N° 4127 tome II - Avis de M. Philippe Le Ray sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4127

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061)

TOME II

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

TOURISME

PAR M. Philippe LE RAY

Député

——

Voir les numéros : 4061 et 4125 (annexe 2).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE DES CRÉDITS 9

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 134 : « DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES ET DU TOURISME » 9

II. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 185 : « DIPLOMATIE CULTURELLE ET D’INFLUENCE » 10

III. LES FINANCEMENTS PUBLICS HORS PROGRAMMES 185 ET 134, QUI PARTICIPENT DE LA POLITIQUE DU TOURISME 11

SECONDE PARTIE : RELANCER UNE PROMOTION INTELLIGENTE DU TOURISME, DANS UN CONTEXTE DÉGRADÉ 12

I. UNE SITUATION TOURISTIQUE DÉGRADÉE DANS UN CONTEXTE DÉFAVORABLE ET INSTABLE 12

A. L’IMPACT MASSIF DES ATTENTATS ET DES AUTRES FACTEURS CONJONCTURELS SUR LE SECTEUR TOURISTIQUE EN 2015 ET 2016 12

1. Un impact significatif dès 2015 12

2. L’annulation du léger rebond observé début 2016 12

a. Le léger rebond de 2016 annihilé par les attentats de Bruxelles et Nice 12

b. Un impact sur toutes les clientèles, toutes les formes d’hébergement et presque toutes les régions 13

B. LES DIFFICULTÉS CAUSÉES PAR LA RÉFORME TERRITORIALE : UN FLOU GÉNÉRALISÉ AU DÉTRIMENT DES DÉPENSES DE PROMOTION DU TOURISME 14

1. Les dispositions de la loi NOTRe : le maintien d’une compétence partagée et le renforcement du rôle des intercommunalités 15

a. Le tourisme : une compétence qui demeure partagée 15

b. Le renforcement du rôle de l’intercommunalité 15

2. Des questions non résolues et des inquiétudes 16

a. Une compétence partagée sans chef de file, qui maintient la superposition des échelons 16

b. Le rôle incertain du département dans la compétence tourisme 17

c. Le maintien de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » dans les stations classées de tourisme : un retour sur la philosophie de la loi NOTRe 18

d. Les difficultés d’interprétation de la notion de « marque territoriale » et de ses conséquences juridiques 18

e. En conséquence, des dépenses orientées vers la réorganisation davantage que vers la promotion 19

C. UN CONTEXTE QUI ÉVOLUE PLUS RAPIDEMENT QUE LES PROFESSIONNELS NE S’ADAPTENT 20

1. Le e-tourisme : vers le tout achat en ligne 20

2. Le m-tourisme : l’exigence d’information instantanée 21

3. Le tourisme collaboratif 22

II. FACE AUX DIFFICULTÉS, DE PREMIÈRES MESURES POSITIVES INITIÉES PAR LE GOUVERNEMENT 23

A. LA POLITIQUE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL : UNE POLITIQUE VOLONTARISTE 23

1. La formation 24

2. L’accueil 24

3. Le numérique 24

a. Les mesures mises en œuvre par la direction générale des entreprises 25

b. Les actions du ministère des affaires étrangères 26

4. L’investissement dans la rénovation et l’innovation 26

a. L’investissement dans l’accueil touristique 26

b. L’investissement dans l’innovation touristique 27

B. LA STRUCTURATION DE L’OFFRE 29

1. Les contrats de destination 29

2. Les contrats de structuration de pôles touristiques territoriaux 30

3. Les pôles d’excellence 30

C. LE COMITÉ D’URGENCE POUR LE TOURISME : LA RÉPONSE APPORTÉE À L’IMPACT DES ATTENTATS 30

1. Les premières mesures 30

2. Le premier comité d’urgence économique pour le tourisme 31

3. Le second comité d’urgence économique pour le tourisme 31

III. DES CRITIQUES PERSISTANTES QUI REQUIÈRENT DES ÉVOLUTIONS 32

A. RENFORCER LA PROMOTION DU TOURISME 32

1. Faire d’Atout France un organisme puissant et efficace 32

a. Augmenter les crédits de l’opérateur Atout France 32

b. Améliorer la gestion et l’action de l’opérateur Atout France 34

i. Une efficacité parfois critiquée 34

ii. Une amélioration en cours, à poursuivre 34

c. Ouvrir Atout France aux acteurs du numérique : une évolution nécessaire mais complexe 35

2. Créer une structure interministérielle en charge du tourisme 35

B. DES MESURES À DÉPLOYER AU NIVEAU LOCAL 36

1. Déployer des offices de tourisme 2.0 36

2. Donner aux collectivités territoriales les moyens d’agir : mieux collecter les recettes fiscales, en particulier la taxe de séjour 37

C. CONCENTRER LES EFFORTS SUR CERTAINS AXES CLÉS DU DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE 39

1. Développer et promouvoir le tourisme thématique, outil de lutte contre la saisonnalité 39

a. Les avantages du tourisme thématique ou alternatif : la promotion du local et de l’expérience 39

b. Les atouts de la France 40

2. Instaurer un cadre juridique équilibré, garantissant le développement des nouvelles formes de tourisme dans le respect de la loyauté de la concurrence et de l’équité entre les opérateurs 41

EXAMEN EN COMMISSION 43

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 45

(En milliards d’euros)

Source : Banque de France

D’après les statistiques diffusées par l’Organisation mondiale du tourisme, la France reste la première destination en termes d’arrivées de touristes internationaux en 2015. Celles-ci s’établissent à 84,5 millions de touristes, soit une augmentation de 0,9 % par rapport à 2014. Malgré les attentats du 13 novembre 2015, Paris est restée, en 2015, la première destination mondiale, avec près de 16 millions de visiteurs internationaux. Le nombre total de nuitées augmente également, de 0,8 %, en 2015, et la durée moyenne de séjour se maintient à 6,8 nuitées, ce qui devrait accroître les recettes dégagées par le secteur du tourisme. Sur l’ensemble de l’année, les clientèles lointaines marquent une très forte augmentation (+ 11,6 %) tandis que le marché européen se contracte
(- 1,5 %). Le marché asiatique enregistre une hausse de plus de 22 %, ce qui témoigne en particulier de l’efficacité de la mesure de délivrance accélérée des visas à destination des clientèles chinoise, indienne, et singapourienne (« visa en 48 h »), mise en
œuvre à partir de 2014.

Pourtant, et sans même tenir compte de l’effet des attentats sur la fréquentation, le tourisme français connaît de grandes difficultés :

– une conjonction de facteurs défavorables – météo, mouvements sociaux, agressions de touristes étrangers, effet d’éviction résultant de l’Euro de football – est venue altérer l’attractivité de la destination France en 2015 et 2016 ;

– le nouveau partage de la compétence tourisme, issu des différents textes législatifs portant réorganisation territoriale, est source d’incompréhension et de complexité, qui nuisent à la définition d’une stratégie touristique claire, notamment en matière de promotion, au moment même où cette stratégie est la plus nécessaire ;

– les acteurs du tourisme peinent à s’adapter à l’émergence des nouveaux modes de consommation touristique, en particulier au e-tourisme (62 % des Français préparent désormais leurs voyages sur internet), et au m-tourisme (l’usage du téléphone mobile et des tablettes par les touristes pour s’informer ou se guider) : la France accuse un certain retard en matière d’investissement dans le numérique et de déploiement du tourisme digital, et trop de professionnels adoptent encore une attitude « défensive » ;

– la filière tourisme doit s’adapter pour faire face à la concurrence internationale, notamment des destinations à bas coûts, et répondre aux nouveaux souhaits de la clientèle : tourisme individuel plutôt que de groupe, exigences qualitatives accrues, etc. Or plusieurs reproches sont adressés aux destinations touristiques françaises, notamment en termes de propreté ou d’amplitude d’ouverture des commerces, comme il ressort d’études réalisées par les ambassadeurs français.

En conséquence, la destination France perd du terrain : avec 402 millions de nuitées marchandes en 2014, elle est désormais talonnée par l’Espagne qui en a comptabilisé 401 millions. De plus, si la France demeure première en nombre de touristes internationaux accueillis, elle passe, en 2015, de la 3e à la 4e place en matière de recettes tirées du tourisme international. En effet, la Chine se hausse à la 2e place, et rejoint l’Espagne et les États-Unis dans le trio de tête.

C’est pourquoi, les crédits alloués à la politique touristique doivent faire l’objet d’une attention particulière. Il s’agit en particulier de renforcer la promotion de la destination France, dans le contexte post-attentats, mais aussi de garantir l’adaptation des professionnels aux nouvelles formes de « consommation touristique », et de répondre aux exigences de qualité des consommateurs. Ceci doit permettre d’organiser la résilience du secteur face aux événements internationaux imprévisibles, sa compétitivité dans une concurrence internationale de plus en plus forte, et sa réactivité à une reprise à venir de la fréquentation.

Au terme de son analyse, votre rapporteur émet un avis de sagesse à l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » pour ce qui concerne le tourisme.

PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE DES CRÉDITS

Les crédits budgétaires alloués au tourisme sont répartis entre plusieurs missions et programmes :

– le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie », dont l’un des objectifs est de contribuer à la promotion de l’offre touristique de qualité et au tourisme social ;

– le programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » de la mission « Action extérieure de l’État », qui comporte pour objectif le renforcement de l’attractivité touristique du pays par une meilleure articulation entre l’action culturelle extérieure et la promotion du tourisme en France.

Au titre du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », et en particulier de son action n° 21 « Développement du tourisme », le tourisme bénéficie, en 2017, de 4,25 millions d’euros (M€) en crédits de paiement et de 2,38 M€ en autorisations d’engagement. Ces crédits sont en très forte baisse par rapport à l’année 2016, où ils s’élevaient à 6,90 M€ en autorisations d’engagement et à 3,80 M€ en crédits de paiement.

L’action n° 21 vise à promouvoir l’image touristique de la France et de ses savoir-faire, à structurer l’offre touristique, à soutenir les filières dans leurs actions d’amélioration de la qualité et à faciliter le départ en vacances de tous les publics, notamment des personnes handicapées, des seniors et des personnes défavorisées.

Au sein des 4,25 M€ de crédits de paiement, 2,46 M€ sont affectés à des dépenses de fonctionnement et 1,79 M€ seulement à des dépenses d’intervention. Les dépenses de fonctionnement financent des enquêtes statistiques, demandées par l’Union européenne et conduites en partenariat avec la Banque de France, indispensables pour disposer des données touristiques économiques et de fréquentation. Les dépenses d’intervention se décomposent en plusieurs actions :

– le développement des politiques touristiques (1,26 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). En 2017, la direction générale des entreprises (DGE) concentrera les ressources disponibles sur un nombre limité d’axes stratégiques, dont le soutien aux entreprises innovantes ou la poursuite de la diversification et de la qualité de l’offre française passant par le développement de pôles d’excellence ;

– le plan qualité tourisme (0,17 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). En 2017, les crédits seront consacrés à la promotion et au déploiement de la marque « qualité tourisme » ou à l’accompagnement de la création de référentiels-types et outils dématérialisés de gestion de la marque ;

– le développement des politiques sociales (0,37 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). Ces crédits permettront d’aider au départ en vacances de publics cibles, en particulier les ménages modestes.

