N° 4128 tome III - Avis de M. Jean-Claude Guibal sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4128

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061),

TOME III

AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT

PAR M. Jean-Claude GUIBAL

Député

——

Voir le numéro 4125.

SOMMAIRE

___

Pages

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » 7

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 110 8

1. Aperçu général 8

2. Évolution des crédits 9

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 209 12

1. Aperçu général 12

2. Évolution des crédits 13

C. LE FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT (FSD) 14

D. LA FRANCE PARMI LES PRINCIPAUX PAYS DONATEURS 18

II. OBJECTIFS ET MOYENS DE L’AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT FRANÇAISE 23

A. SE DONNER LES MOYENS DE NOS AMBITIONS 23

1. Faire de l’aide publique au développement un outil complémentaire de notre politique étrangère 23

2. La réorganisation en cours de l’aide publique au développement 24

a. Expertise France 24

b. Le rapprochement entre l’Agence française de développement et la Caisse des Dépôts et Consignations 27

3. Unifier le pilotage de l’aide publique au développement 28

4. Préférer le bilatéral au multilatéral 29

a. Retrouver des marges de manœuvre face aux institutions internationales 29

b. Renforcer les délégations de gestion du Fonds européen de Développement 32

c. Réactiver le Fonds de solidarité prioritaire 33

5. Préférer les dons aux prêts 34

B. CONCENTRER NOTRE ACTION SUR DES PRIORITÉS CLAIRES 36

1. Concentrer l’aide de notre pays sur les pays prioritaires 36

a. Consacrer les moyens bilatéraux aux pays prioritaires et les moyens multilatéraux aux autres destinataires 36

b. Les pays les moins avancés (PMA) 36

c. Les pays pauvres prioritaires 39

2. Concentrer notre aide sur les secteurs prioritaires 40

a. Majorer les préoccupations de sécurité 40

b. Soutien au renforcement des administrations centrales et territoriales 40

c. Maîtrise de la croissance démographique 41

d. Soutien à l’emploi agricole 42

e. Renforcement des systèmes éducatifs des pays les plus pauvres (partenariat mondial pour l’éducation) 45

CONCLUSION 49

TRAVAUX DE LA COMMISSION – EXAMEN DES CRÉDITS 51

ANNEXE – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 53

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’année 2016 a été importante du point de vue de l’aide publique au développement pour deux raisons principales.

Cette année a d’abord été celle de la mise en œuvre des engagements pris par la France en 2015, avec l’adoption du programme d’action d’Addis Abeba sur le financement du développement au mois de juillet, celle des Objectifs de développement durable par l’Assemblée générale des Nations unies au mois de septembre et l’accord de Paris sur le climat au mois de novembre.

Ces objectifs ambitieux, universels et inclusifs ont présenté un contraste regrettable avec le projet de loi de finances pour 2016, qui enregistrait une nouvelle diminution des crédits consacrés à l’aide publique au développement, dans la continuité des budgets adoptés depuis le début de la décennie. La baisse tendancielle des crédits de l’APD a cependant été interrompue grâce à plusieurs amendements adoptés dans le cadre de la discussion parlementaire.

Mais l’année 2016 a également été marquée par une dégradation de la situation internationale dans plusieurs régions. La crise des réfugiés et l’emballement des flux migratoires en provenance de l’Afrique et de la Méditerranée ont surpris les États européens, tandis que la situation sécuritaire dans le Sahel est demeurée inquiétante. L’instabilité politique d’une partie importante de notre voisinage est inquiétante et l’aide publique au développement fait partie des outils qui peuvent nous permettre de surmonter ou de prévenir ces différentes crises.

Mais il s’agit là de deux conceptions complémentaires mais distinctes de l’aide publique au développement. Si les objectifs universels adoptés dans un cadre international correspondent à ses finalités ultimes et ne sont pas critiquables en tant que tels, la nécessité d’aider les pays qui en ont, aujourd’hui, le plus besoin, est immédiate et doit faire l’objet de toute notre attention.

Le projet de loi de finances 2017 marque du point de vue financier un progrès. Les crédits de la mission « Aide publique au développement », que votre rapporteur est chargé d’examiné, augmentent de 5 % par rapport à ceux de l’année dernière, et cette augmentation porte principalement sur les dons, ce qui va dans le bon sens.

Il reste que c’est notre politique d’aide publique au développement, au moins autant que son budget, qui doit retenir notre attention. L’augmentation des moyens de l’aide doit aller de pair avec une réflexion sur ses objectifs et sur son pilotage.

Si le budget doit augmenter au cours des prochaines années, conformément aux engagements pris par le Président de la République de porter l’aide au développement de la France de huit à douze milliards d’euros d’ici 2020, les organismes chargés de la mettre en œuvre devront également changer d’échelle et adapter leur stratégie.

Mais quelle que soit la trajectoire des budgets futurs, il faut désormais considérer l’aide publique au développement comme une composante, et non des moindres, de notre politique étrangère, qui doit à ce titre être mise au service de ses objectifs.

C’est pourquoi le présent rapport, après avoir pris acte de la progression, limitée mais réelle, des moyens de l’aide publique au développement, s’intéresse plus particulièrement à sa conduite. Plusieurs points sont par conséquent examinés :

– Le pilotage et l’organisation de l’aide publique au développement, qui sont en cours d’évolution avec le rapprochement bientôt effectif de l’Agence française de développement et de la Caisse des Dépôts et Consignations d’une part, la montée en puissance d’Expertise France d’autre part, mais qui doit selon votre rapporteur faire l’objet d’une réforme plus poussée avec la création d’un ministère de plein exercice ;

– Les priorités géographiques de l’aide publique au développement, qui doivent faire l’objet d’une véritable réflexion stratégique et d’une distribution adaptée des moyens mis à sa disposition ;

– Enfin, les priorités sectorielles de l’aide publique au développement, qui doivent mieux prendre en considération l’objectif de stabilisation politique et sociale des pays prioritaires.

La mission interministérielle « Aide publique au développement » regroupe les crédits des deux principaux programmes concourant à la politique française d’aide au développement. Il s’agit du programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en œuvre par le ministère des finances et des comptes publics, et du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », mis en œuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international.

Cette mission ne correspond qu’à environ 30 % du montant total de l’aide publique au développement, tel qu’il est déclaré au Comité d’aide au développement de l’OCDE et qui correspond à la politique transversale « Politique française en faveur du développement », composé de 24 programmes rattachés à 14 missions, parmi lesquelles les programmes 110 et 209 qui forment la mission « Aide publique au développement ».

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitule du programme et de l’action

Ouvertes en LFI pour 2016

Demandées pour 2017

Ouvertes en LFI pour 2016

Demandées pour 2017

110 – Aide économique et financière au développement

389 175 000

2 164 510 357

937 978 969

987 957 002

01 – Aide économique et financière multilatérale

76 240 000

1 452 260 139

597 868 439

586 619 912

02 – Aide économique et financière bilatérale

312 935 000

382 000 000

234 659 914

297 817 509

03 – Traitement de la dette des pays pauvres

0

330 250 218

105 450 616

103 519 581

209 – Solidarité à l'égard des pays en développement

1 597 058 341

1 675 808 491

1 572 384 866

1 651 346 412

02 – Coopération bilatérale

600 595 601

598 476 702

570 420 261

568 301 362

05 – Coopération multilatérale

100 043 541

150 386 041

105 545 428

156 099 302

07 – Coopération communautaire

700 800 000

742 446 124

700 800 000

742 446 124

08 – Dépenses de personnels concourant au programme "Solidarité à l'égard des pays en développement"

155 521 699

184 499 624

195 521 699

184 499 624

09 – Actions de co-développement

97 500

 

97 500

 

Total pour la mission

1 986 233 341

3 840 318 848

2 510 363 857

2 639 303 414

Dans le projet de loi de finance pour 2016, le budget de la mission interministérielle « Aide publique au développement » s’élève à 2 639 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 129 millions d’euros, ou 5,1 % par rapport aux 2 510 millions d’euros demandés en LFI pour 2016.

L’évolution des crédits de la mission « Aide publique au développement » doit toutefois prendre en compte celle du Fonds de solidarité pour le développement., le total représenté par ce dernier et la mission « Aide publique au développement » augmente de 6,8 % entre la LFI 2016 et le PLF 1017

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » (987 957 002 € en crédits de paiement) vise deux objectifs : « Faire valoir les priorités stratégiques françaises au sein des banques et fonds multilatéraux » et « Assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l’aide au développement ».

Le premier de ces deux objectifs fait l’objet d’un indicateur unique qui mesure la « part des ressources subventionnées des banques multilatérales de développement et des fonds multilatéraux qui sont affectées aux zones géographiques prioritaires », c’est-à-dire l’Afrique subsaharienne et les pays les moins avancés (PMA). Cet indicateur demeurerait stable à 56 % pour l’Afrique subsaharienne et à 60 % pour les PMA en 2016 et 2017.

Le second objectif, illustre l’importance nouvellement accordée aux résultats de l’aide et à leur évaluation. Deux indicateurs ont été retenus pour cet objectif. Le premier mesure le montant d’aide au développement apportée par l’Agence française de développement sous forme de prêt par euro de subvention de l’État, donnant une idée de l’effet de levier engendré par l’AFD, et passerait de 13,5 en 2016 à 12 en 2017. Le second s’appuie directement sur l’évaluation ex post des projets et mesure simplement la proportion des projets de l’AFD et de la Banque mondiale dont le résultat a été jugé satisfaisant dans la réalisation de leurs objectifs de développement. Ce dernier indicateur demeurerait stable à 85% pour les projets AFD et 80 % pour les projets de la Banque mondiale, pour 2016 et 2017.

Pour l’ensemble du programme, les autorisations d’engagement sont en forte hausse, passant de 389 175 000 € à 2 164 510 357 €. Cette hausse s’explique principalement par la reconstitution pluriannuelle de l’Association internationale de développement (AID), pour laquelle la contribution française pour 2017 de meure la même qu’en 2016, avec 345,9 millions d’euros, et du Fonds africain de Développement (FAD) ainsi qu’aux annulations de dettes multilatérales, c’est-à-dire à des engagements pluriannuels qui sont simplement maintenus afin de préserver la contribution de la France à ces institutions.

Les crédits de paiement demandés pour le PLF 2017 présentent quant à eux une augmentation de 50 millions d’euros par rapport à la LFI 2016. Cette hausse vise à ce que le programme 110 revienne à son niveau du PLF 2016, avant le vote d’un amendement parlementaire qui avait transféré la même somme de 50 millions d’euros vers le programme 209 afin d’accroître les moyens de l’aide bilatérale. Le programme 110 servant en grande partie à honorer des engagements pluriannuels pris par la France, il a paru nécessaire de le ramener à son niveau antérieur.

Les différentes lignes du programme 110 évoluent par conséquent très peu entre le PLF 2016 et le PLF 2017.

L’action n° 1 « Aide économique et financière multilatérale » passe de 597 868 439 € en LFI 2016 à 586 619 912 € dans le PLF 2017, soit une diminution de 11,25 millions d’euros. Cette action se compose de contributions à des fonds internationaux qui correspondent à des engagements pluriannuels et dont les variations peuvent correspondre à des décisions prises plusieurs années auparavant.

La diminution des crédits de cette action s’explique principalement par la diminution de la contribution française au Fonds asiatique de développement (FAsD), qui passe de 23,13 millions d’euros à 11,5 millions d’euros. Le FAsD est le guichet concessionnel de la Banque asiatique de Développement (BAsD). La réduction prévue du nombre de pays asiatiques très pauvres éligibles aux prêts très concessionnels du FAsD a permis l’intégration de la capacité de prêt de ce dernier à celle du capital ordinaire de la BAsD à partir du 1er janvier 2017, ce qui devrait permettre d’augmenter les capacités financières de la banque tout en réduisant la pression sur les contributeurs du FAsD. La France a pu tirer parti de cette évolution pour réduire sa contribution tout en faisant valoir ses priorités, parmi lesquelles figure le prolongement du statut de pays post-conflit pour l’Afghanistan, principal bénéficiaire des dons du FAsD.

