N° 3113 tome IX - Avis de Mme Estelle Grelier sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3113

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016 (n° 3096),

TOME IX

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

PAR Mme Estelle GRELIER

Députée

——

Voir le numéro 3110.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. DES OBJECTIFS POLITIQUES AMBITIEUX MAIS INSUFFISAMMENT FINANCÉS 7

A. 2016, TROISIÈME ANNÉE DE MISE EN œUVRE DU CADRE FINANCIER PLURIANNUEL 2014-2020 7

1. Un cadre financier pluriannuel 2014-2020 resserré 7

2. Une contraction des crédits qui doit être compensée par un recours accru aux instruments de flexibilité 10

B. LE BUDGET 2016 : COMMENT FINANCER LES DIX PRIORITÉS POLITIQUES DE LA NOUVELLE COMMISSION ? 12

1. Le projet de la Commission s’efforce de mettre l’accent sur l’emploi, la croissance, et la réponse à la crise migratoire 12

2. L’usage des instruments de flexibilité 15

3. La position du Conseil : un manque d’ambition 17

4. La position du Parlement européen, offensive 20

II. LE MODE DE FINANCEMENT DU BUDGET DE L’UNION EUROPÉENNE DOIT CHANGER 21

A. LA FRANCE, BÉNÉFICIAIRE ET CONTRIBUTEUR DU BUDGET DE L’UNION EUROPÉENNE À HAUTEUR DE 21,5 MILLIARDS D’EUROS CETTE ANNÉE 21

1. Un prélèvement sur recettes estimé à 21,5 milliards d’euros, prévision encore soumise à des incertitudes 21

2. Un solde net qui continue de se dégrader 24

B. LA QUESTION BUDGÉTAIRE DOIT ÊTRE SÉRIEUSEMENT DÉBATTUE EN 2016 LORS DE LA RÉVISION À MI-PARCOURS DU CADRE FINANCIER PLURIANNUEL 27

1. L’indispensable amélioration du pilotage des crédits doit s’accompagner d’une clarification des règles budgétaires 27

a. L’exécution du budget 2015 27

b. … qui appelle une meilleure évaluation des besoins, un pilotage plus fin des crédits et une clarification des règles budgétaires 31

2. La nécessité d’allouer des moyens aux priorités politiques de l’Europe : à quoi doit servir le budget européen ? 33

a. Un consensus politique sur les priorités de l’Union européenne mais peu de moyens pour les financer 33

b. Un système de ressources propres opaque et inefficace dont la réforme semble avortée 35

CONCLUSION 41

EXAMEN EN COMMISSION 43

INTRODUCTION

La Commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016, évaluant le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne (PSR-UE).

La négociation sur la proposition de budget pour 2016 est engagée. D’ores et déjà inscrite dans un cadre pluriannuel resserré, alors même que l’Union européenne doit composer avec une augmentation du nombre des États membres, de nouvelles compétences attribuées par les traités, , des besoins majeurs en termes d’investissements structurants, que ce soit en matière de recherche et développement, de transport et d’énergie, des défis stratégiques immenses, avec une multiplication des conflits dans son voisinage, dont la crise migratoire – à laquelle l’Europe peine encore à faire face – n’est encore que le faible écho.

Pour la deuxième année consécutive, un débat relatif au prélèvement européen aura lieu en séance publique. Sur la forme, c’est un progrès dont votre rapporteure, qui a plaidé pour sa réintroduction, se félicite. Mais sur le fond, elle regrette le formalisme et le peu d’avancée du débat sur les objectifs et les moyens financiers de la politique européenne. Ce rapport aura donc des airs de « déjà-vu », la rapporteure restant confiante quant à la possibilité d’influencer les positions, en répétant inlassablement les mêmes constats, analyses et propositions.

Pourtant, c’est le premier budget élaboré par la nouvelle Commission européenne présidée par M. Jean-Claude Juncker. Il se construit donc sur les dix priorités politiques définies dans le programme « pour l’emploi, la croissance, l’équité et le changement démocratique » présenté le 15 juillet 2014 par le Président de la Commission européenne devant le Parlement européen.

La Commission a indiqué de présenter un projet à la hauteur des ambitions fixées par le Conseil en juin 2014, en insistant sur la croissance et l’emploi, la sécurité, la politique migratoire et la politique extérieure. La Commission européenne affiche par ailleurs sa volonté de maîtriser les dépenses de personnel ainsi que les effectifs des institutions européennes. Elle insiste également sur sa détermination à résoudre le problème de l’accumulation des arriérés de paiement.

Mais la position du Conseil est, comme chaque année, en retrait. Le système des ressources propres de l’Union aboutit à une situation absurde, et très préoccupante, où chaque État essaie de reprendre d’une main ce qu’il donne de l’autre.

Certes, cette année, le cadre financier bénéficie des nouvelles modalités de souplesse de gestion définies avec le Parlement européen, dont la portée doit toutefois encore être précisée, notamment pour ce qui concerne la possibilité de mobiliser les instruments spéciaux au-delà du plafond des crédits de paiement. Mais ces instruments de flexibilité, à eux seuls, ne sauraient constituer une réponse aux problèmes de financement de l’Europe. Ils ne sont qu’un pis-aller. La question de la hauteur du budget européen, qui conditionne l’ambition des politiques européennes, qui est peut-être l’une des plus importantes, n’est jamais sérieusement posée.

Il est impossible de faire face à la crise de la zone euro, ou encore à celle des réfugiés, répondre aux défis stratégiques du voisinage de l’Union, marqué par une réelle déstabilisation, débloquer 300 milliards d’euros au service d’investissements structurants, lutter contre la désindustrialisation, tout en continuant de financer les programmes communautaires, sans réfléchir aux moyens dont l’Europe doit se doter.

A l’heure où la décision ressources propres (DRP) de février 2014 est soumise à l’approbation du Parlement, décision que votre rapporteure qualifie de réforme avortée, il importe de travailler sérieusement à la refonte du système des ressources de l’Union après 2020.

Lors des négociations sur le cadre financier pluriannuel, le Parlement européen, qui jugeait insuffisamment ambitieux les plafonds retenus, a notamment obtenu comme contrepartie à son approbation une clause de revoyure en 2016, à laquelle les Parlements nationaux seront associés au cours d’une conférence institutionnelle. Le budget européen, agrégation des contributions des différents États membres, a montré toutes ses limites et ressurgit chaque année le clivage entre les pays de la cohésion – dénonçant les engagements non tenus – et les contributeurs nets expliquant qu’ils souhaitent limiter leur contribution, tenus par des contraintes budgétaires fortes.. Un travail sur la valeur ajoutée du budget européen et la répartition de l’effort financier entre niveau communautaire et États membres fait aujourd’hui défaut, de même qu’une réflexion sur la nécessité d’une véritable politique budgétaire de la zone euro. Se pose aussi, à plus long terme, la question institutionnelle et les limites de la règle de l’unanimité, portant notamment sur les décisions relatives aux ressources propres – une des raisons pour lesquelles le système n’a jamais été réformé et qui laisse craindre un même manque d’ambition pour l’après 2020, mais aussi la question des pouvoirs du Parlement européen, cantonné aujourd’hui à un rôle consultatif sur le volet « recettes » du budget.

À nouvelle Commission, nouvelles priorités politiques. Cependant, ces priorités devront se couler dans un cadre financier restreint qui a été fixé par les institutions européennes avant les élections de mai 2014. Votre rapporteure a souvent rappelé combien le calendrier de cette procédure pose un sujet démocratique, notamment dans le contexte du nouveau mode de désignation du Président de la Commission qui suppose un projet présenté aux électeurs et donc un budget.

L’accord politique fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 a en effet été conclu le 27 juin 2013 – après deux ans et demi d’âpres négociations – entre le président de la Commission européenne, le président du Parlement européen et le Premier ministre irlandais qui assurait la présidence du Conseil (1). Cette année, de nouveaux instruments de flexibilité pourront être utilisés, dont la portée doit encore être précisée. Sur le projet de budget, on retrouvera, malheureusement sans surprise, la désormais traditionnelle opposition de la Commission et du Parlement européen d’un côté, et du Conseil de l’autre, sur le projet de budget, ce qui n’est que le miroir d’un mode de financement devenu obsolète.

Le projet de budget pour 2016 est le deuxième à être établi conformément au cadre budgétaire défini par le traité de Lisbonne. En effet, le règlement fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 et l’accord interinstitutionnel sur la coopération en matière budgétaire (2)  ainsi que les actes juridiques relatifs à la nouvelle génération de programmes de dépenses a été adopté formellement en décembre 2013. Pour sa part, la décision du Conseil relative aux ressources propres, adoptée le 26 mai 2014, et soumise à l’approbation de notre Parlement, doit entrer en vigueur en 2016, après avoir été ratifiée par l’ensemble des États membres, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2014.

Comme votre rapporteure l’a souligné dans ses avis précédents, en euros constants, le nouveau cadre pluriannuel marque un recul de 3,4 % en engagements et de 3,6 % en paiements par rapport au cadre 2007-2013 dans le contexte d’accroissement du nombre d’Etats et d’augmentation des compétences de l’Union.

En ce qui concerne les montants fixés, en euros courants, pour la première année du nouveau cadre (2014) par rapport à ceux fixés pour la dernière année du précédent cadre (2013), ils accusent une nette diminution :

– pour 2013, le plafond global des crédits d’engagement s’établissait à 152,5 milliards d’euros (1,15 % de la richesse de l’Union mesurée par le revenu national brut – RNB), et le plafond des crédits de paiement à 143,9 milliards d’euros (1,08 % du RNB de l’Union) ;

– pour 2014, le plafond global des crédits d’engagement s’établirait à 142,54 milliards d’euros (1,03 % du RNB de l’Union), et le plafond des crédits de paiement à 135,87 milliards d’euros (0,98 % du RNB de l’Union).

À noter que, dans le cas d’une comparaison entre deux exercices budgétaires, l’unité utilisée est l’euro courant, comme c’est le cas pour les budgets nationaux. Par rapport aux plafonds qui étaient fixés pour l’année 2013, les plafonds pour 2014 seraient donc en baisse de 5,8 %.

Les tableaux suivants retracent le cadre financier pluriannuel 2014-2020, le premier en euros constants, le second en euros courants :

PROJET DE CADRE FINANCIER 2014-2020 (EN EUROS CONSTANTS 2011)

(en millions d’euros)

Crédits d’engagement

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total
2014-2020

1. Croissance intelligente et inclusive

60 283

61 725

62 771

64 238

65 528

67 214

69 004

450 763

1a. Compétitivité pour la croissance et l’emploi

15 605

16 321

16 726

17 693

18 490

19 700

21 079

125 614

1b. Cohésion économique, sociale et territoriale

44 678

45 404

46 045

46 545

47 038

47 514

47 925

325 149

2. Croissance durable : ressources naturelles

55 883

55 060

54 261

53 448

52 466

51 503

50 558

373 179

dont : dépenses de marché et paiements directs

41 585

40 989

40 421

39 837

39 079

38 335

37 605

277 851

3. Sécurité et citoyenneté

2 053

2 075

2 154

2 232

2 312

2 391

2 469

15 686

4. L’Europe dans le monde

7 854

8 083

8 281

8 375

8 553

8 764

8 794

58 704

5. Administration

dont dépenses administratives des institutions

8 218

6 649

8 385

6 791

8 589

6 955

8 807

7 110

9 007

7 278

9 206

7 425

9 417

7 590

61 629

49 798

6. Compensations

27

0

0

0

0

0

0

27

Total crédits d’engagement

134 318

135 328

136 056

137 100

137 866

139 078

140 242

959 988

en % du RNB

1,03 %

1,02 %

1,00 %

1,00 %

0,99 %

0,98 %

0,98 %

1,00 %

Total crédits de paiement

128 030

131 095

131 046

126 777

129 778

130 893

130 781

908 400

en % du RNB (3)

0,98 %

0,98 %

0,97 %

0,92 %

0,93 %

0,93 %

0,91 %

0,95 %

Marge disponible

0,25 %

0,25 %

0,26 %

0,31 %

0,30 %

0,30 %

0,30 %

0,28 %

Plafond des ressources propres en % du RNB

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

Source : Commission européenne.

PROJET DE CADRE FINANCIER 2014-2020 (EN EUROS COURANTS)

(en millions d’euros)

Crédits d’engagement

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total
2014-2020

1. Croissance intelligente et inclusive

60 973

66 813

69 304

72 342

75 271

78 752

82 466

508 921

1a. Compétitivité pour la croissance et l’emploi

16 390

17 406

18 467

20 038

21 354

23 199

25 311

142 165

1b. Cohésion économique, sociale et territoriale

47 583

49 407

50 837

52 304

53 917

55 553

57 155

366 756

2. Croissance durable : ressources naturelles

59 303

59 599

59 909

60 191

60 267

60 344

60 421

420 034

dont : dépenses de marché et paiements directs

41 130

44 368

44 628

44 863

44 889

44 916

44 941

312 735

3. Sécurité et citoyenneté

2 179

2 246

2 378

2 514

2 656

2 801

2 951

17 725

4. L’Europe dans le monde

8 325

8 749

9 143

9 432

9 825

10 268

10 510

66 262

5. Administration

dont dépenses administratives des institutions

8 721

7 056

9 076

7 351

9 483

7 679

9 918

8 007

10 346

8 360

10 786

8 700

11 254

9 071

69 584

56 224

6. Compensations

29

0

0

0

0

0

0

29

Total crédits d’engagement

142 540

146 483

150 217

154 397

158 365

162 951

167 602

1 082 555

en % du RNB

1,03 %

1,02 %

1,00 %

1,00 %

0,99 %

0,98 %

0,98 %

1,00 %

Total crédits de paiement

135 866

142 448

144 265

142 285

148 704

155 310

156 801

1 025 679

en % du RNB (3)

0,98 %

0,99 %

0,96 %

0,92 %

0,93 %

0,94 %

0,91 %

0,95 %

Source : Commission européenne.

