N° 4131 tome XI - Avis de M. Charles-Ange Ginesy sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4131

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2017 (n° 4061)

TOME XI

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE DANS LES DOMAINES DE LA GESTION DES MILIEUX ET DES RESSOURCES

PAR M. Charles-Ange GINESY

Député

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Voir les numéros : 4061, 4125 (Tome III, annexe 37).

SOMMAIRE

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Pages

I. LES PROGRAMMES 172 ET 193, AU CŒUR DE LA RECHERCHE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 7

A. LE PROGRAMME 172 « RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES PLURIDISCIPLINAIRES » AU CENTRE DE LA RECHERCHE SUR LA GESTION DES MILIEUX ET DES RESSOURCES 7

1. Un programme ambitieux pour répondre au mieux aux enjeux sociétaux 7

2. Des opérateurs mettant en œuvre la stratégie nationale de recherche, mais également engagés et actifs dans la politique européenne de recherche 8

a. Les opérateurs du programme 172 8

b. La nouvelle stratégie nationale de recherche et la politique européenne de la recherche 10

c. L’articulation de la stratégie nationale avec la politique européenne de la recherche 11

3. La part importante du développement durable au sein de la recherche réalisée par ces organismes 13

B. LA PLACE ESSENTIELLE DU PROGRAMME 193 « RECHERCHE SPATIALE » DANS LA RECHERCHE EUROPÉENNE ET LA RECHERCHE EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DURABLE 15

1. Un domaine de recherche fondamental pour la France qui justifie un effort budgétaire renforcé pour le programme 15

2. L’excellence française en matière de recherche spatiale s’illustre dans les programmes européens de recherche qui priorisent ce secteur 16

a. Des priorités fortes pour éviter le saupoudrage des crédits 16

b. Point d’avancement du programme H2020 17

3. L’important appui du Centre national d’études spatiales (CNES) à la recherche en matière de développement durable 19

4. Le renforcement de la compétitivité du secteur spatial par la cession d’Arianespace et le lancement d’Ariane 6 20

II. L’INSUFFISANCE DES MOYENS BUDGÉTAIRES ALLOUÉS AUX PROGRAMMES 172 ET 193 RISQUE DE PROVOQUER UN RECUL DES EFFORTS DE RECHERCHE 23

A. LA FAIBLE HAUSSE DES CRÉDITS POUR L’ANNÉE 2017 MET EN PÉRIL LA RECHERCHE PLURIDISCIPLINAIRE 23

1. Une hausse en trompe-l’œil des crédits masquant une stagnation préoccupante des budgets de recherche 23

a. Le cas de l’IRSTEA 23

b. Le cas de l’INRA 25

2. Les organismes de recherche subissent des contraintes réglementaires qui pénalisent la recherche pluridisciplinaire 25

a. L’APA 26

b. Les centres de données 27

3. L’impact encore incertain du Brexit sur la position relative de la France 28

B. LE PROGRAMME 193, « RECHERCHE SPATIALE » : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS DUE AUX ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE 29

1. Une augmentation globale des crédits alloués au programme 193 29

2. Un accroissement des crédits résultant du poids des engagements européens de la France plus que d’un réel soutien de l’excellence française dans le secteur 31

CONCLUSION 35

EXAMEN EN COMMISSION 37

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 39

INTRODUCTION

Permettre à la recherche française, dans toute sa diversité, de mieux répondre aux grands défis sociétaux, économiques, scientifiques et technologiques de demain est l’un des enjeux fondamentaux de l’agenda « France Europe 2020 » pour la recherche et le transfert de l’innovation. La mobilisation des acteurs scientifiques autour de la gestion sobre des ressources et l’adaptation au changement climatique, autour d’une énergie propre, sûre et efficace, mais aussi autour de la sécurité alimentaire et du défi démographique est une priorité.

Les activités de recherche relatives à la gestion des milieux et des ressources s’inscrivent pleinement dans ces thématiques. Les crédits attribués aux programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale », examinés dans le présent avis, revêtent donc une signification toute particulière.

Les deux programmes, placés sous la responsabilité du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dépendent directement de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES). Cette dernière représente, cette année encore, une des missions les plus considérables du budget de l’État avec 26,75 milliards d’euros de crédits.

Les crédits demandés pour les programmes 172 et 193 connaissent une légère hausse à la fois en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) de respectivement +4,39 % AE et +2,8 % CP pour le programme 172 et +7,19 % AE et +7,19 % CP pour le programme 193. Il est en outre à noter qu’au-delà des crédits de ces programmes, les opérateurs, bénéficiaires reçoivent des subventions pour charges de service public issues d’autres programmes du budget de l’État.

Pour autant, cette hausse des crédits est liée au financement de mesures gouvernementales décidées au cours de l’année 2016 : hausse du point d’indice, mise en place de la Gestion Budgétaire et Comptable Publique pour les opérateurs au 1er janvier 2016 ou encore hausse des contributions françaises à l’Agence Européenne de l’Espace ou à EUMETSAT. Le financement de ces mesures explique très largement la hausse des crédits budgétaires pour 2017, qui hors ces mesures, suivent une trajectoire de stagnation. Or cette évolution atone ne permettra pas aux organismes de faire face à des charges financières ou administratives nouvelles.

Ainsi, l’arrivée à leur terme des derniers projets bénéficiant de financements du deuxième volet du Programme d’investissements d’avenir (PIA 2) (1), alors même que le PIA 3 en préparation n’entrera pas en vigueur avant 2018, conduit à priver des organismes de recherche relevant des programmes 172 et 193 de financements complémentaires parfois significatifs.

En outre, l’entrée en vigueur de dispositions législatives et réglementaires nouvelles bouleverse les équilibres précaires dégagés par les organismes dans leur gestion des ressources humaines, le poids relatif des charges de personnel s’alourdira encore dans des budgets de fonctionnement déjà très contraints. Il semble dès lors que la légère hausse des budgets des programmes 172 et 193 ne soit pas suffisante pour couvrir les charges supplémentaires pesant sur ces organismes, entre autres celles liées à la mise en place de la réforme de la Gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) ou au relèvement du point d’indice.

À ces contraintes budgétaires et réglementaires renforcées, s’ajoutent des changements systémiques liés au contexte européen et international.

En particulier, les stratégies de réponse aux appels à projets dans le cadre des programmes européens de recherche « Horizon 2020 » sont à repenser dans un contexte de sortie prochaine du Royaume-Uni de l’Union européenne. Par ailleurs, les changements liés à prise en compte accrue des exigences de développement durable et de protection des ressources à la suite de l’Accord de Paris de décembre 2015 dans le cadre de la COP 21 et ceux liés à l’entrée en vigueur de la « loi biodiversité » (2) ne sont pas sans conséquences sur l’activité de recherche des organismes entrant dans le champ des programmes 172 et 193.

Votre rapporteur pour avis a souhaité consacrer son avis budgétaire à une analyse de l’adéquation des moyens budgétaires aux enjeux de la recherche dans le domaine du développement durable. Si l’importance des programmes 172 et 193 n’est pas remise en cause, elle reste contrariée par l’insuffisance de leurs moyens pour mener à bien leurs missions.

Avec 6,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (après 6,2 milliards d’euros en AE et 6,2 milliards d’euros en CP en LFI 2016) et 6,4 milliards d’euros de crédits de paiement demandés pour 2017, le programme 172 est le plus important de la mission Recherche et enseignement supérieur (26,75 milliards d’euros dans le PLF 2017) en termes de crédits et d’opérateurs rattachés. En 2017, 17 opérateurs ou catégories d’opérateurs lui sont rattachés, sur 29 au total pour l’ensemble des programmes « Recherche », auxquels 95 % des crédits étaient destinés en 2016.

Placé sous la responsabilité du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le programme 172 joue un rôle central au regard des enjeux de la politique nationale de recherche, en raison de son poids financier (plus de 6,5 milliards d’euros), des moyens retracés à l’action 01 consacrée au pilotage du système français de recherche et d’innovation, du spectre scientifique couvert par les opérateurs du programme et du rattachement de l’Agence nationale de la recherche (ANR), principal bailleur national de la recherche sur projets.