Les autres contributions demeurent au même niveau que l’année précédente. La contribution française au Fonds fiduciaire de Lutte anti-blanchiment (LAB) / Lutte anti-terrorisme (LAT), qui passe de 151 515 € à 186 000 € correspond à une variation de la parité entre l’euro et le dollar, le montant demeurant de 200 000 $. La diminution de la contribution française au Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) du FMI, qui passe de 15 millions d’euros à 9,14 millions d’euros correspond quant à elle à la fois à des variations de taux d’intérêt et de change, et au décalage entre des décaissements et des remboursements prévus par le mécanisme de ce fonds.

La participation au « Facility for Investment Climate Advisory Services » (FIAS), pour 1 million d’euros, ne subit en revanche aucune variation, de même que celle au Fonds de lutte contre les juridictions non coopératives, pour 130 000 € ou au Fonds Doha pour 2 millions d’euros. La contribution française au Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal (FMPM) est comme en 2016 de 8,25 millions d’euros, conformément au calendrier de paiement prévu, pour une contribution qui doit s’élever à 24,74 millions d’euros pour la période 2015-2017.

Plus importante, la contribution au Fonds pour l’environnement mondial demeure du même ordre (50,01 millions d’euros en 2016 pour 50,64 millions d’euros en 2016) et correspond à l’engagement de 300 millions de dollars pris en 2014 par la France, cinquième contributeur de ce fonds. L’Africa Regional Technical Assistance Center (AFRITAC) fait comme l’année précédente l’objet d’un versement d’1,2 millions d’euros.

La contribution au Middle East Regional Technical Assistance Center (METAC), demeure de 400 millions d’euros et correspond à la deuxième tranche d’un engagement de deux millions d’euros pour la période 2016-2021.

D’autres versements varient légèrement en raison d’annuités différenciées mais correspondent néanmoins à des engagements antérieurs. La contribution au Fonds du sarcophage de Tchernobyl et le Compte pour la sûreté nucléaire, qui passe de 6,24 à 7 millions d’euros, correspond au deuxième et dernier versement pour un engagement de 11,24 millions d’euros sur deux ans, et qui doit accompagner l’achèvement du projet correspondant.

Plus préoccupant est le cas de la contribution française à la Facilité financière pour la vaccination (IFFIm), qui sera versée en 2017 à partir du Fonds de solidarité pour le développement (FSD). Prévu par le PLF 2016, ce transfert a finalement été reporté à cette année. Cela signifie en premier lieu que ce versement n’est apparu ni dans les documents budgétaires accompagnant le PLF 2016, ni dans ceux accompagnant PLF 2017, et en second lieu que le FSD se trouve ponctionné, éventuellement au détriment d’autres actions.

La participation française au groupe de la Banque mondiale se compose uniquement de la contribution française à l’Association internationale de Développement, mentionnée en début de chapitre. Concernant la participation aux groupes des Banques régionales de développement, la diminution de 150,1 à 138,5 millions d’euros s’explique par la diminution de la contribution française au Fonds asiatique de Développement, également mentionnée en début de chapitre.

L’action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale », passe de 234,7 millions d’euros en LFI 2016 (après le transfert de 50 millions d’euros vers le programme 110 voté par amendement lors des discussions budgétaires) à 297,8 millions d’euros, soit une augmentation de 63,16 millions d’euros. Cette augmentation comprend 50 millions d’euros rétablis dans le PLF 2017 ainsi que 13,6 millions d’euros, correspondant principalement aux bonifications de prêts dans les États étrangers qui passent, en crédit de paiement, de 180 à 191 millions d’euros.

Le Fonds français pour l’environnement mondial, instrument majeur de la coopération bilatérale française en matière d’environnement, augmente également de 22 à 23 millions d’euros en crédits de paiement, principalement pour assurer le paiement de projets engagés antérieurement.

Parmi les dépenses d’interventions relevant de l’action n° 2, les bonifications de prêts en Outremer demeurent à 12 millions d’euros, correspondant à des engagements antérieurs à 2010.

Les crédits de paiement du Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP) diminuent légèrement (de 22,2 à 21,51 millions d’euros), de même que la dotation « Expertise France » qui passe de 4,85 à 4,51 millions d’euros, cette dernière diminution s’expliquant en partie par le fait que le contrat d’objectifs et de moyens (COM) d’Expertise France s’inscrit dans un objectif d’autofinancement grâce au développement de l’activité de cet organisme.

Les aides budgétaires globales augmentent légèrement, de 35 millions d’euros en 2015 à 37 millions d’euros en 2016, tandis que le financement du Programme de renforcement des capacités commerciales demeure à 1,5 million d’euros.

Enfin, l’action n° 3, « traitement de la dette des pays pauvres » est en légère diminution (103 519 581 € en 2017 pour 105 450 616 € en 2016). Au sein de cet ensemble, la compensation des annulations de la dette bilatérale passe de 42,88 à 37,55 millions d’euros et la compensation des annulations de la dette multilatérale passe de 62,57 à 65,97 millions d’euros, ce qui correspond à des engagements de moyen terme.

Le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » (1 651 346 412 € en crédits de paiement) vise trois objectifs : « Lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités », « promouvoir l’Agenda du développement durable » et « renforcer les partenariats, mettre en œuvre les partenariats différenciés et promouvoir nos priorités géographiques ».

Le premier de ces trois objectifs fait l’objet d’un indicateur unique mais lui-même décomposé en quatre sous-indicateurs visant à mesurer la part des engagements du FED dans l’agriculture durable et la sécurité alimentaire d’une part, dans les pays pauvres prioritaires d’autre part, la part des projets de l’AFD ayant fait l’objet d’un rapport d’achèvement de projets dans les 12 mois et bénéficiant d’une notation qualité au moins satisfaisante, et la part des autorisations d’engagement de l’AFD en subventions et en prêts dans les États étrangers ayant un objectif genre.

Le deuxième objectif fait l’objet d’un indicateur unique décomposé en deux sous-indicateurs, mesurant respectivement la part des autorisations d’engagement de l’AFD dans les États étrangers ayant un co-bénéfice climat et le nombre d’infections évitées (VIH, tuberculose, paludisme) grâce à la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le troisième fait également l’objet d’un indicateur décomposé en deux sous-indicateurs, l’un mesurant l’association d’ONG française à des partenaires étrangers non gouvernementaux, l’autre la part des subventions de l’AFD aux pays pauvres prioritaires.

Les crédits de paiement demandés marquent une hausse de 78 891 546 €, soit 5 %, par rapport à la LFI 2016.

Le budget prévu du programme 209 s’élevait dans le PLF 2016 à 1 632 260 789 €. Lors des discussions budgétaires, ce budget a été augmenté par deux fois de 50 millions d’euros, du fait d’un amendement du gouvernement, puis d’un amendement d’origine parlementaire, qui transférait cette somme du programme 110 au programme 209. Il a ensuite été réduit de 162 millions d’euros par un amendement gouvernemental afin de compenser partiellement l’augmentation du FSD qui avait également eu lieu lors des discussions budgétaires. Pour l’essentiel, la contribution au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, de 127 millions d’euros, a été transférée au FSD, tandis que 50 millions supplémentaires étaient affectés à l’aide aux réfugiés de la zone syrienne à travers les contributions volontaires aux Nations unies.

Compte tenu des réaffectations de dépenses qui ont accompagné l’évolution de ce budget, la comparaison entre le PLF 2017 et la LFI 2016 a donc peu de signification.

Au sein de l’action n° 2 « Coopération bilatérale », (568 301 362 €), la ligne des « dons-projets » passe de 299,7 millions d’euros à 337,1 millions d’euros, ce qui traduit la progression des moyens d’aide bilatérale correspondant à l’engagement pris par le Président de la République, les dons devant augmenter de 400 millions d’euros d’ici 2020.

La contribution au Fonds d’urgence humanitaire augmente légèrement, de 11,9 à 12,9 millions d’euros. L’augmentation de la rémunération de l’AFD (de 27 à 25,7 millions d’euros) correspond à la montée en puissance de l’institution et à l’ajout à ses attributions du secteur de la gouvernance. L’augmentation de la ligne « Contrats de désendettement et de développement (C2D) » correspond quant à elle à l’état des contrats signés et en cours d’exécution à la date d’établissement du projet de loi de finances.

Le budget de l’action 5 « Coopération multilatérale » passe de 105 545 428 € à 156 099 302 €. Les contributions volontaires aux Nations unies s’élèvent à 99,1 millions d’euros, ce qui inclut la reconduction du versement de 50 millions d’euros à l’aide aux réfugiés de la zone syrienne décidée lors des discussions budgétaires de l’année dernière, conformément aux engagements pris lors de la conférence de Londres en soutien à la Syrie le 4 février 2016 de verser 200 millions d’euros de dons dans le cadre de la crise syrienne sur la période 2016-2018.

Enfin, l’action 7 « coopération communautaire », qui passe de 700 800 000 € à 742 446 124 €, est entièrement constituée par la contribution française au Fonds européen de développement. L’augmentation correspond à la constitution du 11e FED pour la période 2014-2020, qui s’élève à 30,5 milliards d’euros et qui finance notamment des fonds fiduciaires en destinés à l’Afrique, comme le Fonds Békou pour la République centrafricaine lancé en juillet 2014, ou le Fonds fiduciaire d’urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique, qui vise notamment la région du Sahel et du lac Tchad. L’augmentation de la contribution française va donc de pair avec des actions qui sont dans une large mesure pilotées par la France.

Le fonds de solidarité pour le Développement (FSD) ne fait pas partie de la mission « Aide publique au développement », mais lui est étroitement associé, entre autres parce que des dépenses effectuées normalement sur le budget de la mission lui ont été transférées à plusieurs reprises. De ce fait, alors que le FSD avait pour vocation de constituer un mode de financement additionnel de l’aide publique au développement, il a eu tendance à se substituer à la mission du même nom. Il est par conséquent devenu plus pertinent d’examiner l’évolution de l’ensemble constitué par le FSD et la mission « Aide publique au développement ».

Le FSD a été créé en 2006 pour percevoir les recettes de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et les verser aux organismes bénéficiaires. L'Agence française de développement gère le FSD et effectue les versements pour le compte de l'État.

Les recettes de la TSBA, plafonnées à 210 millions d’euros depuis 2014, ont quant à elles varié de la manière suivante (en millions d’euros) :

Recettes de la taxe sur les billets d’avions (TSBA) hors plafonnement (en millions d’euros) :

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (P)

2017 (P)

166

169

180

181

185

204

220

220

229

Le FSD a rempli à partir de 2013 la même fonction vis-à-vis de la taxe sur les transactions financières (TTF) lorsque cette dernière a été mise en place en août 2012. À la différence de celles de la TSBA, les recettes de la TTF ne sont pas entièrement affectées au FSD, un plafond étant fixé par voie législative. Ce plafond a été relevé progressivement : de 60 millions d’euros pour 2013, il est passé à 100 millions d’euros pour 2014, puis à 140 millions d’euros pour 2015 et enfin à 260 millions d’euros pour 2016, à la suite d’un amendement gouvernemental au PLF 2016 qui prévoyait initialement un plafond de 160 millions d’euros.

Le PLF 2017 prévoit enfin un relèvement de ce plafond à 528 millions d’euros, en réaffectant vers le FSD la part des recettes de la TTF qui avait été affectée par un amendement parlementaire, lors des discussions budgétaires sur le PLF 2016, vers l’AFD. L’évolution du FSD est donc la suivante :

Recettes du Fonds de solidarité pour le développement (en millions d’euros) :

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Recettes de la TSBA

166

169

180

181

185

204

210

210

210

Plafond de la TTF

       

60

100

140

260

528

Recettes du FSD

162

163

175

185

245

304

350

470

738

Au 31 août 2016, les montants cumulés du FSD depuis 2006 sont les suivants :

– Recettes encaissées (environ 2240 millions d’euros) : dont 1784,5 millions d’euros pour la taxe de solidarité sur les billets d’avion (depuis 2006) ; 445,9 millions d’euros pour la taxe française sur les transactions financières (depuis 2013) et 10,0 millions d’euros de versement du budget général (réalisé pour mémoire en 2007 de façon conjoncturelle).

