N° 4128 tome VI - Avis de M. Jean-Paul Bacquet sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4128

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061),

TOME VI

ÉCONOMIE

Commerce extÉrieur

PAR M. Jean-PAUL BACQUET

Député

——

Voir le numéro 4125

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LA SITUATION DU COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS 7

A. DES PERFORMANCES QUI RESTENT DÉCEVANTES 7

1. Une année 2015 médiocre 7

a. Un déficit commercial qui a continué à se réduire, pour des raisons essentiellement conjoncturelles 7

b. Un déficit hors énergie et matériel militaire qui continue à s’aggraver 8

c. Sur les échanges de services et le négoce international, un excédent en recul 10

2. Une année 2016 qui risque d’être sensiblement plus mauvaise 10

a. Les résultats du premier semestre 10

b. Des prévisions pessimistes pour l’ensemble de l’année 12

3. Des éléments d’analyse structurelle qui ne sont guère plus encourageants 12

a. Une part de marché qui reste faible 12

b. Un tissu d’entreprises exportatrices toujours peu étoffé et très concentré 14

B. LES PERSPECTIVES 15

1. A court terme, probablement peu de progrès à attendre sur la balance des échanges de biens 15

a. Un indicateur dépassé compte tenu de l’évolution de nos échanges ? 15

b. Des secteurs traditionnellement porteurs désormais menacés ? 17

2. Néanmoins, des marges de progrès 18

a. Saisir les possibilités offertes par l’e-commerce 19

b. D’autres exemples dans le secteur agroalimentaire 19

i. Le blé dur 20

ii. Les vins d’entrée de gamme 21

iii. La question des exportations de produits halal 21

II. L’ENVIRONNEMENT DU COMMERCE EXTÉRIEUR NE S’EST QUE PARTIELLEMENT AMÉLIORÉ 23

A. DES FREINS STRUCTURELS QUI RESTENT À LEVER 23

1. L’enjeu de la compétitivité 23

2. Des réflexes qui font souvent défaut 24

a. Se tourner vers l’international 24

b. Adapter les produits 25

c. « Chasser en meute » 25

3. Des difficultés spécifiques dans les PME et les ETI 26

B. LE DISPOSITIF DE SOUTIEN : DES AVANCÉES, DONT UNE PARTIE IMPORTANTE RESTE NÉANMOINS À CONCRÉTISER 26

1. La diplomatie économique : une évolution unanimement saluée 26

2. Les efforts engagés pour simplifier et rationaliser le parcours à l’export 28

a. Une démarche positive 29

i. La mise en place du Conseil stratégique à l’export 29

ii. De nouveaux partenariats 29

iii. Les évolutions, en cours, relatives à la Coface et à la Sopexa 31

b. Des résultats encore limités 33

3. D’autres points particuliers de vigilance 36

a. Quel modèle économique pour Business France ? 36

b. Les VIE : un dispositif qui ne bénéficie pas suffisamment aux PME 37

c. L’évaluation des résultats : une démarche à renforcer 39

d. La réforme territoriale : des effets à maîtriser 41

EXAMEN EN COMMISSION 43

ANNEXE N° 1 - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 45

ANNEXE N°2 - LES ÉCHANGES COMMERCIAUX PAR SECTEURS 47

ANNEXE N°3 - CLASSEMENT DES TRENTE PREMIÈRES ENTREPRISES EXPORTATRICES EN 2015 49

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le commerce extérieur pendant de nombreuses années, avant de devenir président d’Ubifrance, jusqu’à la fusion avec l’AFII et la création de Business France, votre Rapporteur est frappé par la persistance d’un triple constat :

- bien que la situation se soit quelque peu améliorée depuis le point bas atteint en 2011, notre balance commerciale demeure lourdement déficitaire, notre part de marché mondiale très faible et le tissu des entreprises exportatrices françaises peu étoffé, notamment par rapport à l’Allemagne et à l’Italie ;

- les principales causes restent manifestement structurelles, voire culturelles : une compétitivité encore insuffisante, des entrepreneurs qui n’ont pas toujours le réflexe de se tourner à l’international, d’adapter les produits aux marchés étrangers et encore moins d’unir leurs efforts ;

- pour remédier à cette situation peu favorable, les mots d’ordre n’ont guère changé : il faut améliorer l’environnement des entreprises, les pousser à « chasser en meute », mieux structurer les filières et rénover les dispositifs de soutien, dans l’espoir de transformer la concurrence entre les opérateurs en une saine complémentarité.

Il faut néanmoins mettre l’accent sur l’important travail engagé depuis le début de cette législature, en particulier le renforcement de la « diplomatie économique », unanimement salué, et les efforts pour simplifier et rationaliser le parcours à l’export, ainsi que pour améliorer les financements disponibles. Même si l’impact sur les résultats du commerce extérieur semble limité à ce stade, ces évolutions étaient nécessaires et mériteront d’être poursuivies. Il faudra du temps pour qu’elles produisent leurs pleins effets, ce qui implique de ne pas modifier sans cesse les dispositifs, avec parfois de curieux allers-retours.

Votre Rapporteur note cependant la force de certains corporatismes. Il reste difficile de faire évoluer les structures et de les faire travailler ensemble. La concurrence persiste, ce qui fait perdre en efficacité et brouille les messages auprès des entreprises. Il est très décevant de constater que, malgré tous les efforts entrepris, bon nombre d’acteurs sur le terrain disent ne pas connaître les outils mis à leur disposition ou qu’ils les considèrent comme étant encore trop complexes.

I. LA SITUATION DU COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS

Les résultats enregistrés en 2015 sont susceptibles de deux lectures divergentes : comme c’était généralement le cas les années précédentes, on peut mettre l’accent sur la « poursuite de la réduction du déficit », engagée depuis 2011, en essayant de s’en féliciter ; votre Rapporteur ne souscrit pas à cette présentation, qui est non seulement démentie par les chiffres du premier semestre 2016, mais qui a aussi pour inconvénient d’éclipser le principal fait saillant : les résultats restent médiocres, malgré une conjoncture favorable, et ils continuent à s’aggraver hors énergie et matériel militaire. Du reste, votre Rapporteur observe que la plupart de ses interlocuteurs se sont dits déçus des résultats de 2015 et souvent inquiets pour l’avenir (1).

Le commerce extérieur a continué à peser négativement, de -0,3 point de PIB, sur la croissance française en 2015. Selon les éléments communiqués par Bercy, cette contribution négative à l’évolution du PIB pourrait s’aggraver en 2016, passant à -0,4 point de PIB.

CONTRIBUTION DU COMMERCE EXTÉRIEUR À L’ÉVOLUTION DU PIB

(points de pourcentage)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

-0,1

0,0

0,5

-0,1

-0,5

-0,3

Par rapport au pic négatif atteint en 2011 (-74,5 milliards d’euros), le déficit commercial a continué à se réduire au cours de l’année 2015. A 45,8 milliards d’euros (données FAB/FAB), il est repassé sous la barre des 50 milliards d’euros pour la première fois depuis 2009.

Pourtant, cette réduction du déficit ne doit pas cacher que la situation reste… déficitaire – nous n’avons pas connu d’excédent de la balance commerciale depuis 2002 –, ni que cette amélioration toute relative est essentiellement due à des facteurs qui sont à la fois conjoncturels et exogènes :

- d’une part, le recul de la facture énergétique (-27 %, à 39,8 milliards d’euros) dans un contexte de baisse des cours du pétrole, alors que les volumes de pétrole brut importés ont au contraire augmenté de 9,3 % sur l’année ;

- d’autre part, la forte dépréciation de la monnaie européenne – le taux de change effectif nominal de l’ensemble de la zone euro et celui de la France ayant respectivement diminué d’environ 7 % et de 4 % en moyenne par rapport à 2014 (2).

Comme l’ont souligné plusieurs interlocuteurs de votre Rapporteur, on aurait pu s’attendre à de meilleurs résultats compte tenu d’un tel contexte favorable. Surtout, le déficit hors énergie et matériel militaire s’est encore creusé, de 2,8 milliards d’euros supplémentaires. Il atteint désormais 24,2 milliards d’euros.

EVOLUTION DES ÉCHANGES COMMERCIAUX DE LA FRANCE ET DU COURS DU PÉTROLE ENTRE 2005 ET 2015

* Hydrocarbures naturels, autres produits des industries extractives, électricité, déchets, produits pétroliers raffinés et coke.

Source : direction générale du Trésor, septembre 2016.

En valeur, on observe une accélération des exportations de biens (+4,3 %) dans la plupart des secteurs, mais en particulier dans l’aéronautique (+11,4 %), qui contribue pour un tiers à la croissance des exportations en 2015, l’industrie automobile (+8,7 %), les produits agricoles (+6,5 %) et agroalimentaires (+2,9 %), ainsi que les produits informatiques et électroniques (+7,9 %).

Après deux années de repli, les importations sont en revanche reparties à la hausse (+1,2 %), malgré un nouveau recul des importations énergétiques (de 24 %). Hors énergie, les importations ont fortement progressé (+5,7 %), dans un contexte notamment marqué par une reprise de l’activité en France (+1,3 %, contre 0,5 % en moyenne entre 2012 et 2014). Cette évolution s’explique en grande partie par la forte hausse des importations aéronautiques (+13,7 %, après +9 % en 2014), dont une large part correspond aux approvisionnements d’Airbus. Ont également pesé les importations automobiles (+11,8 %), ainsi que celles de biens électroniques (+9 %) et électriques (+8,5 %).

EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS DE BIENS, PAR AN DEPUIS 2005

en milliards d’euros

Source : direction générale du Trésor.

Il faut également souligner que l’excédent global des six « familles » des produits prioritaires de la stratégie du commerce extérieur est en recul (cf. tableau ci-après).

LES FAMILLES DE PRODUITS PRIORITAIRES

Source : La France dans les échanges internationaux, chiffres du commerce extérieur en 2015, février 2016.

Si la balance des biens est déficitaire, celle des services continue à connaître un excédent en 2015 (+8,8 milliards d’euros). Il est néanmoins en baisse de presque de moitié par rapport à 2014 (+16,4 milliards d’euros). Cette dégradation s’explique notamment par des dépenses des touristes français à l’étranger plus dynamiques que celles des touristes étrangers en France, dans un contexte peu porteur sur notre territoire.