Compte tenu des restrictions budgétaires proposées, reflet des pressions budgétaires sur les États membres, le Parlement européen a conditionné son approbation du cadre financier pluriannuel à une flexibilité accrue dans l’exécution budgétaire :

– une plus grande flexibilité est prévue dans le recours aux instruments spéciaux, afin d’en accroître les possibilités de mobilisation. La possibilité est ainsi introduite de reporter les crédits de la réserve d’aide d’urgence et du Fonds de solidarité de l’Union européenne sur l’année suivante, tandis que la possibilité de reporter les crédits de l’instrument de flexibilité est portée de deux à trois ans.

– la marge sous le plafond des paiements du cadre financier d’une année peut être reportée automatiquement sur l’année suivante, ce qui constitue une avancée importante. Un plafond encadrant le montant des reports est toutefois prévu pour les années 2017-2018-2019 à hauteur de, respectivement, 7, 9 et 10 milliards, soit 26 milliards d’euros au total. Ce mécanisme garantit que la totalité des 908 milliards d’euros du CFP 2014-2020, qui s’inscrivent pourtant en retrait en euros constants, pourra être utilisée sur la période. Il devrait ainsi conduire à une utilisation des crédits supérieure à celle du cadre financier pour 2007-2013, qui, mobilisé à hauteur de 885 milliards d’euros, a été sous-exécuté – notamment pour ce qui est des programmes de cohésion.  Votre rapporteure considère d’ailleurs que, alors que l’Europe devait faire face sur la période à une crise économique d’une rare ampleur, cette sous-exécution interroge.

– les marges laissées disponibles sous les plafonds des engagements du cadre financier pour les années 2014 à 2017 peuvent être reportées sur la période 2016-2020, ce qui représente environ 2,6 milliards d’euros. Ces crédits seront fléchés vers la croissance et l’emploi, et notamment l’emploi des jeunes. Il s’agit ainsi notamment de prolonger, à partir de 2016, l’Initiative pour l’emploi des jeunes dont le financement de 6 milliards d’euros est concentré sur 2014 et 2015, à la demande de la France, pour garantir l’efficacité de la mesure au regard de l’ampleur du chômage des jeunes en Europe.

– une « marge pour imprévus », d’un montant ne pouvant dépasser 0,03 % du RNB de l’Union, peut être mobilisée au-delà des plafonds fixés, en dernier ressort, afin de faire face à des dépenses qui ne peuvent être anticipées. Le 28 mai 2014, la Commission a présenté un projet de budget rectificatif n° 3 qui prévoit la mobilisation de cette marge à hauteur de 4,7 milliards d’euros, ce qui conduit à un dépassement du plafond prévu en crédits de paiement par le cadre financier pluriannuel. Les crédits ont principalement bénéficié à la politique de cohésion (2 486 millions d’euros) et, dans une moindre mesure à la politique extérieure (650 millions), aux politiques de croissance et de compétitivité (422 millions), à la politique agricole (54 millions) et aux politiques de sécurité et de citoyenneté (12 millions). Dans leur quasi-totalité, ils ont été mobilisés grâce à la marge pour imprévus.

S’y ajoutent les instruments spéciaux (réserve pour aide d’urgence, Fonds de solidarité de l’Union européenne, instrument de flexibilité et Fonds européen d’ajustement à la mondialisation), qui constituent un facteur d’assouplissement du cadre financier puisque leur mobilisation peut également entraîner un dépassement des plafonds de crédits.

Une controverse juridique, qui recouvre des enjeux financiers et politiques considérables, oppose la Commission et le Parlement européen à une partie des États membres du Conseil sur l’usage des instruments de flexibilité. Les premiers considèrent qu’il est possible de mobiliser les instruments spéciaux au-delà des crédits d’engagement et de paiements. Pour ces derniers, le règlement du cadre financier pluriannuel mentionne expressément la possibilité de mobiliser les instruments spéciaux au-dessus des plafonds en crédits d’engagement. A contrario, en l’absence de mention expresse de la possibilité de dépassement en crédits de paiement, ils en déduisent que l’autorité législative a souhaité exclure cette possibilité. Les seconds estiment que cette possibilité porte uniquement sur les crédits d’engagement.

L’ensemble des moyens proposés par la Commission européenne dans le projet pour 2016 modifié par la lettre rectificative n° 13 s’établit à 153,8 milliards en engagements, soit 1,05 % du RNB, et à 143,5 milliards en paiements, soit 0,98 % du RNB.

Par rapport à 2015, les crédits de paiement progressent d’1,6 %, ce qui correspond à une quasi-stabilisation en volume, et les crédits d’engagement diminuent de 5 %. Cette baisse doit toutefois être relativisée. En effet, si l’on neutralise la reprogrammation des crédits de 2014, qui se fait à titre principal sur 2015, les engagements progressent de 2,4 % entre 2015 et 2016.

Conformément aux priorités affirmées par la Commission européenne et aux orientations données par les autorités européennes, l’accent est plus particulièrement mis sur la croissance et l’emploi, la sécurité, la politique migratoire et la politique extérieure. La Commission européenne affiche également sa volonté de maîtriser les dépenses administratives, qui augmentent néanmoins de 2,9 %, et de réduire les effectifs des institutions européennes, en application de l’accord interinstitutionnel du 2 décembre 2013 sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière.

La répartition des engagements par rubrique, qui est retracée ci-après, marque la prédominance des moyens mobilisés en faveur du soutien à la croissance et à l’emploi, qui mobilise 45 % des crédits, voire 86 %, si l’on inclut les moyens destinés à la politique agricole.

RÉPARTITION DES ENGAGEMENTS POUR 2016

Source : Commission européenne.

Si les engagements inscrits au titre de la politique de compétitivité augmentent de 7,8 %, avec comme priorités le plan pour l’investissement en Europe, le programme Horizon 2020, le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe et le programme ERASMUS +, ce sont les engagements prévus pour la politique de sécurité et de citoyenneté qui enregistrent la plus forte progression (+ 9,8 %, + 12,6 % une fois les effets de la reprogrammation des crédits de 2014 neutralisés), avec une attention particulière accordée aux politiques migratoire et de sécurité, suivis par ceux consacrés à la politique extérieure (+ 5,6 %). Il s’agit en particulier d’aider les régions proches des frontières de l’Union et qui constituent des zones de crises, avec une attention particulière accordée à l’Ukraine. La baisse des engagements destinés à la politique de cohésion (– 16 %) doit être relativisée, car, une fois neutralisé l’effet de la reprogrammation des crédits de 2014, les engagements augmentent de 3,2 %. Ceux destinés à la politique agricole et de la pêche sont stabilisés.

Pour ce qui concerne les paiements, la Commission européenne insiste sur sa détermination à résoudre le problème de l’accumulation des arriérés de paiement, alors que 2016, troisième année du CFP, constitue une année charnière, traditionnellement marquée par de moindres besoins en paiements, puisqu’elle correspond à la fin de l’exécution des programmes du précédent cadre financier et au lancement des nouveaux programmes. Votre rapporteure plaide constamment, depuis 2012, pour une résolution pérenne de la crise des paiements européenne.

C’est la politique extérieure qui devrait bénéficier de la plus forte progression de crédits de paiement (+ 29 %), suivie par la politique de sécurité et de citoyenneté (+ 17 %) et la politique de compétitivité (+ 11,4 %). Si les paiements en matière agricole sont globalement stabilisés, ceux destinés à la politique de cohésion baissent de 4 %. Toutefois, cette diminution traduit deux évolutions distinctes : d’une part, une forte hausse des paiements destinés à l’Initiative pour l’emploi des jeunes et, d’autre part, de moindres besoins de paiements qui résultent de la conjugaison de la fin des programmes de la période 2007-2013 et du début des nouveaux programmes pour 2014-2020, comme cela vient d’être rappelé.

La répartition des paiements par rubrique est retracée ci-après.

RÉPARTITION DES PAIEMENTS POUR 2016

Source : Commission européenne.

La proposition de la Commission européenne tente d’apporter des réponses aux défis auxquels l’Europe est confrontée en matière économique et géopolitique, dans un contexte financier particulièrement contraint. La rapporteure regrette toutefois ce manque d’ambition et considère qu’il est souhaitable d’augmenter les moyens budgétaires destinés aux politiques européennes.

Elle juge en particulier que le plan en faveur de l’investissement en Europe, insuffisant au regard des besoins en investissement au sein de l’Union, ne doit pas être financé par redéploiement à partir de programmes déjà validés, comme Horizon 2020 ou le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe.

Elle regrette par ailleurs que l’Initiative pour l’emploi des jeunes ne trouve pas de prolongements en engagements en 2016, alors qu’il s’agit d’un dispositif essentiel pour lutter contre le chômage des jeunes.

Votre rapporteure s’inquiète enfin de la soutenabilité de la rubrique « Citoyenneté et sécurité » qui, regroupant à la fois les moyens de la politique migratoire et de sécurité et le soutien aux secteurs culturel et audiovisuel ou encore le programme « L’Europe pour les citoyens », requiert le recours à l’instrument de flexibilité. Elle plaide ainsi en faveur d’une révision à la hausse du plafond de cette rubrique dans le cadre du réexamen du CFP prévu en 2016.

Au titre des instruments spéciaux, qui sont destinés à faire face à des circonstances exceptionnelles et dont la mobilisation peut entraîner un dépassement des plafonds en engagements – la question du dépassement du plafond des paiements n’étant pas tranchée –, la Commission européenne propose 524,6 millions d’euros en engagements et 389 millions d’euros en paiements. La réserve pour aides d’urgence aux États tiers, sollicitée notamment en cas de catastrophe humanitaire, est dotée de 309 millions en engagements et en paiements, soit le montant maximal qui peut lui être alloué en 2016. Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM), qui a pour objectif de faciliter l’accès au marché du travail des personnes licenciées à la suite des mutations du commerce mondial (en finançant des mesures supplémentaires à celles prévues par les législations nationales), s’établit à 165,6 millions en engagements – soit le montant maximum autorisé dans le CFP. 30 millions d’euros en paiements sont également proposés pour le FEM, afin de pouvoir donner suite plus rapidement aux demandes qui pourraient être présentées en 2016. Le Fonds de solidarité de l’Union européenne, dont le montant maximal est fixé à 552 millions d’euros en 2016, est doté de 50 millions en engagements ainsi qu’en paiements pour permettre, si nécessaire, un préfinancement des programmes.

Le projet de budget pour 2016, dont instruments spéciaux, tel qu’initialement proposé par la Commission s’élevait à 153 529,5 millions d’euros en crédits d’engagement (CE) et à 143 541,5 millions d’euros en crédits de paiement (CP).

Suite à l’accord obtenu entre le Conseil et le Parlement sur le financement du plan d’investissement européen (dit « plan Juncker » - cf. partie 3.1.4. - encadré n° 8), la Commission a présenté le 26 juin 2015 une lettre rectificative (LR) au projet de budget tirant les conséquences budgétaires de cet accord. Par rapport au projet de budget initial, cette LR majore les CE de + 303 millions d’euros, le montant des CP restant inchangé.

Au total, le projet de budget pour 2016 après LR s’élève à 153 832,3 millions d’euros en CE et à 143 541,5 millions d’euros en CP soit une baisse de – 5 % en CE par rapport au budget 2015 voté (incluant les budgets rectificatifs n° 1 à 5/2015 votés par le Conseil à la date de rédaction du présent document) et une hausse de + 1,6 % en CP. Les CE, hors instruments spéciaux (y compris marge globale pour engagements et instrument de flexibilité), s’élèvent à 152 641 millions d’euros, la marge sous plafond4 s’établit donc à 2 097 millions d’euros. Les CP, hors instruments spéciaux, s’élèvent à 143 152 millions d’euros. La Commission propose de fixer les instruments spéciaux, y compris l’instrument de flexibilité, à hauteur de 435 millions d’euros. La marge sous plafond en CP s’élève donc à 1 144 millions d’euros, les instruments spéciaux étant comptabilisés sous plafond.