– Dépenses effectuées (environ 2023 millions d’euros) : 1090,9 millions d’euros à UNITAID, 223,0 millions d’euros au remboursement de l’IFFIm, 515,0 millions d’euros au Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, 42,0 millions d’euros à GAVI, 40,0 millions d’euros à RWSSI, 6,0 millions d’euros à l’I3S, 105,0 millions d’euros pour le Fonds Vert pour le climat, 1,0 millions d’euros à l’AFD (prestation de gestion).

Depuis le 23 décembre 2013, le FSD peut financer, en plus de la facilité internationale d’achats de médicaments Unitaid, de la facilité financière internationale pour l’immunisation (IFFIm) et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), les actions en faveur des bénéficiaires suivants : le Fonds vert pour le climat, l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation (GAVI), le fonds fiduciaire de l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural (RWSSI) de la Banque africaine de développement et l’Initiative solidarité santé Sahel (I3S) de l’AFD. Le paiement des contributions françaises à l’IFFIm est prioritaire sur les autres dépenses : compte-tenu du montage spécifique de cette modalité de financement innovant et de l’engagement associé, un retard de paiement d’un des contributeurs aurait des effets mettant en péril tout le mécanisme.

En 2016 et 2017, il est prévu que les dépenses du Fonds de solidarité pour le développement demeurent en priorité consacrées aux enjeux de santé et à la lutte contre le changement climatique. En revanche, le détail précis des affectations n’est pas connu à ce jour. À titre d’exemple toutefois, on peut indiquer qu’à partir de 2017, soit avec un an de retard par rapport à ce qui était prévu, l’ensemble des contributions de la France au mécanisme de l’IFFIm sera versé via le FSD.

L’ensemble formé par la mission « Aide publique au développement » et le FSD, en prenant en compte les crédits de paiements de la mission et les recettes du FSD, évolue donc de la façon suivante (en millions d’euros) :

 

2015

2016

2017

Mission APD (CP)

2 798

2 510

2 639

Recettes du FSD

350

470

738

Somme directement affectée à l’AFD en 2016

 

268

 

Total

3 148

3248

3 377

La montée en charge du Fonds de Solidarité pour le Développement (FSD) s’est longtemps accompagnée d’une baisse équivalente ou supérieure des crédits alloués aux programmes 110 et 209, notamment parce que des lignes budgétaires ont tout simplement été transférées des deux programmes vers le FSD. Dans le PLF 2016, deux dépenses ont ainsi été transférées en partie ou totalement d’un des deux programmes composant la mission « Aide publique au développement » vers le FSD :

– la contribution française au titre du programme 110 à la Facilité financière pour la vaccination (IFFIm), désormais entièrement assurée à travers le FSD, le transfert de cette dépense n’étant finalement effectif qu’en 2017 ;

– la contribution française au titre du programme 209 au Fonds mondial de lutte contre le Sida, intégralement versée depuis 2016 à partir du FSD.

Dépenses à partir des financements innovants (en millions d’euros) :

 

Réalisé 20115

LFI 2016

PLF 2017

Santé
dont :

260

472

508

IFFIm

25

26

68

GAVI

0

22

0

UNITAID

62

88

80

Fonds mondial SIDA (FMSTP)

173

328

360

Initiative Solidarité Santé Sahel (ISS°

0

8

0

Climat/Environnement
dont :

118

147

230

Initiative Eau (RWSSI)

14

0

0

Fonds vert

104

62

163

Dépenses Climat (Dons projets et dons multilatéraux)

0

85

67

Autres domaines
dont :

0

119

0

Partenariat mondial pour l’Éducation (PME)

0

8

0

Aides budgétaires et dons (ABG)

0

21

0

Coopération technique

0

2

0

Bonifications de prêts de l’AFD

0

88

0

Total des dépenses à partir des financements innovants

378

738

738

Source : document de politique transversale « Politique française en faveur du développement », PLF 2017.

Ces transferts du budget de l’État vers le FSD sont problématiques pour deux raisons principales.

En premier lieu, les financements innovants que sont la taxe sur les billets d’avion et la taxe sur les transactions financières, qui constituent les ressources du FSD, avaient vocation, lorsqu’ils ont été mis en place, à s’additionner à l’effort français d’aide au développement, et non à s’y substituer. Or, c’est précisément ce qui s’est passé pendant plusieurs années.

En deuxième lieu, le détail de l’affectation exacte des ressources du FSD ne fait pas l’objet d’une présentation régulière et détaillée du même ordre que le budget de l’État. Une partie de l’aide au développement se trouve donc transférée vers un mécanisme de financement moins transparent qui échappe pour partie au contrôle parlementaire.

Plus généralement, votre rapporteur note que le FSD sert principalement à alimenter l’aide au développement multilatérale, et s’identifie par conséquent à un canal de financement peu contrôlé par le parlement dont les destinataires sont des organismes eux-mêmes peu contrôlés par le parlement. Le Fonds mondial de lutte contre le Sida, dont le financement a désormais intégralement basculé vers le FSD, offre l’exemple d’une dépense importante, faite hors du contrôle du parlement et dont la pertinence est par ailleurs remise en cause par certains spécialistes qui jugent qu’une aide directe aux système de santé des pays les plus concernés par ces pathologies permettrait de lutter contre elles plus efficacement.

Un décret devrait cependant, prochainement, rendre l’AFD éligible aux fonds FSD, ce qui permettra à cette dernière de renforcer ses moyens d’intervention en dons. Une telle évolution paraît effectivement souhaitable.

Votre rapporteur note cependant que le total représenté par la mission « Aide publique au développement », le FSD et la somme directement allouée à l’AFD lors des discussions budgétaires sur le PLF 2016 augmente de 3,9 % entre la LFI 2016 et le PLF 1017. Les discussions budgétaires avaient permis de faire en sorte que la LFI 2016, contrairement à ce que prévoyait le PLF 2016, mette fin à la diminution de l’aide publique au développement française que l’on pouvait observer depuis le début des années 2010.

Le PLF 2017 prévoit par conséquent une légère augmentation de l’effort budgétaire. Il reste cependant à mesurer l’ampleur de cet effort par rapport à celui fourni par les principaux donateurs mondiaux.

Les comparaisons internationales en matière d’aide publique au développement se heurtent à deux difficultés.

En premier lieu, la collecte de données effectuée par le Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE ne permet d’effectuer des comparaisons qu’avec un ou deux ans de retard. En deuxième lieu, les données prises en compte par le CAD correspondent aux sommes que l’OCDE accepte de valider comme relevant effectivement de l’aide publique au développement. Comme expliqué dans l’introduction du présent rapport, la mission « Aide publique au développement » ne correspond, en ordre de grandeur, qu’à environ 30 % des dépenses effectuées par la France en matière d’aide publique au développement et validées comme telles par le CAD.

Par conséquent, la comparaison entre la France et les autres pays donateurs ne peut être directement mise en perspective avec les crédits de la mission « Aide publique au développement » pour 2017, ni même pour 2016. Elle permet cependant d’observer des tendances plus longues et de mesurer l’ampleur de l’effort que notre pays devra fournir s’il veut tenir sa place au niveau international.

Aide publique au développement en volume et en pourcentage du revenu national brut (en millions de dollars) :

   

France

Donateurs CAD

2010

APD nette en volume

13 390

134 497

 

En % du RNB

0,5

0,32

2011

APD nette en volume

12 722

133 170

 

En % du RNB

0,46

0,31

2012

APD nette en volume

12 586

128 119

 

En % du RNB

0,45

0,29

2013

APD nette en volume

11 397

135 329

 

En % du RNB

0,23

0,30

2014

APD nette en volume

10 620

137 222

 

En % du RNB

0,36

0,29

2015

APD nette en volume

10 919

146 676

 

En % du RNB

0,37

0,30

Source : OCDE (CAD 1)

En 2015, le volume d’aide publique au développement versé par les membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE s’est élevé à plus de 146 milliards de dollars, soit 0,30 % de leur revenu national brut (RNB) cumulé.

Évolution de l’aide publique au développement des principaux donateurs en volume et en pourcentage du revenu national brut (en millions de dollars) :

2011

*2012

APD nette

volume

% RNB

 

volume

% RNB

États-Unis

30 966

0,2

États-Unis

30 652

0,19

Allemagne

14 093

0,39

Royaume-Uni

13 891

0,56

Royaume-Uni

13 832

0,56

Allemagne

12 939

0,37

France

12 997

0,46

France

12 028

0,45

Japon

11 086

0,18

Japon

10 605

0,17

Pays-Bas

6 344

0,75

Canada

5 650

0,32

Suède

5 603

1,02

Pays-Bas

5 523

0,71

Canada

5 459

0,32

Australie

5 403

0,36

Australie

4 983

0,34

Suède

5 240

0,97

Norvège

4 756

0,96

Norvège

4 753

0,93

Donateurs CAD

134 971

0,31

Donateurs CAD

126 911

0,28

2013

2014

APD nette

volume

% RNB

 

volume

% RNB

États-Unis

31 267

0,18

États-Unis

33 096

0,19

Royaume-Uni

17 871

0,71

Royaume-Uni

19 306

0,70

Allemagne

14 228

0,38

Allemagne

16 566

0,42

Japon

11 582

0,23

France

10 620

0,37

France

11 339

0,41

Japon

9 266

0,19

Suède

5 827

1,01

Suède

6 233

1,09

Norvège

5 581

1,07

Pays-Bas

5 573

0,64

Pays-Bas

5 435

0,67

Norvège

5 086

1,00

Canada

4 947

0,28

Australie

4 382

0,31

Australie

4 846

0,33

Canada

4 240

0,24

Donateurs CAD

134 832

0,30

Donateurs CAD

137 222

0,30

Source : OCDE (CAD 1)

Les ratios APD/RNB affichés par les pays du Nord de l’Europe sont d’assez loin les plus élevés. Toutefois, si ce ratio permet de mesurer l’effort consenti par un pays indépendamment de la taille de son économie, la contribution en volume à l’effort international d’aide au développement donne une idée de l’influence du pays concerné en matière d’aide au développement et de sa capacité, soit à influer sur les orientations suivies dans ce domaine au niveau international, soit à agir par lui-même.

Ainsi, les États-Unis, premier donateur en volume (33 milliards de dollars en 2014), affichent un ratio d’aide faible (0,19 % du RNB). Les États-Unis n’ont pas adhéré à l’engagement international des 0,7 % et ne se considèrent donc pas comme liés par cet objectif. La faiblesse du ratio américain doit cependant être relativisée du fait de l’importance des contributions privées en provenance de ce pays.

L’Allemagne, troisième donateur du CAD en volume (16,6 milliards de dollars en 2014), dont le ratio d’aide se situait autour de 0,38 % jusque 2013, consacre 0,42 % de son RNB à l’APD et n’atteint toujours pas l’objectif qu’elle s’est fixé de consacrer 0,51 % de son RNB à l’APD en 2010.

Le Royaume-Uni, deuxième pays donateur en volume derrière les États-Unis, devançant l’Allemagne, demeure le principal contributeur européen. Avec une contribution en volume évaluée par le CAD à 19 306 millions de dollars en 2014 le Royaume-Uni dispose d’une capacité d’action dont l’ordre de grandeur est à mi-chemin entre celui de l’APD américaine et celui de l’APD française.

La France, avec une contribution de 10 620 millions de dollars cette même année, n’a pas la même capacité à faire entendre sa voix.

Quatrième contributeur mondial, la France a suivi une évolution plus proche de celle des pays du Sud de l’Europe, comme l’Espagne, dont le ratio avait atteint 0,43 % en 2010 mais s’est effondré par la suite, ou l’Italie dont le ratio est resté depuis cinq ans en dessous de 0,20 %.