Le négoce international enregistre quant à lui un excédent de 23,2 milliards d’euros (contre 18,6 milliards d’euros en 2014). Sur ce point, on rappellera qu’il s’agit d’activités d’achat et de revente de marchandises à des non-résidents, sans que celles-ci franchissent physiquement la frontière française – si le négoce international fait partie des exportations de biens au sens de la balance des paiements et des comptes nationaux, il n’est pas comptabilisé par les douanes.

Sur le total des biens et services, la situation s’améliore par rapport à 2014, mais reste déficitaire (-15 milliards d’euros, contre -23,5 milliards d’euros l’année précédente).

Selon les éléments communiqués par la direction générale du Trésor, l’année 2016 ne devrait pas voir la situation du commerce extérieur s’améliorer, bien au contraire.

- Le déficit de la balance des biens s’est légèrement creusé sur les six premiers mois de l’année, passant de 22,9 à 24 milliards d’euros, alors que ce déficit se réduisait ces dernières années.

La facture énergétique a pourtant continué son repli (-22 % par rapport au 2e semestre 2015, soit une amélioration de plus de 4 milliards d’euros). Cette baisse concerne tant les prix (-16 % pour le baril de brent en euros) (3) que les volumes importés (-11 % pour le pétrole).

- Hors énergie et matériel militaire, le déficit commercial s’accroît fortement : à 18,7 milliards d’euros, il se détériore de 5,4 milliards d’euros par rapport au semestre précédent. Il dépasse maintenant son pic historique du 1er semestre 2011 (soit 17,8 milliards d’euros).

Malgré quelques opérations exceptionnelles – en particulier la poursuite des livraisons de Rafale, l’exportation d’un navire Mistral vers l’Egypte et la livraison par les chantiers de Saint-Nazaire du plus grand paquebot du monde, le Harmony of the Seas – beaucoup de grands secteurs voient leur solde se dégrader.

Les importations hors énergie restent dynamiques, tandis que les exportations se replient, en particulier dans trois des grands secteurs traditionnellement excédentaires : les industries agro-alimentaires (-2,1 %), la chimie, parfums et cosmétiques (-4,9 %) et l’aéronautique (-5,7 %).

Ce dernier secteur souffre à la fois d’un faible dynamisme des exportations, notamment en raison de retards d’approvisionnement d’Airbus, et d’importations qui continuent à être dynamiques, aussi bien sur les produits intermédiaires (qui tendent à rester stockés compte tenu des retards à l’export) que sur les appareils finalisés (Air France ayant notamment acquis plusieurs Boeing).

- Sur les services, l’excédent se redresse, après plusieurs semestres de recul. L’excédent s’élève à 4,1 milliards d’euros au premier semestre 2016, contre 2,6 milliards d’euros au semestre précédent. Il faut néanmoins souligner que les échangent se contractent (-2,2 %), surtout du fait de la baisse des échanges de services aux entreprises. Les recettes et les dépenses liées au tourisme reculent également par rapport au premier semestre 2015.

- Comme le montre le tableau suivant, le déficit total (biens et services) continue à se creuser.

(En milliards d’euros, données cvs ; données biens incluant le négoce international)

Plusieurs prévisions tablent sur une aggravation du déficit des échanges sur l’ensemble de 2016. Dans sa note de conjoncture de juin dernier, l’INSEE anticipait ainsi une dégradation non seulement sur le solde des biens, mais aussi sur le solde total (biens et services).

Selon l’INSEE, la facture énergétique continuerait à s’alléger en 2016, tandis que les exportations accuseraient un fort ralentissement, progressant de seulement 1,8 %, contre 6,1 % en 2015. Cela résulterait du faible dynamisme de la demande mondiale adressée à la France et du fait que les effets positifs de la dépréciation de l’euro commenceraient à s’estomper. Les importations ralentiraient dans le même temps, mais conserveraient tout de même un rythme nettement plus élevé (+3,9 %).

PRÉVISION 2016 : UNE DÉGRADATION DU DÉFICIT TOTAL

Données comptabilité nationale (source : INSEE). Le montant des échanges, en particulier de services, peut différer de celui figurant dans les données des Douanes et de la Banque de France.

Outre ces évolutions décevantes, il faut souligner que la part de marché de la France reste très limitée, à l’image de son tissu exportateur, peu étoffé.

La part de marché en valeur de la France dans le commerce mondial a connu une stabilisation entre 2012 et 2015. Elle reste néanmoins faible et en fort recul sur longue période : 3,1 % des exportations mondiales de biens, contre 6,4 % en 1990.

EVOLUTION DE LA PART DE MARCHÉ DE LA FRANCE DEPUIS 1980

Source : La France dans les échanges internationaux, chiffres du commerce extérieur en 2015, février 2016.

Il est vrai que cette évolution s’inscrit dans le cadre d’une tendance générale à la baisse de la part des grandes économies avancées dans le commerce mondial des biens, en grande partie du fait de l’augmentation du poids des économies émergentes. La part de la Chine a en particulier connu une progression très rapide, passant de 1,9 % en 1990 à 13,9 % en 2015 (4).

Le recul des parts de marché des économies avancées est néanmoins variable selon les pays, en fonction de l’évolution de leur compétitivité ou d’une spécialisation géographique plus ou moins orientée vers les marchés en forte croissance.

A titre de comparaison, la part de marché de l’Allemagne s’élevait encore à 8,1 % en 2015 (contre 12,1 % en 1990) et celle des Etats-Unis à 9,2 % (contre 11,7 % en 1990, avec en outre un rattrapage depuis 2013). On peut également souligner que la part de marché des Pays-Bas s’élevait à 3,5 % en 2015 et celle du Japon à 3,8 %. Le Royaume-Uni connaît en revanche une situation plus dégradée que celle de la France, avec une part de marché mondiale qui a chuté à 2,8 % (contre 5,5 % en 1990) (5).

L’analyse de la structure de notre appareil exportateur fait également apparaître d’importantes difficultés.

- Le nombre d’exportateurs de biens a certes augmenté d’environ 3 % en 2015, mais il reste très faible : 125 000 (6). Bien que le niveau d’avant la crise ait été dépassé, on reste en deçà des chiffres atteints au début des années 2000. Surtout, la France compte environ trois fois moins d’entreprises exportatrices que l’Allemagne et deux fois moins que l’Italie (alors que la taille des économies est davantage comparable).

EVOLUTION DU NOMBRE D’ENTREPRISES EXPORTATRICES DE BIENS EN FRANCE

- Le « socle » des exportateurs, qui ne décrochent pas d’une année sur l’autre, est encore plus limité. On compte, chaque année, environ 25 % d’exportateurs entrants (n’ayant pas exporté l’année précédente) et également 25 % d’exportateurs sortants (ayant exporté l’année N-1, mais pas l’année N). Les opérateurs sortants sont essentiellement des primo-exportateurs (ayant exporté l’année N, mais pas les cinq années précédentes) : leur taux de maintien ne dépasse pas 40 % au bout d’un an.

La taille constitue notamment un facteur explicatif : 26 % des exportateurs en 2014 comptant moins de 20 salariés n’exportent plus en 2015, contre 9 % des opérateurs de plus de 250 salariés.

- Les exportations sont également très concentrées : les grandes entreprises ne représentent que 0,4 % des exportateurs en France, mais réalisent la moitié des exportations (en montants). Il faut ajouter que les mille premiers exportateurs de biens, soit 0,8 % du total, représentent 71,3 % des exportations et que 95 % des exportations sont concentrés sur les 10 000 premières entreprises.

Deux défis restent donc à relever en particulier :

- d’une part, augmenter le nombre d’entreprises primo-exportatrices, sans surestimer pour autant l’impact immédiat sur nos exportations, les volumes concernés étant généralement faibles ;

- d’autre part, augmenter le nombre de PME et d’ETI parmi les entreprises exportatrices, avec cette fois une incidence probablement plus forte à court terme sur les résultats du commerce extérieur.

La situation durablement dégradée de la balance des échanges de biens reflète, en partie, une évolution profonde de l’économie française, qui se désindustrialise, et de la structure de nos échanges. Votre Rapporteur s’étonne de la confiance parfois affichée, sans éléments probants à l’appui, en une amélioration de notre commerce extérieur. Il n’est pas certain que les résultats soient appelés à progresser significativement dans les prochaines années, même s’il reste encore des marges à exploiter.

Mme Agnès Romatet-Espagne, directrice des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme au ministère des affaires étrangères et du développement international, a souligné lors de son audition que la focalisation traditionnelle sur la balance des échanges de biens a de moins en moins de sens.

Une partie de nos points forts à l’international n’a pas de traduction sur cet indicateur. C’est notamment le cas du secteur des « utilities » et plus globalement de la « ville durable », où nos entreprises remportent de nombreux contrats à l’étranger, ou celui des « Tech », qui connaît un décollage réel en France. De même, si l’industrie du médicament reste l’un de nos principaux secteurs exportateurs, malgré un certain nombre d’inquiétudes (voir ultra), les exportations de services de santé prennent une importance croissante. Le développement à l’international des entreprises françaises ne se traduit donc pas nécessairement par une amélioration du solde de la balance des biens. L’incidence est en revanche plus réelle sur la balance des biens et services.

D’autres évolutions de fond limitent nos exportations de biens, notamment l’exigence de production locale dans le cadre des grands contrats, qui restent un des moteurs des exportations françaises – sans doute trop, d’ailleurs. Les grands contrats d’équipement civil conclus dans les pays émergents et en développement étaient en hausse de 25 % en 2015, avec une « part française » (donnant lieu à des exportations depuis la France) estimée à 36,3 milliards d’euros, dont 28,6 milliards d’euros pour le seul secteur de l’aéronautique. Les demandes de contrepartie sous forme de production locale, mais aussi de transferts de technologie et de formation, se généralisent chez les grands émergents, ce qui limite les exportations présentes et à venir.

De même, le développement du « sourcing local » réduit nos exportations de biens. Dans le secteur alimentaire, il est en règle générale adopté par les groupes de taille importante – tout en restant beaucoup plus difficile à mettre en œuvre pour les PME, qui privilégient plutôt une stratégie de conquête de marchés via des exportations depuis la France. Le « sourcing local » prend diverses formes : l’entreprise peut assurer elle-même la production de la matière première et la transformation des produits sur place, comme elle peut acheter la matière première à des fournisseurs locaux et transformer le produit dans des sites de production dédiés, ou bien acquérir une ou plusieurs sociétés locales. On constate d’ailleurs qu’il n’y a pas d’entreprises agro-alimentaires parmi les premiers exportateurs en France (7).