Par ailleurs, trois dépenses fiscales sont associées au programme : l’exonération de la contribution patronale et de la participation financière du comité d’entreprise et des organismes à caractère social au financement des chèques vacances, le taux de TVA de 10 % applicable à la fourniture de logements dans les hôtels et le taux de TVA de 10 % applicable à la fourniture de logements dans les terrains de camping classés.

Depuis 2015, le programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », de la mission « Action extérieure de l’État » comprend la subvention pour charges de service public versée à l’opérateur Atout France, l’agence de développement touristique de la France.

Cette subvention constitue l’intégralité de l’action n° 7 « Diplomatie économique et développement du tourisme » (dont le libellé a été modifié), dotée de 33,08 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Elle doit permettre à l’opérateur d’accomplir trois missions : promouvoir et développer la marque France, adapter l’offre française à la demande touristique nationale et internationale et accompagner les professionnels français en vue d’accroître leur compétitivité économique. En 2017, 0,40 M€ de cette subvention seront consacrés à la sécurité des personnes et des locaux d’Atout France, dans les pays où les bureaux ne sont pas implantés au sein des ambassades ou consulats.

Cette subvention enregistre une diminution de 0,84 % en 2017 (elle était de 33,35 M€ en 2016). Certes, cette baisse correspond à la baisse totale des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », de 0,84 % également, et est relativement modérée par rapport à celle d’autres opérateurs du même programme (les Instituts français subissent ainsi une baisse de 3 % de leurs crédits). Votre rapporteur y voit toutefois un signal négatif, d’autant plus que le plafond d’emplois d’Atout France est également réduit de 4 équivalents temps plein travaillés (ETPT), et porté à 308 ETPT.

Il est également à noter que le principe de l’attribution d’une part du produit des recettes additionnelles des droits de visa à Atout France est reconduit pour 2017. Toutefois, sur les 4,5 M€ annoncés en 2016, seul 1 M€ a effectivement été perçu par l’opérateur. Pour l’année 2017, il n’est pas possible, à ce stade, de déterminer le montant des crédits qui seront versés, les recettes additionnelles des droits de visa 2016 n’étant connues qu’en début d’année 2017. La prévision est toutefois celles de recettes en baisse. Votre rapporteur le déplore.

Numéro et intitulé du programme

Exécution 2016

LFI 2016

LFI 2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

185 - Diplomatie culturelle et d’influence

376,0

374,9

368,9

368,9

412,8

412,8

149 - Économie et développement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières

40,5

35,6

42,8

44,8

40,3

39,8

175 - Patrimoines

64,7

64,9

71,6

68,4

77,1

71,9

224 - Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

0,17

0,17

0,18

0,18

0,68

0,68

203 - Infrastructures et services de transports

33,8

35,2

34,5

35,9

34,5

35,9

205 - Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture

27,1

24,4

30,9

28,3

31,5

28,5

217 - Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

134 - Développement des entreprises et du tourisme

21,3

22,9

25,6

22,5

20,9

22,8

138 - Emploi outre-mer

1,63

1,77

1,20

1,87

1,2

1,99

123 - Conditions de vie outre-mer

0,1

0,12

0,8

0,8

0,6

0,6

112 - Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

11,6

24,6

12,9

20,1

14,0

16,3

162 - Interventions territoriales de l’État

49,3

37,4

39,4

38,1

11,5

11,3

186 - Recherche culturelle et culture scientifique

102,8

102,8

113,4

113,4

108,5

109,7

119 - Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements

21,5

21,5

1,92

1,92

1,92

1,92

219 - Sport

1,3

2,01

0,74

0,76

3,1

3,1

207 - Sécurité et éducation routières

1,85

1,85

1,85

1,85

1,85

1,85

102 - Accès et retour à l’emploi

151,8

115,9

90,8

109,6

65,7

84,5

103 - Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

160,9

160,9

157,2

156,7

153,8

153,8

Total

2 041

1 898

1 938

1 922

2 036

2 001

Source : Document de politique transversale « Tourisme » 2017

Selon l’enquête auprès des visiteurs de l’étranger (dite « enquête EVE ») réalisée par la DGE et la Banque de France, la tendance pour le début de l’année 2015 était à une progression du nombre de touristes de l’ordre de 1,5 % sur les trois premiers trimestres. Cette évolution résultait d’une hausse de la clientèle extra-européenne (+ 17,5 %), la clientèle européenne étant en retrait (- 1,9 %).

Les attentats du 13 novembre ont eu un impact direct sur la fréquentation touristique. Ainsi, la fréquentation des hébergements collectifs touristiques, exprimée en nuitées, s’est immédiatement repliée de 1,8 % par rapport à la même période de 2014, et de 8,7 % pour la seule clientèle étrangère. La baisse a été plus sensible à Paris : dans les hôtels, la fréquentation y a baissé globalement de 6,8 % et davantage pour la clientèle étrangère (- 9,8 %).

Dans ces conditions, les résultats sur l’ensemble de l’année 2015 ont été mitigés. En hausse aux trois premiers trimestres, malgré un mois d’août décevant en camping, la fréquentation se repliait fortement en novembre et décembre. Au total, la fréquentation des hébergements collectifs de France métropolitaine progressait tout de même de 2 %, soit 8 millions de nuitées supplémentaires (pour s’établir à 406,4 millions) en 2015, cette hausse étant essentiellement portée par la clientèle française (+ 3,1 %), alors que la fréquentation étrangère reculait légèrement (- 0,3 % sur l’année). Les recettes, en revanche, baissaient de 2,4 % pour s’établir à 41,4 Md€ et le solde du poste « voyages », toujours positif, se réduisait à 6,8 Md€ en 2015, après avoir atteint 7,1 Md€ en 2014.

Après une fin d’année 2015 maussade, les premiers mois de l’année 2016 présentaient des signes encourageants de reprise. Ainsi, au premier trimestre 2016, la fréquentation touristique dans les hébergements collectifs se redressait de 1,1 % par rapport à la même période de 2015, après le net repli du quatrième trimestre. La fréquentation progressait à nouveau grâce à la clientèle française. En revanche, les nuitées de clients étrangers continuaient de baisser (- 2,7 %), mais nettement moins qu’au trimestre précédent (- 8,7 %).

Les chiffres de l’INSEE du deuxième trimestre 2016, publiés le 19 août, sont toutefois venus démentir les signes positifs du début d’année. En glissement annuel, la fréquentation globale baissait de 4,8 %. Elle diminuait aussi bien pour les clientèles étrangères (- 8,5 %) que françaises (- 2,9 %). Les attentats à Bruxelles du 22 mars 2016, vécus comme une réplique des attentats de Paris, les événements sociaux en France, relayés à l’étranger, et les conditions météorologiques dégradées par rapport à 2015 auraient ravivé les effets dépressifs au deuxième trimestre 2016 et annulé les espoirs de reprise.

Au-delà des attentats, une conjonction de facteurs défavorables en 2015-2016

Une conjonction de facteurs défavorables, en particulier à Paris, a conduit à une forte désaffection vis-à-vis des destinations françaises, au cours des années 2015 et 2016 :

– le relais par les médias du climat social lié à la loi dite « travail » a eu un impact sur les ventes de dernière minute et sur le niveau d’annulations (en comparaison il n’y avait eu qu’une seule journée de grève d’avril à août 2015) ;

– la grève des pilotes d’Air France, pendant les quatre premiers jours de l’Euro 2016, du 11 au 14 juin 2016, a conduit à l’annulation de 1 030 vols ;

– le calendrier de l’année 2016 était défavorable, les jours fériés du mois de mai survenant des dimanches (1er et 8 mai) et le salon Airshow de Paris Le Bourget ne se tenant que les années impaires ;

– la météo a été très néfaste, en raison notamment des inondations du mois de mai, et des jours de pluie au mois de juin (15 jours en 2016, contre 3 en 2015) ;

– l’Euro de football, au-delà de son effet d’attraction, a eu un effet d’éviction, en raison de l’augmentation des prix, mais aussi des craintes en termes de qualité d’accueil et de sécurité. La baisse trop tardive des prix affichés par les hôteliers (souvent supérieurs de plus de 100 % à ceux habituellement pratiqués, à plus de 30 jours avant le début de la compétition) a pu amplifier cet effet sur l’arrivée de touristes non concernés par l’événement (touristes non européens et touristes non attirés par les sports).

La baisse de fréquentation constatée concerne tous les types d’hébergement, des hôtels (qui enregistrent une chute de fréquentation de 3,5 %, et de 7,3 % pour les seuls touristes étrangers en 2016) aux campings (qui enregistrent une chute de fréquentation de 6,8 %). Cette diminution concerne également toutes les formes de tourisme : le cabinet Protourisme estime qu’à partir de septembre 2016 les réservations liées au tourisme d’affaires seront en baisse de 5 % à 10 % par rapport à l’année précédente.

Les plus fortes baisses concernent la clientèle internationale, dite « long-courrier », plus sensible à la sécurité que les touristes français. Les réservations aériennes des touristes américains, première clientèle touristique étrangère, ont ainsi connu une baisse de 19,2 % entre le 25 et le 31 juillet 2016, alors qu’elles étaient en progression de 14 % entre le 27 juin et le 3 juillet. Les réservations aériennes des Britanniques ont, pour leur part, chuté de 23 % la dernière semaine de juillet sous l’effet conjugué des attentats, de l’annonce du Brexit et de la chute de la livre.

Cette diminution s’observe particulièrement en Île-de-France (et dans ses sites « satellites », tels que les châteaux de la Loire ou le Mont-Saint-Michel) et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ainsi, à Paris, la fréquentation hôtelière a chuté de 9,8 points par rapport à l’année 2015. Au premier trimestre 2016, le comité régional du tourisme de Paris Île-de-France enregistrait une baisse de 56 % des visiteurs japonais, de 35 % des Russes et de 24 % des Italiens. La perte globale serait d’un million de touristes et de 750 M€ de chiffre d’affaires (2). Par voie de conséquence, Chambord, l’un des châteaux les plus visités en France, connaissait une baisse générale de fréquentation de 6 %, dont une chute de 20 % pour la clientèle japonaise. Au contraire, les sites de montagne et les formes alternatives de tourisme (tourisme fluvial), ainsi que les villes hôtes de l’Euro, sont moins touchés. Certaines régions, dont le Morbihan, enregistrent même un surcroît de fréquentation de 1 à 2 % à l’été 2016.

Au-delà du seul effet des attentats, d’autres difficultés perturbent actuellement le secteur du tourisme. Ainsi, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « loi NOTRe »), promulguée le 7 août 2015, constitue le troisième volet de la réforme territoriale après la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite « loi MAPTAM ») et la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Si la loi NOTRe poursuit l’objectif de simplification et de rationalisation des compétences territoriales en posant le principe d’une mutualisation de la compétence « tourisme », elle introduit, toutefois, un grand flou pour l’ensemble des opérateurs, et génère des inquiétudes, que beaucoup ont relayées auprès de votre rapporteur.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a maintenu le principe du partage de la compétence tourisme entre les trois échelons territoriaux que sont la commune, le département et la région. La coordination entre les comités régionaux du tourisme (CRT), les comités départementaux du tourisme (CDT) et les agences de développement touristique (ADT) est inchangée.