Ces chiffres confirment évidemment ce que rappellent chaque année les ONG telles que Coordination Sud ou One France, entendues par votre rapporteur, à savoir que l’aide publique au développement française n’est pas à la hauteur des ambitions de notre pays ni des objectifs de plus en plus ambitieux qu’il a défendu dans les enceintes internationales. Même si nous assistons bien cette année à une inversion de la courbe de l’APD française, l’effort reflété par les crédits de la mission « aide publique au développement » paraît encore timide.

Les comparaisons internationales invitent toutefois à une deuxième réflexion. Lorsque les moyens sont comptés, il importe de les utiliser à bon escient. Dès lors que les moyens budgétaires de l’aide publique au développement sont limités, l’influence française dans les institutions internationales s’en trouvera diminuée et une politique visant à l’accroître à moyens constants risque de se traduire par un saupoudrage sans grande cohérence.

Votre rapporteur estime qu’il est par conséquent opportun d’adopter une démarche pragmatique visant à faire correspondre nos objectifs aux moyens dont nous disposons.

L’objectif de stabilisation, puis de hausse des crédits de l’aide publique au développement est partagé par votre rapporteur, qui forme le vœu que cette évolution se poursuive dans les années à venir.

Il est toutefois nécessaire de ne pas se contenter d’un simple objectif chiffré, lequel n’échappe d’ailleurs pas à la critique. Le « 0,7% » que la plupart des grands contributeurs se sont engagés à atteindre il y a bientôt un demi-siècle, et que peu ont effectivement atteint, demeure un agrégat de dépenses diverses dont le rapport avec l’aide publique au développement proprement dite ne va pas toujours de soi, comme l’ont signalé à de nombreuses reprises et depuis longtemps divers acteurs de l’aide publique au développement. Il en va ainsi des « frais d’écolage » ou de certaines dépenses destinées à l’accueil des réfugiés sur le territoire du pays contributeur. Si l’utilité de ces dépenses n’est pas en question, la pertinence de leur inclusion dans l’aide publique au développement n’est pas assurée.

Plus grave, se fixer pour objectif premier d’atteindre un objectif chiffré amène à perdre de vue les finalités de l’aide publique au développement. Agréger des dépenses susceptibles d’être « validées » dans le cadre d’une comparaison internationale risque de nous amener à une dispersion de nos efforts, alors que la situation internationale devrait au contraire nous conduire à réfléchir de façon stratégique, en termes d’objectifs, de moyens et de méthode.

Les moyens de l’aide publique au développement française étant comptés, il convient de faire des choix en la réorientant vers les priorités stratégiques de notre pays.

Ainsi que le rappelait en 2015 Hubert Védrine devant la Mission d’information présidée par votre rapporteur sur la stabilité et le développement de l’Afrique francophone, toute politique étrangère est en premier lieu destinée à la préservation des intérêts du pays qui la met en œuvre. L’aide publique au développement, qui est une composante de notre politique étrangère, n’a du reste pas été inventée uniquement pour alléger la pauvreté du monde, mais également en vue de préserver sa stabilité politique, ce qu’ont rappelé plusieurs résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies, au premier rang desquelles la résolution 1710 du 19 décembre 1961, qui lança la « Décennie des Nations Unies pour le développement.

La générosité ne doit évidemment pas être absente de nos préoccupations quand nous nous efforçons de mettre la France au niveau des autres grands contributeurs de l’aide publique au développement, mais rien n’interdit à cette générosité d’aller dans le sens de notre politique. La contribution française à cet effort international doit donc être orientée d’une manière qui soit pour le moins en cohérence avec nos objectifs de politique étrangère générale.

L’Afrique francophone est à l’évidence au cœur de nos intérêts géostratégiques, pour des raisons à la fois historiques, économiques et liées aux flux migratoires. L’histoire de la France et de l’Afrique n’a pas fini d’être partagée. Mais l’Afrique est également la région du monde où l’intervention de la France, notamment sous la forme de l’aide publique au développement, est la plus utile en raison, précisément, de ces liens qui nous unissent.

La région du Sahel doit en particulier nous préoccuper en raison des menacent qui pèsent actuellement sur sa stabilité et de son poids démographique croissant qui ne fera qu’amplifier l’effet de contagion qu’entraînerait une déstabilisation de cette région, non seulement pour le reste du continent africain, mais également pour l’Europe.

Le présent avis n’est pas le lieu où doit être discuté ce sujet de politique étrangère. Votre rapporteur se contentera donc de souhaiter que notre politique d’aide publique au développement soit orientée de façon décisive vers les régions et les secteurs où son impact sera le plus bénéfique. Cela suppose de ne pas considérer l’aide publique au développement comme une politique isolée visant simplement un objectif universel de développement économique et de bien-être des populations concernées, mais également comme un outil susceptible d’appuyer notre politique étrangère.

Le pilotage de l’aide publique au développement de la France fait actuellement l’objet d’une réorganisation bienvenue, même si elle ne suffira pas à elle seule à nous doter du dispositif entièrement cohérent que votre rapporteur appelle de ces vœux. Cette réorganisation a porté sur deux axes principaux.

Le 1er janvier 2015, conformément à la loi n°2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État et au décret d’application n°2014-1656 du 29 décembre 2014 relatif à l'agence française d'expertise technique internationale, AFETI/Expertise France s’est substitué à six opérateurs travaillant dasn le domaine de l’expertise (1) . L’agence Expertise France est placée sous la tutelle conjointe du ministère des Affaires étrangères et du Développement international et du ministère de l’Économie et des Finances.

Après l’élection des représentants du personnel au conseil d’administration en juillet 2015, et à la suite des élections professionnelles en septembre 2015, les instances représentatives du personnel ont été mises en place (comité d’entreprise et délégués du personnel). L’accord d’entreprise devrait être adopté au cours de l’année 2016.

Le conseil d’administration d’Expertise France compte 19 membres, dont le délégué interministériel qui le préside, deux députés et deux sénateurs, sept représentants de l’État, un représentant des organismes de sécurité sociale, 1 représentant des collectivités territoriales, 3 personnalités qualifiées dans le domaine d'activité de l'établissement, et 2 représentants du personnel de l'établissement.

Le conseil d'administration se réunit au minimum trois fois par an. Il a tenu sa dernière session le 23 juin 2016, au cours de laquelle a été approuvé le premier contrat d’objectifs et de moyens (COM) triennal de l’agence, après consultation des commissions compétentes du Parlement.

La durée de ce premier COM est de 3 ans (2016 – 2018) et correspond à la période de mise en œuvre de la fusion, de démarrage et de montée en puissance de l’agence. Cette période doit permettre de poser les fondations d’un opérateur de référence au niveau européen, délivrant des prestations de qualité au bénéfice du développement de ses partenaires et de l’influence de la France, et disposant d’un équilibre financier durable.

Conformément à la loi, le COM prévoit la mise à disposition de l’agence d’un fonds d’intervention, dénommé « fonds de cofinancement », ayant pour objet de favoriser le positionnement d'Expertise France sur des projets ambitieux pour le rayonnement de l’influence française et la mise en œuvre de ses priorités en matière de coopération au développement. Ce fonds doit permettre un effet de levier sur d’autres financements (Commission européenne, bailleurs multilatéraux) pour contribuer au rééquilibrage des comptes de l’agence.

Plusieurs conventions-cadres avec les ministères et les organismes concernés par la mobilisation et la projection de l’expertise technique internationale ont d’ores et déjà été signées, dont une avec les ministères économiques et financiers le 4 avril 2016, et une autre avec le ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI) le 27 juillet 2016.

Concernant les relations entre Expertise France et l’Agence française de Développement le ministère des Affaires étrangères a transféré la responsabilité de l’aide en matière de gouvernance à l’AFD et a demandé à cette dernière de consacrer environ 25 millions d’euros par an à des contrats avec Expertise France. Telle est la lettre de l’accord, mais l’esprit de l’accord est que les deux agences doivent apprendre à travailler ensemble régulièrement. Les équipes des deux agences sont ainsi en contact, secteur par secteur. Le même type de contrat existe en Allemagne entre la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) et le Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GIZ.

Les quatre principaux secteurs d’intervention d’Expertise France sont :

– La gouvernance démocratique et les finances publiques (institutions démocratiques, migrations, finances publiques, statistiques) ;

– Le développement durable et l’agriculture (engagements COP21, énergie, climat, développement urbain, agriculture) ;

– La santé (systèmes de santé et hospitaliers – Expertise France gère 5% de la contribution française au fonds Sida) ;

– La stabilité et la sécurité (missions régaliennes, police, protection civile, recyclage des anciennes milices, centres de soins dans les États fragiles, boulangeries industrielles, « relèvement précoce », assistance aux ONG).

Au-delà de la fusion des six opérateurs, la loi prévoit de rassembler l'ensemble des opérateurs spécialisés de coopération technique, selon des modalités adaptées à leurs missions et statuts. Cette mission relève du délégué interministériel à la coopération technique internationale (DICTI). Le rassemblement des opérateurs concernés passe par des mutualisations logistiques et stratégiques. Ces opérateurs ont d’ores et déjà signé une « charte de bonne conduite et de compétitivité », qui vise à mieux se coordonner et travailler ensemble.

Le comité d’orientation relatif au développement de l’expertise technique publique et privée est en cours de composition, et devrait être réuni pour la première fois d’ici la fin de l’année 2016 par le DICTI. Les premiers comités d’orientation sectoriels ont d’ores et déjà été mis en place. Leurs travaux ont commencé, en accord avec les ministères intéressés, pour une majorité d’entre eux.

Il s’agit donc pour la France de se doter d’un organisme en mesure de piloter de façon unifiée et en application d’une stratégie cohérente la diffusion de l’expertise française, c’est-à-dire des normes françaises. Le développement de cet outil doit cependant être poursuivi et la France n’est pas encore dans ce domaine au niveau de ses principaux partenaires.

Ainsi, le GIZ, homologue allemand d’Expertise France, traite pour 2,1 milliards d’euros de contrats par an contre environ 21 millions pour Expertise France. La part de l’assistance technique dans le budget français du développement est d’environ 10%, contre 27% pour l’Allemagne et 24% pour le Japon. Des efforts sont donc encore nécessaires dans ce domaine.

Le projet d’adossement de l’Agence française de développement à la Caisse des Dépôts et Consignations a d’abord été annoncé par le Président de la République lors de la conférence des ambassadeurs le 25 août 2015.

Le projet visait d’une part à accroître la capacité d’intervention de l’AFD en lui donnant un accès aux fonds de la Caisse des Dépôts et Consignation, objectif qui n’est que partiellement atteint par la solution retenue mais qui le sera par le concours direct de l’État avec l’augmentation prévue de 4 milliards d’euros en prêts et 370 millions d’euros en dons ; d’autre part à faire de l’AFD une agence de développement aux compétences accrues et diversifiées, disposant de plus de relais et en mesure de déployer une plus grande gamme de compétences.

Plusieurs scénarios de rapprochement ont fait l’objet de discussions animées par M. Rémy Rioux, préfigurateur du projet. La solution retenue est celle d’une convention passée entre les deux organismes, dont la signature doit avoir lieu le 6 décembre 2016, date du 75e anniversaire de l’AFD.

Si les choses se déroulent comme prévu, cette convention devrait permettre aux deux organismes de coordonner leurs stratégies autour des « quatre transitions » de la CDC (démographique, technologique, numérique et territoriale » à laquelle s’ajouterait la « cinquième transition » de l’AFD, politique et citoyenne, ainsi que de rapprocher leurs réseaux et d’ouvrir des passerelles entre leurs personnels respectifs, l’intention étant de démultiplier les compétences de l’AFD et de la CDC afin que l’ouverture internationale de la première profite à la seconde, et que les ressources territoriales de la seconde permettent à la première de renforcer ses interventions en matière d’aide au développement. Les deux institutions entendent en outre bâtir des instruments financiers communs, à commencer par un fonds pour les infrastructures en Afrique devant être doté de 500 millions d’euros.

La solution retenue évite donc à l’AFD la perte de son statut bancaire ainsi que les difficultés qu’aurait entraînées l’intégration d’une organisation à but non lucratif dont la mission est de soutenir le développement à une organisation ne partageant aucune de ces deux caractéristiques.