La stratégie du « sourcing local » vise à répondre à plusieurs types de problématiques :

- les professionnels insistent sur l’existence d’une barrière logistique de 1 200 kilomètres, au-delà de laquelle il devient trop difficile et coûteux d’exporter, notamment dans le secteur des fruits et légumes ou des produits laitiers. La plupart des produits exportés sont périssables et la conservation d’une partie d’entre eux exige un maintien permanent au frais ;

- certaines entreprises font le choix de s’implanter directement dans un pays client pour contourner des barrières tarifaires et non-tarifaires, qui peuvent bloquer l’accès à un marché, voire à la suite d’une politique étatique visant à favoriser l’activité et les emplois locaux, par exemple en Inde (le « make in India » promu par le Premier ministre Modi).

- Le « sourcing local » peut répondre à des stratégies marketing, certaines entreprises produisant sur place des marques spécifiques, avec un packaging pensé pour les consommateurs locaux, afin de répondre au mieux à la demande et de minimiser les coûts – Bel produit ainsi ses fromages en Iran sous le nom de Bel Rouzaneh.

Notre commerce extérieur est tiré par un faible nombre de secteurs excédentaires : l’aéronautique et le spatial (22,2 milliards d’euros d’excédent en 2015) ; la chimie, les parfums et la cosmétique (+11,1 milliards d’euros) ; l’agro-alimentaire (9,2 milliards d’euros pour le secteur dans son ensemble, et 10,4 milliards d’euros pour les vins et spiritueux) ; la pharmacie (+3,3 milliards d’euros) (8). C’est évidemment une situation risquée. Chacun sait ce qu’il est advenu des excédents du secteur automobile (+13,1 milliards d’euros en 2004).

- Dans le secteur aéronautique et spatial, le marché chinois représente un potentiel de croissance pour Airbus, mais aussi le risque d’une montée en puissance d’un nouveau concurrent. L’industrie chinoise prend son essor, sous l’impulsion de l’Etat, pour profiter des opportunités commerciales offertes par son propre marché et pour atteindre une indépendance sur le plan de la production.

Selon les éléments transmis par la direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme (DEEIT – ministère des affaires étrangères et du développement international), la Chine représentera l’un des plus grands marchés de l’aéronautique civile dans les vingt prochaines années. Les besoins de ce pays sont estimés à 5 970 nouveaux avions entre 2016 et 2035 (9), soit un marché de 860 milliards d’euros, représentant 18 % de la demande totale sur la période considérée.

La société COMAC, détenue par l’Etat chinois, produit déjà l’ARJ21, un biréacteur régional entré en service en juin dernier, et le moyen-courrier C919, de 160 places, qui pourrait voler à la fin de l’année. Le gouvernement chinois vient par ailleurs de créer un motoriste d’envergure, Aero Engine Corp. of China (AEEC), doté d’un capital de 50 milliards de yuans (soit 6,6 milliards d’euros) et comptant 96 000 employés.

Faudra-t-il vraiment 20 ans, comme on veut encore le croire, pour qu’Airbus sente les effets de cette concurrence sur le marché chinois puis à l’international ? La montée en puissance de l’industrie aéronautique chinoise ne doit pas être sous-estimée. Il faut notamment se souvenir comment Airbus est parvenu à se faire une place sur un marché dominé par d’autres concurrents dans les années 1970, pour arriver ensuite à former un duopole avec Boeing.

- Les auditions menées par votre Rapporteur ont également fait ressortir de vives inquiétudes sur le secteur de la pharmacie, dont on a rappelé la contribution positive à notre commerce extérieur.

Plusieurs indicateurs permettent d’objectiver ces préoccupations :

- les parts de marché françaises dans les exportations pharmaceutiques de la zone euro ont fortement chuté, passant de plus de 20 % en 2000 à 12 % en 2015, soit une perte de valeur d'environ 10 milliards d'euros (10) ;

- le portefeuille des molécules mises en production en France a subi une attrition importante : sur les 130 molécules autorisées en Europe entre 2012 et 2014, seules 8 sont produites en France, 32 en Allemagne, 28 au Royaume-Uni, 13 en Irlande et 13 en Italie (11) ;

- les investissements en France se poursuivent, mais ils ont reculé de 4,5 % par an en moyenne entre 2010 et 2013, 80 % concernant par ailleurs des sites existants (12).

La France bénéficie encore d’atouts significatifs : son environnement scientifique et technique, marqué par l'excellence des équipes médicales et de recherche en sciences de la vie ; le crédit impôt-recherche, qui offre un traitement fiscal très incitatif pour la R&D, essentielle pour ce secteur ; une recherche partenariale étoffée avec les instituts publics.

Plusieurs éléments, sur lesquels votre Rapporteur n’entend pas se prononcer dans le cadre de cet avis budgétaire, conduiraient néanmoins les industriels à s’interroger sur la localisation de leur production en France :

- le fait que le médicament a fait l’objet de l’essentiel des efforts pour maîtriser les dépenses de l’Assurance maladie ;

- l’absence d’un « prix facial » destiné à préserver un prix officiel avec remise à l’Assurance maladie, en vue de favoriser l’investissement en France – cette approche serait retenue par un certain nombre de concurrents étrangers ;

- un défaut de lisibilité et de perspective pluriannuelle sur la régulation économique et financière du secteur (13).

Ce contexte général donne une idée des difficultés de fond auxquelles se heurtent les efforts de redressement de notre commerce extérieur. Il s’y ajoute des problèmes structurels plus spécifiques à la France, qui appellent des réponses de long terme (14). A plus court terme, des marges de progrès existent dans divers secteurs, pourvu que des actions coordonnées, associant largement les acteurs des filières concernées, soient engagées.

Bien que le poids de la vente à distance reste encore faible dans l’économie (0,6 % des exportations françaises en 2015 et 1,1 % des importations), ces échanges connaissent une croissance beaucoup plus dynamique que dans d’autres secteurs : 15 % en moyenne annuelle entre 2009 et 2015, en importations comme en exportations, contre respectivement 4 % et 4,5 % tous secteurs confondus (15).

Le développement du e-commerce et l’émergence de géants, tels que le groupe chinois Alibaba, rendent la vente en ligne incontournable dans de nombreux secteurs, en particulier pour les entreprises agro-alimentaires, mais aussi la cosmétique. La présence des produits français sur les sites internet dédiés devient donc essentielle, au même titre que le référencement dans les chaînes de distribution. Plus de 200 entreprises françaises sont déjà présentes sur la plateforme TiMall. En Chine, où 40 % du vin vendu est français, 60 % de ces ventes se font d’ailleurs sur TiMall.

La DEEIT travaille sur une liste d’entreprises et de produits de terroir à mettre en relation avec Alibaba, afin de promouvoir des produits agro-alimentaires français. Un travail a également été engagé avec des sites de e-commerce dédiés à l’Afrique, où la distribution reste un sujet complexe. On peut notamment citer la start-up française Afrimarket, qui se positionne sur l’e-commerce. Business France, de son côté, met au point une offre dédiée à l’accompagnement des PME qui souhaitent mieux utiliser le e-commerce pour leur internationalisation, tandis que le Conseil national du numérique a été chargé d’élaborer un plan d’action national pour la transition numérique des PME.

Le secteur agricole et agro-alimentaire reste l’une de nos principales forces à l’export, avec 60 milliards d’euros d’exportations en 2015, soit 13,5 % de l’ensemble de nos exports, et un solde excédentaire de 9,2 milliards d’euros, on l’a dit.

Globalement, notre part de marché au niveau mondial est néanmoins en baisse sur longue période : elle est passée de 8,3 % en 2000 à 6,9 % en 2005 et à 4,8 % en 2015. Troisième exportatrice mondiale de produits agroalimentaires au début des années 2000, la France est passée derrière l’Allemagne en 2006, le Brésil en 2011 et la Chine en 2015.

Comme l’a souligné Mme Romatet-Espagne lors de son audition, des marges de progrès demeurent sur nos deux principaux postes excédentaires, les boissons et les céréales, qui font d’ailleurs partie des produits ayant le mieux résisté à l’érosion de notre part de marché mondiale. La question du halal, qui fait l’objet de fortes préventions en France, mérite également une réflexion sérieuse dans une perspective économique.

Les céréales représentent à elles seules le 4e excédent sectoriel français (+6,4 milliards d’euros, en progression de 0,5 milliard d’euros en 2015), derrière l’aéronautique, les boissons et la chimie, parfums et cosmétiques. Le principal poste excédentaire est celui du blé, malgré un recul continu ces dernières années.

SOLDE COMMERCIAL DE LA FRANCE SUR LES CÉRÉALES

en milliards d’euros

Le blé dur fait partie des secteurs porteurs qui méritent d’être exploités davantage en France. Alors que la consommation se développe rapidement sur le plan international, en particulier au Maghreb et en Afrique du Nord, la production française avait reculé en 2015 de 30 % en trois ans et ne représente qu’une très faible partie de notre production de blé (16).

Un ambitieux plan de relance a été présenté en 2015 afin de doubler la production en France d’ici à 2025. Des projets de recherche ont ainsi été engagés dans divers domaines : génétique, nutrition, qualité des produits, recherche de systèmes de production performants et plus résilients. Il s’agit notamment de mettre au point de nouvelles variétés à forte teneur en protéines, répondant aux attentes des consommateurs mais nécessitant un moindre recours aux engrais azotés et moins sensibles.

Le secteur des vins et spiritueux est redevenu en 2015 le 2e poste excédentaire de notre balance commerciale, avec un excédent de 10,44 milliards d’euros. Néanmoins, les bons résultats enregistrés à l’export ne doivent pas cacher une réalité plus contrastée :

- avec 47,4 millions d’hectolitres produits en 2015, la France a de nouveau cédé sa place de leader mondial à l’Italie (48,9 millions d’hectolitres), l’Espagne restant le troisième producteur (36,6 millions), devant les Etats-Unis (22,1 millions), l’Argentine (13,4 millions), le Chili (12,9 millions), l’Australie (12 millions) et la Nouvelle-Zélande (2,4 millions) (17) ;

- dans le même temps, les exportations françaises de vin ont certes progressé en valeur de 6,8 % (à 8 milliards d’euros en 2015), mais elles ont poursuivi leur recul en volume de 4 % (à 13,8 millions d’hectolitres) ; de même, l’érosion des quantités de spiritueux exportés se poursuit depuis 2011 (-4 % en 2015, soit 1,73 million d’hectolitres), tandis que les valeurs exportés augmentent (+13 % en 2015, à 3,7 milliards d’euros) (18).