Premier programme entièrement consacré à la recherche au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) par son poids financier, son élaboration s’articule autour de nombreux domaines scientifiques : agronomie, connaissance et ingénierie des milieux et des écosystèmes, technologies environnementales, transformation, exploitation et gestion durable des ressources naturelles, minérales, et vivantes, de l’eau, des territoires et des espaces terrestres, littoraux et marins.

Ses objectifs, particulièrement ambitieux, ont été réaffirmés par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, mais également par la stratégie nationale de recherche France Europe 2020. L’objectif premier reste l’excellence scientifique de la recherche française dans un contexte international de plus en plus compétitif. Si les objectifs et indicateurs restent inchangés par rapport au projet de loi de finances pour 2015, le périmètre des indicateurs bibliométriques (1.1, 3.3, 4.2) inclut dorénavant les lettres, sciences humaines et sociales (LSHS).

Récapitulation des objectifs et indicateurs de performance

Objectif 1. Produire des connaissances scientifiques au meilleur niveau international

Indicateur 1.1 Production scientifique des opérateurs du programme

Objectif 2. Promouvoir le transfert et l’innovation

Indicateur 2.1 Part des redevances sur titre de propriété intellectuelle dans les ressources des opérateurs

Indicateur 2.2 Part des contrats de recherche passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs

Indicateur 2.3 Mesures de l’impact du crédit d’impôt recherche (CIR)

Objectif 3. Participer activement à la construction de l’Europe de la recherche

Indicateur 3.1 Taux de présence des opérateurs du programme dans les projets financés par le PCRD de l’Union européenne

Indicateur 3.2 Part du PCRD attribuée à des équipes françaises

Indicateur 3.3 Part des articles co-publiés avec un pays membre de l’Union européenne (UE 28) dans les articles des opérateurs du programme

Objectif 4. Développer le rayonnement international de la recherche française

Indicateur 4.1 Chercheurs étrangers recrutés ou accueillis temporairement dans les laboratoires

Indicateur 4.2 Part des co-publications réalisées avec des partenaires de pays du Sud parmi les publications des opérateurs du programme

Source : PLF 2017

Le programme 172 est mis en œuvre par tous les organismes de recherche français, excepté le Centre national d’études spatiales (CNES). Néanmoins, toutes les disciplines scientifiques n’intéressent pas directement la recherche en matière de gestion des milieux et des ressources, et plus généralement le développement durable.

On compte parmi les principaux opérateurs concernés par ce domaine de recherche : l’Agence nationale de la recherche (ANR) ; le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV), spécialisé dans la mise en œuvre des activités de recherche en Antarctique et Arctique. S’y ajoutent quatre établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) : le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ; l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ; l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA). Cette liste est complétée par trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) : le Bureau des recherches géologiques et minérales (BRGM) ; le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) ; l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).

Dans certains domaines clés, renforcer la planification des travaux et rapprocher les différents acteurs de la recherche sont des nécessités. Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de recherche, de transfert et d’innovation, les alliances, créées par les organismes de recherche avec le soutien du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, favorisent la mise en place d’une coordination entre les opérateurs :

1. AllEnvi, l’Alliance dans le domaine de la recherche environnementale vise à coordonner les recherches françaises pour réussir la transition écologique et relever les grands défis sociétaux à travers quatre enjeux : nourrir 9,5 milliards d’êtres humains à horizon 2050 en produisant plus et mieux ; garantir l’accès à l’eau et aux ressources naturelles, en quantité et en qualité, sur le plan mondial ; faire face aux changements climatiques et à l’érosion de la biodiversité et respecter l’impératif de qualité environnementale ;

2. Ancre, l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie ;

3. Aviesan, l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé ;

4. Allistene, l’Alliance des sciences et technologies du numérique ;

5. Athena, l’Alliance nationale des humanités, sciences humaines et sciences sociales, à laquelle les opérateurs participent à travers l’alliance AllEnvi.

Les alliances ont également vocation à participer aux dispositifs de coordination des efforts de recherche des États européens par des instruments tels que les programmations conjointes.

Depuis 2008, plusieurs opérateurs de recherche – BRGM, Cirad, CNRS, Ifremer, INRA, IRD, IRSTEA – sont aussi membres fondateurs de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) représentant la France dans la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), officiellement créée en 2012 par 94 gouvernements.

Dans le cadre de la loi du 22 juillet 2013 (3) sur l’enseignement supérieur et la recherche, une nouvelle stratégie nationale de recherche (SNR), élaborée en cohérence avec celle de l’Union européenne et avec les priorités de recherche liées aux diverses politiques gouvernementales (santé, énergie, environnement, sécurité…), a été présentée au Premier ministre en décembre 2015. Elle identifie un nombre limité de priorités scientifiques et technologiques permettant de répondre aux défis majeurs des prochaines décennies.

Cette nouvelle stratégie est mise en œuvre par le biais des contrats d’objectifs et de performance conclus avec les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur, ainsi que par la programmation de l’ANR et des autres financements publics de la recherche permettant de coordonner les stratégies nationales et régionales.

Chaque organisme de recherche organise la programmation annuelle de ses activités selon les orientations fixées par son contrat d’objectifs et de performance, en prenant en compte, d’une part, l’évolution des connaissances dans les domaines de sa compétence et, d’autre part, les priorités scientifiques des grands sites universitaires avec lesquels il interagit. Les 10 grands défis sociétaux identifiés par la SNR sont :

1. Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique ;

2. Une énergie propre, sûre et efficace ;

3. Le renouveau industriel ;

4. Santé et bien-être ;

5. Sécurité alimentaire et défi démographique ;

6. Transports et systèmes urbains durables ;

7. Société de l’information et de la communication ;

8. Sociétés innovantes, intégratives et adaptatives ;

9. Une ambition spatiale pour l’Europe ;

10. Liberté et sécurité de l’Europe, de ses citoyens et de ses résidents.

Rôle de l’ANR dans la SNR et la mise en œuvre du PIA

La programmation pluriannuelle de l’ANR, que la direction de l’agence élabore après une consultation des acteurs de la recherche (dont les alliances thématiques), est soumise pour validation à la direction générale de la recherche et de l’innovation, puis présentée au conseil d’administration de l’agence. Une délibération formelle de ce conseil en acte les grands équilibres. Depuis 2013, le ministère veille à un dialogue renforcé entre les alliances et le CNRS d’une part, l’ANR d’autre part, pour préparer la programmation de l’année suivante de l’ANR.

L’ANR est le principal opérateur intermédiaire chargé de la gestion des crédits du programme d’investissements d’avenir : sur les 35 milliards d’euros ouverts par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 et qui ont connu des redéploiements entre actions en 2012, 22,55 milliards d’euros transitent par l’ANR, dont 18,73 milliards d’euros de dotations non consommables et 3,82 milliards d’euros de dotations consommables. Dans le cadre du deuxième programme d’investissement d’avenir, l’ANR a été confirmée comme opérateur sur les thématiques « enseignement supérieur et recherche » : à ce titre, 3,724 milliards d’euros transitent par l’agence, dont 3,265 milliards d’euros de dotations non consommables et 459 milliards d’euros de dotations consommables.

En 2015, l’exécution du programme investissements d’avenir a donné lieu au décaissement de 1,163 milliard d’euros, soit en cumulé à 5,514 milliards d’euros depuis 2011 ; à l’encaissement de 700,9 milliards d’euros d’intérêts produits par les dotations non consommables et à la signature de 96 conventions, soit un total de 822 conventions représentant un total de 9,015 milliards d’euros d’engagements pluriannuels. Le versement des financements attribués aux projets lauréats est subordonné à un conventionnement entre l’ANR et les bénéficiaires finaux.

Conformément à l’article 182 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), l’Union européenne (UE) est dotée d’un programme-cadre de recherche et d’innovation « Horizon 2020 » qui a été adopté pour la période 2014-2020. Horizon 2020 et son 7e programme-cadre de recherche et de développement technologique – PCRD 7 – regroupent l’ensemble des initiatives européennes de financement de la recherche afin de renforcer les efforts pour l’emploi, la croissance et la compétitivité en Europe. Horizon 2020 est complémentaire au PIC (Programme pour l’Innovation et la Compétitivité), aux programmes d’éducation et de formation et aux fonds structurels alloués en région. Il s’agit du principal instrument de financement de la recherche de l’UE à l’échelon européen pour 2014-2020. Le budget pour les sept années est de 70,2 milliards d’euros.

