N° 3112 tome IX - Avis de M. Jean-Luc Laurent sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3112

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016 (n° 3096)

TOME IX

ÉCONOMIE

INDUSTRIE

PAR M. Jean-Luc LAURENT

Député

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Voir les numéros : 3096, 3110.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES POUR 2016 7

II. L’ÉTAT DES LIEUX DE LA COMPÉTITIVITÉ INDUSTRIELLE DE LA FRANCE 9

A. TROIS ANS APRÈS LE PACTE DE COMPÉTITIVITÉ, L’INDUSTRIE FRANÇAISE REPREND CONFIANCE 9

1. Les suites données au « rapport Gallois » ont permis la mise en place d’une politique industrielle plus structurante 9

a. De nombreuses recommandations ont été mises en œuvre 9

b. Une politique industrielle plus structurante qui manque toutefois de visibilité 10

2. La compétitivité des entreprises a été stimulée par ces dispositifs publics, complétés par des mesures plus ponctuelles. 12

3. Certains gisements de compétitivité pourraient encore être exploités 13

B. L’INNOVATION DEMEURE LE PRINCIPAL LEVIER DE COMPÉTITIVITÉ DU SECTEUR INDUSTRIEL 15

1. La stimulation publique de l’innovation industrielle repose sur des dispositifs performants 15

2. Les solutions industrielles constituent des initiatives prometteuses pour renforcer l’industrie de demain 17

a. La gouvernance des nouvelles solutions industrielles 17

b. Le financement des nouvelles solutions industrielles 20

III. LA RÉORGANISATION TERRITORIALE DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE APRÈS LA LOI « NOTRE » 21

A. LA LOI « NOTRE » VISE À PALLIER L’ENCHEVÊTREMENT DES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE 21

1. La dispersion des interventions territoriales ne favorise pas une politique industrielle efficace 21

a. Le constat de la fragmentation administrative en matière de politique économique est ancien 21

b. De récentes études confirment la nécessité d’un pilotage territorial clair en matière de politique industrielle 21

2. Les dispositions de la loi « NOTRE » renforcent le pilotage des régions en matière économique et la coopération entre les collectivités territoriales 22

a. Le rôle de la région est renforcé 22

b. La loi cherche à accroître la coordination entre acteurs 23

B. CEPENDANT, L’OBJECTIF D’UNE PLUS GRANDE LISIBILITÉ DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALE N’EST QUE TRÈS PARTIELLEMENT ATTEINT 24

1. La loi NOTRE ne contribue pas à définir une stratégie industrielle efficace et claire dans les territoires 24

a. Le manque de coordination entre acteurs diminue l’efficacité de la politique industrielle française 24

b. Le manque de lisibilité de la politique industrielle dans les territoires est source de complexité pour les entreprises 25

2. L’articulation avec l’intervention de l’État ne fait pas l’objet d’une stratégie claire 25

a. Le rôle de l’État dans l’approbation des schémas régionaux de développement économique n’est pas encore déterminé concrètement 25

b. Les outils déconcentrés de l’État manquent de visibilité 26

C. DANS CE CONTEXTE, LE PILOTAGE ÉTATIQUE DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE RESTE INCONTOURNABLE 27

1. Contre la perspective d’un État stratège « hors sol », les services déconcentrés doivent continuer à assumer une politique industrielle de proximité 27

a. Une politique industrielle efficace requiert une meilleure visibilité des outils existants 27

b. Une politique industrielle efficace nécessite une meilleure cohérence des outils existants 28

c. Les préfets de région ont un triple rôle à jouer dans cette politique industrielle de proximité 28

2. L’État doit renouer avec un pilotage stratégique qui intègre la création des nouvelles grandes régions 29

a. Le rôle de l’État est majeur et est renforcé par l’importance prise par l’innovation 29

b. La politique industrielle, définie au niveau national, pourrait être plus efficacement déclinée par région 29

CONCLUSION 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 37

INTRODUCTION

Depuis plusieurs années, l’industrie française suscite de grandes inquiétudes, alimentant même des visions et des discours déclinistes. Votre rapporteur a souhaité apporter un éclairage lucide sur la situation de l’industrie française, la politique industrielle et les perspectives d’avenir.

Depuis 2012, de nombreuses initiatives publiques ont eu pour objet de stimuler les entreprises industrielles pour enclencher une nécessaire sortie de crise. En 2015, force est de constater que l’industrie française a bien résisté, et qu’elle reste en pointe des innovations technologiques. Un soutien public justement calibré a permis de redonner corps aux filières industrielles, qu’elles soient d’aujourd’hui ou de demain. En parallèle, les acteurs privés ont su concilier leurs intérêts et engager le dialogue au sein d’instances comme le Conseil national de l’industrie, les comités stratégiques de filière ou encore les solutions de la Nouvelle France industrielle. Enfin, il a fallu tenir compte que l’industrie telle que nous la connaissions a changé de visage : davantage tournée vers les services, numérisée, resserrée sur son cœur de métier ; il est aujourd’hui plus difficile d’en cerner les contours, y compris d’un point de vue statistique. En particulier, il a été possible de déconstruire les analyses qui voient dans la chute de l’emploi industriel un symptôme de la désindustrialisation. Par exemple, là où les emplois d’entretien, de logistique, de marketing ou encore d’intérim étaient comptés comme des emplois industriels, ils sont aujourd’hui largement externalisés par les entreprises, et comptent comme des emplois des services. Pourtant, l’industrie française continue de créer de l’emploi et de la valeur ajoutée.

Un examen plus particulier de la rupture dans la politique industrielle qu’a constitué le rapport Gallois de 2012 permettra de faire la synthèse des mesures mises en œuvre par le Gouvernement et plébiscitées par les entreprises, et de rechercher les gisements de compétitivité qui peuvent encore être exploités. La place de l’innovation doit être soulignée : le secteur industriel est de loin le premier investisseur en recherche et développement, et réciproquement, la résistance à la pression concurrentielle mondiale suppose une innovation industrielle toujours plus dynamique.

Enfin, la nouvelle politique industrielle française, si elle a rendu à l’État son rôle de stratège, peine encore à se déployer efficacement dans les territoires. L’enchevêtrement des compétences des collectivités territoriales en matière d’interventions économiques, que la loi NOTRE n’a pas contribué à éclaircir, n’apporte pas la lisibilité suffisante aux entreprises, notamment les plus petites d’entre elles. Votre rapporteur a donc souhaité mener une analyse poussée du déploiement de la politique industrielle dans les territoires et des moyens de lui rendre sa cohérence.

L’action n° 3 du programme 134 regroupe les financements d’actions de soutien à la politique industrielle. Elle se caractérise par la prédominance des crédits affectés à des dépenses d’intervention, ce qui justifie des évolutions assez marquées d’un budget à l’autre.


Source : questionnaire
budgétaire.

Les crédits de politique industrielle pilotés par l’administration centrale ont ainsi fortement diminué par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 (-23 %). Ceci est dû à un recentrement de la politique industrielle vers les opérateurs de l’État, notamment le Commissariat général à l’investissement (CGI), qui pilote les programmes des investissements d’avenir, BPI France ou encore Business France. Plus généralement, la diminution successive des crédits accordés à l’accompagnement de la politique industrielle s’inscrit dans la démarche de réduction du déficit de l’État.

Toutefois, votre rapporteur maintient le constat selon lequel les dépenses d’intervention accordées au titre de la politique industrielle ont un effet de levier important sur l’appareil productif et sur l’emploi, qui compense largement ces dépenses. En outre, votre rapporteur souhaiterait une lisibilité plus claire de l’abondement budgétaire de la politique industrielle, qui passe de moins en moins par les services ministériels et de plus en plus par des vecteurs financiers spécifiques et moins transparents sur le plan budgétaire – condition d’un contrôle parlementaire efficace.