Ainsi, la région, avec l’appui du CRT, poursuit son objectif de développement touristique dans le cadre d’un schéma régional de développement du tourisme et des loisirs. Elle coordonne les initiatives publiques et privées dans le domaine du développement, de l’information touristique et de la promotion dont les actions sur les marchés étrangers. En outre, elle assure le recueil, le traitement et la diffusion des données relatives à l’activité touristique de son territoire.

Le conseil départemental définit la politique touristique du département dans un schéma d’aménagement touristique départemental qui prend en compte les orientations portées par le schéma régional. Il peut créer, quand celui-ci n’existe pas encore, un comité départemental du tourisme (CDT) dont il choisit librement le régime juridique. Sa politique touristique est davantage axée sur la structuration de l’offre et l’accompagnement des professionnels au niveau national.

Depuis le 1er janvier 2015, la loi dite « MAPTAM » a transféré la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » aux communautés urbaines et à la métropole de Lyon, en lieu et place des communes membres. De la même manière, la loi NOTRe prévoit le transfert de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes, en lieu et place de leurs communes membres, au 1er janvier 2017. Deux dérogations sont prévues pour maintenir, dans certaines communes, un office de tourisme distinct :

– le maintien d’un office de tourisme distinct est possible en présence d’une ou plusieurs marques territoriales protégées au sein d’une même commune ou intercommunalité. Cette dérogation s’applique aux communes ayant effectué une demande de dépôt de marque territoriale auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) ;

– le maintien d’un office de tourisme distinct est possible pour les communes touristiques ou classées stations de tourisme si l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) en décide ainsi, au plus tard trois mois avant l’entrée en vigueur du transfert de la compétence. C’est également à l’EPCI qu’il revient de définir les modalités de mutualisation des moyens et des ressources des offices de tourisme intercommunaux existant sur son territoire.

Ces deux cas ne remettent pas en cause le transfert de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » aux EPCI à fiscalité propre, les offices de tourisme maintenus étant des offices de tourisme « distincts » mais non municipaux, à compétence territoriale limitée, et relevant de l’office de tourisme intercommunal.

Après de multiples débats parlementaires, le principe du chef-de-filât de la région en matière de tourisme, porté par le projet de loi initial, a été rejeté au profit du maintien d’une compétence tourisme partagée entre les échelons territoriaux, rappelée à l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales. Si le partage de la compétence « tourisme » apparaît souhaitable, et cohérente avec les réalités de terrain, votre rapporteur regrette toutefois l’abandon du chef-de-filât de la région, ainsi que du schéma régional unique de développement touristique. De même, la fédération des offices de tourisme de France, rencontrée par votre rapporteur, indiquait : « il est complexe de réserver la compétence tourisme à un échelon de collectivité en particulier, tant la diversité des territoires et du secteur du tourisme est grande. C’est pourquoi, la compétence partagée apparaît nécessaire. Néanmoins, une coordination de l’action plus poussée, et surtout une spécialisation des missions de chaque échelon sont pour nous essentielles ».

Alors que les missions des départements et celles des régions sont, en théorie, distinctes (les départements assurant la promotion de leur destination auprès des Français en étant proche du terrain, et les régions assurant une promotion à l’international en développant une vision plus stratégique et prospective), la réalité est moins claire et les chevauchements multiples. En outre, dans certains cas, les relations entre les intercommunalités, les comités départementaux et les comités régionaux du tourisme sont mauvaises.

Votre rapporteur déplore donc qu’en l’état actuel des choses, la superposition des échelons, source de redondance, demeure, et ne permette pas de définir une position stratégique claire, ni de mettre en œuvre une politique touristique efficace.

Les modalités du partage de compétence retenues par la loi NOTRe prêtent à confusion dans la mesure où, si les régions comme les départements peuvent intervenir en matière touristique, les régions sont seules compétentes en matière de développement économique et d’aménagement du territoire (3) ainsi qu’en matière d’aides et de subventions aux entreprises (4). La région peut donc intervenir librement, non plus uniquement en fonction de l’objet de l’aide (le secteur du tourisme), mais également en fonction de la nature de l’aide (aide à caractère économique).

En revanche, l’intervention des départements est désormais plus limitée. Ainsi, l’investissement dans l’hôtellerie ou dans le secteur du tourisme de façon plus large, n’est possible, selon une interprétation stricte, que si cet investissement concerne exclusivement la promotion du tourisme, et non l’aide au développement économique. En cas contraire, le département outrepasse sa compétence. À titre d’illustration, alors que les départements ont beaucoup accompagné la mise aux normes (notamment d’accessibilité) des établissements hôteliers, ils ne pourraient désormais plus le faire car une telle opération relèverait de l’aide économique (pour aider les entreprises à supporter les coûts de mise en conformité avec la loi, notamment en mettant à leur disposition des facilités de trésorerie) et non de l’aide touristique (l’accessibilité n’ayant pas vocation à attirer davantage de touristes, mais simplement à se conformer à la réglementation). Ceci est d’autant plus préjudiciable que les régions ne témoignent pas d’une très grande volonté à intervenir davantage dans ce secteur, notamment faute de moyens.

Cette interprétation est confirmée par deux instructions du Gouvernement aux termes desquelles la région est seule compétente pour définir et octroyer des aides en faveur de la création ou de l’extension d’activités économiques. Ces instructions précisent que le département, dont le rôle est renforcé en matière de solidarité territoriale, n’est plus compétent en matière d’interventions économiques de droit commun y compris lorsqu’il s’agit d’une compétence partagée comme le tourisme. À cet égard, la loi NOTRe mentionne que les conseils départementaux peuvent maintenir les financements aux organismes qu’ils soutiennent jusqu’au 31 décembre 2016 seulement.

Ces instructions du Gouvernement sont aujourd’hui contestées par l’Assemblée des départements de France (ADF). Un recours pour excès de pouvoir a été déposé devant le conseil d’État. L’ADF a également déposé deux questions prioritaires de constitutionnalité sur le sujet.

Votre rapporteur appelle à clarifier ce point rapidement.

La possibilité de maintenir, dans les communes touristiques ou classées stations de tourisme, un office de tourisme distinct de l’office intercommunal, instaurée par la loi NOTRe n’apportait pas satisfaction à certains élus des territoires à forte identité touristique : cette possibilité n’introduisait en aucun cas une dérogation au transfert de compétence, dans la mesure où la décision en revenait à l’EPCI, qui restait responsable de la définition des conditions de mutualisation, et où l’office créé continuait à dépendre de l’intercommunalité. S’agissant de la gouvernance des offices de tourisme, de nombreux élus locaux avaient signalé au Gouvernement leurs craintes d’être dépossédés d’un secteur économique vital pour le développement de leur commune au profit d’un EPCI au sein duquel ils seraient minoritaires (le transfert de la compétence à l’EPCI entraînant une réorganisation de la gouvernance des offices de tourisme pour instaurer une majorité d’élus communautaires au sein des conseils d’administration).

En conséquence, le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne introduit une dérogation nouvelle. Il permet aux communes classées stations de tourisme, ou en cours de classement au 1er janvier 2017, de conserver, si elles en délibèrent ainsi, le plein exercice de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme », par dérogation au transfert effectif au 1er janvier 2017.

Ce projet de loi pose toutefois plusieurs difficultés :

– il peut conduire certains territoires à revenir sur un mouvement d’intercommunalisation opéré de façon spontanée depuis plusieurs mois, et mettre à mal la pédagogie de la loi NOTRe ;

– le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de Montagne devra être publié avant le 1er janvier 2017 afin que la dérogation puisse être appliquée. Le délai accordé aux communes pour, le cas échéant, s’inscrire dans le dispositif dérogatoire sera très restreint, si elles n’ont pas anticipé la démarche de classement en station de tourisme.

L’article L. 133-1 du code du tourisme, relatif à la possibilité pour les communes ayant une marque territoriale de conserver un office de tourisme distinct, fait l’objet de multiples interprétations, qui conduisent votre rapporteur à demander sa clarification immédiate. Aux termes de cet article : « lorsque coexistent sur le territoire d’une même commune ou d’un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, plusieurs marques territoriales protégées, distinctes par leur situation, leur appellation ou leur mode de gestion, la commune est autorisée à créer un office de tourisme pour chacun des sites disposant d’une marque territoriale protégée ».

Cet article pose plusieurs difficultés d’interprétation :

– la notion de marque territoriale protégée ne fait l’objet d’aucune définition juridique : toute commune peut déposer sa marque à l’INPI, sans avoir à répondre à des critères, notamment de qualité. Les différents ministères concernés par la question n’ont pas arrêté de définition unique ;

– de plus, pour certains, l’expression « la commune est autorisée » doit être interprétée comme sous-entendant que la commune doit être autorisée « par l’EPCI » à maintenir son office de tourisme. Pour d’autres, cette même expression indique que la commune peut s’autoriser elle-même, par délibération municipale, et en toutes circonstances, à maintenir cet office de tourisme ;

– enfin, pour certains, l’office de tourisme que la commune est autorisée à créer pour chacun des sites disposant d’une marque territoriale est un office de tourisme communal, ou infra-communal, indépendant. Pour d’autres, il s’agit uniquement d’un bureau distinct, mais dépendant de l’office de tourisme intercommunal, sans dérogation au transfert de compétences.

Votre rapporteur souhaite, là encore, une clarification rapide.

En raison de l’ensemble des difficultés causées par la mise en œuvre de la loi NOTRe, les intercommunalités dépensent, aujourd’hui, des sommes considérables en conseil juridique. Ces fonds ne sont pas alloués aux dépenses de promotion du tourisme, au moment même où cette promotion est rendue indispensable par le contexte national et où les offices de tourisme devraient engager des dépenses d’investissement, et non de fonctionnement. À titre d’illustration, un travail important avait été mené par la DGE et les offices de tourisme, il y a deux ans, pour développer l’accueil numérique et hors les murs (en déportant l’information dans les lieux d’hébergement) des offices de tourisme. Malheureusement, comme indiqué par la représentante de la DGE auditionnée par votre rapporteur, la loi NOTRe a englué les efforts, car les offices de tourisme sont aujourd’hui concentrés sur leur réorganisation et trop « centrés sur eux-mêmes », davantage que sur la promotion : « deux années ont été perdues ».

De même, selon la Fédération nationale des offices de tourisme de France, auditionnée par votre rapporteur, « les fonds que mobilisent actuellement les collectivités territoriales quant à la réorganisation touristique portent essentiellement sur la définition de stratégie territoriale touristique par des diagnostics, la définition de projet et de plan d’action, afin de déboucher notamment sur une meilleure organisation de l’office de tourisme. D’autre part, les regroupements engendrent aussi des transferts de personnel et demandent une réorganisation importante des organigrammes. Il est évident que ces réorganisations prennent du temps et ont un coût, ce qui pourrait, dans les mois qui viennent, freiner quelque peu les investissements en termes de promotion ».