La stratégie nationale de recherche « France Europe 2020 » décline les priorités stratégiques de la politique européenne de la recherche pour garantir la bonne articulation des dispositifs nationaux et européens.

Le programme Horizon 2020 s’articule autour de 3 axes prioritaires : l’excellence scientifique, la primauté industrielle et les défis sociétaux entre lesquels se répartissent des différents champs de la recherche couverts par le programme 172.

ARCHITECTURE DU PROGRAMME EUROPÉEN DE RECHERCHE HORIZON 2020

rchitecture du programme Horizon 2020

Source MESR, 2013

Les infrastructures de recherche : clés de voûte de l’articulation des dispositifs nationaux et européens

Une feuille de route pour la gouvernance des infrastructures de recherche a été établie en 2012 par une concertation entre la Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MENESR) et les organismes de recherche pour la période 2012-2020. Une révision de cette feuille de route nationale a été lancée en juillet 2014 et a abouti en mars 2016 à la publication de la nouvelle feuille de route nationale. En articulation avec la Stratégie Nationale de Recherche, ce travail a été réalisé en étroite relation avec celui mené en parallèle pour la révision de la feuille de route européenne des infrastructures de recherche. L’articulation de la recherche française vis-à-vis de l’Espace européen de la recherche (déclinée dans la stratégie nationale France Europe 2020) transforme aujourd’hui un certain nombre d’infrastructures nationales en nœuds français d’infrastructures européennes.

Chaque opérateur fait preuve d’une réelle implication dans la recherche dans le domaine des milieux et des ressources et dans la préparation de la 21ème conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) ayant eu lieu à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015.

L’Agence nationale de la recherche (ANR) préside et coordonne depuis novembre 2014 la JPI (4)Water « Défis liés à l’eau dans un monde en mutation » qui vise à renforcer le leadership et la compétitivité de l’Europe dans le domaine de la recherche et de l’innovation sur l’eau tout en permettant de préserver la ressource. La JPI Water, lancée en 2011, a pour vocation de contribuer à réduire la fragmentation des efforts des États membres dans ce domaine et de permettre une mobilisation des ressources, des compétences et des connaissances plus optimale. À l’horizon 2020, certains grands objectifs comme aboutir à une coordination durable et efficace de la recherche européenne dans le domaine de l’eau, impliquer les utilisateurs finaux de l’eau dans la prise en compte des résultats de recherche et harmoniser les agendas et activités de recherche sur l’eau des pays partenaires devraient être atteints. L’ANR préside également la JPI Climate « Pour le développement coordonné des connaissances sur le climat », et complète son rôle d’opérateur clé dans la recherche pour le développement durable en revenant sur des projets phares en matière de changements climatiques qu’elle avait financé.

Issu de la nouvelle organisation du Centre national de recherche scientifique (CNRS), officialisée par décret paru le 1er novembre 2009, l’Institut Écologie et Environnement du CNRS (INEE) a pour mission de promouvoir et d’animer une recherche fondamentale d’excellence en écologie globale menée par un réseau d’unités de recherche dans les domaines de l’écologie et de l’environnement, incluant la biodiversité et les interactions Hommes-milieux. L’action de l’INEE se structure en cinq thématiques centrales dans la question de la gestion des milieux et des ressources :

1. Biodiversité et écologie fonctionnelle ;

2. Analyse et gestion des services écosystémiques ;

3. Rétroaction des systèmes écologiques sur les changements globaux ;

4. Adaptation, adaptabilité et évolution dans des contextes d’environnements changeants ;

5. De l’anthropisation à l’artificialisation des milieux et du vivant.

L’Institut national de la recherche agronomique (INRA) a, quant à lui, réalisé en 2013 une étude intitulée « Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? ». Si l’agriculture a une part de responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre, elle peut également être à l’origine de nombreuses solutions pour limiter les émissions à la fois de méthane (par la méthanisation ou une modification de la composition des rations par exemple) et de protoxyde d’azote (par une maîtrise de la fertilisation azotée, l’utilisation accrue de légumineuse…). Il serait également possible de stocker du carbone dans la matière organique des sols et dans la biomasse végétale (conservation et meilleure gestion des prairies, couverture végétale accrue du sol, agroforesterie…). Pour l’INRA, la question de la préservation de l’environnement est essentielle dans un système sein et durable.

Dans la continuité des orientations 2010-2020, les orientations 2016-2025 de l’INRA sont structurées en cinq axes prioritaires intéressant la gestion des milieux et des ressources :

1. #Global : l’ambition globale d’atteindre la sécurité alimentaire dans un contexte de transitions et de changements planétaires ;

2. #3Perf : la multi-performance (productive, économique, environnementale, sanitaire et sociale) et la diversité des agricultures françaises, enrichies des approches de l’agroécologie qui ont été formalisées depuis 2010 ;

3. #Climat : La gestion des ressources naturelles (sols, eau, biodiversité, etc.) et l’adaptation des systèmes alimentaires au dérèglement climatique, l’atténuation de leurs effets sur le climat et les services écosystémiques qu’ils sont susceptibles d’offrir pour contribuer au contrôle des émissions de gaz à effet de serre, travaux eux aussi enrichis des approches de l’agroécologie ;

4. #Food : le développement de systèmes alimentaires sains et durables, y compris si on considère l’urbanité qui caractérise leur composante « aval », et incluant par ailleurs plus explicitement les liens entre santé et systèmes alimentaires ;

5. #BioRes : la complémentarité et la concurrence des usages des bioressources pour les besoins alimentaires d’abord, mais aussi l’énergie, la chimie et les matériaux biosourcés.

L’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) est un établissement public à caractère scientifique et technologique sous tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’agriculture. Il dispose d’un budget de 115 millions d’euros, dont un tiers de ressources propres. Ses 1 750 agents se répartissent au sein de trois départements : Eaux, Territoires et Ecotechnologies. 70 % de la production scientifique concerne les eaux continentales. L’organisme a reçu en juillet 2016 sa troisième labellisation Institut Carnot. Décerné par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le label distingue des instituts de recherche publics ayant fortement développé la recherche contractuelle avec les entreprises (via des thèses Cifre par exemple). Une fois labellisés, les instituts Carnot bénéficient d’un soutien pour financer la recherche « amont » et pour leur professionnalisation, et ils jouissent d’une plus grande visibilité auprès des entreprises ; 3 atouts majeurs pour dynamiser leur innovation dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources.

Avec 1 478,1 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement demandés pour 2017 (contre 1 371,7 millions d’euros en LFI 2016), le programme 193 finance le Centre national d’études spatiales. C’est à travers le CNES que transitent les fonds destinés à l’ESA (Agence spatiale européenne) dans le cadre des programmes européens de recherche spatiale. Le CNES est ainsi maître d’œuvre du segment sol d’Ariane 6 (ELA 4). La contribution française à l’ESA s’est élevée à 845 millions en 2015, dont 86 millions d’euros au titre du programme d’investissements d’avenir. L’année 2016 était la dernière année de financement du deuxième programme d’investissements d’avenir, en l’attente du lancement, prévu à compter de janvier 2018, du troisième PIA. La dette liée à Ariane 5 a été résorbée en 2016 ; celle d’Ariane 6 devrait atteindre plus d’un milliard d’euros en 2018 avant de refluer pour être entièrement payée en 2024.

Récapitulation des objectifs et indicateurs de performance

Objectif 1 : Intensifier le rayonnement international de la recherche et de la technologie spatiales françaises.