Il convient cependant d’attendre que ce rapprochement soit effectivement réalisé et ait commencé à produire des effets pour juger de sa pertinence. Si l’intention, qui est de doter la France d’une agence de développement aux capacité renforcées, est certainement louable, ce rapprochement devra être jugé en fonction de ses résultats.

Faire de l’aide publique au développement l’outil stratégique qu’elle doit être suppose non seulement une vision claire de ses finalités, mais également un pilotage cohérent. Or, la complexité du dispositif français d’aide au développement, éclaté entre deux ministères, nuit à sa réactivité et à sa cohérence.

La réforme de 1998 a conduit à la disparition de l'ancien ministère de la coopération, autrefois autonome. Aujourd'hui, au sein du MAEDI, le secrétariat d'État chargé du développement et de la francophonie assure le pilotage de la politique d’aide au développement, et dispose notamment de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. Le dispositif français d'aide au développement demeure cependant éclaté entre les ministères des finances et des affaires étrangères qui exercent une cotutelle sur l'AFD.

La revue du CAD de 2013 (2) souligne ainsi que « ce dispositif génère des coûts de transaction élevés du fait des impératifs de coordination. Il rend par ailleurs difficile le pilotage stratégique du budget de l’aide programmable, qui est éclaté entre les deux ministères. »

S’agissant d’une politique aux enjeux complexes, qui met en jeu un nombre très élevés d’acteurs français et internationaux, publics et privés, et dont les objectifs touchent à pratiquement tous les domaines de l’activité humaine, la division entre deux ministères ne facilite pas la prise de décision claire et rapide qui s’imposerait.

Aussi votre rapporteur recommande-t-il la création d’un ministère de plein exercice. Une telle réforme serait relativement simple à mettre en œuvre et offrirait plusieurs avantages :

En premier lieu, confier cette tâche à une seule instance politique au sein du gouvernement permettrait de renforcer la cohérence de notre action et mettrait fin, entre autres, à l’opposition artificielle entre les « deux » budgets de l’aide publique au développement que sont les programmes 110 et 209.

Par ailleurs, un tel ministère, doté d’un poids politique plus important au sein de l’appareil institutionnel français, disposerait d’une capacité de plaidoyer international et régional renforcée qui lui donnerait un poids accru dans les relations de notre pays avec les principaux bailleurs et instruments de l’aide auxquels notre pays participe.

Un tel ministère permettrait en troisième lieu de donner plus de visibilité à notre action en faveur du développement et par conséquent, d’en renforcer la légitimité auprès de l’opinion publique, aux yeux de laquelle complexité et dispersion des moyens

Comme on l'a dit, les problématiques de stabilité et de développement en Afrique francophone sont appelées à prendre une importance croissante dans notre agenda. Consécutivement, notre pays doit être capable d'anticiper et de prévenir des crises qui ne manqueront pas de se produire si rien n'est fait suffisamment tôt en amont. Cela suppose de rehausser considérablement l'attention qui y est portée, d'exercer un suivi constant, d’avoir un dialogue permanent avec les pays concernés, leurs institutions, leurs sociétés civiles, de définir et de conduire les politiques d'aide au développement qui y contribueront.

Plusieurs pays occidentaux ont par ailleurs au sein de leur exécutif un département ministériel dédié à une région, ainsi en est-il des États-Unis, du Royaume-Uni, de la RFA. Le fait que le ministère chargé du développement soit l'interlocuteur privilégié de nos partenaires africains, renforcerait la qualité et la régularité, la fréquence de notre dialogue régional et bilatéral dont on n'a vu qu'il appelait à être réévalué.

De même, pourrait-on envisager la création au sein de l’École d’affaires publiques de Science Po d’une spécialité « Politiques d'aide au développement », en complément des filières « Administration publique », « Culture », « Énergie-environnement » et « Santé » qui existent déjà, qui permettrait de donner aux futurs professionnels du secteur une formation spécialisée de haut niveau.

Faire de l’aide publique au développement un outil de notre politique étrangère et la doter d’un pilotage cohérent vont de pair avec une préférence pour les canaux d’aide bilatéraux, au sein desquels la France pourra mieux mettre en œuvre ses priorités.

Le choix entre aide bilatérale et multilatérale fait l’objet d’un débat ancien dont les termes sont connus. L’aide multilatérale selon ses partisans, doit permettre une démultiplication de l’influence de la France qui, à condition de verser des contributions significatives, se trouve représentée au sein des grandes instances internationales dont elle peut alors contribuer à définir l’orientation, ce qui en retour nous permet de bénéficier de leur soutien pour l’atteinte de nos objectifs.

La participation à l’aide multilatérale, si elle est bien conduite, permet également d’initier des projets et d’en conserver le leadership en exerçant un effet de levier important. Tel est l’objet de l’indicateur 2.1 mentionné au début du présent rapport à propos du programme 110, qui mesure le montant d’aide au développement apportée par l’AFD sous forme de prêt par euro de subvention de l’État.

Le canal multilatéral nous permet par conséquent d’être présents de façon globale et peut, le cas échéant, contribuer à nos objectifs en matière d’aide publique au développement. Une véritable influence globale suppose toutefois une présence significative au sein de multiples institutions onusiennes, banques de développement ou fonds verticaux. Une présence ainsi démultipliée au sein d’organismes dont il est parfois délicat de se retirer peut entraîner, par effet d’inertie, une certaine dispersion de l’aide, ce que la France peut difficilement se permettre aujourd’hui.

Par ailleurs, l’aide multilatérale implique des échelons bureaucratiques multiples et complexes, entraînant à la fois des dépenses de fonctionnement mécaniquement plus importantes et, surtout, une faible réactivité. En d’autres termes, l’aide multilatérale semble mieux convenir aux objectifs de long terme tels que ceux figurant dans les Objectifs du Développement durable adoptés en septembre 2015 par l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies, mais peut se révéler inadaptée à la résolution rapide de situations de crises, ou même à la définition de politiques adaptées à la situation particulière d’un État, du fait de la difficulté à coordonner des bailleurs multiples dont les objectifs et les préoccupations ne convergent pas nécessairement.

Plus préoccupant encore, du fait de la complexité politique inhérente à des institutions dont les décisions font en permanence l’objet de compromis entre États, les institutions internationales tendent à éviter les sujets considérés comme sensibles, c’est-à-dire, en particulier, ce qui relève du régalien et de la sécurité. Serge Michailof, auteur de l’ouvrage « Africanistan », entendu par votre rapporteur pour la préparation du présent avis, a ainsi souligné l’absence de reconstruction de la police en Afghanistan après 2001, malgré l’ampleur de l’enjeu en termes de stabilisation. Il est plus facile d’« injecter » des crédits que d’en faire un usage politiquement délicat.

Il est par conséquent paradoxal de constater que les institutions internationales, la Banque mondiale en premier lieu, semblent occuper aujourd’hui une position de leadership intellectuel en ce qui concerne les grandes tendances de l’aide, dont les Objectifs du Développement durable constituent une des traductions les plus récentes. Si la pertinence des ODD à moyen ou à long terme n’est pas en cause, leur contribution à la résolution ou à la prévention des crises qui menacent d’éclater à très brève échéance dans les parties du monde les moins développées demeure minimale. La France devrait par conséquent conserver non seulement ses moyens d’actions propres, mais également son indépendance intellectuelle en matière d’aide publique au développement.

Concrètement l’effet de levier recherché sera maximisé pour les projets aux objectifs clairement définis et doté d’un réel pilotage stratégique. L’aide à un État doit être fonction de ses besoins réels plutôt que d’objectifs de développement universels qui ne lui sont pas nécessairement adaptés. La recherche d’une plus grande influence et d’effets de levier significatifs doit passer par une sélection rigoureuse des contributions françaises qui doit être en premier lieu basée sur les objectifs de politique étrangère de la France.

L’orientation croissante de l’aide au développement française vers le multilatéral depuis 1990 est cependant frappante, comme l’indique le tableau ci-dessous.

Répartition de l’APD française entre aide bilatérale et aide multilatérale depuis 1990

Répartition de l'APD nette de la France

Versements, en millions $

APD totale

APD bilatérale

APD multilatérale

Total

%

Total

%

dont aide européenne

CE

FED

Total

1990

7 163

5 612

78%

1 551

22%

391

373

764

1991

7 386

5 772

78%

1 614

22%

456

440

896

1992

8 270

6 302

76%

1 968

24%

398

507

905

1993

7 915

6 154

78%

1 761

22%

392

443

835

1994

8 466

6 611

78%

1 855

22%

404

512

915

1995

8 443

6 429

76%

2 015

24%

461

524

984

1996

7 451

5 754

77%

1 697

23%

554

290

845

1997

6 307

4 777

76%

1 530

24%

551

330

881

1998

5 742

4 185

73%

1 557

27%

426

356

782

1999

5 639

4 128

73%

1 512

27%

513

286

799

2000

4 105

2 829

69%

1 276

31%

540

251

792

2001

4 198

2 596

62%

1 602

38%

647

396

1 043

2002

5 486

3 615

66%

1 871

34%

725

561

1 286

2003

7 253

5 213

72%

2 040

28%

807

504

1 311

2004

8 473

5 567

66%

2 906

34%

1 046

818

1 863

2005

10 026

7 239

72%

2 787

28%

1 031

781

1 811

2006

10 601

7 919

75%

2 681

25%

1 106

832

1 938

2007

9 884

6 258

63%

3 625

37%

1 201

955

2 156

2008

10 908

6 669

61%

4 239

39%

1 407

1 121

2 528

2009

12 602

7 187

57%

5 415

43%

1 734

1 166

2 900

2010

12 915

8 056

62%

4 860

38%

1 457

1 204

2 661

2011

12 997

8 495

65%

4 503

35%

1 468

954

2 422

2012

12 028

7 929

66%

4 099

34%

1 356

741

2 097

2013

11 339

6 801

60%

4 538

40%

1 425

846

2 272

2014

10 620

6 514

61%

4 107

39%

1 500

850

2 349

2015*

9 037

5 156

57%

3 881

43%

1 278

663

1 942

Source : OCDE (CAD1) et DG Trésor

Chaque outil convient mieux à certaines tâches qu’à d’autres, mais la France, compte tenu de l’étroitesse de ses marges de manœuvre actuelles, ne peut se permettre la dispersion. Votre rapporteur estime par conséquent qu’un choix clair devrait être fait en faveur de l’aide bilatérale, non pas comme outil exclusif de l’aide au développement français, mais simplement comme l’outil principal par lequel l’aide au développement viendra en appui de nos priorités géostratégiques, l’aide multilatérale française se trouvant reportée vers les objectifs et les zones moins directement prioritaires, sauf lorsque la France est en position d’exercer un leadership et un effet de levier significatif, ce qui peut notamment être le cas en ce qui concerne l’aide européenne..

La gestion indirecte des fonds européens, anciennement appelée « gestion centralisée indirecte » et souvent désignée sous le terme de « délégations de gestion », est l’un des trois modes de gestion utilisés par la Commission européenne (outre la gestion directe et la gestion partagée).

L’Union européenne (UE) a recours à ce mode de gestion quand plusieurs bailleurs, ou acteurs de l'aide, dont l’UE, sont présents dans un secteur et sur un territoire, mais que l’expertise et le positionnement de l’un d’entre eux y sont suffisamment reconnus pour optimiser l’efficacité de l’aide. L’UE peut alors déléguer ses fonds à une entité tierce, qui les administre en son nom.

L’entité tierce pilote alors la mise en œuvre du programme en ayant recours, dans une certaine autonomie de gestion, aux outils qu'elle considère appropriés pour la bonne réussite de l'opération : passation de contrats de service, subventionnement d’entités tierces, achat de matériel, construction, et déploiement d'expertise propre.

Selon les données transmises par la Commission européenne, en 2015, sur un montant contracté par la direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission (DG DEVCO) d’environ 7,44 milliards d’euros (au titre du budget de l’UE et du Fonds européen de développement - FED), 3% des fonds ont fait l’objet d’une gestion indirecte avec les agences de développement des Etats-membres.

