N° 1478 - Proposition de loi de Mme Jacqueline Fraysse portant mesures de financement, de solidarité et de justice sociale en faveur du droit à la retraite



N° 1478

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2013.

PROPOSITION DE LOI

portant mesures de financement, de solidarité et de justice sociale en faveur du droit à la retraite,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jacqueline FRAYSSE, André CHASSAIGNE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, Marc DOLEZ et Nicolas SANSU,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit à la retraite : un enjeu de civilisation.

Alors que le Gouvernement s’apprête à réformer notre système de protection sociale, les député-e-s du front de gauche réaffirment leur attachement à cet ensemble historique de droits sociaux dont la retraite est la clé de voûte.

Dans la première moitié du XXe siècle, à une époque où l’espérance de vie ne dépassait pas 50 ans et où la cessation d’activité rimait avec dépendance et pauvreté, la retraite a de prime abord été envisagée comme une forme d’accompagnement social vers la mort.

Le Plan français de sécurité sociale, prévu par le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) et mis en œuvre par Ambroise Croizat et Pierre Laroque visait « à assurer à tous les citoyens les moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail ».

Depuis la fin de la guerre, l’effet conjugué de l’essor économique et démographique d’après-guerre, des luttes sociales, des progrès de la médecine et de l’évolution des modes de vie a contribué à accroitre l’espérance de vie et son corollaire, l’espérance de vie en bonne santé. Qui à leur tour ont participé activement et dans le même mouvement au développement économique et social. De sorte que, progressivement, l’écart entre l’âge légal de départ en retraite et l’espérance de vie s’est accru. Le droit à la retraite est dès lors devenu un bien social commun, un droit ouvert par le travail à une nouvelle période de vie dégagée des contraintes du salariat et de l’exploitation patronale, une période nouvelle dégagée de la nécessité et ouverte sur des potentialités de libre activité.

Le droit à la retraite concrétise l’aboutissement des luttes sociales du XXe siècle, menées en faveur de l’aménagement des différents temps de la vie : éducation, travail, congés, retraite...

Il constitue un véritable enjeu de civilisation qui s’oppose au projet régressif du Gouvernement piloté par le patronat, les marchés financiers et la Commission européenne.

Un droit continuellement remis en cause depuis 1993.

Depuis l’apparition de notre système de protection sociale, et plus encore depuis 1993, le patronat, les libéraux n’ont cessé de chercher à remettre en cause cet acquis social, qui postule une appropriation sociale d’une partie de la richesse produite et freine du même coup les processus variés d’accumulation privative des richesses (capitalisation, financiarisation, spéculation…).

Une accumulation du capital qui se fait au détriment des salaires, de l’emploi et de la planète.

Le Gouvernement porte aujourd’hui une réforme qui s’inscrit dans cette logique : élaborée sous la pression du capital et des marchés financiers, à la faveur d’une crise et d’une austérité minimisées d’un côté et instrumentalisées de l’autre. Le catastrophisme comptable justifie la précipitation, et l’accent mis sur l’augmentation de l’espérance de vie vise à convaincre l’opinion du caractère inéluctable des régressions sociales.

Les pistes retenues pour cette réforme et la concertation qui l’a précédée s’inscrivent dans la continuité des offensives conduites depuis 20 ans contre le système par répartition, sous couvert de son sauvetage.

La réforme Balladur de 1993 a marqué un tournant dans la dégradation du droit à la retraite après le passage en 1987 de l’indexation des retraites sur l’indice des prix, lequel évolue moins rapidement que celui des salaires.

Cette modification de l’indexation, l’allongement de 37,5 ans à 40 ans de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein et par-dessus tout le calcul de la pension sur les 25 meilleures années contre 10 précédemment ont fait chuter considérablement le niveau des pensions versées. Les femmes et les salarié-e-s ayant connu des périodes de précarité sont les premiers pénalisés par ces mesures.

Pour la première fois depuis l’instauration de la Sécurité sociale, le droit à la retraite auquel pouvaient prétendre les actifs était moins accessible et moins favorable que celui de leurs aîné-e-s.

Les réformes de 2003 et de 2008 ont aggravé la situation en faisant entrer dans la loi le principe de l’augmentation de la durée de cotisation, basé sur l’augmentation de l’espérance de vie. Mais elles ont également mis en concurrence le système de répartition en favorisant de nouvelles formes de capitalisation, ménageant ainsi une place de choix aux acteurs financiers.

Alors qu’historiquement notre système de retraites avait pour vocation de résorber la pauvreté des travailleurs âgés, s’organise depuis deux décennies la paupérisation des futurs retraité-e-s en durcissant les conditions d’accès à ce droit social.

