d’économie sont nécessaires, on peut s’étonner que la culture et la création soient systématiquement les premières concernées.

Or, si un quart des financements des scènes nationales repose sur des ressources propres, provenant surtout de la billetterie, malgré une politique tarifaire très modérée conformément à leur vocation d’ouverture la plus large possible au public, mais aussi de l’exploitation de spectacles, voire de mécénats, ces derniers en régression, les trois quarts restant proviennent des financements publics.

Les financements publics sont assurés, en moyenne, à 45 % par les villes, les agglomérations ou les communautés de communes, à 32 % par l’État, à 12 % par les départements, à 9 % par les régions et à 1 % par l’Union européenne ou des aides spécifiques. Mais ces moyennes recouvrent des réalités extrêmement différenciées, liées aux origines de chaque établissement comme à l’histoire particulière de son implantation. En effet, les anciennes maisons de la culture restent souvent encore financées autour de 50 % par l’État, les anciens centres de développement culturels et théâtres de ville l’étant beaucoup moins.

Le tableau ci-après présente l’évolution des différents financements entre 2007 et 2012 et montre que la répartition des financements entre les différents acteurs publics était restée plutôt stable jusqu’à récemment :

ÉVOLUTION DES FINANCEMENTS DES SCÈNES NATIONALES ENTRE 2007 ET 2012

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Recettes propres

48 319 447

56 369 731

61 913 592

43 961 694

52 301 634

52 100 325

État

53 496 652

54 460 633

54 274 711

56 209 507

55 974 623

56 375 654

Régions

15 046 678

15 639 701

15 569 998

16 235 636

16 218 478

16 365 214

Départements

19 979 072

20 223 824

20 718 467

20 343 247

20 427 979

20 717 028

Communautés urbaines et Villes

75 088 728

76 918 422

78 175 560

79 767 779

79 738 853

81 206 906

Europe

599 022

892 827

1 030 227

1 932 293

1 553 932

1 153 394

Autres

1 986 004

872 632

1 822 759

16 637 479

9 738 686

9 211 122

Total

214 515 603

225 377 770

233 505 314

235 087 635

235 954 185

237 129 643

Source : News tank culture – septembre 2015.

En 2014, le budget global cumulé des scènes nationales était d’environ 238 millions d’euros et le budget moyen par scène de 3,3 millions d’euros.

4 scènes nationales ont un budget inférieur à 1,5 million d’euros, 22 un budget compris en 1,5 et 2,5 millions d’euros, 18 entre 2,5 et 3,5 millions d’euros, 13 entre 3,5 et 4,5 millions d’euros, 8 entre 4,5 et 5,5 millions d’euros et 6 ont un budget supérieur à 5,5 millions d’euros.

Il convient de souligner que, si peu de données précises sont disponibles, la quasi-totalité des dépenses d’une scène nationale est réinvestie dans l’économie locale par le biais de ses salariés mais aussi des entreprises et des services qu’elle sollicite régulièrement. Plus précisément, les dépenses d’une scène nationale se décomposent en deux catégories : celles liées au fonctionnement d’un théâtre en ordre de marche et celles correspondant aux activités, principalement artistiques, prévues par son cahier des charges.

Les charges du théâtre en ordre de marche que sont les frais de fonctionnement, la masse salariale, les impôts, les dotations diverses aux amortissements ou aux provisions diverses représentent autour de 51 % du total des charges des établissements avec une moyenne de 1,7 million d’euros par scène. Sur cet ensemble, les charges de fonctionnement représentent environ 15 % et la masse salariale 34 %.

Les dépenses liées aux activités que sont les charges artistiques représentent en moyenne 49 % du total du budget, soit une moyenne par structure de 1,6 million d’euros. Elles se répartissent de la manière suivante : 73,8 % concernent la diffusion des œuvres ; 20,6 % les charges de co-production et de production ; 5,6 % celles liées aux ateliers et actions de sensibilisation, aux formations destinées aux professionnels et à certaines prestations comme les locations de salle.

En 2015, le projet de loi de finances prévoyait une subvention d’État de 52,601 millions d’euros, le projet de loi de finances pour 2016 la portant à 52,650 millions. La fourchette des financements d’État se situe entre un montant minimum attribué stable à 330 000 euros et un maximum de 3,278 millions d’euros. Il convient de rappeler ici qu’il est prévu, depuis la publication de la circulaire de 2010 du ministre de la Culture et de la communication précitée et du cahier des missions et des charges qui l’accompagne pour les scènes nationales, de porter le plancher de financement de l’État à 500 000 euros, actualisable tous les cinq ans.

En effet, si la part des financements de l’État n’est, en moyenne, comme il a été rappelé, que d’un tiers environ, ces moyens déconcentrés sont un levier essentiel de l’action publique et la condition matérielle indispensable de la liberté réelle de programmation de chaque scène nationale.

Alors que les inquiétudes qui peuvent exister en la matière sont prises en compte par l’article 2 du projet de loi de relatif à la liberté de création qui prévoit que « L’État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre une politique de service public en faveur de la création artistique » et, en particulier que « cette politique comporte les objectifs suivants : (…) Garantir la liberté de diffusion artistique ; », il est important de conserver un bon niveau de financement de l’État. Il devrait permettre rapidement aux 15 scènes pour lesquelles il reste inférieur à 500 000 euros d’atteindre l’objectif que l’État s’était lui-même fixé en 2010.

Si les financements qui viennent d’être décrits assurent le socle des moyens que définit l’État dans le cahier des missions et des charges des scènes nationales, ils doivent leur permettre d’assurer un bloc de missions qui s’articulent autour des trois grandes responsabilités qui caractérisent tous les labels et réseaux nationaux : la responsabilité artistique, la responsabilité publique et la responsabilité professionnelle.

La responsabilité artistique d’une scène nationale s’exprime par la proposition faite à une population d’une programmation pluridisciplinaire, établie par le directeur sur la base de son projet, dont la construction doit refléter de manière équilibrée les principaux courants de la production actuelle, en les resituant au besoin par rapport aux grandes œuvres de référence, mais aussi « les approches artistiques les plus singulières, qu’elles transgressent les frontières esthétiques ou culturelles traditionnelles, tentent d’inventer de nouveaux langages ou bien s’adressent à un public particulier, y compris celui des enfants. »

Cette responsabilité s’exerce à l’égard des artistes eux-mêmes, en facilitant leur travail de recherche et de création. Ce soutien peut prendre la forme de résidences ou de compagnonnages d’une à plusieurs saisons, et doit montrer une attention à la diversité des disciplines artistiques et s’opérer autour d’engagements réciproques dans la durée, inscrivant ainsi les artistes, les compagnies ou les ensembles qui en bénéficient au cœur du projet artistique de l’établissement.

La responsabilité publique d’une scène nationale se traduit par la considération portée à un territoire et à sa population, dans toutes leurs composantes en particulier, tant en termes de programmation que d’actions menées en lien ou en complémentarité avec d’autres structures du spectacle vivant et des arts visuels dans son environnement régional, d’initiation artistique, d’action culturelle, d’attention portée aux pratiques en amateur et d’éducation artistique. Cette dernière s’exprime notamment à travers la fréquentation régulière de spectacles, dans le cadre de partenariats institués avec l’Éducation nationale, les réseaux sociaux et culturels ainsi que les collectivités partenaires. La scène nationale doit impliquer les artistes qui lui sont associés dans la majorité de ces missions.

Le rayonnement public et artistique de chaque scène nationale doit enfin dépasser son champ d’action géographique, grâce à l’accompagnement de la diffusion nationale, voire internationale, des œuvres nouvelles dont, chaque année, elle facilite la création jusque, parfois, à prendre une part déterminante à leur production, y compris en assurant sa délégation. Cette particularité vaut à certaines scènes nationales d’être très connues bien au-delà de nos frontières, matérialisant ainsi un aspect important de leur action qu’il ne faut pas
sous-estimer.

La responsabilité professionnelle des scènes nationales prolonge celle des premières maisons de la culture qui « venaient signifier l’utopie d’une proximité, pour chaque Français, avec le plus ambitieux et le plus actuel des arts vivants(7) » Aujourd’hui, la carte nationale de ces équipements généralistes – qui permettent l’accès, d’une manière régulière et professionnelle, aux différentes formes de la création artistique à moins d’une heure de route de chez soi – traduit la continuité des politiques publiques dans ce domaine et l’important maillage culturel du territoire ainsi réalisé.

Pour les scènes nationales, au rôle d’exemplarité qu’elles ont joué de manière déterminante pour l’aménagement culturel du territoire s’est donc progressivement substituée une responsabilité nouvelle d’entraînement, d’animation et de références pour le vaste paysage de la création et de la diffusion artistiques qui les environne. Chaque scène doit ainsi faire preuve de disponibilité sur son aire territoriale pour conseiller et orienter les décideurs dans ses champs de compétences, proposer des temps de formation ou de perfectionnement autour des métiers de l’accompagnement de la création et de la diffusion et offrir des stages pour les étudiants, notamment ceux qui préparent un diplôme national supérieur professionnel, des contrats de professionnalisation, des formations en alternance.

Enfin, il est demandé collectivement aux scènes nationales, à l’échelle du réseau qu’elles constituent, de contribuer à l’organisation de temps de réflexion et de prospective sur des sujets, culturels, artistiques ou techniques ouverts aux professionnels qui travaillent auprès des créateurs et des publics mais aussi de produire une communication médiatique régulière autour de la diversité des pratiques qu’elles développent ou de leur caractère novateur – tant en direction des artistes que de la population. La brochure (8) déjà citée que leur association nationale vient d’éditer et qui a nourri ce rapport illustre parfaitement cette mission.

On le voit, le cahier des charges et des missions est vaste et riche en éléments qui, pour chacun d’entre eux, suffiraient à définir les activités d’un établissement à part entière.

Or le responsable de la scène nationale, directrice ou directeur
– 18 femmes, soit 25 % et 53 hommes dirigent les 71 scènes nationales – est choisi sur la base d’un projet culturel et artistique. Une fois désignée, ce projet est intégré par la direction au contrat d’objectif négocié pour une durée de quatre ans avec les partenaires publics. Ce dernier doit être évaluable et donc comporter des objectifs qui le soient, définis conjointement par les différentes parties. Ils portent sur la programmation mais aussi sur les partenariats artistiques, la fréquentation et la connaissance du public, l’impact territorial, l’organisation professionnelle et les outils de travail.

Mais on peut également citer la place donnée à l’activité de création ou de résidence, les efforts de diffusion territoriale, nationale et internationale ou le respect des grands équilibres financiers, chaque contrat déterminant un niveau plancher ou un objectif de ressources propres, approprié à la situation spécifique de l’établissement.

Enfin, à l’approche du terme de chaque contrat, la direction de l’établissement fournit une auto-évaluation des activités et de la réalisation des objectifs contractualisés. C’est sur la base de ce document que la direction générale de la création artistique (DGCA) met en place, en tant que de besoin, une procédure d’évaluation. Une mission d’audit ou d’inspection peut être confiée au service de l’inspection de la création artistique qui sollicite l’avis des autres collectivités partenaires qui peuvent, le cas échéant, mener leurs propres investigations. Dans certaines situations comme le renouvellement de premier mandat par exemple, cette mission d’évaluation peut être conduite par la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et, en particulier, par les conseillers chargés du spectacle vivant. À partir de ces éléments et après concertation, les collectivités publiques font connaître leurs intentions à la direction de l’établissement.

Le risque, dès lors, est que cette accumulation, cet empilement des objectifs et des missions, portés avec constance par les différents partenaires publics, les rendent rapidement soit contradictoires, soit inapplicables, soit les deux… et rendent leur évaluation quelque peu délicate, sauf à n’en pas vraiment tenir compte.

En effet, le désir légitime d’une équipe municipale que le théâtre dont dispose sa scène nationale affiche régulièrement complet n’est pas toujours compatible avec une programmation devant permettre l’expression d’approches « artistiques les plus singulières, qu’elles transgressent les frontières esthétiques ou culturelles traditionnelles » ou « tentent d’inventer de nouveaux langages », par exemple, comme le prévoit, on l’a souligné, le cahier des charges et des missions des scènes nationales de 2010.

