N° 4129 tome IV - Avis de Mme Kheira Bouziane-Laroussi sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).


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N° 4129

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈMELÉGISLATURE

EnregistréàlaPrésidencedel’Assembléenationalele 13 octobre 2016.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2017,

TOME IV

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

HANDICAP ET DÉPENDANCE

PAR Mme Kheira BOUZIANE-LAROUSSI,

Députée.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 4061, 4125 (annexe n° 45).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir à la rapporteure pour avis au plus tard le 12 octobre 2016.

À cette date, 20 réponses aux 30 questions posées (15 questions identiques à celles posées par le rapporteur spécial de la commission des Finances et 15 questions spécifiques relatives au thème retenu) étaient parvenues à la rapporteure pour avis, soit un taux de 66,7 %. Depuis l’expiration du délai, 2 réponses supplémentaires ont été reçues, portant ce taux à 73,3 %.

La rapporteure pour avis remercie les services du ministère des Affaires sociales et de la Santé, du ministère du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et du ministère des Finances et des comptes publics de leur coopération.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME « HANDICAP ET DÉPENDANCE » POUR 2017 : UNE MODIFICATION DE PÉRIMÈTRE ET D’ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE 9

A. UNE NOUVELLE ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE POUR PRENDRE ACTE DU TRANSFERT À L’ASSURANCE MALADIE DU FINANCEMENT DU FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES D’AIDE PAR LE TRAVAIL ET DES MAISONS DÉPARTEMENTALES DES PERSONNES HANDICAPÉES 10

1. Le déséquilibre de la maquette budgétaire précédente 10

2. Le transfert à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de la participation de l’État au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) 11

3. Le transfert à l’assurance maladie du soutien aux établissements et services d’aide par le travail (ESAT) 12

4. La nouvelle architecture budgétaire pour 2016 14

B. LA PRÉSERVATION DES RESSOURCES D’EXISTENCE DES PERSONNES HANDICAPÉES (ACTION N° 12) 16

1. Un financement de l’allocation aux adultes handicapés pour faire face à des besoins dynamiques 16

2. Une baisse attendue du nombre de bénéficiaires de l’allocation supplémentaire d’invalidité 20

3. Une progression moindre de l’aide au poste au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés 21

C. LE FINANCEMENT DES POLITIQUES INCLUSIVES ET DE L’EMPLOI ACCOMPAGNÉ (ACTION N° 13) 22

1. La reconduction des crédits des politiques inclusives 23

2. Les crédits pour le développement de l’emploi accompagné 24

D. LA PARTICIPATION DE L’ÉTAT AU FONCTIONNEMENT DES MAISONS DÉPARTEMENTALES DES PERSONNES HANDICAPÉES (ACTION N° 11) 25

II. LA FORMATION ET L’ACCÈS À L’EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES : PASSER DE POLITIQUES ÉPARSES À UN PARCOURS ACCOMPAGNÉ VERS ET DANS L’EMPLOI 27

A. LE DROIT À L’EMPLOI ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES PERSONNES HANDICAPÉES, UN PRINCIPE AFFIRMÉ DEPUIS UN SIÈCLE ET PROGRESSIVEMENT MIS EN œUVRE 27

B. LES POLITIQUES PUBLIQUES EN FAVEUR DE LA FORMATION ET DE L’ACCÈS À L’EMPLOI N’ONT PAS REMPLI TOUS LES ESPOIRS D’UNE SOCIÉTÉ INCLUSIVE 31

1. Le développement de la scolarité en milieu ordinaire ne s’est pas concrétisé par une offre adaptée de formation professionnelle 31

a. La loi du 11 février 2005 a posé le principe de la scolarisation des enfants et étudiants handicapés en milieu ordinaire 31

b. Des efforts en matière de formation professionnelle 33

c. Cependant, le niveau de formation des travailleurs handicapés reste inférieur à la moyenne nationale 35

d. Un dispositif d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en voie d’essoufflement 37

e. Une population plus largement touchée par le chômage 43

f. Des délais d’orientation vers l’emploi qui restent trop longs 44

C. LA NÉCESSITÉ DE REPENSER UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE FORMATION ET D’ACCÈS À L’EMPLOI COMME UN PARCOURS ACCOMPAGNÉ AUTOUR DE LA PERSONNE 48

1. Des rapports mettant en avant la nécessité d’une nouvelle approche de l’accompagnement 48

2. Une orientation par les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées qui doit être plus évolutive 49

3. Des établissements du secteur protégé à mieux ouvrir sur le milieu ordinaire 51

4. Le rapprochement des structures de placement et de maintien dans l’emploi, première pierre d’un service public de l’emploi des travailleurs handicapés 53

5. L’emploi accompagné, un dispositif à inventer 57

TRAVAUX DE LA COMMISSION 61

EXAMEN DES CRÉDITS 61

ANNEXE : PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 65

INTRODUCTION

Avec des crédits d’un montant de 17,840 milliards d’euros en 2017, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoigne de l’importance de l’action de l’État au service des plus démunis. En neutralisant les effets de modification de périmètre, il progresse entre 2016 et 2017 de plus de 4 %, en raison, d’une part, de la montée en charge de la prime d’activité (PPA) et de son élargissement à de nouveaux bénéficiaires et, d’autre part, de l’évolution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Parmi les quatre programmes composant la mission, le programme n° 157 « Handicap et dépendance » concentre à lui seul 59,5 % des crédits de la mission. En effet, les crédits demandés pour 2017 au titre de ce programme s’élèvent à 10,611 milliards d’euros (1). La loi de finances initiale pour 2016 prévoyait un montant de 11,690 milliards d’euros ; cependant, en application de réformes adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, les dépenses liées à la dotation globale de fonctionnement des ESAT, qui représentent 1,477 milliard d’euros en 2016, et la participation de l’État au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, pour 56 millions d’euros, seront respectivement assumées à partir de 2017 par l’assurance maladie et par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Ainsi, dans les faits, le montant des crédits du programme progresse de 458 millions d’euros, soit une augmentation de 4,32 % par rapport aux crédits prévus par la loi de finances initiale pour 2016.

L’ensemble des crédits du programme représente une part importante mais non exhaustive des crédits publics destinés aux personnes handicapées – et une part très marginale des crédits destinés aux personnes âgées, ce qui explique que ceux-ci seront peu abordés dans le cadre du présent rapport. Cette politique s’appuie en effet sur de nombreux acteurs : les organismes sociaux, les collectivités territoriales et les acteurs associatifs, dont le rôle est particulièrement important. Ainsi, les établissements et services accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées sont financés grâce aux crédits de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), dans sa composante médico-sociale, abondés par la CNSA. Les collectivités territoriales, en premier lieu les conseils départementaux sont également fortement investies. Au total, les dépenses de protection sociale liées à la compensation de la perte d’autonomie des personnes âgées et handicapées (hors dépenses de santé) se sont élevées à 40 milliards pour les personnes handicapées et à 21 milliards en faveur des personnes âgées (2).

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, votre rapporteure pour avis se félicite que les crédits du handicap et de la dépendance soient confortés, notamment afin de financer le dynamisme des dépenses liées à l’allocation aux adultes handicapés. Cependant, au vu de l’augmentation des dépenses constatées sur les huit premiers mois de 2016, elle craint que la hausse de 427 millions d’euros, soit 5,2 % de l’enveloppe, ne permette pas de faire face à l’augmentation du nombre de bénéficiaires, du fait de la situation de l’emploi et des effets du relèvement de l’âge minimum légal de départ à la retraite et donc du décalage de l’ouverture des droits à pension.

Alors que les crédits d’intervention sont largement reconduits par rapport à ceux ouverts par la loi de finances pour l’année 2016, est cependant mise en place dans le cadre de la mission budgétaire une enveloppe de 5 millions d’euros, destinée à amorcer le financement de projets d’emploi accompagné, en application d’un engagement pris par le Président de la République devant la conférence nationale du handicap du 19 mai 2016 et mis en œuvre par l’article 52 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

L’accompagnement des personnes handicapées dans leur parcours de formation et leur insertion dans l’emploi est le thème que votre rapporteure pour avis a choisi de détailler dans le présent rapport.

Alors que le principe d’un droit à l’emploi des personnes handicapées, particulièrement dans le secteur ordinaire, est désormais un principe reconnu au niveau international et européen, notamment par la convention des Nations Unies du 30 mars 2007, sa mise en œuvre a longtemps reposé en France sur l’interdiction des discriminations à l’embauche et l’obligation d’emploi, qui enjoint aujourd’hui les entreprises comme les administrations d’embaucher 6 % de travailleurs handicapés ou de verser une indemnité différentielle à un fonds chargé de financer des actions d’insertion – l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) pour le secteur privé ou le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pour le secteur public.

Parallèlement existe depuis longtemps un secteur dit « protégé », regroupant les établissements et services d’aide par le travail (ESAT), anciennement centres d’aide par le travail (CAT) et les entreprises adaptées (EA).

La loi du 11 février 2005 a voulu permettre un changement de paradigme, en ouvrant les institutions spécialisées et en posant le principe de la détermination par la personne handicapée de son projet de vie, les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) se chargeant de valider son orientation et d’arrêter les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale.

Cependant, malgré les efforts déployés, les dispositifs existants restent cloisonnés, voire lents et inefficients, ce qui est une source de ruptures des parcours vers l’insertion professionnelle, de découragements, voire de désespérances.

Le principe de la scolarisation des enfants et étudiants handicapés en milieu ordinaire, posé en 2005, qui a permis le doublement de leur nombre en dix ans, fait naître aujourd’hui des attentes d’insertion auxquels les dispositifs existants n’apportent pas toujours une réponse adaptée.

En matière de formation professionnelle, alors qu’ils sont un public prioritaire, les travailleurs handicapés profitent peu des dispositifs mis en place : ainsi l’abondement du compte personnel de formation n’a concerné que 250 personnes en situation de handicap en 2015.

Aussi les travailleurs handicapés restent peu formés – plus de la moitié n’a pas de diplôme ou le seul BEPC – et donc loin de l’emploi : 18 % des personnes disposant d’une reconnaissance administrative du handicap sont au chômage.

Par ailleurs, on assiste à l’essoufflement du modèle de l’obligation d’emploi : si les travailleurs handicapés représentent de l’ordre de 3,6 % des effectifs dans le secteur privé et 4,6 % dans le secteur public, les fonds chargés de financer ce dispositif sont confrontés à un « effet des ciseaux » : moins de recettes, car plus d’entreprises respectent leur obligation d’emploi, grâce à la multiplication des dispositifs d’équivalence et des accords d’entreprise, mais toujours plus de demande d’aides à l’insertion et à l’adaptation des postes de travail.

Ensuite, quels que soient les satisfécits du projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances, les délais d’intervention des institutions spécialisées – notamment des maisons départementales des personnes handicapées et des Cap Emploi – restent trop longs et la mise en place des solutions proposées trop éloignée. Ces ruptures de parcours sont particulièrement mal vécues par les jeunes handicapés et leur famille, pour qui l’insertion professionnelle va de droit.

C’est pourquoi votre rapporteure pour avis se réjouit qu’un virage ait été pris depuis quelques années, virage qu’il conviendrait d’amplifier afin de repenser la politique publique de formation et d’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap comme un parcours accompagné autour de la personne, en lieu et place de dispositifs cloisonnés et distincts.

Le rapport remis par Denis Piveteau en 2014, « Zéro sans solution », et le rapport élaboré par notre collègue Annie Le Houerou afin de renforcer l’accompagnement vers l’emploi dans le milieu ordinaire ont lancé des pistes qui ont pu être mises en œuvre, par petites touches, dans les réformes législatives récentes.

Ainsi la loi de modernisation de notre système de santé a prévu l’élaboration par les CDAPH d’un « plan d’accompagnement global » aménagé et évolutif, qui prend en compte les ressources existantes, au lieu d’une décision d’orientation vers un service spécialisé, vers un emploi dans le secteur protégé ou le secteur ouvert, avec la nomination d’un coordinateur de parcours et une actualisation régulière en fonction du parcours de la personne.

Notre collègue Annie Le Houerou a recommandé d’ouvrir les ESAT sur le milieu ordinaire de travail : alors que seuls 9 % de leurs travailleurs ont pu bénéficier d’une expérience dans le milieu ordinaire, les dispositifs existants de mise à disposition d’une entreprise et de « droit au retour » en cas de difficulté pourraient être plus utilisés.

Les Cap Emploi, qui sont des structures agréées faisant partie du service public de l’emploi et prenant en charge le placement des demandeurs d’emploi dont le handicap représente le frein principal à l’insertion professionnelle, et qui dans les faits suivent un tiers des chômeurs reconnus handicapés, vont voir leurs missions élargies en assurant systématiquement les services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), permettant un véritable suivi du parcours vers et dans l’emploi.

Enfin, le présent projet de loi de finances est l’occasion de mettre en œuvre le dispositif d’emploi accompagné, inséré dans la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Cependant, ce dispositif, qui prévoit pour le salarié et son employeur « un accompagnement médico-social et un soutien à l’insertion professionnelle, en vue de leur permettre d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail », repose aujourd’hui sur des initiatives locales, qui pourront être désormais financées dans le cadre d’appels à projets et évaluées afin d’examiner quelles actions sont destinées à être généralisées.

Votre rapporteure pour avis souhaite que ce dispositif puisse être coordonné avec l’action des autres structures existantes, afin de mettre en place un réel suivi du parcours professionnel centré autour de la personne et non segmenté par rapport aux dispositifs existants.

L’objectif du programme n° 157 « handicap et dépendance », piloté par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), est de permettre aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d’autonomie de choisir librement leur mode de vie, à la fois en leur facilitant l’accès au droit commun et en leur offrant des dispositifs adaptés à leurs besoins.

Comportant précédemment six actions d’importance inégale, le programme est refondu à l’occasion du présent projet de loi de finances, qui marque aussi deux transferts de financement :

– le transfert du soutien des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) à l’assurance maladie à compter du 1er janvier 2017, en application de l’article 74 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, l’aide au poste (garantie de rémunération des travailleurs handicapés, GRTH) destinée à garantir le niveau de rémunération des travailleurs handicapés en ESAT restant à la charge de l’État ;

– le transfert à la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie de la participation de l’État au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Au total, les crédits proposés par la présente loi de finances pour ce programme s’élèvent à 10,611 milliards d’euros, contre 11,690 milliards prévus par la loi de finances initiale (LFI) pour 2016.

Cependant, de cette baisse optique de 1,078 milliard d’euros, il convient de déduire les crédits de la dotation globale de fonctionnement des ESAT, qui représentait 1,477 milliard d’euros l’année dernière, les 56 millions d’euros de participation au fonctionnement des MDPH et les 2 millions d’euros correspondant aux projets subventionnés dans le cadre de la réserve parlementaire par abondement des crédits.

Au total, en neutralisant ces effets de modification de périmètre, le montant des crédits du programme progresse de 458 millions d’euros, soit une augmentation de 4,32 % par rapport aux crédits prévus par la loi de finances initiale pour 2016.

La maquette du programme budgétaire « Handicap et dépendance », inchangée entre les lois de finances initiales pour 2014 à 2016, était précédemment composée de quatre actions :

– l’action n° 1 « Évaluation et l’orientation personnalisée des personnes handicapées », qui portait la dotation de fonctionnement de l’État aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) (58 millions d’euros prévus en LFI 2016) ;

– l’action n° 2 « Incitation à l’activité professionnelle », relative aux crédits des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) (2,754 milliards d’euros en LFI 2016) ;

– l’action n° 3 « Ressources d’existence », qui finançait l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) (8,852 milliards d’euros en LFI 2016) ;

– l’action n° 4 « Compensation des conséquences du handicap », qui portait essentiellement les dotations de fonctionnement des instituts pour enfants déficients sensoriels (17 millions d’euros en LFI 2016) ;

– l’action n° 5 « Personnes âgées », qui finançait des associations actives dans le domaine de l’accompagnement des personnes âgées dépendantes (3 millions d’euros en LFI 2016) ;

– l’action n° 6 « Pilotage du programme », qui assure le financement de quelques opérateurs nationaux ou locaux chargés du suivi de la politique du handicap (4 millions d’euros en LFI 2016).

Quatre des six missions représentaient un total de 82 millions d’euros, soit 0,7 % du total des crédits.