En outre, plusieurs actions de soutien arrivent à leur terme, comme les aides à la construction navale. De même, les actions collectives pilotées par les services déconcentrés de l’État, les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ont été interrompues dès cette année. Un reliquat subsiste, destiné au soutien à la gouvernance des pôles de compétitivité. Les crédits de paiement (CP), en forte diminution (– 32 %) par rapport à la LFI pour 2015, couvriront essentiellement des restes à payer sur les engagements antérieurs.

Le niveau de dotation en CP pour les contrats de plan États-régions et contractualisations régionales assimilées est en forte baisse (– 38%) entre la LFI 2015 et le PLF 2016, car l’apurement des restes à payer arrive à son terme.

Remis au Premier ministre en novembre 2012, le rapport de Louis Gallois, intitulé « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », constatait une perte de compétitivité de l’industrie française et proposait d’y répondre par un choc de compétitivité. Sa mise en œuvre a indéniablement été une des bonnes nouvelles du quinquennat.

Le Gouvernement a donné de nombreuses suites à ce rapport en engageant une série de mesures pour réduire le coût du travail, mettre à la disposition des TPE, PME et ETI des financements performants et de proximité, soutenir l’innovation et la recherche, renforcer les filières industrielles et encourager la simplification administrative.

Concernant la réduction du coût du travail et l’amélioration des marges des entreprises, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a constitué la mesure phare de soutien aux entreprises. Ce n’est certes pas le mécanisme suggéré par le rapport, qui portait sur une simple exonération de charges et ciblait la masse salariale des entreprises jusqu’à 3,5 fois le montant du SMIC, mais le dispositif est considéré comme efficace par Louis Gallois, entendu en audition par votre rapporteur. En effet, tandis que le mécanisme d’exonération de charges visait surtout l’amélioration de la compétitivité prix des entreprises, et ciblait les entreprises exposées à la concurrence internationale, le CICE profite surtout à l’emploi peu qualifié, y compris dans les secteurs considérés comme « abrités » de cette concurrence, comme la grande distribution.

Première des 35 mesures du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi adopté le 6 novembre 2012, le CICE est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Il bénéficie à toutes les entreprises employant des salariés pour les rémunérations jusqu’à 2,5 fois le montant du SMIC. Portant initialement sur 4 % de la masse salariale brute, son taux a été porté à 6 % à compter du 1er janvier 2014.

Le Pacte national pour la croissance a été prolongé par le Pacte de responsabilité et de solidarité en janvier 2014. Le déploiement des allégements du coût du travail prévus dans ce cadre se traduira en 2016 par la mise en place d’un abaissement de 1,8 point du taux des cotisations familiales pour les rémunérations comprises entre 1,6 et 3,5 SMIC, soit un allégement supplémentaire d’environ 4 milliards d’euros. On peut considérer que cet abaissement est le fruit de la réflexion du rapport Gallois, dans la mesure où les salaires intermédiaires (entre 2,5 et 3,5 SMIC) sont particulièrement représentés dans certaines industries technologiques françaises (aéronautique, produits pharmaceutiques, chimie).

D’autres mesures du rapport Gallois ont été suivies d’effet. On peut en particulier signaler le nouvel abondement du programme d’investissements d’avenir, la mise en place du « choc de simplification » en mars 2013, l’accent porté sur les filières avec l’institutionnalisation du Conseil national de l’industrie (CNI), la mise en place du compte individuel de formation, l’extension des missions de la BPI (cf. infra) et l’accroissement des compétences économiques des régions avec l’entrée en vigueur de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE).

Ces mesures ont renforcé la compétitivité industrielle de la France de façon incontestable. Elles ont montré aux acteurs économiques que la politique industrielle était enfin de retour. Par exemple, la politique de filières industrielles s’organise entre le CNI, qui rassemble essentiellement des chefs d’entreprise et des partenaires sociaux, et les comités stratégiques de filière (CSF), dont l’autonomie est à même de faire émerger un véritable esprit de filière et de redonner du relief au patriotisme économique.

Toutefois, la politique industrielle française peine à se concevoir comme telle, à se « mettre en scène » : sa dimension verticale, formée par l’association des CSF et par les solutions de la Nouvelle France industrielle (cf. encadré ci-dessous), se combine à sa dimension horizontale, qui comprend toutes les mesures évoquées visant à améliorer l’environnement économique des entreprises. Mais l’action gouvernementale n’a pas suffisamment associé ces deux ensembles ; les mesures horizontales ont été déployées de façon éparse et l’organisation verticale de la politique industrielle manque encore de visibilité pour l’ensemble de la sphère économique.

L’articulation de la Nouvelle France industrielle et des comités stratégiques de filière : une politique verticale de filière qui a trouvé son rythme de croisière

Les neuf solutions de la Nouvelle France industrielle et la démarche des comités stratégiques de filières, sous l’orientation du CNI, sont les deux axes principaux de la politique industrielle de filière française.

D’une part, les comités stratégiques de filière et le Conseil national de l’industrie mènent des travaux dans le cadre d’un consensus plus large pour insuffler une stratégie collective mutuellement bénéfique à court terme dans l’ensemble des filières industrielles. À partir d’un dialogue entre les industriels, les organisations syndicales et l’État, il s’agit d’identifier de façon convergente les principaux enjeux de chaque filière et de définir les actions à mettre en œuvre pour la structurer, renforcer sa compétitivité et son positionnement international, redynamiser l’emploi en France et accompagner l’évolution des compétences. C’est l’industrie d’aujourd’hui.

D’autre part, les plans industriels ont pour objectif d’identifier et de développer les avantages concurrentiels des filières industrielles françaises à horizon 2020 par le soutien cohérent à des projets porteurs de perspectives d’activité sur le territoire et à l’exportation. Il s’agit de la mise en commun des efforts d’un nombre réduit d’acteurs pour cibler un marché précis sur lequel la France a des avantages comparatifs. C’est l’industrie de demain.

La bonne articulation des deux initiatives est essentielle pour garantir leur efficacité. Aussi le vice-président du Conseil national de l’industrie, M. Jean-François Dehecq, participe au comité de pilotage ministériel des solutions de la NFI. Compte tenu des enjeux et de la forte transversalité du plan « Industrie du futur » qui touche toutes les filières, le CNI est de plus directement impliqué dans ses travaux, notamment sur le volet de l’évolution des compétences et de l’organisation du travail.

Ce défaut de communication gouvernementale n’a pas été propice à la restauration d’un climat de confiance chez les industriels et chez les investisseurs. Il aurait fallu montrer que l’État avait défini une stratégie industrielle claire, ordonnée, de long terme, et non des initiatives ponctuelles. Par exemple, tandis que l’environnement administratif et économique des TPE-PME s’est fortement amélioré depuis 2012 (cf. encadré ci-dessous), il n’y a pas eu de Small Business Act à la française, qui aurait contenu ces mesures dispersées dans plusieurs véhicules législatifs, et aurait fait référence auprès des acteurs économiques.

Enfin, une politique industrielle mieux pensée pourrait également servir d’exemple et d’impulsion pour une réorientation de la politique industrielle européenne, encore trop marquée par la priorité donnée au fort juridisme de la politique de la concurrence – notamment en matière de concentrations ou d’aides d’État.

Quelques exemples de la diversité des soutiens aux TPE-PME-ETI depuis 2012

– Un crédit d’impôt innovation (CII) a été instauré au 1er janvier, étendant les dépenses éligibles au CIR à la conception de prototypes et installations pilotes de produits nouveaux. D’un taux de 20 % et avec une assiette plafonnée à 400 000 €, ce crédit d’impôt est réservé aux PME.

– La création du PEA-PME a permis aux personnes physiques d’ouvrir, depuis le 1er janvier 2014, un second plan d’épargne en actions orienté spécifiquement vers les PME et les ETI.

– La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a inséré dans le code de commerce de nouvelles dispositions visant à lutter contre les retards de paiement, notamment pour améliorer la situation des TPE-PME sous-traitantes.