Indicateur 1.1 : Production scientifique des opérateurs du programme (du point de vue du citoyen)

Indicateur 1.2 : Chiffre d’affaires à l’export de l’industrie spatiale française rapporté aux investissements des cinq dernières années (du point de vue du contribuable)

Objectif 2 : Garantir à la France et à l’Europe un accès à l’espace libre, compétitif et fiable

Indicateur 2.1 : Part du marché « ouvert » des lancements de satellites prise par Arianespace (du point de vue du citoyen)

Indicateur 2.2 : Coût moyen du lancement de satellites par le lanceur Ariane 5 (du point de vue du contribuable)

Objectif 3 : Maîtriser les technologies et les coûts dans le domaine spatial

Indicateur 3.1 : Tenue des coûts, des délais et des performances pour les 10 projets phares du CNES (du point de vue du contribuable)

Objectif 4 : Intensifier les efforts de valorisation de la recherche spatiale dans le but de répondre aux attentes de la société

Indicateur 4.1 : Nombre d’instruments spatiaux développés ou co-développés par la France utilisés à des fins applicatives (du point de vue du citoyen)

Objectif 5 : Parfaire l’intégration européenne de la recherche spatiale française

Indicateur 5.1 : Taux de présence des projets européens dans les projets financés par le CNES (du point de vue du citoyen)

Source : PLF 2017

Dans le programme Horizon 2020 (H2020), l’espace a été retenu comme un secteur spécifique et doté d’un financement dédié de 1,4 milliard d’euros. Il se place dans un nouveau cadre institutionnel européen ; en effet l’article 189 du traité de Lisbonne (TFUE) confère explicitement à l’Union européenne (UE) une compétence partagée dans le domaine spatial. Horizon 2020 et les autres programmes de l’UE (Galileo, EGNOS, Copernicus) doivent être bâtis en cohérence et en partenariat avec les autres acteurs de la politique spatiale européenne que sont les États membres et l’Agence spatiale européenne (ESA), selon le principe de subsidiarité, et refléter ainsi le nouveau rôle de l’UE.

Avec Horizon 2020, l’UE apporte un soutien à la R&D et à l’innovation dans le domaine spatial, avec un spectre assez large d’actions allant du secteur amont au secteur aval. Afin d’éviter une dispersion des efforts et un moindre retour sur investissement, l’UE concentre ses efforts autour d’actions stratégiques ciblées de type « programme » ou d’objectifs majeurs pour améliorer et soutenir la compétitivité et la non-dépendance du secteur spatial européen. Ainsi la priorité d’Horizon 2020 est, d’une part, d’apporter un soutien à des objectifs majeurs de R&D (tels que les technologies clés pour la compétitivité, dont les technologies critiques) et, d’autre part, pour une part majoritaire du budget, d’accompagner les programmes phares Galileo et Copernicus et de préparer les futurs programmes de l’Europe qui présentent un caractère stratégique (tels que la surveillance de l’espace).

La continuité des activités est essentielle dans les secteurs à longs cycles de développement. Une logique de gestion pluriannuelle et l’élaboration d’agendas stratégiques facilitent une programmation continue et cohérente des actions entre acteurs européens concernés (ESA, agences nationales, industrie, organismes de recherche, monde académique…) et évitent les redondances et la dispersion des efforts. Aussi la notion de Strategic Research Cluster – SRC – (« incubateur de recherche stratégique ») a été créée à cette fin.

– GALILEO : applications dans la navigation par satellites/Galileo (145 millions d’euros). Il comprend quatre actions sur les applications GNSS (Global Navigation Satellite System) et les activités de promotion, ainsi que des actions de R&D relatives à l’évolution des missions et services GNSS, à l’infrastructure, déléguée à l’ESA, et au PRS (Public Regulated Service) déléguée à l’Agence européenne GNSS, la GSA ;

– EO : Observation de la Terre (OT) / Copernicus (58 millions d’euros). Il inclut des actions sur les applications OT, des actions sur le suivi du changement climatique, ainsi que des actions de R&D sur les systèmes d’observation et sur l’utilisation des données sentinelles ;

– PROTEC : Protection des moyens dans et depuis l’espace (29 millions d’euros). Une partie est ciblée sur des actions de R&D relatives aux NEO (géo-croiseur) et au SW (météo de l’espace), une autre sur la préparation du programme de support SST (surveillance et suivi des objets spatiaux) ;

– COMPET : Compétitivité du secteur spatial (92 millions d’euros). Il comprend notamment le soutien à la compétitivité des technologies (60 millions d’euros), aux technologies pour la non-dépendance, l’accès indépendant à l’espace, au SRC propulsion électrique, au SRC robotique, à la démonstration/validation en orbite, et les technologies de bas niveau de maturité technologique (TRL : Technology Readiness Level), et le soutien à l’exploration et aux sciences spatiales (28 millions d’euros) (R&D relative à l’exploration humaine, démonstrateurs, et exploitation des données scientifiques).

Le programme de travail 2016–2017 (351 millions d’euros) couvre principalement :

– GALILEO : applications dans la navigation par satellites/Galileo (138 millions d’euros). Ce secteur comprend quatre actions sur les applications GNSS, ainsi que des actions de R&D relatives à l’évolution des missions et services Galileo et EGNOS, et à l’infrastructure spatiale (déléguée à l’ESA) ;

– EO : Observation de la Terre/Copernicus (45 millions d’euros). Ce secteur inclut des actions sur les applications avals et l’évolution des services Copernicus, ainsi que des actions de R&D sur les Big data ;

– PROTEC : Protection des moyens dans et depuis l’espace (26 millions d’euros), essentiellement la contribution au programme de support SST (auquel participe la France, via le CNES et le ministère de la Défense) et au consortium d’États membres ;

– COMPET : Compétitivité du secteur spatial (111 millions d’euros). Il comprend notamment le soutien à la compétitivité des technologies (95 millions d’euros) (technologies critiques pour la non-dépendance, SRC propulsion électrique, SRC robotique, technologies bas TRL, technologies SatCom, technologies EO et chaînes de données), et le soutien à l’exploration et aux sciences spatiales (8 millions d’euros) (R&D relative à l’instrumentation scientifique et exploitation des données scientifiques).

Le programme de travail 2018–2020 est en cours de préparation

Pour les années 2018-2020, la France propose d’orienter la R&D réalisée dans le cadre du programme H2020 Espace de telle sorte qu’elle devienne un outil au service de la compétitivité industrielle, du développement des applications spatiales et du renforcement de l’excellence scientifique européenne. Dans cette perspective, la France soutient particulièrement : le développement de technologies pour la non-dépendance et la compétitivité en amont ; le développement d’outils permettant l’archivage, la diffusion et l’exploitation des données spatiales en aval ; le lancement de projets ambitieux dotés de ressources financières appropriées sur plusieurs années, permettant d’aboutir à des démonstrateurs technologiques.

Dans cette perspective, la France accueille avec satisfaction l’initiative de la Commission européenne de proposer, dans le cadre de H2020, un programme ambitieux de démonstration/validation en orbite, qui devrait permettre de faire une avancée significative dans le domaine de la non-dépendance de l’industrie spatiale européenne tout en contribuant à améliorer sa compétitivité.

Par ailleurs, la France préconise qu’une partie de l’investissement de R&D du programme H2020 soit dédiée à l’amélioration de l’outil de production de l’industrie spatiale européenne, qui constitue également un facteur de compétitivité important.

Le Centre national d’études spatiales a aujourd’hui un rôle central dans l’étude des phénomènes climatiques. En effet, plus de la moitié des cinquante variables climatiques essentielles (ECV) définies par les agences intergouvernementales et utilisées par le Giec dans ses rapports sont principalement calculées à partir de données satellitaires. Parmi ces vingt-six paramètres fondamentaux du climat étudiés depuis l’espace, se trouvent la température de surface, le niveau, la salinité et la couleur des océans, la couverture neigeuse, l’humidité des sols entre autres.

La multiplication des satellites d’observation de la Terre ou d’imagerie d’optique est aujourd’hui fondamentale. Ainsi, le 22 juin 2015, a été lancé, depuis la base de Kourou en Guyane, Sentinel-2A, deuxième satellite du programme d’observation terrestre européen Copernicus qui en comptera un total de sept.