Les modifications de périmètre ont ainsi été l’occasion d’une refonte de cette architecture.

Mises en place par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, les MDPH sont des groupements d’intérêt public (GIP) placés par la loi sous la tutelle administrative et financière du département. Contrairement aux autres GIP, les MDPH ont une durée de vie illimitée. Elles regroupent les compétences des anciennes commissions départementales de l’éducation spéciale (CDES) et des commissions techniques d’orientation de reclassement professionnel (COTOREP), remplacées par une nouvelle commission, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), et reprennent les attributions des sites pour la vie autonome (SVA).

Elles associent le conseil départemental, l’État, les représentants des organismes locaux d’assurance maladie et d’allocations familiales et des adhérents volontaires. Les MDPH ont pour missions :

– l’accueil, l’information et le conseil des personnes handicapées et de leur famille dans une logique de guichet unique ;

– l’évaluation des besoins de la personne handicapée et de son entourage ;

– l’accompagnement et l’aide à la mise en œuvre des décisions.

Elles sont compétentes pour se prononcer sur l’attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH), de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de l’allocation d’éducation enfant handicapé (AEEH) ou de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

Depuis 2008, les MDPH font face à deux nouvelles missions : l’extension aux enfants de la prestation de compensation du handicap (PCH) et les bilans d’employabilité des demandeurs de l’AAH.

Leur fonctionnement est assuré par un financement partagé (CNSA, départements, État) qui est jugé par le Gouvernement comme « une situation complexe et peu lisible », « source de complexité » (3). Malgré d’importantes disparités locales, les parts des trois principaux contributeurs aux budgets des MDPH sont à peu près équivalentes : les conseils départementaux à hauteur de 35 %, l’État pour 32 % et la CNSA pour 29 % (4).

L’article 26 du présent projet de loi de finances prévoit ainsi le transfert à la CNSA du financement de la part de l’État. Ce transfert s’accompagne d’une compensation d’un montant évalué à 58 millions d’euros, soit le montant précédemment affecté par le programme n° 157, dans le cadre de plusieurs mesures de simplification affectant les relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Cette somme s’ajoutera à la participation de la CNSA au fonctionnement des MDPH de 70,8 millions d’euros pour 2016 (5).

Les ESAT sont des structures offrant aux travailleurs handicapés des activités professionnelles et un soutien médico-social et éducatif. L’article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles dispose que ces établissements et services d’aide par le travail accueillent des personnes handicapées dont les capacités de travail ne leur permettent pas, momentanément ou durablement, à temps plein ou à temps partiel, de travailler dans une entreprise ordinaire ou dans une entreprise adaptée.

Les ESAT mettent en œuvre deux types d’actions :

– des actions d’entretien des connaissances, de maintien des acquis scolaires et de formation professionnelle ;

– des actions éducatives d’accès à l’autonomie et d’implication dans la vie sociale.

Jusqu’à la loi de finances pour 2016, le financement des ESAT est assuré par le programme n° 157 « Handicap et dépendance ». Le financement représentait l’année dernière 2,754 milliards d’euros en couvrant trois domaines :

● le versement d’une dotation globale de fonctionnement dont le montant s’élevait pour 2016 à 1,477 milliard d’euros, correspondant à près de 120 000 places ;

● le financement d’un plan d’aide à l’investissement des ESAT à hauteur de 1,5 million d’euros pour 2016. Les ESAT figurent en effet parmi les structures les plus anciennes du secteur médico-social et connaissent des besoins importants de modernisation, auxquels ils ne peuvent souvent pas répondre par autofinancement sur fonds propres (il s’agit de structures majoritairement associatives) ;

● le soutien du revenu des personnes handicapées en ESAT par l’aide au poste au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés. Ce soutien est notamment prévu par l’article L. 243-4 du code de l’action sociale et des familles. Il dispose que tout travailleur handicapé accueilli dans un ESAT a droit à une rémunération garantie versée par l’établissement ou le service d’aide par le travail qui l’accueille et qui tient compte du caractère à temps plein ou à temps partiel de l’activité qu’il exerce. Elle est versée dès l’admission en période d’essai du travailleur handicapé sous réserve de la conclusion du contrat de soutien et d’aide par le travail. Elle permet la compensation par l’État des charges supportées en partie par les ESAT au titre de la rémunération garantie, des cotisations sociales afférentes, du financement partiel de la formation professionnelle continue et de la prévoyance au profit des travailleurs handicapés. Pour 2016, le montant s’élevait à 1,28 milliard d’euros, distribué par l’intermédiaire de l’Agence des services et de paiement.

Ce financement présentait un inconvénient pour les associations qui gèrent à la fois les ESAT, financés par l’État, et d’autres structures spécialisées, financées dans le cadre de l’objectif global de dépenses (6). Cette dichotomie aboutit à une dissociation des tarifications et des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). Le transfert du financement des ESAT à l’ONDAM va permettre de conclure les CPOM à l’échelle des gestionnaires ce qui présenterait l’avantage de récapituler l’ensemble des produits de la tarification. Elle permettra aux agences régionales de santé (ARS) de mieux piloter l’offre d’accompagnement à destination des personnes handicapées, et notamment des jeunes, afin de leur proposer des prises en charge plus adaptées à leurs parcours de vie. En particulier, la contractualisation permettra de clarifier les modalités de transition entre établissements.

L’article 74 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 a procédé en conséquence au transfert des deux premières lignes de crédits relatifs au fonctionnement des ESAT et au plan d’aide à l’investissement, soit environ 1,478 milliard d’euros. Est également prévue une généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) de ces établissements.

La garantie du niveau de rémunération des personnes handicapées n’est pas concernée par ce transfert et reste financée par l’action n° 12 du présent programme. Or votre rapporteure note que les montants alloués à l’aide au poste sont directement liés au nombre de places en ESAT et, par conséquent, au niveau de leurs dépenses de fonctionnement, alors que les deux enveloppes – dépenses de fonctionnement et aide au poste – seront placées sous la responsabilité de deux financeurs différents.

L’article 55 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 intègre ce transfert dans le cadre de la construction de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour 2017 à hauteur de 1,470 milliard d’euros.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, la nomenclature budgétaire du programme est modifiée et simplifiée autour de trois actions :

– l’action n° 11 « Fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées », qui ne prévoit plus que la compensation financière des vacances d’emplois relatifs aux personnels initialement mis à disposition par l’État et qui, soit sont partis en retraite, soit ont été réintégrés leur administration d’origine ou ont été mutés sans être remplacés par des personnels de même statut, relevant précédemment de l’action n° 1 (1,5 million d’euros pour 2017) ;

– l’action n° 12 « Allocations et aides en faveur des personnes handicapées », qui regroupe l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) et la part compensée à l’ESAT par l’État au titre de l’aide au poste, dans le cadre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH), soit les dépenses précédemment assurées par les actions n° 2 et 3 (10,581 milliards d’euros) ;

– l’action n° 13 « Pilotage du programme et animation des politiques inclusives » regroupant les crédits dévolus à l’emploi accompagné, à la promotion de la bientraitance des personnes âgées et handicapées, aux frais de justice, aux subventions pour les associations et aux études et évaluations réalisées dans le cadre de ce programme, précédemment répartis entre les actions n° 4, 5 et 6 (28 millions d’euros).

ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE 2016 ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE 2017

(en millions d’euros)

Action n° 1 – Évaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées

57,6

 

Action n° 11 – Fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées

1,5

Fonctionnement MDPH

57,6

 

Compensation financière des emplois vacants

1,5

         

Action n° 2 – Incitation à l’activité professionnelle

2 754,7

 

Action n° 12 – Allocations et aides en faveur des personnes handicapées

10 581,6

Fonctionnement ESAT

1 477,2

 

Garantie de rémunération des travailleurs handicapés - aide au poste

1 288,5

Investissement ESAT

1,5

 

Allocation spéciale d’invalidité

240,3

Garantie de rémunération des travailleurs handicapés - aide au poste

1 275,9

 

Allocation aux adultes handicapés

9 052,3

         

Action n° 3 – Ressources d’existence

8 852,8

 

Action n° 13 – Pilotage du programme et animation des politiques inclusives

28,1

Allocation aux adultes handicapés

8 605,5

 

Instituts nationaux pour jeunes aveugles et jeunes sourds

16,6

Allocation spéciale d’invalidité

247,3

 

Centre national de formation des enseignants intervenant auprès des déficients sensoriels (CNFEDS)

0,2

     

Dispositif d’écoute téléphonique et de traitement des signalements de maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés

1,9

Action n° 4 – Compensation des conséquences du handicap

17,3

 

Subventions nationales associations de personnes âgées

0,5

Instituts nationaux pour jeunes aveugles et jeunes sourds

16,6

 

Subventions nationales associations de personnes handicapées

0,7

Centre national de formation des enseignants intervenant auprès des déficients sensoriels (CNFEDS)

0,2

 

Centre national d’information sur la surdité (CNIS)

0,4

     

Centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI)

0,8

Action n° 5 – Personnes âgées

3,0

 

Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM)

1,2

Dispositif d’écoute téléphonique et de traitement des signalements de maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés

1,9

 

Frais de justice

0,5

Subventions nationales associations de personnes âgées

0,5

 

Ingénierie, observation et recherche

0,3

     

Emploi accompagné

5,0

Action n° 6 – Pilotage du programme

3,7

     

Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM)

1,2

 

Compensation assurance-maladie

1 470,0

Centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI)

0,8

 

Fonctionnement ESAT

1 470,0

Subventions nationales associations de personnes handicapées

0,7

     

Centre national d’information sur la surdité (CNIS)

0,42

 

Compensation CNSA

58,0

Ingénierie, observation et recherche

0,3

 

Fonctionnement MDPH

58,0

Frais de justice

0,2

     

Source : Projet annuel de performances et ministère des Affaires sociales.

 

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Allocation aux adultes handicapés (AAH)

8 605

9 052

5,19 %

Allocation supplémentaire d’invalidité (ASI)

247

241

– 2,43 %

Garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH)

1 276

1 288

0,94 %

Total

10 128

10 581

4,47 %

L’allocation aux adultes handicapés (AAH)

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a opéré une distinction fondamentale entre la compensation des surcoûts liés au handicap, prise en charge par la prestation de compensation du handicap (PCH) financée par le conseil départemental, et le revenu minimum stricto sensu financé par l’État, prenant la forme de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

L’AAH permet de garantir un revenu minimum aux personnes handicapées âgées de 20 à 60 ans qui présentent :

– soit un taux d’incapacité permanente égal ou supérieur à 80 % (article L. 821-1 du code de la sécurité sociale), bénéficiaire de l’« AAH 1 » ;

– soit un taux d’incapacité égal ou supérieur à 50 % et inférieur à 80 % (article L. 821-2 du même code). Dans ce cas, le droit à l’« AAH 2 » n’est ouvert que si l’intéressé présente une « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi » (RSDAE) du fait de son handicap, reconnue par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Le droit à l’AAH est accordé par les CDAPH siégeant au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). L’allocation est ensuite versée, selon le cas, par la caisse d’allocations familiales ou la mutualité sociale agricole.

Le montant maximal de la prestation à taux plein s’élève, à compter des allocations dues au titre du mois d’avril 2016, à 808,46 euros. Elle est subsidiaire par rapport à d’autres prestations et est soumise à une condition de ressources. Le montant attribué vient ainsi compléter les éventuelles autres ressources du bénéficiaire (pension d’invalidité, revenus d’activité professionnelle, revenus fonciers, pension alimentaire, intérêts de produits d’épargne, etc.) afin de porter celles-ci à un niveau garanti.

Deux compléments sont prévus par la loi pour les personnes les plus lourdement handicapées qui vivent dans un logement indépendant sans percevoir de revenu d’activité professionnelle : le complément de ressources pour les personnes handicapées (CPR), attribué aux allocataires dont la capacité de travail est inférieure à 5 %, et la majoration pour la vie autonome (MVA), destinée aux personnes qui perçoivent des aides au logement et ne perçoivent pas de revenu d’activité à caractère professionnel propre.

Le montant de la dotation pour le financement de l’AAH en 2017 s’élève à 9 052 milliards d’euros, en hausse de 5,19 % par rapport au montant prévu en LFI 2016. Il intègre à la fois l’évolution du nombre de bénéficiaires (« effet volume ») les effets de la revalorisation annuelle au 1er avril (« effet prix ») et l’impact des réformes qui seront mises en œuvre en 2017 relatives à la simplification et à l’harmonisation des minima sociaux ; cependant, l’exécution du budget 2016 pourrait rendre cette progression insuffisante.

● Des crédits ouverts en 2016 qui s’annoncent insuffisants

Ce dynamisme va cependant nécessiter d’abonder les crédits ouverts par la loi de finances pour 2016 : comme le considérait la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques du 29 juin 2016, le risque d’insuffisance de dotations pour le financement de l’AAH en 2016 est avéré. Les projections du ministère sur la base des huit premiers mois conduisent à évaluer le montant total versé en 2016 à 9,092 milliards d’euros, soit 486 millions de plus que le montant prévu par la loi de finances. Si, « compte tenu de la tendance haussière des dépenses d’AAH, la levée de la réserve de précaution va être sollicitée comme lors des exercices précédents » (7), ces besoins complémentaires, nécessiteront des redéploiements internes au sein du programme ou à la mission solidarité, ou, le cas échéant par une demande d’ouverture de crédits en loi de finances rectificative.

Au total, le crédit prévu par la présente loi de finances pourrait être inférieur aux besoins constatés dans le cadre de l’exécution du budget 2016.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L’AAH
ET DES CRÉDITS CORRESPONDANTS

Années

Nombre de bénéficiaires
(au 31/12)

Montant moyen de l’allocation

Crédits inscrits en LFI
en (M€)

Dépenses effectives
(en M€)

Crédits inscrits en LFR et redéploiement (en M€)

Soldes (crédits inscrits - dépenses effectives)

2008

848 806

565 €

5 410,00

5 650,08

236,53

– 3,55

2009

883 330

595 €

5 811,90

6 149,57

335,6

– 2,07

2010

915 000

619 €

6 234,20

6 608,93

398,16

23,43

2011

956 589

596 €

6 938,20

7 150,00

152,82

– 58,98

2012

996 957

622 €

7 515,20

7 806,17

290,97

76,2

2013

1 023 300

640 €

8 155,00

8 191,30

25

– 11,3

2014

1 041 775

653 €

8 400,77

8 503

81,8

– 20,4

2015

1 063 306

666 €

8 831,00

8 513,14

-317,86

313,69

2016

Entre 1 076 600
et 1 080 900*

675 €*

8 605,51

NC

NC

NC

2017

Entre 1 120 600
et 1 136 200*

 

9 032,06
(PLF 2017)

NC

NC

NC

(*) Prévision DREES du nombre de bénéficiaires AAH, d’après note DREES du février 2016 et note CNAF du 29 avril 2016.

Source : Réponse au questionnaire budgétaire et ministère des Affaires sociales.

● La décélération de l’augmentation du nombre de bénéficiaires

Le nombre d’allocataires connaît une évolution dynamique depuis 2008, date à laquelle l’AAH bénéficiait en moyenne à 848 800 personnes. Elle résulte de plusieurs effets : la revalorisation des plafonds de ressources de l’ordre de 29 % entre le 1er janvier 2008 et le 1er avril 2016, l’impact de la crise économique mais également le décalage de l’âge légal de départ à la retraite et le vieillissement des premières générations du baby-boom.

Toutefois, une décélération de cette progression est constatée depuis fin 2012, en raison notamment de la fin de la revalorisation exceptionnelle de la prestation et d’un travail d’harmonisation des pratiques locales d’attribution d’AAH, sur la base du décret du 16 août 2011 définissant la notion de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi (RSDAE). Pour 2017, l’estimation prend en compte à la fois la poursuite du ralentissement de l’augmentation des bénéficiaires de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale (c’est-à-dire présentant un taux d’incapacité permanente inférieur à 80 % et supérieur à 50 % et souffrant d’une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi »), mais aussi, a contrario, l’hypothèse de la poursuite des effets de la crise économique et les effets du décalage de l’âge d’ouverture des droits à une pension de vieillesse.

● Le décalage de l’effet prix

L’« effet prix » correspond quant à lui à la revalorisation annuelle de la prestation. Après avoir vu son montant augmenter de 25 % entre 2008 et 2012, l’AAH est dorénavant revalorisée au 1er avril de chaque année et non plus au 1er septembre, conformément au montant prévisionnel de l’inflation (0,1 % au 1er avril 2016) (8).