Après une chute marquée en 2008 (– 4,0 %) et surtout en 2009 (- 16,0 %), la production manufacturière en France a rebondi en 2010 (+ 4,9 %). Cette reprise s’est ensuite poursuivie en 2011 (+ 3,9 %), puis a connu une nouvelle baisse avant de se stabiliser jusqu’en 2014.

Source : Direction générale des entreprises

Les moteurs du dynamisme industriel de ces dernières années sont l’industrie automobile, la chimie, l’aéronautique et la fabrication de machines et équipements, dans le contexte de la forte dépréciation de l’euro face au dollar.

Une approche internationale des résultats de l’industrie française permet de mettre ces chiffres en perspective afin d’évaluer sa compétitivité. Les parts de marché de la France dans le commerce mondial se réduisent depuis de nombreuses années, comme cela est le cas pour la grande majorité des pays développés. La mondialisation et l’émergence des pays en développement ont profondément rebattu les cartes. Ainsi, la Chine, classée seulement quinzième en 1990, prend la première place des pays exportateurs en 2008 avec 12,7 % de parts de marché mondial et 17,5 % en 2013.

Ce positionnement global recouvre des performances contrastées selon les marchés et les produits. En 2013, les exportations françaises ont regagné des parts de marché relatives pour quelques produits (produits pharmaceutiques, biens d’équipement autres que matériels de transport notamment) et quelques marchés (zone euro, Amérique latine, PECO…). Elles en perdent encore, en revanche, sur les exportations de composants électroniques, d’équipement de télécommunication, de carburant et de textile.

La situation s’améliore en 2014 : le solde des échanges extérieurs de produits manufacturés s’est stabilisé par rapport à 2013 : il s’établit à
– 34,7 milliards d’euros, soit une amélioration de 410 millions d’euros. Cette stabilité résulte d’une amélioration continue du solde au second semestre, largement liée à des ventes de produits de la construction aéronautique. Les exportations françaises à destination des pays membres de l’Union européenne ont rebondi (+ 1,2 % entre 2013 et 2014) tandis que les importations baissaient.

Le solde manufacturier français a donc bénéficié du dynamisme relatif de l’Union européenne mais pâtit désormais des difficultés de pays émergents et d’Asie. Le problème n’est donc plus tant sa compétitivité que la demande mondiale qui lui est adressée. Afin d’encourager la reprise perceptible de l’industrie française, le Gouvernement a mis en place une impulsion supplémentaire en direction de l’investissement productif : un suramortissement des équipements acquis par les entreprises en complément du volet fiscal du Pacte de responsabilité.

Ce mécanisme de suramortissement s’applique aux investissements réalisés entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016. Il vise à accompagner la perspective de reprise économique pour les activités industrielles en améliorant la rentabilité des investissements qui contribuent à la compétitivité des entreprises concernées. Il consiste à permettre aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon le régime réel d’imposition d’opérer, pour tout investissement entrant dans le champ de la mesure, une déduction exceptionnelle du résultat imposable s’ajoutant à celle pratiquée au titre de l’amortissement. Cette mesure de soutien à la reprise de l’investissement productif représente un effort estimé à 2,5 milliards d’euros sur 5 ans. Interrogés en juillet 2015 par l’INSEE, les chefs d’entreprise de l’industrie manufacturière ont estimé que leur investissement en 2015 serait en croissance de 2 % par rapport à 2014, en partie grâce à ce dispositif.

Toutefois, comme le faisait remarquer Louis Gallois à votre rapporteur, la compétitivité d’un appareil industriel se perd et se gagne sur dix ans, comme le démontre l’exemple allemand. Les mesures de soutien à l’industrie française doivent donc être maintenues, sinon approfondies.

Aujourd’hui, la demande est soutenue (en dehors des pays émergents, en repli), l’euro est faible face au dollar, l’énergie est bon marché. Mais il faut que les capacités de production soient saturées pour stimuler les investissements, ce qui n’est pas le cas. Les investissements doivent donc se faire en productivité, non en capacité, par exemple dans la numérisation des entreprises industrielles. La France accuse un retard dans la robotisation ; elle peut encore bénéficier des substantiels gains de productivité attendus de cette numérisation.

En outre, le ciblage du CICE pourrait être révisé. Tout en maintenant les allégements sur les bas salaires, une extension de son périmètre entre 2,5 et 3,5 SMIC serait en mesure de bénéficier à des entreprises très internationalisées comme Airbus ou Sanofi, qui emploient un grand nombre d’ingénieurs et de chercheurs qualifiés (1). La compétitivité prix dégagée par ce dispositif se doublerait d’un signal positif envoyé au travail qualifié, plutôt que de risquer une « smicardisation » de l’industrie française. Ce ciblage devrait être concentré sur les entreprises exposées à la concurrence internationale afin d’éviter les effets d’aubaine.

Deux gisements de compétitivité peuvent également être identifiés. La formation professionnelle, et en particulier l’apprentissage, reste déconnectée des besoins des entreprises. Le fonctionnement vertueux d’une filière industrielle repose sur un appareil de formation efficace, qui permet de renouveler les compétences et de tirer le meilleur parti des efforts d’innovation des entreprises. L’industrie française se heurte pourtant à un double problème, qualitatif et quantitatif. D’une part, l’éventail de formations est insuffisamment développé sur le territoire français et l’appariement de ces formations avec les besoins des entreprises est lacunaire ; d’autre part, les formations disponibles manquent souvent d’attractivité. Ainsi, l’apprentissage n’est pas suffisamment envisagé comme une orientation pertinente pour les jeunes, ce qui est particulièrement manifeste dans l’organisation de l’enseignement professionnel, avec une déconnexion difficilement justifiable entre lycées professionnels et centres de formation d’apprentis (CFA).

Enfin, la place prise par le coût du logement dans la compétitivité des entreprises est souvent sous-estimée. Un logement trop cher réduit le pouvoir d’achat des salariés ; ceux-ci réclament en contrepartie des hausses de salaire qui pèsent sur le coût de production des producteurs. En outre, les salariés qui doivent habiter trop loin de leur lieu de travail, à cause d’une offre de logement lacunaire ou trop chère, perdent en productivité. Certes, des efforts ont été menés en direction du logement intermédiaire, mais ils demeurent aujourd’hui insuffisants.

L’effort du Gouvernement vers le logement intermédiaire

Depuis 2012, le Gouvernement s’est engagé à développer le logement intermédiaire, dont les niveaux de loyers et les plafonds de ressources se situent entre ceux du logement social et ceux du logement libre.

La forte hausse du niveau des loyers dans les zones tendues dans les années 2000, qui a mis fin au rapport plutôt stable qui existait depuis les années 1960 entre l’évolution des revenus des ménages et celle des loyers, a accru la difficulté des ménages aux revenus modestes et moyens d’accéder à un logement. L’écart de loyers entre le secteur locatif libre et le secteur social s’est creusé. Il est de 36 % sur l’ensemble du territoire et de plus de 10 euros/m2 par mois à Paris aujourd’hui. Le taux d’effort net médian des ménages (loyer/revenus) dans le secteur locatif libre est de 24,6 % contre 11 % dans le secteur social. Cette situation conduit à l’éviction des classes moyennes des quartiers les plus recherchés et à une pression accrue sur le logement social.

La loi de finances pour 2014 a donc institué des avantages fiscaux en faveur du logement intermédiaire. Les investisseurs institutionnels réalisant des opérations de construction de logements intermédiaires bénéficient ainsi du taux intermédiaire de TVA de 10 %, à condition que l’opération contienne également 25 % de logements sociaux. Les logements intermédiaires neufs bénéficient ensuite d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant une durée de vingt ans.

La politique industrielle française doit intégrer, en 2015, une ambitieuse politique d’innovation.