Il convient de souligner qu’il est fait usage, pour la première fois, de la marge globale pour les engagements prévue par l’article 14 du règlement CFP. Celui-ci dispose en effet que les marges restées disponibles sous les plafonds du cadre financier pour les engagements des années 2014 à 2017 constituent une marge globale qui peut être mobilisée au-delà des plafonds définis par le CFP pour les années 2016 à 2020, afin d’atteindre les objectifs des politiques liées à la croissance et à l’emploi, en particulier celui des jeunes. Votre co-rapporteure tient à cet égard à souligner que l’existence de marges non utilisées résulte de la volonté de certains États de réduire autant que possible leur contribution au budget européen et partant, s’interroge sur la mobilisation de cette mesure.

La marge issue de 2014 et disponible pour 2016 s’établit ainsi à 543 millions d’euros. Après avoir proposé, dans le projet de budget pour 2016 présenté le 27 mai 2015, de la mobiliser à hauteur de 351,4 millions d’euros pour participer au financement du fonds de garantie du FEIS, la Commission européenne suggère, par l’intermédiaire de la lettre rectificative n° 1 présentée le 26 juin 2015, d’utiliser l’intégralité de cette marge, soit 543 millions d’euros, à cet effet. Il s’agit ainsi de tenir compte de l’accord politique conclu le 28 mai 2015 entre le Conseil et le Parlement européen, qui prévoit, pour financer le fonds de garantie du FEIS, de moindres redéploiements à partir du programme Horizon 2020 (150 millions d’euros) et du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (153 millions d’euros), grâce à une mobilisation accrue de la marge globale pour les engagements (191,6 millions d’euros) et à la diminution (de 111,4 millions d’euros) de la marge sous le plafond de la sous-rubrique « Compétitivité » (1A), bonne mesure, qui répond aux inquiétudes formulées sur les redéploiements par le Parlement européen, repris par l’Assemblée nationale.

Il convient par ailleurs de noter que, comme l’an dernier, la Commission européenne propose de mobiliser l’instrument de flexibilité, qui permet la prise en charge de dépenses précisément identifiées, non prévues et qui ne peuvent être financées dans la limite des plafonds disponibles. Tandis que le montant maximum qui peut être mobilisé au titre de ce dispositif s’élève à 520 millions d’euros en 2016, la Commission européenne suggère de l’utiliser à hauteur de 124 millions d’euros en engagements et de 45,7 millions d’euros en paiements.

L’inscription de 124 millions d’euros en engagements a pour objet de contribuer au financement des mesures exceptionnelles et temporaires prises en matière de gestion des flux migratoires, afin de réduire la pression exercée sur les régimes d’asile et de migration en Italie et en Grèce. Il s’agit principalement de mettre en œuvre un mécanisme de relocalisation temporaire des demandeurs d’asile arrivés en Italie et en Grèce vers les autres États membres. Sur les 150 millions d’euros prévus à cet effet en 2016, 26 millions devraient pouvoir être financés sous le plafond de la rubrique « Sécurité et citoyenneté » et 124 millions à partir de l’instrument de flexibilité5. Les paiements correspondants seront budgétés à compter de 2017.

45,7 millions d’euros en paiements sont par ailleurs prévus pour couvrir les engagements résultant de la mobilisation de l’instrument de flexibilité en 2014 et en 2015, afin d’accroître le montant des fonds structurels bénéficiant à Chypre en raison de la situation économique particulièrement dégradée à laquelle cet État membre a dû faire face en 2013.

À cet égard, il convient de rappeler que, si, s’agissant des engagements, le principe de la mobilisation de l’instrument de flexibilité au-delà des plafonds est reconnu, la question fait encore débat pour les paiements. En effet, la controverse engagée l’an dernier n’a pas été tranchée. La Commission européenne et le Parlement européen considèrent que ces paiements doivent être inscrits au-delà du plafond des paiements, tandis que les États contributeurs nets soutiennent le contraire. Avons-nous une idée du calendrier de règlement de ce point ?

La position du Conseil sur le projet de budget pour 2016 a été arrêtée en Coreper (comité des représentants permanents de l’Union européenne) le 9 juillet 2015, puis définitivement adoptée le 4 septembre 2015, sur la base du troisième texte de compromis proposé par la présidence luxembourgeoise.

Au vu du projet de la Commission, qui prévoyait déjà des marges significatives, le Conseil a souhaité accroître encore ces marges afin de faire face à de possibles imprévus en cours de gestion et de garantir la soutenabilité du cadre financier, tout en tenant compte des conditions d’exécution réelles du budget de l’Union. Il s’agit également d’assurer l’apurement des restes-à-payer de la période précédente, comme agréé dans le « plan pour les paiements 2015-2016 ». Le Conseil a enfin cherché à préserver une augmentation substantielle des crédits correspondant aux priorités politiques de l’Union, qui se sont notamment traduites dans la mise en place du Fonds européen pour les investissements stratégiques et de l’agenda européen pour les migrations.

Comme l’indique l’annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2015 sur les relations financières avec l’Union européenne, la position du Conseil a été élaborée à la lumière des principes suivants :

– veiller à ce que le budget 2016 s’inscrive dans les orientations budgétaires 2016, adoptées dans les conclusions du Conseil le 17 février 2015 ;

– respecter la discipline budgétaire et la bonne gestion financière et tenir également compte des contraintes économiques et budgétaires actuelles dans les États membres ;

– veiller à ce que les différentes priorités de l’Union européenne bénéficient d’un financement adéquat, en déterminant les crédits sur la base de l’exécution budgétaire passée et en cours et de capacités d’absorption réalistes ;

– prévoir les crédits nécessaires pour respecter l’accord sur le plan pour les paiements 2015-2016 ;

– respecter l’accord intervenu sur le financement du Fonds européen pour les investissements stratégiques ;

– prévoir les crédits nécessaires pour la mise en œuvre des conclusions du Conseil européen d’avril et de juin 2015 concernant des mesures dans le domaine des migrations ;

– permettre la mise en œuvre des nouveaux programmes au cours de la troisième année du CFP 2014-2020 ;

– dégager des marges suffisantes sous les plafonds des rubriques et sous-rubriques du CFP à l’exception de la sous-rubrique 1b et la rubrique 3, afin de pouvoir faire face à des situations imprévues ;

– conserver une maîtrise rigoureuse des crédits de paiement pour toutes les rubriques et sous-rubriques du CFP et créer une marge suffisante pour faire face à des événements imprévus, ce qui entraîne leur diminution, en particulier pour les sous-rubriques 1a et 1b et les rubriques 2 et 4.

En ce qui concerne les dépenses administratives des institutions, le Conseil a rappelé l’importance de limiter leur hausse en 2016 et a réaffirmé l’objectif de réduction des effectifs de – 5 %, entre 2013 et 2017, dans une déclaration annexée à sa position.

Le Conseil a ainsi fixé le niveau des crédits d’engagement à 153,269 milliards d’euros, soit une diminution de – 5,4 % par rapport au budget 2015 voté (y compris les budgets rectificatifs n° 1 à 5) et a limité la hausse des crédits de paiement à + 0,6 %.

Ainsi, par rapport au projet de budget pour 2016 de la Commission, le Conseil a décidé de réduire les montants proposés de – 564 millions d’euros pour les crédits d’engagement (soit une marge sous plafond de 2 636 millions d’euros au total) et de – 1 422 millions d’euros pour les crédits de paiement (soit – 2 565 millions d’euros en-dessous du plafond). Les instruments spéciaux sont maintenus au niveau proposé par la Commission, hormis l’instrument de flexibilité qui n’est plus mobilisé en crédits de paiement.

Deux déclarations ont été jointes à la position du Conseil :

– une déclaration sur les crédits de paiement. Cette déclaration comporte 2 volets. Le premier paragraphe demande un réajustement des crédits de la rubrique 2 si nécessaire, au regard des informations qui seront apportées dans la lettre rectificative portant sur l’agriculture. Le second paragraphe tire les conséquences de l’accord sur le « plan pour les paiements 2015-2016 » et demande à la Commission de « présenter en temps utile des chiffres actualisés concernant la situation et les estimations relatives aux crédits de paiement en 2016 en vue de permettre à l’autorité budgétaire d’arrêter les décisions nécessaires en temps voulu pour des besoins justifiés ». Cette déclaration est donc différente de celles des années précédentes, qui demandaient la présentation de budgets rectificatifs en cas d’insuffisance de crédits de paiement ;

– une déclaration du Conseil portant sur l’objectif de réduction de – 5 % des effectifs. Cette déclaration rappelle l’objectif de réduction des effectifs de –5 % entre 2013 et 2017, tel que prévu au point 27 de l’accord interinstitutionnel du 2 décembre 20136. Le Conseil prend note des progrès déjà réalisés et demande à l’ensemble des institutions et organes de continuer à mettre en œuvre les réductions d’effectifs prévues, en particulier s’agissant des institutions les plus en retard dans l’atteinte de cet objectif. La déclaration insiste également sur l’importance du suivi des effectifs des personnels externes, non couverts initialement par l’objectif de - 5 %. Elle souligne enfin que les progrès réalisés devraient permettre aux institutions de réaliser des économies dans leurs dépenses de fonctionnement administratif.

Votre rapporteure juge, au risque de se répéter, que l’écart entre la position de la Commission, soutenue par le Parlement européen et celle du Conseil est en réalité le symptôme des dysfonctionnements du financement de l’Union européenne.

Nous pouvons déplorer chaque année la dureté, et le caractère schizophrénique de la position du Conseil. Mais in fine, ce blocage institutionnel durera aussi longtemps que le budget européen ne sera pas doté de ressources propres suffisantes, et que les États membres resteront pris entre l’obligation de réduire leur déficit et celle de financer un budget européen ambitieux.

Le Parlement européen a adopté, le 8 juillet 2015, le mandat pour le trilogue sur le projet de budget 2016 où il propose un budget de 157,4 milliards d’euros en crédits d’engagements et de 146,5 milliards d’euros en crédits de paiements.

« Nos amendements permettent au budget de relever les défis posés par la crise des réfugiés, de renforcer les programmes liés à l’emploi, et d’aider les agriculteurs du secteur laitier. Nous avons proposé 1,2 milliard d’euros pour les fonds, les programmes et les agences liés à la migration. Nous souhaitons que l’initiative pour l’emploi des jeunes se poursuive et respecte les engagements pris précédemment. Nous avons aussi proposé des fonds supplémentaires pour Horizon 2020. Et nous avons alloué 500 millions d’euros aux agriculteurs du secteur laitier – il faudra désormais voir si le Conseil respectera ces demandes pendant les négociations », a affirmé le rapporteur du budget, José Manuel Fernandes (PPE, PT).

Les députés ont proposé une hausse de 1,2 milliard d’euros pour soutenir les agences européennes faisant face à la crise des réfugiés.

Pour poursuivre l’objectif du Parlement d’aider les entreprises et de promouvoir l’entreprenariat, les députés ont proposé une hausse de 16,5 millions d’euros des crédits en faveur des petites et moyennes entreprises – programme COSME. Le Parlement propose une hausse de 473 millions d’euros des crédits en faveur des futurs programmes de l’Initiative pour l’emploi des jeunes, et du programme Erasmus+.

La commission des budgets a rétabli les 1,3 milliard d’euros au profit du programme européen de recherche Horizon 2020 et des programmes de transports et de réseaux énergétiques. Cet argent avait été réaffecté pour alimenter le fonds de garantie des investissements dans le cadre du plan Juncker. La commission a prévu 500 millions d’euros supplémentaires pour aider les agriculteurs du secteur laitier touchés par la chute des prix.

Ils ont enfin fait part de leur intention d’utiliser davantage les marges disponibles et les dispositions du CFP relatives à la flexibilité pour renforcer les moyens destinés aux priorités qu’ils ont définies. Ils rappellent à cet égard qu’ils considèrent que les instruments spéciaux doivent être inscrits au-delà des plafonds, tant en engagements qu’en paiements.

Le prélèvement communautaire est cette année évalué à 21,5 milliards d’euros. Pour mémoire, le prélèvement est inclus dans la norme de dépenses de l’État, c’est-à-dire « zéro valeur » hors charges de la dette et pensions : toute évolution à la hausse, en valeur, de ce prélèvement, doit donc se traduire par une diminution à due concurrence d’autres dépenses du budget de l’État.

Votre rapporteure souhaite insister sur le caractère frustrant du calendrier de discussion du prélèvement européen. Le débat devrait se faire en deux temps : sur la proposition de la Commission en avril, sur laquelle le Parlement pourrait prendre position et, une seconde fois, lorsque le budget serait arrêté, pour discuter du prélèvement de recettes. Il conviendrait de débattre en deux temps pour une bonne pratique démocratique. De plus, les députés sont amenés à se prononcer sur un montant prévisionnel du prélèvement sur lequel pèsent de nombreuses incertitudes, et dont le montant peut varier de manière substantielle durant l’année, ce qui n’est pas satisfaisant.

L’article 22 du projet de loi de finances pour 2016 fixe à 21,5 milliards d’euros en 2016 le montant prévisionnel, pour 2016, du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne.

Pour mémoire, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est la somme de deux types de contributions :

– une première contribution correspond à la part de la France dans la ressource « TVA », qui consiste en l’application d’un taux uniforme aux assiettes nationales de TVA. La correction britannique est financée par un mécanisme faisant appel à cette ressource ;

– une seconde contribution est assise sur le produit national brut (dite ressource RNB) de chaque État et joue le rôle de variable d’ajustement du budget communautaire. Elle représente près de 80 % du prélèvement.