● Les mesures de simplification à mettre en œuvre en 2017

Par ailleurs, plusieurs des mesures de simplification décidées en application de préconisations du rapport remis par Christophe Sirugue (9) seront mises en œuvre au 1er janvier 2017. Dans le premier scénario esquissé par son rapport, notre ancien collègue préconise douze mesures de simplification de l’architecture des minima sociaux, dont plusieurs concernent l’AAH.

Comme l’a annoncé le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap du 19 mai 2016, les bénéficiaires de l’AAH avec un taux d’incapacité supérieur à 80 % (dite « AAH1 »), et dont le handicap est particulièrement grave et insusceptible d’évolution favorable, pourront se voir accorder l’allocation pour une durée de 20 ans, contre 10 ans dans la réglementation actuelle. Cet accroissement de la durée d’attribution espace ainsi leurs demandes de renouvellement.

Les démarches des personnes handicapées au moment du départ en retraite seront revues, pour alléger les démarches des personnes particulièrement fragiles à l’heure de l’âge légal de départ à la retraite. Certaines pourront ainsi conserver le bénéfice de l’AAH sans avoir à solliciter préalablement l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA), ce qui était jusqu’à présent obligatoire.

L’articulation entre l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) et l’AAH sera clarifiée. Cette approche sera complétée par une analyse des modalités d’accompagnement des travailleurs handicapés en situation de chômage de très longue durée.

Enfin, le ministère des Affaires sociales indique à votre rapporteure pour avis que « La réflexion se poursuit également dans le cadre de la mission Sirugue pour accroître l’effort de pilotage et garantir l’égalité de traitement des bénéficiaires de l’AAH sur l’ensemble du territoire » (10). De nouveaux outils sont développés par la DGCS et mis à disposition des services déconcentrés de l’État siégeant en CDAPH et de l’ensemble des acteurs concernés pour faciliter l’appréciation de la situation de la personne en vue de l’attribution de la prestation et pour harmoniser les pratiques d’un territoire à l’autre. Il s’agit notamment d’un « guide pratique » mis à disposition des services déconcentrés de l’État siégeant en CDAPH et de l’ensemble des acteurs concernés. Il regroupera un ensemble de cas pratiques inspirés de cas réels pour faciliter l’appréciation de la situation de la personne en vue de l’attribution de la prestation et pour harmoniser les pratiques La construction de cet outil associe les services de l’État, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et la CNSA afin d’obtenir un référentiel partagé.

La nouvelle action n° 12 comporte également des crédits destinés à financer l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), pour un montant de 241 millions d’euros. Cette prestation, définie aux articles L. 815-24 et suivants du code de la sécurité sociale, vient compléter les ressources des bénéficiaires d’une pension d’invalidité ou d’un avantage vieillesse (pension de réversion, de veuvage, de retraite anticipée pour carrière longue ou pour pénibilité) si ces derniers sont atteints d’une invalidité générale réduisant leur capacité de travail ou de gain d’au moins deux tiers. Versée sous condition de ressources, elle s’adresse aux personnes qui n’ont pas atteint l’âge légal de départ à la retraite et ne peuvent donc bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Les bénéficiaires de l’ASI peuvent percevoir une AAH différentielle si le niveau de l’ASI est inférieur au montant de l’AAH, ainsi que, depuis 2007, les compléments de l’AAH (complément de ressources et majoration pour la vie autonome).

Son montant peut atteindre 4 850,02 euros par an pour une personne seule et 8 003,28 euros par an pour un couple marié. L’allocation est versée sous conditions de ressources, les plafonds étant fixés à 8 432,47 euros par an pour une personne seule et 14 770,08 euros par an pour un couple marié.

Contrairement à l’AAH, le nombre de bénéficiaires de l’ASI est en diminution depuis plusieurs années, principalement en raison de l’amélioration relative des ressources des pensionnés d’invalidité, la progression de leurs ressources étant globalement plus rapide que l’évolution de l’inflation sur laquelle est indexé le plafond de ressources de l’ASI. En moyenne annuelle, cette réduction s’est établie à - 2,9 % en 2012, - 1,5 % en 2013, - 0,8 % en 2014 et - 2,2 % en 2015.

Les derniers exercices ont été marqués par une baisse continue des effectifs qui s’explique par l’amélioration relative des ressources des pensionnés d’invalidité. La progression de leurs ressources étant globalement plus rapide que l’évolution de l’inflation sur laquelle est indexé le plafond de ressources de l’ASI, les dépenses engagées au titre de ce dispositif sont spontanément orientées à la baisse. Cet effet peut se traduire tant par une diminution du nombre d’entrées dans le dispositif, que par la réduction du montant de l’allocation différentielle distribuée aux bénéficiaires ou encore par la sortie de certains d’entre eux du dispositif.

Cette dynamique s’inverse aujourd’hui en raison du relèvement de l’âge minimum légal de départ à la retraite prévue par la loi du 9 novembre 2010 et dont le calendrier de mise en œuvre a été accéléré en loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 puis dans le cadre de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. En effet, ce relèvement de l’âge minimum légal de départ à la retraite a un effet direct sur le nombre de bénéficiaires de l’ASI puisqu’il s’agit du seuil retenu au-delà duquel les allocataires sortent du dispositif, pour bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Compte tenu de ces éléments, le nombre d’allocataires devrait diminuer de 1 % en 2016 et le projet de loi de finances retient une hypothèse prudente de hausse de 0,5 % du nombre de bénéficiaires en 2017.

Les crédits de la nouvelle action n° 12 permettent également le financement de l’aide au poste dans le cadre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH), soit la compensation partielle de la rémunération des travailleurs handicapés, des cotisations sociales afférentes et de la formation professionnelle continue et de la prévoyance.

En complément de la part directement financée par l’ESAT qui doit être supérieure à 5 % du SMIC, l’aide au poste a vocation à permettre la compensation par l’État des charges supportées par les ESAT au titre de la rémunération, des cotisations sociales afférentes, du financement partiel de la formation professionnelle continue et de la prévoyance des travailleurs handicapés admis dans ces établissements et services, dans les conditions définies par les articles L. 243-4 et suivants du code de l’action sociale et des familles.

La rémunération garantie varie en fonction du caractère à temps plein ou à temps partiel de l’activité exercée par la personne handicapée. Elle est d’autant plus importante que le niveau de participation financière de la structure est élevé afin de jouer un rôle d’incitation. En effet, le montant de l’aide au poste s’élève à 50 % du salaire minimum de croissance (SMIC) lorsque la part de la rémunération financée par l’ESAT est comprise entre 5 % et 20 % du salaire minimum de croissance. Lorsque la part de la rémunération garantie qui est financée par l’établissement dépasse le seuil de 20 % du SMIC, le pourcentage de 50 % (part État) est ensuite réduit de 0,5 % pour chaque hausse de 1 % de la part de la rémunération financée par l’ESAT.

La rémunération directement servie par les ESAT à partir de la valeur ajoutée dégagée sur le budget annexe de l’activité de production et de commercialisation est en moyenne égale à 10,78 % du SMIC au 31 décembre 2015, portant ainsi la GRTH globale versée en moyenne à un taux de 60,95 % du SMIC (partie ESAT + aide au poste État).

L’aide au poste est versée aux ESAT par l’intermédiaire de l’Agence des services et de paiement (ASP).

Les crédits 2017, d’un montant de 1 288,5 millions d’euros, sont en progression de 0,9 %. Ils correspondent au financement de la compensation servie pour la rémunération de l’ensemble des travailleurs handicapés orientés et accompagnés dans les 119 231 places d’ESAT autorisées. Ils prennent en compte les effets de la revalorisation du SMIC et de la hausse des cotisations vieillesse (+ 0,10 %). Ils intègrent également les frais de fonctionnement versés à l’ASP, estimés à 1,1 million d’euros.

La nouvelle action n° 13 « Pilotage du programme et animation des politiques inclusives » a vocation à rassembler l’ensemble des actions de pilotage et d’animation des politiques inclusives précédemment répartis entre les actions n° 4, 5 et 6, à savoir les crédits dévolus à l’emploi accompagné, à la promotion de la bientraitance des personnes âgées et handicapées, aux frais de justice, aux subventions pour les associations et aux études et évaluations réalisées dans le cadre de ce programme.

D’un montant total de 28 millions pour 2017, cette action reconduit les crédits ouverts dans le cadre des actions n° 4, 5 et 6 en loi de finances pour 2016. La hausse de 5,6 millions d’euros par rapport aux crédits correspondants ouverts en loi de finances pour 2016 correspond à un abondement des frais de justice (0,5 million d’euros) et au financement du dispositif d’emploi accompagné (5 millions d’euros).

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE L’ACTION N° 13
« PILOTAGE DU PROGRAMME ET ANIMATION DES POLITIQUES INCLUSIVES »

(en euros)

 

Crédits
LFI 2016
reconstitués au périmètre PLF 2017

Crédits
LFI 2017

Accompagnement de la situation de handicap

0

5 000 000

Subventions nationales opérateurs et lutte contre la maltraitance

21 952 045

22 277 045

Instituts nationaux pour jeunes aveugles et jeunes sourds

16 178 616

16 603 616

Centre national de formation des enseignants intervenant auprès des déficients sensoriels (CNFEDS)

213 429

213 429

Dispositif d’écoute téléphonique et de traitement des signalements de maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés

1 900 000

1 900 000

Subventions nationales associations de personnes âgées

460 000

460 000

Subventions nationales associations de personnes handicapées

700 000

700 000

Centre national d’information sur la surdité (CNIS)

420 000

420 000

Centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI)

780 000

780 000

Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM)

1 300 000

1 200 000

Contentieux et études

540 139

840 139

Frais de justice

200 000

500 000

Ingénierie, observation et recherche

340 139

340 139

Total action n° 13

22 492 184

28 117 184

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Cette action finance ainsi le développement de la politique de bientraitance envers les personnes âgées et les personnes handicapées dont notamment l’amélioration tant du repérage des risques de maltraitance que du signalement des faits de maltraitance, notamment dans le cadre du dispositif national d’écoute maltraitance personnes âgées et adultes handicapés (1,9 million d’euros).

Elle prend également en charge la participation au financement de plusieurs institutions de formation et d’information (Institut national des jeunes aveugles de Paris, Instituts nationaux de jeunes sourds de Bordeaux, Chambéry, Metz et Paris, Centre national de formation des enseignants intervenant auprès des déficients sensoriels (CNFEDS) de Chambéry, Centre national d’information sur la surdité (CNIS), Centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI) et Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM)) pour 18,9 millions d’euros.

Elle regroupe les subventions nationales à des associations « têtes de réseau » de personnes âgées et de personnes handicapées (1,2 million d’euros).

Elle intègre également les frais de justice, qui passent de 200 000 à 500 000 euros, et qui ont pour objet de couvrir les éventuelles condamnations de l’État dans les contentieux qui seraient liés notamment aux MDPH, au défaut de scolarisation d’enfants handicapés ou au refus de délivrance de cartes de stationnement.

Cependant, la principale innovation de cette action budgétaire concerne la prise en charge des crédits pour l’emploi accompagné, d’un montant de 5 millions d’euros pour 2017.

Le développement de l’emploi accompagné constitue un enjeu majeur pour l’insertion durable des personnes handicapées dans le milieu de travail ordinaire. Comme annoncé lors de la conférence nationale du handicap du 19 mai 2016, le dispositif de l’emploi accompagné a été introduit dans le code du travail (article L. 5213-2-1) et le code de l’action sociale et des familles (article L. 243-1) par l’article 52 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

L’emploi accompagné est un dispositif d’appui pour les personnes en situation de handicap en vue de leur permettre d’obtenir et de garder un emploi rémunéré sur le marché du travail. Il vient développer la palette d’offres existante en permettant aux salariés handicapés – quel que soit leur milieu de travail, ordinaire ou protégé, par exemple en ESAT – de bénéficier d’un accompagnement spécifique, médico-social et du service public de l’emploi, à tout moment du parcours professionnel.

Les travailleurs reconnus handicapés pourront bénéficier d’un dispositif d’emploi accompagné comportant, selon leurs besoins, un accompagnement médico-social et un soutien à l’insertion professionnelle durable, en vue de leur permettre d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail. La mise en œuvre pourra comprendre un soutien et un accompagnement du salarié, ainsi que de l’employeur.

Il sera porté par une personne morale qui signera une convention avec au moins un établissement social ou médico-social accompagnant des personnes handicapées d’une part, et avec le service public de l’emploi d’autre part. Ce dispositif sera mis en œuvre sur décision de la CDAPH, le cas échéant sur proposition des organismes relevant du service public de l’emploi (Cap Emploi, Pôle emploi, missions locales pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes). Ce gestionnaire sera également tenu de conclure avec l’agence régionale de santé une convention ou un avenant à son contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens pour bénéficier des financements qui sont assurés, pour ce qui concerne les aspects médico-sociaux, par l’État.

Un cahier des charges fixé par décret précisera les personnes morales susceptibles de porter ce type de dispositif, dont les ESAT, ainsi que les modalités concrètes de mise en œuvre de l’emploi accompagné.

Les 5 millions d’euros prévus par le présent projet de loi de finances sont destinés à lancer le dispositif d’emploi accompagné. En 2017, les agences régionales de santé lanceront des appels à projets afin de retenir les dispositifs proposant le meilleur accompagnement des personnes dans l’emploi ordinaire. L’évaluation de ce dispositif permettra d’identifier les initiatives locales ayant vocation à se généraliser.

La nouvelle action n° 11 a vocation à retracer les crédits attribués par l’État aux maisons départementales des personnes handicapées, groupements d’intérêt public créés par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Chaque MDPH est chargée d’accueillir les personnes handicapées, de les informer, d’organiser l’instruction des demandes de prestations et d’orientation, l’évaluation des besoins des personnes et le fonctionnement de l’instance de décision qu’est la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Après transfert à la CNSA du financement de la part de l’État dans le fonctionnement des MDPH, cette action ne comprend en 2017 que 1,5 million d’euros, transfert en provenance des programmes 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » et 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail » au titre de la compensation financière des vacances d’emplois relatifs aux personnels initialement mis à disposition des MDPH par l’État et qui, soit sont partis en retraite, soit ont été réintégrés leur administration d’origine ou ont été mutés, sans être remplacés par des personnels de même statut.

La recherche d’une inclusion des personnes en situation de handicap dans la société passe, avant tout, par la garantie d’un droit à l’emploi. Dans ce cadre, la loi du 11 février 2005 donne clairement la priorité au travail en milieu ordinaire en matière d’accès à l’emploi.

L’article 27 de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées signée le 30 mars 2007 et ratifiée par la France le 18 février 2010, reconnaît aux personnes handicapées « sur la base de l’égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l’inclusion et accessibles aux personnes handicapées. [Les États parties] garantissent et favorisent l’exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en cours d’emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives ».

Aujourd’hui cependant, la multiplication des dispositifs distincts et, entre la mise en œuvre de ceux-ci, des ruptures de parcours des personnes en matière de formation et d’accès à l’emploi, marquent les limites de la mise en place des initiatives prises depuis 2005. Les nouvelles générations éduquées depuis 2005, pour lesquelles l’enseignement en milieu ordinaire et l’inclusion dans la vie professionnelle vont de soi, ne peuvent comprendre pourquoi leur accès à la formation et à l’emploi relève encore parfois du parcours du combattant.

Au regard du développement des politiques d’insertion et pour un plus grand respect du libre choix des personnes, ce constat nécessite d’amplifier le virage pris depuis quelques années pour définir avant tout un parcours coordonné et accompagné vers et dans l’emploi, qui prennent en compte des objectifs de fluidité, de coordination et d’évolutivité des situations, notamment en ce qui concerne les handicaps mentaux et psychiques.

Alors que longtemps les personnes handicapées ont été considérées comme « inaptes » et dénuées de droit au travail, le législateur a progressivement dégagé un droit au travail des personnes en situation de handicap dans un premier temps par la création d’une obligation d’emploi, et dans un second temps par l’interdiction des discriminations à l’embauche.