Enfin, les représentants d’Atout France, rencontrés par votre rapporteur, estimaient également que « la réorganisation de la gouvernance du tourisme conduit à ce que beaucoup de décisions de promotion ou d’investissement soient, actuellement, différées ».

Avec 835 millions de transactions (5), le commerce en ligne poursuit sa progression en 2015 générant en France un chiffre d’affaires de 64,9 Md€ (soit 14 % de plus qu’en 2014) et 112 000 emplois. Le secteur du tourisme couvre 43 % des parts de marché du commerce en ligne en 2015 : selon le baromètre Raffour-Opodo, 49 % des Français ont réservé tout ou partie de leur séjour en ligne (soit 15,8 millions de voyageurs) en 2015.

Internet a favorisé le positionnement de nouveaux acteurs intermédiaires sur le secteur du tourisme, dénommés pure players ou Online Travel Agencies (OTA), tels que Booking.com ou Hotels.com dont la croissance est exponentielle : 65 % à 75 % des réservations hôtelières passent désormais par ces plateformes. Ces acteurs du commerce en ligne sont fréquemment présentés comme une menace pour les opérateurs traditionnels du tourisme, qui adoptent une position trop souvent défensive. Face à cette concurrence accrue et au développement de ces nouveaux modes de consommation sur internet, les acteurs traditionnels du tourisme ont du mal à se repositionner et à adapter leur offre afin de rester compétitifs. Ainsi, les voyagistes ont été fortement affectés par l’expansion du e-tourisme et des pratiques d’« auto-assemblage » qui en ont découlé.

Pourtant, votre rapporteur estime que ces acteurs du commerce en ligne représentent aussi une opportunité considérable :

– ils constituent, pour les prestataires touristiques indépendants, dont les hébergeurs, une opportunité d’interagir directement avec les clients et d’améliorer leur visibilité (notamment en situation de proximité et dernière minute). Ceux-ci peuvent aussi voir recours aux OTA afin d’être mieux référencés sur internet, ou n’employer ces plateformes qu’en période creuse, lorsque les clients potentiels sont difficiles à identifier et à démarcher. L’objectif pour ces professionnels traditionnels doit être de diversifier les canaux de distribution afin de ne pas dépendre uniquement des acteurs intermédiaires ;

– au-delà, les acteurs du e-commerce contribuent très largement à la promotion de la « destination France » dans son ensemble, notamment par leur potentiel de visibilité et de mise en relation, d’un niveau incomparable avec celui des offices de tourisme. Mieux que d’autres, ils savent aller « chercher le client » et lui proposer des services qui correspondent à ses attentes. Ils permettent aux différentes destinations d’être visibles sur internet, à un moment où c’est crucial pour surmonter la concurrence internationale. Ainsi, le site Expedia – qui dispose en France de relations avec 300 000 hôtels, et dépense près de 2 Md€ par an en référencement – reçoit plus de 100 millions de visiteurs par mois, dont seulement 10 % de visiteurs français : ceci constitue autant d’opportunités de vendre la destination France à l’étranger. Expedia estime ainsi avoir contribué au renforcement du taux d’occupation des hôtels en France, notamment par les offres promotionnelles. De même, selon le syndicat national des résidences de tourisme rencontré par votre rapporteur, Booking représente 30 % des réservations en France, et a permis de faire venir davantage de touristes, notamment chinois, dans les résidences de tourisme du territoire.

Votre rapporteur, toutefois, reste conscient des difficultés que peuvent causer ces plateformes de vente en ligne pour les professionnels traditionnels. Il n’ignore pas les pratiques déloyales mises en œuvre par certains sites lorsque des hôtels demandent à se retirer de leurs services, ni les clauses tarifaires parfois abusives (les commissions, habituellement de 15 à 18 %, pouvant aller jusqu’à 30 % selon les hôtels ou leur localisation).

Avec une augmentation de six points par rapport à l’an dernier, internet demeure la première source d’information pour les vacanciers. Cette tendance se confirme sur mobile puisque 39 % des Français partis en vacances en 2015 ont préparé ou réservé leur séjour sur un smartphone ou une tablette. 98 % des voyageurs emportent leur smartphone en vacances, ce qui leur permet d’accéder à de nombreux services et informations touristiques depuis leur lieu de séjour et, selon une étude d’Atout France, 67 % des clientèles européennes restent connectées sur leur smartphone pendant leur séjour touristique. Si une grande partie du temps passé sur ce canal est consacrée aux réseaux sociaux, les principaux usages touristiques en mobilité sont l’organisation du déplacement (itinéraire, géolocalisation), la recherche d’une prestation touristique (suggestions de visites, actualité des manifestations festives) et la consultation des avis de voyageurs (photos et vidéos).

En effet, les avis des internautes sur les destinations, les produits et les entreprises de tourisme sont devenus des facteurs essentiels de choix pour les consommateurs. Ainsi, le site Tripadvisor représente une donnée nouvelle dans le domaine de la consommation touristique. Il reçoit près de 350 millions de visiteurs par mois. Selon les représentants du site rencontrés par votre rapporteur, 93 % des voyageurs estiment que la consultation des commentaires déposés a eu un impact sur leur choix de réservation même s’ils croisent plusieurs sources afin d’en garantir la fiabilité. De même, le référencement d’une destination sur les réseaux sociaux est aujourd’hui devenu incontournable pour toucher la clientèle touristique.

Le mobile doit donc constituer, pour l’ensemble des acteurs du tourisme, un moyen de proposer leurs services à tout moment, de manière très réactive. Pour les voyageurs, il s’agit en retour d’une opportunité d’appréhender un séjour touristique de manière plus autonome, plus spontanée et plus personnalisée.

Le développement de l’économie collaborative et des ventes de prestations entre particuliers, à laquelle plus d’un internaute sur deux a recours en 2016, a également un impact significatif sur le secteur du tourisme. Si la location de vacances, même entre particuliers, existe depuis toujours, le développement de l’économie collaborative conduit aujourd’hui à un phénomène nouveau : celui de la location de résidences principales, et de la location en ville.

La location de logements à des fins touristiques par les particuliers est ainsi devenue une composante majeure et indispensable de l’offre nationale d’hébergement. Elle regroupe une typologie d’offres hétérogènes allant de l’accueil payant traditionnel en location de vacances et en chambres d’hôtes à des formes non marchandes telles que le couchsurfing (6) ou l’échange d’appartements. Globalement, les hébergements touristiques chez les particuliers représentent une capacité totale de 3,8 millions de lits, soit 43 % des lits marchands (7).

Les plateformes d’intermédiation favorisent en grande partie le développement de ces modes d’hébergement. Dans le secteur de la location saisonnière, plusieurs systèmes coexistent : les labels historiques, les offices de tourisme, les agences immobilières, et surtout les sites d’annonces, parmi lesquels quelques opérateurs spécialisés d’envergure mondiale, comme le groupe HomeAway, prennent une part de marché de plus en plus importante. Parallèlement, les startups de la location, telles Airbnb, sont déjà en situation d’oligopole sur un créneau qui devrait s’élargir. Ainsi, Airbnb, lancée en 2008, a déjà offert un hébergement à 10 millions de touristes en France, et propose 300 000 logements dont 50 000 à Paris, parmi lesquels 93 % seraient des résidences principales.

Votre rapporteur identifie de nombreux avantages à ce développement de l’économie collaborative, qu’il perçoit comme un service non pas uniquement concurrent à celui des acteurs traditionnels, mais parfois complémentaire :

– au niveau temporel : l’économie collaborative permet de proposer une offre supplémentaire, indispensable lors de certains pics de fréquentation que les hôtels ne peuvent suffire à absorber (notamment lors de compétitions internationales telles que l’Euro, le tour de France, etc.) ;

– au niveau spatial : l’économie collaborative propose des offres d’hébergement touristique dans des lieux non couverts par une offre traditionnelle. Ainsi, 15 % des logements proposés par Airbnb le sont dans des lieux où il n’y a aucune offre alternative d’hébergement. Il en résulte une possibilité de redynamisation de certains territoires ruraux ;

– au niveau des besoins : l’économie collaborative répond à une demande particulière, en accroissant l’offre sur un segment d’hébergement non couvert par l’hôtellerie (touristes recherchant un mode de consommation en « immersion », voyageurs recherchant une durée de séjour inhabituelle, familles souhaitant davantage d’espace qu’à l’hôtel, pour des budgets plus raisonnables).

De plus, ces offres alternatives de logement apportent un complément utile de revenus aux ménages (en moyenne un peu moins de 2 000 € par an, soit environ 26 nuitées), qui leur permet d’accroître leur pouvoir d’achat.

Cet impact est également positif pour une destination touristique, l’économie collaborative générant une fréquentation globale plus importante, de voyageurs plus prompts à consommer. Ainsi, en termes de consommation touristique, un touriste Airbnb dépenserait en moyenne 600 euros par séjour (8). Ce complément injecté dans l’économie locale est important puisque le budget moyen du séjour d’un client d’hôtel en Île-de-France s’établit à 454 euros (9).

Enfin, ce nouvel apport de clientèle est un facteur d’émulation pour l’hôtellerie. La dynamique du modèle économique d’Airbnb oblige l’hôtellerie à se réinventer et à être plus performante en termes d’accueil et de prix, de modernisation et de services proposés.

La rénovation des gares est engagée et la liaison ferroviaire directe, dite CDG Express, entre Roissy-Charles de Gaulle et Paris a été lancée. Elle doit être achevée pour les éventuels jeux olympiques de 2024. Depuis le 1er mars 2016, les tarifs forfaitaires des taxis entre les aéroports parisiens et le centre-ville sont en vigueur.

À l’occasion de la conférence annuelle du tourisme du 8 octobre 2015, le ministre des affaires étrangères a annoncé l’extension du dispositif « visa en 48 heures », facteur d’attractivité très fort pour la destination France. Aujourd’hui, plus de 40 % des visas délivrés par les autorités consulaires françaises le sont en moins de 48 heures, en Chine, en Inde, en Turquie, en Afrique du Sud, dans les Pays du Golfe arabo-persique (sauf Arabie Saoudite), à Singapour et en Indonésie. En 2015, une hausse de 38 % des demandes de visas par la clientèle chinoise a été constatée après l’adoption de cette mesure. En parallèle, des centres externalisés de gestion des demandes de visa ont été déployés pour répondre aux exigences et aux contraintes de la mise en place de la biométrie. En Inde et en Chine, 15 et 14 centres ont été créés et équipés. L’ensemble des 90 centres externalisés identifiés comme stratégiques à travers le monde seront, dès 2017, mobilisés afin d’assurer la promotion de la destination France.

En 2016, la DGE a poursuivi ses chantiers visant à accompagner les acteurs publics et privés du tourisme dans l’appropriation du numérique, tant sur le volet offensif que sur le volet défensif.