Au terme d’un audit approfondi dit « audit des 6 piliers », l'AFD et Expertise France bénéficient de l’accréditation permettant à la Commission européenne de leur déléguer des fonds. L’AFD a été le premier bailleur bilatéral européen à être audité et agréé dès 2008 par les services de la Commission, lui ouvrant ainsi la possibilité d’être gestionnaire des fonds européens selon ses propres procédures. L’AFD est aujourd’hui l’un des premiers opérateurs européens bénéficiaires de délégations de fonds, comme l’indique l’évolution entre 2008 et 2014 du stock cumulé des fonds européens gérés par elle.

Durant la période 2008-2015, l’AFD a bénéficié directement de plus de 555 millions d’euros issus des facilités de mixage européennes dont notamment 169 millions d’euros dans le cadre du FFUEAI (Fonds Fiduciaire UE-Afrique pour les infrastructures), 243 millions d’euros dans le cadre de la FIV (Facilité d’investissement pour le voisinage), 49 millions d’euros dans le cadre de la LAIF (Facilité d’investissement pour l’Amérique Latine), 15 millions d’euros dans le cadre de la CIF (Facilité d’investissement pour les Caraïbes), 72 millions d’euros issus de l’AIF (Facilité d’investissement pour l’Asie) et 8 millions d’euros issus de l’IFCA (Facilité d’investissement pour l’Asie centrale). Une majorité des dons issus de ces facilités est utilisée pour financer des investissements, des actions de renforcement de capacités et bonifier des taux d’intérêt. Le reste est mobilisé pour financer des projets d’assistance technique.

Par ailleurs, l’Union européenne a délégué 354 millions d’euros à l’AFD pour mettre en œuvre des projets principalement en Afrique subsaharienne (accès à l’eau potable et assainissement au Tchad, sécurité alimentaire au Sénégal…), en Méditerranée (dans le secteur urbain en Tunisie, PME agricoles en Egypte, traitement des déchets à Gaza), dans les Caraïbes (reconstruction en Haïti) et en Asie (développement rural au Laos).

En bref, le FED fournit l’exemple d’un canal de financement multilatéral qui permet à la France, par la procédure de délégation de gestion de fonds, d’exercer un effet de levier significatif et d’exercer une influence significative sur la politique européenne d’aide au développement en Afrique subsaharienne.

Inventé parce que la France, pour des raisons d’efficacité, faisait le choix de concentrer ses moyens bilatéraux sur sa Zone de solidarité prioritaire, le canal multilatéral étant alors privilégié pour les pays hors de cette zone, le Fonds de solidarité prioritaire,

Créé en septembre 2000, le FSP, est l’instrument avec lequel le ministère des affaires étrangères met en œuvre son aide-projet sous forme de dons dans l'ensemble des domaines institutionnels et de souveraineté. Comme le rappelle l’évaluation commandée par la Direction générale de la mondialisation et réalisée en 2014, « le FSP est un instrument qui garde un grand intérêt dans la boîte à outil de l'aide publique française pour des opérations de solidarité (CD/FSD) et en matière de gouvernance démocratique (justice, État de droit, sécurité, renforcement de l'État), en direction de pays situés entre la crise et le développement maîtrisé. Pour ces thématiques, le FSP est irremplaçable actuellement. Aucun autre outil ne peut monter des projets du même genre, avec la même rapidité et la même flexibilité. » Consécutivement, précisent les auteurs de l’étude, dans les pays fragiles, en phase de reconstruction-réhabilitation-consolidation, le FSP s’avère particulièrement pertinent, s’appuyant notamment sur « un rapprochement politique favorisant des transferts qui ne se limitent pas à la technicité mais incluent des valeurs et des sensibilités partagées. »

Le FSP a cependant souffert de la baisse continue des crédits qui a principalement touché nos moyens bilatéraux, au point de ne plus représenter que moins de 1 % des programmes qui composent la mission APD. Le FSP a également pâti de la diminution drastique de l'assistance technique, alors même que l’évaluation estimait que « les projets FSP ne sont rien sans l’expertise associée qui les anime et les gère ».

C'est pourquoi votre rapporteur reprend la recommandation formulé par la mission d’information sur la stabilité et le développement de l’Afrique francophone, que le FSP, considéré par cette même évaluation comme « irremplaçable pour les pays en sortie de crise, en situation de fragilité et en cours de réhabilitation institutionnelle », notamment « dans les domaines régaliens de la gouvernance démocratique : justice, état de droit, sécurité, renforcement de l'État. » soit au cœur de la stratégie de remobilisation de nos moyens bilatéraux pour soutenir les actions de stabilité et de solidarité à mener au bénéfice des seize pays pauvres prioritaires et spécialement des cinq pays francophones de la bande saharo-sahélienne : Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Niger, Tchad.

Enfin, un recentrage de l’aide publique au développement française implique une préférence plus accentuée pour les dons par rapports aux prêts. Or, la part de l’aide publique au développement française versée sous forme de prêts a connu depuis 2008 une forte augmentation. Généralement utilisés pour l’appui à des projets de grande dimension ou pour des politiques visant à favoriser la croissance économique, les prêts sont surtout utiles aux États à revenu intermédiaire, qui sont en mesure d’en prévoir et d’en assumer le remboursement. Ils peuvent également, dans certains cas, inciter un État à mettre en place les instruments étatiques de gestion des finances publiques qui faciliteront son développement ultérieur, mais il s’agit rarement d’États faisant partie du groupe des pays les moins avancés. L’aide aux pays à très faible revenu, qui vise souvent des secteurs fondamentaux comme la santé, l’éducation ou la sécurité alimentaire, prend quant à elle, le plus souvent, la forme de dons.

Or, la politique française d’aide publique au développement a, ces dernières années, accordé une place croissante aux prêts. En 2008, la part des dons dans l’APD française était quasiment au même niveau que dans la moyenne des autres pays du CAD. Par la suite, cette part a diminué jusqu’à atteindre 69 %, contre 76 % pour la moyenne du CAD.

Quant aux prêts, leur part en 2007 était de 9 % pour la France comme pour la moyenne des pays du CAD. En 2014, elle est de 30 % pour la France contre 12 % pour les pays du CAD.

 

Part des Dons (hors annulations de dette) dans l'APD totale brute

Part des prêts bruts (hors rééchelonnement de dette) dans l'APD totale brute

Année

France

Donneurs du CAD

France

Donneurs du CAD

2003

53%

72%

7%

10%

2004

63%

73%

8%

9%

2005

59%

65%

7%

7%

2006

62%

69%

7%

7%

2007

76%

77%

9%

9%

2008

74%

76%

16%

9%

2009

69%

81%

19%

11%

2010

66%

78%

22%

12%

2011

63%

77%

27%

11%

2012

61%

79%

27%

11%

2013

69%

76%

25%

12%

2014

70%

79%

30%

12%

Source : OCDE, Dac2a

* Moyennes non pondérées des montants d’APD totale brute

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution du montant des prêts bruts et nets comptabilisés dans l’aide publique au développement (APD) française ces cinq dernières années (en millions d'euros) :

Année

Prêts nets

Prêts bruts

2011

1 877

2 828

2012

1 755

2 870

2013

1 347

2 435

2014*

1 404

2 791

2015

1 457

3 118

Source : OCDE

Les dons, hors annulation de dette, comptabilisés dans l’APD française ces cinq dernières années ont évolué ainsi (en millions d’euros) :

Année

2011

2012

2013

2014*

2014*

Dons (hors annulation de dette)

6519

6403

6670

6579

6507

*Données définitives transmises au Secrétariat du CAD en juillet 2015, actuellement en cours de traitement et de vérification.

L’augmentation des prêts au détriment des dons, combinée à l’érosion du volume global de l’aide au développement française qui a eu lieu au cours de la décennie, semble aller en sens inverse de ce qui devrait constituer nos priorités. L’augmentation des dons du programmes 209 peut faire espérer une inversion de cette tendance, sous réserve que cette évolution se confirme au cours des prochaines années.

Les réserves formulées plus haut vis-à-vis de l’aide au développement des institutions multilatérales n’amènent pas votre rapporteur à recommander un retrait brutal de la France de ces organismes, dont il ne remet pas en cause l’utilité.

Votre rapporteur souhaite cependant reprendre ici la recommandation qu’il formulait dans le rapport rendu en mai 2015 par la mission d’information sur la stabilité et le développement de l’Afrique francophone, consistant à concentrer d’une part les moyens bilatéraux de l’aide sur nos priorités géographiques, d’autre part à réduire, voire à supprimer, ceux destinés aux pays hors zone francophone, sur lesquels notre pays interviendrait désormais via sa participation aux instruments multilatéraux, en particulier le FED, la Banque mondiale, la Banque africaine de Développement et les institutions onusiennes.

Compte tenu de la faiblesse des budgets, sans doute faudrait-il également envisager de réduire les moyens concessionnels destinés aux pays non prioritaires ou non PMA, afin de les reporter sur nos priorités géographiques pour renforcer l’impact de notre action. Encore faut-il que ces priorités soient correctement définies.

La question de la répartition de l’aide entre des pays bénéficiaires dont les situations respectives évoluent constamment doit être posée de façon permanente par l’ensemble des pays donateurs. Parmi les bénéficiaires de l’aide, les pays à revenu intermédiaire, dont l’économie a effectivement progressé au cours des dernières décennies, confirment à la fois l’efficacité de l’aide au développement dont ils ont bénéficié et sa moindre urgence puisque ses finalités sont en partie atteintes.

Les pays les moins avancés tendent à l’inverse à être ceux dont le développement économique se heurte à des difficultés particulières, telles que la rareté des infrastructures, une croissance démographique excessive ou une situation d’instabilité politique, et dont les problèmes peuvent affecter la région ou au reste du monde, par exemple sous la forme de flux migratoires irréguliers et difficiles à contrôler.

La nécessité de réserver une partie de l’aide internationale à cette catégorie de pays a été reconnue par le sommet du G7 de juin 2015, qui a réaffirmé l’engagement des pays du G7 d’inverser la trajectoire à la baisse de l’APD consentie aux pays les moins avancés, et de mieux cibler cette dernière sur les pays où les besoins sont les plus importants. Lors de la Conférence internationale sur le financement du développement qui s’est tenue à Addis-Abeba en juillet 2015, les donateurs se sont engagés à allouer de 0,15 à 0,20 % de leur RNB aux PMA, soit environ 21 % de l’aide totale, en tenant compte de la diminution de la part d’aide attribuée à ces derniers au cours de la décennie passée. Si le texte issu de la conférence encourage les pays donateur à consacrer 50 % de leur aide aux PMA, il ne prévoit cependant pas de calendrier pour l’atteinte de ces objectifs.

D’après les données de l’OCDE, l’aide au développement française est répartie par catégorie de pays bénéficiaire de la façon suivante :

Aide Publique au Développement française au sens du CAD en fonction des pays receveurs (en millions d’euros)

Versements nets en millions d'euros courants

2010

2011

2012

2013

2014

Pays en développement, Total

9751

 

9348

 

9358

 

8540

 

8005

 

dont APD bilatérale nette

6082

62%

6109

65%

6169

66%

5122

60%

4909

61%

dont APD multilatérale imputée

3728

38%

3247

35%

3032

32%

3220

38%

2991

37%

Pays les moins avancés

2771

28%

2598

28%

1969

21%

2446

29%

1924

24%

Autres pays à faible revenu

189

2%

182

2%

194

2%

278

3%

195

2%

Pays à revenu intermédiaire tranche inférieure

2815

29%

2242

24%

2633

28%

1967

23%

2039

25%

Pays à revenu intermédiaire tranche supérieure

1565

16%

2424

26%

2603

28%

1980

23%

2145

27%

Pays en développement les plus avancés*

481

5%

2

0%

2

0%

2

0%

0

0%

Pays en développement non spécifies par revenu

1989

20%

1911

20%

1802

19%

1669

20%

1597

20%

Pays en transitions éligibles à l’APD

817

8%

788

8%

692

7%

602

7%

586

7%

Source : OCDE, CAD 1 et CAD2a

Malgré des variations, la part de l’aide française destinée aux PMA a connu une baisse tendancielle sur la période 2010-2014, qui correspond à une baisse générale de l’APD française en volume. Or, la diminution des moyens de l’APD française aurait dû amener à un recentrage de ressources vers les besoins les plus urgents.