Pourtant, les chiffres montrent que les retraites sont avant tout malades de la crise qui amplifie les déficits, de l’enracinement d’un chômage de masse, du développement de l’emploi précaire, de la stagnation des salaires et du partage inéquitable des richesses produites qui en résulte.

L’obsession démographique.

S’ils ne nient pas l’enjeu que constitue le vieillissement démographique, les auteurs de ce texte réfutent en revanche l’utilisation qui en est faite et estiment que, loin de constituer un obstacle, ce défi démographique conforte le bien-fondé de notre système de protection sociale.

La conjoncture démographique actuelle est marquée par le départ en retraite des papy-boomers et par l’allongement de la durée de vie, ne constitue non pas un problème mais une bonne nouvelle. Si défi il y a, il réside dans l’adaptation de nos modes de vie et dans notre capacité collective à accompagner le vieillissement de la population.

Car en dépit de l’explosion du nombre de retraité-e-s dans la société, et même si bien souvent la retraite ne correspond plus à la vieillesse, cette question n’a jamais été autant occultée : on parle de cet âge de la vie comme d’une source de difficultés nouvelles pour la collectivité alors qu’il est urgent d’inventer la Cité pour tous les âges, de « passer d’un regard qui dévisage à un regard qui envisage » (Cocteau).

C’est là encore, par-delà la question des retraites, un enjeu de civilisation.

Les déclarations alarmistes du Gouvernement sur le nombre grandissant des personnes âgées passent sous silence le fait que la population française vieillit moins vite que celles de ses voisins européens, notamment l’Allemagne. Elles occultent aussi le fait que la fécondité en France, actuellement de 2,09 enfants par femme, assure le renouvellement des générations et rend par conséquent moins précaire le financement de la protection sociale à moyen terme.

Le financement des pensions des actuels retraité-e-s ne dépend d’ailleurs pas de l’évolution des variables démographiques mais de deux rapports : celui du nombre de retraités et du nombre de cotisants, et celui du montant des pensions servies et du montant du prélèvement sur la richesse produite. Nombre de cotisants et montant du prélèvement sur la richesse produite étant des variables déterminantes.

Or en France, si le nombre de cotisant-e-s est encore élevé par rapport au nombre de retraité-e-s, il faut constater qu’à peine plus de la moitié de ces actifs occupe un emploi à temps plein ou équivalent. Les déficits des régimes de retraites et de protection sociale sont moins la conséquence d’un phénomène démographique que d’un mode de croissance économique non durable, incompatible avec un système social fondé sur la juste répartition des richesses de l’emploi et des salaires.

La question posée est donc bien celle de la répartition des richesses.

Si les déficits du régime général (13,3 milliards d’euros), de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et du Fond de solidarité vieillesse (8,8 milliards d’euros) sont bien réels, ils résultent essentiellement de la crise et de choix économiques inappropriés. Les centaines de milliers d’emplois détruits ces six dernières années sont venues s’ajouter aux effets désastreux des politiques économiques et de l’emploi entraînant une baisse inédite de la masse salariale et par conséquent des ressources des régimes.

Des solutions économiquement inadaptées et socialement injustes.

Les solutions proposées par le Gouvernement pour faire face aux besoins de financement utilisent des recettes qui n’ont pourtant pas atteint leur but (réduction du déficit de la branche vieillesse) mais ont bel et bien contribué à accroître les inégalités. L’allongement de la durée de cotisation, l’augmentation de la fiscalité pour les retraités, la désindexation des pensions auront les mêmes effets que précédemment : elles toucheront encore davantage les actifs et amplifieront la paupérisation des retraité-e-s.

En définitive ces mesures vont venir creuser plus encore les inégalités déjà profondes entre les hommes et les femmes, et entre les salarié-e-s eux-mêmes.

Les salarié-e-s, les fonctionnaires et assimilés et les retraité-e-s vont à nouveau supporter la plus grande part du poids de la réforme pour satisfaire aux exigences de la Commission européenne, des marchés financiers et du secteur des banques et des assurances.

Du reste, dans sa réforme, le Gouvernement ne vise en aucun cas l’équilibre des comptes de la branche vieillesse, mais seulement la réduction d’un tiers des déficits estimés à l’horizon 2020. Comme pour la branche maladie, la réduction des droits des salariés et des retraités ouvre un peu plus le marché de la vieillesse aux acteurs privés : assurances, banques et fonds de pension.

Des politiques de l’emploi inefficaces.

« La Sécurité sociale […] commande l’élimination du chômage. Elle suppose d’abord une organisation adaptée, assurant le plein emploi […] » (Pierre Laroque, 1946).