Depuis la loi du 26 avril 1924 assurant l’emploi obligatoire des mutilés de guerre, le principe d’un droit au travail a été institué, par la mise en place d’une obligation d’emploi de 10 % de travailleurs mutilés dans toute entreprise de plus de 10 salariés, malgré les difficultés de sa mise en œuvre. D’abord réservée aux invalides de guerre, cette disposition s’est appliquée à partir de 1930 aux accidentés du travail, puis à partir de 1957 à tout type de handicap.

La loi du 23 novembre 1957 a renouvelé l’obligation initiale et utilisé pour la première fois la notion de « travailleur handicapé », pour définir le cas d’une personne qui a des difficultés à trouver ou garder un emploi en raison d’une déficience. Elle a également précisé l’obligation pour les entreprises d’embaucher 10 % de travailleurs handicapés en distinguant deux catégories de travailleurs : 7 % d’invalides de guerre, et 3 % d’invalides civils. À l’époque, c’était une obligation de moyens – prendre toutes les mesures pour essayer d’atteindre un objectif – et non une obligation de résultat – atteindre l’objectif en toutes circonstances.

La loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées affirme pour la première fois le principe d’une « obligation nationale » de formation et d’orientation professionnelle et d’accès à l’emploi.

Cependant, c’est seulement par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés que l’obligation de résultat a été fixée, lorsque l’obligation pour les entreprises d’embaucher 6 % de travailleurs handicapés a été instaurée.

Les établissements ne remplissant pas cette obligation doivent alors engager les actions suivantes :

– la signature d’un accord agréé de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement prévoyant la mise en œuvre d’un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés comportant obligatoirement un plan d’embauche en milieu ordinaire, un plan de maintien en emploi et un plan d’insertion et de formation ou un plan d’adaptation aux mutations technologiques ;

– l’accueil de personnes handicapées dans le cadre d’un stage ou d’une mise en situation en milieu professionnel ;

– la sous-traitance avec le secteur protégé ou adapté (représentant seulement 50 % de l’obligation légale d’emploi) ;

– le versement d’une contribution différentielle à un organisme collecteur paritaire, l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), chargé de financer des aides en faveur de l’insertion des personnes handicapées dans le monde professionnel.

Enfin, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a modifié les modalités de calcul de cette contribution et introduit le principe au sein des trois fonctions publiques : les administrations ne respectant pas l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapées sont redevables d’une contribution auprès du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).

L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

L’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH) concerne tous les établissements de 20 salariés ou plus du secteur privé ainsi que les établissements publics à caractère industriel ou commercial (Epic) de 20 salariés ou plus. Depuis la loi du 11 février 2005, tout établissement qui emploie 20 salariés ou plus au moment de sa création ou en raison de l’accroissement de son effectif dispose, pour se mettre en conformité avec l’obligation d’emploi, d’un délai de trois ans. La loi de 2005 a également étendu l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés aux établissements du secteur public (autres que les Epic), mais celle-ci fait l’objet d’un dispositif spécifique.

L’OETH impose aux établissements assujettis de porter la part des travailleurs handicapés à 6 % de leur effectif d’assujettissement, arrondi à l’unité inférieure.

Pour le calcul de l’effectif d’assujettissement, les salariés en CDI présents au 31 décembre de l’année concernée sont pris en compte intégralement s’ils sont à temps plein ou au prorata de leur durée hebdomadaire du travail s’ils sont à temps partiel ; ils ne comptent pas du tout s’ils ont quitté l’établissement avant cette date. Les autres salariés (les titulaires de CDD, les travailleurs mis à disposition par une entreprise extérieure, les intérimaires et les saisonniers) sont pris en compte au prorata de leur temps de travail au cours des douze derniers mois.

Les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

Les personnes pouvant être employées au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés dans le secteur privé et dans le secteur public à caractère industriel et commercial doivent nécessairement appartenir à l’une des catégories de bénéficiaires suivantes :

– les travailleurs ayant obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ;

– les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle (AT-MP) ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d’une rente attribuée au titre de tout régime de protection sociale obligatoire ;

– les titulaires d’une pension d’invalidité, à condition que l’état d’invalidité ait réduit des deux tiers au moins leur capacité de travail ou de gain ;

– les titulaires d’une carte d’invalidité ;

– les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ;

– les anciens militaires et assimilés, titulaires d’une pension militaire d’invalidité au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

Au niveau européen, la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, fixe le cadre général du droit au travail des personnes handicapées et de l’interdiction des discriminations liées au handicap. Elle pose le principe selon lequel l’employeur prend les mesures appropriées pour permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l’employeur une charge disproportionnée. Cette charge est réputée telle lorsqu’elle n’est pas compensée de manière suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l’État membre concerné en faveur des personnes handicapées.

La notion d’aménagement raisonnable, qui renvoie à celle de la compensation des charges, est définie et encadrée à l’article 5 de la directive : « Afin de garantir le respect du principe de l’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l’employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l’employeur une charge disproportionnée. Cette charge n’est pas disproportionnée lorsqu’elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l’État membre concerné en faveur des personnes handicapées ».

Cinq lois ont permis la transposition de cette directive en premier lieu par la loi du 11 février 2005, mais aussi par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (11).

Ces textes ont permis la mise en place de dispositifs particuliers, d’institutions spécialisées, de prises en charge adaptées pour les futurs travailleurs handicapés, afin de leur permettre une formation adaptée et une insertion dans l’emploi dans le milieu dit « protégé » – regroupant les établissements et services d’aide par le travail (ESAT), anciennement centres d’aide par le travail (CAT) et les entreprises adaptées (EA) – ou le milieu ordinaire.

Cependant, votre rapporteure pour avis regrette que ces dispositifs fonctionnent encore trop de manière cloisonnée, en maintenant la personne dans une voie prédéfinie ; elle appelle aussi de ses vœux l’intensification du virage pris ces dernières années, qui s’attache à assurer un suivi de la personne au sein de son parcours plutôt que de la classer dans des chemins prédéterminés en fonction des dispositifs existants.

Sa mise en œuvre a permis de doubler en dix ans le nombre d’élèves et d’étudiants en situation de handicap. En 2015-2016, 278 978 enfants en situation de handicap ont été scolarisés dans les écoles et établissements relevant du ministère de l’Éducation nationale (public et privé), 160 043 dans le premier degré et 118 935 dans le second degré ; depuis 2012, ce sont 24 % d’élèves supplémentaires en situation de handicap qui sont scolarisés en milieu ordinaire ; dans le second degré, l’évolution est particulièrement importante avec une augmentation de 33 % d’élèves en situation de handicap en plus au sein des établissements scolaires (12).

Toutefois, à l’école, au collège et au lycée, comme l’ont montré de nombreux rapports, dont celui du sénateur Paul Blanc en 2011 (13) et celui du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) de juillet 2013 (14), cet accroissement très important appelait le renforcement de trois axes principaux, présenté dans le cadre de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 11 décembre 2014, complétés par une action supplémentaire présentée lors de la CNH du 19 mai 2016.

● Afin de mieux évaluer les besoins des enfants, ceux-ci sont évalués depuis la rentrée 2015 à l’aide d’un support partagé pour les MDPH, les services de l’éducation nationale, et les familles, visant à recueillir les informations utiles et nécessaires à l’évaluation appelée « GEVA-Sco ».

● Afin d’améliorer la qualité de l’accompagnement des enfants handicapés scolarisés, jusqu’ici assuré par des personnes embauchées sous contrats précaires et dépourvues de formation spécifique (69 000 auxiliaires de vie scolaire), le Gouvernement a pris plusieurs mesures en 2013, dans la suite des recommandations du rapport de Mme Pénélope Komitès sur la professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire, désormais embauchés en contrat à durée indéterminée. Le 19 mai 2016, le Président de la république a en outre annoncé la pérennisation des emplois affectés à l’Éducation nationale et destinés à l’accompagnement des élèves handicapés, ce qui permettra la transformation progressive en 5 ans des quelque 50 000 contrats aidés d’auxiliaire de vie scolaire en contrats d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Dès la rentrée 2016, 6 000 contrats doivent être transformés à ce titre.

● Afin d’améliorer la coopération entre l’Éducation nationale et les établissements médico-sociaux dans l’objectif d’inclusion scolaire, la conférence nationale du handicap du 11 décembre 2014 a prévu notamment l’implantation en milieu scolaire ordinaire des dispositifs de scolarisation des jeunes accompagnés par des établissements médico-sociaux (« unités d’enseignement externalisées ») sur le modèle de ce qui a été déjà réalisé pour les unités d’enseignement en maternelle pour les enfants avec autisme ou autres troubles envahissants du développement. Le président de la République a également indiqué que la qualité des apprentissages des enfants sourds sera renforcée par une meilleure prise en compte de leur choix linguistique et par une formation adéquate, dès septembre 2015, des enseignants spécialisés en Langue des signes française (LSF) et en Langage parlé complété (LPC). En outre, chaque projet d’école devra désormais comporter un volet sur l’accueil et les stratégies d’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers. Dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, l’effort des collectivités pour intégrer aux activités périscolaires les enfants handicapés a été soutenu dès la rentrée 2015/2016 par l’Éducation nationale et avec les concours financiers de la CNAF.

● Enfin, la conférence nationale du handicap du 19 mai 2016 a prévu d’améliorer les conditions d’accès des collégiens handicapés aux filières professionnelles et à l’apprentissage. Une circulaire relative à « la formation et l’insertion professionnelle des élèves en situation de handicap », qu’ils soient scolarisés dans un établissement scolaire, avec ou sans le soutien d’une unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS pro) ou encore dans un établissement médico-social, est en cours de rédaction et devrait être publiée avant la fin 2016. Le projet de circulaire traite notamment de la préparation du projet professionnel, du choix de l’orientation dans le cadre du Parcours avenir de l’Éducation nationale, des procédures d’affectation spécifiques, des stages en entreprise et des périodes de formation en milieu professionnel, des parcours en ULIS pro ainsi que de la préparation à l’insertion professionnelle.

En outre, l’obtention d’un diplôme n’étant pas toujours possible pour certains élèves en situation de handicap, il est essentiel de pouvoir leur permettre de justifier des compétences acquises au regard des référentiels de la formation suivie. C’est pourquoi la question des attestations de compétences doit encore être précisée par cette circulaire.

S’il est difficile de connaître exactement la formation professionnelle des travailleurs handicapés en emploi, il existe des données sur les formations effectuées par les travailleurs handicapés en recherche d’emploi ou en alternance.

● La formation professionnelle des travailleurs handicapés en recherche d’emploi

En 2013, 8 % des entrées en formation de personnes en recherche d’emploi ont concerné des personnes handicapées, soit 49 700. Cette part est restée quasiment stable depuis 2009. Le volume d’entrées en formation de personnes handicapées en recherche d’emploi a crû de 30 % depuis 2009, à un rythme légèrement plus élevé que pour l’ensemble des personnes en recherche d’emploi (+ 27 %).

En 2013, la population des travailleurs handicapés en recherche d’emploi entrés en formation reste plus masculine que l’ensemble des personnes en recherche d’emploi et entrées en formation (57 % contre 52 %). Les travailleurs handicapés en recherche d’emploi entrés en formation sont aussi plus âgés que l’ensemble des personnes en recherche d’emploi entrées en formation : en 2013, 12 % ont moins de 26 ans (contre 39 %) et 41 % ont 45 ans ou plus (contre 18 %) (15).

● La formation en alternance des travailleurs handicapés

La formation en alternance est organisée autour de deux contrats, le contrat d’apprentissage dans le cadre de la formation initiale et le contrat de professionnalisation qui s’inscrit dans le cadre de la formation professionnelle continue. Chacun des deux contrats fait l’objet de dispositions spécifiques aux personnes handicapées. Dans le cas du contrat de professionnalisation, les personnes handicapées figurent parmi les publics prioritaires. La part des travailleurs handicapés dans l’ensemble des entrées en contrats d’alternance est très marginale, environ 1 % en 2014. Cependant le nombre d’entrées, notamment en contrats d’apprentissage, progresse à un rythme soutenu depuis 2012.

Les travailleurs handicapés peuvent bénéficier, à partir de 16 ans, d’un contrat d’apprentissage qui fait l’objet d’aménagements particuliers : durée et modalités de la formation, adaptation pédagogique à leurs besoins. En 2014, 2 600 nouveaux contrats de travailleurs handicapés ont été enregistrés. Ce nombre a fortement augmenté entre 2012 et 2014 (+ 50 %), alors qu’il baissait de 10 % pour l’ensemble de la population. Les actions en faveur de l’alternance menées par l’AGEFIPH depuis 2013 ont pu contribuer à cette hausse. La part des nouveaux contrats de travailleurs handicapés dans l’ensemble des nouveaux contrats d’apprentissage reste cependant très marginale (moins de 1 %). La limite d’âge pour accéder au contrat d’apprentissage, fixée à 26 ans pour le droit commun, ne s’applique pas dans le cas d’un bénéficiaire reconnu travailleur handicapé : ainsi, 19 % des nouvelles entrées concernent des travailleurs handicapés de plus de 26 ans en 2014.

Le contrat de professionnalisation s’adresse à tous les jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus, aux demandeurs d’emploi âgés de 26 ans ou plus, ainsi qu’aux travailleurs handicapés sans limite d’âge. Son objectif est de permettre à ces publics d’acquérir une qualification professionnelle et de favoriser leur insertion ou réinsertion professionnelle. Les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés sont un public prioritaire de ce dispositif.

Au cours de l’année 2014, 2 700 travailleurs handicapés ont débuté un contrat de professionnalisation, soit une hausse de 18 % par rapport à 2013.

Pour 70 % des bénéficiaires handicapés, l’embauche fait suite à une période de chômage ou d’inactivité, contre 34 % dans l’ensemble. Cela s’explique en partie par la moyenne d’âge plus élevée ainsi qu’un taux de chômage et d’inactivité plus important de la population handicapée.

Les bénéficiaires handicapés des nouveaux contrats de professionnalisation ont également un niveau de formation inférieur à l’ensemble des personnes en contrat de professionnalisation : 20 % n’ont aucun diplôme ni titre professionnel, contre 9 % ; ils étaient 22 % en 2012. Alors que 31 % de l’ensemble des bénéficiaires sont embauchés en contrat de professionnalisation à l’issue de leur scolarité, ce n’est le cas que de 6 % des bénéficiaires handicapés.

● Des avancées législatives récentes en faveur de la formation professionnelle des travailleurs handicapés qui doivent encore être mises en œuvre

La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale et la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ont prévu des dispositions destinées particulièrement aux personnes handicapées.

Ainsi, l’AGEFIPH peut mettre en place un abondement spécifique des comptes personnels de formation des personnes handicapées. Cependant, en 2015, cet abondement n’a concerné que 242 bénéficiaires demandeurs d’emploi et 8 salariés (pour un montant de 0,61 million d’euros). Par comparaison, le nombre de dossiers CPF tous publics validé en 2015 s’élève à 212 393 dont 165 447 pour les demandeurs d’emploi et 49 950 pour les salariés. La Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle explique que « Ce démarrage limité en nombre et en financement s’explique par des modalités opérationnelles encore complexes à mettre en œuvre » (16).

En outre, l’entretien professionnel systématique au retour d’un arrêt longue maladie contribuera à prévenir l’inaptitude ou à accompagner la mobilité quand celle-ci est devenue indispensable pour raisons de santé.

Le développement des conseils en évolution professionnelle et des périodes de mise en situation professionnelle devrait être adapté aux personnes handicapées en ce qu’elles représentent une opportunité de vérifier l’adéquation entre un métier et leurs capacités. Mais elles bénéficieront en outre de dispositions spécifiques de la loi du 5 mars 2014, notamment la clarification de la répartition des compétences, les régions étant désormais chargées de l’accès à la formation et à la qualification professionnelle des personnes handicapées. Le programme régional d’accès à la formation des personnes handicapées de la région sera établi après consultation du CREFOP, qui disposera de la vision globale de la stratégie du territoire ; en outre, la loi intègre les centres de rééducation professionnelle (CRP) et les écoles de reconversion professionnelle (ERP) dans le service public régional de la formation professionnelle et donne une compétence exclusive aux régions pour assurer la rémunération des stagiaires en CRP et ERP.

● Des attentes insatisfaites en matière d’offres de formation

Malgré la multiplication des dispositifs législatifs et réglementaires destinés à favoriser l’accès à la formation des travailleurs handicapés, les auditions menées par votre rapporteure pour avis ont montré que les intéressés étaient relativement critiques vis-à-vis de leur mise en œuvre sur le terrain.