La DGE pilote, depuis 2015, le projet « DATAtourisme », lauréat du programme d’investissements d’avenir (PIA), visant à créer, à horizon 2017, une plateforme nationale de collecte et de diffusion en open data des données touristiques territoriales produites par les acteurs institutionnels du tourisme à toutes échelles de territoire. Ce projet a pour but de susciter le développement de nouveaux services numériques et d’accompagner la création de services innovants et pertinents au profit des destinations françaises grâce à un accès facilité aux données institutionnelles, l’objectif final étant de renforcer l’attractivité et la compétitivité de l’offre touristique française. Une première version du dispositif DATAtourisme devrait être déployée au printemps 2017 en vue d’un lancement en phase d’industrialisation au cours de l’été.

La DGE a finalisé en juin 2016 une étude sur l’innovation dans le secteur du tourisme dressant un état des lieux de tous les champs de l’innovation en France – notamment le numérique – et proposant des pistes d’action pour améliorer l’accompagnement des entreprises innovantes. Ces propositions ont été dévoilées à l’occasion d’un événement « Entreprendre et innover dans le tourisme » organisé le 7 juin 2016 à Paris et réunissant plus de 1 000 professionnels du secteur.

La DGE veille également à assurer une concurrence loyale entre les opérateurs touristiques en tenant compte des évolutions de la distribution par internet. Ainsi, la révision de la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990, relative aux voyages à forfait, achevée le 28 mai 2015, prend en compte l’évolution du marché des voyages (réservation en ligne, apparition de nouveaux acteurs). Elle devrait permettre de mieux appréhender les ventes en ligne de prestations de voyage et d’instaurer les conditions d’une concurrence plus équitable entre les opérateurs traditionnels et les acteurs des ventes de voyage sur internet.

L’encadrement des plateformes de mise en relation de particuliers et les relations entre hôteliers et OTA, ont, par ailleurs, fait l’objet d’un encadrement croissant au travers de dispositifs législatifs successifs, qui témoignent de leur bonne prise en compte par les acteurs publics.

En parallèle, le ministère des affaires étrangères et du développement international, en lien avec la DGE, a accompagné l’opérateur Atout France dans l’élaboration d’une nouvelle stratégie de promotion numérique.

À la demande du ministre des affaires étrangères, le Premier ministre a accepté de céder le nom de domaine France.fr à Atout France. Ce nouveau site, en activité depuis le 8 octobre 2015, ambitionne de devenir le portail internet national de promotion de la destination France, qui valorisera notamment les pôles d’excellence touristique. Il est disponible en 17 langues et propose 24 versions distinctes en fonction de la nationalité de l’internaute. Cette action a fortement accru la visibilité de l’opérateur au niveau mondial (plus de 10 millions de visiteurs uniques entre octobre et décembre 2015 contre 13 millions de visiteurs sur l’ancien site en un an). Dans le cadre du nouveau contrat d’objectif et de performance de l’opérateur (COP 2016-2018), Atout France proposera une stratégie numérique visant à augmenter la visibilité et les contenus du site.

En complément, Atout France s’est déployé en 2015 et depuis le début de l’année 2016 sur les réseaux sociaux. Il compte à ce jour plus de 3 millions de « fans » dans le monde et 4,7 millions de contacts dans sa base de données, ce qui lui a permis en 2016 de monter plus de 350 campagnes de communication en ligne. Ces mesures doivent permettre à la filière de mieux exploiter les potentialités liées au numérique et d’établir un meilleur équilibre entre les acteurs traditionnels et les nouveaux acteurs du numérique.

Afin de répondre aux objectifs d’accueil de 100 millions de touristes étrangers par an d’ici 2020, Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ont défini, à la demande du Gouvernement, une stratégie d’avenir pour le secteur touristique. Les propositions du conseil de promotion du tourisme se sont traduites par la création de la plateforme d’investissement « France développement tourisme », annoncée par le ministre des affaires étrangère lors de la première conférence annuelle du tourisme du 8 octobre 2015. Cette plateforme d’investissement comprend trois dispositifs distincts avec l’ambition de mobiliser, au total, 1 Md€ sur 5 ans au service de l’économie du tourisme :

– une foncière dédiée à l’hébergement touristique, Foncière Développement tourisme, dont la CDC confie le pilotage à une société de gestion. Elle est dédiée en priorité à la rénovation et la construction d’infrastructures hôtelières lourdes. Dotée d’un capital initial de 100 M€ constitué à moitié par la CDC et la Foncière des régions, elle ouvrira ultérieurement son capital à d’autres investisseurs institutionnels. L’objectif de levée de fonds est de 500 M€ pour réaliser 1 Md€ d’investissements. La Foncière Développement tourisme a été lancée en avril 2016 ;

– une enveloppe de 400 M€ de fonds propres de la CDC pour le financement d’équipements touristiques dans les territoires (ports de plaisance, palais des congrès…). Ces 400 M€ seront débloqués sur 5 ans, soit un montant d’environ 80 M€ par an ;

– un outil de financement de 100 M€ de Bpifrance pour soutenir les entreprises françaises du secteur. Il s’agit d’un fonds de capital développement « France Investissement Tourisme » destiné à investir en tant qu’actionnaire minoritaire, pour des montants de 0,50 M€ à 5 M€ en fonds propres, dans des entreprises d’exploitation de sites touristiques (Bpifrance peut ainsi entrer au capital d’une société d’exploitation, quand bien même celle-ci ne serait pas propriétaire du site exploité, ce que ne fait pas la CDC) ;

Ces fonds servent en priorité à financer des projets se rattachant à l’un des 20 contrats de destination signés entre décembre 2014 et juin 2015, et aux projets rattachés aux pôles d’excellence touristique. Lors de son audition par votre rapporteur, la caisse des dépôts et consignations regrettait toutefois la faible demande pour ces différents dispositifs de financement : alors que les crédits sont disponibles, les projets sont trop peu nombreux, ou de trop faible qualité. Selon la CDC, « le problème n’est pas le manque d’argent ni de liquidités, mais le manque de projet et d’ingénierie technique, juridique et financière pour les sécuriser ».

Lors de son audition par votre rapporteur, la Caisse des dépôts et consignations insistait également sur la nécessité de combiner les investissements matériels avec les investissements immatériels : « les investissements dans le physique doivent être sécurisés par des investissements dans le numérique : il n’y a aucun intérêt à investir dans des infrastructures physiques si l’on n’arrive pas à les rendre visibles ou à les vendre ». Trois enjeux principaux étaient identifiés : les données numériques – notamment en itinérance –, la billetterie électronique, et la visibilité sur le web. Pour cette raison, la Caisse rappelait son intention que les 400 M€ précités ne soient pas investis uniquement dans des lieux physiques, mais puissent également permettre d’entrer au capital d’entreprises du numérique.

De façon générale, les besoins d’investissement dépassent le seul cadre des infrastructures matérielles, pour concerner aussi l’investissement dans l’immatériel et dans l’innovation. Cet enjeu semble avoir été bien pris en compte. Ainsi, le troisième volet du programme d’investissements d’avenir (PIA3), lancé en 2016 et doté de 10 Md€ comprend plusieurs objectifs en lien avec le tourisme :

– promouvoir des territoires d’innovation et des démonstrateurs : une enveloppe d’un montant de 1,5 Md€ pourrait notamment financer des territoires touristiques souhaitant faire évoluer leur modèle économique vers un modèle plus adapté aux nouvelles exigences des clientèles touristiques internationales ;

– soutenir l’innovation : les projets du secteur touristique s’inscriraient dans les enveloppes « soutien à l’innovation collaborative » (550 M€) et « accompagnement et transformation des filières » (1 Md€), qui pourraient financer des projets de mutualisation de moyens entre acteurs du tourisme, ou des projets innovants visant à renforcer la sécurité et la sûreté des sites touristiques ;

– accompagner « l’industrie du futur » : une enveloppe de 100 M€ permettra de financer de l’ingénierie pédagogique afin d’adapter le niveau de qualification aux enjeux de secteurs stratégiques couverts par le PIA. En matière de tourisme, seront financés en priorité des projets de formation visant à améliorer la qualité de l’accueil et le niveau en langues étrangères ainsi qu’à renforcer les modules dédiés à l’innovation et à l’entreprenariat dans les formations touristiques ;

– accélérer la croissance des petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) : le concours d’innovation, doté de 300 M€ au total, pourra cibler des projets touristiques, notamment dans le domaine du numérique et de la sûreté touristique.

Par ailleurs, la Ville de Paris a créé, en 2012, le Welcome City Lab, premier incubateur de startups exclusivement consacré au tourisme. Outre la Ville de Paris, le Welcome City Lab bénéficie du soutien de Bpifrance, de l’office du tourisme et des congrès de Paris et de l’État, représenté par la DGE. Cette initiative a suscité un vif intérêt à l’échelle internationale et nationale. À la suite de ce partenariat, la DGE a entamé la création d’un réseau national réunissant les écosystèmes dédiés à l’entrepreneuriat et l’innovation dans le tourisme. Elle a également accompagné l’incubateur dans la création d’un dispositif de veille pour identifier et diffuser les grandes tendances de l’innovation touristique à l’échelle mondiale. Cet outil a permis de publier en juin 2016 un premier Cahier de tendance de l’innovation touristique permettant de mettre en lumière les bonnes pratiques à l’international.

Enfin, la mission French Tech regroupe également des dispositifs de soutien à l’innovation. Rattachée à la DGE, elle a pour objectif de fédérer l’ensemble des outils de financement et de promotion des startups afin de contribuer au rayonnement international de ces entreprises et d’inscrire la France comme une nation d’innovation. Si cette démarche s’inscrit dans tous les secteurs de l’économie française, il convient de souligner que deux métropoles labellisées par la French Tech, Avignon et Aix-Marseille, sont largement positionnées sur le tourisme numérique.

Le contrat de destination permet de fédérer les acteurs publics et privés du tourisme autour de marques de destination identifiées, pour créer une offre touristique cohérente et lisible à l’international. Il définit les engagements des collectivités publiques et des acteurs institutionnels et privés du tourisme autour d’une stratégie touristique partagée, à travers des actions portant sur l’attractivité de l’offre, la qualité de l’accueil et la promotion vis-à-vis des marchés étrangers cibles. Il est bâti sur un cahier des charges reposant sur la notion de marque de destination, de visibilité internationale et dinnovation.

20 contrats ont été sélectionnés en octobre 2014 et en mars 2015 par deux appels à projets, lancés par la direction générale des entreprises, sous légide du ministre des affaires étrangères. Ces destinations sont variées, valorisant des territoires urbains ou ruraux, littoraux ou montagneux, centrés sur le patrimoine naturel, artistique ou architectural, les activités sportives, le bien-être ou la gastronomie.

Les contrats de destination sont devenus la colonne vertébrale de la stratégie de promotion de l’opérateur Atout France, présentée lors de la première conférence annuelle du tourisme du 8 octobre 2015, en particulier la valorisation des territoires sur le nouveau site France.fr. Ils font l’objet d’une subvention de l’État de 75 000 euros. Un état de situation a été établi en décembre 2015 : après une première phase d’appropriation marquée par les signatures des acteurs locaux et l’organisation de la gouvernance, l’ensemble des contrats de destination est entré dans sa déclinaison effective. Si tous ne font pas preuve de la même dynamique d’avancement, leur gouvernance est opérationnelle, l’identité des destinations précisée et la connaissance des clientèles ciblées approfondie.