La politique française en faveur des PMA est en partie déterminée par l’existence d’une liste de 16 pays pauvres prioritaires (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République Démocratique du Congo, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad et Togo) qui a été validée par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 31 juillet 2013. Cette liste est mentionnée dans la loi d’orientation et de programmation sur la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI) adoptée le 7 juillet 2014, qui prévoit que son réexamen annuel par le secrétariat du CICID.

Compte tenu de la possibilité limitée qu’ont les pays pauvres prioritaires de recourir aux marchés financiers, la France concentre dans ces pays ses financements les plus concessionnels (subventions et prêts concessionnels de l’Agence française de développement). Le CICID du 31 juillet 2013 a ainsi décidé d’y concentrer au moins la moitié des subventions de l’État et les deux tiers de celles mises en œuvre par l’AFD au titre de l’aide au développement.

La priorité accordée par la France aux PPP lui permet par conséquent d’atteindre partiellement les objectifs énoncés lors de la conférence d’Addis Abeba concernant la part d’aide au développement à consacrer aux PMA, mais cet effort demeure concentré sur un nombre limité de pays.

Toutefois, si la composition de cette liste de pays repose en partie sur l’intensité de leurs relations avec la France sur le plan culturel, linguistique ou migratoire, elle demeure avant tout liée à un ensemble de critères économiques et sociaux.

Il serait par conséquent souhaitable que la définition des pays où devrait s’exercer prioritairement la politique française d’aide publique au développement s’efforce de regrouper deux catégories particulières de destinataires.

La première est celle des pays francophones où nous sommes déjà historiquement présents. Le fait pour la France de concentrer ses moyens dans les pays où sa présence est ancienne et où son expérience sera le mieux valorisée correspond en effet à une logique de division du travail.

En outre, concentrer nos interventions dans ces pays nous aidera à y préserver notre influence culturelle ainsi que la pratique de la langue française, un atout dont nous pouvons certes nous féliciter mais qui ne perdurera que si nous l’entretenons.

La seconde est celle des pays en crise, et notamment ceux dans lesquels nos forces armées interviennent. C’est là que l’aide publique au développement est la plus urgente car la stabilisation politique et sécuritaire ne sert pratiquement à rien si elle n’est pas accompagnée par une stabilisation économique et sociale. Pour ces raisons, il est indispensable que l’aide publique au développement soit coordonnée avec nos politiques de stabilisation, et en particulier les opérations dans lesquelles la France est actuellement engagée en Afrique subsaharienne, notamment au Mali et en République centrafricaine.

La déstabilisation d’un État peut annuler des années de développement. Il est donc logique de considérer la stabilité politique et la sécurité comme l’enjeu central de l’aide publique au développement.

C’est ainsi que l’une des premières missions de l’aide publique au développement doit être d’accompagner les États en cours de stabilisation. M. Rémy Rioux, directeur de l’Agence française de développement, a fait part à votre rapporteur de la convergence de vue entre son agence et les forces armées sur le fait qu’une opération de stabilisation réussie ne peut l’être par la seule action militaire, et qu’un accompagnement immédiat et coordonné sous forme d’aide au développement est indispensable. C’est ainsi que dès la fin de la Crise en Côte d’Ivoire, en 2011, la coordination entre l’AFD et les forces armées a permis la mise en œuvre immédiate d’un prêt qui a fortement contribué à la stabilisation du pays.

La stabilité et la sécurité politiques demeurent cependant, en quelque sorte, artificiellement exclues de l’aide publique au développement, comme le montre l’exemple de la Facilité africaine pour la paix, outil créé en 2003 par l’Union européenne et financé via le Fonds européen de Développement (FED) afin d’appuyer les efforts de stabilisation réalisés par les États africains.

La logique qui sous-tend la création de cette facilité repose en effet sur la reconnaissance du fait que la paix et la sécurité sont des conditions préalables au développement durable et inversement, constat souligné dans les conclusions du Conseil sur la sécurité et le développement de novembre 2007, qui affirment que le lien entre le développement et la sécurité doit guider les stratégies et les politiques de l’Union européenne. Pourtant, seule une petite partie des sommes décaissées au titre de la facilité, et seulement depuis 2015, ont été inclues dans les montants généraux de l’APD au titre du FED rapportés par l’Union européenne au Comité d’Aide au Développement de l’Organisation de Coopération et Développement économiques (OECD/CAD), dont les règles excluent la plupart des aspects du maintien de la paix de l’aide publique au développement.

Stabiliser un pays en crise implique des moyens distincts de ceux déployés par l’aide publique au développement, mais préserver à long terme la stabilité d’un Etat implique toute une série d’interventions très concrètes visant à lui donner les moyens d’assurer ses missions.

L’aide en matière de gouvernance doit donc être au centre des interventions françaises en matière d’aide publique au développement. Il s’agit en effet d’aider les Etats destinataires de l’aide à remplir les fonctions régaliennes de base (défense, sécurité, justice, administration et pilotage des politiques publiques, législation et cadre réglementaire, gestion publique et fiscalité. Il s’agit concrètement de permettre aux Etats de délivrer sur l’ensemble du territoire les services publics de base attendus des populations, tant en nombre qu’en qualité suffisante.

A cette fin, une refonte du dispositif d’aide au développement a été engagée depuis 2015, visant à mettre le dispositif français dans le champ de la gouvernance au niveau de nos principaux partenaires avec un pilier financier confié à l’Agence Française de Développement (AFD), désormais en mesure de mobiliser toute sa gamme d’instruments au bénéfice de ce secteur d’activité, et un pilier expertise confié à Expertise France (EF) qui doit agir dans le cadre d’un partenariat privilégié avec l’AFD.

L’action du MAEDI est quant à elle recentrée sur le pilotage et la définition stratégique des actions dans le domaine de la gouvernance et sur le renforcement de son rôle dans les négociations internationales et le suivi d’initiatives multilatérales tout en assurant la tutelle des opérateurs.

Cette organisation s’applique à l’ensemble des thématiques de la gouvernance démocratique, notamment la gouvernance financière. La responsabilité de l’ensemble des projets bilatéraux d’appui à la mobilisation des ressources domestiques, aux réformes institutionnelles des administrations financières nationales et à l’amélioration de la collecte des impôts sera assurée par l’AFD après le transfert. Le suivi des initiatives internationales, la tutelle des opérateurs et la définition des stratégies seront réalisés conjointement par le MAEDI et le ministère des Finances et des Comptes publics.

Il reste à espérer que ce dispositif renouvelé et rationalisé d’aide à la gouvernance sera utilisé de façon pertinente et sans perdre de vue ses finalités.

Si l’aide à la gouvernance est d’une importance critique dans la prévention des crises à moyen terme, une politique de long terme se doit de prendre en considération le facteur démographique. Les pays pauvres prioritaires, et plus généralement l’Afrique francophone, font partie d’une région dont la croissance démographique est particulièrement rapide, ce qui ne sera pas sans conséquences.

Estimations et projections de population pour les pays du Sahel (en millions d’habitants)

Année

Sénégal

Mali

Burkina-Faso

Niger

Tchad

Mauritanie

Sahel

1950

2,5

4,7

4,3

2,6

2,5

0,7

17,2

2000

9,9

11,0

11,6

11,2

8,3

2,7

54,8

2050

36,2

45,4

42,8

72,2

35,1

8,0

239,8

2100

75,0

93,0

81,0

209,3

68,9

13,1

540,3

Source : Nations Unies, World Population Prospects, Révision de 2015.

Même s’il doit être admis que les projections démographiques sur des périodes voisine d’un siècle sont risquées, la tendance est parfaitement claire en ce qui concerne la génération à venir. L’accroissement de la population des pays du Sahel créera de façon quasiment certaine une situation extrêmement tendue en termes d’emploi et, plus généralement, d’équilibres économiques, sociaux, voire ethniques, avec pour conséquence probable un accroissement des migrations en provenance de ces pays, dont une partie sera dirigée vers les Etats voisins d’Afrique, dont la capacité d’absorption est limitée, et une partie sera dirigée vers l’Europe.

L’action en matière démographique est cependant délicate car le sujet est sensible pour des raisons politiques et parfois religieuses, aussi bien du côté des pays donateurs que des pays destinataires de l’aide. Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur en vue de la rédaction du présent avis semblent indiquer que le sujet est loin d’être consensuel dans les Etats concernés et que des politiques volontaristes de maîtrise de la croissance démographique pourraient entraîner un risque à court terme de déstabilisation politique. Aussi le sujet démographique se retrouve-t-il en filigrane dans les initiatives internationales sur la santé sexuelle et reproductive, dont l’objectif est plutôt la réduction de la mortalité infantile que la maîtrise de la croissance démographique.

Quels que soient les moyens d’action dont dispose l’aide publique au développement en matière de maîtrise de la croissance démographique, il demeure indispensable d’anticiper les effets à venir de cette dernière, ce qui implique une politique de soutien à l’emploi à long terme centrée sur l’agriculture.

La loi de juillet 2014 fait de l’agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition constituent un secteur prioritaire d’intervention. La loi définit également les priorités géographiques de notre politique de développement que sont les pays pauvres prioritaires.

Dans ce cadre, la France soutient des initiatives permettant à l’agriculture familiale de développer durablement son potentiel : adoption de politiques agricoles cohérentes, renforcement de l’intégration régionale, structuration des marchés agricoles et développement des filières des produits vivriers et des produits de rente, appui aux organisations paysannes, gestion intégrée des ressources en eau, sécurisation du foncier et lutte contre la dégradation des terres, lutte contre la malnutrition, accès aux services en milieu rural, notamment de financement, et formation des différents acteurs concernés.

Cette stratégie d’appui aux agricultures familiales se décline autour de 3 axes majeurs d’intervention :

– l’amélioration de la gouvernance sectorielle de la sécurité : sécurisation du foncier, prévention et gestion des risques, pilotage macro-économique et social du secteur, renforcement des compétences des acteurs des politiques agricoles, y compris des organisations professionnelles agricoles ;

– le développement des territoires ruraux et la conservation de leur capital naturel : connexion des zones de production avec les pôles de consommation, amélioration de la qualité de vie en milieu rural et la préservation des ressources naturelles qui ont un impact sur la productivité des agriculteurs, renforcement des capacités des collectivités locales rurales à exercer des compétences clés pour le développement de leurs territoires, désenclavement logistique et énergétique des zones rurales, accès aux services essentiels dans les zones rurales ;

– la croissance soutenue et riche en emplois des filières agricoles, en connectant les agriculteurs au marché : appui au développement des filières et à la production agricole, soutien aux pratiques d’adaptation au changement climatique, à la transformation des produits agricoles près de leur lieu de production afin de garder de la valeur ajoutée dans les campagnes et aux services financiers et non financiers afin de professionnaliser les acteurs des filières concernées.

Afin de promouvoir cette vision de la sécurité alimentaire dans les enceintes internationales, la France a par ailleurs soutenu le processus de réforme de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la réforme du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) et la réorganisation du Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale (CGIAR). Au sein du G7 et du G20, la France continue à pousser la priorité donnée à la sécurité alimentaire, initiée lors de notre présidence du G8 et du G20 en 2011. Elle s’est par ailleurs réengagée en 2015 auprès du Fonds international de développement agricole (FIDA), en participant à la 10ème reconstitution du Fonds. La France est également membre de la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (NASAN) qui vise à lutter contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté par la stimulation de l’investissement privé dans l’agriculture dans dix pays d’Afrique sub-saharienne.

La montée en charge de la politique française en faveur du développement agricole s’est cependant principalement appuyée sur un accroissement des crédits bilatéraux.