Ainsi, l’offre de formations – initiale ou continue – adaptées et accessibles aux personnes handicapées reste jugée comme insuffisante par rapport aux besoins des personnes.

En outre, il a été rapporté que par habitude, étaient encore largement proposées des formations adaptées qui ne rencontrent plus de débouchés : ainsi, il est encore souvent proposé aux non-voyants et malvoyants des formations de standardistes, profession qui a représenté un vrai gisement d’emploi pour les travailleurs handicapés mais qui est désormais en voie de disparition.

Malgré la multiplication des dispositifs, les travailleurs handicapés restent peu formés – plus de la moitié n’a pas de diplôme ou le seul BEPC – et donc loin de l’emploi : 18 % des personnes disposant d’une reconnaissance administrative du handicap sont au chômage.

En 2013, selon l’enquête Emploi en continu (EEC) (17), 2,4 millions de personnes de 15 à 64 ans vivant en logement ordinaire déclarent bénéficier d’une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie. Si l’on ajoute à cette population les personnes déclarant souffrir d’une maladie ou d’un problème de santé chronique ou de caractère durable et être limitées depuis au moins 6 mois dans leurs activités quotidiennes, on estime alors que 5,5 millions de personnes sont concernées par le handicap. Cette population est désignée dans cette partie par le terme de « population en situation de handicap ».

● Les personnes handicapées sont nettement plus âgées que la population totale en âge de travailler. En 2013, un peu plus de la moitié – ayant une reconnaissance d’un handicap ou en situation de handicap – ont plus de 50 ans contre près de 30 % de l’ensemble des personnes de 15 à 64 ans.

● Près de la moitié des personnes ayant une reconnaissance administrative d’un handicap ne possède aucun diplôme ou le seul BEPC, contre 28 % de l’ensemble des personnes de 15 à 64 ans. La population en situation de handicap est également moins diplômée que la population totale mais les écarts sont plus faibles.

RÉPARTITION DE LA POPULATION
SELON L’ÂGE, LE SEXE ET LA DÉFINITION DU HANDICAP

(en %)

 

Population bénéficiant d’une reconnaissance administrative*

Population en situation de handicap**

Ensemble de la population (15-64 ans)

Tranches d’âge

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

Femmes

De 15 à 24 ans

5

4

6

6

18

17

25 à 39 ans

18

16

18

17

29

29

40 à 49 ans

23

26

23

23

22

22

50 à 64 ans

54

54

53

54

31

32

Total

100

100

100

100

100

100

Effectifs

1 276 000

1 109 000

2 645 000

2 890 000

19 380 000

20 060 000

(*) Personnes déclarant disposer « d’une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie ».

(**) Personnes déclarant disposer « d’une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie » ou déclarant à la fois « une maladie ou un problème de santé qui soit chronique ou de caractère durable » et « être limité(e), depuis au moins 6 mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ».

Source : Insee, enquête Emploi 2013 ; traitement Dares.

● D’une manière générale, les personnes handicapées en emploi sont plus âgées que la population des 15-64 ans qui travaillent. Le niveau de diplôme atteint par les personnes en emploi bénéficiant d’une reconnaissance administrative d’un handicap est inférieur à celui de l’ensemble des personnes en emploi. La population en situation de handicap et en emploi est également moins diplômée que la population totale mais les écarts sont plus faibles.

Les personnes reconnues handicapées sont plus souvent ouvriers (34 % de celles qui ont une reconnaissance officielle) et sont peu présentes parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures (7 % de celles qui sont reconnues contre 17 % pour l’ensemble de la population de 15 à 64 ans). Les personnes ayant une reconnaissance administrative du handicap exercent par ailleurs moins souvent leur activité dans le secteur du « commerce de gros et de détail, transports, hébergement et restauration » que la population dans son ensemble. Elles sont toutefois plus présentes dans le secteur de « l’administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale ».

● Quel que soit leur âge, les personnes bénéficiant d’une reconnaissance administrative d’un handicap sont moins diplômées que l’ensemble de la population. Les écarts sont plus marqués pour les jeunes, et particulièrement pour la tranche de 25 à 39 ans, au sein de laquelle seulement 17 % des personnes reconnues handicapées ont un diplôme de l’enseignement supérieur contre 43 % pour l’ensemble de cette tranche d’âge. Si près du tiers des personnes de moins de 25 ans détient un baccalauréat ou un brevet professionnel, ils sont seulement 15 % à l’avoir parmi les personnes reconnues handicapées du même âge. Les personnes de moins de 40 ans et reconnues handicapées sont nettement plus nombreuses à être sans diplôme ou à seulement détenir le brevet.

RÉPARTITION DE LA POPULATION HANDICAPÉE SELON LE NIVEAU DE FORMATION ET L’ÂGE

(en %)

 

Population reconnue handicapée*

Population en situation de handicap**

Population totale

 

15-24 ans

25-39 ans

40-49 ans

50-64 ans

15-24 ans

25-39 ans

40-49 ans

50-64 ans

15-24 ans

25-39 ans

40-49 ans

50-64 ans

Bac+2 ou diplôme supérieur

6

17

13

11

8

25

18

14

13

43

33

22

Bac ou brevet professionnel

15

18

12

10

25

22

14

10

33

23

16

14

CAP-BEP

12

24

35

30

12

24

33

29

10

19

28

29

BEPC ou aucun diplôme

67

40

40

48

54

29

35

47

43

15

23

35

(*) Personnes déclarant disposer « d’une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie ».

(**) Personnes déclarant disposer « d’une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie » ou déclarant à la fois « une maladie ou un problème de santé qui soit chronique ou de caractère durable » et « être limitées, depuis au moins 6 mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ».

Lecture : 6 % des personnes reconnues handicapées entre 15 et 24 ans ont un Bac+2 ou un diplôme supérieur.

Champ : population âgée de 15 à 64 ans, vivant en ménage ordinaire (collectivités exclues) ; France métropolitaine.

Source : Insee, enquête Emploi 2013 ; traitement Dares

● L’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH) impose aux établissements assujettis du secteur privé et du secteur public de porter la part des travailleurs handicapés à 6 % de leur effectif d’assujettissement. Dans le secteur privé ainsi que les établissements publics à caractère industriel ou commercial (EPIC), le taux d’emploi direct des établissements assujettis correspond à la part des travailleurs handicapés directement employés par ces établissements, mesurée comme le rapport des unités bénéficiaires sur l’effectif d’assujettissement total (article L. 1111-2 du code du travail). Le taux d’emploi peut être également mesuré en équivalents temps plein afin de prendre en compte la présence effective des travailleurs handicapés dans les établissements assujettis. Dans le secteur public, le taux d’emploi direct est défini comme le rapport entre le nombre d’agents bénéficiaires (18) et l’effectif total des agents. Le taux d’emploi du secteur public ne peut pas donc être comparé à celui du secteur privé car le nombre de bénéficiaires est mesuré en personnes physiques pour le premier et en unités bénéficiaires pour le second.

Dans le secteur privé en 2013, les travailleurs handicapés directement employés par les établissements assujettis à l’Obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) représentent 3,6 %des effectifs en unités bénéficiaires (+ 0,3 point par rapport à 2012), et 3,3 % en équivalents temps plein (+ 0,3 point).

LES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS DANS LES EFFECTIFS DES ÉTABLISSEMENTS ASSUJETTIS DU SECTEUR PRIVÉ ET PUBLIC À CARACTÈRE INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (EPIC), SELON LES TROIS MODES DE DÉCOMPTE

 

2010**

2011

2012

2013

Nombre de travailleurs handicapés employés en personnes physiques

336 900

367 400

361 100

386 700

Nombre de travailleurs handicapés employés en unités bénéficiaires ***

282 800

306 100

301 800

322 900

Part des travailleurs handicapés employés en unités bénéficiaires

3,2 %

3,3 %

3,3 %

3,6 %

Nombre de travailleurs handicapés employés en équivalents temps plein ****

259 800

280 800

276 300

295 400

Part des travailleurs handicapés en équivalent-temps plein

2,9 %

3,0 %

3,0 %

3,3 %

(*) Les salariés pris en compte sont ceux employés directement par les établissements assujettis (c’est-à-dire hors ceux mis à disposition et hors stagiaires). Ces salariés sont décomptés selon trois modes différents (en personnes physiques, en unités bénéficiaires ainsi qu’en équivalent temps plein).

(**) En 2010, le nombre de travailleurs handicapés employés dans l’ensemble des établissements assujettis est légèrement sous-estimé. En effet, les établissements couverts par un accord relatif à l’emploi de travailleurs handicapés ne déclarent exhaustivement la liste de tous les bénéficiaires qu’ils emploient que depuis 2010. La qualité des données est jugée satisfaisante à partir de 2011.

(***) Chaque travailleur handicapé compte pour une unité bénéficiaire dès lors que son temps de travail est au moins égal à un mi-temps et pour une demi-unité si son temps de travail est inférieur à un mi-temps. Cette valeur du bénéficiaire est ensuite proratisée en fonction de son temps de présence dans l’année et de la durée de validité de sa reconnaissance.

(****) Le décompte des travailleurs handicapés employés en équivalent temps plein s’effectue au prorata du temps réel de travail, du temps de présence dans l’année et de la durée de validité de la reconnaissance.

Champ : établissements de 20 salariés ou plus du secteur privé et public à caractère industriel et commercial (Epic), France entière.

Source : AGEFIPH-Dares, DOETH, traitements Dares.

Les bénéficiaires de l’OETH sont sensiblement plus âgés que l’ensemble des salariés des établissements assujettis à l’OETH : la moitié ont 50 ans ou plus, contre un quart de l’ensemble des salariés. Ils sont également moins qualifiés : les ouvriers sont plus nombreux, tandis que les chefs d’entreprise, cadres et professions intellectuelles supérieures sont sous-représentés.

En 2013, les travailleurs handicapés présentent une ancienneté plus élevée au sein de l’établissement qui les emploie : plus de la moitié a plus de 10 ans d’ancienneté. Les travailleurs handicapés sont également plus nombreux à exercer leur activité à temps partiel, chez les femmes (44 % contre 24 %) comme chez les hommes (14 % contre 5 %). Ils exercent un peu plus fréquemment que l’ensemble des salariés des établissements assujettis leur activité dans l’industrie (30 % contre 28 %) et dans l’administration publique, la santé et l’enseignement (16 % contre 14 %). À l’inverse, ils sont sous-représentés dans l’information et la communication (2 % contre 5 %) et dans les activités spécialisées, scientifiques et techniques et de services (12 % contre 14 %).

À l’instar des autres salariés, les bénéficiaires de l’obligation d’emploi sont majoritairement des hommes (58 %), employés en CDI (90 %).

Les personnes bénéficiant de l’OETH ont le plus souvent une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH, 72 % des bénéficiaires). Elles sont moins souvent reconnues victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle (AT-MP, 14 % des bénéficiaires) ou pensionnées d’invalidité (10 %). 96 % des bénéficiaires détiennent au moins l’une de ces trois catégories de reconnaissances. Les détenteurs de la carte d’invalidité (CI) ou les allocataires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) restent peu représentés et, du fait de leur spécificité, les mutilés de guerre et assimilés sont très marginaux.

Les bénéficiaires de la RQTH ont des caractéristiques assez proches de l’ensemble des bénéficiaires. La population des pensionnés d’invalidité est, en revanche, très spécifique. Elle est la seule à être majoritairement féminine et à temps partiel. Elle est également la population la plus âgée, et avec l’ancienneté la plus élevée au sein de l’établissement employeur. Les pensionnés d’invalidité travaillent plus fréquemment dans l’administration publique, l’enseignement, la santé et l’action sociale et sont plus souvent des employés.

Les bénéficiaires reconnus victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle (AT-MP) sont principalement des hommes, plus âgés que l’ensemble des bénéficiaires et plus nombreux à disposer d’une ancienneté élevée. Ils travaillent plus fréquemment dans l’industrie ou la construction et sont plus souvent ouvriers.

Les bénéficiaires de l’OETH allocataires de l’AAH, des hommes pour les deux tiers, sont plus jeunes en moyenne, et plus qualifiés : 13 % d’entre eux sont chefs d’entreprise, cadres ou exercent une profession intellectuelle supérieure.

● Dans le secteur public, le taux d’emploi légal qui prend en compte l’emploi direct et l’emploi indirect de bénéficiaires atteint 4,9 % au 1er janvier 2013, soit une hausse de 0,3 point par rapport au 1er janvier 2012. Il a notamment augmenté dans la fonction publique territoriale pour atteindre le seuil des 6 % fixé par la loi, après 5,7 % l’année précédente. Le taux d’emploi légal a légèrement augmenté dans la fonction publique hospitalière (5,3 % au 1er janvier 2013, après 5,2 % en 2012). La fonction publique de l’État reste caractérisée par le taux le plus faible (3,8 %), même s’il a progressé par rapport à 2012 (3,6 %). Dans les établissements publics ne relevant pas de la fonction publique, le taux d’emploi légal est de 3,5 %, en augmentation par rapport au 1er janvier 2012.

Le taux d’emploi direct prend en compte les bénéficiaires de l’OETH en effectif physique. Au 1er janvier 2013, il s’établit à 4,6 % pour l’ensemble du champ couvert par le FIPHFP. 3,6 % des agents de la fonction publique de l’État sont des travailleurs handicapés. Ils représentent respectivement 5,1 % et 5,6 % des effectifs dans les établissements assujettis de la fonction publique hospitalière et territoriale et 3,2 % des établissements publics hors fonction publique (les organismes consulaires, les établissements publics à caractère administratif de la sécurité sociale).

ÉVOLUTION DES TAUX D’EMPLOI LÉGAL ET DIRECT
DANS LES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES

 

1er janvier 2010

1er janvier 2011

1er janvier 2012

1er janvier 2013

Taux d’emploi légal*

Taux d’emploi direct**

Taux d’emploi légal*

Taux d’emploi direct**

Taux d’emploi légal*

Taux d’emploi direct**

Taux d’emploi légal*

Taux d’emploi direct**

Fonction publique de l’État

3,3

3,1

3,3

3,2

3,6

3,4

3,8

3,6

Fonction publique hospitalière

5,0

4,7

5,1

4,9

5,2

4,9

5,3

5,1

Fonction publique territoriale

5,1

4,8

5,3

5,0

5,7

5,3

6,0

5,6

Autres établissements publics hors fonction publique

5,0

4,9

3,0

2,8

3,3

3,0

3,5

3,2

Total employeurs publics

4,2

4,0

4,4

4,2

4,6

4,4

4,9

4,6

(*) Prise en compte de l’emploi direct (bénéficiaires de l’obligation d’emploi selon les dispositions de l’article L. 323-4-1 du code du travail) et de l’emploi indirect (équivalents bénéficiaires calculés sur la base des dépenses déductibles (article L. 323-8-6-1 du code du travail).

(**) Prise en compte uniquement de l’emploi direct (bénéficiaires de l’obligation d’emploi selon les dispositions de l’article L. 323-4-1 du code du travail).

Champ : employeurs de la fonction publique d’au moins 20 agents à temps plein ou leur équivalent, France entière.

Source : FIPHFP, rapport d’activité 2014, campagne de déclaration 2014.

● Cependant, ce modèle de l’obligation d’emploi s’essouffle aujourd’hui, car l’amélioration du taux d’emploi dans le secteur public comme dans le secteur privé réduit d’autant les contributions des organismes ne respectant pas, ou seulement partiellement, le quota de 6 % d’emploi de travailleurs handicapés.

La multiplication des moyens d’accomplissement de l’obligation d’emploi (19) contribue également à une baisse tendancielle des ressources de l’AGEFIPH et du FIPHFP. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a ainsi permis de prendre en compte le recours à des travailleurs indépendants handicapés, l’accueil de personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel et des stages « parcours de découverte » ou « périodes d’observation » d’élèves handicapés de moins de 16 ans dans le cadre de cette obligation.

Le triplement du nombre d’accords d’entreprise en faveur de l’emploi des personnes handicapées en trois ans, annoncé lors de la conférence nationale du handicap du 11 décembre 2014, conduit à exonérer d’autant le nombre d’entreprises auparavant assujetties au versement d’une contribution.