Il conviendrait donc, à cet égard, de rester dans un cadre compatible avec une structure dont les moyens financiers et humains sont à l’échelle du territoire qu’elle anime et restent dès lors limités.

Les résultats obtenus sur ces missions sont d’ailleurs suffisamment riches pour qu’il soit inutile d’en amplifier excessivement les objectifs.

Ainsi, l’action culturelle a concerné pendant la saison 2013-2014 près de 410 000 personnes, soit en moyenne 5 820 par scène nationale, les artistes en compagnonnage ou en résidence y ayant consacré plus de 41 000 heures, soit 617 heures en moyenne par scène.

Les 63 scènes nationales qui disposent d’une programmation spécifique pour les jeunes publics se sont adressées par 535 propositions de spectacles et 2 615 représentations à près de 600 000 spectateurs tout public et 346 500 sur le temps scolaire.

En matière d’éducation artistique, les scènes nationales s’attellent au défi de favoriser l’égalité des chances, de développer le goût de l’art et de « donner les clés aux plus jeunes pour qu’ils se forgent un esprit critique et se construisent un jugement esthétique. » (9).

Elles disposent pour cela des ateliers artistiques (1 575 pour 70 scènes), de la classe à projet artistique et culturel (PAC), de la résidence en établissement scolaire, organisée autour d’une création pendant plusieurs semaines, non seulement dans le domaine du spectacle vivant, la musique, le théâtre ou la danse mais aussi des arts plastiques ou numériques, par exemple.

Elles s’associent également aux enseignements de spécialités, qu’ils soient des options obligatoires ou facultatives de l’enseignement secondaire, en assurant la présence régulière d’artiste intervenant dans les classes pour y dispenser des cours pratiques autour des œuvres inscrites au programme.

En outre, 975 dispositifs éducatifs sont mis en place par 65 scènes nationales. Ils représentent en moyenne pour les scènes concernées 434 heures d’intervention touchant 1 245 enfants et jeunes d’âge scolaire.

Rappelons enfin qu’en matière de cinéma, sur les 23 scènes dotées d’une ou plusieurs salles, 19 ont une programmation de films à destination du jeune public sur ou hors temps scolaire. 790 films ont ainsi réuni 257 609 spectateurs jeunes publics au cours de 4 158 séances.

De tels résultats en termes de productions et de soutiens à la création conduisent à souligner la pertinence d’une réflexion rapportée lors d’une audition (10) : « c’est la province qui finance les spectacles à Paris » (il faudrait, on le verra, y ajouter la banlieue parisienne). Ces réussites renforcent la nécessité de maintenir un fort financement d’État, facteur de liberté de programmation, on l’a vu, mais aussi d’irrigations multidirectionnelles du champ culturel.

Les villes moyennes relativement éloignées de grands centres de culture, d’agglomérations dotées d’universités ou disposant d’un public accédant à la « culture cultivée, » pour reprendre l’heureuse expression de Mme Catherine Bizouarn (11), constituent le territoire idéal de rayonnement, à la fois géographique et humain, d’une scène nationale dont la vocation première est de permettre l’accès de tous aux formes et aux créations artistiques les plus variées.

● La scène nationale de Saint Nazaire, « le Théâtre », fusionne un double projet, celui d’un théâtre récemment construit pour et par la ville, ouvert en 2012 et symbolisant un nouvel essor urbain succédant à la première vague des reconstructions d’après-guerre, et d’une scène nationale correspondant au développement culturel d’un bassin de population de 70 000 personnes, centré sur la ville, avec trois salles dont une salle principale de 826 places et une salle de cinéma.

Son budget de 2,8 millions d’euros pour une équipe de 24 salariés en ETP la situe dans la moyenne. La subvention de l’État, 500 000 euros contre 1,4 million pour la ville, le reste relevant des ressources propres ou des subventions du département et de la région, est aussi caractéristique de scènes nationales récentes, non issues des maisons de la culture pour lesquelles les financements plus importants d’origine ont été poursuivis.

La taille importante de la scène de la grande salle, intégrée au projet architectural, permet par ailleurs une programmation extrêmement variée et des spectacles mobilisant de nombreux artistes, en particulier de danse sur des chorégraphies exigeantes ou de cirque. Le Théâtre propose en moyenne 65 spectacles vivants pour 122 représentations. Le cinéma tient également une place importante avec 188 films projetés.

Il s’agit là d’une conciliation réussie entre la culture et le « socioculturel », l’éducation populaire et la culture accessible à tous, chère à sa directrice, Mme Nadine Varoutsikos-Perez (12).

● La « Halle aux grains », scène nationale de Blois, née d’une volonté politique forte est, quant à elle, installée dans un espace non pas conçu pour la scène mais partagé avec la ville et adapté aux représentations. Dès lors, il ne permet pas d’évolutions en profondeur et de recevoir simultanément un public nombreux, ce qui limite le type de spectacles qu’il est possible d’y monter. Son budget de 1,8 million d’euros est inférieur aux 2 millions considérés comme le seuil minimal pour permettre un véritable développement du label par le ministère de la culture. Il est principalement assuré par la ville pour 680 000 euros et l’État pour 650 000, correspondant à 12 emplois. Dès lors, et en attendant de disposer d’un lieu plus adapté, des collaborations s’imposent avec d’autres institutions, comme la scène conventionnée de Vendôme, ou la scène nationale d’Orléans. La Halle aux grains privilégie également la structuration culturelle de son territoire par des enseignements spécialisés pour les lycéens ou les élèves du conservatoire, des projets dans les quartiers, mais aussi à l’hôpital, la prison. La moyenne annuelle des spectacles qu’elle propose est de 49 pour 83 représentations.

● Si ce choix de mutualisation et de projets délocalisés est ici la conséquence de programmations importantes privilégiant le théâtre et la danse et confrontées à des cadres d’accueil qui ne leur sont pas toujours adaptés, il peut être décidé d’implanter une scène nationale sur plusieurs lieux aux dimensions très inégales, et cela dès sa création. Ainsi, la scène nationale « les scènes du Jura » disposent de 13 salles dont les deux théâtres à l’italienne traditionnels de Dôle et de Lons-le-Saunier, d’une salle modulable mais aussi des salles des fêtes de Champagnole ou de Poligny, par exemple. Ce déploiement sur des zones urbaines et rurales suppose une programmation variée dans ses lignes artistiques, mais aussi ses dimensions.

Les scènes du Jura promeuvent les écritures contemporaines, en particulier pour le théâtre, en associant des auteurs dramatiques chaque saison ou des artistes renouvelant l’écriture de plateau. Elles présentent en moyenne 55 spectacles pour 105 représentations.

Les scènes du Jura comme la Halle aux grains, mais aussi « le Trident », scène nationale de Cherbourg-Octeville ou la « MCB° », scène nationale de Bourges, ont engagé des actions cadrées par la question « quelle présence de la culture dans les zones délaissées ? » qui leur était posée par leurs tutelles. On peut ainsi citer « les scènes buissonnières » et « le théâtre, c’est dans ta classe » proposés par les scènes du Jura, le projet réalisé par la Halle aux grains avec un groupe de jeunes du quartier Nord de Blois de re-création d’une pièce chorégraphique de Robyn Orlin, le partenariat du Trident avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Manche et de la maison d’arrêt de Cherbourg-Octeville ou encore les ateliers de pratique artistique amateur en milieu tant rural qu’urbain développés par la MCB°.

La création des villes nouvelles aux environs de Paris mais aussi des départements de la petite couronne et de leurs nouvelles préfectures est contemporaine de celle des maisons de la culture ou d’autres futurs labels nationaux comme les premiers centres dramatiques. Ces lieux de spectacles et de culture ont donc été, dès leur implantation, pensés dans ces cadres en devenir, dans l’objectif, aussi, de leur associer une image artistique assez éloignée de la planification passablement technocratique qui les avait vu naître. Les spectateurs nombreux fréquentant ces grandes institutions, jugés parfois trop « parisiens » au regard des missions de diversification et de développement de nouveaux publics que se fixent les scènes nationales, montre une réussite certaine sur ce point.

Si les scènes nationales implantées en région ont à dépasser un éloignement géographique des lieux de culture, l’éloignement revêt ici, de façon plus marquée, un caractère social. Il s’agit en effet de s’adresser à des publics nouveaux, nombreux mais sur des territoires relativement moins étendus et plus accessibles.

● Le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, inauguré en 1993, propose un projet pluridisciplinaire fondé sur les nouvelles esthétiques en écho au territoire d’innovation où il est implanté, voisin du Plateau de Saclay par ailleurs, la musique et l’art lyrique y ayant également une place particulière, associant professionnels et amateurs. Son budget, de 4,2 millions d’euros comprend une subvention d’État de 930 000 euros, la communauté d’agglomération de la ville nouvelle contribuant à hauteur de 1,8 million d’euros au financement, soit le double. Il emploie 24 salariés équivalents temps plein, et propose 50 spectacles pour 120 représentations.

La diversification et le renouvellement du public sont ici essentiels, supposant une action culturelle permanente, et des moyens stables pour porter la démocratisation culturelle. Elle traduit aussi le devoir, pour une scène nationale, de s’ouvrir à d’autres paroles qu’artistiques, comme l’a souligné lors de son audition M. Lionel Massétat, son directeur (13).

● La Ferme du buisson – scène nationale de Marne-la-Vallée / Noisiel présente la particularité de réunir dans un lieu patrimonial, la ferme modèle construite en 1880 pour la chocolaterie Menier, un théâtre et un centre d’art contemporain, sous forme non pas d’une association mais d’un établissement public de coopération culturelle. Plus encore que pour la scène nationale de Saint-Quentin en Yvelines, son implantation s’est faite dans un territoire en mutation permanente, de la ville nouvelle qui s’achève à l’extension de Disneyland Paris. Le public y est particulièrement hétérogène, la ville nouvelle étant riche de 70 nationalités. Pour autant, 70 % des visiteurs et spectateurs viennent du département, les 10 % de parisiens ne faisant pas l’objet d’un démarchage particulier, sauf pour le Centre d’art. Ouverte en 1990, son éloignement relatif de Paris renforce d’ailleurs les liens entre le public et sa scène nationale, l’apparentant davantage à une scène en région.

Le budget global moyen de la scène est de 5 millions d’euros, l’État participant pour 1,2 million d’euros, y compris les financements attribués au centre d’art contemporain, et la communauté d’agglomérations pour 2 millions d’euros, pour une programmation de 131 spectacles et 237 représentations et une équipe permanente de 35 équivalents temps plein. L’éloignement de la Ferme du buisson du centre de Paris n’est pas tel qu’il rende difficile un travail commun avec une grande institution parisienne. Des liens ont donc été établis avec l’Opéra de Paris, participant d’un engouement pour l’art lyrique déjà remarqué à Saint-Quentin-en-Yvelines et sans doute plus large, comme le montre aussi le succès des opéras en région, préparé par un travail de médiation important allant de l’édition de livrets en bande dessinée, cet art étant implanté à la Ferme, de l’accueil d’ateliers lyriques jusqu’à l’organisation de concerts à domicile ou la représentation d’un opéra complet.

Lors de son audition, M. Vincent Eches (14) a également souligné le rôle économique d’une scène nationale sur son territoire, à la fois comme pépinière artistique, mais aussi comme employeur et comme investisseur et client des entreprises locales. Il est en effet devenu possible d’intégrer la notion d’industrie culturelle à des institutions qui ont longtemps semblé structurellement éloignées de ces questions.

● La scène nationale « MC 93 Bobigny », ouverte en 1980, s’inscrit dans la continuité des maisons de la culture « Malraux » mais, maison de production, se rapproche également des centres dramatiques nationaux présents dans d’autres communes de la proche banlieue, comme Gennevilliers ou Saint-Denis. Elle participe du projet qui était défendu par les municipalités où ils sont implantés d’offrir à tous les meilleurs artistes européens, chaque habitant de la commune ayant vocation à constituer le public de ces belles institutions où s’exerce aussi sa citoyenneté.