La fédération des comités départementaux du tourisme indiquait, lors de son audition par votre rapporteur, que les contrats de destination étaient un outil pertinent de mutualisation d’acteurs publics et privés (potentiellement différents au sein des différents contrats), en s’appuyant sur une marque. Elle regrettait toutefois qu’Atout France n’intègre pas suffisamment les CDT ou les ADT à la définition et à la gestion des contrats de destination.

En parallèle, la mise en place de 5 pôles d’excellence touristique répond à la nécessité de renouveler et d’adapter l’offre touristique française aux évolutions des attentes des touristes internationaux. Ces pôles concernent des produits touristiques porteurs sur lesquels la France a des avantages concurrentiels mais n’est pas suffisamment reconnue à l’international : l’écotourisme, la montagne en été, l’œnotourisme, le tourisme nocturne et le tourisme de savoir-faire. Sur chacune de ces thématiques, des professionnels reconnus ont été chargés d’organiser des consultations avec les secteurs concernés, avec l’appui du ministère des affaires étrangères.

Des feuilles de route ont été rédigées, qui identifient une centaine de mesures à mettre en œuvre. Parmi ces mesures figurent notamment les suivantes: la consolidation et analyse des données statistiques sur les 5 secteurs ; l’intégration des thématiques dans le plan qualité tourisme ; la signature de conventions de partenariats par Atout France avec des acteurs stratégiques (SNCF, Orange) ; la mise en œuvre d’actions thématiques sur chacun de pôles.

Dès les premières inquiétudes liées aux conséquences des attentats sur le tourisme, l’État s’est mobilisé afin de redonner confiance aux professionnels et aux touristes grâce à une sécurité accrue et à une valorisation des mesures engagées. À Paris, comme dans tous les lieux accueillant des touristes, un dispositif rigoureux a été mis en place pour assurer une sécurité maximale. Le réseau diplomatique français et les bureaux d’Atout France à travers le monde ont été mobilisés, à la demande du ministre des affaires étrangères, afin d’expliquer de manière factuelle aux tour-opérateurs et aux voyageurs individuels les mesures entreprises pour leur sécurité. En pratique, la sécurité sur le territoire a été renforcée : des forces de l’ordre ont été déployées à Paris, en plus des 10 000 militaires de l’opération Sentinelle déployés sur l’ensemble du territoire.

En parallèle de ces actions à enjeux sécuritaire, le ministre des affaires étrangères a demandé à l’opérateur Atout France de mettre en œuvre un plan de communication de relance post-attentats. Ce plan de promotion de la destination France était doté d’un budget global de 2,5 M€, dont 1 M€ de participation de l’État (issu des recettes sur les visas), le reste provenant de partenariats avec les collectivités territoriales et les acteurs privés du secteur.

La campagne Destination France « Made in… » (Paris, Normandie, Côte-d’Azur) a été officiellement lancée le 30 mai 2016. Elle se déploie sur 16 marchés identifiés comme stratégiques et représentant 83 % des séjours internationaux en France. Elle poursuit un triple objectif : redonner confiance aux touristes étrangers en montrant que la sécurité en France est effective ; relancer l’activité pour compenser les pertes des professionnels ; afficher une image positive de la destination Paris, en profitant de l’élan de sympathie mondiale « post-attentats » et en insistant sur l’art de vivre français. Cette campagne comprend la diffusion d’une campagne de promotion grand public, notamment sur les supports numériques. Elle comprend également un volet « e-réputation » consistant en un suivi des commentaires sur les réseaux sociaux relatifs à la destination France. Cette veille ciblée est effectuée dans 9 langues pour une durée d’un an. Elle permet d’ajuster les messages de promotion et d’agir sur ceux qui seraient perçus négativement.

À la suite du constat de l’impact négatif des attentats sur la fréquentation touristique, notamment en Île-de-France, un premier comité d’urgence pour le tourisme s’est tenu le 13 juillet 2016 (soit à la veille des attentats de Nice).

Une dotation d’1 M€ y avait initialement été annoncée par le ministre, M. Jean-Marc Ayrault, dans la dynamique du plan de relance Destination France lancé en mars. À la suite des attentats de Nice, M. Jean-Marc Ayrault a annoncé, le 23 août, la mobilisation de 500 000 € supplémentaires dans le cadre de ce plan. Cette somme devait également être issue de l’enveloppe initiale de 4,5 M€ de recettes visas. Par ailleurs, d’autres opérations de communication et de promotion étaient en préparation afin d’être rapidement déployées. 800 000 euros de cette première dotation auraient déjà été dépensés.

Les attentats de Nice et la situation préoccupante des réservations à Paris ont justifié la convocation d’un second comité d’urgence économique pour le tourisme, réuni le 13 septembre 2016. Au regard de la conjoncture, le ministre des affaires étrangères et du développement international a annoncé, lors de cette réunion, un effort exceptionnel de 10 M€ en 2016 et 2017, pour renforcer les actions de promotion d’Atout France. Les fonds seront disponibles avant la fin de l’année. Ils seront reversés à Atout France pour financer des actions de promotion de la France à destination des touristes étrangers, en particulier dans les régions Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur, particulièrement affectées par le recul de la fréquentation internationale.

Selon les représentants d’Atout France auditionnés par votre rapporteur, ces 10 M€ devraient, en priorité, servir à acheter des espaces publicitaires auprès de l’industrie de la distribution. L’effet de levier de ces espaces, en raison de leur visibilité, est massif : un investissement de 10 M€ permettrait ainsi de lever plus de 20 M€ auprès d’investisseurs privés, rassurés et attirés par une destination rendue visible et attractive. Selon Atout France, « l’espace publicitaire créé le rédactionnel », puis la dépense et l’investissement.

Votre rapporteur regrette toutefois qu’aucune indication plus précise ne soit donnée sur les modalités d’affectation de cette somme ni sur les échéances associées aux dépenses ou les objectifs escomptés en termes de fréquentation.

Les crédits de promotion destinés à l’opérateur Atout France sont aujourd’hui trop faibles et trop incertains.

Entre 2016 et 2017, leur montant a ainsi été réduit de 0,84 %. De plus, sur les 33,08 M€ alloués à l’opérateur, 400 000 euros devront, en 2017, être utilisés afin de renforcer la sécurité des locaux situés à l’étranger. C’est donc une perte de près d’1 M€ en dépenses de promotion qui est enregistrée par rapport à l’année 2016. En outre, les produits et contributions versés par les adhérents et partenaires (2,2 M€, soit 3,3 % de son budget) diminuent également.

Au-delà de la seule baisse des ressources, une augmentation des charges est également à déplorer. Ainsi, la mission d’inspection conjointe de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires étrangères (IGAE), menée en 2015 et dont le rapport n’a pas été rendu public, a donné lieu à des obligations de réformes extrêmement coûteuses, mises en œuvre dans le contrat d’objectifs et de performance (COP) 2016-2018. À titre d’illustration, le passage à la comptabilité analytique conduit à une dépense de 145 000 euros en conseil juridique, et de 70 000 euros en ajustements informatiques. En outre, la mission impose le recrutement d’un directeur des ressources humaines, nouvelle charge pour l’opérateur au moment même où ses ressources sont réduites.

Le risque est que l’opérateur soit contraint d’augmenter la facturation des prestations qu’il propose, afin d’être en mesure de répondre aux charges nouvelles qui s’imposent à lui (10).

En outre, l’affectation de la recette sur les visas, initialement annoncée pour un montant de 5 M€, n’a pas été perçue par l’opérateur. En premier lieu, ces 5 M€ ont finalement été portés à 4,515 M€, avant même d’être répartis ou décaissés. La répartition de leur affectation devait être la suivante :

– 1 M€ destiné à la mise en œuvre du plan de relance annoncé en mars ;

– 1 M€ de subvention d’équilibre ;

– 0,5 M€ supplémentaire destiné au plan de relance, annoncé après les attentats de Nice ;

– 2 M€ de projets « à valider », en priorité dans le domaine des projets numériques.

Seul le premier million d’euros, destiné au plan de relance annoncé en mars, a été perçu par Atout France, en deux décaissements (700 000 € en mars, 300 000 € en juillet). Ces recettes sur les visas ont pourtant bien été perçues par l’État, mais n’ont pas été transférées à l’opérateur. La représentante de la direction générale des entreprises, auditionnée par votre rapporteur, évoquait un « problème de tuyauterie ».

La non-perception des autres recettes pose de grandes difficultés, car le budget de l’opérateur a été voté à l’équilibre, en en tenant compte.

Par conséquent, les représentants d’Atout France, tout comme votre rapporteur, craignent que l’annonce d’un plan de 10 M€ de relance du tourisme ne soit, en réalité, qu’une annonce en trompe-l’œil. En effet, il serait inconcevable que le million d’euros déjà perçu au titre de l’affectation de la recette visa, destiné à la mise en œuvre du plan de relance annoncé en mars, soit décompté de ces 10 M€, ni que ces 10 M€ se substituent aux 4,5 M€ initialement annoncés, alors qu’ils doivent nécessairement s’y ajouter. De plus, il semble abusif d’annoncer que les 10 M€ – pour peu qu’ils soient effectivement perçus – serviront à financer des dépenses de promotion, dans la mesure où 2 à 3 M€ devront être utilisés pour financer le surcroît de charges et compenser la perte de dotations budgétaires : seuls 7 à 8 M€ pourront, effectivement, être alloués à des dépenses de promotion. C’est pourquoi, il est d’autant plus indispensable de veiller à ce que les sommes annoncées soient effectivement versées.

Plusieurs professionnels ou organismes rencontrés par votre rapporteur ont exprimé une position critique vis-à-vis de l’opérateur Atout France.

Selon le président de l’Association nationale des élus des territoires touristiques (ANETT), les actions d’Atout France pour vendre la destination France à l’étranger seraient insuffisantes. Une trop grande part des sommes allouées à l’opérateur serait affectée à la publication d’ouvrages destinés aux institutions et particuliers français, alors même que là n’est pas la mission confiée à Atout France.

Selon la Fédération des offices de tourisme de France, Atout France n’est pas un outil suffisant pour promouvoir le tourisme à l’étranger. Les plateformes réalisent bien mieux cette mission de promotion, en stimulant la consommation touristique.

Selon la fédération nationale des comités départementaux du tourisme, Atout France manque de vision stratégique cohérente. Pour obtenir des recettes suffisantes (11), l’opérateur est contraint de répondre à la demande de prestations de promotions de multiples marques, petites et distinctes, sans coordination d’ensemble. Cela ne permet pas à l’opérateur de définir une stratégie globale et la promotion se trouve éparpillée.

Enfin, selon des représentants de la DGE, la stratégie numérique d’Atout France a longtemps été inexistante, ou fonctionnait selon des méthodes obsolètes. Des efforts sont en cours avec la création du site France.fr.

Le rapport d’inspection IGF-IGAE de 2015, non public, pointe différents axes d’amélioration de l’opérateur Atout France, dont certains ont été repris dans le nouveau contrat d’objectifs et de performance (signé de façon anticipée, en 2016, alors que le précédent aurait pu courir plus longtemps), et ne nécessitent pas de moyens financiers supplémentaires. Il s’agit notamment des efforts suivants :

– le fléchage plus précis de l’affectation de la subvention de service public ;

– le resserrement de la tutelle sur les opérations de promotion (il y avait, jusque-là, une excessive autonomie de l’opérateur, lequel ne faisait pas assez de reporting).