Le rapport Gallois comportait un volet dédié à l’innovation, complété par les travaux de la commission « Innovation 2030 » présidée par Anne Lauvergeon. Cette commission a identifié 7 ambitions, reposant sur des secteurs en croissance : le stockage de l’énergie, le recyclage des métaux, la valorisation des richesses marines, les protéines végétales et la chimie du végétal, la médecine individualisée, l’innovation au service de la longévité, la valorisation des données massives (big data). Ces initiatives doivent être mises en perspective avec les solutions de la Nouvelle France industrielle (dont l’industrie du futur) et les crédits des programmes d’investissement d’avenir (cf. infra).

Sur le plan budgétaire, le pilier de la politique d’innovation du Gouvernement est le crédit d’impôt recherche (CIR), dont le périmètre a été stabilisé sur la durée du quinquennat. La France est ainsi devenue l’un des pays qui offre le traitement fiscal de la R&D le plus avantageux pour les entreprises, ce que votre rapporteur a pu constater lors des auditions qu’il a menées. Représentant environ 5,6 milliards d’euros en 2015, il bénéficie largement au secteur industriel (60 % des montants). Les trois premiers secteurs déclarants sont l’industrie électrique et électronique (15 %), la pharmacie (10,5 %), ainsi que le conseil et l’assistance en informatique (10,9 %), juste avant l’industrie automobile.

En nombre, les entreprises de moins de 250 salariés (hors filiales des grands groupes) représentaient les trois quarts des bénéficiaires du CIR. En pourcentage des dépenses déclarées, les PME et les ETI perçoivent davantage de CIR que les grandes entreprises.

DISTRIBUTION DES BÉNÉFICIAIRES ET DU CIR PAR TAILLE D’ENTREPRISE – 2012

Entreprises bénéficiaires1 Dépenses déclarffectif Nombre Part Indépendantes2 Montant Part Indépendantes2 Montant Part

Note : le nombre des bénéficiaires est inférieur à celui des déclarants, car les groupes cumulent le CIR de leurs filiales.

Source : Questionnaire budgétaire.

Le CIR se couple avec le crédit d’impôt innovation (CII), instauré en 2013 pour les PME, étendant les dépenses éligibles au premier à la conception de prototypes. D’un taux de 20 % et avec une assiette plafonnée à 400 000 €, ce crédit d’impôt a pour objectif d’inciter les entreprises à la conception de produits aux performances supérieures, en combinant des technologies existantes ; de diffuser au sein du tissu de PME françaises le recours au design et à l’écoconception ; de faciliter le financement d’opérations permettant de donner aux PME françaises des avantages concurrentiels sur les marchés internationaux.

Enfin, le dispositif en faveur des jeunes entreprises innovantes (JEI) a été prolongé, renforcé et étendu à certaines activités d’innovation à partir du 1er janvier 2014. Il combine des avantages fiscaux et sociaux (exonérations de cotisations sociales patronales) pour favoriser le développement des start-ups. Près de 3 000 entreprises bénéficiaient en 2014 de ces exonérations.

L’organisation de la politique d’innovation française repose également sur l’action de BPI France. Créé en 2012, cet opérateur constitue un vecteur de compétitivité économique au service des entreprises et met toute une palette d’outils complémentaires au service des PME et ETI. Ses interventions se caractérisent par leur capacité d’entraînement sur les acteurs privés du financement des PME et de l’innovation, tout en optimisant l’effet de levier des ressources publiques.

Cette nouvelle organisation du financement public des entreprises en France assure trois fonctions : les opérations en fonds propres et quasi fonds propres, les instruments de prêt et garanties aux PME et la gestion d’aides à l’innovation. Ainsi, BPI France accompagne les entreprises, de l’amorçage jusqu’à la cotation en bourse, du crédit aux fonds propres et propose aux entreprises un continuum de solutions adaptées à chaque étape de leur croissance :

– le financement de l’innovation sous la forme de subventions, d’avances remboursables en cas de succès et de prêts à taux zéro ;

– la garantie de prêts et, le cas échéant, d’investissements en fonds propres ;

– le financement, aux côtés des banques, de prêts à moyen et long termes visant à financer le développement des PME et ETI ;

– l’investissement en fonds propres et en quasi-fonds propres, directement et via des fonds partenaires, dans les PME, les ETI et les grandes entreprises : en 2014, les engagements de la branche « participations » de la BPI atteignent 1,1 milliard d’euros.

Votre rapporteur a souhaité prolonger la réflexion initiée dans l’avis budgétaire relatif aux crédits de l’industrie du projet de loi de finances pour 2015, rapporté par M. Jean Grellier (cf. encadré ci-dessous), sur les 34 plans de la Nouvelle France industrielle.

Comme cela a été abordé auparavant, ces plans industriels sont une des pièces de la nouvelle politique industrielle française. En mai 2015, les 34 plans ont été fusionnés au sein de 9 solutions industrielles.

Extrait de l’avis budgétaire n° 2262 présenté au nom de la commission des affaires économiques, relatif aux crédits budgétaires de l’industrie pour 2015

« La stratégie industrielle française s’est caractérisée, dans le passé, par la prédominance de l’État dans les orientations choisies pour chaque filière. Le succès de certaines opérations industrielles, notamment sous l’égide du Commissariat général du Plan, a souvent été effacé par l’échec d’autres tentatives, marquées par un dirigisme qui asphyxiait les acteurs privés ou par des dérives bureaucratiques peu propices aux gains de productivité et à l’innovation.

L’initiative des 34 plans vise à concilier la présence d’un État-stratège et la libre initiative des acteurs économiques, dans une démarche de partenariat inédite. Chaque plan réunit chefs d’entreprise de grands groupes comme de petites entreprises, administrations et opérateurs publics, pôles de compétitivité et établissements d’enseignement supérieur. Le chef de plan est généralement un industriel du secteur. Il est missionné par le Gouvernement pour élaborer et tenir une feuille de route et pour coordonner l’ensemble de ces acteurs.

(…)

La philosophie des plans industriels réside dans une logique de projet. Il a été très rapidement arbitré qu’aucune source de financement public pérenne ne leur serait automatiquement attribuée. L’enjeu est d’importance : sans enveloppe budgétaire fixe et dédiée, les plans doivent faire émerger des projets industriels, innovants, et suffisamment porteurs pour qu’une aide publique conséquente puisse se matérialiser. »

L’« industrie du futur », issue de l’ancien plan « Usine du futur », constitue désormais le projet structurant de la Nouvelle France industrielle. Il s’appuie sur une Alliance pour l’industrie du futur, pilotée par des industriels et associant le CNI et les organisations syndicales. Outre la modernisation de l’outil de production, il s’agit d’accompagner les entreprises industrielles dans la transformation de leurs modèles d’affaires, de leurs organisations, de leurs modes de conception et de commercialisation, alors que les outils numériques permettent une meilleure intégration entre industrie et services. Les crédits du futur PIA 3, qui devraient être fléchés vers l’industrialisation de technologies innovantes, sont le prolongement budgétaire de cette initiative. Plus généralement, les actions « projets industriels d’avenir » (PIAVE) et « projets structurants pour la compétitivité » des PIA existants seront également mobilisés, tout comme le fonds national pour la société numérique.

Un comité de pilotage du projet « Industrie du futur » présidé par le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique se réunit tous les deux mois. Il associe les représentants de l’Alliance pour l’Industrie du Futur, le CNI, les cinq organisations syndicales représentatives des salariés, l’Association des Régions de France (ARF) et les services et opérateurs de l’État (DGE, CGI, BPI France, Business France) ainsi que plusieurs personnalités qualifiées, dirigeants d’ETI françaises et d’entreprises étrangères implantées en France. Ce comité de pilotage évalue l’avancement du projet Industrie du Futur et en fixe les principales orientations.