Son budget de 6,5 millions d’euros est principalement porté par le conseil départemental et l’État, puis la ville de Bobigny. L’équipe permanente permet d’assurer aussi bien la production comprenant décors et costumes que les tournées. La rénovation du lieu donne à la scène nationale une année sans saison. Sa nouvelle directrice, Mme Hortense Archambault faisait remarquer, lors de son audition (15), qu’une direction d’établissement étant souvent obligée de se concentrer sur le cœur de son métier, la production immédiate de spectacles, il lui est donc aujourd’hui exceptionnellement permis de réfléchir en amont de la saison, et d’élaborer une réponse à la demande importante de spectacles, mais aussi d’accompagnements aux spectacles et de créations contemporaines. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur le public lui-même. Elle faisait également remarquer que les contrats d’objectifs et les cahiers des charges des scènes nationales se ressemblaient beaucoup trop, empilant les missions et ne s’adaptaient pas à la spécificité de chaque établissement et de son implantation. Il semble en effet que les scènes nationales proches de Paris peuvent trouver un intérêt à présenter des projets artistiques complémentaires, et être moins tenues de proposer des programmations extrêmement variées, correspondant aux missions de scènes situées en région dans des territoires plus isolés.

● Le théâtre 71 scène nationale de Malakoff ouvert en 1971 s’inscrit, lui, dans le rôle d’animation plus classique d’une ancienne maison de la culture, en partenariat avec les théâtres du sud du département des Hauts-de-Seine, tout en accordant une place prépondérante au théâtre et à la danse. Il participe à l’organisation du Festival MARTO ! de marionnettes et de théâtre d’objet. Son budget annuel moyen est de 2,6 millions d’euros, les financements publics étant répartis entre l’État, la ville et le département pour un tiers chacun. La saison propose 34 spectacles pour 116 représentations.

En conclusion, comme le soulignait le président de l’Association des scènes nationales, M. Jean-Paul Angot lors de son audition (16), les 71 scènes nationales représentent bien 71 projets artistiques, et non une tuyauterie en réseau uniquement chargée de diffuser des productions. La participation de l’État à cette diversité, bien que modeste, est plus que jamais nécessaire, mais elle doit pouvoir compter sur le soutien, dans la durée, des engagements pris par les différents partenaires territoriaux.

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen des rapports pour avis de Mme Marie-Odile Bouillé (Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture), et de M. Michel Piron (Patrimoines) sur les crédits pour 2016 de la mission Culture lors de sa deuxième séance du mercredi 28 octobre 2015.

M. le président Patrick Bloche. Nous en terminons cet après-midi avec la présentation des rapports pour avis de notre commission sur le projet de loi de finances pour 2016.

Lundi prochain, Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, s’exprimera sur les crédits pour 2016 de la mission « Culture » en commission élargie. Aujourd’hui, Mme Marie-Odile Bouillé nous présente son avis sur les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », et M. Michel Piron, le sien, sur le programme « Patrimoines ».

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». La décentralisation culturelle, l’accès de tous à la culture, qui semblait hier une utopie du XXsiècle, est-elle aujourd’hui en voie de se réaliser ?

Notre pays s’est doté depuis le début des années soixante d’un maillage important du territoire par de nombreuses institutions culturelles, porté par une politique publique volontariste, associant l’État, représenté par le ministère de la culture et de la communication, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), et les collectivités territoriales. Au moment où s’engage un nouveau tournant de la décentralisation, il m’a semblé utile et nécessaire de faire le point sur ces structures culturelles décentralisées, qu’elles bénéficient d’un label ou qu’elles soient intégrées à un réseau national. Mon étude portera principalement sur l’organisation la plus généraliste, la plus développée et la mieux implantée sur tout le territoire : les scènes nationales.

La politique de création culturelle déconcentrée repose aujourd’hui sur dix labels et réseaux nationaux qui en sont les principaux acteurs. Leur présentation dans la circulaire du 31 août 2010 du ministre de la culture et de la communication sur la mise en œuvre de la politique partenariale de l’État rappelle que l’histoire de la labellisation s’est développée parallèlement à la décentralisation théâtrale et culturelle qui a accompagné la création, puis le renforcement du ministère de la culture. Le paradoxe n’est qu’apparent : en effet, la défense et l’épanouissement d’une véritable création, répartie équitablement sur l’ensemble du territoire, en étroite interaction avec les collectivités territoriales qui en accueillent les productions, supposent une volonté gouvernementale forte et structurée.

Si les trois réseaux labellisés regroupent un ensemble d’institutions, parmi lesquelles on compte les opéras en région et les orchestres permanents, aux missions artistiques homogènes, organisées pour échanger leurs pratiques, voire développer des outils mutualisés, les sept labels sont attribués, à leur demande souvent appuyée par une collectivité territoriale, à des institutions présentant des créations multiples, du théâtre aux musiques actuelles, de la danse au cirque ou aux spectacles de rue. Elles doivent respecter un cahier des charges spécifique à chacune d’entre elles.

Ces dix structures labellisées bénéficient de près de 30 % de la dépense totale de l’action « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » du programme « Création » de la mission « Culture », soit près de 193 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016.

Chaque structure à laquelle un label est conféré doit remplir un certain nombre d’obligations satisfaisant aux critères de la politique publique d’aide à la création mise en œuvre au niveau national. Ces obligations varient mais s’appuient sur un socle d’engagements communs autour de trois des missions principales figurant dans leur cahier des charges, sur lesquelles je reviendrai s’agissant des scènes nationales.

Le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que nous venons d’examiner en première lecture, a sécurisé et simplifié le dispositif juridique des labels en introduisant, dans son article 3, une procédure de label unifiée pour les structures. Le cahier des missions et des charges des structures labellisées ou constituées en réseau sera donc réécrit sur cette base nouvelle. Ce nouveau dispositif devrait avoir le double effet de mieux faire respecter les prescriptions attachées au label ainsi que la procédure d’agrément des dirigeants. Il incitera aussi à un engagement plus prudent. Les demandes de labellisation supplémentaires devraient être fondées sur une étude plus serrée de la capacité des structures candidates à répondre à leur cahier des charges.

J’en viens aux scènes nationales qui reflètent brillamment la longue histoire du développement de la création culturelle en région. Par leurs seules structures et leurs productions, elles résument assez bien l’ensemble des missions dévolues aux autres institutions labellisées. Leur vocation généraliste, embrassant tous les domaines de la création, leur implantation, leur capacité d’accueil et leur créativité leur confèrent véritablement un caractère unique dans le paysage culturel non seulement national mais aussi international. Il s’agit, dirions-nous, d’une « exception culturelle » de plus.

Le label « Scène nationale » n’a vu le jour qu’en 1991, mais son histoire, beaucoup plus ancienne, s’inscrit dans la volonté des pouvoirs publics, prolongeant les initiatives pionnières de grands noms du théâtre, comme Firmin Gémier ou Jean Vilar, de diffuser une création contemporaine de qualité sur l’ensemble du territoire. Développée dès l’après-guerre, cette politique de rayonnement culturel fut portée par la forte impulsion donnée par André Malraux au cours des années 1960.

La labellisation a réuni sous une même dénomination les maisons de la culture, les centres d’action culturelle et les centres de développement culturel, chacun apportant ses propres traditions. De la même façon, l’État conserve les siennes : sa participation à leur financement continue, aujourd’hui encore, de suivre un gradient décroissant, des ex-maisons de la culture aux ex-centres de développement culturel, malgré près de vingt-cinq ans de destin partagé.

Les scènes nationales, aujourd’hui au nombre de soixante et onze, sont réparties sur l’ensemble des régions métropolitaines ainsi qu’en Guadeloupe et en Martinique. Leur statut est associatif pour cinquante-sept d’entre elles, dix ayant celui d’établissement public de coopération culturelle (EPCC).

La majorité d’entre elles se trouvent dans des villes moyennes, au cœur d’agglomérations de 50 000 à 200 000 habitants, où elles sont encore très souvent les seuls équipements à proposer une programmation permanente, pluridisciplinaire et exigeante. Elles jouent donc, à ce titre, un rôle essentiel en présentant des œuvres et des artistes qu’elles peuvent produire ou coproduire et dont elles soutiennent activement la diffusion dans les réseaux du spectacle vivant, tant en France qu’au niveau européen et international.

Lieux accessibles et de proximité de l’art, elles ont rassemblé, lors de la saison 2013-2014, plus de 3 millions de spectateurs, dont 2,8 millions pour le spectacle vivant, au cours de 9 200 représentations de 3 950 spectacles montrant 70 disciplines ou thématiques de configurations différentes, du spectacle en salle au cabinet de curiosités.

L’ensemble des scènes nationales emploient environ 1 880 personnes dans des métiers très divers, correspondant à la diversité des fonctions et des productions. On compte donc en moyenne vingt-six salariés permanents par scène. Elles génèrent par ailleurs un volume important de salariat sous contrat à durée déterminée, représentant l’équivalent de quatre cent quatre-vingts emplois à temps plein pour les artistes ou techniciens sous statut d’intermittent du spectacle, ainsi que de nombreux emplois indirects.

Si, pour la période 2013-2014, les financements publics se sont globalement maintenus, des annonces de baisse de subventions des collectivités territoriales se sont multipliées depuis un an. Elles s’appliquent parfois fortement, comme à Chambéry. Tous les responsables auditionnés ont souligné que les financements pluriels des scènes nationales étaient structurellement fragiles s’ils n’étaient pas accompagnés d’un engagement politique fort, seul à même de maintenir un équilibre budgétaire précaire. Les villes, les agglomérations, les départements et les régions ont, pour nombre d’entre eux, répercuté une partie de la baisse des dotations de l’État sur les subventions accordées aux associations et aux structures culturelles. Si des mesures d’économie sont nécessaires, je m’étonne que la culture et la création soient trop souvent les premières concernées.

Or, si un quart des financements des scènes nationales repose sur leurs ressources propres, trois quarts proviennent des financements publics qui sont assurés, en moyenne, à 45 % par les villes, à 32 % par l’État, à 12 % par les départements et à 9 % par les régions. Ces moyennes recouvrent des réalités extrêmement différenciées, liées aux origines de chaque établissement comme à l’histoire particulière de son implantation.

En 2014, le budget global cumulé des scènes nationales était d’environ 238 millions d’euros, et le budget moyen par scène de 3,3 millions d’euros. Il convient aussi de souligner que, si peu de données précises sont disponibles, la quasi-totalité des dépenses d’une scène nationale est réinvestie dans l’économie locale par le biais de ses salariés, mais aussi des entreprises et des services qu’elle sollicite régulièrement. Le projet de loi de finances pour 2016 porte la subvention de l’État aux scènes nationales à 52,65 millions d’euros. La fourchette des financements se situe entre un montant minimal attribué stable à 330 000 euros, et un maximum qui s’élève à 3,278 millions. Il est pourtant prévu, depuis 2010, de porter le plancher de financement à 500 000 euros.

Si la part des financements de l’État n’est, en moyenne, que d’un tiers environ, ces moyens déconcentrés constituent un levier essentiel de l’action publique et ils sont la condition matérielle indispensable de la liberté réelle de programmation de chaque scène nationale. Les inquiétudes qui peuvent légitimement exister en la matière sont prises en compte par l’article 2 du projet de loi de relatif à la liberté de création. Il est important, en contrepartie, et pour garantir cette liberté, de conserver un bon niveau de financement de l’État, qui devrait permettre rapidement aux quinze scènes, pour lesquelles la subvention reste inférieure à 500 000 euros, d’atteindre l’objectif que l’État s’était lui-même fixé en 2010. Les scènes dont le budget est inférieur à 2 millions d’euros pourront alors atteindre ce dernier seuil, montant minimal indispensable pour établir une programmation solide.

Ces financements sont nécessaires pour permettre aux scènes nationales d’assurer un bloc de missions qui s’articulent autour des trois grandes responsabilités qui caractérisent tous les labels et réseaux nationaux : la responsabilité artistique, la responsabilité publique et la responsabilité professionnelle.

La responsabilité artistique s’exprime par la programmation pluridisciplinaire qui doit refléter de manière équilibrée les principaux courants de la production actuelle, en les resituant au besoin par rapport aux grandes œuvres de référence.

La responsabilité publique se traduit par la considération spécifique portée à un territoire et à sa population.