Or ces contributions doivent permettre de proposer aux travailleurs handicapés une offre d’intervention complémentaire de la politique d’accès à l’emploi et à la formation de droit commun, composée de services, de prestations et d’aides, destinés aux entreprises et aux personnes handicapées : aide à la construction du projet professionnel, formation, compensation du handicap, création ou reprise d’activité, accès ou maintien dans l’emploi. À la demande de la ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, l’AGEFIPH devra également élargir ces actions afin :

– d’élargir le champ d’intervention de ses outils de mobilisation du monde économique en direction des PME et ETI ;

– de poursuivre la mobilisation sur la formation des travailleurs handicapés ;

– de poursuivre son soutien financier au réseau des Cap emploi ;

– de développer la politique de maintien en emploi, notamment dans le cadre des orientations fixées par le Plan santé travail 2016-2020.

Ainsi le budget 2016 de l’AGEFIPH s’établit à 462,2 millions, en baisse d’environ 9 % par rapport au budget initial voté en 2015. Depuis 2012, le budget (initial) a diminué de 12 %. Cette diminution du budget s’explique par une baisse des ressources provenant de la collecte avec une trajectoire budgétaire qui laisse présager une réduction des ressources d’environ 100 millions jusqu’en 2017.

Pour le secteur public, les dépenses d’intervention du FIPHFP se sont élevées à 160 millions d’euros en 2015, en baisse de plus de 11 % par rapport à 2014 (181 millions d’euros). Elles se décomposent en dépenses directes (aides ponctuelles, conventions employeurs, accessibilité) pour un montant de 104 millions d’euros, et financements intermédiés (partenariats, pactes territoriaux) pour un montant de 56 millions d’euros.

Pour la troisième année consécutive, les dépenses d’interventions sont supérieures aux contributions encaissées par le FIPHFP.

RECETTES ET CONTRIBUTIONS DU FONDS POUR L’INSERTION DES PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE (FIPHFP)

Source : FIPHFP.

Dans ce cadre, l’annonce le 31 août 2016, à l’occasion de l’université d’été de la Conférence des présidents d’université, que le Gouvernement entend repousser d’un an le versement de la totalité des contributions dues au FIPHFP par les universités, désormais autonomes dans la gestion de leur personnel, afin de dégager 30 millions d’euros pour leur permettre de financer leur sécurisation, apparaît comme une décision peu compréhensible. En application de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, les universités autonomes, auparavant assujetties à l’obligation d’emploi dans le cadre du ministère de l’Éducation nationale, devaient être considérées comme des établissements autonomes et respecter l’obligation d’emploi ou s’acquitter d’une contribution au FIPHFP limitée à un tiers en 2015 puis intégralement à partir de 2016 (20). Cette solution apparaît d’autant plus injuste que les universités qui respectent leur obligation d’emploi, comme Caen et Montpellier III, ne disposeront pas de cette marge de manœuvre.

Ce report consiste donc à financer la sécurisation des campus par des fonds destinés à l’intégration des travailleurs handicapés dans la fonction publique, alors même que l’article 122 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a prévu de prélever annuellement 29 millions sur le budget 2015, 2016 et 2017 de chacune des deux institutions (AGEFIPH et FIPHFP) pour contribuer au financement des contrats uniques d’insertion et des emplois d’avenir.

Alors que l’on pourrait imaginer que l’amélioration des taux d’emploi des personnes handicapées permettrait de limiter les besoins d’adaptation des postes de travail, et donc les interventions des deux fonds, ceux-ci font face à une augmentation des demandes des employeurs, tout en étant confrontés à une baisse tendancielle de leurs ressources. Face à cet effet de ciseaux, votre rapporteure pour avis souhaite qu’une réflexion plus globale puisse être menée sur l’avenir du modèle français d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés.

Le taux de chômage des personnes disposant d’une reconnaissance administrative d’un handicap s’établit à 18 %, soit près du double de celui atteint par l’ensemble des personnes de 15 à 64 ans (10 %).

● En 2013, 45 % des personnes disposant d’une reconnaissance administrative de leur handicap (leur permettant potentiellement de bénéficier de la loi sur l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés) se déclarent en emploi ou en recherche d’emploi, alors que ce taux d’activité atteint 72 % parmi l’ensemble de la population des 15-64 ans. Le taux d’activité de la population en situation de handicap est plus élevé (54 %) que celui de la population bénéficiant d’une reconnaissance administrative (45 %) mais reste en deçà de celui observé pour l’ensemble de la population.

Le taux de chômage est particulièrement élevé pour les 15-24 ans (33 % chez les personnes bénéficiant d’une reconnaissance administrative d’un handicap et 30 % chez celles en situation de handicap contre 24 % en moyenne). L’écart avec la population totale est également prononcé pour les plus de 40 ans.

Pour la population en situation de handicap, le taux de chômage est supérieur de quatre points à celui de l’ensemble de la population, l’écart tenant surtout aux personnes âgées de 25 à 39 ans.

● On observe une corrélation entre niveau de formation et niveau d’emploi des personnes en situation de handicap.

Les personnes handicapées ayant obtenu au moins leur bac sont moins souvent en emploi que la population totale et se caractérisent par un taux d’inactivité très élevé par rapport à la moyenne (38 % pour les personnes reconnues handicapées ayant un diplôme de l’enseignement supérieur, contre 13 % en moyenne et 45 % pour les personnes reconnues handicapées ayant obtenu leur bac contre 30 % en moyenne). 11 % des personnes reconnues handicapées ayant un bac ou un brevet professionnel sont au chômage, contre 7 % pour la population totale.

Quand elles détiennent un diplôme de l’enseignement supérieur, les personnes reconnues handicapées comme les personnes en situation de handicap occupent moins souvent un poste de cadre que la population totale (respectivement 25 % et 31 % contre 38 % pour la population totale). Quand elles sont faiblement diplômées, elles travaillent plus souvent comme ouvriers : plus de la moitié des personnes reconnues handicapées n’ayant pas de diplôme ou au plus le BEPC sont ouvriers, contre 40 % pour la population totale.

RÉPARTITION DE LA POPULATION HANDICAPÉE SELON LE NIVEAU DE FORMATION
ET LA SITUATION DANS LE MARCHÉ DU TRAVAIL

(en %)

 

Population reconnue handicapée*

Population en situation de handicap**

Population totale

 

Actifs occupés

Chômeurs

Inactifs

Actifs occupés

Chômeurs

Inactifs

Actifs occupés

Chômeurs

Inactifs

Bac+2 ou diplôme supérieur

53

9

38

66

7

27

81

6

13

Bac ou brevet pro

44

11

45

54

8

38

63

7

30

CAP-BEP

43

10

48

52

8

40

70

8

22

BEPC ou aucun diplôme

27

6

67

33

7

60

44

8

48

Total

878 000

195 800

1 312 000

2 579 000

422 000

2 534 000

25 462 000

2 811 000

11 168 000

(*) Personnes déclarant disposer « d’une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie ».

(**) Personnes déclarant disposer « d’une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie » ou déclarant à la fois « une maladie ou un problème de santé qui soit chronique ou de caractère durable » et « être limitées depuis au moins 6 mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ».

Champ : population âgée de 15 à 64 ans, vivant en ménage ordinaire (collectivités exclues) ; France métropolitaine.

Source : Insee, enquête Emploi 2013 ; traitement Dares.

Les délais d’intervention des institutions spécialisées – notamment des maisons départementales des personnes handicapées et des Cap Emploi – restent trop longs et la mise en place des solutions préconisées trop éloignées, du fait du manque de places disponibles à proximité. Ces ruptures de parcours sont particulièrement mal vécues par les jeunes handicapés et leur famille, pour qui l’insertion professionnelle va de droit.

Au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ont été mises en place par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (21). Leur fonctionnement a été précisé par le décret n° 2005-1589 du 19 décembre 2005.

Dans le cadre de la mission de guichet unique dévolue aux MDPH, elles ont remplacé les commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) et les commissions départementales d’éducation spéciale (CDES), voire les sites pour la vie autonome (SVA). Elles sont composées de représentants du conseil départemental, des services et des établissements publics de l’État (ARS, académie), des organismes de protection sociale (CAF, CPAM, etc.), des organisations syndicales, des associations de parents d’élèves et, des représentants des personnes handicapées et de leurs familles désignés par les associations représentatives, et un membre du conseil départemental consultatif des personnes handicapées. Si la MDPH assure son secrétariat, la CDAPH est indépendante dans ses choix et ses décisions.

Elle prend toutes les décisions concernant les aides et les prestations à la lumière de l’évaluation menée par l’équipe pluridisciplinaire mise en place au sein des MDPH (besoins de compensation et élaboration du plan personnalisé de compensation du handicap). La CDAPH est ainsi compétente pour :

– se prononcer sur l’orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale ;

– désigner les établissements ou services répondant aux besoins de l’enfant ou de l’adolescent ou concourant à la rééducation, à l’éducation, au reclassement et à l’accueil de l’adulte handicapé ainsi que statuer sur l’accompagnement des personnes handicapées âgées de plus de soixante ans hébergées dans les structures d’accueil spécialisées ;

– attribuer pour l’enfant ou l’adolescent, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et, éventuellement, son complément ;

– attribuer l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ainsi que la prestation de compensation du handicap (PCH) ;

– reconnaître la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ;

– attribuer la carte mobilité inclusion, qui se substituera, à compter du 1er janvier 2017, aux actuelles cartes d’invalidité, de stationnement et de priorité, en application de l’article 107 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

À la suite d’une évaluation de ses compétences, de ses besoins et des mesures mises en œuvre dans le cadre de ce parcours réalisée par l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation de la MDPH dans le cadre du plan personnalisé de compensation du handicap et du plan d’accompagnement global de la personne
– dorénavant élaboré sur proposition de l’équipe pluridisciplinaire en cas d’indisponibilité ou d’inadaptation des réponses connues et en cas de complexité de la réponse à apporter, ou de risque ou de constat de rupture du parcours de la personne (22) – la CDAPH est donc conduite, à plusieurs reprises, à se prononcer sur l’orientation professionnelle d’une personne en situation de handicap :

– en validant le plan personnalisé de compensation du handicap ;

– en proposant un projet personnalisé de scolarisation, constituant projet de formation professionnelle ;

– en se prononçant sur l’orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion professionnelle, et en désignant les établissements ou services concourant à la rééducation, au reclassement et à l’accueil de l’adulte handicapé, et en mesure de l’accueillir, cette décision pouvant être notamment une orientation vers le milieu ordinaire de travail, avec ou sans accompagnement par un service spécialisé, avec préconisation éventuelle d’embauche en entreprise adaptée (EA), une orientation en établissement et service d’aide par le travail (ESAT) ou une orientation vers une offre de formation, notamment en centre de rééducation professionnelle (CRP).

Cependant, les auditions auxquelles a procédé votre rapporteure pour avis ont montré que les délais de traitement des dossiers au sein des MDPH aboutissent à de véritables ruptures de parcours des personnes, voire de découragement dans la poursuite de leur projet professionnel.

Le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances comporte un indicateur destiné à contribuer à l’objectif d’« accroître l’effectivité et la qualité des décisions prises au sein des MDPH » du point de vue de l’usager, qui repose sur le « délai moyen de traitement des demandes » défini comme « le nombre total de jours écoulés entre la date de recevabilité de la demande et la date de la décision, pour toutes les décisions prises au cours de l’année considérée » – alors même que la perception de l’usager justifierait que l’on examine le délai entre le dépôt du dossier complet et la réception de la décision rendue par l’usager. C’est d’ailleurs le point de départ prévu par l’article R. 241-33 du code de l’action sociale et des familles que prévoit que « Le silence gardé pendant plus de quatre mois par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées à partir du dépôt de la demande mentionné à l’article R. 146-25 auprès de la maison départementale des personnes handicapées vaut décision de rejet ».

QUALITÉ DES DÉCISIONS DE LA COMMISSION DES DROITS ET DE L’AUTONOMIE (CDAPH) ET DES MAISONS DÉPARTEMENTALES DES PERSONNES HANDICAPÉES (MDPH)

 

2014 Réalisation

2015 Réalisation

2016 Prévision PAP 2016

2016 Prévision actualisée

2017

Prévision

2017

Cible

Délai moyen de traitement des dossiers relatifs aux enfants

3,24 mois

ND

2 mois

2 mois

2 mois

2 mois

Délai moyen de traitement des dossiers relatifs aux adultes

4,4 mois

ND

3 mois

3 mois

3 mois

3 mois

Source : Projet annuel de performances du programme « Solidarité, insertion et égalité des chances », enquête annuelle de la CNSA auprès des MDPH dans l’attente de la mise en place du système d’information commun aux MDPH.

Mode de calcul : somme des délais de décisions enfants ou adultes / nombre de décisions prises concernant respectivement les enfants et les adultes. Les recours gracieux sont exclus du calcul.

La direction générale de la cohésion sociale estime ce résultat affiché satisfaisant, car « il s’agit d’un délai volontariste inférieur au délai légal » alors même que le point de départ n’est pas celui du délai légal.

Ce délai n’est pas celui perçu par les usagers, notamment pour les dossiers les plus sensibles : ainsi par exemple, par un communiqué du 15 janvier 2016, la MDPH de Paris « a annoncé que le délai moyen de traitement des dossiers a ainsi été ramené de 9 mois en 2013 à 5,5 mois en 2015 ».

Les MDPH sont confrontées à une hausse soutenue du nombre de dossiers à traiter : « En 2014, le nombre de demandes déposées – toutes prestations et interventions confondues – a ainsi encore progressé de 7 % pour atteindre près de quatre millions. » (23)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, prévoit que la mise en place du nouveau système d’information harmonisé des MDPH devrait permettre une meilleure connaissance des besoins, ainsi que d’améliorer le suivi des orientations et le parcours des personnes. Lors de la dernière conférence nationale du handicap, il a été annoncé une enveloppe de 15 millions d’euros pour finaliser ce nouveau système d’information et développer, au passage, un module orientation conforme à la logique de la réponse accompagnée pour tous. L’article 70 de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 tire les conséquences de cette analyse et prévoit l’utilisation par les MDPH d’un système d’information commun, conçu et mis en œuvre par la CNSA. Ce projet nécessitera cependant plusieurs années de mise en œuvre.

Des simplifications administratives, comme l’extension jusqu’à 5 ans, sur décision motivée, de la durée d’attribution de l’allocation pour adultes handicapés (AAH), introduite par le décret n° 2015-387 du 3 avril 2015, voire vingt ans pour les bénéficiaires de l’AAH avec un taux d’incapacité supérieur à 80 % (dite « AAH 1 »), et dont le handicap est particulièrement grave et insusceptible d’évolution favorable, permettront de soulager la charge de travail des CDAPH.

Par ailleurs, le projet annuel de performances mentionne le projet expérimental « IMPACT » (pour Innover et Moderniser les processus MDPH pour l’Accès à la Compensation sur les Territoires), lancé en 2014, « avait pour objectif de répondre à trois enjeux principaux : simplifier et personnaliser le parcours des usagers ; améliorer les délais de traitement en cohérence avec la loi de 2005 ; renforcer la qualité de la prise de décision et l’égalité de traitement sur le territoire. Dans le cadre de ce projet, différents inducteurs de charge de travail pour les MDPH et d’insatisfaction des usagers ont été identifiés, ce qui a permis de mettre en évidence des leviers pour améliorer les délais de traitement des demandes et renforcer la qualité de la décision. En particulier, le caractère incomplet des dossiers de demande (à la fois s’agissant du formulaire de demande et du certificat médical) est un facteur d’inefficience pour les MDPH. Plusieurs chantiers ont ainsi été engagés : la révision du formulaire de demande et du certificat médical et le développement d’un téléservice. Après deux ans de travaux, le nouveau formulaire et le nouveau certificat médical sont en cours de finalisation avant leur généralisation prévue courant 2017 ».

Depuis quelques années, les limites et les ruptures de parcours liées à la multiplication des dispositifs prévus pour les personnes en situation de handicap se sont fait jour : ainsi par exemple, il est fréquent qu’une décision d’une CDAPH proposant une orientation vers un ESAT reste lettre morte pendant de longs mois, du fait de l’absence de places adaptées disponibles dans les établissements de la région.

Plusieurs rapports ont souligné ces difficultés.