L’ambition de l’industrie du futur repose sur cinq piliers : développer une offre technologique afin d’acquérir un leadership dans plusieurs domaines de rupture pour la transformation de l’industrie ; accompagner les entreprises dans cette transformation, notamment numérique ; former les salariés aux nouveaux métiers et modes de travail ; renforcer la coopération internationale en matière de normalisation, en lien avec l’initiative allemande « Industrie 4.0 » ; promouvoir la marque France dans les projets industriels.

Chapeautées par le projet « industrie du futur », les huit autres solutions industrielles sont des regroupements des 34 plans (cf. tableau ci-dessous). On ne peut guère parler de fusion : les acteurs des plans ont été encouragés à dégager une transversalité de leurs projets dans le cadre de la solution à laquelle ils appartiennent, mais poursuivent leur action dans les mêmes conditions qu’auparavant. Ainsi, les acteurs rencontrés par votre rapporteur, mis à part la solution « santé numérique », ont fait le constat d’une évolution assez cosmétique de la gouvernance des plans. La principale différence dans la gouvernance de la Nouvelle France Industrielle est donc la constitution de l’Alliance pour l’Industrie du Futur et le rôle matriciel que ce plan a désormais vocation à jouer.

LE REGROUPEMENT DES 34 PLANS

Alimentation sûre, saine, durable et exportable

 

Produits pour une alimentation sûre, saine et durable

Confiance numérique

Cybersécurité

Logiciel et systèmes embarqués

Nanoélectronique

Satellites à propulsion électrique

Souveraineté télécoms

Économie des données

Big data

Cloud computing

Supercalculateurs

Hors "priorités"

e-Éducation

Énergies renouvelables

Textiles techniques et intelligents

Industrie du futur

Usine du futur

Mobilité écologique

Bornes électriques de recharge

La voiture pour tous consommant 2 litres aux 100 km

Stockage de l’énergie

Véhicule autonome

Nouvelles ressources

Chimie verte

Recyclage et matériaux verts

Objets intelligents

Réalité augmentée

Robotique

Sans contact

Véhicule autonome

Santé 2.0

Biotechnologies médicales

Dispositifs médicaux et nouveaux équipements de santé

Santé numérique

Transports de demain

Avion électrique et nouvelles générations d’aéronefs

Dirigeables & drones

Navires écologiques

TGV du futur

Villes durables

Industries du bois

Qualité de l’eau et gestion de la rareté

Rénovation thermique du bâtiment

Réseaux électriques intelligents

L’Alliance pour l’industrie du futur

Association loi 1901 présidée par M. Philippe Darmayan, président du Groupe des fédérations industrielles (GFI), et co-présidée par MM. Frédéric Sanchez, président du directoire de Fives et Pascal Daloz, directeur général adjoint de Dassault Systèmes, l’Alliance a été fondée autour d’un noyau dur d’acteurs de l’industrie et du numérique représentant plus de 33 000 entreprises et 1,1 million d’emplois : FIM, Syntec Numérique, AFDEL, Symop, Gimélec et UIMM.

Des acteurs de la recherche (CEA et CETIM) et de la formation initiale et continue (Arts et Métiers Paristech et Institut Mines-Télécom) sont également associés, de même que l’ensemble des syndicats, fédérations ou organisations professionnelles volontaires.

Le support financier des solutions industrielles reste identique à celui des 34 plans de la Nouvelle France industrielle.

La mise en œuvre des actions de la phase 1 de la Nouvelle France Industrielle était basée sur un montant d’investissement public/privé cumulé d’un peu moins de 3,7 Md€ dont 1,5 Md€ provenant de fonds publics. L’essentiel du soutien financier public aux plans industriels passe par le financement de projets ayant remporté des appels d’offres, en conformité avec le droit de l’Union européenne relatif à l’encadrement des aides d’État. Les projets préparés dans le cadre des plans industriels, en collaboration avec les services de l’État, candidatent librement aux diverses procédures d’appels d’offres, d’appels à projets ou d’appels à manifestation d’intérêts qui permettent d’obtenir un financement public, en concurrence avec les autres projets candidats.

Cela peut soulever une difficulté identifiée par les acteurs des solutions industrielles : sans abondement budgétaire dédié, les plus petites initiatives, pourtant nécessaires, comme l’ingénierie des projets ou la prospection des besoins, ne peuvent être engagées au niveau des plans : seuls les projets industriels à part entière peuvent mobiliser des fonds publics.

Dans son rapport thématique de 2007, la Cour des comptes insistait déjà, à propos de la politique d’intervention économique dans les territoires, sur « la complexité et l’hétérogénéité d’un dispositif institutionnel reposant sur une compétence plus diluée que partagée, ainsi que le foisonnement excessif des aides versées ». Elle appelait à la « redéfinition d’une compétence recentrée sur le couple État-région ».

Plus récemment, le rapport de 2013 de l’Inspection générale des finances (IGF), « Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité », critiquait également la dispersion des aides ainsi que le manque de lisibilité et de coordination des soutiens à l’industrie.

D’après une récente étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (2), une fragmentation administrative trop importante engendre un sous-investissement en matière d’infrastructures, une utilisation sous-optimale des ressources foncières et une plus grande complexité administrative pour les entreprises. La productivité est ainsi plus faible de 6 % dans les zones où, pour une même superficie, le nombre de municipalités est deux fois plus élevé.

De plus, un tel enchevêtrement des compétences ne permet pas de mettre en place un aménagement territorial harmonieux du territoire. En effet, une trop grande fragmentation administrative conduit les collectivités à ne pas prendre en compte l’effet de leurs décisions sur leurs voisins. Or, d’après les théories de la nouvelle économie géographique (3), une décision de politique industrielle prise par une collectivité peut avoir des effets positifs ou négatifs, appelés externalités (4), sur la croissance des industries situées dans une autre collectivité. Toute stratégie industrielle efficace doit donc faire l’objet d’un pilotage prenant en compte ces externalités pour trouver le juste équilibre entre concentration et dispersion des activités industrielles sur le territoire. La concentration géographique des activités industrielles peut engendrer de la croissance. En effet, la création, l’accumulation et la diffusion des connaissances se trouvent facilitées dans les zones les plus densément industrialisées.

Cependant, une trop forte concentration des activités donne lieu à une plus grande pollution atmosphérique et sonore, des phénomènes de congestion et une hausse des prix immobiliers. Elle peut ainsi être source de vulnérabilités comme en Auvergne où, d’après l’INSEE (5), certaines zones ont pâti d’une trop forte spécialisation sectorielle (Thiers, Yssingeaux), d’une concentration trop importante de l’emploi dans un nombre limité d’établissements (Gannat), ou de ces deux facteurs simultanément (Issoire, Dompierre-sur-Besbre). Afin d’aboutir à un juste équilibre entre concentration et dispersion des activités industrielles sur le territoire, la coordination des acteurs est donc bien nécessaire.

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRE) a remanié les compétences territoriales. La région passe du statut de collectivité chef de file à celui de collectivité territoriale responsable sur son territoire du développement économique.

Elle obtient ainsi la compétence exclusive pour définir des « régimes d’aides et pour décider de l’octroi des aides aux entreprises dans la région » (article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Elle est également chargée d’élaborer le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) qui définit les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation et d’aide à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises. La particularité de ce schéma tient à son caractère obligatoire et prescriptif vis-à-vis des décisions des autres collectivités.

Le rôle régional de soutien financier à la gouvernance des pôles de compétitivité et de participation au pilotage de ces pôles est également accru, le pilotage étant assuré conjointement avec l’État, qui garde la responsabilité de la politique nationale des pôles.

Cette volonté de coopération est présente dès l’étude d’impact de la loi : « l’élargissement et l’approfondissement des compétences de la région n’excluent pas l’intervention, de façon clairement encadrée par la loi, des autres collectivités territoriales et des groupements de collectivités, complément utile de l’action régionale, au regard des attentes des entreprises et des besoins des territoires ».