La responsabilité professionnelle prolonge celle des premières maisons de la culture qui « venaient signifier l’utopie d’une proximité, pour chaque Français, avec le plus ambitieux et le plus actuel des arts vivants », comme l’indique le cahier des missions et des charges des scènes nationales de 2010. La carte de répartition de ces équipements généralistes présentée dans mon avis illustre parfaitement la continuité des politiques publiques et l’important maillage culturel du territoire qui a été réalisé.

Au rôle d’exemplarité joué de manière déterminante par les scènes nationales pour l’aménagement culturel du territoire s’est donc progressivement substituée une responsabilité nouvelle d’entraînement, d’animation et de référence pour le vaste paysage de la création et de la diffusion artistiques qui les environne.

Vous le constatez : le cahier des missions et des charges des scènes nationales est riche en éléments qui, pour chacun d’entre eux, suffiraient à définir les activités d’un établissement à part entière. Le responsable d’une scène nationale – on compte aujourd’hui dix-huit directrices, soit 25 % de femmes, et cinquante-trois directeurs pour soixante et onze scènes nationales – est choisi sur la base d’un projet culturel et artistique intégré par la direction au contrat d’objectifs négocié pour une durée de quatre ans avec les partenaires publics. Ce dernier doit être évaluable et donc comporter des objectifs qui le soient. Définis conjointement par les différentes parties, ils portent sur la programmation mais aussi sur les partenariats artistiques, la fréquentation et la connaissance du public, l’impact territorial, l’organisation professionnelle, les outils de travail, ou encore sur l’activité de création ou de résidence, les efforts de diffusion territoriale, nationale et internationale ou le respect des grands équilibres financiers. Le risque, soulevé par tous les responsables auditionnés, est grand que cette accumulation, cet empilement des objectifs et des missions, portés avec constance par les différents partenaires publics, les rendent rapidement soit contradictoires, soit inapplicables, soit les deux, et que toute évaluation devienne quelque peu délicate. Dans de telles conditions, il est probable que l’on ne tienne finalement pas vraiment compte de ces injonctions multiples.

Le désir légitime d’une équipe municipale que le théâtre dont dispose sa scène nationale affiche régulièrement complet n’est pas toujours compatible avec une programmation devant permettre l’expression des approches « plus singulières » que lui fixe, par ailleurs, le cahier des missions et des charges des scènes nationales de 2010. Il conviendrait donc, à cet égard, de s’en tenir à un cadre compatible avec une structure dont les moyens financiers et humains sont à l’échelle du territoire qu’elle anime et restent forcément limités. Les résultats obtenus sur ces missions sont d’ailleurs suffisamment riches pour qu’il soit inutile d’en amplifier excessivement les objectifs.

Ainsi, en matière d’action culturelle comme d’éducation artistique, les scènes nationales s’attellent au défi de favoriser l’égalité des chances, de développer le goût de l’art et de « donner les clés aux plus jeunes pour qu’ils se forgent un esprit critique et se construisent un jugement esthétique », toujours suivant le cahier des missions et des charges des scènes nationales. Elles s’associent également aux enseignements de spécialités et donc à l’enseignement artistique cette fois. De tels résultats en termes de production et de soutien à la création conduisent à souligner la pertinence d’une réflexion rapportée lors d’une audition : « C’est la province qui finance les spectacles à Paris. » Il faudrait y ajouter la banlieue parisienne.

Je voudrais terminer en faisant l’éloge de la diversité que portent les scènes nationales. Mon rapport rend compte des auditions et des rencontres passionnantes que j’ai faites en le préparant. Même s’il m’est difficile, dans le temps dont je dispose, de les présenter maintenant de façon détaillée, j’ai choisi d’évoquer deux axes de réflexion.

L’un porte sur les scènes des villes moyennes relativement éloignées de grands centres de culture, d’agglomérations dotées d’universités ou disposant d’un public accédant à la « culture cultivée ». Elles constituent le territoire idéal de rayonnement, à la fois géographique et humain, d’une scène nationale dont la vocation première est de permettre l’accès de tous aux formes et aux créations artistiques les plus variées.

L’autre concerne le cas particulier de la banlieue parisienne et de la création dans les villes nouvelles proches de Paris, mais aussi dans les départements de la petite couronne et leurs préfectures. Comme les premiers centres dramatiques, les scènes nationales ont été, dès leur implantation, pensées dans ces cadres en devenir, avec l’objectif de leur associer une image artistique assez éloignée de la planification plutôt technocratique qui les avait vues naître. Si les scènes nationales implantées en région ont à dépasser un éloignement géographique des lieux de culture, l’éloignement revêt, près de Paris, de façon plus marquée, un caractère social. Il s’agit de s’adresser à des publics nouveaux, nombreux, mais sur des territoires relativement moins étendus et plus accessibles.

En conclusion je constate, comme le soulignait le président de l’association des scènes nationales, M. Jean-Paul Angot, se faisant le porte-parole de ses camarades, selon la belle expression qu’ils aiment utiliser, que les soixante et onze scènes nationales représentent donc bien soixante et onze projets artistiques, et non une tuyauterie en réseau uniquement chargée de diffuser des productions. La participation de l’État à cette diversité, bien que modeste, est plus que jamais nécessaire, mais elle doit pouvoir compter sur le soutien, dans la durée, des engagements pris par les différents partenaires territoriaux.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Patrimoines ». Avec plusieurs de nos collègues, j’ai participé, l’an dernier, à une mission d’information de notre commission sur la gestion des réserves et des dépôts des musées de France. Puisque vous m’avez invité à donner un avis sur le budget 2016, je reviens sur ce sujet.

Quelques mots suffiront à résumer l’état des crédits accordés par ce budget aux autres actions du programme « Patrimoines ». Le ministère se réjouit que les crédits augmentent et que les subventions, retranchées aux opérateurs lors des exercices 2013 et 2014, leur soient partiellement restituées. Les autorisations d’engagement sont relevées de 165 millions d’euros et les crédits de paiement de 121 millions d’euros, dont 118 servent à reconstituer la dotation des opérateurs de l’archéologie préventive. Conformément au vœu exprimé par notre collègue Martine Faure, dans le rapport qu’elle a remis en mai dernier à Mme la ministre de la culture à ce sujet, le Gouvernement renonce à financer les dépenses de ces derniers par le produit de la redevance d’archéologie préventive qui leur était affecté.

Cette reconstitution mise à part, les crédits de paiement sont simplement reconduits. En revanche, les autorisations d’engagement augmentent de 48 millions d’euros : 17 millions financeront une réserve d’archives à Pierrefitte, après l’évacuation du bâtiment fissuré de Fontainebleau, et les châteaux de Versailles et Fontainebleau se partageront 19 millions pour leurs travaux. Par ailleurs, 11 millions iront au chantier du Grand Palais. L’état de ce bâtiment, qui relève désormais de la Réunion des musées nationaux (RMN), est préoccupant. Je peux en témoigner pour avoir, à mes risques et périls, arpenté ses toitures la semaine dernière. Sa restauration et la mise aux normes des espaces ouverts au public coûteraient entre 430 et 440 millions d’euros. Sur cette somme, 200 millions d’euros resteraient à trouver.

J’en viens à présent aux musées. Notre rapport d’information de l’an passé a suggéré que les collections nationales pourraient être conservées, entre deux expositions temporaires, dans des centres de réserves éloignés des musées. Ces centres, de haute technologie, seraient compartimentés par matériaux et non plus par disciplines ou collections. Ils pourraient même être visitables.

Le rapport n’a pas exploré une contrepartie de ces centres : les musées sans collections permanentes. Le Louvre-Lens, que j’ai visité en septembre dernier, entre dans cette catégorie. C’est un édifice remarquable que l’on n’entrevoit qu’au détour des corons construits dans l’après-guerre. En déambulant dans sa Galerie du Temps, dont l’accès est gratuit, j’ai eu le sentiment d’un lieu chaleureusement empli par la présence d’œuvres venues du Louvre, qui sont là de passage. Ces œuvres n’auraient probablement pas autant retenu l’attention des touristes dans un palais parisien saturé. Elles deviennent remarquables, isolées dans un décor simple, émouvantes même pour qui les contemple.

Ce Louvre-Lens qui les expose au public est un beau « musée », bien qu’il ne dispose pas de collection permanente. Cette situation pose une véritable question juridique. Le statut d’établissement public de coopération culturelle pourrait même rapprocher le Louvre-Lens du spectacle vivant, puisqu’il peut convenir à un lieu d’exposition éphémère de performances d’art contemporain. Ce statut a d’ailleurs été également retenu pour le Centre Pompidou-Metz. Alors que ces « musées » n’en sont pas stricto sensu, un centre de réserves visitables qui aurait un projet scientifique serait bien un « musée » au sens du code du patrimoine.

Ces exemples en marge du droit du patrimoine signalent une évolution dont j’ai rappelé les étapes précédentes dans mon rapport. Les autorités centrales et locales de la Ve République ont beaucoup investi dans les musées. Elles ont relogé leurs collections dans des bâtiments neufs ou rénovés, à l’architecture souvent remarquable. Cette politique d’investissement a eu des résultats spectaculaires, puisque la fréquentation des musées nationaux a triplé et que celle des autres musées de France a doublé.

Les autorités qui ont financé ces investissements peinent désormais à conserver les dotations de fonctionnement indispensables à leurs musées. Ce n’est pas seulement le cas du Centre Pompidou-Metz, mais aussi celui de nombreux musées nationaux et territoriaux auxquels l’État et les collectivités territoriales commencent à retirer des crédits. En contrepartie de l’autonomie juridique accordée aux directions de ces musées, leurs tutelles leur demandent de modérer leur masse salariale, de diminuer les dépenses d’entretien des bâtiments, d’augmenter leurs recettes de billetterie et les redevances d’exploitation de leur domaine, sans pour autant renoncer à la mise aux normes de leurs locaux et à la démocratisation des publics qu’elles accueillent. Pourtant, très peu de musées peuvent vivre de leurs seules recettes d’exploitation. Ils sont deux à Paris : Orsay et Rodin. Si des musées gratuits sont bien financés à l’étranger par des fonds privés, seules quelques fortunes françaises ont déposé leurs collections dans le musée d’une fondation qui en assume l’entretien et le personnel.

Les lois fiscales et successorales ont certes fait beaucoup pour financer le mécénat et l’acquisition d’œuvres d’art, mais les dons privilégient les institutions les plus célèbres et les plus fréquentées. Le mécène le plus généreux pourrait même être, cette année, la Banque de France. Quant à l’exonération de l’impôt de solidarité sur la fortune en faveur de la conservation patrimoniale des œuvres d’art, elle profite au marché de l’art et à la conservation des œuvres plus qu’aux musées.

Pour revenir à ces derniers, qu’adviendra-t-il des collections et des salles d’exposition si les subventions publiques venaient à leur manquer ? Quelle place et quel rôle auront alors des centres de réserves ouverts ou fermés ? Autant de questions que la diversité des lieux et des situations suscite et laisse ouvertes aujourd’hui.

Mme Régine Povéda. Monsieur Piron, vous venez d’évoquer le Louvre-Lens : il est le symbole d’une action culturelle réussie. Démocratisation, excellence et décentralisation culturelle définissent ce musée inauguré par le Président François Hollande après huit années de travaux.

Le Louvre parisien attire plus de 8,8 millions de visiteurs, ce qui le place loin devant le British Museum londonien et le Metropolitan Museum of art de New York, mais, à Paris, le public ne peut voir que 10 % des 350 000 œuvres qu’abrite le musée : 90 % d’entre elles se cachent dans les réserves, parfois en attente de restauration.

Le Louvre-Lens, avec ses 900 œuvres exposées, puise dans huit départements du Louvre parisien : antiquités orientales, égyptiennes, grecques, étrusques et romaines, arts de l’Islam, objets d’art, arts graphiques, sculptures et peintures. Il s’intéresse à toutes les techniques et à toutes les périodes couvertes par la maison mère.