Denis Piveteau, conseiller d’État et ancien secrétaire général des ministères sociaux, a été missionné en 2014 par le Gouvernement pour proposer des solutions aptes à faciliter l’accueil durable des personnes en situation de handicap exposées à un risque de rupture de prise en charge. Le rapport Zéro sans solution (24), remis le 10 juin 2014, préconise ainsi une évolution majeure des pratiques professionnelles de celles et ceux qui participent à l’orientation et à l’accompagnement des personnes en situation de handicap.

Dans le sillage de ces recommandations, le projet « une réponse accompagnée pour tous », ambitionne une mise en mouvement de l’ensemble des acteurs (conseils départementaux, maisons départementales des personnes handicapées – MDPH – agences régionales de santé – ARS – rectorats, gestionnaires d’établissements) pour que la coordination entre eux soit plus étroite, que les décisions d’orientation soient mieux suivies et régulièrement réévaluées et que, dans les situations complexes, des solutions puissent être recherchées et mises en place de façon collaborative.

Notre collègue Annie Le Houerou a rédigé un rapport qui formule 14 recommandations afin de renforcer efficacement l’accompagnement dans l’emploi en milieu ordinaire des personnes handicapées tout au long de leur parcours (25). Elle constate notamment que la mobilité en milieu protégé au sein des ESAT (Établissements et services d’aide par le travail) ou des EA (Entreprises adaptées) ainsi que l’accès et les passerelles vers le travail en milieu ordinaire restent peu mobilisées. Pour faciliter ces mobilités, les décisions d’orientations en milieu ordinaire ou protégé de la CDAPH devraient pouvoir préciser quand les personnes ont besoin d’un accompagnement ou d’une évaluation renforcée pour favoriser leur accès à l’emploi. Aujourd’hui, la médecine du travail peut notamment préconiser des mutations, des transferts de poste ou des aménagements du temps de travail. Il serait bénéfique de lui permettre de préconiser un accompagnement de la personne et d’en suivre les effets.

Par ailleurs, quand un accompagnement humain spécifique est nécessaire, le contrat de travail de droit commun devrait faire référence à une convention d’accompagnement signée entre l’entreprise et la structure accompagnante. La personne et l’employeur devraient pouvoir trouver à tout moment auprès de ces structures une réponse individualisée à leurs besoins et celle-ci devrait être financée, même si elle ne correspond pas à une prestation préétablie dans un catalogue. En outre, les structures médico-sociales qui accompagnent les personnes handicapées dans leur emploi en milieu ordinaire devraient être évaluées afin de déterminer les financements adéquats.

Votre rapporteure pour avis s’inscrit dans cette démarche, qui ne saurait qu’être globale, de refondation de la politique d’insertion des personnes handicapées dans une société inclusive et donc dans l’emploi, lorsque cela correspond à leurs projets de vie.

La première des vingt recommandations du rapport de Denis Piveteau visait à substituer à l’actuelle décision unique d’orientation prononcée par les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), « une "décision d’orientation" qui dit le souhaitable (et permet de mesurer le besoin) et le plan d’accompagnement global qui dit le possible, en le rendant effectivement opposable ». L’objectif est de mieux adapter les solutions d’accompagnement à des besoins souvent complexes et évolutifs, dans un contexte où l’offre d’établissements et services s’avère fréquemment contrainte.

L’article 89 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, devant être mis en œuvre au plus tard le 31 décembre 2017, prévoit de mettre fin à situation où la CDAPH pouvait prononcer une orientation unique – notamment une orientation vers le milieu ordinaire de travail, avec ou sans accompagnement par un service spécialisé, avec préconisation éventuelle d’embauche en entreprise adaptée (EA), une orientation en établissement et service d’aide par le travail (ESAT) ou une orientation vers une offre de formation, notamment en centre de rééducation professionnelle (CRP) – qui pouvait parfois rester lettre morte, du fait de l’absence de structures où elle pourrait être mise en œuvre.

Le « plan d’accompagnement global », permettra, dès 2016 dans 23 « départements pionniers » candidats à une expérimentation et en 2018 partout en France, de proposer une réponse aménagée et évolutive, notamment en cas d’indisponibilité ou d’inadaptation des réponses connues ou en cas de complexité de la réponse à apporter, ou de risque ou de constat de rupture du parcours de la personne.

Proposé par l’équipe pluridisciplinaire, avec l’accord préalable de la personne concernée ou de son représentant légal, ce plan d’accompagnement global comprendra :

– un coordonnateur de parcours, désigné par la CDAPH parmi les acteurs de la mise en œuvre du plan ;

– l’engagement des acteurs chargés de sa mise en œuvre opérationnelle ;

– une actualisation chaque fois que nécessaire et, en tout état de cause, au moins une fois par an.

Ce dispositif va dans le sens d’une orientation qui prenne en compte les souhaits et capacités des personnes, mais aussi de la nécessité de trouver une solution pour les mettre en œuvre qui soit effective et évolutive. Votre rapporteure pour avis se réjouit de cette évolution qui ne pourra que favoriser l’insertion dans l’emploi des personnes découragées par les ruptures de parcours.

Parallèlement, l’expérimentation du dispositif « Potentiel emploi » vise à vérifier l’intérêt pour les personnes handicapées d’évaluer leurs capacités, leurs compétences et leur projet professionnel en amont de leur parcours vers l’emploi, ainsi que de dégager le type de prestations d’accompagnement qui leur sont le plus utiles dans ce moment identifié comme « clef ».

Lancée en 2011 auprès de 10 MDPH, l’expérimentation a été élargie à 25 MDPH depuis le début de l’année 2015. Le FIPHFP y a participé comme financeur à hauteur de 6,6 millions d’euros pour la dernière phase de l’expérimentation.

Ses résultats tirés par le ministère des Affaires sociales sont concluants :

« – ce type de démarche permet de sécuriser le parcours des personnes par une orientation plus rapide vers un emploi adéquat ou encore par la prescription d’une formation, dès lors que la personne est éloignée de l’emploi dans son bassin de vie ;

« – les « diagnostics d’employabilité » permettent bien de circonscrire les domaines dans lesquels les personnes pourraient le mieux réussir des mises en situations professionnelles ;

« La discussion a été engagée avec l’AGEFIPH et le FIPHFP afin d’inscrire ces prestations d’accompagnement à l’accès à l’emploi dans leur catalogue de prestations respectif, actuellement en cours de refonte. » (26)

En application de l’article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles, les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) « offrent des possibilités d’activités diverses à caractère professionnel, ainsi qu’un soutien médico-social et éducatif, en vue de favoriser leur épanouissement personnel et social ». Elle est donc un milieu caractérisé par un accompagnement médico-social.

Dans le secteur protégé, le nombre de places en ESAT est passé de 103 000 en 2006 à 119 226 places, niveau stable entre 2012 et 2016, répartis dans 1 444 établissements et services. Le coût moyen d’une place en ESAT était de 12 840 euros en 2010 (27).

Le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances a comme objectif de « développer l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés - usagers des ESAT ».

On constate que si le recours à la formation est notable, et concerne 22 % des travailleurs en ESAT, le passage du milieu protégé au milieu ordinaire reste difficile : seul 9 % des travailleurs et 3,6 % des travailleuses ont pu effectuer une telle expérience.

PART DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS (EN ESAT) CONCERNÉS PAR UNE FORMATION OU PAR UNE MISE EN EMPLOI EN MILIEU ORDINAIRE

 

Unité

2013 Réalisation

2014 Réalisation

2015 Prévision PAP 2015

2015 Prévision actualisée

2016 Prévision

2017

Cible

Part des travailleurs handicapés (en ESAT) concernés par une formation dans le cadre des OPCA conventionnés

%

20,31

19,69

21,5

21

22

22,5

Part des travailleurs handicapés (en ESAT) concernés par une mise en emploi en milieu ordinaire de travail

%

8,4

5

9,5

7

9

10,5

Part des travailleuses handicapées (en ESAT) concernées par une mise en emploi en milieu ordinaire de travail

%

ND

ND

 

ND

3,6

4,2

Source : projet annuel de performances, enquête DGCS dématérialisée (CINODE) auprès des DRJSCS.

On peut en effet noter les craintes des travailleurs handicapés et de leur famille vis-à-vis d’une entrée sur le marché du travail ordinaire qui apparaît souvent comme sans retour – la place libérée au sein de l’ESAT étant attribuée à une autre personne – alors qu’existe un « droit au retour » dans un établissement en cas de difficulté ou si le travailleur handicapé le souhaite (article L. 344-2-5 du code de l’action sociale et des familles) : en cas de rupture du contrat de travail ou lorsqu’elle n’est pas définitivement recrutée par l’employeur, la personne handicapée est réintégrée de plein droit dans l’ESAT d’origine ou, à défaut, dans un autre ESAT.

De plus, la possibilité d’être hébergé en foyer, le plus souvent à proximité du lieu de travail, renforce le sentiment de sécurité, au-delà de la vie professionnelle. Selon les chiffres cités par le rapport de Mme Annie Le Houerou, « au 31 décembre 2010, 83 % des entrants en foyer d’hébergement travaillent en ESAT soit à temps plein 76 %, soit à temps partiel pour 7 %. La grande majorité des personnes hébergées en foyer travaillent en ESAT – 86 %, 9 % sont accueillies en journée dans un foyer de vie ou un foyer occupationnel et moins de 1 % des personnes hébergées travaillent en milieu ordinaire ».

Aussi le rapport Le Houerou préconise de développer deux dispositifs :

– le dispositif de mise à disposition de l’entreprise du travailleur handicapé, actuellement peu utilisé, hormis dans 28 ESAT dit « hors les murs » qui ont conclu une convention en application de l’article L. 344-2-5 du code de l’action sociale et des familles ;

– la signature d’un contrat de travail à la suite d’un accompagnement dans la durée de la personne handicapée par l’ESAT d’origine.

Quelles que soient les modalités d’exercice de l’activité professionnelle qui sont précisées dans ladite convention, les travailleurs handicapés continuent à bénéficier autant que de besoin d’un accompagnement médico-social et professionnel qui reste assuré par l’établissement ou le service d’aide par le travail. Les travailleurs, qui ne sont pas des salariés au sens du code du travail, demeurent rattachés juridiquement à l’ESAT.

Si la mise à disposition se prolonge au-delà de deux ans, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) doit donner son accord explicite à la prolongation de la mise à disposition en entreprise.

Les ESAT se distinguent des entreprises adaptées, qui sont des établissements qui emploient au moins 80 % de salariés handicapés dans leurs effectifs de production. Le soutien aux entreprises adaptées (EA) relève de la mission budgétaire « Travail et Emploi ». Il comprend l’aide au poste dans les EA, compensation salariale liée à l’emploi des personnes handicapées (319 millions d’euros) et la subvention d’accompagnement et de développement versée aux entreprises adaptées (41 millions d’euros). Depuis 2012, le budget dédié aux entreprises adaptées a augmenté d’environ 24 %, soit 3 000 nouvelles aides au poste, de 2012 à 2016. 22 536 équivalents temps plein (ETP) sont désormais financés en 2016 contre 19 536 ETP en 2012. Cette évolution à la hausse a été initiée dans le cadre du Pacte pour l’emploi des personnes handicapées en entreprises adaptées signé en décembre 2011 (+1 000 aides au poste en 2012 + 1 000 en 2013) et de la conférence nationale du handicap du 12 décembre 2014 (+ 500 aides au poste en 2015 + 500 en 2016) 22 536 aides au poste sont prévues en 2017, correspondant au financement de la volumétrie 2016.

Le ministère des Affaires sociales constate que « de nombreuses demandes de création d’entreprises adaptées sont déposées auprès des DIRECCTE mais ne peuvent être couvertes dans le cadre des enveloppes actuelles. Les mécanismes actuels de soutien aux entreprises adaptées méritent l’engagement d’une réflexion visant à obtenir une meilleure capacité à accompagner les entreprises adaptées. C’est pourquoi une mission IGAS-IGF a été lancée afin de porter un regard prospectif sur la consolidation du modèle économique et les modalités de financement des entreprises adaptées. Des évolutions pourront être envisagées sur la base de ses conclusions » (28).

Dans l’attente d’évolutions futures des modalités de financements des EA et face aux besoins non satisfaits à ce jour, votre rapporteure pour avis plaide pour la poursuite de la dynamique engagée depuis plusieurs années et la création de postes supplémentaires dès 2017.

Le réseau des 103 Cap Emploi, organismes de placement spécialisés, membres du service public de l’emploi, représente aujourd’hui une structure qui a pour unique objectif le placement des demandeurs d’emploi handicapés dans des entreprises du milieu ouvert. Le fait de lui confier des missions de maintien, et peut-être demain, d’accompagnement dans l’emploi, peut permettre de faire émerger un véritable suivi professionnel des travailleurs handicapés.

La loi du 11 février 2005 a reconnu les structures Cap Emploi comme « des organismes de placement spécialisés, chargés de la préparation, de l’accompagnement et du suivi durable dans l’emploi des personnes handicapées, participent au dispositif d’insertion professionnelle et d’accompagnement spécifique prévu pour les travailleurs handicapés mis en œuvre par l’État, le service public de l’emploi, l’association chargée de la gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés et le fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique. »

Ces organismes exercent ainsi une mission d’accompagnement des bénéficiaires de l’obligation d’emploi et mettent en œuvre une offre de services pour les personnes en situation de handicap et les employeurs. Ils élaborent des parcours d’insertion et d’accompagnement vers l’emploi durable en milieu ordinaire de travail, réalisent le placement du public bénéficiaire et apportent un appui aux employeurs.

Ils sont financés à hauteur de 60 % par l’AGEFIPH, 30 % par Pôle Emploi et 10 % par le FIPHFP. Leur budget total s’élève en 2016, à 108 millions d’euros (29).

Dans le cadre d’un accord-cadre national de collaboration entre l’Etat représenté par la DGEFP, Pôle Emploi, l’AGEFIPH, le FIPHFP et Cheops (conseil national handicap emploi des organismes de placement spécialisés représentant les 103 structures Cap Emploi) pour la période 2015-2017, les Cap Emploi accompagnent 183 696 personnes handicapées :

NOMBRE DE PERSONNES PRISES EN CHARGE PAR LES CAP EMPLOI

 

2012

2013

2014

2015

Nombre de personnes accompagnées (stock)

162 479

169 718

179 664

183 696

Nombre de prises en charge (flux)

82 576

81 844

86 224

84 476

Nombre de placements réalisés

66 030

70 449

72 327

76 735

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Parallèlement, 472 950 bénéficiaires de l’obligation d’emploi sont inscrits à Pôle emploi comme demandeurs d’emploi à fin juillet 2016 en catégorie A, B, C (8,6 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi en 2016 catégorie A, B et C. Parmi ceux-ci, 286 528 personnes ont participé à des prestations réalisées en 2015 par Pôle Emploi, essentiellement des prestations d’évaluation, d’accompagnement vers l’emploi, de techniques de recherche d’emploi (ateliers) et des prestations spécialisées financés par l’AGEFIPH (formations courtes et collectives ou prestations spécifiques d’orientation professionnelles).

160 830 demandeurs d’emploi reconnus handicapés ont bénéficié d’un retour à l’emploi en 2015 soit 30 % des bénéficiaires de l’obligation d’emploi.

En 2015, les Cap Emploi ont contribué à environ 77 000 recrutements, tous types de contrats confondus, dont 60 % de CDI ou de CDD de 6 mois. Sur cette même année, 79 % des contrats sont réalisés dans le secteur privé. Pour autant si le nombre de nouvelles prises en charge est en légère baisse en 2015, le nombre total de personnes accompagnées est en constante progression, de 2 % sur 1 an et de 13 % en 3 ans.

Selon les données citées par le projet annuel de performances de la mission budgétaire « Travail et emploi », le taux de retour à l’emploi durable des travailleurs handicapés accompagnés par les Cap Emploi était de 58,5 % en 2015, les prévisions pour 2016 et 2017 étant respectivement de 59 et 60 %.

Le réseau Cap Emploi ne prend donc en charge qu’un tiers des demandeurs d’emploi handicapés, qui lui sont adressés par Pôle Emploi et les missions locales parmi les demandeurs dont le handicap représente la principale difficulté d’accès à l’emploi.

Cependant, là aussi, les acteurs rencontrés par votre rapporteure pour avis ont mis l’accent sur les délais de prises en charge par Cap Emploi, un suivi parfois lâche et, dans certains cas, un renvoi des personnes vers Pôle Emploi et les missions locales deux ans après que leur dossier a été transféré à Cap Emploi. Ces ruptures de prises en charge sont souvent mal vécues pour les personnes, et notamment les jeunes, pour lesquels l’insertion professionnelle dans le milieu ordinaire, au sein duquel ils ont suivi l’ensemble de leur scolarité, va de soi.