Cette volonté de coopération est concrètement mise en œuvre dans la loi à travers la complémentarité des aides. Le SRDEII organise, sur le territoire régional, la cohérence des actions menées par la région en matière d’aides aux entreprises avec les actions menées par les collectivités territoriales et leurs groupements. Si les départements, les communes et leurs groupements passent une convention avec la région, ils peuvent alors participer au financement de ces aides voire mettre en œuvre le projet d’aide.

Cette recherche de coopération entre acteurs territoriaux se matérialise aussi à travers l’élaboration commune et la mise en œuvre concertée du SRDEII. En effet, la nature prescriptive du schéma nécessite une étroite association de l’ensemble des collectivités territoriales et des autres partenaires sur le territoire régional. Nombre d’acteurs (notamment les métropoles, la métropole de Lyon et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre) participent ainsi à l’élaboration du schéma. Ce dernier fait l’objet d’une présentation et d’une discussion au sein de la conférence territoriale de l’action publique (article L. 1111-9-1 du CGCT) ainsi que d’une communication aux régions limitrophes.

La mise en œuvre du schéma peut également faire l’objet de coopération, à travers des conventions entre la région et un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Si les dispositions de la loi NOTRE vont donc bien dans le sens d’une plus grande cohérence de la politique industrielle française, force est de constater que leur application risque de poser de réels problèmes de lisibilité.

Le manque de coordination entre acteurs se traduit par l’existence de doublons en matière de politique industrielle, qui, s’ils pourront être en partie réduits par la suppression de la clause générale de compétence pour les régions et départements, demeurent nombreux.

Ce risque de redondance est présent entre collectivités d’un même échelon. Ainsi, des initiatives régionales concurrentielles, notamment de création de plateformes technologiques, se sont multipliées. Une mise en commun des moyens et des outils serait pourtant bienvenue en période de forte contrainte budgétaire.

Ce risque de concurrence est également présent entre différents échelons territoriaux. Ainsi, les métropoles possèdent un régime dérogatoire qui leur permet, en cas de désaccord avec la région sur le SRDEII, de définir leur propre document d’orientation, lequel doit seulement prendre en compte le schéma régional et non s’y conformer (article L. 4251-17 du CGCT). Les métropoles possèdent déjà, depuis la loi du 27 janvier 2014 des compétences économiques importantes (création de zones d’activité, mise en œuvre d’actions de développement économique et soutien des pôles de compétitivité), qui, faute d’être coordonnées avec celles des régions pourraient, réduire l’efficacité de la politique industrielle. Comme le souligne le rapport du Sénat (6) portant sur la loi NOTRE, une métropole pourrait mettre en place un mécanisme d’incitation financière à l’installation d’entreprises sur son territoire plus avantageux qu’un mécanisme similaire de la région, captant ainsi davantage d’activités économiques au détriment du reste de la région. Or, le schéma régional a une mission d’équilibre du développement économique et doit éviter de trop fortes concentrations au sein des métropoles, comme l’a rappelé Louis Gallois, auditionné par votre rapporteur.

Cette possible redondance existe également au niveau des structures et outils mis en place et limite leur effectivité. Ainsi, les nombreuses plateformes technologiques semblent parfois entrer en concurrence avec les pôles de compétitivité, ces derniers ayant eu parfois eux-mêmes des difficultés pour acquérir leur légitimité, apparaissant lors de leur création comme une « strate supplémentaire captant des ressources » (7).

Certains syndicats, que votre rapporteur a auditionnés, ont regretté l’absence de guichet unique identifiable dans les territoires vers lesquels les entreprises pourraient facilement se tourner. Les acteurs sont nombreux (chambres de commerce et d’industrie, BPI France, municipalités, conseils départementaux et régionaux, représentants de l’État sur le territoire…) et les entreprises ont aujourd’hui souvent des difficultés à s’adresser au bon interlocuteur selon leur projet.

Certains dispositifs de guichet unique ont pourtant bien été créés. Ainsi, les modalités administratives de création d’entreprises ont été simplifiées par la mise en place des centres de formalités des entreprises (CCI, chambre des métiers et de l’artisanat, chambre de la batellerie artisanale…), chargés d’être l’interface entre les administrations et les entreprises. Une base d’information de référence sur les dispositifs d’aide et d’accompagnement aux entreprises a aussi été créée, recensant les aides publiques proposées aux entreprises par les services de l’État, les organismes publics et les collectivités locales, soit environ 4 500 dispositifs.

La loi NOTRE prévoit également la possibilité de créer un guichet unique pour les aides et subventions. L’État, une collectivité territoriale ou un EPCI à fiscalité propre peuvent ainsi déléguer par une convention à une autre personne publique l’instruction et l’octroi des aides et subventions qui relèvent de sa compétence.

La faculté de création d’un guichet unique prévue par la loi NOTRE gagnerait à être mise en œuvre dans les faits et les dispositifs existants à être mieux connus des entreprises.

Si la loi NOTRE modifie avant tout les compétences des collectivités territoriales les unes par rapport aux autres, elle définit une mission nouvelle pour le représentant de l’État, celle d’approuver le SRDEII. Le préfet de région doit ainsi s’assurer du respect, par le conseil régional et, le cas échéant, par le conseil de la métropole, de la procédure d’élaboration prévue dans la loi et de la préservation des intérêts nationaux.

La nature des « intérêts nationaux » que le schéma doit nécessairement préserver reste à être définie en pratique. Le représentant de l’État pourrait ainsi ne pas approuver le schéma et le notifier au conseil régional ou au conseil de la métropole en cas de trop grande incohérence avec les objectifs principaux de la politique industrielle définie au niveau national, notamment en termes d’innovation et de compétitivité. Les modifications demandées devraient prendre en compte les caractéristiques du territoire auquel le schéma s’applique et être assez précises pour permettre, dans le délai de trois mois imparti par la loi, au conseil régional ou au conseil de la métropole de les considérer.

L’exemple des commissaires au redressement productif (CRP) illustre bien le constat selon lequel les outils existent mais manquent de visibilité. Installés en 2012 dans les 22 régions, les CRP sont au niveau régional les interlocuteurs privilégiés des entreprises en difficulté ou en restructuration qui comptent moins de 400 salariés. Ils coordonnent, sous l’autorité des préfets de région, l’ensemble des actions de l’État et de toutes les parties prenantes pour la recherche de solutions aux difficultés des entreprises.

Pour cela, ils peuvent s’appuyer sur l’ensemble des services de l’État (les préfets et sous-préfets dans les départements, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), les directions régionales des finances publiques (DRFIP), les directions régionales de la Banque de France, les directions régionales de l’Urssaf), comme sur les services des opérateurs publics (BPI France, caisse des dépôts et consignations (CDC)…) ou des collectivités territoriales, en fonction des dossiers évoqués.

Or, même si leur rôle a été récemment renforcé par la circulaire du 9 janvier 2015 (8) qui les fait membres de droit du comité départemental d’examen des difficultés de financement des entreprises (Codefi), ils ne sont pas toujours perçus par les autres acteurs comme un maillon indispensable de la politique industrielle française dans les territoires.

Les référents uniques à l’investissement (RUI) nommés dans chaque région pour favoriser l’accélération et la simplification des investissements manquent également de visibilité. Or, dans un contexte relativement favorable à l’investissement (grâce à la dépréciation de l’euro et au faible prix du pétrole), les RUI peuvent être extrêmement utiles afin de détecter les projets potentiels dans chaque région, de fédérer et de coordonner les acteurs pouvant apporter un soutien à l’investissement des entreprises et de faciliter les démarches techniques et réglementaires des entreprises. Depuis leur création, les RUI ont accompagné plus de 690 projets pour un montant cumulé de 16,7 milliards d’euros d’investissements. Améliorer leur visibilité permettrait ainsi d’augmenter le nombre de projets faisant l’objet d’un accompagnement renforcé.