Il s’agit de garantir la bonne utilisation des deniers publics par une maîtrise et un contrôle de l’affectation de la subvention versée à Atout France, de manière à assurer l’efficacité des dépenses de l’opérateur et leur cohérence
vis-à-vis de la stratégie nationale de promotion du tourisme.

Votre rapporteur recommande de poursuivre ces efforts, et d’en assurer le suivi.

Il est aujourd’hui indispensable de développer les partenariats entre Atout France et le secteur privé, notamment les acteurs du numérique, de manière à faire entrer les acteurs du numérique chez l’opérateur. En effet, « le tourisme est l’affaire de tous » et la force de frappe de ces nouveaux professionnels du tourisme, incontestable, doit être mise à profit plutôt que subie.

Un début de coopération avec les acteurs du numérique peut être constaté. Ainsi, selon les représentants d’Atout France, de bonnes relations ont pu être établies avec Trip Advisor, et un partenariat très constructif est déjà noué avec Airbnb.

Toutefois, Atout France mentionnait également la difficulté de conclure des accords « fair », c’est-à-dire équitables, avec certains autres opérateurs du numérique, avec lesquels la coopération demeure, à ce jour, particulièrement complexe à établir.

Votre rapporteur partage l’analyse proposée par M. Jean-Paul Huchon, ancien président de la région Île-de-France, dans son rapport remis au Premier ministre en septembre 2016, sur la destination France après les attentats.

En effet, le secteur du tourisme est, par nature, transversal et interministériel. En témoigne le document budgétaire de politique transversale consacré au secteur, qui présente les 18 programmes, relevant de plus de 10 missions, comportant des crédits liés à ce domaine – programmes budgétaires auxquels s’ajoutent, par ailleurs, les concours financiers des collectivités territoriales ou de l’Union européenne.

Il ne s’agit pas de contester la responsabilité du ministère des affaires étrangères sur l’impulsion ou la supervision de la politique du tourisme, étroitement liée à la diplomatie économique, ni celle du ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, justifiée en raison du nombre d’entreprises et d’emplois salariés en France du secteur du tourisme. Il s’agit, cependant, de prôner une approche interministérielle, gage de coordination et de clarté dans la définition d’une stratégie nationale, mais aussi de réactivité des administrations aux éventuelles demandes.

Votre rapporteur n’envisage pas la création d’un ministère du tourisme de plein exercice, rattaché au Premier ministre, comme la solution idéale. Un tel ministère ne serait pas nécessairement garant d’efficacité. En revanche, une structure interministérielle, chargée de piloter et de coordonner l’action de l’État, serait souhaitable. Elle pourrait prendre la forme d’un commissariat général, rattaché au Premier ministre, et composé d’agents détachés des différents ministères susceptibles d’intervenir dans le tourisme. Le commissariat ainsi créé devrait associer les réseaux de collectivités territoriales, les fédérations professionnelles et les grandes entreprises du secteur. En lien avec Atout France, il serait responsable de la préparation des comités interministériels du tourisme, du suivi des différents plans d’action ou encore de l’élaboration de la stratégie nationale du tourisme, que l’opérateur Atout France serait chargé de mettre en œuvre. Cette structure pourrait être déployée au niveau local, au travers de commissaires régionaux du tourisme, placés auprès des préfets de région, chargés de la coordination et de la mise en œuvre de la stratégie nationale au niveau territorial, de la structuration de l’offre touristique dans les territoires et du suivi des projets d’aménagement touristique.

Adapter les offices de tourisme est indispensable. Ceux-ci ne peuvent plus se contenter d’être des lieux de mise en relation de clients potentiels avec les services touristiques de la région ou des centrales de réservation comme ils l’étaient encore il y a dix ans : les plateformes et sites internet offrent une information beaucoup plus rapide, à une échelle beaucoup plus importante, avec une précision tout aussi fiable.

Il est désormais crucial, pour les offices de tourisme, de prendre le virage du numérique. Certains offices de tourisme passent déjà des accords avec des organismes de promotion ou de vente en ligne. Ceci est d’autant plus important que les plateformes de réservation d’hébergement proposent désormais, de plus en plus souvent, des services connexes (forfaits de ski, animations…). Comme l’indiquait la fédération des offices de tourisme de France, cette dernière « a choisi d’établir un dialogue avec ces plateformes, qui sont des acteurs désormais incontournables du monde du numérique, sans pour autant couper les liens avec les autres acteurs traditionnels, mais en complément. La position à adopter est complexe ». Les offices de tourisme doivent toutefois aller plus loin, en devenant eux-mêmes des acteurs du numérique, en proposant des informations en ligne ou facilement téléchargeables, des bornes interactives, des applications mobiles, et en définissant une politique publique d’information instantanée. Une grande majorité d’offices de tourisme développent déjà de véritables stratégies sur les réseaux sociaux (pages Facebook, Instagram, etc.) créant une communauté de « fans » de leur destination et recrutant de nouveaux visiteurs par l’image, le jeu, pour susciter l’envie de rejoindre la destination. Votre rapporteur se félicite de ces initiatives.

Une présence humaine doit toutefois être maintenue, pour apporter l’accueil que les touristes recherchent. Un équilibre entre l’humain et la technologie doit donc être trouvé. Cet équilibre peut notamment passer par le développement de l’accueil mobile, hors les murs, consistant à déporter certains points d’information – et certains agents – dans les gares, dans les lieux d’hébergement ou dans les rues. Ceci permet d’aller directement au contact des clients potentiels, dont tous n’ont pas le réflexe de se rendre dans un office de tourisme. Les offices de tourisme ayant déjà réalisé de telles opérations en sont satisfaits. Il s’agit également de développer une démarche de conseil éclairé, comme l’ont déjà mise en œuvre certains offices. Cette démarche consiste, pour les salariés des offices de tourisme, à ne plus être « neutres », mais « objectifs » dans l’information transmise aux visiteurs, à ne plus fournir de liste exhaustive d’hébergement ou de restaurants, mais à prodiguer un conseil plus personnalisé en fonction des attentes et des goûts de chacun.

Ces différentes évolutions nécessitent de redessiner les métiers des offices de tourisme en déployant des formations adaptées aux fonctions de montage de produits et de commercialisation, ainsi que de renseignement des clients. Des initiatives sont à saluer, telles que la formation « animateur numérique de territoire », lancée dès 2010 par la tête de réseau régionale des offices de tourisme d’Aquitaine, puis étendue en 2011 à l’ensemble de la France. Cette formation s’adresse à l’ensemble des organismes de la branche tourisme et est organisée autour de quatre thèmes : état des lieux numérique et plan d’action ; webservices et outils d’internet ; outils d’animation numérique ; évaluation et veille. Elle permet de former, au sein de chaque territoire, une personne en charge de l’animation numérique de territoire. À ce jour, plus de 1 020 animateurs numériques de territoire sont formés ou en formation dans toutes les régions. Depuis 2014, une nouvelle étape a été franchie dans la reconnaissance des métiers liés au e-tourisme, avec le dépôt au répertoire national des certifications professionnelles d’un titre de « chargé de projets e-tourisme ». À ce jour, 7 personnes ont obtenu le titre, 30 autres sont en cours d’obtention du titre par la validation des acquis de l’expérience, et 3 sessions de formation de 12 personnes chacune sont en cours. Par ailleurs, les formations des « conseillers en séjours » (et non plus des « hôtesses d’accueil ») doivent être généralisées, dans les régions, pour développer le conseil éclairé.

Afin de générer davantage de crédits potentiellement consacrés à la promotion du tourisme, il est également nécessaire de renforcer la collecte de recettes fiscales, en particulier de la taxe de séjour (12), dont les produits sont affectés aux dépenses locales de promotion du tourisme.

Un décret d’août 2015, pris en application de la loi de finances pour 2015, prévoit la possibilité pour les intermédiaires de la location touristique de percevoir la taxe de séjour pour le compte des hébergeurs. Cette faculté de « percepteur pour le compte d’autrui » n’est effective que si les sites intermédiaires opèrent eux-mêmes une transaction financière au moment de la réservation. Le produit ainsi collecté par les intermédiaires est reversé aux collectivités une fois par an. Ce dispositif est mis en place par Airbnb dans 20 villes. Cette mesure devrait permettre d’améliorer l’efficacité de la collecte des recettes générées sur les territoires concernés et participer à l’adaptation des dispositifs existants aux caractéristiques de l’économie collaborative.

Pourtant, la collecte de la taxe de séjour demeure encore complexe et peine à porter ses fruits. À l’heure actuelle, 30 à 50 % des produits ne sont pas collectés (soit autant de recettes perdues, qui pourraient être affectées à des dépenses de promotion). Dans certaines communes, seulement 16 % des recettes potentielles générées par les flux de touristes sont effectivement collectées.

C’est pourquoi, votre rapporteur souligne que deux améliorations sont possibles :

– simplifier les modalités de calcul de la taxe de séjour pour en améliorer la collecte, notamment par les plateformes pour le compte des hébergeurs. En effet, actuellement, la taxe varie selon les communes, et les plateformes peinent à s’y retrouver. Un fichier recensant les différents montants et types des taxes dans les différentes communes est en cours de réalisation par la direction générale des finances publiques (DGFiP) et devrait être prêt au 1er janvier 2017. Votre rapporteur estime qu’il serait plus simple de définir, au niveau national, un pourcentage identique prélevé sur chaque nuitée, quel que soit le lieu ou le type d’hébergement considéré. Le syndicat national des résidences de tourisme, rencontré par votre rapporteur, recommande également la mise en place d’une taxe de séjour au réel, identique pour tous : « plus ce sera simple, plus ce sera efficace ». Ceci pourrait faire l’objet d’une mesure expérimentale, avant d’envisager une généralisation. Cette proposition, toutefois, ne reçoit toutefois pas l’assentiment du Gouvernement, qui y voit l’instauration d’une taxation trop proche d’un système de TVA. Votre rapporteur le regrette ;

– étendre la collecte de la taxe de séjour par les plateformes à la taxe de séjour additionnelle. En effet, la taxe de séjour additionnelle, qui peut être instaurée par les départements, pour un montant de 10 % de la taxe de séjour de base, sert également à financer des dépenses de promotion du tourisme. Elle a déjà été instaurée dans 60% des départements mais n’est aujourd’hui pas collectée par les plateformes, alors même que cette collecte n’apporterait pas de difficultés supplémentaires. Votre rapporteur propose un amendement en ce sens, rédigé conjointement avec M. Éric Woerth, rapporteur spécial sur les crédits du tourisme.

Comme l’indiquaient les représentants du groupe Expedia, auditionnés par votre rapporteur, « l’expérience sera demain plus importante que la destination » : le tourisme alternatif est ainsi l’une des formes de tourisme les plus attendues dans les perspectives de développement à dix ans, et doit faire l’objet de mesures de promotion particulières.