- les importations françaises de vin ont atteint un nouveau record en 2015 : 7,2 millions d’hectolitres (+11 % par rapport à 2014), essentiellement des vins en vrac espagnols (19).

Cette situation ne s’explique pas seulement par l’insuffisance de la production – on a certainement trop arraché, alors que l’on ne peut exporter que ce que l’on produit… Il y a aussi un déficit de vins d’entrée de gamme, sans indication géographique, à la fois pour rivaliser avec les vins étrangers sur de nombreux marchés à l’export et pour satisfaire la demande française.

Si le haut de gamme est aujourd’hui privilégié à l’exportation, avec des prix élevés, il y a aussi un autre potentiel à exploiter. De nombreux consommateurs, en Chine, par exemple, mais aussi aux Etats-Unis et en Europe, sont plus sensibles à un produit vendu sous un nom de cépage ou sous une marque qu’à un vin commercialisé sous un nom de domaine, très spécifique à la culture française et moins lisible à l’étranger. Un travail sur les vins d’entrée de gamme a d’ailleurs été annoncé par le ministre de l’agriculture.

Compte tenu de la population musulmane dans le monde, estimée à 30 % en 2025, le halal représente un marché stratégique. En 2015, il pèserait entre 300 et 600 milliards de dollars selon le World Halal Forum.

Si la France connaît un courant d’affaires historique au Maghreb, elle reste peu visible dans d’autres zones, en particulier le Moyen-Orient, où les importations dans ce domaine sont passées de 25,8 milliards à 53 milliards de dollars entre 2010 et 2014, mais aussi l’ASEAN, dont le marché représente 60 % du halal mondial (Malaisie et Indonésie). L’Afrique du Sud constitue un autre marché porteur, la production halal tendant à devenir la norme pour la viande et les produits transformés.

Selon des éléments communiqués par la DEEIT, l’exportation de produits halal est fortement marquée par deux enjeux : la structuration et l’appui à l’export d’une offre française aujourd’hui fragmentée ; l’existence de barrières non tarifaires pouvant pénaliser nos exportations. Il existe en France une production halal de viande et produits à base de viande bovine, ovine et de volaille, destinée au marché national, dont la certification n’est pas régulée mais repose sur des habilitations délivrées par trois mosquées différentes (Paris, Evry et Lyon), chacune ayant ses exigences propres. Certains de nos concurrents ont engagé un travail d’homogénéisation de leur offre halal à l’export, au moyen d’un label (Australie et Italie) ou par la désignation d’interlocuteurs ou de structures de niveau national (Espagne).

Un outil de promotion trilingue (français, anglais et arabe) a été initié par les filières professionnelles avec l’appui de FranceAgriMer, en vue de promouvoir les filières du secteur (viandes, fruits et légumes, produits laitiers) en mettant l’accent sur les critères sanitaires et qualitatifs, ainsi que le savoir-faire français. La direction générale du Trésor a par ailleurs lancé une enquête auprès du réseau des services économiques sur les réglementations en vigueur dans les pays importateurs et les spécificités des pays concurrents. Selon les éléments communiqués à votre Rapporteur, une meilleure organisation de l’offre française à l’export passerait notamment par la mise en place d’une structure de certification halal nationale, gage de davantage de visibilité et de crédibilité à l’étranger.

II. L’ENVIRONNEMENT DU COMMERCE EXTÉRIEUR NE S’EST QUE PARTIELLEMENT AMÉLIORÉ

Plusieurs évolutions récentes doivent être soulignées, en particulier la mise en place d’une véritable « diplomatie économique » et les efforts pour améliorer le dispositif d’accompagnement des entreprises ainsi que les financements à l’export. A ce stade, on constate pourtant que ces initiatives ne s’accompagnent pas d’une amélioration des résultats de notre commerce extérieur.

Les raisons en sont simples. Il faudra probablement encore du temps pour que ces mesures se traduisent complétement sur le terrain et produisent leurs fruits. Surtout, il existe de puissants freins structurels qui ne se résument pas à l’efficacité du soutien à l’internationalisation des entreprises.

Ces difficultés sont bien connues, car elles sont malheureusement très persistantes, mais votre Rapporteur estime utile d’en faire une rapide présentation afin d’éclairer la situation actuelle.

La détérioration de la compétitivité-coût des entreprises françaises a indiscutablement handicapé notre commerce extérieur, en particulier du fait de la hausse des coûts salariaux et des prélèvements obligatoires sur les entreprises. Le différentiel avec nos principaux concurrents a néanmoins cessé de se dégrader grâce à un certain nombre de mesures, visant notamment la baisse des cotisations.

S’agissant du crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE), dont on peut commencer à mesurer les premiers effets, notamment sur l’export, il semblerait que les entreprises aient plutôt choisi de reconstituer leurs marges plutôt que d’offrir des prix plus compétitifs (20).

Dans le même temps, il ne semble pas que la compétitivité dite hors prix (tenant notamment à la qualité des produits, à l’image de marque, au niveau d’innovation ou à l’adaptation du produit au marché visé) se soit améliorée. Il ne s’agit pas nécessairement d’offrir des produits de haute technologie, mais ayant au moins un « petit plus », comme on sait le faire dans d’autres pays plus « agiles ». A prix égal, on continue à ne pas nécessairement privilégier l’offre française.

Sur ce plan, la campagne « Creative France » fait partie des mesures qui vont dans le bon sens, puisqu’elle vise à promouvoir les initiatives et les savoir-faire français en matière de créativité et d’innovation dans tous les secteurs d’activité. Cette campagne, déclinée à l’heure actuelle dans une dizaine de pays jugés clefs en termes de potentiel d’échanges (et d’investissements), ne bénéficie toutefois que d’un budget très faible – 8 millions d’euros à ce stade. Pour que les messages tiennent, il faudrait alimenter les efforts dans la durée, diffuser la campagne dans davantage de pays et parvenir à mobiliser davantage de canaux, sans se bercer d’illusions sur des résultats immédiats. Une image économique plus positive de la France ne se diffusera que peu à peu.

Même s’il faut se garder des généralisations excessives, d’autres difficultés sont davantage liées à un état d’esprit, à des mentalités propres aux entrepreneurs français. Elles mettent donc du temps à s’atténuer. On peut néanmoins essayer d’y porter remède avec des opérateurs qui iraient davantage à la rencontre des entreprises, notamment les PME, sans logique de guichet ou sans se limiter à un nombre réduit de « pépites » ne présentant guère de risques, ou bien en pratiquant davantage le « coaching » par les pairs – dont on voit mal, pourtant, comment le développer à grande échelle...

Comme l’ont souligné plusieurs personnes auditionnées, en particulier celles issues du monde de l’entreprise, les entrepreneurs français ne se tournent pas spontanément vers l’international.

Les raisons ne sont pas uniquement liées à un manque de financement ou de ressources humaines, mais aussi à des freins linguistiques, en particulier une mauvaise pratique de l’anglais (mais M. Sylvain Waserman a également signalé un recul de la maîtrise de l’allemand dans sa région, ce qui risque de faire passer à côté de potentiels de développement), ainsi qu’à une connaissance réduite de l’international.

Même quand une entreprise exporte, on constate qu’il est souvent difficile de passer de l’exportation d’opportunité – en une fois et en petites quantités – à une exportation plus pérenne, ce qui nécessiterait non seulement des investissements, mais aussi un changement d’habitudes.

C’est sans doute moins vrai d’un certain nombre de start-up qui se lancent plus spontanément, voire d’emblée, à l’international, en partie pour des raisons générationnelles : les chefs d’entreprises sont plus jeunes et ont fait une partie de leurs études à l’étranger. Par ailleurs, ces start-up n’ont pas nécessairement besoin de commencer par s’asseoir sur un marché français. Votre Rapporteur estime qu’il faudrait les accompagner davantage dans leur croissance, sans doute différemment des entreprises plus traditionnelles.

Autre difficulté, le réflexe d’adapter les produits aux spécificités des marchés étrangers n’est pas aussi répandu qu’on voudrait le croire, car c’est évidemment une clef pour exporter.

L’adaptation des produits peut parfois se heurter à un problème de taille critique des entreprises, mais on pourrait également citer un certain nombre de grands contrats perdus parce que la demande locale n’avait pas été prise en compte. A contrario, Mme Romatet-Espagne a cité l’exemple de Pernod-Ricard, qui a su développer un vin spécial pour le marché japonais en faisant appel à des Japonais.

Dans ce domaine, il y a parfois une certaine immodestie qui consiste à imaginer qu’un produit fabriqué en France conviendra partout et qu’on va pouvoir gagner de l’argent en le vendant tel quel à l’étranger.

C’est une vérité soulignée depuis des années : le portage des PME par les grands groupes ne fait toujours pas partie de la culture d’entreprise en France, à la différence d’autres pays tels que l’Allemagne.

Différentes initiatives ont vu le jour, telles que l’association « Pacte PME », pour sensibiliser à cette problématique et favoriser les échanges d’expérience et de bonnes pratiques, mais de nombreux interlocuteurs ont estimé qu’elles ne produisent pas des résultats satisfaisants. Les grands groupes oublient d’emmener les PME avec eux.

On parle d’ailleurs de sous-traitants en France, et non de cotraitants. Dans un certain nombre de cas, il est probable que les grands groupes estiment ne pas avoir du tout intérêt à ce que leurs fournisseurs accèdent à l’international et risquent ainsi de s’émanciper de marchés captifs.

Outre cette question, la fédération d’une offre à l’international ne fait pas non plus partie de l’ADN des entreprises en France. Mme Romatet-Espagne a néanmoins présenté les travaux engagés pour fédérer un certain nombre de « familles » prioritaires à l’export et positionner plus efficacement l’offre française. Le MEDEF International a également mis en place des « taskforces » autour de projets. Les régions ont par ailleurs un rôle essentiel à jouer dans ce domaine, comme les pôles de compétitivité.