Alors que Sentinel-1A, lancé en avril 2014, était pourvu de radars capables de surveiller la banquise, les marées noires ou l’utilisation des terres même avec un ciel nuageux, Sentinel-2A sera capable de balayer un spectre de couleur plus large et infrarouge très utile pour contrôler la végétation, selon M. Volker Liebig directeur du programme d’observation terrestre de l’agence spatiale européenne ESA. En effet, Sentinel-2A est attendu notamment pour la surveillance de la déforestation, et l’évaluation des besoins en eau ou en engrais des récoltes. Les modèles 3 à 6, lancés à partir de 2018, s’intéresseront, quant à eux, à la typographie, la température et la couleur des surfaces maritimes et terrestres et aux données atmosphériques et météorologiques.

Aussi importante que les mesures opérées grâce aux satellites, la façon dont sont exploitées les masses de données est capitale. Pour la surveillance environnementale, le Centre national d’études spatiales, à l’aide du programme Copernicus, a développé des plateformes d’exploitation des données des satellites Sentinel assurant un libre accès au plus grand nombre de chercheurs du monde entier. Ambitieux programme européen de surveillance environnementale conduit par la Commission européenne, Copernicus permettra aussi de s’assurer du respect des engagements climatiques pris à l’issue de la COP21.

En outre, d’autres satellites pilotés par le CNES revêtent une importance particulière pour le contrôle du réchauffement climatique. Ainsi les satellites Jason 1 et Jason 2 ont permis de mettre en évidence la montée du niveau moyen des océans avec une augmentation de 6,5 cm entre 1993 et 2003. Jason 3 permettra de poursuivre ces mesures. Développé par le CNES en coopération avec l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT), l’instrument IASI (Interféromètre Atmosphérique de Sondage Infrarouge), présent à bord des satellites météorologiques européens Metop A et Metop B, mesure plus de vingt-cinq composants atmosphériques dont l’ozone, le méthane et le monoxyde de carbone, avec une très grande précision. D’autres outils participent également à la surveillance du climat, comme Merlin (mesure du méthane et ses conséquences sur l’effet de serre) ou encore SWOT (qui détermine les niveaux d’eau douce sur les terres émergées).

Lors du dernier Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE) à Paris-Le Bourget, a été signé un accord entre un consortium de six organismes de recherche (Cirad, CNES, CNRS, IGN, IRD, IRSTEA) et Airbus Defence and Space sur l’achat d’images en très haute résolution des satellites Spot 6 et Spot 7 pour cinq ans. Cet accès aux données apparaît comme une avancée cruciale dans de nombreux domaines, dont le suivi du trait de côte et des glaciers, l’évolution des vignobles, la lutte et la prévention contre les inondations et les incendies. Le caractère indispensable des données pour effectuer des diagnostics environnementaux est conforté par la gratuité des images pour les acteurs publics et l’accès facilité garantis par ce contrat.

Face à la montée en puissance de la concurrence américaine, l’Europe a réagi dès 2012 lors de la conférence de Naples, puis a confirmé sa position fin 2014 lors de la réunion du conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne (ESA) de Luxembourg, en mettant en chantier un nouveau lanceur, Ariane 6, destiné à mieux répondre aux défis à venir, tant par sa conception que par l’organisation industrielle mise en place.

Le contrat de développement du lanceur Ariane 6 a été finalisé par l’ESA en août 2015 avec Airbus Safran Launchers (ASL). Parallèlement, celui du segment sol correspondant l’a été avec le CNES, maître d’œuvre. Ces contrats comportent une partie ferme pour les travaux jusque mi-2016, l’ESA ayant décidé en septembre 2016, à la lumière des résultats de la première tranche, le déclenchement de la seconde tranche, qui fait d’ores et déjà l’objet d’un prix plafond : ce processus de décision est en cours.

Le CNES a assisté l’État pour préparer la cession des parts qu’il détenait dans Arianespace à la nouvelle joint-venture Airbus Safran Launchers (ASL). Cette vente s’inscrit dans le cadre plus global du changement des rôles respectifs de la puissance publique et de l’industrie dans le secteur des lanceurs : après la mise en place d’un maître d’œuvre industriel au milieu des années 2000, la fusion de celui-ci avec le principal motoriste européen et leur prise de contrôle conjoint d’Arianespace conduisent à un schéma industriel plus intégré, capable de réduire les coûts de production et d’assumer les risques financiers en exploitation, autrefois couverts par les États qui disposent néanmoins toujours d’une capacité de contrôle sur l’activité des industriels.

Votre rapporteur pour avis se réjouit du choix de développer le nouveau lanceur Ariane 6 qui renforcera la compétitivité de l’Europe sur le marché de l’espace spatial et conforte la place d’excellence de la recherche française en matière spatiale.

La comparaison entre les crédits budgétaires de la loi de finances pour 2016 et du projet de loi de finances pour 2017 doit être réalisée avec la plus grande précaution eu égard à la mise en œuvre de la réforme Gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) et à la hausse du point d’indice (5) qui consomme l’essentiel de la hausse des crédits budgétaires entre les deux exercices. En dépit de discours volontaristes, mettant l’accent sur la dimension dématérialisée de notre économie et l’importance dans ce cadre de l’effort national de recherche, les moyens consacrés à ce secteur connaissent à nouveau une stagnation cette année. Si l’on intègre les contraintes résultant des obligations de mise en réserve, ainsi que l’impact du glissement vieillesse technicité (GVT) sur leur budget de fonctionnement, nombre d’organismes de recherche voient à nouveau leurs marges de manœuvre réduites au minimum.

Comprenant un peu moins de 900 salariés, l’IRSTEA dispose d’un budget de 113 millions d’euros, dont 77 % environ de dotations publiques (19 % proviennent du programme 142 et 52 % du programme 172) et 28 % de ressources propres, aux quatre cinquièmes d’origine publique (appels à projet émanant de l’ANR et d’Horizon 2020, de ministères, de collectivités territoriales, d’agences de l’eau...). Ses dépenses sont, quant à elles, allouées à la masse salariale (74 %), au fonctionnement et à l’investissement courant (22 %) et enfin à des opérations d’investissement programmé (4 %).

Dans le projet de loi de finances pour 2017, l’IRSTEA n’est pas l’organisme de recherche le plus mal loti. En effet, la subvention pour charges de service public qui s’appuie sur le programme 172 est quasi reconduite, tandis que celle qui est adossée au programme 142 est réévaluée de 340 000 euros.

Cependant, l’établissement va devoir faire face à plusieurs difficultés lors du prochain exercice. Tout d’abord, il devra gérer un surcroît de financements complémentaires du fait, tant du GVT des personnels de statut « recherche » que des dépenses exceptionnelles induites par le passage à la gestion budgétaire et comptable publique.

Or, dans le même temps, les ressources de l’organisme vont se trouver contraintes. Les dotations publiques vont augmenter dans une très faible mesure, tandis que les ressources propres, sur le dynamisme desquels ce type d’établissement comptait jusqu’à présent, vont être réduites. En effet, les restrictions budgétaires affectant les financeurs publics de l’institut - État et collectivités - vont les inciter à réduire leurs appels à service auprès de celui-ci. Et le recours aux appels à projet n’est que d’un faible secours : leur taux de succès n’est que de 8 à 9 % pour l’ANR, et de l’ordre de 3 % sur le programme Horizon 2020, dans les champs d’expertise couverts par l’IRSTEA. Les responsables de l’institut auditionnés par votre rapporteur pour avis ont insisté sur le caractère décourageant de ces taux pour un organisme de recherche comme le leur.

Les possibilités pour l’IRSTEA de réduire ses dépenses, qui pourraient constituer une variable d’ajustement, sont extrêmement limitées. Ses coûts de fonctionnement sont fixes et, s’agissant de la masse salariale, les départs à la retraite sont peu nombreux et le GVT dépend de grilles statutaires imposées.

Les conséquences sur le fonctionnement au quotidien de l’organisme, mais aussi sur la planification de ses activités de recherche, sont inquiétantes à moyen et long termes. Ses moyens - à commencer par les plus importants, à savoir le personnel de recherche, qui a été réduit d’une cinquantaine de postes ces cinq dernières années - sont tendanciellement décroissants, ce qui va réduire ses capacités d’action.