Certes, les crédits de l’État en région ont fortement diminué. Si auparavant, certains crédits d’aide aux entreprises étaient versés dans le cadre du programme 134 du budget de l’État (développement des entreprises et du tourisme) par les DIRECCTE, ces dernières ont désormais davantage un rôle de redirection des entreprises vers les crédits des programmes d’investissement d’avenir (PIA) qu’elles ne gèrent pas directement.

Cependant, une politique industrielle de proximité menée par les services déconcentrés de l’État est possible, à condition de renforcer la cohérence et la visibilité des outils existants.

La visibilité des outils passe par une réflexion sur la répartition des moyens humains de l’État sur le territoire. Il s’agit ainsi, dans le cadre des nouvelles grandes régions, de trouver un juste équilibre entre une nécessaire concentration des effectifs à la préfecture de la future région (notamment les effectifs du pôle 3 E « économie, entreprises et emploi » des DIRECCTE) et une présence sur l’ensemble du territoire. Ce juste équilibre gagnerait à prendre en compte le fait que la couverture territoriale est déjà partiellement assurée par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) qui ont souvent plus de moyens que les services déconcentrés de l’État et peuvent être perçues par les entreprises comme un relais territorial de l’État.

Ainsi, par exemple, la visibilité de l’action des commissaires au redressement productif semble pouvoir être en partie accrue par leur nouvelle répartition géographique. Contrairement à la situation actuelle qui ne facilite pas la visibilité des commissaires au redressement productif puisque cinq d’entre eux sont affectés en SGAR (Secrétariat général aux affaires régionales) et dix-sept en DIRECCTE, ils devraient tous être prochainement positionnés dans ces dernières. Leur rattachement sera donc plus directement stratégique et mieux connu des entreprises. Ce double objectif pourrait être généralisé à l’ensemble des outils existants.

La cohérence des outils passe par une plus grande coordination entre l’État et les autres acteurs, notamment les intercommunalités et les régions.

La coopération entre les services étatiques déconcentrés et les intercommunalités devrait être développée. Comme le souligne la Direction générale des entreprises, auditionnée par votre rapporteur, si les DIRECCTE travaillent depuis longtemps avec les régions, une telle coopération n’existe pas encore réellement avec les métropoles, notamment celles du Grand Lyon et d’Aix Marseille.

Les préfets de région, afin d’améliorer la visibilité et la cohérence des outils existants, ont tout d’abord un rôle important à jouer dans le pilotage sur le territoire de la politique industrielle définie au niveau national. Pour cela, ils ont pour mission de fédérer les différents acteurs afin de contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux de politique industrielle, notamment en termes de compétitivité et d’innovation, tout en prenant en compte la spécificité de leur territoire et ses contraintes.

Ensuite, les préfets de région sont les mieux à même de favoriser l’établissement de partenariats avec les acteurs locaux à travers, notamment, la conclusion de chartes partenariales thématiques. Celle conclue pour 2014-2017 entre le préfet de la région pays de la Loire, le président de l’Union des Industries de Loire-Atlantique et l’inspecteur d’académie vise ainsi à promouvoir l’égalité professionnelle dans les industries technologiques de Loire-Atlantique et permet de développer un réseau partenarial actif autour de ce sujet.

Enfin, une mission d’évaluation des diverses actions mises en œuvre pour l’accomplissement du schéma régional de développement économique devrait être plus généralement confiée aux préfets de région. Ses modalités pourraient s’inspirer du suivi dont font déjà l’objet les pôles de compétitivité, les caractéristiques de leur évaluation étant définies dans des contrats cadres préparés par des comités de coordination mis en place par les préfets de régions concernés.

D’après l’étude de l’OCDE précédemment citée9, l’effet négatif de la fragmentation administrative peut être en partie compensé par l’existence d’un organe de gouvernance central. Dans le cas où le pilotage central est important, la productivité ne serait alors que 3 % plus faible (et non plus 6 %) dans les zones où le nombre de municipalités est deux fois plus élevé.

L’importance prise par l’innovation renforce le rôle de l’État qui pilote déjà de nombreux outils encourageant la recherche et l’innovation dans les entreprises (CICE, CIR) et aide à l’innovation dans les régions (à travers BPI France). Le rôle de pilote de l’État est renforcé par la mise en place du projet Industrie du futur. Ainsi, l’État doit coordonner les nombreux acteurs participant au comité de pilotage de l’Industrie du futur (le CNI, l’ARF, les fédérations industrielles, les centres techniques, les ministères en charge du travail et de la formation). De plus, l’État établit un référentiel mis à disposition des régions afin de les aider à mobiliser des experts pour guider les entreprises dans le cadre du projet Industrie du futur. L’objectif de 500 entreprises accompagnées fin 2015 par des experts régionaux a été dépassé puisqu’aujourd’hui, 700 entreprises sont concernées par cette action d’accompagnement régional.

Une réelle complémentarité entre État et nouvelles régions est possible, notamment via une plus grande contractualisation.

Elle existe déjà entre État et régions en matière industrielle, notamment à travers les contrats de performance signés par chaque pôle de compétitivité avec l’État, le conseil régional et les collectivités locales infrarégionales qui les soutiennent financièrement. Certaines initiatives récentes montrent que la contractualisation permet d’établir une véritable complémentarité entre les acteurs. Si les actions d’accompagnement des entreprises et de formation sont de plus en plus conduites par la région, le rôle de pilotage de l’État et le rôle de BPI France dans la définition et gestion des prêts et avances remboursables aux entreprises sont majeurs. Dans certaines régions comme les régions Rhône Alpes et Pays de la Loire, des interventions en fonds propres dans des entreprises individuelles sont cofinancées par les régions, l’État, BPI France et le secteur privé.

Il s’agit aujourd’hui d’arriver à mieux territorialiser la politique industrielle décidée au niveau national. Dans le cadre de la revue des missions de l’État du 22 juillet 2015, trois missions spécifiques ont été dévolues aux régions : une mission de relais et d’appui des politiques nationales, une mission de connaissance des tissus entrepreneuriaux et de veille stratégique, une mission de coordination pour les collectivités en difficulté et les projets d’investissement structurants. La nouvelle articulation entre l’État et les nouvelles grandes régions pourrait se fonder sur ces nouvelles missions. Les comités stratégiques de filière régionaux (composés d’organisations patronales et salariales ainsi que du représentant de l’État en région) sont un bon exemple de la déclinaison possible d’une politique nationale sur le plan régional.

Certains domaines requièrent un travail de réflexion supplémentaire pour permettre une plus grande cohérence entre actions étatiques et régionales. Par exemple, la complémentarité entre État et régions semble ainsi particulièrement difficile dans le domaine de l’international où les actions de chaque acteur ne sont pour l’instant presque pas corrélées. D’après la Direction générale des entreprises, un processus de réflexion a été engagé au sein de l’État en 2014 sur ce point. Les conclusions auxquelles ce processus aboutira devront être mises en œuvre concrètement.

CONCLUSION

Sans optimisme excessif, votre rapporteur est parvenu à la conclusion que l’industrie a encore de l’avenir en France, au service de la croissance et de l’emploi. La dégradation de la compétitivité industrielle française au cours des dix dernières années a donné l’impression excessive d’un décrochage définitif et d’une fin de l’industrie.

Face à cette crise, le pays dispose-t-il d’une véritable politique industrielle ? Le rapport Gallois reprenait des éléments de diagnostic et des préconisations largement partagés par les acteurs de l’économie productive. À l’exception de quelques points noirs (logement, formation initiale et professionnelle…), les piliers d’une politique industrielle sont là : financement, animation des filières, soutien à la recherche et à l’innovation. Cette véritable politique de l’offre, et pas simplement au sens d’une dévaluation salariale interne, ne portera ses fruits qu’à moyen et long terme, à condition de garder le cap. Aux dix années de décrochage productif doivent répondre dix années de redressement productif.