Le Louvre implanté à Lens ne se contente pas du statut de mini-Louvre. L’agence japonaise SANAA, concepteur du site, et le scénographe du Louvre-Lens ont choisi de ne pas céder à l’accrochage classique des musées des Beaux-Arts, en créant notamment une Galerie du Temps. Dans un espace décloisonné de 3 000 mètres carrés, 205 œuvres retracent l’histoire de l’art, de l’Antiquité à 1830 : aucune n’est accrochée au mur, et les visiteurs peuvent déambuler au milieu des tableaux, sculptures, gravures ou manuscrits. Nous pouvons saluer le travail de l’équipe du Louvre-Lens et de son directeur, Xavier Dectot : l’établissement a accueilli 1,4 million de visiteurs depuis son ouverture, dont 500 000 durant la deuxième année. La bonne situation géographique, l’architecture contemporaine et l’exposition inaugurale de qualité sont à l’origine de cette réussite.

Dans une région en difficulté, l’implantation du Louvre est un vrai bol d’air. Si certains voient le Louvre-Lens comme un coût déraisonnable et une charge pour les collectivités et l’État, qui n’a financé directement que 4 % de la construction, je vois ce musée comme une chance pour tous les habitants de la région. La construction a coûté 150 millions d’euros financés notamment à 60 % par la région Nord-Pas-de-Calais et à 20 % par l’Europe. Son budget annuel de 15,5 millions d’euros est assumé à 80 % par la région.

Les objectifs de fréquentation avaient été fixés, avant l’ouverture du musée, à 700 000 visiteurs pour la première année, puis à 500 000 visiteurs par an. L’objectif est tenu et même dépassé, puisque l’année inaugurale a vu défiler 900 000 visiteurs. Après le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille, le Louvre-Lens est le musée le plus fréquenté de province.

L’éducation et la démocratisation culturelles sont au cœur du projet de ce musée. Il s’agit d’objectifs majeurs dans un département dont les habitants de moins de vingt ans représentent 27 % de la population, alors qu’on en compte 24,5 % au niveau national, où le taux de diplômés de l’enseignement supérieur est inférieur de 10 % au taux moyen enregistré dans le pays, et où le revenu moyen est très inférieur à celui des Français. Parmi les 1,4 million de visiteurs du Louvre-Lens, 50 % sont originaires du Nord-Pas-de-Calais et 16 % du territoire environnant, ce qui montre que la population du Nord s’est véritablement approprié le musée. La médiation et l’attention portée à la diversification du public sont exemplaires. Des actions et des ateliers spécifiques sont développés pour tous les niveaux scolaires : écoliers, collégiens, lycéens, mais également pour les étudiants de la région et les enseignants. Au total, ce sont près de 70 000 élèves et enseignants qui ont visité le Louvre-Lens en 2013.

À côté de ces actions fondamentales, le musée présente aussi des expositions ambitieuses pour attirer un public étranger ou français – nous regrettons seulement que la moyenne d’âge des visiteurs individuels soit élevée : cinquante-deux ans. Beaucoup d’entre eux ne seraient pas venus dans la région sans le Louvre, et le musée permet de réinventer notre vision d’une région trop souvent dépréciée. Le Président François Hollande a annoncé qu’une grande exposition sur la Mésopotamie serait organisée, en collaboration avec le musée national d’Irak, dans l’antenne de Lens, à l’automne 2016. Le Louvre-Lens est entré dans le paysage national culturel ; il va y rester.

Cette implantation porte la conviction que le développement de l’offre culturelle est un puissant facteur de cohésion et de transformation sociales, d’essor économique, et de renouveau territorial.

M. Michel Herbillon. Je félicite nos deux rapporteurs pour avis. Marie-Odile Bouillé a fait le point de façon particulièrement intéressante sur les soixante et onze scènes nationales. Quant au travail effectué par Michel Piron, il se situe dans la continuité du rapport d’information dont nous étions les co-rapporteurs avec Isabelle Attard et Marcel Rogemont.

Le Premier ministre ne s’est pas trompé quand il a reconnu, il y a quelques mois, que la baisse historique du budget de la culture au début du quinquennat était une erreur. L’apparente hausse de ce budget annoncée cette année est, en réalité, un peu cosmétique puisque, à périmètre constant, les crédits du ministère de la culture et de la communication n’augmenteront en 2016 que de 1 %, c’est-à-dire sensiblement le niveau prévu d’inflation. Autant dire que le budget est stable hors inflation, et que son niveau reste très bas – il est en tout cas inférieur à celui du début du quinquennat.

Que ce soit dans le domaine de la création ou du patrimoine, les avis présentés par nos collègues traduisent avec justesse les difficultés rencontrées partout en France pour faire rayonner la culture française.

Le rapport pour avis de Mme Marie-Odile Bouillé illustre bien le rôle déterminant joué par les collectivités territoriales pour soutenir la création artistique, en particulier les scènes nationales qui diffusent sur tout le territoire des spectacles vivants de qualité. La rapporteure a eu raison d’insister sur la triple responsabilité artistique, publique et professionnelle de ces structures. Elle a souligné à juste titre que, en ces temps de disette budgétaire, on leur en demandait beaucoup sans leur apporter tous les moyens nécessaires. Ma chère collègue, ne serait-il pas temps d’établir une hiérarchie ou de fixer des priorités qui permettraient de faire face à l’empilement des objectifs que vous stigmatisez à juste titre ?

La menace qui pèse sur les scènes nationales est réelle. La baisse des ressources de l’État, couplée à la situation inquiétante des collectivités locales qui subissent l’assèchement de leurs dotations du fait des mesures prises par le Gouvernement, fragilise les moyens des soixante et onze scènes nationales, puisque deux tiers des financements publics proviennent des collectivités locales. Pourtant, le maillage du territoire par ces scènes nationales, qui portent toutes un projet artistique différent, est essentiel et constitue une richesse pour notre pays et pour l’accès à la culture du plus grand nombre. On ne peut donc que regretter les économies faites aujourd’hui sur le dos de la culture, mais cette réalité s’impose chaque jour davantage.

Notre collègue Michel Piron l’évoque aussi dans son rapport sur le patrimoine, qui subit la même contrainte. Nos musées, qu’ils soient nationaux ou locaux, ou encore l’entretien de nos différents monuments pâtissent de cette situation. Michel Piron parlait des retraits massifs de crédits de fonctionnement. Le Premier ministre a fait le constat d’une erreur, que nous dénoncions en son temps : je crains que, d’ici peu, l’on constate qu’une nouvelle erreur a été commise lorsqu’on a choisi de baisser les dotations aux collectivités territoriales, car, malheureusement, c’est la culture qui en fait les frais. Ce constat est partagé au-delà des bancs de l’opposition, et il est malheureux qu’il faille attendre d’avoir des regrets. Les remords n’effacent pas la faute initiale.

Nos rapporteurs pour avis disposent-ils d’éléments complémentaires sur une évaluation du désengagement en cours des collectivités locales sur le plan culturel ? Un travail a-t-il été mené sur ce sujet ? Évidemment, toutes les collectivités locales n’empruntent pas cette voie. Le budget de la culture de ma commune n’a, par exemple, pas été réduit d’un centime. Du côté du ministère de la culture, est-on vraiment conscient de ce phénomène et de ses conséquences ?

Monsieur Piron, vous montrez bien la situation difficile et inquiétante dans laquelle se trouve notre patrimoine, et l’absence de réponse apportée par le projet de loi de finances pour 2016. Le budget accordé au patrimoine, à défaut de connaître une nouvelle baisse sensible, est stabilisé à un étiage très bas qui ne permet pas d’assurer toutes les missions à accomplir. Selon les bilans sanitaires élaborés par les DRAC, une part importante et croissante des immeubles classés au titre des monuments historiques attend des travaux urgents qui sont toujours reportés faute d’argent.

J’ai été heureux d’entendre vos propos sur le Grand Palais, monument remarquable qui conduit une politique d’exposition beaucoup plus ample que par le passé, sous la houlette de la RMN. Avez-vous une idée des pistes à suivre pour trouver 200 millions d’euros et financer sa rénovation ?

Comme le groupe Socialiste, républicain et citoyen, le groupe Les Républicains est extrêmement sensible à la qualité du projet du Louvre-Lens, lieu culturel d’exception que vous évoquez à juste titre dans votre avis budgétaire, cher Michel Piron.

Par ailleurs, je suis satisfait de constater que vous consacrez une partie de votre rapport à la question du « tourisme culturel » dans lequel les musées s’investissent pleinement. Il s’agit à mes yeux de l’un des éléments forts susceptibles de permettre une démocratisation de la culture et d’assurer la survie des établissements confrontés à la baisse des ressources publiques. S’ouvrir aux publics, améliorer les conditions d’accueil, offrir une expérience toujours plus enrichissante pour les visiteurs, aussi divers soient-ils : telle est la direction que devraient prendre tous les musées. Cela suppose néanmoins une certaine autonomie dans la gestion, un soutien permanent et régulier des institutions publiques, mais également une capacité durable à s’autofinancer. L’État ne doit donc pas chercher à pénaliser ceux qui réussissent, comme on le constate trop souvent, par des ponctions sur les ressources des musées.

Dans votre rapport, en matière d’accueil du public, vous prenez l’exemple du musée du Louvre : 60 millions d’euros sont nécessaires pour réaliser urgemment les travaux d’accueil des visiteurs, au regard de l’affluence touristique. Quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur ce programme de travaux, en particulier sur son calendrier ?

Pour conclure, j’indique que, à mon sens, la stratégie de commercialisation des marques dans laquelle se sont lancés deux musées, à savoir le Louvre à Abu Dhabi et le Centre Pompidou à Malaga, constitue un excellent moyen de faire rayonner la culture française à l’international tout en trouvant de nouvelles ressources financières. À votre connaissance, d’autres projets du même type sont-ils en préparation ? Le ministère entend-il impulser dans ce domaine une action particulière ?

Mme Gilda Hobert. Je tiens tout d’abord à remercier nos rapporteurs pour avis pour leurs rapports circonstanciés qui démontrent, par le bilan qu’ils dressent, l’importance des processus de création et du patrimoine, qui sont des fleurons de notre nation.

L’augmentation des crédits de la culture pour 2016 concrétise l’attachement porté à ces missions : avec près de 668 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur la période 2016, ce budget dépasse de plus de 9 millions celui du précédent exercice.

Cette augmentation est primordiale, par exemple, pour les soixante et onze scènes nationales qui prennent de grands risques. Elles jalonnent notre territoire où elles font partager des savoirs, innovent et perpétuent une tradition culturelle. L’éclectisme est sans doute ce qui définit le mieux ces scènes nationales, qui regroupent soixante-dix disciplines, où se côtoient le théâtre, la musique ou le cirque, et qui ont accueilli plus de 3 millions de spectateurs durant la saison 2013-2014.

Je tiens tout de même à relayer la parole de certains artistes et créateurs, qui disent pratiquer inconsciemment une sorte d’autocensure de leurs élans créatifs. Ils craignent en effet que des idées ou des conceptions esthétiques particulières ne soient pas suivies, notamment sur le plan financier.

Je souhaite évidemment saluer la diversité générale de ces scènes, qui dépasse le cadre artistique. Sur des territoires variés, cette diversité bénéficie à tous et participe à un maillage territorial indispensable au vivre ensemble et à l’équité de traitement entre tous les publics. C’est le cas par exemple à Bobigny, avec la MC93, mais aussi à Gennevilliers ou à Saint-Denis, où les projets des centres dramatiques sont également défendus par les municipalités. Des ateliers découverte sont souvent ouverts dans les locaux des scènes nationales, dans des écoles en milieu rural et urbain et dans des quartiers, qu’ils soient ou non prioritaires.

Les scènes nationales, fortes de leur succès, doivent être soutenues par l’État et les collectivités. Elles restent profondément dépendantes des subventions et de leurs conditions d’attribution. Elles pratiquent des tarifications réduites et même la gratuité, ce qui est certes attractif, persuasif et indispensable pour les publics les plus éloignés de l’offre culturelle, mais ce qui implique de construire des budgets très serrés.

Madame la rapporteure pour avis, vous avez cité Chambéry. Le cas de l’espace Malraux est criant de vérité. Devant une baisse drastique des subventions de la commune, de l’ordre de 22 %, la programmation a dû être amputée de près de quinze spectacles, et le risque est grand que le label « Scène nationale » soit retiré à cette structure. Quinze spectacles en moins, c’est trente-six salariés et quatre-vingts intermittents qui risquent de perdre leurs emplois, preuve que ces scènes ont, en plus d’une responsabilité artistique et publique, une responsabilité professionnelle et humaine.