Ainsi que l’ont clairement exprimé auprès de votre rapporteur pour avis ses responsables, qui ont par ailleurs souligné l’ambiguïté française quant au mode de financement de la recherche - par dotation ou par contrat -, l’institut risque d’abandonner certains champs de recherche ces prochaines années. Ce qui, dans un domaine où les avancées et le succès de demain se préparent aujourd’hui, est porteur de lourdes menaces pour l’avenir de notre recherche.

L’attention de votre rapporteur a été attirée par l’IRSTEA sur le fait que l’année 2016 s’est traduite par une forte tension sur le fonds de roulement et la trésorerie, le budget se caractérisant par un gel interne de crédits de 3 millions d’euros destiné à gérer la transition vers le cadre de GBCP, transition qui rend difficile la comparaison avec 2015. Le modèle économique de l’IRSTEA, impliquant un fort prélèvement sur les contrats (25 %) pour financer les charges générales non couvertes par la subvention, a réellement atteint ses limites.

Votre rapporteur pour avis suggère un ajustement des crédits pour permettre à l’IRSTEA de pérenniser ses activités.

Le montant de la subvention pour charges de service public (SCSP) que les tutelles accorderont en 2017 à l’INRA est de 172,707 millions d’euros, contre 168,070 millions d’euros en budget initial pour 2015 et 167,755 millions d’euros en budget initial pour 2016. La relative érosion de la subvention pour charges de service public en 2016 avait conduit à réduire, malgré la maîtrise de la masse salariale (qui accuse une baisse de 36 équivalents temps plein travaillé – ETPT – sous plafond et de 34 ETPT en masse salariale non limitative pour 2017), la part de cette ressource qui peut être allouée à ces compartiments de la dépense ainsi qu’aux actions incitatives nationales (AIP) ou à l’équipement scientifique lourd. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la SCSP représente 78,3 % de ses recettes totales (budget initial 2016), la hausse de + 2,523 millions d’euros de la SCSP de l’INRA prévue par le PLF 2017 ne suffit pas à compenser l’effet des mesures sociales décidées par le Gouvernement, évaluées comme suit par l’organisme :

– effet socle du PPCR (protocole relatif à l'avenir de la fonction publique et à la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations) et hausse du point d’indice en 2017 : 15,663 millions d’euros ;

– compensation de l’effet 2016 des tranches 2016 de ces mêmes mesures sociales (2,549 millions d’euros, montant assumé par l’établissement cette année), si un dégel à ce titre n’est pas effectué en 2016 ;

– effet actualisation de l’assiette du CAS Pensions de la masse salariale de l’INRA, dont l’estimation par la tutelle depuis plusieurs années conduit à une perte de ressource annuelle de 8 millions d’euros sur le socle de dépense ;

L’attention de votre rapporteur a également été attirée sur l’importance d’un maintien pérenne d’une mise en réserve à taux réduits et aux mêmes niveaux qu’en 2016 pour l’exercice 2017 : les taux réduits sont alors de 0,35 % pour la masse salariale (le taux normal est à 0,5 %) et 4,85 % pour les autres dépenses (le taux normal est à 8 %).

L’entrée en vigueur d’obligations réglementaires ou législatives nouvelles s’imposant aux acteurs de la recherche pluridisciplinaire peut parfois être source de lourdeurs et d’une complexité de gestion telles qu’elles constituent un frein sinon une entrave aux activités de recherche proprement dite des organismes. Votre rapporteur pour avis, pour cause, tient à attirer l’attention de la commission sur deux exemples de réglementations qui, en l’état, risquent de pénaliser la recherche pluridisciplinaire : la mise en œuvre du dispositif d’accès aux ressources et de partage des avantages (APA) et de la réglementation applicable aux centres de données ou Datacenters, dont les organismes de recherche se dotent de plus en plus dans le cadre de la politique de Données ouvertes ou Open Data.

En outre, les chercheurs sont des producteurs de données scientifiques. Votre rapporteur souligne l’intérêt majeur d’une grande flexibilité réglementaire et législative dans l’ouverture des données, mais aussi dans leurs exploitations « data mining » : les fouilles de données scientifiques permettent la modélisation prédictive.

Le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation (APA) a été adopté en 2010 lors de la 10ème Conférence des Parties de la Convention sur la diversité biologique. Il précise le cadre international du mécanisme d’APA que les États signataires ont la responsabilité de traduire dans leur droit national.

Ratifié par 70 États, le Protocole de Nagoya est entré en vigueur le 12 octobre 2014. Au niveau européen, le Parlement européen a adopté le 16 avril 2014 le règlement (UE) n° 511/2014 relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du Protocole de Nagoya sur l’APA, puis son règlement d’exécution (UE) 2015/1866 du 13 octobre 2015 précisant les modalités d’application en ce qui concerne le registre des collections, la surveillance du respect des règles par l’utilisateur et les bonnes pratiques. L’Union européenne, qui a ratifié le Protocole en mai 2014, dispose désormais d’un cadre juridique mettant en œuvre les dispositions du Protocole de Nagoya. Ce cadre prévoit un certain nombre de mesures pour les utilisations de ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées se déroulant sur le territoire de l’UE. Enfin, la France, à l’instar de quelques États membres de l’Union européenne, a décidé de réguler l’accès à ses ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées.

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a mis en place par son article 18 (6) un dispositif d’APA réglementant l’accès aux ressources génétiques « faisant partie du patrimoine commun de la nation », le partage de leur utilisation ainsi qu’une collection nationale de ressources biologique à l’article 23. Le dispositif d’APA impose dorénavant à tous les organismes de recherche manipulant des ressources génétiques (7) en amont de leurs travaux de déclarer tous leurs prélèvements sur un registre national, préalablement à l’obtention d’une autorisation (ou à son refus) de prélever, mettre en culture… Si ces dispositions nouvelles œuvrant à la protection de la biodiversité ont globalement été saluées les acteurs de la recherche en matière de développement durable, ces derniers redoutent une complexité des décrets d’application à venir pour les dispositions relatives à l’APA. En effet, dans les lieux où l’APA trouve déjà à s’appliquer, comme en Guyane, les organismes de recherche ont rencontré d’importantes difficultés en partie causées par la complexité des procédures de demande d’autorisation de prélèvements, la lenteur induite et les crispations d’ordre politique qui peuvent s’ensuivre (8).

Votre rapporteur pour avis plaide en faveur de la mise en place d’un portail unique de télé-déclaration éventuellement sous cotutelle du MENESER et du ministère de l’écologie et du développement durable, selon une procédure simple de demande APA, accessible à tous les organismes de recherche, qui soit assortie d’un délai d’autorisation implicite de prélèvement au-delà d’une dizaine de jours.

L’attention de votre rapporteur a été attirée par l’INRA sur la question des centres de données ou Datacenters, dont le cadre réglementaire incite chaque organisme de recherche à se pourvoir sans permettre leur mutualisation, qui serait à la fois plus efficace dans une perspective de recherche pluridisciplinaire et plus efficiente d’un point de vue économique et énergétique.

Un centre de données fonctionne sur un modèle économique de concentration dans la mesure où, quelle que soit son utilisation, il consomme entre 70 % et 80 % de sa puissance nominale à sa mise en service. En l’état actuel de la réglementation, les organismes de recherche ne peuvent prétendre à des aides publiques au titre de la participation à un centre de données que s’ils disposent de leur propre centre de données, et non s’ils payent un loyer à un centre de données participant ainsi à un effort louable de mutualisation. Cet état de fait tient principalement à deux éléments :

– L’acquisition de matériel informatique est le plus souvent éligible dans les règlements des appels à projet, par exemple ceux de l’appel générique de l’ANR (9), pour leur montant total, alors que l’éventuelle location de ressources informatiques virtuelles dans un centre de données n’est éligible que pour la durée du projet (3 ans dans l’exemple précédent) : le porteur de projet est ainsi incité à acheter plutôt qu’à louer, pour amortir intégralement l’équipement au-delà de la durée du projet, ce qui entraîne des coûts (en particulier énergétiques) plus importants ;

– Par ailleurs, il n’existe aujourd’hui aucun programme de financement incitant à la mutualisation des centres de données des différents opérateurs. Un tel programme a déjà été évoqué, notamment dans le cadre du PIA2 et de la préparation du PIA3, et dans les travaux du CODORNUM – l’instance de coordination du numérique pilotée par la DGRI et la DGESIP, et du secrétariat à l’ESR – mais elle ne s’est pas encore traduite dans les faits (10). Ainsi, les tarifs de ces centres de données restent élevés par rapport à la mise en place de salles machines locales ; quand bien même l’efficacité énergétique de ces dernières est très inférieure, elles sont souvent conservées.