Ce redressement productif ne doit pas nous conduire à mener la politique industrielle d’hier ou d’avant-hier. La politique allemande qui a conduit à l’actuelle position dominante de ce pays est sans doute déjà périmée. L’enjeu pour la France est de conduire une politique industrielle contemporaine, intégrant les services et l’innovation, correctement positionnée pour capter la valeur ajoutée dans une économie mondialisée.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de M. Lionel Tardy (Entreprises), Mme Jeanine Dubié (Commerce extérieur), Mme Corinne Erhel (Communications électroniques et économie numérique), M. Jean-Luc Laurent (Industrie) et Mme Michèle Bonneton (Postes), les crédits de la mission « Économie » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 29 octobre 2015, sur le site internet de l’Assemblée nationale (10)).

*

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Économie ».

*

La commission examine les amendements II-CE 19 et II-CE 20.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je demande à Mme Michèle Bonneton de bien vouloir présenter ses amendements.

Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis. Le premier amendement II-CE 19 propose une augmentation du budget de l’ARCEP, à hauteur d’un million d’euros, afin de permettre au régulateur des télécommunications et des postes de renforcer son département « études et prospectives ». Depuis plusieurs années, le budget de l’ARCEP ne cesse en effet d’être réduit, alors que ses missions augmentent, ce qui a été à nouveau dit aujourd’hui. À titre d’exemple, l’ARCEP est chargée de piloter le processus de libération de la bande 700 MHz, de contrôler le processus de déploiement du très haut débit fixe et de suivre l’évolution de la couverture des zones blanches. La loi dite « Macron » pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a confié de nouvelles missions au régulateur, et son budget continue de se dégrader.

Cette année, son plafond d’emplois est stabilisé, et c’est une bonne nouvelle. Toutefois, l’ARCEP a été contrainte ces dernières années de sacrifier certaines de ses activités pour remplir les missions qui lui sont confiées avec un budget en diminution. Parmi ces activités sacrifiées figurent particulièrement les études et la prospective. En matière postale par exemple, la dernière étude du régulateur date d’il y a plus de cinq ans. Ceci est anormal alors que les enjeux sont colossaux et que ce secteur postal évolue très rapidement, avec la baisse du courrier, l’augmentation des colis et les nouvelles missions. La concurrence avec Amazon devient ainsi cruciale : c’est le premier client et premier concurrent de La Poste. Cette problématique nécessiterait une étude à elle seule. En matière de télécommunications, on pourrait légitimement penser que le régulateur devrait s’intéresser davantage à la question des objets connectés. Là aussi, une étude serait nécessaire.

De plus, on reproche souvent aux parlementaires, au cours des débats sur des projets de loi, de solliciter par amendement la réalisation d’un rapport qui viendrait encore surcharger certaines autorités de l’État telles que l’ARCEP. Le présent amendement vise donc à remédier à cette situation, en donnant les moyens au régulateur de renforcer ses compétences et sa capacité d’anticipation par la réalisation d’études prospectives.

Quant à l’amendement II-CE 20, il s’agit de la compensation de l’État pour la mission de transport de la presse, évoquée précédemment dans mon intervention relative au rapport sur les postes. Cet amendement a pour objet de rehausser à 130 millions d’euros, contre 119 millions en PLF, le montant de la compensation versée par l’État à La Poste au titre de la mission de transport et d’acheminement de la presse.

Pour rappel, le montant de cette compensation a fortement chuté au cours des dernières années. Il était de 217 millions d’euros en 2013, contre 250 millions d’euros en 2012. Ceci correspond à l’engagement de l’État dans sa mission de préservation du pluralisme des médias. Ces deux dernières années, le Gouvernement justifiait la baisse du montant de la compensation par le bénéfice que tirait La Poste du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Je comprends cette justification. Toutefois, pour cette année, la situation est tout autre. Le Gouvernement met en avant la réforme à venir des modalités d’exercice de la mission de transport et d’acheminement de la presse confiée à La Poste pour justifier cette baisse de 11 millions d’euros. Lui retirer cette mission contribuerait à la baisse du volume de la sacoche du facteur, dans un contexte où la presse connaît elle-même de grandes difficultés.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous allons passer au vote des amendements. Je rappelle que le ministre, dans son expression en réponse à Mme Bonneton, a donné sa position.

L’amendement II-CE 19 n’est pas accepté.

L’amendement II-CE 20 n’est pas accepté.

Conformément aux avis favorables de Mme Jeanine Dubié, rapporteure pour avis sur les crédits du Commerce extérieur, Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis sur les crédits Communications électroniques et économie numérique, M. Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis sur les crédits de l’Industrie, Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis sur les crédits des Postes et contrairement à l’avis défavorable de M. Lionel Tardy, rapporteur pour avis sur les crédits des Entreprises, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie ».

La commission examine ensuite les amendements II-CE 24 et II-CE 25.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je demande à M. Jean-Luc Laurent de bien vouloir présenter ses amendements à l’article 53.

M. Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis. Ces amendements ont déjà été largement présentés et débattus précédemment. Ils concernent les centres techniques industriels (CTI) et les comités professionnels de développement économique (CPDE), visent à clarifier les dispositifs et s’inscrivent dans les propositions également faites par M. Jean-Louis Gagnaire dans son rapport.

Les amendements II-CE 24 et II-CE 25 sont acceptés.

La Commission, conformément à l’avis favorable de M. Jean-Luc Laurent, donne un avis favorable à l’adoption de l’article 53, ainsi modifié.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

AUDITIONS INDIVIDUELLES

– M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, auteur du « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française »

– M. Jean-Luc Gaffard, économiste

– Mme Sarah Guillou, économiste

Conseil national de l’industrie (CNI)

– M. Jean-François Dehecq, vice-président

Direction générale des entreprises (DGE)

– M. Christophe Lerouge, chef du service de l’industrie

– M. Xavier Merlin, chef du service de l’action territoriale, européenne et internationale

Chambre de commerce et d’industrie (CCI) France

– M. Nicolas Chiloff, président de la CCI Centre

– M. Patrick Vincent, responsable « industrie »

– M. Jérôme Pardigon, directeur des relations institutionnelles

Sanofi

– Mme Catherine Henton, directrice des affaires fiscales

– M. Philippe Luscan, président Sanofi en France, vice-président exécutif « affaires industrielles »

– M. Jean-Yves Moreau, directeur des relations gouvernementales et parlementaires

Commissariat général à l’investissement

– M. Thierry Francq, commissaire général adjoint

– M. Jean-Luc Moullet, directeur de programme « Compétitivité, filières industrielles et transport »

Assemblée des communautés de France (AdCF)

– M. Nicolas Portier, délégué général

– Mme Montaine Blonsard, chargée des relations avec le Parlement

Cabinet Xerfi

– M. Olivier Passet, directeur des synthèses économiques

Alstom Transports (*)

– M. Damien Cabarrus, responsable des affaires publiques

TABLES RONDES

Table ronde réunissant des responsables des solutions industrielles

Ville durable :

– M. Daniel Villessot, conseiller scientifique de Suez, représentant M. Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez

– M. Christophe Chevillion, directeur général de la société Environnement SA

– M. Pierre Hébert, chef économiste, représentant M. Jacques Pestre, directeur général adjoint de Saint-Gobain

– M. Marcel Torrents, président du directoire de Delta Dore

– M. Dominique Weber, président directeur général de Weber industries, président de l’Union nationale de l’industrie française de l’ameublement

Transports de demain :

– M. Jean-Marie Poimboeuf, ancien président de DCNS et GICAN

– M. Jean Perrot, directeur des affaires institutionnelles R & T Airbus group, représentant M. Jean Botti, directeur technique d’Airbus

Médecine du futur :

– M. Pierre Leurent, président du directoire, Voluntis, coordinateur général de l’Alliance eHealth France

Table ronde réunissant des membres du Conseil national de l’industrie (CNI)

– Mme Odile Kirchner, secrétaire générale

– M. Frédéric Grivot (CGPME)

– Mme Isabelle Martin (CFDT)

– M. Vincent Moulin-Wright (MEDEF)

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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