La France compte de nombreuses PME performantes et innovantes, mais elles peinent souvent à s’internationaliser. Il ressort des auditions plusieurs difficultés spécifiques :

- des problématiques accrues de coûts fixes (notamment pour la prospection), car les PME auraient du mal à trouver des financements malgré les dispositifs existants (voir infra), qui sont souvent jugés encore trop complexes et peu lisibles ;

- un déficit plus prononcé en ressources humaines (maîtrise des langues étrangères, connaissance de l’international, personnel qualifié dans ce domaine), compte tenu de la taille de ces entreprises.

Par ailleurs, le nombre d’ETI susceptibles de supporter plus facilement les coûts d’accès aux marchés étrangers est structurellement plus restreint en France que dans d’autres pays, notamment l’Allemagne.

Comparativement, la France manque aussi d’ETI et de grosses PME ayant des « marques » incontestables, c’est-à-dire des produits non substituables et compétitifs à l’international.

Dans ce contexte, votre Rapporteur tient à saluer les initiatives engagées pour mieux soutenir nos entreprises à l’international. Même s’il est difficile d’en évaluer l’impact sur la balance commerciale, ces efforts méritent d’être poursuivis dans la durée et, sur certains points, amplifiés.

Le développement de la diplomatie économique, initié dès 2012 par Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères, vise à intégrer davantage dans l’action diplomatique le soutien aux entreprises françaises à l’export – et de la « destination France » pour les investissements étrangers. La promotion des intérêts économiques, qui constituait déjà l’une des missions du ministère des affaires étrangères, a fait l’objet d’une instruction prioritaire et permanente donnée au réseau diplomatique.

Cette mobilisation accrue s’est notamment traduite par :

- le développement d’un volet économique renforcé dans le plan d’action des ambassadeurs ;

- la mise en place d’un conseil économique dans les postes diplomatiques, réunissant services de l’Etat et entrepreneurs ;

- l’affirmation de l’ambassadeur à la tête de « l’équipe France de l’export », y compris les services économiques, qui relèvent de la direction générale du Trésor ;

- la création d’une direction spécifiquement dédiée aux entreprises et aux affaires économiques au sein du ministère des affaires étrangères, la direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme (DEEIT).

Les auditions menées par votre Rapporteur ont fait ressortir un constat général de satisfaction à l’égard de la diplomatie économique – sauf cas exceptionnels. De réels progrès ont été accomplis dans ce cadre.

Un « triangle d’or » au service de l’internationalisation de notre économie, reposant sur les ambassadeurs, les services économiques et les bureaux de Business France, s’est mis en place. Si certains ambassadeurs ont toujours accordé de l’importance aux sujets économiques, c’était jusque-là un choix personnel : il s’agit maintenant d’une orientation impulsée au plus haut niveau, on l’a dit, et les ambassadeurs « jouent le jeu », les questions économiques occupant désormais une partie importante de leur temps (près de 40 %, parfois davantage).

Ils n’ont certes pas vocation à accompagner les PME ni à assurer eux-mêmes un suivi, ces missions relevant de Business France et des services économiques, mais il est désormais clair que le chef de poste doit être en pole position et qu’il peut jouer un rôle direct en menant lui-même certains entretiens. L’implication de l’ambassadeur est également la garantie que tous les services sont mobilisés sur les sujets économiques.

La vente de sous-marins du groupe DCNS à l’Australie est un exemple remarquable de la diplomatie économique. Ce succès résulte largement du suivi et de la mobilisation exemplaires de notre ambassadeur à Canberra, Christophe Lecourtier, ancien directeur général d’Ubifrance, et du service économique.

Au demeurant, la question se pose de savoir si le réseau des services économiques à l’étranger n’a pas été dégarni à l’excès. Au 31 décembre 2015, la direction générale du Trésor ne comptait plus que 733 ETP affectés dans son réseau international et déconcentré – qui compte 131 implantations, dans 111 pays. Les effectifs ont été réduits de 18 % entre 2009 et 2015. Il faut souligner que Business France, en charge d’une partie des missions autrefois confiées aux services économiques, bénéficiait en 2015 de 1 521 ETPT.

En revanche, le bilan du dispositif créé en région n’est pas favorable. Des ambassadeurs avaient été mis à la disposition des présidents de conseils régionaux pour favoriser un rapprochement avec les entreprises et le réseau diplomatique. Ce dispositif, qui n’a pas fonctionné, a donc été amendé en 2016. Des postes de conseillers diplomatiques ont été créés afin de maintenir un lien, mais selon un positionnement différent, puisqu’ils sont désormais placés auprès des préfets de région. Il est encore trop tôt pour faire un bilan de ce nouveau dispositif, qui devra faire l’objet d’un suivi attentif.

L’écosystème actuel comporte de nombreux réseaux déployés à l’étranger :

- l’opérateur public Business France dispose de plus de 1 500 collaborateurs, dont les deux tiers sont employés hors de France, dans 73 pays (dont 5 DSP) ;

- le réseau international et déconcentré de la direction générale du Trésor était composé, au 31 décembre 2015, de 733 équivalents temps plein, avec 131 implantations dans 111 pays – on l’a dit ;

- le réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCI-FI) regroupe 115 chambres présentes dans 85 pays, avec 1 099 collaborateurs à l’étranger et 34 069 entreprises membres ; en France, les CCI territoriales comptent environ 400 conseillers en développement international ;

- au 1er juillet 2016, on comptait environ 3 800 Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) actifs, dont 74 % résidant à l’étranger et 26 % en France (7 % outre-mer) ;

- hors du champ public, divers opérateurs spécialisés offrent leurs services aux entreprises : sociétés d’accompagnement à l’international, sociétés de gestion export ou sociétés de commerce international. La fédération des Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI) et la Confédération française du commerce de gros et international (CGI) représentent 150 entreprises d’accompagnement à l’export et plus de 2 000 sociétés de négoce.

Le soutien financier aux entreprises repose également sur plusieurs dispositifs : les produits distribués par la Coface, en particulier l’assurance prospection, principalement à destination des PME ; les prêts et garanties distribués par Bpifrance ; des dépenses fiscales et sociales, sous la forme du crédit d’impôt pour prospection commerciale et des dépenses sociales associées au dispositif du volontariat international en entreprise (VIE) ; des dispositifs mis en place par les collectivités territoriales, en particulier les régions et les métropoles.

A la suite de plusieurs rapports qui avaient souligné la nécessité d’un dispositif plus clair et mieux coordonné (21), un important effort de rationalisation a été engagé. Votre Rapporteur s’en félicite, tout en soulignant qu’il faudra encore du temps pour que ces initiatives soient menées jusqu’à leur terme et qu’elles commencent à trouver une traduction dans les résultats du commerce extérieur.

La diversité, pour ne pas dire l’éclatement des acteurs qui interviennent dans le soutien à l’internationalisation des entreprises, relevant tantôt de la sphère publique, tantôt du secteur privé, fait naître un besoin de concertation et de coordination.

Un Conseil stratégique de l’export, présidé par le secrétaire d’Etat au commerce extérieur, réunit ainsi les principaux acteurs : Business France, Bpifrance, la Coface, l’Association des régions de France (ARF), CCI international, CCI France et CCI France International, MEDEF International, la CGPME, l’OSCI, le Comité national des conseillers du commerce extérieur (CNCCEF), la direction générale du Trésor, la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, la direction générale des entreprises, la direction générale des douanes et des droits indirects, la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises, ainsi que des personnalités qualifiées.

Cette instance doit permettre de favoriser la concertation sur la stratégie, la circulation de l’information et le suivi des actions engagées. Il faut espérer que ce dispositif rencontre plus de succès que diverses initiatives antérieures, notamment la tentative de constituer une « Equipe de France de l’export » sous la précédente législature.

Le plan d’action en faveur du développement des PME à l’international, présenté en mars 2015 par le secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur, prévoyait notamment une simplification du dispositif public d’accompagnement des entreprises. De nouvelles conventions ont été signées à cet effet entre les opérateurs.

En vue de renforcer la coordination entre les acteurs de l’export et d’améliorer la lisibilité de l’offre proposée aux entreprises, un partenariat stratégique signé entre Business France, CCI International et CCI France International vise ainsi à clarifier la répartition des rôles de la manière suivante :

- il revient aux CCI de France de préparer les entreprises à l’international, de valider et de structurer leur projet en posant un diagnostic et en définissant un plan d’action personnalisé ;

- Business France est chargé de prospecter les marchés et de développer les courants d’affaires ;

- les CCI françaises à l’international doivent aider les entreprises à s’implanter, à se structurer et à se pérenniser sur les marchés visés.

L’accord prévoit d’ici à 2017 l’accompagnement ciblé de 3 000 entreprises, TPE et PME, disposant d’un fort potentiel export, avec l’objectif de développer un courant d’affaires pour un tiers d’entre elles.

Le président du CNCCEF, M. Alain Bentéjac, a en outre présenté à votre Rapporteur les efforts engagés pour utiliser au mieux les potentialités que peut offrir le réseau des conseillers du commerce extérieur. Leur connaissance des marchés étrangers et des pratiques locales, mais aussi leur carnet d’adresses, peuvent en effet s’avérer particulièrement utiles. Il est donc impératif de fluidifier et de systématiser la circulation des informations, tout en renforçant les synergies avec les autres réseaux déployés à l’étranger.

Selon M. Bentéjac, les réunions périodiques avec les services de l’Etat fonctionnent bien depuis longtemps à l’étranger. La mise en place de réunions régulières à Paris avec le ministère des affaires étrangères et Bercy, sur des sujets concrets, va également dans le bon sens. Si la situation est moins satisfaisante en région, à ce stade, la mise en œuvre de la loi NOTRe (voir infra) doit être mise à profit pour avancer.

Des travaux ont également été engagés afin d’inscrire au mieux dans le parcours à l’export ces acteurs précieux – et bénévoles – que sont les conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), en veillant notamment à ce que Business France et les chambres de commerce et d’industrie, qui sont les principaux interlocuteurs des entreprises désireuses de s’internationaliser, aident à faire connaître davantage le rôle des CCEF et proposent leurs services aux entreprises.

Une convention a ainsi été signée entre le CNCCEF, Business France et l’Etat en mars 2015, puis entre le CNCCEF, CCI International et CCI France International le 6 octobre dernier.

La convention de mars 2015 prévoit notamment le parrainage de 500 PME et ETI, ainsi que la désignation et la mise en ligne des coordonnées de référents PME et de référents sectoriels. A ce jour, 120 référents PME/Parrainage ont été mis en place dans 90 comités à l’étranger et 35 référents dans les comités en France – le parrainage pouvant consister en une orientation, une information ou une mise en relation, limitées dans le temps, ou d’un accompagnement établissant une relation durable entre le CCEF parrain et le chef d’entreprise afin de développer un projet structuré.