L’efficacité et l’efficience des centres de données en matière de gestion des ressources dépendent de l’effet de levier et de la mutualisation qu’ils permettent. Il est dès lors impératif d’encourager les comportements vertueux des organismes qui souhaitent utiliser un centre de données déjà existant, en leur accordant le bénéfice de l’aide publique y compris lorsqu’ils payent un loyer à un centre de données.

La mise en œuvre du plan Administration exemplaire, à la suite du Grenelle de l’environnement, justifierait une action de soutien à la mise en place d’un réseau de centres de données partagés pour l’ESR, et disponible pour les autres services de l’État et des collectivités.

Malgré la victoire du leave au référendum du 23 juin 2016, le processus officiel de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ne pourra débuter qu’avec l’activation officielle de l’article 50 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévue pour début 2017. Sans cette procédure, aucune négociation ne peut commencer.

À court terme, il ne devrait donc pas y avoir de conséquences du Brexit sur les projets collaboratifs déjà en cours, ni sur les propositions en cours de dépôt. Les acteurs britanniques de la recherche devraient également être en mesure de candidater aux futurs appels dans le cadre des programmes H2020 tant que la procédure de sortie n’est pas effective. Les autorités politiques n’ont eu de cesse de répéter qu’autant que possible des mesures seraient prises pour que les contrats et projets en cours soient honorés quelle que soit l’issue des négociations après activation de l’article 50 du TFUE. Cette position a été confirmée par une Déclaration du Research Council UK, publiée le 7 juillet dernier.

Il n’est pas impossible que le Brexit ait malgré tout des conséquences sur la constitution de futurs consortiums, certaines équipes de recherche pouvant peut-être estimer que, face à la situation incertaine du Royaume-Uni, intégrer un partenaire britannique puisse être source de complexité et d’aléa supplémentaires et réduire d’autant les chances de réussite des équipes de recherche (11). En effet, si le taux de sélection des projets des équipes françaises à 14 % est supérieur à la moyenne communautaire (13,39 %), témoignant de la qualité des projets français, l’association des équipes françaises aux partenaires britanniques dans le cadre des consortiums de réponses groupés aux appels à projets constitue un risque fort pour les projets futurs, dans la mesure où les financements européens sont toujours subordonnés à la garantie d’un financement national complémentaire qui semble incertain après le Brexit pour les équipes britanniques.

À moyen terme, le Brexit pourrait priver les équipes de recherche françaises d’alliés de poids auprès de la Commission européenne dans les stratégies d’influence sur la programmation pluriannuelle des priorités en matière de recherche. La Commission européenne a d’ores et déjà initié des discussions pour la programmation des priorités scientifiques de la période 2018-2020, et l’on peut s’interroger sur le poids de l’influence anglaise dans ces discussions alors que les équipes françaises et britanniques bénéficiaient conjointement, avant le vote du  leave, d’une influence importante dans la fixation des agendas stratégiques européens de la recherche.

Votre rapporteur pour avis tient à attirer l’attention de l’Assemblée nationale et du Gouvernement sur la nécessité de préserver les partenariats d’excellence entre les équipes de recherche françaises et britanniques - au besoin par des accords bilatéraux - à l’issue des négociations de l’article 50 TFUE afin de garantir, d’une part, le bon aboutissement des projets en cours et d’autre part de préserver l’influence française dans la fixation des agendas stratégiques européens en matière de recherche. Ces deux conditions sont indispensables à une sortie par le haut de la recherche française et européenne d’un bouleversement systémique tel que le Brexit.

Le programme 193 « Recherche spatiale » a pour finalité d’assurer à la France et à l’Europe la maîtrise des technologies et des systèmes spatiaux nécessaires pour faire face aux défis du futur. Ses crédits sont fixés dans le PLF 2017 à 1,47 milliard d’euros en AE et CP, soit une hausse de + 7,8 % se traduisant par une augmentation de 106,365 millions d’euros.

Les crédits de chacune des sept actions du programme sont en augmentation allant de + 3,70 % (Action 6 « Moyens généraux d’appui à la recherche ») à + 64,29 % (Action 7 « Développement des satellites de météorologie »).

Si le programme 193 ne finance qu’un unique organisme, il n’en demeure pas moins qu’une majorité des crédits affectés au CNES au titre de ce programme est ensuite reversée à des organismes européens afin de financer la participation de la France à l’Agence spatiale européenne (ESA) et à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT).

En effet, outre les crédits alloués au CNES sous forme de subvention pour charges de service public, d’un montant de 575,008 millions d’euros, soit un montant inchangé par rapport à la LFI 2016, le coût total du programme inclut le financement de la contribution française à deux autres organismes spatiaux internationaux :

– la contribution annuelle de la France à l’ESA, d’un montant de 833,428 millions d’euros pour 2017, en hausse de 1,09 % par rapport à 2016 (824,143 millions d’euros pour 2016), et de + 2,08 % par rapport à 2015 alors qu’il (816,828 millions d’euros en 2015), soit une augmentation de 16,6 millions d’euros entre 2016 et 2017 ;

– les crédits versés par le programme « Recherche spatiale » au titre de la participation française à EUMETSAT : 69,648 millions d’euros en hausse de + 64,29 % entre 2016 et 2017, soit une augmentation de 27,08 millions d’euros entre 2016 et 2017.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR ACTION DU PROGRAMME 193 ENTRE 2016 ET 2017

(en millions d’euros, autorisations d’engagement = crédits de paiement)

 

LFI 2016

PLF 2017

Taux d’évolution

Action 1

Développement de la technologie
spatiale au service de la science

173,685

184,388

+ 6,36%

Action 2

Développement de la technologie
spatiale au service de l’observation de la terre

269,315

280,098

+ 4,09%

Action 3

Développement de la technologie
spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la
communication

110,772

119,335

+ 8,18%

Action 4

Maîtrise de l’accès à l’espace

480,703

517,095

+ 7,71%

Action 5

Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique

213,040

223,347

+ 4,69%

Action 6

Moyens généraux et d’appui à la
recherche

81,633

84,170

+ 3,70%

Action 7

Développement des satellites de
météorologie

42,568

69,648

+ 64,29%

Total du programme

Recherche spatiale

1 371,719

1 478,084

+ 7.8%

Source : Projet annuel de performances annexé au PLF 2017

Votre rapporteur pour avis souligne que l’augmentation générale des crédits pour le programme 193, d’un montant de 106,365 millions d’euros, recouvre pour une très large part la hausse de la contribution française à l’ESA (hausse d’un peu moins de 17 millions d’euros) et la hausse sensible de la contribution française à EUMETSAT (augmentation de l’ordre de 70 millions d’euros). La subvention pour charges de service public attribuée au CNES pour 2017 reste, quant à elle, stable à 575,008 millions d’euros par rapport à la LFI 2016, après une diminution de 97 000 euros en 2016 par rapport à l’année 2015 (soit une contraction de 0,02 % des crédits).

L’augmentation des crédits du programme 193 est due, une fois encore, essentiellement (pour environ 87 millions d’euros sur les 106 millions d’euros de hausse) dans le poids des engagements européens de la France.

La dette de la contribution française à l’ESA reste néanmoins préoccupante. La contribution du CNES vis-à-vis de l’ESA est aujourd’hui la plus importante des huit contributions à des organisations internationales dans le secteur de la recherche dont la France fait partie. Dans ses précédents avis budgétaires, votre rapporteur pour avis s’inquiétait déjà de la dette française auprès de l’Agence spatiale européenne.

Le budget annuel de l’ESA est constitué :

– des contributions appelées auprès des États membres, destinées à financer les activités et programmes en cours auxquels ils ont souscrit ;

– d’autres recettes, majoritairement constituées des recettes en provenance de contributeurs autres que les États membres (Union européenne notamment).

