N° 1199 - Proposition de loi de M. Thierry Braillard relative aux effets de la prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié



N° 1199

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 juin 2013.

PROPOSITION DE LOI

relative aux effets de la prise d’acte de rupture
du contrat de travail par le salarié,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Thierry BRAILLARD, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Jeanine DUBIÉ, Joël GIRAUD, Thierry ROBERT, Jean-Noël CARPENTIER, Olivier FALORNI, Jacques KRABAL, Stéphane SAINT-ANDRÉ, Ary CHALUS, Paul GIACOBBI, Jacques MOIGNARD, Gérard CHARASSE, Annick GIRARDIN, Dominique ORLIAC et Alain TOURRET,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En matière de droit du travail, une fois la période d’essai achevée, les parties peuvent rompre unilatéralement le contrat de travail à durée indéterminée, notamment par un licenciement pour l’employeur ou par une démission pour le salarié.

Ce dernier peut, par ailleurs, demander la résiliation judiciaire de son contrat ou prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

Ce dernier mode de rupture est apparu depuis une dizaine d’années.

Le code du travail ne contient aucun article afférent à la prise d’acte de rupture qui trouve en partie son fondement juridique au travers de l’article 1184 du code civil.

Le salarié qui reproche à l’employer des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du travail au sein de l’entreprise peut prendre acte de la rupture de son contrat.

La prise d’acte entraine la cessation immédiate du contrat, sans que le salarié soit tenu d’exécuter quelconque préavis. L’employeur est tenu de remettre au salarié les documents de fin de contrat (certificat de travail et attestation destinée à pôle emploi notamment).

En l’absence de texte, la chambre sociale de la Cour de cassation a construit une jurisprudence fournie qui précise la nature et les effets de ce mode de rupture.

En effet, le salarié qui prend acte de la rupture peut saisir le Conseil de prud’hommes pour qu’il statue sur les effets de cette rupture. Il doit rapporter la preuve des manquements de l’employeur qu’il invoque.

Le juge qualifie donc la prise d’acte de rupture selon les éléments du dossier en licenciement ou en démission (Soc. 25 juin 2003 – n° 01-42.335).

Si les faits invoqués sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire d’un licenciement nul si le salarié est protégé.

Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.

À partir du moment où le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail et qu’il a saisi l’instance prud’homale, sa situation est extrêmement précaire.

Tout d’abord, il doit attendre que la procédure prud’homale se déroule normalement : une audience devant le bureau de conciliation et une audience devant le bureau de jugement, soit une durée moyenne de dix mois (le délai moyen pour obtenir un jugement prud’homal dans le ressort de la Cour d’appel de Paris dépasse actuellement seize mois).

Durant cette période d’attente que le juge statue sur les effets de cette rupture, le salarié ne bénéficie d’aucune protection sociale.

En effet, seule la situation de chômage du demandeur d’emploi peut être constatée, sans pouvoir qualifier ce chômage de volontaire ou non.

Pôle Emploi prend donc une décision de rejet de la demande d’allocation au motif que le droit aux allocations de l’assurance chômage ne peut être ouvert qu’aux seuls salariés dont la cessation du contrat de travail résulte d’un licenciement, d’une fin de contrat de travail à durée déterminée, d’une démission considérée comme légitime par un accord d’application, d’une rupture conventionnelle du contrat.

Toutefois, ces demandeurs d’emploi qui ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail et saisi le juge prud’homal, au cas où ils seraient toujours en chômage au terme de cent vingt et un jours, peuvent solliciter l’instance paritaire régionale en faisant état de leurs recherches d’emplois et efforts de reclassements.

Pôle Emploi a cependant apporté un tempérament à ce principe avec l’accord d’application n° 14 qui indique : « est réputée légitime la démission du salarié intervenue pour cause de non-paiement des salaires pour les périodes de travail effectuées, à condition que l’intéressé justifie d’une ordonnance de référé lui allouant une provision de sommes correspondant à des arriérés de salaires ».

Aussi, en cas de prise d’acte pour non-paiement des salaires, l’ouverture de droits aux allocations chômage est possible sur présentation d’une ordonnance de référé.

Comme seul le conseil de prud’hommes, statuant au fond, est juge de l’imputabilité de la rupture et devant la situation précaire du salarié concerné dans l’attente du jugement prud’homal, il convient donc de mettre en place une procédure spéciale qui permette au juge de statuer dans de brefs délais.

Il existe déjà en droit de travail une procédure spéciale et rapide à l’instar d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée avec l’article L. 1245-2 du code du travail : « l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant la saisine (…) ».

Il est donc proposé de mettre en place cette procédure spécifique dans les cas de saisine du conseil de prud’hommes à la suite d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l’article L. 1237-1 du code du travail, il est inséré une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

« Sous-section 1 bis

« Prise d’acte de rupture

« Art. L. 1237-1-1. – Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »


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