L’article 101 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a prévu l’élargissement des missions des Cap Emploi au maintien dans l’emploi à compter du 1er janvier 2018. Dans les faits, les missions exercées depuis 2005 dans le cadre les services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH) seront transférées au réseau Cap Emploi.

Mis en œuvre par des structures associatives (agréées également comme Cap Emploi aujourd’hui dans près de deux tiers des départements) les SAMETH proposent aux employeurs ou aux travailleurs handicapés des services :

– d’information (individuelle ou collective) sur le cadre juridique et la démarche de maintien dans l’emploi ;

– d’analyse de la situation et accompagnement dans la recherche et la construction de solutions adaptées ;

– de mobilisation des aides techniques, humaines et financières pour la mise en œuvre de la solution de maintien.

Les interventions en entreprise se traduisent par deux services :

– le service ingénierie qui recherche et met en œuvre une solution de maintien. Il identifie des solutions adaptées à l’état de santé du salarié et au contexte de l’entreprise, puis contribue à la reprise effective de l’activité dans l’entreprise, soit au poste de travail initial, adapté ou non, soit à un autre poste dans l’entreprise ou dans le groupe d’origine adapté ou non ;

– le service facilitation qui contribue à mobiliser les moyens identifiés (aides AGEFIPH) comme nécessaires au maintien après en avoir préalablement examiné leur pertinence.

Les cinq principales aides mobilisées sont les aménagements des situations de travail (39 % de l’ensemble des aides), les prestations spécifiques (11 %), les prothèses auditives (13 %), les aides au maintien (8 %) et la reconnaissance de la lourdeur du handicap (5 %).

Près de 20 000 maintiens ont été réussis en 2015, soit le niveau annuel le plus élevé enregistré jusqu’ici. La hausse de 2014 s’est poursuivie en 2015. Cette hausse concerne à la fois le secteur privé et les trois fonctions publiques.

ACTIONS DE MAINTIEN DANS L’EMPLOI MISES EN œUVRE PAR LES SAMETH

     

Évolution 2015/2014

Maintiens

19 851

maintiens réussis en 2015

+ 6 %

16 739

maintiens dans le secteur privé en 2015

84 % de l’ensemble des maintiens

+ 5 %

3 112

maintiens dans les fonctions publiques en 2015

16 % de l’ensemble des maintiens

+ 13 %

Nouveaux parcours

23 570

nouveaux parcours ouverts année 2015

– 2 %

20 496

nouveaux parcours secteur privé en 2015

87 % de l’ensemble des nouveaux parcours

+ 1 %

3 074

nouveaux parcours secteur public en 2015

13 % de l’ensemble des nouveaux parcours

– 19 %

Source : Réponse au questionnaire budgétaire.

Ces services sont financés par l’AGEFIPH à hauteur de 24 millions d’euros et par le FIPHFP pour 5,7 millions d’euros.

Jusqu’alors, le réseau Cap emploi, opérateurs spécialisés de placement, intervenait essentiellement en amont de l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés, il a maintenant vocation à être mobilisé en cas de besoin pour l’appui au maintien dans l’emploi. La loi permettra ainsi de créer une synergie des expertises et des savoir-faire en confiant à un opérateur unique les deux missions (accès et maintien dans l’emploi). Cette mesure nouvelle poursuit un double objectif :

– l’inscription dans la durée de l’accompagnement des personnes handicapées par une plus grande intégration et une plus grande continuité de l’offre de service pour l’accompagnement des personnes handicapées. Cet objectif est particulièrement important au regard des problématiques liées à certains handicaps qui nécessitent un suivi et un accompagnement dans l’emploi dans la durée. Il permettra de conforter la logique de continuum du parcours pour les personnes ;

– la simplification et la lisibilité du dispositif pour les usagers (demandeurs d’emploi, salariés employeurs) à travers l’identification d’un interlocuteur de référence pour l’accompagnement des travailleurs handicapés, dans leur recherche d’emploi et dans l’emploi et favorise le rapprochement et la collaboration avec les SAMETH.

Selon les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, « La fin 2016 et le 1er semestre 2017 seront consacrés à l’élaboration d’une feuille de route pour formuler des propositions concrètes à l’été 2017. Le rapprochement des 2 réseaux sera travaillé dans le cadre du comité de pilotage national de Cap emploi » (30).

Votre rapporteure pour avis salue cette mesure, dont l’objectif central est de permettre un suivi personnalisé et à long terme des personnes ainsi que d’offrir plus d’efficacité et d’efficience, et non pas de réaliser des économies de structure.

Dans le cadre de son rapport précité, notre collègue Annie Le Houerou notait qu’« en dépit d’une certaine inertie des dispositifs publics, le secteur associatif a su innover pour amener les personnes qui le peuvent et le souhaitent au plus près et si possible jusque dans les conditions du milieu ordinaire de travail. Ceci nécessite d’adapter les formes de l’accompagnement aux besoins des personnes et aussi à ceux de la collectivité de travail d’accueil. Depuis des années voire des décennies, à partir des demandes de familles qui ne trouvaient aucune solution d’accueil satisfaisante pour un proche - le plus souvent un enfant adulte - des initiatives ont été lancées par des associations, comme Messidor en région Rhône Alpes, pour réfléchir, en lien avec le monde médical, à la place que le travail pouvait prendre dans le rétablissement et la vie des personnes confrontées au handicap psychique ».

Depuis 2005, des acteurs du champ du handicap ont multiplié les recherches et les expérimentations d’accompagnement vers et dans l’emploi en milieu ordinaire. L’accompagnement durable vers et dans l’emploi constitue un enjeu majeur de la politique publique mise en œuvre par le gouvernement en matière d’insertion des personnes handicapées dans le milieu ordinaire de travail. Les dispositifs d’emploi accompagné contribuent à la réalisation de cet objectif en proposant un accompagnement spécifique et adapté à la fois aux besoins et au projet de vie des travailleurs handicapés désireux de s’insérer durablement dans le milieu ordinaire de travail, mais également à leur employeur. Toutefois, contrairement à ce qui existe dans plusieurs pays européens, l’emploi accompagné ne disposait pas d’une base légale en France.

Or, compte tenu de l’évolution des profils accueillis et de l’inclusion scolaire en milieu ordinaire de plus en plus forte depuis la loi du 11 février 2005, les besoins des personnes handicapées évoluent.

Prévu par l’article 52 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, ce dispositif d’emploi accompagné a pour objet d’apporter une réponse, sur décision d’orientation décidée par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), aux personnes qui ont un projet d’insertion en milieu ordinaire de travail, nécessitant néanmoins un accompagnement médico-social du binôme « employeur – employé ».

Les enjeux du développement d’un tel dispositif sont multiples puisqu’il s’agit de renforcer la cohérence de dispositifs existants, en les complétant, à la fois dans le secteur public de l’emploi, au sein de l’AGEFIPH et du FIPHFP et le secteur médico-social pour :

– permettre l’accès à l’emploi de personnes handicapées ayant connu une scolarité en milieu ordinaire avec le soutien du secteur médico-social (au travers d’unités d’enseignement d’ESMS externalisées auprès d’écoles ordinaires par exemple) ou une scolarité spécialisée et qui ne souhaitent pas rejoindre le secteur du travail protégé ;

– permettre l’accès à l’emploi de personnes handicapées sollicitant ou bénéficiant de l’allocation adulte handicapé (AAH) ;

– permettre l’accès à l’emploi en milieu ordinaire de personnes aujourd’hui issues du secteur protégé, notamment des personnes présentant un handicap psychique.

Aussi l’intérêt de cette réforme est de réunir au sein d’un même dispositif un ensemble de compétences relevant du secteur médico-social, du secteur public de l’emploi et des institutions telles que l’AGEFIPH ou le FIPHFP, au service de la continuité du parcours professionnel de la personne.

Le dispositif sera porté par une personne morale qui signera une convention avec au moins un établissement social ou médico-social accompagnant des personnes handicapées d’une part, et avec le service public de l’emploi d’autre part. Ce dispositif sera mis en œuvre sur décision de la CDAPH, le cas échéant sur proposition des organismes relevant du service public de l’emploi (Cap Emploi, Pôle emploi, missions locales pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes). Ce gestionnaire sera également tenu de conclure avec l’agence régionale de santé une convention ou un avenant à son contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens pour bénéficier des financements qui sont assurés, pour ce qui concerne les aspects médico-sociaux, par l’État.

Un cahier des charges fixé par décret précisera les personnes morales susceptibles de porter ce type de dispositif, dont les ESAT, ainsi que les modalités concrètes de mise en œuvre de l’emploi accompagné. Selon les informations communiquées à votre rapporteure pour avis, ce décret est actuellement en cours d’élaboration ; il fera l’objet d’une concertation et devrait être publié au dernier trimestre 2016.

Cependant, si cette innovation permettra de solvabiliser des initiatives existantes provenant de l’ensemble du milieu associatif, il semblerait logique à votre rapporteure pour avis que la mise en place de ce dispositif puisse être coordonnée avec les actions des structures existantes, et notamment celles menées par le réseau Cap Emploi, afin de mettre en place un réel suivi du parcours professionnel centré autour des besoins et des évolutions professionnelles de la personne, et non segmenté en fonction des dispositifs existants et de leurs opérateurs respectifs. Ce dispositif doit pour autant pouvoir garder le caractère souple et adaptable tel qu’il a été envisagé, afin de s’ajuster au mieux aux situations individuelles et aux réalités du terrain.

Les 5 millions d’euros prévus par le présent projet de loi de finances sont ainsi destinés à lancer le dispositif d’emploi accompagné. En 2017, les agences régionales de santé lanceront des appels à projets afin de retenir les dispositifs proposant le meilleur accompagnement des personnes dans l’emploi ordinaire. L’évaluation de ce dispositif permettra d’identifier les initiatives locales ayant vocation à se généraliser.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, et de Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l’autonomie (voir le compte rendu de la commission élargie du 9 novembre 2016 à 9 heures (31)), la commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2017 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sur le rapport de Mme Luce Pane (solidarité) et de Mme Kheira Bouziane-Laroussi (handicap et dépendance).

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 63 rattaché à la mission.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements nos II-AS18 et II-AS19 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi, rapporteure pour avis. Les interventions de Mmes les ministres leur ont permis de répondre à plusieurs questions posées dans mon rapport. Ces amendements entendent revenir sur la ponction de 29 millions d’euros sur les budgets de l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) et du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pour financer les emplois d’avenir des personnes handicapées et sur l’annonce que le Gouvernement entend dispenser les universités du versement de la totalité des contributions dues au FIPHFP pour 2017. Si le premier prélèvement a pour objet de financer les emplois d’avenir, qui bénéficient notamment aux personnes en situation de handicap, l’utilisation de ces fonds pour la nécessaire sécurisation des campus, apparaît comme une ponction injustifiée des fonds destinés à la formation et à l’emploi des personnes handicapées.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je souhaiterais abonder dans le sens de notre rapporteure pour avis. Cette décision est incompréhensible par les associations du monde du handicap et les parlementaires. Je m’en étais ouvert au ministre délégué au budget. Je souhaiterais que nous puissions revenir sur cette mesure.

M. Christian Hutin, président. Je souscris également à cette proposition.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi, rapporteure pour avis. Je souhaiterais cependant retirer ces amendements, pour pouvoir retravailler leurs exposés sommaires d’ici à la séance publique.

Les deux amendements nos II-AS18 et II-AS19 sont retirés.

La Commission examine l’amendement n° II-AS20 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi, rapporteure pour avis. Cet amendement rejoint la problématique défendue en commission élargie par Mme Annie Le Houerou. Il demande au Gouvernement de déposer un rapport relatif à la prise en charge par la prestation de compensation du handicap des charges induites par la vie et les soins à domicile actuellement non couvertes par la solidarité nationale.

La Commission adopte l’amendement n° II-AS20.

La Commission examine l’amendement n° II-AS3 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet amendement sollicite du Gouvernement un rapport sur la situation des personnes handicapées vivant en couple et qui ne peuvent bénéficier de l’allocation aux adultes handicapées du fait du niveau de revenu de leur conjoint.

Malgré la réponse en commission élargie de Mme la ministre sur le montant plafond des revenus considérés – elle a évoqué le chiffre de 2 500 euros mensuels – je considère que quelle que soit la situation matrimoniale de la personne handicapée, cette prise en compte la place dans une situation de dépendance vis-à-vis de son conjoint. Il s’agit souvent de femmes qui se retrouvent en situation de handicap et sans ressources du fait des revenus de leur conjoint.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi, rapporteure pour avis. Je suis favorable à la demande de M. Lurton. Pour une personne en situation de handicap, être mis en situation de dépendance vis-à-vis de son conjoint est préjudiciable à la liberté individuelle et incite au surplus les intéressés à frauder sur la réalité de leur vie commune.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cette demande est bienvenue car elle revient sur un sujet récurrent, qui met des couples dans des situations impossibles. Il est difficile d’y répondre sans un rapport complémentaire de celui rendu par M. Christophe Sirugue. Si je ne souscris pas à tout l’exposé sommaire de l’amendement, je pense qu’il est nécessaire d’avancer sur cette question.

M. Yves Censi. J’ai cosigné cet amendement car les lois de 1975 et 2005 ont permis des progrès, mais cette question pose un problème au sein du dispositif de l’allocation aux adultes handicapés. Ce n’est pas parce qu’on se marie que l’on améliore son niveau de vie ou sa situation vis-à-vis du handicap. Ce rapport pourra faire avancer le débat.

M. Gilles Lurton. Le rapport de M. Christophe Sirugue évoque ce problème ; cependant, la règle de l’irrecevabilité financière nous interdit de faire plus que de demander un rapport.

M. Christian Hutin, président. Cette situation ajoute en effet un « handicap sentimental » au handicap des personnes concernées.

La Commission adopte l’amendement n° II-AS3.

La Commission examine l’amendement n° II-AS21 de Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi, rapporteure pour avis. Cet amendement demande au Gouvernement un rapport sur le nombre de médecins du travail en activité. Comme l’a évoqué la ministre en commission élargie, nombre de demandeurs d’emploi handicapés ont plus de cinquante ans. La médecine du travail est sinistrée : il faut se pencher sur la question de la désaffection envers cette profession et les difficultés d’accès. Il y a une nécessité d’avoir plus de médecins du travail dans notre pays.

M. Alain Ballay. Face au manque de candidats, sont souvent évoquées de possibles passerelles entre la médecine généraliste et la médecine du travail. Mais une passerelle pourrait être imaginée afin de permettre aux médecins du travail d’exercer en ville, ce qui renforcerait l’attractivité de la profession.

M. Yves Censi. La médecine du travail est une profession sinistrée, dont la moyenne d’âge est très élevée. De nombreux postes ne sont pas pourvus. Or une politique de santé publique doit passer prioritairement par un renforcement de la médecine du travail, indispensable notamment pour la prévention des pathologies mentales au sein des entreprises.

Suivant l’avis de ses rapporteures pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », tels qu’ils figurent à l’état B, sans modification.

ANNEXE

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Ø Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) – Mme Martine Vignau, vice-présidente, et Mme Annie Boulard, animatrice de la commission Emploi

Ø Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) – M. Marc Desjardins, directeur, et Mme Christelle de Batz, secrétaire générale

Ø Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) – Mme Anne Baltazar, présidente, M. Didier Eyssartier, directeur général, et M. Hugues Defoy, directeur du pôle Métier

Ø Conseil national Handicap Emploi des Organismes de Placement Spécialisés (CHEOPS) Réseau Cap Emploi – M. Gilles Lenice, délégué général

Ø Pôle emploi – M. Jérôme Rivoisy, directeur général adjoint en charge de la stratégie et des relations extérieures, et Mme Claude Gorges, directrice des partenariats, de la territorialisation et des relations extérieures

Ø Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – Mme Cécile Tagliana, adjointe au directeur général, cheffe de service des politiques sociales et médico-sociales, M. Thibault Jourdain-de-Muizon, responsable du programme 157, et Mme Sylvie Simon-Sicart, chargée de mission Insertion professionnelle

Ø Table ronde réunissant des associations représentant les personnes en situation de handicap :

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