Versements consacrés à l’agriculture et la sécurité alimentaire de 2010 à 2014 (millions d’euros, source OCDE)

 

2010

2011

2012

2013

2014

Crédits multilatéraux

23,2

23,4

23,7

23,9

22,7

Crédits bilatéraux

275,56

336,21

352,91

323,15

427,98

Total

298,76

359,61

376,61

347,05

450,67

Les données concernant l’aide multilatérale prennent uniquement en compte les crédits directement affectés aux institutions internationales dont l’essentiel de l’activité traite de sécurité alimentaire. Ces institutions sont notamment :

– L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui joue un rôle de chef de file dans les efforts internationaux de lutte contre la faim. Son mandat consiste à améliorer les niveaux de nutrition, la productivité agricole et la qualité de vie des populations rurales et à contribuer à l’essor de l’économie mondiale ;

– Le Programme alimentaire mondial (PAM), qui est la plus grande organisation internationale d’aide humanitaire du monde. Il conduit des projets dans près de 80 pays, avec un nouveau plan stratégique qui comprend des actions d’urgence, des actions de construction de la résilience des populations à l’insécurité alimentaire et des actions de lutte contre la sous-nutrition infantile ;

– Le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), qui finance, essentiellement par des prêts concessionnels, des projets de lutte contre la pauvreté en milieu rural, dans près d’une centaine de pays. Le FIDA cible en particulier les jeunes et les femmes en milieu rural, ainsi que l’agriculture familiale.

Répartition par dons et prêts des versements bilatéraux entre 2010 et 2014 (millions d’euros, source OCDE)

 

2010

2011

2012

2013

2014

Dons

253,12

243,29

266,63

239,75

247,16

Prêts

22,44

92,92

86,28

83,40

180,83

Les dons bilatéraux relèvent du programme 209 « solidarité à l’égard des pays en développement ». Ils sont répartis entre les subventions-projets gérées par l’AFD pour des projets dans les secteurs du développement rural et de l’agriculture, les crédits programmés sur la ligne « aide alimentaire » qui bénéficient à 70% à des organisations internationales (PAM, CICR) et à 30% à des ONG, et une partie des subventions allouées à des ONG à partir des crédits programmés pour le fonds d’urgence humanitaire.

Les crédits multilatéraux proviennent quant à eux à la fois du programme 110 « aide économique et financière au développement » pour la contribution au FIDA, et du programme 105 « action de la France en Europe et dans le monde » pour la contribution obligatoire de la France à la FAO.

En 2014 (3) , la France a consacré 1,2 milliard d’euros à l’éducation (en bilatéral et en multilatéral), soit environ 15% de son aide totale. La part de l’éducation de base (éducation primaire et collège) représente 22% de l’aide sectorielle.

Aide à l’éducation bilatérale et multilatérale de la France de 2009 à 2014 (source CAD de l’OCDE, Direction générale du Trésor et MAEDI, millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

Aide totale à l’éducation*

1 555

1 254

1 256

1 235

1 216

Total Education de base (primaire, 1er niveau du secondaire, infrastructures, enseignants)

483

337

322

298

264

Enseignement supérieur

819

799

793

799

795

Dont écolages (versements nets)

697

694

715

641

640

Part de l’éducation de base dans l’aide totale à l’éducation (%)

31

27

26

24

22

Part de l’éducation dans l’APD totale (en %)

16

13

13

14

15

Part de l’éducation de base dans l’APD totale (en %)

5

4

3

3

3

En 2014, 89% de l’aide totale de la France à l’éducation a transité par le canal bilatéral (voir annexe tableau A) et à 95 % sous forme de dons, hors contrats de désendettement-développement (voir annexe tableau B). La France a fait le choix d’appuyer des initiatives structurantes à dimension régionale pour améliorer la qualité de l’éducation de base, renforcer les capacités des systèmes éducatifs et lutter contre l’exclusion de l’éducation, conformément aux principes de sa Stratégie pour l’éducation 2010-2015, dont les principes ont été validés lors du Comité interministériel pour la coopération et le développement (CICID) du 5 juin 2009.

Depuis 2005, l’action de l’AFD dans le secteur s’inscrit dans le cadre des orientations stratégiques de la politique française de développement et vise à appuyer les politiques publiques des pays partenaires. En 2015, les autorisations d’engagements ont connu un niveau historique de 468 millions d’euros permettant ainsi à l’AFD de dépasser de 25% l’objectif fixé sur la période 2013-2015 (un milliard d’euros engagés au lieu des 800 millions d’euros prévus). Sur cette période, plus de la moitié de ces financements a concerné l’éducation de base, le post-primaire et l’amélioration de la qualité de l’éducation. Avec 326 millions d’euros, l’Afrique subsaharienne est en 2015 la première région bénéficiaire des financements de l’AFD dans ce secteur, suivie de la zone Méditerranée, de l’Amérique latine et de l’Asie.

Autorisations d’engagements de l’AFD (au sens octroi de l’AFD) de 2005 à 2015 (en millions d’euros)

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Total général

Prêt (4)

7

0

26

55

45

50

50

83

25

298

167

806

Subvention (y compris C2D)

36

75

120

77

33

34

70

161

156

94

301

1158

Total général

43

75

146

132

78

84

120

244

181

393

468

1 964

En 2015, 32 projets financés sur le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) participent également à l’amélioration de la qualité de l’éducation, à une meilleure maitrise du français comme langue d’enseignement et au développement de l’enseignement supérieur, notamment dans les pays prioritaires, pour un montant total de 24,5 millions d’euros.

Au niveau multilatéral, l’aide de la France consacrée à l’éducation s’est élevée à 136 millions d’euros en 2014, dont 85 millions d’euros pour l’éducation de base. Cette contribution passe par différents canaux : institutions de l’Union européenne, avec une contribution au Fonds européen de développement (FED) à hauteur de 17,80%, faisant de la France le deuxième contributeur derrière l’Allemagne, le FED soutenant notamment le développement de l’éducation au Mali (100 millions d’euros) et au Niger (77 millions d’euros), banques régionales de développement (via notamment l’Association internationale pour le développement de la Banque mondiale), Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés palestiniens et le Partenariat mondial pour l’éducation (voir tableaux E et F en annexe).

S’agissant du Partenariat mondial pour l’éducation (PME, ancienne initiative Fast-Track), la France a joué un rôle moteur dans sa création en 2002. Elle a appuyé son financement à hauteur de près de 80millions d’euros depuis 2004 et le renforcement de son expertise (deux postes d’experts techniques sont financés par le ministère des Affaires étrangères et du Développement international). La France veille à articuler ses actions et financements bilatéraux à ceux du PME, en lien étroit avec l’AFD, qui est entité de supervision des fonds du PME au Burkina Faso et au Burundi, et en cohérence avec les priorités de l’aide française au développement. La contribution de la France au budget de l’Union européenne participe également au renforcement des actions du PME et à leur financement, l’UE étant l’un des principaux bailleurs du PME avec une contribution de 375 millions d’euros sur la période 2014-2020).

Le PME soutient aujourd’hui 65 pays en développement et a décaissé en moyenne 500 millions d’euros par an pour soutenir l’éducation dans les pays partenaires depuis 2011. Les 17 pays francophones d’Afrique subsaharienne membres du PME bénéficient de plus de 50% des financements.

Depuis 2002, le PME a contribué dans les pays partenaires à la scolarisation de 61 millions d’enfants supplémentaires, à la construction de 37 000 salles de classe, à la fourniture de 220 millions de manuels scolaires et à la formation de 413 000 enseignants. Dans les pays membres du PME, les taux d’achèvement primaire ont augmenté de 9 points (72% aujourd’hui contre 63% en 2002), le niveau des financements domestiques a cru de 11% en moyenne et 23 millions d’enfants supplémentaires ont été inscrits au collège.

Notre aide pour l’éducation est également mobilisée pour soutenir les pays en situation de crise et d’urgence. Après les 100 millions d’euros supplémentaires mobilisés fin 2015 pour soutenir l’action des agences humanitaires, 200 millions d’euros sur la période 2016-2018 seront mobilisés au profit de la jeunesse et de l’éducation, principalement au Liban, en centrant nos efforts sur l’éducation, et en appui à l’assistance transfrontalière. La France contribuera à hauteur de 2 millions d’euros pour 2017 au fonds Education cannot wait dont l’objectif est de permettre, d’ici 2020, à 34 millions d’enfants vivant en situation d’urgence ou de crise d’accéder à une éducation de qualité.

CONCLUSION

L’aide publique au développement de la France a la capacité de jouer un rôle décisif du point de vue de nos objectifs de politique étrangère. La France dispose pour la mettre en œuvre de moyens certes trop faibles, mais qu’il est possible de redéployer plus utilement. Elle dispose surtout de compétences nombreuses et remarquables qu’il faut simplement employer de façon appropriée.

La première condition pour faire de l’aide au développement française l’outil dont la France a besoin est de sortir de la politique du chiffre qui s’est imposée depuis un certain temps. L’objectif des 0,7 %, toujours réaffirmé et jamais atteint, du moins par notre pays, ne devrait être considéré que comme un repère permettant des comparaisons internationales, mais ne peut constituer une finalité.

Encore ces comparaisons sont-elles faussées par les différences existant entre États en matière de comptabilisation de l’aide, ce qui nécessite un travail d’harmonisation extrêmement complexe de la part de l’OCDE.

La politique d’aide publique au développement de la France doit être conduite non pas en fonction d’objectifs chiffrés, mais par la mise en cohérence de nos objectifs et de nos moyens.

Votre rapporteur s’est efforcé de rappeler les priorités qui doivent être les nôtres en matière d’aide publique au développement. Concernant les moyens, le budget qui nous est proposé marque certes une inversion tardive et limitée de la baisse enregistrée au cours de la décennie, mais ce timide effort ne suffira pas.

De la même façon que la réorganisation actuellement en cours du pilotage de l’aide publique au développement est encore loin de l’unification souhaitée par votre rapporteur, l’aide multilatérale occupe encore une place trop importante dans ce budget, tandis que l’effort en matière de dons-projets ne permettra pas d’amorcer la réorientation aujourd’hui souhaitable.

Pour ces raisons, votre rapporteur ne peut approuver les crédits de la mission « Aide publique au développement » tels qu’ils sont proposés par le Projet de loi de finance pour 2017.

TRAVAUX DE LA COMMISSION – EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, le mercredi 2 novembre 2016 (5) , la commission des affaires étrangères, contrairement aux conclusions du rapporteur, a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 29 du projet de loi de finances pour 2017.

ANNEXE – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 

Direction générale du Trésor

– M. Cyril Rousseau, sous-directeur des « Affaires financières multilatérales et développement » ;

– M. Pierre Gaudin, chef du bureau « Aide publique au développement » ;

– Mme Pauline Campergue, adjointe au chef de bureau « Afrique subsaharienne et AFD » ;

– M. Manuel Château, adjoint au chef de chef de bureau « Aide publique au développement ».

Coordination Sud

– M. Philippe Jahshan, président ;

– M. Gautier Centlivre, chargé de mission « Aide publique au développement ».

One France

– Mme Annabel Hervieu, directrice adjointe ;

– Mme Maé Kurkjian, chargée de plaidoyer.

IRIS

– M. Serge Michailof, chercheur associé.

Ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI)

– M. Rémi Maréchaux, directeur Afrique;

– M. Stéphane Catta, chargé de mission auprès du directeur.

Agence Française de Développement

– M. Rémy Rioux, directeur général.

– M. Charles Trottman, directeur de cabinet ;

– Mme Zolika Bouabdallah, chargée de mission « Parlementaires français » au sein de la division Relations avec les Élus et les acteurs économiques.

Promotion et Participation pour la Coopération économique (PROPARCO)

– M. Gregory Clemente, directeur général.

– Mme Laure Loaec, chargée de mission auprès du directeur général

Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats

– M. Gautier Mignot, directeur général adjoint ;

– M. Alain Verninas, délégué adjoint auprès de la délégation des programmes et des opérateurs auprès de la Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international (DGM/DPO) ;

– M. Guillaume Audren de Kerdrel, chef du pôle stratégies et institutions auprès de la sous-direction du développement de la direction du développement durable (DGM/DDD/DEV).

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