Le tableau ci-après illustre la ventilation du prélèvement en 2016 entre ces différentes composantes.

VENTILATION DU PRÉLÈVEMENT EN 2016

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4450

Dont correction britannique

1497

Ressource RNB

17059

Prélèvement total

21509

Source : annexe relative à l’évaluation des voies et moyens 2016.

L’évaluation de la contribution française repose sur :

– une évaluation du besoin de financement de l’Union en 2015 conforme à la position du Conseil ;

– les hypothèses de solde reporté de 2014 à 2015, sachant que l’exécution du PSR-UE 2014 dépend du vote des budgets rectificatifs et reste donc difficile à prévoir à ce stade ;

– les prévisions relatives à l’assiette de la TVA et du RNB, ainsi qu’au rabais britannique. Compte tenu de l’entrée en vigueur différée à 2016 de la nouvelle décision relative aux ressources propres 2014-2020, aucun rabais ne sera versé à titre transitoire en 2015, à l’exception de la correction britannique.

La part de la ressource RNB dans la contribution nette à l’Union européenne devrait ainsi atteindre en 2015 73% de la contribution, la TVA 13%, les ressources propres traditionnelles, hors frais de perception, 7% et la correction britannique 6%.

En outre, en 2016, l’estimation de la contribution française prend également en compte l’impact de l’entrée en vigueur prévisionnelle de la nouvelle décision relative au système des ressources propres de l’Union européenne. La France devra donc notamment s’acquitter, en 2016 et de façon rétroactive, des corrections et rabais forfaitaires accordés à certains États membres au titre des années 2014 et 2015. Cet impact est estimé à + 0,9 milliards d’euros sur le prélèvement sur recettes. Cet effet rétroactif est analogue à celui du précédent cadre financier 2007-2013, pour lequel la décision ressources propres était entrée en vigueur en 2009.

Un certain nombre d’incertitudes pèsent sur l’évaluation du prélèvement.

Le résultat des négociations budgétaires n’est pas assuré (connu?). D’autre part, les budgets rectificatifs, qui peuvent être adoptés en cours d’année, peuvent augmenter ou réduire les dépenses du budget communautaire, par rapport au montant sur lequel se fondait la prévision, en loi de finances initiale, de la contribution de la France.

Enfin, la prévision de prélèvement est également fondée sur plusieurs hypothèses relatives aux recettes du budget communautaire, qui peuvent ne pas se réaliser comme prévu en cours d’année, parmi lesquelles : une estimation du solde reporté du budget de l’année précédente, qui dépend notamment du budget rectificatif de fin d’année, une estimation des assiettes des ressources TVA et RNB, une évaluation de la participation de la France au dispositif dit du « chèque britannique », dont le montant dépend notamment de la part des dépenses réparties sur le territoire britannique dans le total des dépenses réparties au sein de l’Union, du montant des dépenses réparties au sein des nouveaux États membres ainsi que du montant des dépenses de développement rural et de la politique agricole commune (PAC).

On constate de ce fait des écarts réguliers, parfois substantiels, entre la prévision et la réalisation de la participation de la France au financement du budget communautaire. En 2009, il était de plus d’un milliard d’euros. 2013 a aussi constitué une année particulière en termes d’écarts constatés (1,8 milliards d’euros supplémentaires ont été supportés par la France en raison d’une majoration du PSR au titre du budget 2012, appelée début 2013, et du dépôt de 9 budgets rectificatifs par la Commission).

Pour 2014, l’exécution du PSR-UE est supérieure de + 123 millions d’euros au montant inscrit initialement en loi de finances. Pour 2015, le prélèvement sur recettes est évalué à 20 042 millions d’euros dans le programme de stabilité (avril 2015), soit – 700 millions d’euros en-dessous de la loi de finances initiale.

Votre rapporteure regrette le formalisme des discussions qui entourent chaque année l’examen du PSR-UE. Bien que faisant l’objet d’une discussion spécifique en séance plénière depuis l’année passée, la question ne fait pas l’objet de véritables débats au Parlement, et semble peu provoquer l’intérêt du Gouvernement.

Comme l’a souligné à maintes reprises votre rapporteure, la notion de solde net – la différence entre ce qu’un État membre verse au budget communautaire et ce qu’il reçoit grâce aux dépenses de l’Union européenne effectuées sur son territoire – doit être maniée avec prudence et distance.

En effet, d’une part, cette notion, dont le mode de calcul est variable, ne saurait retracer la totalité des coûts et bénéfices de l’appartenance à l’Union européenne. Non seulement certaines dépenses ne peuvent être réparties avec précision entre États membres – c’est le cas par exemple des dépenses de politique extérieure – mais il faut tenir compte des externalités positives difficilement chiffrables, induites par l’appartenance au marché unique ou celles résultant, pour un État membre, de l’utilisation de fonds européens dans un autre État membre, qui peut générer un effet positif sur les équilibres économiques nationaux. D’autre part, il ne s’agit pas d’entrer dans une logique purement comptable et strictement nationale, à l’inverse de l’idée de solidarité européenne qui est au fondement de la création d’un budget européen, et que votre rapporteure défend.

Pour autant, la claire tendance à la baisse de cet indicateur mérite d’être soulignée. La contribution française au budget de l’Union est en progression constante depuis plus de vingt ans.

Le montant de la contribution française au profit de l’Union européenne (prélèvement sur recettes et ressources propres traditionnelles nettes) a été multiplié par six en valeur entre 1982 et 2016, passant de 4,1 milliards d’euros en 1982 à 23,6 milliards d’euros en 2016, à périmètre constant.

Le PSR-UE 2009 intègre l’effet rétroactif de la Décision relative au système des ressources propres (DRP) pour 2007-2013. La DRP 2007 a été approuvée en 2009 avec effet rétroactif au 1er janvier 2007 : les États membres ont par conséquent financé en 2009 les nouveaux mécanismes de correction de 2007, 2008 et 2009 par rapport à la DRP pour 2000-2006. De même, le PSR-UE 2016 intègre l’effet rétroactif de la DRP pour 2014-2020 – application au 1er janvier 2014, qui devrait être approuvée courant 2016.

Alors que les ressources propres traditionnelles sont restées en moyenne globalement constantes sur la période (bien que connaissant des variations légères d’une année sur l’autre), la part de la ressource TVA a constamment diminué. Elle a été compensée par la montée en puissance de la ressource RNB, ressource dite d’équilibre du budget européen. Quant à la correction britannique, la France en est le premier financeur (à hauteur de 27 % de son montant total pour la correction 2014 payée en 2015). Cette évolution résulte de l’application des décisions successives relatives au système des ressources propres qui ont plafonné la ressource TVA et limité la participation de certains contributeurs nets à la correction britannique.

La part de la ressource RNB dans la contribution nette française à l’UE devrait représenter, en 2016, 74 % de la contribution française, la TVA 13 %, les ressources propres traditionnelles, hors frais de perception, 7 % et la correction britannique 6 %.

Évolution de la composition de la contribution nette française au budget européen

Source : Direction du budget.

L’évolution de la contribution nette française dans les recettes fiscales nettes de l’État a logiquement suivi celle du budget européen dans le PNB/RNB des États membres :

– elle a augmenté entre 1982 et 1994, passant de moins de 4 % à environ 6,5 % pour couvrir la forte croissance des dépenses de la politique agricole commune et de la politique de cohésion ;

– elle est restée relativement stable entre 1994 et 2007, évoluant dans une fourchette comprise entre 5,5 % et 6,6 % ;

– depuis 2008, elle est supérieure à 6,9 %. Elle s’élève ainsi à 8,2 % en 2016 (PSR-UE et RPT) contre 6,5 % en 1994.

La part de la contribution nette de l’État au profit de l’UE dans les recettes fiscales nettes

Le projet de budget pour l’année 2015 présenté par la Commission le 11 juin 2014 s’élevait à 145,2 milliards d’euros en crédits d’engagement et 142,1 milliards d’euros en crédits de paiement et mobilisait certains instruments budgétaires dits spéciaux au-delà du plafond de crédits de paiement.

Le Conseil s’est prononcé sur ce projet de budget lors du COREPER du 15 juillet 2014. Il a ensuite adopté formellement sa position par procédure écrite le 2 septembre 2014. Le Conseil a notamment souhaité restaurer des marges sous les plafonds du cadre en crédits d’engagements (– 2 milliards d’euros) comme en crédits de paiement (– 1,9 milliards d’euros). Le Conseil a en outre contesté la mobilisation des instruments spéciaux au-delà du plafond de crédits de paiements.

Le Parlement s’est, quant à lui, prononcé par une résolution du 22 octobre 2014 prévoyant une hausse des crédits d’engagements (+ 0,75 milliards d’euros) et surtout des crédits de paiement (+ 4,3 milliards d’euros) par rapport au projet de la Commission.

Les positions de ces deux institutions constituant l’autorité budgétaire étant divergentes, une phase de conciliation était nécessaire.

Contrairement à la procédure budgétaire habituelle, l’objet des négociations en 2014 ne portait pas seulement sur le projet de budget de la Commission pour 2015.

En effet, la négociation a également porté sur :

– les budgets rectificatifs (BR) n° 2 à 7 pour 2014, en particulier le projet de BR n° 3 qui majorait les dépenses de l’Union de + 4,7 milliards d’euros (dont 4,3 milliards d’euros au-delà des plafonds via la marge pour imprévus) et le BR n° 6 qui budgétisait + 9,8 milliards d’euros de recettes supplémentaires au titre des corrections sur exercices antérieurs ;

– la possibilité pour tous les États membres d’étaler le versement des corrections sur exercices antérieurs jusqu’au 1er septembre 2015. En effet, ces corrections étant particulièrement élevées pour certains États membres, cette modification normative a été ajoutée au « paquet » négocié.

Lors de la phase de conciliation, qui s’est déroulée du 28 octobre au 17 novembre 2014, afin de dégager un compromis, le Conseil a minoré ses exigences, notamment en acceptant une mobilisation partielle et exceptionnelle de la marge pour imprévus en 2014. Le Parlement européen n’a, en revanche, pas modifié sa position initiale. Dès lors, la conciliation s’est conclue par un échec. Conformément au Traité, la Commission a proposé un nouveau projet de budget le 28 novembre.

L’autorité budgétaire s’est accordée, le 8 décembre, sur un compromis :

– s’agissant des budgets rectificatifs pour 2014, l’accord final majore les CP de + 3,5 milliards d’euros par rapport au budget voté 2014 (3,1 milliards d’euros de marge pour imprévus et 0,4 milliards d’euros de marge sous le plafond de CP) ;

– concernant le budget 2015, il s’élève désormais à 145,3 milliards d’euros en CE et 141,2 milliards d’euros en CP, soit respectivement + 171 milliards d’euros et – 923 milliards d’euros par rapport à la proposition initiale de la Commission. Selon l’interprétation du Conseil, il dégage 1,8 milliards d’euros de marge sous plafond en CE et 0,7 milliards d’euros en CP.

Ce compromis, à travers la mobilisation importante de crédits de paiement en 2014 comme en 2015, ne permet pas de dégager de marge globale en paiements. Par la mobilisation de la marge pour imprévus, il minore en outre les plafonds de crédits de paiement pour les années 2018 à 2020. Ce compromis ne permet donc pas de faciliter l’exécution du reste du cadre financier pluriannuel.

Au-delà des niveaux de crédits votés, 10 déclarations ont été annexées à l’accord. La mobilisation des instruments spéciaux en-deçà ou au-delà du plafond de crédits de paiements n’a toujours pas été tranchée.

Votre rapporteure souhaite ici revenir sur les deux questions, distinctes, de la crise des paiements – « restes à payer » – et du problème des « restes à liquider ».

Le « reste à payer » constaté à la fin de chaque année, correspond au montant de factures exigibles au 31 décembre d’une année N, qui devront donc être payées en N+1 et est un phénomène frictionnel relativement nouveau. La crise des paiements est essentiellement due à la remontée tardive des factures, qui décale « mécaniquement » les paiements à l’année suivante. En effet, au cours des derniers exercices, une part croissante des demandes de paiement a été reçue dans les deux derniers mois de l’année. Ces factures n’ont donc pu être payées qu’en début d’année suivante.

Ainsi, en matière de politique de cohésion, la plus touchée par le phénomène, depuis 2010, la proportion de factures remontées dans des délais qui ne permettent pas leur mise en paiement avant la fin de l’année civile (délai estimé à deux mois, c’est-à-dire après le 31 octobre) est en constante augmentation. En 2010, environ 7 % des factures reçues dans l’année sont arrivées en novembre et décembre, contre 38 % en 2013. Cela signifie, d’une part, que ces paiements ne peuvent matériellement pas être acquittés l’année de leur transmission, d’autre part, que les États membres ne cherchent pas tant à être remboursés rapidement qu’à éviter les dégagements d’office (DO) (7). Les restes à payer résultent donc d’un mécanisme structurel. Ils sont payés en début d’année suivante.

La crise des paiements et l’accumulation des factures impayées en fin d’année ayant atteint son paroxysme en 2014, le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne ont joint à leur accord sur les budgets rectificatifs pour 2014 et sur le budget initial pour 2015 deux déclarations communes.