Parmi les conventions récemment signées, on peut citer en outre celle entre les CCEF, le MEDEF et le MEDEF International (30 août 2016), et celle entre Business France et l’OSCI (2 novembre dernier).

Votre Rapporteur se félicite que d’autres évolutions, dont l’utilité était établie de longue date, soient désormais en bonne voie.

Le rapprochement des opérateurs engagés dans l’internationalisation de l’économie française doit ainsi se poursuivre avec la finalisation du transfert à Business France d’une partie des activités de la Sopexa. Il s’agit de mettre fin aux situations de concurrence entre ces deux acteurs dans le cadre de leurs missions respectives de service public.

Le ministère de l’agriculture avait en effet confié à la Sopexa une délégation de service public (DSP) pour la promotion des produits alimentaires français dans le monde. Un rapprochement avec le pôle Agrotech de Business France a été décidé en juillet 2015, sous la forme d’un transfert à Business France des activités de la DSP, en deux temps :

- le transfert de l’activité de mise en contact d’entreprise à entreprise (BtoB), des pavillons France et des mini expos est effectif depuis le 1er janvier 2016 ;

- le transfert de l’activité salons de la Sopexa doit être finalisé au 1er janvier 2017, compte tenu du temps nécessaire à la programmation de ce type d’activités.

Par ailleurs, le transfert à Bpifrance de la gestion des garanties publiques à l’exportation, actuellement assurée par la Coface pour le compte de l’Etat, est prévu d’ici au début de l’année 2017. Cette évolution doit permettre de parachever l’amélioration du dispositif de soutien financier à l’export.

Les réformes ont en effet été nombreuses depuis le début de cette législature, qu’il s’agisse d’améliorer les produits existants ou d’élargir le champ de leurs bénéficiaires afin de mieux couvrir les besoins, de simplifier l’offre de soutiens publics, notamment via la suppression de doublons entre les différents opérateurs, ou encore de renforcer la distribution des dispositifs avec la création du label « Bpifrance export », sous lequel travaillent des équipes composées de personnels de Bpifrance, de Business France et de la Coface, au sein des directions régionales de Bpifrance (22).

Le transfert à Bpifrance des garanties publiques gérées par la Coface devrait présenter plusieurs avantages :

- simplifier l’écosystème des entreprises, le soutien à l’internationalisation rejoignant celui à la création, au développement et à l’innovation, avec la création d’un véritable guichet unique, doté d’une palette d’interventions plus large ;

- améliorer la promotion et la diffusion des garanties publiques à l’exportation auprès de nouveaux acteurs, grâce au maillage territorial dont dispose Bpifrance et à son positionnement auprès des PME ;

- enfin, ce qui n’est pas non plus négligeable, réduire le coût pour l’Etat de la gestion des garanties publiques – selon les éléments communiqués à votre Rapporteur, une baisse de l’ordre de 20 % est attendue à la faveur de ce transfert.

Le calendrier du transfert des garanties publiques au commerce extérieur

Le principe du transfert, fixé par un protocole tripartite du 29 juillet 2015, a été acté par l’article 103 de la loi de finances rectificative pour 2015 et détaillé par une convention de successeur signée le 18 avril 2016 entre la Coface et Bpifrance et complété par une convention de gestion Etat-Bpifrance du 12 août 2016.

L’effectivité du transfert nécessite la création d’un compte de commerce et la publication d’un décret en Conseil d’Etat modifiant la partie réglementaire du code des assurances. Le dernier trimestre de l’année 2016 sera également dédié aux derniers chantiers logistiques et opérationnels permettant de maintenir la continuité de l’activité (notamment la bascule informatique).

Le transfert d’activité va de pair avec celui des salariés de la Coface dédiés aux garanties publiques à Bpifrance Assurance Export (ceux de la direction des garanties publiques ou d’autres directions transverses dont le travail est essentiellement lié aux garanties publiques).

Source : questionnaire budgétaire.

Votre Rapporteur estime qu’un tel transfert peut en effet présenter une réelle valeur ajoutée. Il faudra néanmoins veiller à ce que cela conduise à une amélioration significative du service aux entreprises, en particulier les PME, par une bonne prise en compte de leurs besoins. Des objectifs de performance exigeants devront être fixés à l’opérateur. Le directeur des garanties publiques de la Coface, entendu par votre Rapporteur, a estimé que l’on pouvait viser un doublement du nombre de PME accompagnées à l’export au moyen de garanties publiques.

Il ressort des auditions menées par votre Rapporteur plusieurs points de vigilance.

- Le transfert pourrait être l’occasion de « toiletter » les produits, afin de les rendre plus simples et plus aisément accessibles aux chefs d’entreprises. C’est une opportunité qu’il faudra évidemment saisir au mieux.

- Selon M. Renck, actuellement chargé de mission export à Bpifrance et ancien directeur de Bpifrance Export, les opérations de transfert pourraient s’accompagner d’un « petit choc des cultures », s’agissant notamment des relations entretenues avec les clients.

Enfin, votre Rapporteur souhaite faire trois remarques plus générales.

- Ce transfert se traduit par un aller-retour qui suscite a posteriori des interrogations sur la cohérence de l’action publique. M. Renck a en effet souligné lors de son audition que Bpifrance avait dans un premier temps supprimé ses produits redondants avec ceux de la Coface, avant de les récupérer finalement au terme du transfert des garanties publiques gérées par la Coface.

- Un tel transfert devrait permettre de remédier, sur un point, à la complexité qui caractérise le système français de soutien à l’internationalisation des entreprises. Jusqu’à présent, cette complexité ne s’est jamais réduite par la signature de simples déclarations de bonnes intentions sous forme de conventions entre les divers acteurs de « l’écosystème ».

Un partenariat entre Bpifrance, la Coface et Business France avait ainsi été noué en 2013, on l’a dit, sous un même label « Bpifrance export ». La mobilisation n’ayant pas été totale, c’est une logique de fusion qui a fini par prévaloir entre l’activité de garanties publiques de la Coface et Bpifrance.

- Dans ces conditions, on peut se demander si cette logique de fusion, désormais engagée autour de Bpifrance, se limitera à l’activité des garanties publiques de la Coface et aux agents chargés de cette mission, ou si elle pourrait au contraire s’étendre au-delà.

Un cap a été fixé, avec un certain degré de pression de la part de la puissance publique pour parvenir à une rationalisation et à une simplification effectives du dispositif de soutien à l’internationalisation des entreprises. Il faudra néanmoins veiller à poursuivre les efforts dans les années à venir, au-delà de la présente législature, car les travaux engagés sont loin d’avoir produit tous les effets escomptés.

Le programme des 3 000 entreprises accompagnées conjointement par Business France et le réseau consulaire, qui a l’avantage d’être très concret, présente ainsi un bilan encore mitigé.

- A mi-parcours, seules 1 200 entreprises étaient entrées dans cette démarche, ce qui ne représente qu’un peu plus d’un tiers de la cible. En termes quantitatifs, les résultats paraissent limités. Plusieurs personnes auditionnées ont pourtant souligné qu’il ne suffirait pas de se concentrer sur les « pépites », 3 000 entreprises présentant un fort potentiel à l’export, pour relancer notre commerce extérieur.

- Au-delà d’un questionnaire de satisfaction à 6 mois, qui ne saurait constituer aux yeux de votre Rapporteur une forme pertinente d’évaluation des résultats, une enquête confiée par Business France à IPSOS doit permettre d’apprécier l’impact du dispositif en termes de courants d’affaires développés et/ou de contrats signés. Sur ce point, votre Rapporteur a reçu une réponse écrite toute en nuances : « s’il est encore prématuré de dégager des premiers résultats, les CCI et Business France ont d’ores et déjà identifié des « success stories » d’entreprises accompagnées dans le cadre du programme des 3 000 ». Il faut préciser que Business France publie régulièrement des catalogues de « success stories » sans que l’on puisse en évaluer les résultats à moyen terme – et a fortiori à long terme (23).

Autre constat, si la définition d’un « parcours à l’export » reposant sur une répartition claire des missions entre les différents acteurs présente sur le papier un intérêt, il reste à décliner ce schéma sur le terrain.

L’accord du 11 mars dernier entre Business France, CCI International et CCI France International n’a de sens que s’il se traduit de manière effective à l’étranger. A ce jour, pourtant, il n’a de déclinaison qu’au travers de 43 accords locaux. Des négociations sont en cours sur 16 conventions, dont 6 pourraient prochainement faire l’objet d’une signature (Cuba, Espagne, Inde, Iran, Japon, Nigéria). Dans une dizaine d’autres cas, les réponses écrites au questionnaire de votre Rapporteur font état de « situations bloquées » (Canada, Etats-Unis, Grèce, Hong-Kong, Koweït, Lituanie, Malaisie, Russie, Singapour, Taïwan).

Le choix qui a été fait pour simplifier et rationnaliser le parcours à l’export consiste à diviser les tâches, afin de réduire la concurrence, et non à supprimer un des acteurs du système actuel. Là où la concurrence resterait insurmontable, votre Rapporteur estime qu’il ne faudra pas hésiter à demander localement le retrait d’un des acteurs, sur le fondement d’une cartographie précise des moyens déployés.

La complémentarité paraît également perfectible en région. M. Jean-François Gendron, président de CCI International, a souligné que si Business France avait signé un accord avec l’Association des régions de France (ARF), cela n’avait pas été accordé à son organisation. Celle-ci souhaiterait une base commune nationale, via l’ARF, pour mieux travailler avec les régions sur l’accompagnement des entreprises à l’international. Les représentants de Business France ont en revanche mis l’accent sur des démarches communes auprès des conseils régionaux.

A l’issue de ses auditions, votre Rapporteur a globalement le sentiment qu’il reste encore à passer concrètement de la concurrence à une logique de complémentarité, au service du redressement de notre commerce extérieur. Des conventions ont été signées, certes, pour essayer d’améliorer la situation – et ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une telle démarche est engagée – mais il reste à les mettre en œuvre concrètement.