La France a longtemps été le premier contributeur au budget de l’ESA. Depuis 2009, on note une tendance à l’augmentation de la contribution allemande alors que la contribution française reste relativement stable, une partie des subventions versées annuellement au CNES (au titre du programme 193 et du PIA) étant utilisée pour rembourser la dette accumulée dans les années 2000 à l’occasion du retour en vol d’Ariane 5.

La dette passée devait être entièrement soldée à fin 2015 ; et en 2016, le budget prévisionnel français à l’ESA devait dépasser 900 millions d’euros. Or il n’était en 2016 que de 824,143 millions d’euros, et il ne sera que de 833,428 millions d’euros pour 2017.

Après une importante annulation de crédits intervenue en cours d’année 2014, la budgétisation 2016 prévoyait initialement une légère hausse (+ 0,5 %) des crédits. La seconde délibération a cependant diminué de 70 millions d’euros le financement du programme 193, soit une baisse de 5 %, et le Gouvernement avait précisé que cette diminution porte sur la contribution à l’ESA, dont le montant est ajusté pour tenir compte de l’appel à contribution prévisionnel de l’ESA au titre de 2016. La contribution française a donc été réduite en 2016, augmentant la dette de financement dont la France devra tôt ou tard s’acquitter.

La nouvelle programmation des prévisions de souscriptions françaises décidées lors du dernier Conseil ministériel de l’ESA prévoit désormais un apurement de la dette repoussé de trois ans, à l’horizon 2024. Cette extension se traduira par une croissance régulière d’encours d’arriérés de 2015 jusqu’en 2021, suivi d’un reflux rapide au cours des exercices 2022-2024, présentés dans le tableau suivant.

HYPOTHÈSES DE TRANSFERTS EN PROVENANCE DU PROGRAMME 193 QUI SERAIENT INSCRITES EN LFI POUR APURER LA « DETTE » ESA À HORIZON 2024

(en millions d’euros)

 

Montant des arriérés cumulés (« dette » ESA en fin d’année)

Transferts LFI

Crédits issus du PIA

2013

32,77

799,00

39,34

2014

- 1,80

811,44

31,40

2015

33,25

826,63

81,63

2016

238,52

824,13

10,01

2017

413,91

833,43

0,18

2018

548,21

875,00

-

2019

595,05

875,00

-

2020

651,86

875,00

-

2021

660,66

888,13

-

2022

370,82

901,45

-

2023

15,92

914,97

-

2024

-15,92

929,00

-

Source : Cour des Comptes, d’après données MENESR.

La Cour des comptes émet quelques interrogations concernant la sincérité du schéma au vu des précédentes révisions successives et de la stratégie d’apurement de la dette qui continue à accumuler des arriérés avant de garantir une résorption de 660,66 millions d’euros d’impayés en seulement trois ans.

Votre rapporteur pour avis, qui s’était déjà saisi de la question de l’endettement de la France face à l’ESA dans ses précédents avis budgétaires, rejoint la conclusion de la Cour des comptes face à ce modèle irréaliste.

Selon la Cour des comptes, la réduction du montant de la dette fin 2014 s’explique par le dégel d’une partie de la réserve de précaution et une contribution du programme d’investissement avenir (PIA) au financement d’Ariane. Si cette mobilisation de crédits permet de limiter la dette et est donc cohérente avec les objectifs de l’action, l’accord conclu entre le CNES et l’État au titre de cette action prévoyait d’utiliser ce volet pour explorer des voies technologiques supplémentaires pour la nouvelle génération de lanceurs.

Votre rapporteur pour avis insiste à nouveau sur le décalage entre les déclarations du Gouvernement annonçant un assainissement de la situation financière publique et son choix délibéré de s’endetter jusqu’en 2021. Il restera vigilant à aux évolutions de la dette de la France envers l’Agence spatiale européenne.

CONTRIBUTION FRANÇAISE À L’ESA ET ÉVOLUTION DE LA DETTE

(en millions d’euros courants)

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Subvention P193

799

763

777

824

833

875

875

875

888

901

915

929

943

PIA - Contribution au financement Ariane 6

39

31

86

6

 

Dépenses des programmes ESA (part France)

651

778

845

934

1 020

1 053

988

983

895

631

570

850

943

Dette de financement au 31/12/N

33

17

0

103

289

468

581

688

695

424

79

0

0

Source : réponse du MENESR au questionnaire de votre rapporteur pour avis

CONCLUSION

Votre rapporteur pour avis a pleinement conscience des contraintes budgétaires de la France. Cependant, l’assainissement des finances publiques n’ira de pair avec la croissance économique que si les meilleurs choix sont réalisés dès à présent. Votre rapporteur pour avis propose, par exemple, de rompre avec la pratique du financement au coût marginal et non au coût complet des projets de recherche, qui tend à se systématiser pour éluder les coûts de fonctionnement, pourtant bien réels, assumés par les organismes sur leurs ressources propres parfois à hauteur de 50 % du coût total du projet.

Le cadre législatif et réglementaire est parfois incompatible (sur les centres de données ou encore l’APA) avec la réalité de la recherche française et générateur de surcoûts administratifs non négligeables (mise en place de la GBCP pour les opérateurs) qui requièrent du Gouvernement, en dehors du cadre purement budgétaire, un dialogue ouvert avec les organismes de recherche qui tienne compte des contraintes qui s’imposent à eux quotidiennement. Votre rapporteur insiste sur la nécessité de ce dialogue avec les organismes dans le contexte d’incertitude des conditions du Brexit et de son influence sur la part relative de la recherche française sur la scène européenne et internationale.

La France dispose d’une recherche d’excellence reconnue internationalement, autant dans la recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire que dans le domaine spatial. Sur les dix dernières années, le budget de la recherche française a été plus ou moins maintenu. À titre comparatif, celui de l’Allemagne a augmenté de 75 %. Aussi, le gouvernement fédéral allemand a présenté le 6 septembre dernier son plan budgétaire pour la recherche et l’enseignement qui est en augmentation de 7 % par rapport à l’année 2016 (1,2 milliard d’euros). Il convient alors pour la France de disposer des moyens financiers à la hauteur de ses ambitions. Si les hausses de crédits demandés pour les programmes 172 et 193 dans le PLF 2017 sont à saluer, il ne s’agit pas de les prendre pour autre chose que ce qu’elles sont : un financement normal de mesures imposées par le Gouvernement qui masquent une stabilité des crédits alloués à la recherche à des niveaux très préoccupants pour le maintien d’une recherche pluridisciplinaire de qualité.

De ce fait, votre rapporteur pour avis émet un avis défavorable au vote de ces crédits pour deux raisons : la hausse en trompe-l’œil des crédits du programme 172, dont les organismes de recherche les plus modestes subissent de grandes difficultés financières, et l’augmentation illusoire des crédits du programme 193, dont la hausse des subventions est uniquement destinée à couvrir la contribution française aux organismes de recherche européens.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis, sur les rapports pour avis de MM. Philippe Plisson et Charles-Ange Ginesy, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (voir compte rendu officiel de la commission élargie du jeudi 27 octobre 2016, sur le site Internet de l’Assemblée nationale(12).

*

* *

À l’issue de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a délibéré sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons à l’examen par notre commission des crédits demandés au titre de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis pour la Recherche dans les domaines du développement durable émet un avis favorable et que M. Charles-Ange Ginesy, rapporteur pour avis pour la Recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources a indiqué qu’il émettait, quant à lui, un avis défavorable à l’adoption des crédits.

M. Philippe Plisson. Je le confirme.

*

La commission a alors donné un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs à la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Centre national de la recherche scientifique (CNRS) - Institut écologie et environnement (INEE)

– Mme Stéphanie Thiébault, directrice

Institut national de la recherche agronomique (INRA)*

– M. Philippe Mauguin, président-directeur général

– M. Claude Ronceray, directeur général délégué à l’appui de l’INRA

– M. Philippe Jarraud, directeur du financement et des achats

– M. Jean-Baptiste Merilhou-Goudard, Conseiller du président-directeur général

Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA)

– M. Jean-Marc Bournigal, président

– M. Pierre-Yves Saint, conseiller du président

Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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