La première, relative aux crédits de paiement, précise notamment que le Parlement européen, le Conseil et la Commission suivront attentivement l’exécution du budget en 2015, dans le cadre de réunions interinstitutionnelles spécifiques, qui auront lieu au moins à trois reprises – au printemps lors de la présentation du projet de budget, en juillet avant la lecture par le Conseil du projet de budget pour 2016 et en octobre avant le début de la période de conciliation.

La seconde, relative à un échéancier de paiement, prévoit que la Commission européenne doit présenter un état des lieux des paiements, sur le fondement duquel les institutions devront se prononcer, avant la présentation du projet de budget pour 2016.

Étant lié à la programmation 2007-2013 (notamment à la concentration des remontées de factures en fin de période), ce phénomène devrait se résorber entre 2014 et 2016. Les tensions sur les paiements ont vocation à être des phénomènes temporaires, mais leur accumulation suscitait des inquiétudes.

Notamment, lors de la négociation sur les budgets rectificatifs 2014 et le budget 2015, le Parlement européen a dénoncé l’accumulation de « factures impayées » de l’Union européenne. Pour sortir de ce débat et conclure les négociations budgétaires, il a été décidé que la Commission devait présenter un plan d’apurement des factures impayées au début de l’année 2015.

La Commission a donc présenté le 23 mars 2015 un document pédagogique qui dresse un état des lieux du RAL et du reste à payer (backlog) à fin 2014 et présente des prévisions pour 2015 et 2016. Il ne propose pas à proprement parler de modalités d’apurement, mais cite à plusieurs reprises le projet de budget pour 2016 et les flexibilités prévues dans le règlement CFP.

Les chiffres et estimations présentés dans ce document recoupent très largement les estimations et les analyses présentées par la France depuis le début de l’année 2014 et tout au long des négociations. Ce document démontre en effet que la situation relative aux « factures impayées », qui portent principalement sur la sous-rubrique 1b, se résorbe d’elle-même en 2016.

A l’issue de ces échanges techniques, une déclaration conjointe des trois institutions sur un « plan d’apurement 2015-2016 » a été adoptée, visant notamment à prendre acte des constats formulés dans le document de la Commission quant au niveau et à l’évolution du reste à payer.

L’évolution des « restes à liquider » (écart entre engagement et paiement) est beaucoup plus inquiétante. Si l’existence d’un « reste à liquider », qui correspond à un décalage dans le temps entre l’inscription des engagements et des paiements, est un phénomène normal compte tenu du caractère pluriannuel de la plupart des programmes européens, son accumulation ces dernières années est préoccupante.

Certes, après avoir atteint son paroxysme en 2013, à 221 milliards d’euros, le reste à liquider s’élève à 189 milliards d’euros fin 2014. Toutefois, cette diminution est, pour une large part, en trompe-l’œil. Elle résulte en effet principalement du fait qu’un volume important d’engagements votés en 2014 n’a pu être utilisé compte tenu de l’adoption tardive des programmes correspondants et a, de fait, été reporté sur les années 2015, 2016 et 2017. Si tous les engagements votés en 2014 avaient été exécutés, le reste à liquider se serait ainsi élevé à 224 milliards d’euros à la fin de l’année 2014. En 2015, le reste à liquider devrait augmenter de + 20,7 milliards d’euros par rapport à 2014 (+ 10,9 %). La forte baisse entre 2013 et 2014 s’explique d’une part par les efforts importants consentis par les États membres en matière de paiement (mobilisation de la marge pour imprévus), et d’autre part par l’effet du report de crédits non engagés en 2014 sur les années 2015 à 2017.

En 2016, le reste à liquider devrait augmenter de + 10,3 milliards d’euros (+ 4,9 %) sous l’effet des engagements de la nouvelle programmation. Cette évolution marque néanmoins une inflexion dans le rythme de croissance du reste à liquider.

L’article 2 du règlement du cadre financier pluriannuel prévoit que « avant la fin de 2016 au plus tard, la Commission présente un réexamen du fonctionnement du cadre financier, en tenant pleinement compte de la situation économique qui existera à ce moment-là ainsi que des projections macroéconomiques les plus récentes. Le cas échéant, ce réexamen obligatoire est accompagné d’une proposition législative de révision du présent règlement en conformité avec les procédures prévues dans le TFUE. » Cette échéance devra être préparée en amont, et appelle plusieurs remarques de la part de votre rapporteure :

– l’exécution budgétaire heurtée atteste en premier lieu de la pratique du Conseil de sous-évaluer quasi-systématiquement les besoins lors de l’adoption du budget initial. La révision du cadre financier pluriannuel doit donc être l’occasion d’évaluer au plus près les besoins de crédits de paiement jusqu’en 2020 ;

– quant aux prévisions de recettes, votre rapporteure plaide en faveur de l’amélioration des estimations relatives aux droits de douane, et s’inquiète que les leçons ne puissent en être tirées pour le projet de budget pour 2016. En effet, alors que la demande du Conseil en ce sens date du 14 octobre 2014, la Commission européenne a simplement présenté, lors du Comité consultatif des ressources propres du 19 mai 2014, sa méthodologie – qui présente plusieurs fragilités – et a indiqué ne pas avoir pu modifier ses hypothèses de travail pour 2015. Elle s’est alors contentée de demander aux États membres de lui faire part de leurs observations sur sa méthodologie d’ici au 30 septembre 2014, dans la perspective d’une réunion spécifique du comité en décembre 2014, depuis, le sujet a peu avancé ;

– les fragilités relatives aux ressources propres traditionnelles ainsi mises à jour et les ressauts sur les contributions des États membres qui en découlent plaident pour une remise à plat du système des ressources propres, reposant sur de véritables ressources propres dynamiques et modernes ;

– votre rapporteure appelle à une réaction forte des autorités européennes en faveur de l’apurement du « reste à liquider ». Cela passe par un niveau approprié d’engagement et de paiements, un pilotage plus fin des crédits d’engagements, mais aussi un fléchage de crédits suffisants vers le paiement du « reste à liquider » dans les premières années de programmation, enfin, (par une application stricte des règles de dégagement d’office) --- je ne suis pas fan de ce dernier point ;

– la révision à mi-parcours devrait également être l’occasion de proposer des outils pour un meilleur pilotage des crédits de paiement et d’engagement. Le « jaune » annexé au projet de loi de finances indique que la France pourrait faire des propositions en ce sens, pour :

– assurer un meilleur pilotage des crédits de paiement : la France a présenté un non-papier soulignant la nécessité de renforcer les outils de suivi de l’exécution et de prévision utilisés par la Commission dans la gestion des crédits. Elle propose notamment la création, pour chaque proposition de la Commission relative aux crédits d’engagement (mesure nouvelle, modification des profils d’engagement, procédure de virement), d’une fiche d’impact présentant les conséquences en CP sur 5 ans ; hallucinant que cela n’existe pas déjà…

– préconiser le pilotage du budget européen par les crédits d’engagement, afin de garantir la soutenabilité du cadre financier pluriannuel pour les années à venir et de respecter les plafonds annuels de crédits de paiement issus de l’accord politique du Conseil européen des 7 et 8 février. Le vote d’un budget annuel soutenable entend la maîtrise de l’évolution des crédits d’engagement (CE) compte tenu des crédits de paiement (CP) disponibles.

– redonner du sens au budget annuel voté et renforcer son pilotage : il convient d’introduire des outils de pilotage infra-annuel de la dépense, pour garantir la bonne exécution du budget voté en début d’année. Par exemple, la faisabilité d’un comité de suivi et d’alerte pourrait être expertisée. Un tel comité serait chargé de suivre l’évolution des dépenses au cours de l’exercice et d’alerter l’autorité budgétaire en cas d’évolution des CP incompatible avec le respect des crédits votés dans le budget annuel. La Commission serait alors tenue de proposer à l’autorité budgétaire des mesures de correction.

– renforcer l’autorité de la direction générale BUDGET de la Commission européenne, en réaffirmant son rôle en matière de bonne gouvernance budgétaire et de garante de l’impulsion, de la coordination et de la supervision d’une gestion budgétaire européenne rigoureuse et soutenable ainsi que de la protection des intérêts financiers de l’Union. Votre rapporteure est particulièrement réservée sur cette proposition ;

– l’usage des instruments de flexibilité fait l’objet d’une controverse juridique entre Commission et Conseil, qu’il convient de lever au plus vite. Le débat sur la possibilité de mobiliser, au-delà du plafond, des crédits de paiement dans le cadre des instruments spéciaux et de la marge pour imprévus recouvre des enjeux politiques forts.

Comme elle l’a clairement exposé dans son rapport d’information de juillet 2014, votre rapporteure juge que le niveau, très insuffisant, des plafonds de crédits d’engagement et de paiement rend d’autant plus indispensable tout élément de souplesse de gestion. La flexibilité accrue du cadre financier pluriannuel était en effet la contrepartie posée à son caractère étriqué. Elle partage l’analyse de la Commission selon laquelle la marge pour imprévus et les instruments spéciaux peuvent être mobilisés au-delà des plafonds en engagements et en paiements.

Les 26-27 juin 2014, le Conseil européen s’est réuni pour mettre au point la feuille de route de l’Union pour les cinq prochaines années.

En amont du sommet (c’était l’année dernière !), le Président de la République François Hollande a adressé le 24 juin au président du Conseil européen un agenda pour la croissance et le changement en Europe. Ce document, qui vise à réorienter l’Europe vers plus de croissance et d’emploi, détaille les cinq priorités portées par la France :

– porter une nouvelle initiative de croissance : un vaste plan d’investissement dans des secteurs clefs (grandes infrastructures, recherche, énergie, formation des jeunes et santé) doit être mis en oeuvre afin de relancer la croissance. Ce plan doit être accompagné d’un « policy-mix » favorable à la croissance.

– agir pour la jeunesse : afin de lutter contre le chômage, en particulier des jeunes, qui détruit le capital humain des économies européennes, la France propose de renforcer l’initiative pour l’emploi des jeunes, de développer les qualifications et les formations et de mettre en place, avec les partenaires sociaux, un véritable agenda social de nouveaux droits.

– soutenir une politique européenne de l’énergie : il s’agit d’apporter les moyens nécessaires à une transition énergétique réussie, de maîtriser la facture énergétique pour les ménages et les entreprises, de réduire la dépendance énergétique de l’Europe et de diminuer les émissions de CO2.

– promouvoir une Europe de liberté, sécurité, justice : l’Europe est un espace de droit, de justice et de sécurité, qu’il convient de renforcer. Pour cela, la France propose de conforter les libertés et les droits fondamentaux, notamment par la création d’un parquet européen, de lutter fermement contre le terrorisme et de mieux maitriser les flux migratoires.

– porter une réforme du fonctionnement de l’Union européenne : l’Union doit être plus efficace en se soumettant à un choc de simplification. Son action doit se concentrer sur les enjeux politiques essentiels.

Lors de sa séance des 26 et 27 juin 2014, le Conseil européen a adopté un « programme stratégique pour l’Union à l’ère du changement », qui recouvre en grande partie les priorités définies dans l’agenda présenté par la France : des économies plus robustes créant davantage d’emplois, des sociétés à même de donner à tous les citoyens les moyens de réaliser leurs aspirations et d’assurer leur protection, un avenir énergétique et climatique sûr, un espace de libertés fondamentales qui inspire la confiance et une action conjointe efficace dans le monde.

Votre rapporteure partage évidemment ces objectifs, mais constate le peu de moyens mis à leur service. Ayant souligné, lors des négociations sur le CFP 2014-2020, la faiblesse des plafonds retenus au regard des défis que doit relever l’Union, votre rapporteure estime que la proposition de la Commission européenne pour le budget 2016 a pour objectif de tenter de répondre au mieux aux exigences posées en matière de soutien à la croissance et à l’emploi, dans le contexte financier contraint qui lui a été assigné. Votre rapporteure se bornera à citer quelques exemples du manque de moyens qui accompagnent les plus fermes résolutions politiques.

En premier lieu, l’investissement. La Commission européenne a présenté, le 26 novembre 2014, un plan pour remédier au problème crucial du sous-investissement en Europe, qui prévoit :

– la mobilisation d’au moins 315 milliards d’euros sur 3 ans, reposant sur la création, sous l’égide du groupe de la Banque européenne d’investissement (BEI), d’un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) destiné à assumer les risques liés aux investissements à long terme et à garantir aux PME un meilleur accès au financement des risques. Abondé à hauteur de 5 milliards d’euros par la BEI (sur ressources propres) et assis sur 16 milliards d’euros de garanties mobilisées à partir du budget de l’Union, ce Fonds doit permettre à la BEI d’intervenir à hauteur de 60 milliards d’euros, ce qui devrait générer des co-investissements permettant d’atteindre le montant de 315 milliards d’euros. Un effet multiplicateur d’au moins 15 est donc attendu.

Les États membres peuvent sur une base volontaire, contribuer au Fonds. Une quarantaine de milliards d’euros de cofinancement des États (dont 8 milliards d’euros issus de la Caisse des dépôts et consignations et de Bpifrance pour la France) ont été annoncés.