Devant l’importance du développement de ces lieux, saluée par l’augmentation du budget de la culture dans le projet de loi de finances, en ayant conscience des fragilités, notamment financières, qui demeurent, pensez-vous que puissent être maintenues des scènes de création, notamment les scènes nationales, sur les territoires en tension, alors que leur présence, bien que précaire, est indispensable ?

Nous retrouvons ces points sensibles avec la question du Louvre-Lens, dont la construction est un acte politique et culturel fort, prônant le développement par la culture de territoires en crise. Se mêlent des motifs de satisfaction – une programmation ambitieuse, une démocratisation de la culture, avec une fréquentation des jeunes de moins de dix-huit ans en hausse constante – et des sujets sur lesquels il faut rester vigilant, comme le refus d’une appellation « Musée de France » faute de collection permanente. Comment, selon vous, ne pas entraver la vitalité de ce musée, vitrine nouvelle du patrimoine et de la culture française, dont l’emplacement à Lens est une richesse pour le territoire, mais peut également être source de fragilité ?

Mme Annick Lepetit. Je veux saluer à mon tour le travail des rapporteurs pour avis. Pour ma part, je concentrerai mon intervention sur le rapport très intéressant que Mme Bouillé a consacré aux scènes nationales, dont l’action en faveur de la promotion et de la diffusion de la culture sous toutes ses formes est fondamentale.

Tout d’abord, je constate que le budget 2016 de la culture est un bon budget ; il augmente de 46,5 millions d’euros alors que nous consentons des efforts financiers considérables pour réduire les déficits publics. C’est la preuve que nous n’oublions pas l’importance de la culture pour la nation, l’épanouissement de nos concitoyens, l’éducation et pour l’économie, car nous n’ignorons pas que, derrière chaque spectacle, il y a des emplois.

En ce qui concerne les scènes nationales, je sais que le désengagement financier des collectivités locales est souvent un sujet d’inquiétude. De fait, pour la seule année 2015, il a été chiffré à 3,5 millions d’euros pour l’ensemble du réseau. La situation de la scène nationale de Chambéry, notamment, a marqué les esprits, puisque la nouvelle majorité municipale a réduit la subvention de la commune de 300 000 euros de façon extrêmement brutale, en cours d’année, obligeant ainsi le directeur à mettre ses salariés au chômage technique. Chacun a bien conscience que les collectivités locales doivent, elles aussi, participer à l’effort de réduction de la dette publique. Mais il est regrettable que, trop souvent – ce n’est pas le cas dans toutes les collectivités –, la culture soit la première cible des coupes budgétaires. L’année 2016 suscite les mêmes inquiétudes, car si, comme en témoigne ce budget, l’État est bien présent financièrement, on peut craindre que les collectivités locales ne décident, pour l’an prochain, de nouvelles réductions de crédits. Que peut faire l’État, dont c’est la mission, pour inciter les collectivités à maintenir leur participation pleine et entière au réseau des scènes nationales, auquel nous sommes si attachés ?

Mme Annie Genevard. Je tiens également à complimenter M. Piron et Mme Bouillé pour leurs rapports respectifs. Ces derniers, bien qu’ils portent sur deux sujets distincts, présentent certains points communs. Tous deux soulignent en effet la fragilité financière des établissements culturels, les exigences accrues des uns et des autres et l’incertitude quant à l’avenir. L’inquiétude est partagée par les établissements culturels eux-mêmes, par les collectivités, qui assument une part importante de leur financement, et par les autres institutions, sur l’ensemble du territoire, car, chaque fois que l’État doit abonder le budget d’établissements labellisés, il réduit d’autant les moyens qui peuvent leur être alloués.

L’augmentation du budget de la culture cache mal les effets ravageurs de la baisse des dotations de l’État aux collectivités. Vous déplorez, madame Lepetit, que la culture fasse les frais de cette diminution, mais le premier secteur à en pâtir, c’est bien celui de l’investissement : la baisse de la capacité d’autofinancement nette est de 30 % ! Je rappelle que les communes et leurs groupements sont les premiers financeurs de la culture, à hauteur de 73 %. Je veux, quant à moi, saluer les efforts admirables des maires pour maintenir des budgets cohérents et consistants : ils méritent d’être félicités plutôt que stigmatisés. Lorsqu’on parle d’une commune, chers collègues de la majorité, il faut connaître l’ensemble de sa situation financière. Croyez-vous que, lorsque Mme la maire d’Avignon diminue la subvention que sa ville verse au festival, elle le fait de gaieté de cœur ? Non, elle y est obligée ! Si je n’ai pas diminué le budget de la culture de ma commune, c’est parce que je disposais de marges de manœuvre, mais d’autres villes n’ont pas cette chance, soit parce que leur endettement est trop important, soit parce que leur situation sociale est particulière.

Comment, dans un contexte budgétaire aussi contraint, poursuivre la labellisation de nouveaux établissements alors que l’on peine déjà à financer ceux qui existent ? Et – mais c’est un autre débat – que restera-t-il à ceux qui ne sont pas labellisés ?

Comment concilier ce contexte avec l’augmentation des exigences ? Je pense aux conservatoires. Mme la ministre a rétabli, très partiellement, le financement de ces derniers ; il s’élève à peine à 15 millions, contre 28 millions en 2012. Or les exigences se sont accrues : le plan de charge est tout de même très conséquent.

Encore une fois, j’y insiste, ne stigmatisez pas les communes sans connaître leur situation budgétaire globale. Ce n’est pas acceptable !

Mme Colette Langlade. Nous ne stigmatisons pas les communes, madame Genevard.

Mme Annie Genevard. On a tout de même cité trois fois Chambéry !

Mme Colette Langlade. Les équipements culturels qui font l’objet de ces deux rapports sont source d’emplois et contribuent à l’attractivité des territoires. La création du Louvre-Lens est emblématique à cet égard, puisque, comme ce fut également le cas pour le Centre Pompidou-Metz, elle a consisté à installer une antenne déconcentrée d’un prestigieux établissement parisien dans un territoire défavorisé et populaire.

Quant aux scènes nationales, dont le label date de 1991, elles participent également au développement de la culture, en l’espèce à la diffusion du spectacle vivant dans l’ensemble des régions. Je remarque néanmoins que la Dordogne, parmi d’autres départements ruraux, n’a pas encore la chance de bénéficier d’un équipement de ce type.

Madame la rapporteure pour avis, vous évoquez le choix de la mutualisation qu’ont fait certains territoires reculés, tel le Jura, en créant une scène nationale qui rassemble diverses salles. Quel bilan avez-vous pu dresser de ce type de dispositif ? Estimez-vous possible de l’étendre à d’autres départements ruraux de même dimension et à la démographie comparable ?

M. François de Mazières. Je m’associe aux félicitations adressées à nos deux rapporteurs pour avis. Je concentrerai, quant à moi, mon intervention sur les problèmes de patrimoine, mais je tiens à rappeler que la labellisation ne concerne pas uniquement les scènes nationales, puisque 290 établissements sont labellisés. Celles-ci sont très nécessaires, mais pourront-elles se maintenir, compte tenu des contraintes ? On l’espère.

J’en viens au budget du patrimoine. A priori, celui-ci augmente de 16 % en 2016, mais il s’agit d’une hausse en trompe-l’œil. En effet, l’augmentation de 121 millions d’euros des crédits de paiement sera absorbée par la budgétisation, à hauteur de 118 millions d’euros, de la redevance d’archéologie préventive. Si l’on neutralise l’effet de cette budgétisation et que l’on intègre l’inflation, les crédits du patrimoine diminuent en fait de 4,5 millions d’euros en 2016. Surtout, si l’on observe les choix budgétaires opérés par le ministère, on s’aperçoit que la protection du patrimoine monumental n’est plus assurée. Les crédits de l’action correspondante sont en effet stabilisés par rapport à 2015, mais ils le sont à un niveau bien inférieur à celui de 2012 ; la variation est tout de même de 50 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 16 % depuis 2012. Je me souviens que l’on disait, il y a quelques années, qu’en deçà de 300 millions d’euros, on ne pourrait plus sauvegarder notre patrimoine dans de bonnes conditions ; nous y sommes !

Le problème de l’exécution budgétaire est plus grave encore. Les crédits de l’action « Patrimoine monumental » présentaient un taux de consommation de seulement 80 % en 2014, du fait de moindres dépenses d’investissement – moins 13 millions d’euros – et d’intervention : moins 37 millions d’euros. Comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur pour avis, non seulement 5 % des monuments historiques sont en péril aujourd’hui, mais de plus en plus de monuments attendent des travaux urgents, qui sont reportés faute d’argent. Sont concernés non seulement les monuments publics, mais aussi les monuments privés : de plus en plus de châteaux sont en vente, et les associations de défense du patrimoine nous alertent sur le fait que les difficultés croissantes liées à la gestion de ces biens posent un problème de conservation.

Face à ces constats, le législateur peut agir, comme en témoignent les propositions de notre collègue sénateur Vincent Eblé sur les dépenses fiscales relatives à la préservation du patrimoine historique bâti. Son rapport d’information ouvre en effet des pistes très intéressantes quant aux objectifs de la dépense fiscale. Je pense, par exemple, à la question fondamentale de la réintégration des monuments historiques inscrits, qui ont été exclus du bénéfice des avantages fiscaux. De fait, si l’on veut rénover les monuments historiques, on ne peut oublier les monuments inscrits, qui sont plus nombreux aujourd’hui que les monuments classés. Qu’en pensez-vous, monsieur le rapporteur pour avis ?

Par ailleurs, l’enthousiasme qu’a suscité l’ouverture, sept jours sur sept, des grands établissements culturels m’inspire la question suivante. La ministre s’est voulue rassurante en indiquant, dans le dossier de presse diffusé par le ministère, que près de 70 emplois équivalents temps plein seraient mobilisés pour accompagner la mesure. Mais, dans votre avis, vous évoquez 94 emplois. Pouvez-vous nous éclairer sur les effectifs réellement mobilisés ? Surtout, cette prévision est-elle réaliste, au regard de la diminution de 63 équivalents temps plein du plafond d’emplois du ministère ? En outre, le budget de fonctionnement d’un musée est lourd ; il s’élève, pour un jour cumulé de fonctionnement du Louvre, d’Orsay et du château de Versailles, à 735 000 euros, selon le plafond annuel de performances, soit 39 millions d’euros par an. Se pose donc, de manière générale, la question du financement de cette mesure.

Enfin, lorsque je constate que les budgets des établissements publics sont en déficit – qu’il s’agisse de celui que je gérais il y a encore quelque temps, la Cité de l’architecture et du patrimoine, ou de celui du musée du quai Branly, qui est en déficit de 5 millions –, je suis très inquiet pour l’avenir de la culture en France.

M. Michel Françaix. J’ai bien entendu la mise en garde de nos collègues de l’opposition, qui nous demandent, sans doute avec raison, de ne pas stigmatiser une ville ou une autre. Je leur demanderai, quant à moi, de s’abstenir de stigmatiser la politique culturelle du Gouvernement, car ils ont peut-être oublié la situation dans laquelle ils nous l’avaient laissée.

Madame la rapporteure pour avis, pouvez-vous nous dire combien de projets de nouvelles scènes nationales sont en préfiguration ? Comme l’ont dit certains de nos collègues, nous n’aurons sans doute pas les moyens de répondre à toutes les demandes, surtout si l’on ne souhaite pas baisser le montant des subventions actuellement versées aux scènes existantes. On peut donc se demander s’il n’est pas temps d’envisager, pour les villes moyennes dépourvues de ce type d’équipements, la création, à l’échelle du département, d’une scène nationale regroupant diverses salles. Dans l’Oise, par exemple, Compiègne, Creil et Beauvais veulent une scène nationale.

Mon dernier point concerne les publics. Trois millions de spectateurs, c’est bien, mais on constate que la fréquentation est stable et que les publics sont souvent les mêmes. Les scènes nationales ne pourraient-elles pas en gagner de nouveaux en renonçant au confort consistant à jouer dans son propre théâtre, pour organiser des représentations dans d’autres lieux ? Il est vrai que certaines d’entre elles font cet effort et que, souvent, les investissements ne sont pas suffisants, mais d’autres se montrent trop timides.