En 2008, la création d’une « Equipe de France de l’export » visait déjà à simplifier le dispositif d’appui aux entreprises françaises autour d’une « chaîne de valeur », alors conçue de la manière suivante :

- un service de proximité et de détection du potentiel export assuré par les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) ;

- un accompagnement à l’export des entreprises par Ubifrance et les Missions économiques ;

- un suivi et un soutien des entreprises à l’étranger assurés par les CCI françaises à l’étranger.

Une convention pentapartite entre la direction générale du Trésor, Ubifrance, les CCI en France, les CCI françaises à l’étranger et les Conseillers du commerce extérieur devait ensuite permettre de « définir les rôles et objectifs de chacun des partenaires et de poser les bases d’un partenariat » pour favoriser des synergies.

Cette convention a été suivie, en 2011, d’une « Charte nationale des partenaires de l’export », élargie à trois autres acteurs : l’Association des régions de France (ARF), la Coface et Oséo (BPI).

La donne n’en avait pas été réellement modifiée. On pourrait également souligner qu’une « Charte nationale de l’exportation » avait déjà été signée en 1989 entre le CNPF, la CGPME, les CCI de France, les CCI françaises à l’étrangers et les Conseillers du commerce extérieur.

Au-delà des habitudes et des réflexes corporatistes, bien réels et souvent profondément ancrés, plusieurs personnes auditionnées ont insisté sur l’enjeu financier : le nombre des entreprises à accompagner à l’international reste limité, compte tenu de la faiblesse de notre appareil exportateur (voir supra), de sorte que certains acteurs auraient « naturellement » tendance à se faire concurrence sur les mêmes marchés, les plus rentables.

Si la démarche actuelle devait durablement peiner à produire ses pleins effets, votre Rapporteur estime qu’il reviendrait à la puissance publique de prendre ses responsabilités en imposant des mesures plus contraignantes aux acteurs concernés.

Les dotations de Business France inscrites au PLF 2017 s’élèvent à 98,1 millions d’euros au titre du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » et à un peu plus de 6 millions d’euros au titre du programme 112 « Aménagement du territoire » (piloté par le Commissariat général à l’égalité des territoires et ne relevant pas de la mission « Economie »), contre 110 millions d’euros inscrits en LFI 2016.

Les ressources propres de Business France, qui reposent sur la facturation de ses services et le développement de partenariats avec certains opérateurs économiques, tels que Bpifrance, représentent désormais près de 50 % des ressources de l’Agence. Celle-ci fait d’ailleurs observer que ses homologues anglais (UKTI, 473 millions d’euros) et italien (ICE, 188 millions d’euros) seraient subventionnés respectivement à hauteur de 96 % et 89 %.

Votre Rapporteur estime que la tarification d’une partie de l’accompagnement à l’export ne soulève pas de problème de principe : cela permet de valoriser des prestations qui doivent être de qualité et d’engager les entreprises dans leur démarche de prospection. Deux écueils doivent néanmoins être évités :

- d’une part, l’augmentation de tarifs qui paraissent avoir atteint un niveau plafond, en particulier pour les PME qui risqueraient sinon d’être évincées, au détriment des missions de service public de l’opérateur. Il ressort des auditions que nombre de PME alertent les pouvoirs publics sur le niveau actuel de la tarification.

- d’autre part, la réduction de certaines prestations collectives, en particulier l’accompagnement sur les salons, qui a probablement atteint un plancher.

S’agissant de la part des dépenses couvertes par la subvention pour charges de service public, deux risques existent si elle devait cesser d’être majoritaire dans le financement de l’Agence : que celle-ci délaisse sa mission de service public au bénéfice des PME et des ETI, en se concentrant sur les marchés les plus rémunérateurs ; que l’exercice de la tutelle ne se complique singulièrement si l’essentiel des recettes de l’opérateur ne provient plus de l’Etat.

Dans ces conditions, une réflexion sur les dépenses de Business France paraît nécessaire. Parmi les pistes évoquées lors des auditions, il y aurait différentes marges de manœuvre à explorer : dans le réseau français, notamment dans le cadre du travail engagé avec Bpifrance ; sur des fonctions support qui pourraient être mieux calibrées ; sur certains bureaux à l’étranger, là où les entreprises françaises ont moins besoin d’être aidées.

Le renforcement de la présence en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, objet d’une réflexion et déjà de quelques évolutions sur le terrain, va manifestement dans le bon sens sur le plan stratégique. Votre Rapporteur estime que la réflexion sur les implantations de Business France doit se poursuivre également dans une perspective budgétaire, y compris sur la base d’une cartographie des différents moyens en présence (Business France comme CCI).

Le volontariat international en entreprise (VIE) constitue une très belle invention, gagnante à la fois pour les jeunes, qui peuvent bénéficier d’une première expérience à l’international et souvent se faire embaucher dans la foulée, pour les besoins des entreprises en ressources humaines et plus généralement pour l’emploi en France. Les responsables de Business France rencontrés par votre Rapporteur ont également souligné que ce dispositif crée un vivier utile à plus long terme pour l’export : 30 % des managers internationaux auraient précédemment fait un VIE.

Le nombre de VIE en poste augmente régulièrement, mais reste très inférieur au nombre de candidats. On comptait ainsi près de 9 200 VIE à la fin du premier semestre 2016. L’écart avec le nombre de candidats (environ 60 000) résulterait d’un trop faible nombre d’entreprises désireuses de recruter dans ce cadre et d’un déséquilibre entre l’offre et la demande – les candidats souhaiteraient majoritairement aller dans des pays anglo-saxons (Etats-Unis, Canada ou Australie), ce qui ne correspondrait pas nécessairement aux besoins des entreprises. Le contrat d’objectifs et de performance (COP) de Business France, qui gère ce dispositif, fixe un objectif de 10 000 VIE en poste à la fin de l’année 2017.

La marge de progression concerne principalement les PME, les VIE étant principalement employés (à 56 %) par des grands groupes et des ETI dont le chiffre d’affaires est supérieur à 200 millions d’euros. Les TPE et PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros ne représentent que 32 % des effectifs. Si les grands groupes ne sont pas les acteurs qui devraient avoir le plus besoin de recourir aux VIE, ils en ont bien compris l’intérêt.

On observe aussi un important déséquilibre sectoriel : 1/8e des VIE seraient employés dans le secteur de la banque et de l’assurance, la Société générale étant d’ailleurs le 1er employeur de VIE (24). Deux autres grandes banques françaises, la Société générale et BNP Paribas, figurent parmi les cinq premiers utilisateurs du dispositif.

Les auditions menées par votre Rapporteur ont fait ressortir les difficultés suivantes.

- Si le dispositif est relativement bien connu des entreprises, des efforts restent à réaliser en direction des PME. Business France ayant relativement peu de relais en France, les CCI et les CCEF pourraient utilement y participer davantage ;

- Un frein financier, lié au coût du dispositif, pèse surtout sur les PME de petite taille. Les VIE font l’objet d’un financement des régions, mais avec d’importantes disparités.

Le financement des VIE par les régions

Avant la réforme territoriale (25), 20 régions sur 22 finançaient les VIE, seules les régions Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes ne prévoyant aucun système d’appui financier.

Jusqu’à présent, les types de financement sont variables : un forfait (montant de 10 à 15 000 euros versé à l’entreprise en fonction de la zone géographique concernée, « proche export » ou « grand large »), par exemple en Nord-Pas-de-Calais ou PACA ; un taux de financement (généralement de 50 %, portant sur les indemnités du VIE et les frais de gestion et de protection sociale), dans la majorité des régions ; un financement à 100 % des missions commerciales d’une durée de 12 mois, dans le cas des Pays-de-la-Loire.

Par ailleurs, le financement peut être directement versé par les régions aux entreprises, comme il peut aussi être géré par Business France (délégation d’un montant via la signature d’une convention financière, Business France déduisant l’aide mensuellement sur les factures des entreprises éligibles) ou faire l’objet d’une contractualisation entre Business France et la région (celle-ci, ou son opérateur désigné, porte le contrat VIE pour le compte de l’entreprise éligible, et la refacture en lui octroyant le financement).

Source : questionnaire budgétaire.

Par ailleurs, le coût pour les entreprises varie fortement selon le pays, voire la ville, d’affectation (26).

Les frais de gestion sont certes différenciés selon la taille de l’entreprise, les PME bénéficiant d’un tarif préférentiel, mais ils sont malgré tout jugés trop élevés. Cette difficulté a été soulevée par plusieurs personnes auditionnées par votre Rapporteur.

Tranche de CA

CA entreprise en M€

Frais de gestion

3

CA>200 €

440 €

2

200<CA>50 €

318 €

1

CA<50 €

225 €

Frais mensuels.

Source : Business France.

Selon les données communiquées par Business France à votre Rapporteur, la marge dégagée chaque année par cet opérateur au titre de la gestion du programme VIE s’élève à environ 9 millions d’euros (le chiffre d’affaires de l’activité VIE était en 2015 de 33 millions d’euros, dont il faut retrancher les coûts complets suivants : coûts opérationnels directs, charges de personnel et de fonctionnement, charges de support technique).

- Les PME se heurtent aussi à un problème d’encadrement. Le partage des VIE, parfois mis en avant comme solution, ne paraît pas très praticable à votre Rapporteur, compte tenu du lien qui doit exister entre le salarié et l’entreprise pour laquelle il travaille.

- Enfin, certains acteurs auditionnés ont insisté sur l’importance des délais d’attente pour les entreprises, qui ont pu être estimés à environ 3 ou 4 mois (27). Business France a apporté cette réponse écrite : « il n’existe pas de statistiques sur les délais d’attente pour la mise en œuvre d’une mission VIE pour les entreprises. Les dossiers sont traités immédiatement avec la mise en relation entre l’offre de l’entreprise et les candidats du site Civiweb. Une attente éventuelle pourra dépendre de la difficulté à identifier et recruter un candidat adéquat, dans le cas de profils rares (technologies de l’information, langues...). Le temps d’instruction d’un dossier de mission VIE par Business France est en moyenne de 6 à 8 semaines, permettant de valider l’éligibilité des candidats et des entreprises et les modalités locales d’affectations propre à chaque destination, visa, hébergement, conditions de sécurité, responsable local… ».

Lorsqu’il présidait le conseil d’administration d’Ubifrance, votre Rapporteur avait beaucoup insisté sur la nécessité de mettre en place, de manière systématique, une véritable démarche d’évaluation des résultats obtenus. Il n’est pas acceptable de se contenter d’indicateurs tels que le « taux de satisfaction » à l’issue d’un salon à l’étranger. L’argument tiré de l’absence d’outils de mesure et du secret des affaires ne tient pas : à partir du moment où des prestations bénéficient d’un financement public, il faut un peu de transparence sur les résultats obtenus, ce qui peut être prévu dans le cadre des conventions qui sont signées.