– l’instruction des projets : les concours financiers sont destinés à des secteurs prioritaires (infrastructures de transport, réseaux à haut débit et d’énergie, éducation, recherche, innovation, transition énergétique) et le FEIS doit soutenir à hauteur des trois quarts du plan (soit 240 milliards d’euros) des projets d’investissement à long terme et pour un quart (soit 75 milliards) des PME. Une plateforme de conseil en investissements associant la Commission européenne et la BEI doit par ailleurs être mise en place afin d’aider les porteurs de projet dans leurs démarches ;

– l’amélioration du cadre réglementaire, grâce à la levée des obstacles à l’investissement et à l’approfondissement du marché unique.

Pourtant, au total, en 2016, seulement 2 030 millions d’euros en engagements et 500 millions d’euros en paiements sont inscrits au titre du provisionnement du fonds de garantie du Fonds européen pour les investissements stratégiques. 20 millions d’euros en engagements et en paiements sont en outre prévus, en 2016, pour la plateforme européenne de conseil en investissement auprès des porteurs de projets.

Si elle salue l’initiative de la Commission européenne, qui reconnaît la nécessité de la relance par l’investissement quand elle semblait jusque-là arc-boutée sur la discipline budgétaire. Votre rapporteure juge que les effets de levier annoncés sont peu réalistes. En outre, les sommes proposées ne couvrent qu’une partie des besoins de l’Europe en infrastructures, évaluées à 1 000 milliards d’euros. Enfin, il mobilise surtout des redéploiements de crédits bien que minorés au regard du projet initial (21 milliards d’euros dont en réalité seuls 13 milliards correspondent à des crédits – 5 milliards mobilisés par la BEI et 8 milliards obtenus par redéploiement au sein du budget de l’Union).

Autre exemple, la politique étrangère de l’Union européenne, dont les crédits s’élèvent pour 2016 à 327 millions d’euros en engagements et 299 millions d’euros en paiements. Ils doivent permettre d’assurer la poursuite des opérations en cours, au Sahel, dans la corne de l’Afrique, en Lybie, en République démocratique du Congo et en Ukraine. Ces dotations sont certes en hausse (+ 2 % en engagements et + 11,5 % en paiements), mais limités en valeur absolue. Votre rapporteure estime par ailleurs qu’il faudrait renforcer les dotations en faveur de l’instrument européen de voisinage, notamment au Sud de l’Europe, dont l’importance stratégique est trop sous-estimée par certains de nos partenaires européens.

Comme votre rapporteur a eu plusieurs fois l’occasion de le souligner ces dernières années, le système actuel est non transparent, injuste, hors contrôle parlementaire, très complexe et totalement incompréhensible pour les citoyens européens, qui, au final, en supportent les conséquences. Mais si un consensus s’est dégagé pour critiquer le système actuel, aucun accord ne se dessine, à ce stade, sur un modèle alternatif. La réforme fait l’objet de discordes récurrentes entre le Parlement européen et le Conseil sans que des perspectives concrètes ne se dégagent véritablement.

Comme le rappelle l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’existence de ressources propres est une des spécificités de l’Union européenne dans le domaine budgétaire. L’idée d’un tel système est de faire bénéficier les instances communautaires des recettes qui leur sont affectées une fois pour toutes et qui leur reviennent de droit, sans que les autorités nationales puissent s’y opposer ou modifier les montants concernés. Contrairement aux organisations internationales classiques, l’Union n’a pas à redouter le chantage « financier » que pourrait exercer un de ses membres afin de contrôler ou d’infléchir, dans une certaine mesure, les politiques menées par la Communauté.

Le système actuel de financement de l’Union européenne repose sur quatre types de ressources :

– les ressources propres traditionnelles (RPT), droits de douane et cotisations sucre, pour lesquelles les administrations nationales agissent en simples intermédiaires pour la perception des ressources dues à l’Union ;

– la ressource dite TVA, calculée par l’application d’un taux d’appel uniforme (0,3 %) à une assiette harmonisée pour l’ensemble des États membres ;

– la ressource RNB, versée par les États membres, au prorata de leur RNB dans le RNB total de l’Union, pour équilibrer le montant global des dépenses inscrites au budget. Il s’agit de la principale composante de la contribution française ;

– les recettes diverses.

Les trois premiers types de ressources constituent les ressources propres et représentent 99 % du budget. En vertu de la décision relative au système des ressources propres (DRP) pour 2007-2013, elles ne peuvent excéder 1,24 % du revenu national brut (RNB) total de l’UE. Pour la période 2014-2020, elles sont limitées à 1,23 % du RNB européen. Les ressources diverses s’élèvent à environ 1 % du budget.

Au fil du temps, la répartition entre les quatre ressources propres s’est trouvée profondément modifiée, avec une prépondérance pour la ressource RNB. En effet, en 1988, date d’entrée en vigueur du premier cadre financier pluriannuel, la ressource RNB représentait moins de 11 % du financement communautaire, à comparer aux 28 % provenant des droits de douane et des prélèvements agricoles et aux 57 % provenant de la ressource TVA. Or au terme du cadre budgétaire pluriannuel 2007-2013, la ressource RNB représentait près de 74 % du financement communautaire, à comparer aux 13 % provenant des droits de douane et des prélèvements agricoles et aux 12 % de la ressource TVA.

Parallèlement, des mécanismes de compensation ont été accordés, par dérogation au régime de droit commun des ressources propres, à certains États membres dont la contribution a été considérée comme excessive au regard de leur prospérité relative. C’est le cas du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Suède, de l’Allemagne, de l’Autriche et, bientôt, du Danemark.

La Commission, en 2011, proposait de supprimer la ressource propre actuelle fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d’instaurer deux ressources propres véritables, l’une fondée sur la TVA et l’autre sur la taxe sur les transactions financières (TTF), ce qui permettrait de limiter à 40 % au maximum la part des ressources propres de l’Union financée par les contributions RNB des États membres. La Commission proposait en outre de remplacer tous les rabais et les mécanismes de correction par un système de montants forfaitaires appliqué lors de la période 2014-2020. Enfin, la Commission préconisait de réduire les frais de perception à 10 %, taux plus réaliste que les 25 % retenus lors de la période couverte par le CFP 2007-2013.

Toutefois, le Conseil n’a pas accordé à ces propositions l’attention qu’elles méritaient. Aucune avancée n’a été réalisée en ce qui concerne les deux nouvelles ressources propres proposées: la proposition de réforme de la TVA a été rejetée au motif que les travaux devaient se poursuivre; l’introduction de la TTF au titre d’une coopération renforcée n’a pas encore été adoptée et aucun engagement n’a été pris pour que cette taxe puisse servir de base à une nouvelle ressource propre du budget de l’Union.

Lors de sa réunion des 7 et 8 février 2013, le Conseil européen est convenu que les arrangements relatifs aux ressources propres devraient être guidés par l’objectif général de simplicité, de transparence et d’équité. Par ailleurs, le Conseil européen a demandé au Conseil de poursuivre les travaux sur la proposition de la Commission en vue d’une nouvelle ressource propre fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Il a en outre invité les États membres participant à la coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières (TTF) à examiner si celle-ci pourrait servir de base à une nouvelle ressource propre pour le budget de l’UE.

La décision du Conseil du 12 février 2014 visait à mettre en œuvre les conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 et a modifié comme suit la décision en vigueur relative aux ressources propres – étant précisé qu’il s’agit d’une réforme à la marge :

– le plafond des ressources propres passe à 1,23 % du RNB de l’Union pour les crédits de paiement (contre 1,24 % actuellement) et à 1,29 % du RNB de l’Union pour les crédits d’engagement (contre 1,31 % actuellement) ;

– le pourcentage des ressources propres traditionnelles retenu par les États membres pour couvrir les frais de perception passe à 20 % (contre 25 % actuellement) ;

– la proposition de réforme de la TVA n’ayant pas été soutenue au sein du Conseil, les dispositions de la décision en vigueur relative aux ressources propres restent en l’état ;

– le rabais britannique est maintenu, tout comme les rabais dont bénéficient l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède et la réduction du taux d’appel pour la ressource propre fondée sur la TVA appliquée à l’Allemagne, aux Pays-Bas et à la Suède; en outre, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark bénéficieront de rabais sur les sommes forfaitaires dans le cadre du prochain CFP, tandis qu’un rabais sera accordé à l’Autriche uniquement au cours des trois premières années (jusqu’en 2016) ;

– une disposition permettant de fixer les mesures d’exécution est introduite.

Comme elle le soulignait dans son avis sur le prélèvement sur recettes pour 2015, votre rapporteure juge que l’amorce de réforme du système des rabais décidée par le Conseil européen de février 2013, qui affecte positivement la contribution de la France, est un premier pas, mais non suffisant. Il convient de persévérer dans la réflexion sur la réforme des ressources propres, notamment en progressant sur l’instauration de nouvelles ressources qui viendraient diminuer le poids des contributions nationales dans les recettes communautaires.

Dans un rapport du 7 avril 2014 (8), les parlementaires européens critiquent le traitement du problème par le Conseil dans son projet de décision sur le système des ressources propres. Ils regrettent que les États membres ne prennent pas en compte la proposition législative de la Commission de juin 2011, qui visait à introduire des réformes plus audacieuses. Les députés estiment en outre que l’introduction par le Conseil de « rabais opaques » et de nouvelles exemptions a mis en péril la viabilité du budget de l’UE, position que votre rapporteure partage pleinement.

Votre rapporteure suit avec la plus grande attention les travaux du groupe à haut niveau (GHN), dont la mise en place était l’une des conditions posées par le Parlement européen pour donner son agrément sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020. Ce groupe est chargé de procéder à un réexamen général du système des ressources propres (après 2020 cependant) en vue de rendre ce dernier plus simple, plus transparent et plus responsable, a été constitué le 25 février 2014 sous la présidence de Mario Monti (ancien Commissaire européen et président du Conseil italien). Il devrait livrer une première évaluation à la fin de l’année 2014 et ses propositions devraient être examinées dans le cadre de la révision du CFP de 2016.

Fin juin 2014, la France a transmis un non-papier informel à l’attention du groupe à haut niveau, où elle demande de considérer aussi bien la création de nouvelles ressources propres que la simplification des ressources existantes et appelle à la suppression des mécanismes de correction. Elle insiste également sur la nécessité de tenir compte des politiques économiques et budgétaires des États membres. Le groupe prendra en compte la contribution des parlements nationaux, qui seront également invités à une conférence institutionnelle en 2016. Votre rapporteure compte faire des propositions dans cette perspective.

Comment évaluer au mieux les besoins financiers de l’Union et les domaines où son intervention est souhaitable et/ou requise, à l’heure où la situation économique appelle des réformes structurelles mais où les dépenses nationales n’ont jamais été aussi contraintes ? Comment mieux piloter les crédits dont l’exécution particulièrement heurtée peut être préjudiciable aux États et nuit à la lisibilité de l’action européenne ? Comment enfin, dès lors que les États se seront entendus sur le rôle qu’ils veulent assigner dans l’avenir aux dépenses européennes, doter l’Europe de ressources qui lui permettent d’assumer ses missions sans subir le chantage de certains pays membres ?

Votre rapporteure estime que ces questions doivent être portées au plus haut niveau en amont de la révision, en 2016, du cadre financier pluriannuel. Car derrière l’aridité des chiffres se jouent la crédibilité de l’Union européenne comme partenaire, mais aussi l’utilité et la légitimité de l’Europe aux yeux de ses citoyens.

L’examen de la situation française est à ce titre éclairant. La participation française au budget européen est un des postes de dépense les plus dynamiques au sein du budget national. La progression de la contribution française est régulière depuis plus d’une décennie (+ 75% entre 2000 et 2013). Par ailleurs, son poids dans la norme de dépense a singulièrement augmenté : alors que les dépenses totales de l’État ont diminué de – 2,7 milliards d’euros en valeur depuis 2012, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne a augmenté de + 2,2 milliards d’euros.

Il ne s’agit évidemment pas de discuter le principe même de l’effort financier consenti par la France au profit de l’Union européenne. La France n’a d’ailleurs jamais cédé aux facilités du discours sur le « juste retour » des politiques européennes ni souhaité bénéficier de rabais, contrairement à d’autres États membres. Non seulement notre pays, en tant que membre fondateur, doit continuer de porter l’idéal de solidarité, y compris financière, qui fait la force et l’originalité de l’Europe, mais il ne faut pas oublier que les Français sont parmi les premiers bénéficiaires des crédits européens.

Dans la mesure où le prélèvement sur recette au titre de la participation au budget de l’Union est inclus dans la norme de dépense nationale, toute hausse de son montant diminue d’autant les crédits consacrés à d’autres politiques. Il en résulte une position, par construction schizophrénique, de la France qui, d’un côté, défend une politique ambitieuse au plan européen, et, de l’autre, s’inscrit aux côtés des autres pays contributeurs nets pour limiter les dépenses du budget européen.

