N° 1445 - Proposition de loi de M. Paul Salen visant à interdire, dans le code civil, la gestation pour autrui



N° 1445

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire, dans le code civil, la gestation pour autrui,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Paul SALEN, Jacques Alain BÉNISTI, Jean-Pierre DECOOL, Dominique DORD, Daniel FASQUELLE, Guy GEOFFROY, Georges GINESTA, Claude GREFF, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Valérie LACROUTE, Jacques LAMBLIN, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Olivier MARLEIX, Philippe Armand MARTIN, Alain MOYNE-BRESSAND, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Lionel TARDY, Guy TEISSIER, Philippe VITEL et Marc LE FUR,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi de bioéthique du 29 juillet 1994 a inscrit, dans notre édifice légal, le principe du respect du corps humain. L’article 16-1 du code civil dispose donc :

« Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. »

Ainsi se trouve défini le principe d’indisponibilité du corps humain qui pose des limites à la libre disposition de soi. Le corps humain, ou ses dérivés, n’est pas une marchandise et ne peut donc pas faire l’objet d’un contrat ou d’une convention entre qui que ce soit, donnant lieu ou pas à une transaction financière.

Cependant, ce principe n’est pas absolu, puisque notre droit reconnaît la validité exceptionnelle de certains actes de disposition. Toutefois, s’agissant d’exceptions, elles doivent obéir à des conditions strictes de validité. Ainsi, s’il est possible de céder son sang ou un rein, il n’est pas possible de le faire à n’importe quelle condition. La cession doit notamment être gratuite, anonyme et accomplie dans l’intérêt thérapeutique d’autrui.

Le corps humain et ses dérivés ne sont donc pas une marchandise, comme l’analyse le Comité Consultatif National d’Éthique dans son avis du 13 décembre 1990 :

« Dire que le corps humain est hors commerce ou encore hors marché, c’est formuler deux propositions complémentaires : d’une part, le corps de l’homme, ou l’un de ses éléments ne peuvent être l’objet d’un contrat, d’autre part, il ne peut être négocié par quiconque. »

Ce que la Cour de Cassation (Cour de Cassation – Assemblée Plénière – 31 mai 1991, pourvoi n° 90-20.105), évoquant la gestation pour autrui, a confirmé :

« Attendu que, la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes. »

Conformément aux dispositions de l’article 16-5 du code civil :

« Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles. »

Ainsi la gestation pour autrui se trouve donc être interdite en France par l’application du principe d’indisponibilité du corps humain. Comme le rappelle l’article 16-7 du code civil qui dispose :

« Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle. »

Or, la circulaire CIV/02/13, en date du 25 janvier 2013 ouvre le droit à la reconnaissance, pour les enfants nés y compris dans le cadre d’une gestation pour autrui, de l’ensemble des droits attachés à la filiation par le code civil.

De fait, le Ministère de la Justice remet en cause le principe d’indisponibilité du corps humain et semble ouvrir la voie à une remise en cause de l’article 16-7 du code civil. Ainsi, tous les couples pourront, à condition de disposer des moyens financiers suffisants, se rendre à l’étranger, dans un pays admettant la gestation pour autrui, pour bénéficier d’une « prestation » sous forme d’une convention ouvrant droit à compensation financière ou de toute autre nature.

Si la France ne reconnaît pas la gestation pour autrui c’est sur le fondement de principes universels de respect de la personne humaine. Il est donc paradoxal d’interdire cette pratique en France, mais de la reconnaître dès lors que les frontières nationales sont franchies.

Les principes universels visant à interdire la gestation pour autrui doivent s’appliquer de manière uniforme, partout dans le monde, précisément parce qu’ils sont conformes au message humaniste et universel de la France.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l’article 47 du code civil, il est inséré un article 47-1 ainsi rédigé :

« Art. 47-1. – Tout acte d’état civil étranger prouvant une filiation par recours à la technique de la gestation pour autrui est réputé nul, y compris si ladite filiation concerne un parent français. »


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