Le tourisme alternatif peut se définir comme un produit touristique différent des produits habituels, qui contribue à développer des flux vers d’autres destinations, à d’autres périodes de l’année (comme la montagne en été), individuels ou expérientiels (par opposition au tourisme de masse), au contact de la population locale, selon d’autres formes d’hébergement (chez l’habitant…), selon d’autres rythmes (slow tourisme), etc.

Ce tourisme alternatif a des effets positifs :

– sur les entreprises : il permet la consolidation d’un modèle économique équilibré car moins soumis à la saisonnalité, la réalisation de profits complémentaires et le développement d’activités économiques indirectes ;

– sur les hommes : il assure une moindre précarité des emplois, des revenus supplémentaires pour les populations locales, une augmentation des formations et des possibilités professionnelles ;

– sur les territoires : il accroît les retombées économiques pour l’ensemble du territoire, participe au maintien de l’activité économique ainsi qu’au maintien des services publics et à l’optimisation de leur rentabilité tout au long de l’année.

Le tourisme alternatif ou thématique permet en outre de promouvoir les « destinations », plutôt que le pays France. En effet, comme mentionné par les représentants d’Atout France auditionnés par votre rapporteur, il est aujourd’hui plus judicieux d’organiser la promotion des destinations, des marques territoriales, des localités, plutôt que celle de la France dans son ensemble. Le terme de « France », actuellement, serait anxiogène et connoté négativement pour un grand nombre de potentiels touristes, comme en témoigne le suivi de la e-réputation assuré par les équipes de l’opérateur. Il serait, le plus souvent, associé à des inquiétudes en termes de sécurité, de sûreté, de climat social ou politique. Au contraire, les destinations, prises dans leur individualité (Côte d’Azur, Bretagne, Normandie…) font encore l’objet de retombées médiatiques très positives, et sont associées à des images agréables. Alors que la diversité des destinations était, hier, un handicap important dans la promotion du tourisme en France, elle devient aujourd’hui l’atout principal de cette promotion. Il est désormais indispensable de capitaliser sur l’ensemble des énergies positives, et de mettre de côté ce qui, dans la stratégie marketing, suscite davantage d’inquiétude que d’envie.

La France présente de nombreux atouts en matière de diversification des destinations, qui pourraient lui permettre de développer une politique résiliente face aux défis de la saisonnalité, d’atteindre l’objectif d’un tourisme « 365 jours par an » et de mieux répartir les flux de touristes sur le territoire. Parmi les secteurs prometteurs pour la destination France, et pouvant faire l’objet d’une promotion dédiée, figurent notamment :

– le thermalisme : la France dispose d’environ 20 % du capital thermal de l’Europe et possède une longue tradition et une identité forte en matière de tourisme de bien-être. La croissance de cette filière se décline notamment dans des équipements variés : spas hôteliers, rénovation et diversification des centres de thalassothérapie ou thermaux, ouvertures de centres thermo-ludiques ou de balnéothérapie, etc. Le secteur souffre cependant d’un manque de données de référence qui freine son développement alors même que celui-ci est stratégique ;

– les croisières fluviales et maritimes : l’offre de croisières fluviales en France est riche. 10 millions de passagers sont transportés chaque année et le chiffre d’affaires annuel de la croisière fluviale est compris entre 350 M€ et 400 M€. Cette forme de tourisme contribue fortement à l’aménagement des territoires concernés : la navigation fluviale est répartie notamment sur l’axe Seine, le canal du Midi, les canaux du Centre et de Bourgogne, le bassin de l’Ouest (Bretagne et Pays de la Loire) et le Grand Est (Rhône-Saône). Les perspectives de développement pour les prochaines années sont optimistes : cette forme de tourisme original et proche de la nature attire de plus en plus de clientèles, malgré la concurrence étrangère ;

– l’éco-tourisme et le « slow-tourisme » : loin des circuits touristiques classiques, de plus en plus de touristes internationaux sont en quête d’un séjour authentique, responsable, proche de la nature, au cours duquel ils auront la possibilité de se déplacer autrement et de prendre leur temps pour découvrir la diversité des territoires et nouer des liens avec les habitants. Le terme d’« écotourisme » ou de « slow tourisme » désigne les formes de tourisme centrées sur l’itinérance douce (tourisme à vélo, à pied ou à cheval) et privilégiant des hébergements permettant une proximité avec la nature et les habitants des territoires visités. Face aux nouvelles attentes et exigences des clientèles, la spécificité « nature et environnement préservé » devient un atout incontestable pour les destinations touristiques. À la suite de la publication, en 2015, d’une feuille de route intitulée « 17 mesures pour faire de la France une destination phare de l’écotourisme », un pôle d’excellence « éco-tourisme » a été constitué. Votre rapporteur salue cette initiative.

Toutes ces thématiques sont autant d’opportunités permettant aux territoires de minimiser les effets de la saisonnalité, d’attirer d’autres types de clientèles dans les ailes de saison, de trouver des niches de développement mettant en valeur des potentiels du territoire et de travailler sur le sens du voyage en mettant l’expérience au cœur de leur stratégie touristique.

Votre rapporteur salue les évolutions du cadre juridique intervenues ces dernières années, pour prendre en compte les nouveaux modes de consommation touristiques.

Ainsi, depuis la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite « loi ALUR », les locations saisonnières répondent à la définition des meublés de tourisme et sont soumises à l’obligation de déclaration en mairie prévue à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme. Cette obligation est assortie d’un dispositif de sanctions applicables à toute personne qui ne la respecte pas. La loi n’impose pas cette déclaration en mairie lorsque la location concerne la résidence principale du particulier (13). Parallèlement au renforcement de ces obligations pour le propriétaire, la loi ALUR a également renforcé les obligations des intermédiaires (plateformes numériques) en exigeant un rappel de la réglementation aux loueurs et l’obtention d’une déclaration sur l’honneur du respect de leurs obligations.

Le renforcement législatif se poursuit avec la récente adoption de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui prévoit, à son article 51 :

– la possibilité, dans les communes ayant mis en place une procédure d’autorisation de changement d’usage, d’instituer par délibération un numéro d’enregistrement pour toutes les locations touristiques, qu’il s’agisse de la résidence principale ou secondaire. Ce numéro d’enregistrement doit être publié dans l’annonce par la plateforme intermédiaire ;

– l’obligation pour la plateforme de s’assurer qu’un logement constituant la résidence principale du loueur ne dépasse pas 120 jours de location annuels. La plateforme doit, dans ce cas, suspendre l’annonce jusqu’à la fin de l’année en cours. Ainsi, depuis avril 2016, à Paris, dès lors que la location d’une résidence principale est susceptible de dépasser la limite autorisée de 120 jours par an, Airbnb adresse un courriel de rappel à l’ordre à en-tête de la Ville de Paris.

Par ailleurs, la loi de finances pour 2016 a marqué un renforcement de l’obligation d’information des plateformes qui sont tenues de fournir, à chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes réalisant ces transactions commerciales par leur intermédiaire. La plateforme doit fournir, chaque année, un document récapitulant le montant brut des transactions perçues et établir un certificat du respect de ces obligations.

Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoit, à son article 10, que la location régulière de logements meublés pour de courtes durées à destination d’une clientèle de passage soit considérée, au-delà d’un certain seuil de revenus annuels tirés de cette activité, comme une activité professionnelle, conduisant à l’affiliation du loueur au régime social des indépendants (RSI) comme travailleur indépendant, de manière à ce qu’il s’acquitte des cotisations sociales afférentes. Le seuil est fixé à 23 000 euros, seuil présidant déjà à l’application du régime fiscal des loueurs en meublés. Afin d’accompagner les travailleurs indépendants dans l’application du droit social, le second volet de l’article vise à faciliter les démarches d’affiliation, d’assujettissement et de recouvrement des cotisations sociales, pour les travailleurs indépendants ayant recours à des plateformes d’intermédiation pour des activités de faible volume. Ces plateformes pourront assurer pour le compte des utilisateurs, à leur demande, les démarches d’affiliation, de déclaration sociale et de paiement des cotisations et contributions sociales. Cet article a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, et doit, à la date de publication de ce rapport, être examiné par le Sénat.

Votre rapporteur estime l’ensemble de ces avancées satisfaisantes. Il recommande qu’un seul principe préside aux éventuelles évolutions à venir : celui de la recherche d’un équilibre, de manière à définir un cadre juridique à la fois respectueux de la diversité des pratiques et garantissant l’exercice d’une concurrence loyale entre tous les modes d’hébergement. Il s’agit d’assurer la plus grande équité possible entre l’ensemble des opérateurs, notamment en matière de fiscalisation ou de respect des normes. Toutefois, éviter les distorsions de concurrence ne doit pas conduire à éradiquer des pratiques nouvelles, qui répondent à un besoin et contribuent à la promotion de la destination France.

EXAMEN EN COMMISSION

Le 7 novembre 2016, dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Philippe Le Ray (Tourisme), les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 7 novembre 2016, sur le site internet de l’Assemblée nationale) (14).

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

M. Philippe Le Ray, rapporteur pour avis, a émis un avis de sagesse à l’adoption des crédits de la mission.

La commission, après l’avis de sagesse de M. Philippe Le Ray, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission « Action extérieure de l’État ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Chambre de commerce et d’industrie (CCI France)

M. Roland Bernard, président de la commission tourisme de CCI France

M. Laurent Andureu, chargé de mission

Mme Laure Prévot, chargée de mission à la direction des relations institutionnelles

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

M. Serge Bergamelli, directeur-adjoint de la direction de l’investissement et du développement local

Mme Brigitte Laurent, directrice des relations institutionnelles

Association nationale des élus des territoires touristiques (ANETT)

M. Marc Francina, président et député-maire d’Évian

Mme Géraldine Leduc, directrice générale

M. Michael Bismuth, chargé de mission

Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT)

M. Pierre Margeridon, président du SNRT et de Sefiso Mer & Golf

M. Jean Chabert, directeur général PV Développement

M. Daniel Vernier, conseiller technique du SNRT

Mme Pascale Jallet, déléguée générale du SNRT

Expedia – Home Away

M. Thibaud de Fressenel, directeur des ressources humaines et responsable des relations institutionnelles d’Egencia

M. Vincent Wermus, directeur général d’Abritel-HomeAway, UNPLV

M. Philippe Bauer, directeur des affaires publiques France d’Expedia

Trip Advisor

Mme Alexandra Blanchard, directrice des ventes

Mme Véronique Corduant, responsable des affaires publiques

Offices de tourisme de France et Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d’initiative

M. Jean Burtin, président

M. Yannick Bertolucci, chargé des relations institutionnelles

M. Jean-Paul Cesar, directeur de l’Office de tourisme de Fleury d’Aude

Tourisme et territoires (ex Rn2d)

M. Villain, président

Mme Véronique Brizon, directrice de Tourisme & territoires

Direction générale des entreprises (DGE)

Mme Emma Delfau, sous-directrice du tourisme

Fédération nationale des comités régionaux du tourisme (FNCRT)

Mme Marie-Reine Fischer, présidente

M. Benoît Artige, responsable de l’animation du réseau, de la communication et des partenariats

Atout France

M. Christian Mantei, président

M. Lasserre, secrétaire général

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