M. Claude Sturni. Je veux à mon tour féliciter nos deux rapporteurs pour avis pour leurs travaux qui, certes, portent sur des sujets différents, mais présentent au moins un point commun : l’inquiétude pour l’avenir. Tout d’abord, le paysage actuel est issu de la décentralisation. Ainsi, je regrette que, dans aucun des différents textes relatifs à l’organisation territoriale que nous avons examinés, il ne nous ait été proposé une nouvelle vague de décentralisation en matière culturelle, qui aurait permis d’irriguer le territoire et de clarifier les responsabilités. Cependant, quelles conséquences aura le nouveau découpage régional sur le réseau composé des quelque 290 structures bénéficiant d’une labellisation ? Les nouvelles régions, en particulier celles qui seront issues de fusions, seront en effet amenées à s’interroger sur le maillage de leur territoire. Certaines d’entre elles pourront aller de l’avant, car elles seront en terrain connu, tandis que d’autres devront concevoir une nouvelle politique dans un contexte budgétaire difficile. Cette problématique vaudra, demain, pour les EPCI, qui sont appelés à se regrouper et à s’étendre : il est clair que l’évolution des intercommunalités pourrait fragiliser l’existence de certaines structures culturelles si celles-ci se retrouvaient au nombre de deux ou trois sur un même territoire.

La baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales a bien pour première conséquence une baisse de leur capacité d’autofinancement, mais on peut imaginer que, à plus long terme, elle affectera également le paysage culturel ou sportif. En effet, compte tenu des économies qu’ils devront réaliser dans leurs dépenses de fonctionnement, peu d’élus pourront continuer à assumer l’ensemble des politiques publiques qu’ils mènent actuellement.

Par ailleurs, si l’on peut se féliciter de l’augmentation de la fréquentation des musées, notamment par les plus jeunes, nous devons nous demander comment monétiser cette fréquentation en hausse, dont nous savons qu’elle est liée notamment à la gratuité pour les publics les plus jeunes.

Enfin, le nombre impressionnant des établissements labellisés « Musées de France » témoigne de la richesse culturelle de notre territoire, mais combien d’entre eux ont un avenir, soumis qu’ils sont aux contraintes liées à ce label, qui leur impose davantage de coûts et d’obligations qu’il ne leur offre de moyens financiers ?

Mme Isabelle Attard. Je me sens particulièrement concernée par votre rapport, monsieur Piron, d’une part, parce que nous avons réalisé ensemble, et avec Michel Herbillon notamment, une mission d’information sur la gestion des réserves et dépôts des musées et, d’autre part, parce que j’ai eu à assumer, dans le cadre de ma profession, la direction d’un de ces musées.

Parmi les pistes qui pourraient permettre à ces derniers de trouver de nouvelles ressources, vous citez les redevances domaniales ainsi que les recettes de la commercialisation des copies numériques des œuvres par la RMN. Cette commercialisation serait, selon vous, une source de recettes importante. Or j’ai posé une question à ce sujet à la ministre de la culture, qui m’a répondu au mois de janvier, et il apparaît que, sur la totalité du résultat de l’agence photographique, en coûts complets et hors projets innovants subventionnés, la quote-part du résultat que l’on peut affecter à l’activité commerciale de l’agence photographique s’établit à 332 000 euros en 2014 – elle était de 256 000 euros en 2005 –, soit 8 % seulement du chiffre d’affaires de la RMN.

Il est une autre activité de la Réunion des musées nationaux que l’on croit pouvoir être lucrative, à tort. Je veux parler du site intitulé « Images d’art », inauguré la semaine dernière et qui est censé donner accès à 500 000 œuvres du domaine public. On s’aperçoit en effet que, pour un même tableau – en l’occurrence, Saint Joseph charpentier de Georges de La Tour, exposé au Louvre – la copie numérique effectuée par la RMN est de bien moindre qualité
– 768 pixels – que celle qui est disponible, depuis très longtemps et en libre accès, sur Wikimedia, au point qu’il est permis de se demander s’il s’agit d’une erreur ou d’une plaisanterie.

Je conclurai en évoquant l’exemple du Rijksmuseum. Celui-ci a fait le choix de proposer en libre accès – pour un usage commercial ou privé – l’ensemble des œuvres exposées, et il gagne de l’argent, si bien qu’il n’a pas besoin de financer les salaires des quelques personnes chargées de gérer les droits, les frais de numérisation et de dossier, c’est-à-dire les « péages ». Les responsables du musée ont donc misé sur la labellisation, en créant une marque qu’ils exploitent, notamment dans leurs boutiques, et cela rapporte. J’ignore si vous avez pu aborder cette question avec les responsables d’établissement que vous avez auditionnés, mais c’est une piste de financement qui semble plus réelle que celles qui sont exploitées pour le moment par la RMN.

Mme Sylvie Tolmont. Monsieur Piron, vous avez choisi de consacrer votre rapport pour avis aux ressources financières des « Musées de France ». Ce travail offre notamment un éclairage sur les musées nationaux, dont l’envergure peut être internationale. Ces musées font la renommée de la France, sa richesse culturelle, son identité patrimoniale, sa diversité artistique. Si nous nous réjouissons d’avoir sur notre territoire de tels établissements, qui sont des trésors culturels pour les Français et un facteur d’attractivité pour les touristes étrangers, nous devons admettre qu’ils se situent presque tous à Paris.

Pourtant, de nombreux musées, dont la richesse culturelle a donné lieu à une labellisation « Musée de France », se situent dans tous les territoires, où ils participent à la vitalité des zones rurales, à l’attractivité des quartiers, à la dynamisation de la vie locale et à la préservation de la noble mission de service public. À titre d’exemple, je veux citer, une fois n’est pas coutume, l’Espace Faïence de Malicorne, un « Musée de France » qui se situe dans ma circonscription et qui présente un projet culturel de grande qualité et une richesse patrimoniale inouïe. Cette structure, qui vient de traverser une période budgétaire extrêmement délicate, a pu compter sur mon soutien et, surtout, sur celui des collectivités locales, pour assurer sa sauvegarde et le maintien de ses actions.

Vous indiquez dans votre rapport que les collectivités et l’État sont de plus en plus exigeants dans la distribution de leurs subventions, imposant de nouveaux objectifs de fréquentation et de ressources propres. La volonté de démocratisation culturelle et l’accessibilité des sites culturels au plus grand nombre demeurent de fortes ambitions, et nous nous en félicitons. Mais ces priorités conduisent les musées à instaurer davantage de gratuité ou de tarifs réduits. Si cette orientation est positive, elle soulève inévitablement la question des ressources propres. Pouvez-vous, monsieur Piron, citer des exemples de démocratisation culturelle réussie ?

Par ailleurs, à l’instar de toutes les structures, les musées doivent faire des efforts budgétaires – j’ajouterai : et les élus des choix éminemment politiques. Aussi évoquez-vous les nouvelles sources de financement qui peuvent profiter aux musées nationaux. Pouvez-vous nous indiquer quelques pistes de financement envisageables pour les musées territoriaux au rayonnement local ?

M. Christophe Premat. Ce qui fait la qualité d’une œuvre d’art, c’est son ici et maintenant, disait Walter Benjamin, c’est-à-dire sa faculté de nous parler à travers les âges. D’où l’importance d’être attentif aux conditions d’archivage, sur lesquelles vous vous êtes penché, monsieur Piron, avec d’autres de nos collègues, dans le cadre d’une mission d’information réalisée l’an dernier.

Mais, si l’on parle de la création et de la conservation, il faut également évoquer la reproduction de l’œuvre d’art. Or, dans votre rapport, si vous soulignez le rayonnement de nos musées et notre capacité de diffuser la création française à l’étranger grâce à des ressources considérables, vous vous montrez plus discret sur le numérique et le patrimoine immatériel. Je comprends cette discrétion. Au-delà du logiciel VITAM et des difficultés d’investissement, la question de la numérisation du patrimoine ne peut pas se poser indépendamment de celle de son articulation avec le patrimoine réel. Il ne s’agit pas d’avoir un patrimoine virtuel, mais de permettre des allers et retours entre les deux patrimoines. Je souhaiterais donc savoir ce que vous pensez des investissements dans le patrimoine immatériel, car on constate des dépenses parfois inutiles dans ce secteur.

Ma deuxième question porte sur l’action « Patrimoine linguistique ». Le budget 2016 maintient, dites-vous, les 2,9 millions d’euros de subventions en faveur de la francophonie, du plurilinguisme et des langues régionales. Pouvez-vous préciser la répartition de ces subventions, au moment où le Sénat vient de rejeter le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte des langues régionales ?

M. le président Patrick Bloche. Avant de donner la parole à nos rapporteurs pour avis, je tiens à les mettre à l’aise en précisant que les réponses à un certain nombre de questions qui leur ont été posées seront certainement apportées par Mme la ministre lundi prochain, lors de la réunion de la commission élargie.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Il m’est en effet difficile de répondre à certaines questions, notamment celles relatives à la création de nouvelles scènes nationales.

Cependant, plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur les labels. Il est évident qu’il faut simplifier et « prioriser » les objectifs des différents opérateurs locaux. Le ministère en est du reste parfaitement conscient et travaille sur le sujet. Bien entendu, plutôt que de créer de nouvelles scènes nationales, il importe de pérenniser celles qui existent déjà. Mais, si les collectivités locales décident de réduire leur financement, je suppose que l’État fera de même, ce qui serait grave pour ces établissements. À ce propos, il serait intéressant que nous disposions de données précises sur le désengagement des collectivités territoriales du financement de la culture, au développement de laquelle je suis, comme vous, monsieur Herbillon, très attachée. Force est en effet de constater que, dans les communes – pas dans toutes, tant s’en faut –, ce sont, hélas, bien souvent les crédits alloués à la culture que l’on réduit en premier.

Mme Annie Genevard et M. François de Mazières. Non, c’est l’investissement !

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Bien sûr, mais je parle ici des subventions de fonctionnement versées aux différents opérateurs locaux. En tout état de cause, comme l’a indiqué Mme Lepetit, il me semble très important de maintenir, d’une part, la liberté de programmation et, d’autre part, les scènes nationales là où elles existent. Il serait du reste souhaitable de porter, comme cela est prévu depuis 2010, le plancher de financement de l’État de 330 000 à 500 000 euros.

Monsieur Françaix, vous avez évoqué un dispositif qui permettrait à une scène nationale de regrouper plusieurs lieux à l’échelle du département. L’exemple du Jura est tout à fait intéressant à cet égard : cela fonctionne ! Il faut donc faire preuve d’inventivité et diversifier les méthodes de fonctionnement, surtout en cette période de contrainte budgétaire. En revanche, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne les publics des scènes nationales. Celles-ci, en tout cas dans mon département et ma région, ont diversifié et rajeuni leur public, grâce à un travail d’éducation artistique et culturelle mené depuis fort longtemps sur le terrain. Il est néanmoins intéressant de noter que la diversification et le rajeunissement du public s’observent davantage pour la danse et la musique que pour le théâtre. Quoi qu’il en soit, l’éducation artistique doit être assurée de l’école à l’université.

Quel sera l’impact du nouveau découpage régional au plan culturel ? L’enjeu est important, et nous devrons interroger la ministre sur ce point, même si la nouvelle organisation est encore en cours de discussion. Nous devons en effet être très vigilants quant au devenir des DRAC dans les très grandes régions, notamment celles dont les frontières vont être modifiées.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. Je veux dire tout d’abord combien j’ai été sensible à l’hommage rendu au Louvre-Lens. Sylvie Tolmont a, du reste, la réponse à sa question : voilà un exemple de démocratisation réussie !

Monsieur Herbillon, les travaux dont font actuellement l’objet l’entrée du musée et la pyramide du Louvre – travaux dont je précise qu’ils se déroulent sans interruption du service – s’inscrivent dans un programme pluriannuel d’un montant de 53 millions d’euros qui est censé s’achever en 2017. Rappelons que son financement présente la particularité d’être assuré par les intérêts produits par le fonds de dotation lié à la marque « Louvre » et à Abu Dhabi.

