N° 217 - Proposition de loi de M. Marc Dolez visant à supprimer le "tribunal correctionnel pour mineurs"



N° 217

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer le « tribunal correctionnel pour mineurs »,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Marc DOLEZ, Jean-Jacques CANDELIER, Bruno Nestor AZEROT, Alain BOCQUET, François ASENSI, Marie-George BUFFET, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs s’inscrit, s’agissant de ses dispositions relatives aux mineurs, dans la lignée des réformes précédentes tendant à aligner la procédure pénale applicable aux mineurs sur celle des majeurs.

Sans attendre l’écriture d’un code de la justice pénale des mineurs, cette loi a procédé à une énième réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, en créant le tribunal correctionnel pour mineurs.

Un chapitre III bis intitulé « Du tribunal correctionnel pour mineurs » a donc été inséré dans l’ordonnance de 1945 qui a créé les articles 24-1 à 24-4. L’exposé des motifs de la loi justifiait cette innovation de la manière suivante : « Face aux mineurs les plus âgés et qui ont déjà été condamnés, une réponse pénale plus solennelle, de nature à prévenir la répétition des infractions, doit être apportée. Aussi la composition des formations de jugement doit-elle être adaptée. La création d’un tribunal correctionnel pour mineurs, qui naturellement statuera selon une procédure adaptée, permettra de faire comprendre aux intéressés la nécessité de sortir de l’engrenage de la délinquance ».

La volonté de renforcer la sévérité et la solennité est ainsi clairement à l’origine de la création de cette nouvelle juridiction.

Le tribunal correctionnel pour mineurs constitue une formation spécialisée du tribunal correctionnel. La loi prévoit ainsi la présence d’un tribunal correctionnel pour mineurs dans chaque tribunal de grande instance où se trouve un tribunal pour enfants.

La compétence du tribunal correctionnel pour mineurs est très large. Peuvent être traduits devant cette nouvelle juridiction répressive les mineurs âgés de plus de seize ans qui sont poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale. Le tribunal est également compétent pour le jugement des délits et contraventions connexes aux délits reprochés aux mineurs, notamment pour le jugement des coauteurs ou complices majeurs de ceux-ci.

Il convient de noter que lorsque les conditions légales sont remplies (âge minimum, pénalités encourues et état de récidive), le renvoi du mineur est posé comme une véritable obligation, qui s’impose tant au juge des enfants qu’au juge d’instruction. 

S’agissant de la composition du tribunal correctionnel pour mineurs, le nouvel article 24-1 de l’ordonnance, dispose qu’il est composé selon les modalités prévues à l’article 398 du code de procédure pénale (à l’exception des troisième à cinquième alinéas) et qu’il est présidé par un juge des enfants.

Ainsi, le tribunal correctionnel pour mineurs est exclusivement formé de trois magistrats, dont un, le Président, est obligatoirement un juge des enfants. Cette juridiction ne comprend donc pas les juges citoyens, spécialisés dans les questions de l’enfance, et présents au sein du tribunal pour enfants. En outre, en vertu de l’article 24-4 de l’ordonnance, deux citoyens assesseurs complèteront le tribunal correctionnel pour mineurs lorsque les délits à juger, conformément aux articles 399-1 et 399-2 du code de procédure pénale, relèveront du tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne.

De ce fait, alors que la spécialisation de la juridiction des mineurs est assurée au tribunal pour enfants par la présence de deux assesseurs choisis pour l’intérêt qu’ils portent aux questions de l’enfance et par leurs compétences, cette garantie disparaît pour les mineurs traduits devant le tribunal correctionnel pour mineurs : les assesseurs étant remplacés par des citoyens, dont il n’est absolument pas exigé un quelconque intérêt pour les problématiques spécifiques des mineurs. Or, même présidé par un juge des enfants, il s’agit là d’une déspécialisation d’ampleur de la justice des mineurs.

Ainsi, la nouvelle juridiction juge le mineur dans des conditions de composition quasiment identiques à celle d’un tribunal correctionnel classique. Elle signe la volonté manifeste du gouvernement d’alors, d’aligner le traitement des mineurs sur celui des majeurs et de tendre à la création d’une juridiction unique pour juger la plupart des délits quel que soit l’âge du prévenu pour parvenir à un abaissement déguisé de la majorité pénale à 16 ans.

Les auteurs de la présente proposition de loi, soucieux de sauvegarder la spécificité et la spécialisation de la justice des mineurs, souhaitent la suppression du tribunal correctionnel pour mineurs, véritable juridiction d’exception pour mineurs.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le Chapitre III bis de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est abrogé.

Article 2

Au premier alinéa de l'article 1er de la même ordonnance, après le mot : « enfants », les mots : « , des tribunaux correctionnels pour mineurs » sont supprimés.

Article 3

L'article 2 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « enfants », les mots : « , le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « et le tribunal correctionnel pour mineurs ne peuvent » sont remplacés par les mots : « ne peut ».

Article 4

À l'article 3, au premier alinéa de l'article 6 et au neuvième alinéa de l'article 8 de la même ordonnance, après les mots : « tribunal pour enfants », les mots : « , le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés.

Article 5

Au deuxième alinéa de l'article 6 de la même ordonnance, les mots «, le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs, » sont remplacés par les mots : « ou le tribunal pour enfants, ».

Article 6

Le dernier alinéa de l'article 8 de la même ordonnance est supprimé.

Article 7

À la première phrase de l'article 8-2 de la même ordonnance, après la dernière occurrence du mot : « enfants, », les mots : « soit devant le tribunal correctionnel pour mineurs, » sont supprimés.

Article 8

La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 9 de la même ordonnance est supprimée.

Article 9

Au dernier alinéa de l'article 10 de la même ordonnance les mots : « ou devant le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés.

Article 10

Au troisième alinéa de l'article 12 de la même ordonnance, les mots : « tribunal pour enfants ou du tribunal correctionnel pour mineurs au titre de l'article 8-3 » sont remplacés par les mots : « tribunal pour enfants au titre de l'article 8-3 ».

Article 11

Le troisième alinéa de l’article 13 de la même ordonnance est supprimé.

Article 12

Au deuxième alinéa de l’article 24-5 de la même ordonnance, les mots : « , le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont remplacés par les mots : « ou le tribunal pour enfants ».

Article 13

Au premier alinéa de l’article 24-6 de la même ordonnance, les mots : «, le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont remplacés par les mots : « ou le tribunal pour enfants ».

Article 14

Au deuxième alinéa de l’article 24-7 de la même ordonnance, les mots « ou le tribunal correctionnel pour mineurs » sont supprimés.

Article 15

Le chapitre Ier bis du titre V du livre II du code de l’organisation judicaire est abrogé.


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