Votre Rapporteur retient également de ses entretiens avec des responsables de plusieurs collectivités régionales que la mesure de l’efficacité des actions menées y est également très peu développée, pour ne pas dire inexistante.

S’agissant de Business France, le contrat d’objectifs et de performance signé en octobre 2015 laisse entrevoir une certaine amélioration, au moyen d’un indicateur relatif au nombre de nouveaux courants d’affaires réalisés par les PME et les ETI bénéficiaires de prestations individuelles, collectives ou utilisatrices du VIE.

La mesure du taux de transformation par Business France

Selon les éléments communiqués par l’opérateur, les courants d’affaires sont décomptés sur la base des déclarations faites dans le cadre d’enquêtes d’impact. En 2015, 3 172 PME et ETI accompagnées par Business France ont répondu à l’enquête, soit un tiers des entreprises servies. Elles sont consultées 6 mois après la date de réalisation de la prestation (ou 12 mois après le début de la mission pour un VIE).

Sont décomptées les sociétés qui déclarent avoir conclu un accord ou avoir obtenu une commande avec un nouveau contact sur un marché donné. S’ajoutent à cela les sociétés qui prévoient dans les deux ans la signature d’un accord commercial. Un suivi spécifique est opéré sur un échantillon-test représentatif de cette cible afin de vérifier dans quelle mesure la réalité confirme les prévisions.

Ce suivi permet de définir un taux de transformation effectif appliqué par la suite à l’ensemble de cette cible afin de corriger les résultats bruts. L’indicateur final est donc le suivant :

(nouveaux courants d’affaires conclus) + (nouveaux courants d’affaires prévus) X (taux de transformation effectif).

Le taux d’impact ainsi calculé s’établit à 47 % pour 2015, soit l’équivalent de plus de 4 000 courants d’affaires générés.

Un courant d’affaires pour une même entreprise dans le même pays pendant la même année n’est comptabilisé qu’une fois. Le développement ou l’entretien d’un courant d’affaires avec un contact déjà existant dans le pays n’est pas comptabilisé. Des courants d’affaires pour une même entreprise dans des pays distincts pendant la même année sont comptabilisés autant de fois que de nombre de pays.

Source : Business France

Il conviendrait de renforcer cette démarche, d’une part en évaluant le volume du courant d’affaires, et d’autre part en évaluant davantage les résultats dans la durée : beaucoup de nouveaux exportateurs, on l’a vu, ne réalisent que des opérations ponctuelles.

En ce qui concerne la mesure du volume des courants d’affaires, la directrice générale de Business France a indiqué à votre Rapporteur que c’était aujourd’hui possible dans un cas : les 1 000 PME et ETI de croissance accompagnées conjointement avec Bpifrance, compte tenu des données accessibles à cet opérateur (un banquier). En raison de la définition de la cible, il s’agira toutefois du « haut du panier », ce qui ne permettra pas de projeter le résultat. Business France travaille à une étude économétrique à partir d’un échantillon d’entreprises accompagnées, mais on risque de ne pas pouvoir déterminer si les évolutions sont liées ou non aux prestations de l’opérateur.

Quant à la mesure de l’efficacité dans la durée, cette question est notamment liée au renforcement de l’accompagnement en aval, jusque-là peu développé. Il faudrait donc suivre davantage les entreprises dans le temps.

Les collectivités territoriales, en particulier les régions, ont aujourd’hui une implication hétérogène dans le soutien à l’internationalisation des entreprises, avec des dispositifs assez différents (voir notamment supra, sur la question des VIE). Il faudra suivre avec attention les réorganisations consécutives à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, du 7 août 2015.

Les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), qui doivent être définis par chaque conseil régional, constituent une occasion unique de revisiter les dispositifs mis en place et de repenser les actions menées. Il ressort des auditions de votre Rapporteur que les plans régionaux d’internationalisation des entreprises (PRIE), qui avaient précédé, n’ont pas toujours eu l’impact concret que l’on pouvait espérer et que les objectifs n’étaient pas suffisamment partagés entre les acteurs concernés.

Les SRDEII

L’article 2 de la loi NOTRe dispose que la région, collectivité responsable sur son territoire de la définition des orientations en matière de développement économique, est chargée d’élaborer d’ici à la fin de l’année 2016 un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.

Son périmètre est plus large que celui des PRIE dans la mesure où la région est appelée à définir des orientations pour chacun des volets suivants :

- aides aux entreprises ;

- soutien à l’internationalisation ;

- aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises ;

- attractivité du territoire ;

- développement de l’économie sociale et solidaire.

La région peut notamment inclure un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les collectivités territoriales des Etats limitrophes.

Une partie des SRDEII devraient être prêts avant la fin de l’année, mais ce processus pourrait prendre plus de temps dans certaines régions. Compte tenu du travail préparatoire nécessaire pour que les nouveaux schémas régionaux soient à la hauteur des attentes placées en eux, votre Rapporteur ne s’inquiète pas nécessairement de cet allongement des délais, pourvu qu’il traduise un réel « brainstorming » et témoigne d’efforts pour remettre sur la table l’ensemble des sujets.

Il faudra veiller en particulier à une bonne articulation avec les actions engagées par les autres niveaux de collectivités, notamment les métropoles, dont la montée en puissance est désormais un acquis consacré par la loi. Afin d’éviter une dispersion préjudiciable des moyens et une dégradation de la lisibilité des dispositifs de soutien, il est impératif d’assurer la cohérence des actions engagées. A ce stade, il ressort des auditions de votre Rapporteur qu’une cartographie précise du soutien à l’internationalisation des entreprises, selon les cibles visées et les actions menées, reste bien souvent un exercice quasi impossible au plan régional.

Il va de soi que l’impératif de collaboration vaut aussi avec l’échelon national (ministères, services déconcentrés de l’Etat et opérateurs nationaux).

L’un des enjeux sera d’éviter le développement de « mini-Business France » régionaux, selon le précédent malheureux d’ERAI, l’association Entreprise Rhône-Alpes international créée en 1987 sous l’égide de la région. Le développement tous azimuts et incontrôlé de cet opérateur (doté d’un budget de plus de 10 millions d’euros, de plus de 200 salariés et de près d’une trentaine d’implantations à l’étranger) a fini par conduire à sa liquidation judiciaire en juin 2015.

Il a ainsi été demandé à Business France, par ses tutelles, de travailler à l’élaboration d’une offre de service aux nouveaux exécutifs issus du redécoupage de la carte régionale. Si l’on veut garantir l’efficacité et la pertinence des SRDEII, aucun acteur utile ne doit être exclu de l’exercice. A cet égard, votre Rapporteur ne peut que s’inquiéter des difficultés rapportées par les représentants de CCI International (28).  

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, les crédits du commerce extérieur (mission « Economie ») dans sa séance du mardi 8 novembre 2016.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Nous avons auditionné les ministres en commission élargie (29), le vendredi 4 novembre dernier, sur les crédits de la mission « Economie », mais le vote de notre commission a été reporté à cet après-midi.

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur pour avis. J’ai eu l’occasion de présenter la situation du commerce extérieur et m’en remets donc à la sagesse de la commission.

La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits du commerce extérieur (mission « Economie ») tels qu’ils figurent à l’Etat B annexé à l’article 29 du projet de loi de finances pour 2017.

ANNEXE N° 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Par ordre chronologique :

- Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles : M. Arnold PUECH D’ALISSAC, membre du bureau, M. Sylvain LHERMITTE, chef de service « politiques agricoles et internationales » ;

- Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France : M. Alain BENTEJAC, président ;

- CCI International : M. Jean-François GENDRON, président, M. Dominique BRUNIN, délégué général (CCI International – CCI France International) ;

- Mouvement des entreprises de France (MEDEF) : Mme Dorothée PINEAU, directrice générale adjointe en charge de l’international et de la sphère publique, Mme Stéphanie TISON, directrice adjointe à la direction « International », M. Jules GUILLAUD, chargé de mission à la direction des affaires publiques ;

- Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) : M. Pierre KUCHLY, président de la CGPME Ile-de-France, M. Philippe de BRAUER, vice-président de la commission internationale de la CGPME, M. Pierre-Jean BAILLOT, directeur de mission International, Mme Sandrine BOURGOGNE, secrétaire générale adjointe de la CGPME ;

- Direction générale du Trésor (ministère de l’économie et des finances) : Mme Sandrine GAUDIN, chef du service des affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises, M. Michel CYWINSKI, chef du bureau « Business France et partenaires de l’export » ;

- Cabinet du secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger : M. Cyrille PIERRE, directeur du cabinet, M. Martin FORTES, conseiller « stratégie, partenaires et instruments du commerce extérieur », Mme Camille PEREZ, chef de cabinet adjointe, conseillère parlementaire et relations avec les élus ;

- Région Nouvelle-Aquitaine : M. Alain ROUSSET, député, président du Conseil régional ;

- Business France : Mme Muriel PENICAUD, directrice générale, Mme Seybah DAGOMA, présidente du conseil d’administration, M. Frédéric KAPLAN, directeur général délégué « Fonctions transversales », M. Lorenzo CORNUAULT, directeur Région et chargé des relations institutionnelles ;

- Direction des entreprises, de l'économie internationale et de la promotion du tourisme (ministère des affaires étrangères et du développement international) : Mme Agnès ROMATET-ESPAGNE, M. Sébastien PREVOST, chef de pôle « acteurs du commerce extérieur » ;

- Région Grand-Est : M. Sylvain WASERMAN, conseiller régional, président de la commission développement économique ;

- Bpifrance : M. Alain RENCK, chargé de mission « Financements export », M. Jean-Baptiste MARIN-LAMELLET, responsable des relations institutionnelles ;

- Coface : M. Christophe VIPREY, directeur des garanties publiques.

ANNEXE N°2

LES ÉCHANGES COMMERCIAUX PAR SECTEURS

en milliards d’euros

CAF/FAB

Source : La France dans les échanges internationaux, chiffres du commerce extérieur en 2015, février 2016.

ANNEXE N°3

CLASSEMENT DES TRENTE PREMIÈRES ENTREPRISES EXPORTATRICES EN 2015

Source : Douanes

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