Que faire ? demande Annick Lepetit. La question est si vaste que je n’envisage qu’une seule réponse : rappeler André Malraux... (Sourires.)

Sur les nouvelles labellisations, je me permets de faire une petite observation en dehors du champ de mon rapport pour avis. On peut, certes, s’étonner de la labellisation de nouvelles scènes nationales dans la période de disette budgétaire que nous traversons. Mais l’on peut également se demander si toutes celles qui existent méritent d’être maintenues, quoi qu’il en soit et quoi qu’il advienne. La question n’est pas si facile à trancher. Je ne dis pas : « Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? » Mais il peut arriver que le nouveau vaille mieux que l’ancien.

François de Mazières admettra, s’agissant des monuments nationaux, que, dans le passé, la consommation des crédits n’a pas toujours été au rendez-vous, si bien que des redéploiements vers d’autres organismes ont parfois été décidés. Le taux de consommation des crédits est aujourd’hui incontestablement plus satisfaisant.

Par ailleurs, la question de l’extension des réductions d’impôt pour travaux aux monuments inscrits mérite un véritable examen – examen que, souvent, nous ne savons pas faire, y compris dans d’autres domaines, notamment celui du logement. Les incitations fiscales – on parle, d’ailleurs, de dépenses alors qu’il s’agit plutôt de non-recettes – ont, certes, un coût, mais elles permettent de financer des travaux et génèrent ainsi des recettes indirectes, qu’il s’agisse de la TVA ou des cotisations sociales. Au nom d’une doctrine étroitement comptable, on finirait par considérer que toute niche fiscale est malsaine. Or on s’aperçoit que l’instruction technocratique des dossiers de subventions coûte parfois très cher, alors que les niches fiscales ont le grand mérite d’être parfaitement ciblées et d’être simples à mettre en œuvre. Je suis donc favorable à une évaluation de ce que pourraient être et le coût et le produit d’une extension aux monuments inscrits du dispositif de réductions d’impôts pour travaux.

Quant à la question du nombre des personnels nécessaires à l’accueil des visiteurs, elle fait toujours l’objet d’une discussion entre le ministère et le Louvre. Elle est très liée, en réalité, au nombre des visites groupées : on aura besoin de plus ou moins de personnels selon qu’on augmentera ou qu’on diminuera le nombre de visites. Quant aux déficits de nombreux musées, ils sont, hélas, prévisibles, nous le savons.

En ce qui concerne la monétisation de la hausse de la fréquentation, on a entendu dire à Lens – et c’est sans doute en partie vrai – que, lorsque les enfants visitent le musée dans le cadre scolaire, leurs parents sont incités à les y emmener par la suite. La gratuité n’est donc pas toujours une pure perte, ou une non-recette. Mais il est vrai qu’elle a un coût en termes d’accueil. L’équilibre entre la part de la gratuité et la part de ce qui est payant relève de la politique tarifaire, voire de politiques tarifaires différentes selon les monuments ou les musées. Dans ce domaine, je ne suis pas certain qu’une réponse univoque soit forcément adaptée. Par ailleurs, 10 % des 1 200 « Musées de France » sont déjà fermés, parfois depuis un certain temps. Ce n’est pas satisfaisant, mais on a beaucoup investi dans les musées, et la question de leur fonctionnement est largement ouverte en cette période de restrictions budgétaires.

Madame Attard, les revenus du fonds photographique ne sont pas si négligeables que cela, comme en témoigne la vive discussion qui a eu lieu entre le Louvre et la RMN. Quant à la qualité de la numérisation réalisée par cette dernière, elle soulève en effet quelques questions, mais je ne peux pas me prononcer sur ce point.

La numérisation est un sujet majeur, d’un point de vue quantitatif tout d’abord. En matière de récolement, nous avons constaté, dans le cadre de la mission d’information présidée par Mme Attard, que nous avions pris un retard important, même si un rattrapage est en cours. Quant à l’aspect qualitatif, il est présent dans le choix des objets, des photos, des priorités, mais aussi des destinations : le fonds RMN ou Google, pour ne citer que cet exemple ? Cela soulève incontestablement des questions importantes. C’est tout le problème posé par l’apparition des nouvelles technologies et l’explosion des nouveaux acteurs du numérique. À cet égard, une réflexion plus politique, au sens noble du terme, devrait être conduite, car l’enjeu est important au plan économique, certes, mais aussi au plan culturel.

Enfin, sur la question des langues, je me contenterai de faire l’observation suivante : sur un montant global de 2,9 millions, 2 millions vont à la délégation générale à la langue française.

M. le président Patrick Bloche. Nous avons achevé l’examen de l’ensemble des rapports pour avis portant sur les missions budgétaires 2016 intéressant notre commission.

À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, pour avis, les crédits pour 2016 de la mission « Culture ».

M. le président Patrick Bloche. Nous sommes saisis de l’amendement II-AC18 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Dans le prolongement des propos de Mme la ministre, cet amendement a vocation à abonder les crédits destinés aux conservatoires. En effet, les crédits de soutien à la création ont augmenté de façon continue depuis 2012 mais pas ceux en direction des conservatoires. Je propose de rattraper ce décalage, en transférant 15,7 millions d’euros de crédits du programme « Création » vers le programme « Transmission des savoirs et démocratisation ».

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Avis défavorable : on ne peut pas prendre des crédits destinés au soutien des artistes pour financer les conservatoires.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AC17 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Seul un million d’euros est inscrit à l’action 2 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques » du programme 131 pour lancer le projet de la « Tour Médicis » à Montfermeil. Aucune autorisation de programme n’est prévue alors que ce projet va nécessiter des investissements important. Il s’agit donc simplement d’un affichage, de communication pure. Mon amendement propose de transférer ce million d’euros vers le programme 224, afin de soutenir le réseau des conservatoires aujourd’hui fragilisés.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement : le projet de la Tour Médicis à Montfermeil porte une belle ambition d’ouverture culturelle et sociale qu’il faut au contraire soutenir.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AC19 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Il s’agit d’un amendement d’appel – le mouvement de crédits se limite à un euro – afin d’alerter la ministre de la culture quant à l’insuffisance des moyens déployés pour mettre en œuvre l’ouverture sept jours sur sept des musées d’Orsay, du Louvre et du Château de Versailles. Si le budget 2016 du ministère de la culture affiche la mobilisation de près de 70 emplois en équivalents temps plein travaillé pour accompagner cette mesure, il apparaît en réalité que cette évolution sera en contradiction avec la politique des ressources humaines du ministère.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. C’est un amendement qui ne manque pas de subtilité mais qui demande réflexion. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Patrick Bloche. Je mets maintenant aux voix les crédits de la mission « Culture », avec un avis favorable de Mme la rapporteure Marie-Odile Bouillé et un avis de sagesse de M. le rapporteur Michel Piron.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture » pour 2016.

*

Articles additionnels après l’article 51

La commission examine les amendements II-AC25 et II-AC26 de M. Patrick Bloche.

M. le président Patrick Bloche. Ces deux amendements poursuivent un objectif commun et proposent le même dispositif ; le second est simplement plus ciblé que le premier. Je vous propose donc de les présenter ensemble.

L’amendement II-AC25 propose de mettre en place, à compter du 1er janvier 2017, un mécanisme propre à stimuler la compétitivité des diffuseurs d'œuvres et d'objets d'art en France. Il crée pour cela un dispositif fiscal autorisant un différé de paiement de l'impôt sur les sommes provisionnées en vue de constituer des stocks d'œuvres et d'objets d'art, de collection ou d'antiquité.

Plus précisément, ce dispositif permet aux professionnels du marché de l'art et des antiquités un amortissement linéaire sur trois ans des achats d'œuvres et d'objets d'art, de collection ou d'antiquité intervenus au cours d'un exercice quelconque et non vendus au jour de la clôture dudit exercice. Le bénéfice de cette mesure est subordonné à la condition qu'un montant au moins équivalent à la somme provisionnée soit consacré à l'achat de nouveaux stocks d'œuvres et d'objets au cours de l'exercice suivant.

Cet amendement vise donc à renforcer les fonds propres des acteurs du marché de l'art et des antiquités dans une logique d'investissement. Il aurait également pour effet de renforcer les ressources des artistes plasticiens (auxquelles les œuvres sont achetées et non prises en dépôt), de soutenir l'économie nationale des biens culturels dans un contexte concurrentiel défavorable à la France depuis plusieurs années et d’augmenter les recettes fiscales induites de TVA et d'impôt sur les sociétés par un effet multiplicateur sur l'activité.

L’amendement II-AC26 propose le même dispositif mais ne prend en compte pour la constitution de la provision que les sommes dépensées pour des achats d'œuvres originales d'artistes vivants. En conséquence, la condition de remploi des sommes provisionnées est étalée sur six ans (au lieu d'un an pour l'amendement précédent), afin de permettre aux marchands et galeries de s'adapter aux évolutions et mouvements du marché de l'art contemporain, plus volatile que l'ensemble du marché des œuvres et objets d'art.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. Je suis très favorable à ces deux amendements, particulièrement bien venus dans un contexte très difficile pour les galeries d’art.

La commission adopte les deux amendements.

Elle examine ensuite l’amendement II-AC14 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Cet amendement demande au Gouvernement d’adresser au Parlement un rapport sur la conservation des œuvres acquises par les FRAC et sur le redéploiement de leurs collections sur l’ensemble du territoire.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. Comment refuser d’être un peu éclairé ? Je suis favorable à cet amendement.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement II-AC15 de M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Il s’agit également d’une demande de rapport, cette fois sur la stratégie du réseau culturel français à l’étranger et les modalités de rapprochement entre l’Institut français, Campus France et les Alliances françaises. Les problèmes rencontrés dans la diffusion de la culture française à l’étranger viennent en grande partie de la dispersion entre les Alliances françaises et les Instituts français ; il y a là une grande perte d’énergies. Cet amendement répond à un souci d’efficacité.

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis. Sagesse.

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. Je m’interroge sur la rédaction de l’amendement : ne serait-il pas plus opportun de demander un rapport sur « l’intérêt » d’un rapprochement entre l’Institut français et les Alliances françaises ? Le sujet serait ainsi plus ouvert.

M. le président Patrick Bloche. J’ajoute que Campus France, qui est chargé de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, n’entre pas dans le champ de l’action culturelle de la France à l’étranger. En outre, compte tenu du rôle qu’elles jouent pour la diffusion de la langue française à l’étranger, il faut éviter que cet amendement inquiète les Alliances françaises, qui sont je le rappelle des associations alors que l’Institut français est un établissement public.

L’amendement est retiré.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec l’examen des amendements rattachés à la mission « Culture ».

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Ø Le Théâtre – Scène nationale de Saint-Nazaire – Mme Nadine Varoutsikos Perez, directrice

Ø Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines – Scène nationale – M. Lionel Massétat, directeur

Ø La Ferme du Buisson – Scène nationale de Marne-la-Vallée – M. Vincent Eches, directeur, M. Philippe Fourchon, directeur adjoint, et Mme Élisabeth Pelon, secrétaire générale

Ø La Halle aux grains – Scène nationale de Blois – Mme Catherine Zizouarn, directrice

Ø Audition commune :

– Association des scènes nationales – M. Jean-Paul Angot, président et directeur de la MC2 de Grenoble, et Mme Fabienne Loir, secrétaire générale

– Théâtre 71 – Scène nationale de Malakoff – M. Pierre-François Roussillon, directeur

Ø MC93 – Bobigny – Mme Hortense Archambault, directrice, et M. Elias Oziel, directeur administratif et financier du théâtre

Ø Ministère de la Culture et de la Communication – Direction générale de la création artistique (DGCA) – M. Michel Orier, directeur général, Mme Laurence Tison-Vuillaume, chef de service, adjointe au directeur général de la création artistique, M. Alain Brunsvick, sous-directeur de la diffusion artistique et des publics, et Mme Véronique Evanno, chef du bureau de la diffusion artistique pluridisciplinaire

Ø Syndicat des musiques actuelles (SMA) – M. Yves Bommenel, président, et Mme Aurélie Hannedouche, déléguée générale

Ø Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC) – Mme Madeleine Louarn, présidente, et M. Cyril Seassau, directeur

© Assemblée nationale