Comme elle l’a exposé dans son rapport d’information de juillet 2014 précédemment cité (9), afin de desserrer les contraintes pesant sur les budgets nationaux et de mettre fin aux débats opposant budget européen et budget national, votre rapporteure soutient la proposition d’exclusion des contributions nationales au budget de l’Union du calcul du solde nominal et structurel des administrations publiques dans le cadre de la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Dans la même logique, elle considère que le prélèvement sur recettes au profit de l’Union ne doit plus être pris en compte dans la norme de dépenses de l’État.

Certes, cette soustraction ne serait que faciale, car la France continuerait d’acquitter sa part du financement du budget européen. Précisons en outre qu’il ne s’agit pas d’accréditer la thèse selon laquelle notre pays chercherait à échapper à ses responsabilités en termes de réduction des déficits. Mais, aussi controversée soit-elle, cette proposition a aussi le mérite de nous mettre face à nos propres contradictions.

La Commission européenne ne peut, d’une main, proposer une hausse substantielle du budget européen et par conséquent celle de la participation des États membres, et de l’autre, sanctionner la France pour son manque d’orthodoxie budgétaire, sans que nous définissions clairement le degré de mutualisation des dépenses en faveur de la croissance. De son côté, le Conseil ne peut à la fois porter des objectifs politiques ambitieux et refuser d’en assumer les conséquences financières.

Comme elle l’a exposé dans ses trois précédents avis, votre rapporteure estime qu’un financement basé sur des contributions nationales exacerbe les discussions sur les contributions nettes. Il mène à des politiques sous-tendues par la logique de « retour national » davantage que celle de valeur ajoutée européenne.

Le développement d’une source alternative de financement liée à des politiques-clés de l’Union européenne, dans le cadre d’une réforme plus large, pourrait atténuer la problématique des contributions nettes. Une telle évolution forcerait les États membres à davantage s’intéresser à l’impact de cette ressource sur les objectifs politiques de l’Union et à son incidence économique. Elle pourrait en outre accroître l’intérêt des citoyens européens pour le budget européen. Enfin, le développement de nouvelles ressources pourrait faciliter l’élimination des mécanismes de correction existants basés sur les contributions nettes.

CONCLUSION

Votre Rapporteure se prononce en faveur de l’adoption de l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016.

Le montant prévisionnel du prélèvement – comme chaque année – est grevé par un grand nombre d’incertitudes : il relève d’une estimation fondée sur différentes variables encore non stabilisées, il peut être modifié par des budgets européens rectificatifs, a fortiori si les crédits inscrits en début d’année ne couvrent pas les besoins. Il dépendra aussi de l’aboutissement de la négociation budgétaire en cours. Il est peu satisfaisant, et au demeurant bien peu démocratique, que les parlementaires doivent se prononcer sur un montant amené à être modifié plus qu’à la marge en cours d’année. Aucune information ultérieure des parlementaires. Déficit démocratique patent de la procédure.

L’enjeu est de taille pour la France, grand contributeur du budget européen. Grand bénéficiaire aussi: nos territoires ruraux, nos communes, nos régions, nos étudiants, nos jeunes en formation ou en recherche d’emploi, nos chercheurs, nos PME, bénéficient directement des financements européens. Toute notre économie pourrait en outre bénéficier de l’effet de levier des dépenses européennes demain, si les engagements pris par le Conseil de juin 2014 d’investir pour une croissance plus robuste et plus justement répartie, se confirment.

La France assume sa part de l’effort européen en contribuant cette année encore à hauteur de plus 21,5 milliards d’euros au budget de l’Union européenne. C’est aussi, il faut le souligner, l’un des seuls pays européens contributeur net à refuser tout rabais sur sa participation au financement de l’Union. Mais le prélèvement étant inscrit dans la norme de dépense, son augmentation réduit d’autant les crédits consacrés à d’autres politiques. Il en résulte chaque année une position paradoxale pour notre pays mêlée d’ambition pour l’Europe au plan politique et d’extrême prudence au plan financier, en raison du dynamisme de notre contribution budgétaire.

Le dynamisme du prélèvement sur recettes ainsi que la détérioration du solde net de la France appellent à une remise à plat du système des ressources propres incluant des financements innovants (taxe sur les transactions financières, project bonds etc.), mais aussi des corrections. Ainsi, votre rapporteure fait le vœu que l’an prochain, son rapport puisse faire état d’une réflexion plus poussée au niveau européen, réflexion que la France est capable de porter, sur les moyens de financer une véritable politique économique de soutien à la croissance dans la zone euro, une politique étrangère et de défense ambitieuse, et des investissements pour l’avenir.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent avis au cours de sa séance du mardi 13 octobre à dix-sept heures.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Je vous remercie chère Collègue pour vos deux rapports très précis et à la fois très techniques et très politiques. Je partage absolument vos constatations malheureusement : un budget qui manque d’ambition et un système de ressources propres qui devrait être profondément réformé avec cet empilement de corrections qui rend les choses illisibles et surtout qui prête le flanc à beaucoup de critiques.

M. Jean Glavany. Je félicite chaleureusement notre rapporteure qui a montré, une fois encore, qu’elle connaît ses dossiers, les maitrise parfaitement et les expose avec beaucoup de clarté. Je voudrais vous interroger à propos des migrants. Peut-on retrouver la trace dans le budget et les comptes de l’Union européenne de cet effondrement, nous dit-on, des crédits de l’Union à destination des camps de réfugiés syriens ou irakiens en Turquie, au Liban et en Jordanie, qui expliquerait pour une grande part la détérioration des conditions de vie dans ces camps et l’exode massif vers l’Europe ?

M. Thierry Mariani. J’adresse mes félicitations pour les conditions dans lesquelles vous avez réalisé ce rapport. Ma question est un peu liée à la précédente. J’ai été interpellé par un article des Echos, et ce n’est pas n’importe quel journal. D’après cet article, cette semaine, le FMI et la Banque mondiale, Berlin et Bruxelles ont évoqué lors d’échanges informels l’augmentation des ressources du budget européen grâce à un impôt spécial, qui pourrait prendre la forme d’une surtaxe sur les carburants ou sur la TVA, citant le Süddeutsche Zeitung. Ce système serait inspiré de ce qui a été visiblement fait en Allemagne de l’ouest pour financer la réunification. Est-ce que ce système de taxe spéciale pour faire face à la crise migratoire est une idée sérieuse, car je crois qu’il n’y a pas de meilleur moyen de faire détester l’Europe ?

Deuxièmement, où en sont effectivement les crédits dans le budget pour financer ce qui s’annonce comme un mouvement durable, puisqu’on évoque désormais pour 2015 le chiffre de 1,5 million de personnes ? Enfin je rejoins un peu la question posée sur le financement des camps, même si il ne doit pas être assuré seulement par nous. Je réfute l’idée que parce que l’Europe a baissé ses financements aux camps, elle est responsable de la situation des camps, car il y a d’autres pays voisins qui peuvent assurer un financement.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. C’est exact. Certains voisins ne le font pas suffisamment. C’est une question que nous devons approfondir : quels sont les financements des pays du Golfe qui vont aux camps de réfugiés dans les pays du sud de la Méditerranée ? Je crois qu’il y en a peu voire pas pour les camps gérés par le Haut-Commissariat aux réfugiés, qui sont les principaux, mais qu’il y a des financements qui vont à d’autres centres d’accueil. C’est ce que j’ai compris de mes échanges avec le HCR.

M. Thierry Mariani. Lorsque j’ai posé la question au HCR dans le cadre de mes fonctions de président de la commission en charge des migrations au Conseil de l’Europe, c’est ce qui m’a été répondu.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Ce serait quand même navrant qu’il n’y ait pas une coordination, sous l’égide des Nations-Unies, de l’aide apportée aux différents camps de réfugiés, avec un risque d’avoir des systèmes d’accueil à deux vitesses : des camps de réfugiés bien dotés avec peu de réfugiés et des camps du HCR peu dotés car les crédits ont été beaucoup diminué, qui compteraient énormément de réfugiés. On s’éloigne un peu de notre sujet, même si les crédits européens figurant dans le budget sont évidemment importants.

M. Jacques Myard. La rapporteure a démontré avec clarté l’épuisement du système et – il faut voir les choses en face – sa mort certaine. Initialement, les Etats décidaient un certain nombre d’actions et les finançaient. A force d’avoir voulu monter en puissance avec un projet européen et un budget européen, on a abouti à un système complètement illisible avec en plus de nombreuses corrections, confortées par la décision du 26 mai 2014, et qu’il faut remettre à plat.

La question fondamentale qui se pose est de savoir s’il faut un budget européen. Je le dis. Vous avez une déperdition des moyens pour faire remonter de l’argent à Bruxelles pour des fonds structurels qui le font redescendre à Varsovie, Thessalonique ou ailleurs, c’est proprement aberrant alors qu’on pourrait financer des actions directement au moyen par exemple de protocoles financiers. Cela irait beaucoup plus vite, cela coûterait beaucoup moins cher avec l’hypertrophie administrative à Bruxelles et cela serait beaucoup plus efficace sur le terrain.

Sur le fonds européen pour l’investissement, c’est la même chose. C’est de l’argent versé par les Etats au budget européen pour financer des projets dans les Etats. Pourquoi faire remonter à Bruxelles cet argent, le faire médiatiser par une série de fonctionnaire pour le faire redescendre. C’est complètement aberrant. Le principe de subsidiarité doit s’appliquer et il faut financer directement.

Une petite anecdote et un jugement sur l’union bancaire. L’union bancaire, c’est un Titanic, c’est une catastrophe annoncée car il suffira qu’il y ait une petite banque en Allemagne ou ailleurs qui, par l’effet de la titrisation, mette en péril une grande banque, même la Deutsche Bank puisqu’elle est malade, pour que tout le système saute, alors qu’il faudrait au contraire compartimenter. Je vais vous donner un exemple : dans l’affaire des attentats des tours jumelles de New York, Axa, compagnie d’assurance française, a payé 800 millions de dollars aux assurances américaines parce qu’il y a un système de réassurance, une sorte de mondialisation des risques qui fait qu’on ne maîtrise plus rien et qu’il y a des effets en chaîne. L’union bancaire c’est la même chose. Pour en avoir discuté pendant longtemps avec un certain nombre de gens de la banque de France, ils disent que c’est exactement le contraire qu’il faudrait faire, c’est à dire compartimenter pour contenir les risques. Ce n’est pas avec un fonds de résolution de 60 milliards que vous ferez face à l’éventualité d’un château de carte qui s’écroulera par des effets en chaîne. C’est extrêmement dangereux.

J’aimerais également savoir ce que nos compatriotes paient pour le machin européen et je pèse mes mots car cela devient complètement aberrant. On est en train de monter en puissance contre l’idée même d’Europe alors qu’elle est nécessaire mais sous la forme de coopération et pas d’un machin. Je voudrais à ce propos connaître la distribution de subventions à tout un tas d’organismes qui ont pour mission de chanter l’Europe et c’est un saupoudrage scandaleux à un certain nombre de groupes politiques et je ne peux pas l’accepter. C’est un vrai problème.

Quant au service diplomatique, si vous relisez le protocole n° 14 au Traité, que constatez-vous : on dit qu’on fait un service diplomatique mais qu’on continue la diplomatie nationale et qu’il ne peut pas tangenter. C’est clair, c’est un doublon, c’est manifeste et c’est aussi d’ailleurs une machine à anglicisation car on n’y parle qu’anglais. Vous voulez faire des économies ? Supprimez ce service, cela ne sert à rien. Il faut que chaque pays qui assure la présidence de l’Union européenne parle au nom de l’Union européenne c’est à dire des Etats.

Je crois qu’on est aujourd’hui au bout d’un système. Si on continue comme ça, on va désespérer nos compatriotes de l’idée même d’Europe. Je vous remercie.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Je vous ai laissé développer vos arguments, mais je vous répondrai après la rapporteure. Je suis en désaccord avec vous sur tous les points, comme d’habitude. Mais cela n’empêche pas la bonne humeur entre nous.

Mme Nicole Ameline. Je voudrais féliciter la rapporteure et lui dire que je soutiens naturellement son analyse et ses conclusions. Je crois que le problème est moins financier que politique. Sans abonder dans le sens de Jacques Myard, il me semble que nous avons à nous poser la question d’une manière plus systémique. La crise des migrants est un révélateur : la réactivité et la capacité d’adaptation de l’Europe est en deçà de ce que nous pourrions attendre. Nous avons voté à la quasi-unanimité une résolution sur la politique de voisinage. J’aimerais savoir s’il y a des inflexions sur ce plan. Ne pas soutenir fortement les pays situés dans notre environnement immédiat en essayant de les stabiliser et en investissant dans la paix, quand elle possible, est très difficile à expliquer à nos concitoyens.

Ce que vous avez dit sur la réflexion institutionnelle me paraît très utile. A travers cette remise à plat, nous pouvons réorienter le fonctionnement politique. Pour avoir été en charge de la présentation de ce prélèvement devant l’Assemblée pendant plusieurs années, je ne crois pas que ce soit une question de principe ou de montant. C’est une question qui s’intègre dans une réflexion plus large sur l’utilité et la crédibilité.

M. Gwenegan Bui. Nous vivons des moments budgétaires difficiles, car nous recherchons des crédits pour mener des politiques publiques en France. Je comprends que si notre contribution nette est importante, son évolution l’est également. Dans un contexte de concurrence sociale et fiscale entre Etats membres aujourd’hui, et demain dans le cadre du Brexit, 2016 sera un moment crucial pour l’Union européenne. Nous devons peut-être mettre nous aussi un pied dans la porte, non pour demander un rabais à notre tour, car la logique de l’Union européenne n’est pas de verser un euro pour en recevoir un, car cela ne correspond pas à la volonté de développer un projet commun pour l’Union européenne, mais nous ne pouvons pas laisser tout faire. Nous ne pouvons laisser des chèques partir et accepter ensuite que les normes de leurs bénéficiaires s’appliquent aux autres. Je suis donc très intéressé par la proposition de la rapporteure sur l’extraction du déficit.

Mme Estelle Grelier, rapporteure. Le projet de budget pour 2016 doit prévoir 300 millions d’euros supplémentaire en crédits d’engagements pour l’aide humanitaire à destination des réfugiés, ce qui pourrait signifier que les crédits n’étaient pas suffisants. Mais je n’ai pas eu connaissance dans le cadre de mes travaux de la répartition des subventions. Comme je n’aime pas décevoir Jean Glavany, je lui communiquerai plus tard les chiffres précis qu’il attend.

Monsieur Mariani, le Süddeutsche Zeitung en fait beaucoup sur le sujet de la taxe spéciale que vous évoquiez, mais en réalité chacun verse au débat son propre projet de taxe dans le cadre du groupe à haut niveau présidé par Mario Monti. Il s’agirait d’une nouvelle ressource propre pour l’Union européenne, ce qui implique une décision à l’unanimité. Cette offensive allemande n’est qu’une forme de lobbying à l’intérieur d’un système en cours d’évolution. Je crois qu’il n’y a pas lieu de chercher plus loin.

Je partage au moins avec Jacques Myard l’idée qu’une remise à plat du système est nécessaire, même si nous ne sommes probablement pas d’accord sur l’idéal européen et le projet qui le sous-tend. Comme le disait Nicole Ameline, la remise à plat s’impose parce que le projet européen ne peut plus continuer à être financé de cette manière. Avec la question des contributeurs et des bénéficiaires nets, l’idéal européen est nié et la solidarité dévoyée. C’est le révélateur d’un système qui ne va pas très bien et d’un projet en panne. Sur le constat, je crois que nous pouvons être assez d’accord. Au-delà, faut-il un budget européen ? Je le pense. Vaudrait-il mieux un protocole financier pour convenir d’une forme de solidarité entre Etats qui s’organiserait mécaniquement, naturellement ou divinement ? Je n’y crois pas. Je laisserai la Présidente répondre sur la question de l’union bancaire. Les crédits de la rubrique « citoyenneté », que vous visiez sans doute au titre de la promotion de l’Union européenne, sont en augmentation.

Vous avez posé une question sur le service diplomatique européen, qui est venu se superposer aux services diplomatiques nationaux. L’ambition de Catherine Ashton était « d’aspirer », progressivement, les services diplomatiques nationaux, mais cela n’a pas fonctionné de cette manière. On peut critiquer l’ossature du projet, mais sur le fond, il s’agissait de doter l’Union des moyens d’une politique étrangère commune que nous appelons de nos vœux. Pour répondre à la question sur le solde net, il ne peut être encore connu pour 2016, mais pourrait tendre vers 8 milliards d’euros. Enfin, pour répondre à M. Bui, oui nous pourrions tenter d’extraire le solde net du calcul du déficit nominal, car il est en dégradation constante.

Un autre sujet est celui du financement des rabais. Notre position a été constante à l’égard des rabais, nous sommes contre ces dispositifs qui rajoutent à l’opacité générale du financement de l’Union. Mais nous avons une faiblesse sur le rabais des Britanniques, c’est qu’ils sont contributeurs nets. Ils avaient réussi à négocier ce rabais car, à l’époque, une grande partie des dépenses étaient des dépenses agricoles qui ne leur revenaient pas prioritairement. Ils possèdent un vrai pouvoir de chantage car, en vérité, un Brexit nous coûterait plus cher qu’un arrêt du financement du rabais britannique.

Je terminerai sur les questions institutionnelles, qui sont majeures et bloquantes. La règle de l’unanimité ne fonctionne plus. La méthode intergouvernementale de juste retour est toujours privilégiée sur la méthode communautaire mais envoie de mauvais signaux aux citoyens européens. Le budget témoigne de la faiblesse du projet européen en termes de crédibilité et d’ambition. Le système est aujourd’hui atrophié et il faut le changer. A cet égard, la décision sur les ressources propres est assez décevante.

M. Thierry Mariani. Il y-a-t-il, dans ce budget européen, une ligne budgétaire dédiée à l’Ukraine ?

Mme Estelle Grelier, rapporteure. Oui, les autorités européennes ont décidé au printemps 2014 d’accorder une assistance macro-financière, sous la forme d’un prêt d’1 milliard d’euros, à l’Ukraine et de mettre en place un « contrat d’appui à la consolidation de l’État » reposant sur un programme financier de 355 millions d’euros, avec un rythme d’exécution rapide : 250 millions en 2014 et 105 millions en 2015. Ce soutien financier a été conditionné à des progrès dans la lutte contre la corruption, la modernisation de l’administration publique, la réforme constitutionnelle et l’évolution de la législation électorale. Il a ensuite été décidé, en 2015, d’attribuer à l’Ukraine une nouvelle assistance macro-financière d’1,8 milliard d’euros, sous la forme d’un prêt à moyen terme décaissable en quatre tranches de mi-2015 à début 2016.

M. François Rochebloine. A combien s’élève le solde net des Anglais ?

Mme Estelle Grelier, rapporteure. Pour 2014, les Anglais sont les troisièmes contributeurs nets, à hauteur de 6,9 milliards d’euros. Les premiers sont les Allemands (16,9 milliards d’euros), suivis des Français (7,9 milliards d’euros). Les principaux pays bénéficiaires sont la Pologne, la Hongrie, la Grèce et la Belgique.

Mme la Présidente, Elisabeth Guigou. J’ai quelques commentaires. D’abord, je partage entièrement l’analyse, claire et argumentée, de Mme Grelier sur la nécessité d’une remise à plat du système. Année après année, le budget en dépenses n’a pas évolué, en pourcentage du revenu national brut cumulé de l’Union, et ce, alors même que nous étions 12 et qu’aujourd’hui, nous sommes 28. Or, nous avons besoin d’un budget européen pour financer les efforts de solidarité.

Je suis, par ailleurs, en profond désaccord avec M. Myard, sur l’idée qu’il faudrait renationaliser le budget européen à travers des protocoles financiers. Vous, qui vous faites souvent le chantre du réalisme en politique étrangère, pardonnez-moi, mais il s’agit là d’une chimère, une vue de l’esprit, car si l’on s’en remet aux Etats membres pour les dépenses de solidarité, fondement même du projet européen, on n’aboutira à rien. La question est de savoir quel budget, avec quelles contributions et quels financements ? On en arrive à la conclusion que le système des ressources propres est à bout de souffle.

Concernant les rabais, leur empilement rend le système absolument illisible. Un accord avait été obtenu à ce sujet lors du Conseil européen de Fontainebleau en 1984 : les dépenses agricoles représentaient alors 75 % du budget européen, contre 38 % aujourd’hui. Ces dépenses étaient hypertrophiées. Le Royaume-Uni ne percevait rien puisque son agriculture était résiduelle – et c’est encore le cas. A la suite des réformes de la politique agricole commune (PAC), la part des dépenses agricoles a diminué et les contributions des différents États, dont la France, se sont profondément modifiées. Nous devons donc remettre ce système à plat et exiger une réforme d’ampleur.

Monsieur Myard, s’agissant de l’Union bancaire, je suis en désaccord profond avec vous. Ces affirmations péremptoires selon lesquelles l’Union bancaire aggraverait les choses sont fausses. L’Union bancaire est un système de surveillance unique de l’ensemble des banques de l’Union européenne. S’il avait été en place lors de la crise, les petites banques espagnoles n’auraient pas contaminé le reste de l’Union européenne. J’ajoute que cette Union bancaire est un système de résolution des risques octroyant une procédure unique de traitement des difficultés rencontrées par les banques. Cette procédure fait d’abord payer la banque et le système bancaire, plutôt que d’avoir recours aux contributions des contribuables, comme ce fut le cas en Irlande. Cela vise donc à déconnecter les crises bancaires des budgets nationaux. Ce système de résolution interne au système bancaire – nommé bail-in en anglais – est un filet de sécurité très important. Le recours au fonds de résolution unique n’entre en jeu que si le premier mécanisme ne suffit pas.

Quant à la Banque de France, elle a fortement soutenu l’Union bancaire, et je peux vous apporter les textes des soutiens qu’elle a apportés à ce système.

Concernant le Service Européen d’Action Extérieure (SEAE), rappelons que l’on doit à Catherine Ashton l’accord entre la Serbie et le Kosovo, alors que personne dans les diplomaties nationales ne s’en était occupé. Par ailleurs, dans le cadre des accords de Minsk, le SEAE a eu le mérite d’associer aux discussions ceux qui ne participaient pas directement au « Format Normandie ». Sans son intervention, nous aurions eu des difficultés à poursuivre le dialogue dans ce format. Ce service n’est peut-être pas idéal, je le reconnais, et il est très certainement perfectible.

M. Jacques Myard. Concernant la solidarité européenne, il convient de poser le problème, car c’est la grande absente : nous sommes en concurrence sur le plan commercial et tous les coups sont permis. S’agissant du SEAE, selon moi il ne sert pas à grand-chose. Nous pourrions avoir un médiateur européen qui assiste aux réunions diplomatiques et les rapporte par la suite. En revanche, je me pose des questions sur la nécessité des fonctionnaires européens présents dans chaque pays, lesquels sont par ailleurs fortement rémunérés par rapport aux diplomates nationaux.

Concernant l’Union bancaire, je suis en profond désaccord avec vous. Il est inexact de dire que c’est un système de surveillance. Cela ne l’est seulement pour les grandes banques, ce n’est pas pour le cas pour les petites banques ! De nombreuses petites banques allemandes échappent par exemple à la surveillance de ce système.

Par ailleurs, nous ne connaissons pas l’étendue réelle des engagements des banques. Dans le cas de Lehman Brothers, la banque avait fait faillite du fait de l’engagement d’une petite filiale qui ne représentait que 0,25% de son chiffre d’affaires. Or nous ne savons pas ce qu’il se produira si nous aidons les petites banques européennes, notamment en Espagne ou en Grèce. C’est pour cette raison qu’il eut fallu compartimenter les risques au sein de l’Union bancaire afin d’éviter qu’un choc systémique ne gagne l’ensemble de l’Union européenne. Je maintiens ma position : c’est un mauvais système.

Mme la présidente, Elisabeth Guigou. Monsieur Myard, ce que vous dites est faux. Le système de surveillance est en effet différent pour les grandes et les petites banques, mais il concerne bien l’ensemble des institutions bancaires. Le système est direct pour les grandes banques et la possibilité est donnée à la Banque centrale européenne (BCE) de se saisir de toute question dès lors qu’il y a une difficulté sur les petites banques.

S’agissant de Lehman Brothers, la situation n’est pas comparable. La Réserve fédérale des Etats-Unis avait délibérément choisi de ne pas sauver cette banque, pensant que cela n’était pas important. Il y avait aussi une sous-estimation dramatique de la titrisation : cette cavalcade de création d’actifs financiers déconnectés de l’économie réelle. En parallèle, les Etats-Unis étaient confrontés à des crédits hypothécaires artificiellement gonflés. La faillite de Lehman Brothers résulte donc de l’aveuglement de la Réserve fédérale américaine ainsi que de l’ensemble du système financier international. Aujourd’hui, nous avons eu le réflexe d’augmenter les fonds propres des institutions bancaires et de limiter – imparfaitement sans doute – les effets de la titrisation.

Concernant le SEAE, nos ambassadeurs se félicitent de manière croissante de la présence des représentants de l’Union européenne à l’étranger et soulignent leur utilité pour faciliter, entre autres, la mise en place d’une coordination entre les différents ambassadeurs européens, en particulier sur la politique de voisinage de l’Union Européenne.

M. François Loncle. Tous les intervenants, à droite comme à gauche, ont sévèrement critiqué la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l’Union européenne. Aujourd’hui, il nous est demandé d’approuver le rapport, j’aimerais donc être rassuré sur notre capacité à mettre fin aux pratiques que vous dénoncez, à juste titre.

Mme Estelle Grellier, rapporteure. Nous souhaitons, à travers ce rapport, défendre la poursuite du financement du budget de l’Union Européenne. Nous estimons que c’est un rendez-vous manqué s’agissant des mécanismes de correction et de rabais. Il ne s’agit pas, par un vote négatif, de remettre en cause le financement même du budget de l’Union européenne jusqu’en 2020, tout en ne restant pas naïfs quant au contenu de la dernière décision ressources propres et à ce qu’il aurait pu être si les choses avaient été perçues de façon plus ambitieuse.

Suivant les conclusions de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 du projet de loi de finances pour 2016.

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