La loi si mal nommée dite de sécurisation de l’emploi ainsi que la mise en place du crédit d’impôts compétitivité emploi (CICE) qui prolonge le dispositif d’exonération des cotisations sociales sur les bas salaires (dispositif Fillon) constituent les premiers marqueurs du quinquennat en réponse à l’exigence récurrente du patronat d’une réduction du coût du travail (au profit des revenus du capital). Combinées à des gains de productivité particulièrement élevés (la France se place au premier rang des pays industrialisés) et à des attentes en termes de rentabilité, ces mesures contribuent au maintien d’un fort taux de chômage et d’un faible niveau des salaires, et seront donc largement responsables de l’assèchement des rentrées de cotisations sociales.

Les tenants de cette vision de l’économie défendent l’idée que ces prélèvements sociaux doivent être supportés non par les employeurs mais par l’impôt ou par les travailleurs eux-mêmes, dans une logique d’individualisation de la prise en charge des risques (maladie, chômage, retraite).

Cette conception est contraire à la philosophie de notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité, où les prélèvements sociaux mutualisent une partie de la richesse produite sous forme de prestations sociales afin de protéger chacun contre les risques de la vie. Elle remet en cause l’existence même de la retraite par répartition.

Les auteurs de cette proposition rejettent vigoureusement cette approche qui fait fi de la responsabilité propre des employeurs et du rôle central des salarié-e-s à la création de richesses. Augmenter la part des profits au détriment de l’investissement productif et de l’emploi est un choix économiquement injuste et inefficace.

L’enjeu de l’égalité hommes-femmes.

Les femmes ont été déjà beaucoup plus frappées que les hommes par les réformes passées qui se sont soldées en moyenne par une baisse de 20 % de leurs pensions. Les inégalités de retraite entre les hommes et les femmes sont très importantes (833 € en moyenne pour une femme, contre 1 743 € pour un homme).

En 2004 seules 44 % des femmes avaient une carrière complète (contre 86 % des hommes). 82 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, elles sont davantage touchées par le chômage et perçoivent des salaires inférieurs à ceux des hommes.

Pour elles les réformes qui se sont succédées depuis près de 20 ans constituent de véritables régressions. Il en va ainsi de l’allocation parentale d’éducation étendue en 1994 aux parents de deux enfants, qui éloigne durablement les femmes de l’emploi (en 4 ans, le taux d’activité des mères de deux enfants a chuté d’au moins 18 points).

La comparaison des taux d’emploi des femmes dans les 27 pays de l’Union européenne est d’ailleurs instructive : la France vient au 15e rang, avec un taux d’emploi féminin inférieur de plus de 13 points à celui des pays comme le Danemark ou la Suède.

L’amélioration du taux d’emploi des femmes est donc possible. Elle suppose la création d’emplois de qualité, à temps complet, à l’opposé des emplois atypiques et précaires qui leur sont trop souvent proposés.

Le développement d’un service public de la petite enfance, le rattrapage des salaires des femmes et la majoration de cotisations employeurs pour ceux d’entre eux qui pratiquent des discriminations salariales ou imposent des temps partiels à leur personnel féminin sont de puissants leviers pour rétablir l’équilibre et tendre vers une réelle égalité hommes-femmes.

L’exigence d’une nouvelle répartition des richesses.

La crise a porté sur le devant de la scène l’épineuse question du partage des richesses, question centrale s’agissant des retraites.

Or, la financiarisation de l’économie et les mécanismes spéculatifs ne sont pas compatibles avec la logique de socialisation des richesses produites.

Selon la Commission européenne, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9,3 % entre 1983 et 2006 (soit l’équivalent de près de 100 milliards d’€ par an qui bénéficient au capital plutôt qu’au travail) tandis que sur la même période, la part des dividendes versés aux actionnaires passait de 3,2 % à 8,5 % du PIB (et de 5 % de la valeur ajoutée à près de 25 %).

La proportion croissante des revenus accaparés par le capital se double de l’utilisation des revenus du capital contre l’emploi (spéculation, délocalisation).

Trois chiffres illustrent l’impossible coexistence du capitalisme financier avec notre système de protection sociale par répartition : entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 % tandis que le PIB (notamment en raison des gains de productivité) augmentait de 33 % et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de 143 %...

Par ailleurs la part des produits financiers dans la valeur ajoutée des entreprises est désormais près de deux fois supérieure (29 % contre 15 %) à celle de leurs cotisations sociales.

Il devient donc de plus en plus difficile pour les entreprises et le secteur financier de concilier le maintien d’un taux d’emploi élevé, leur contribution au financement de la protection sociale et les revenus qu’ils doivent servir au capital, eux-mêmes détournés de l’investissement productif.

Seule une meilleure répartition des richesses entre travail et capital, combinée au développement de l’emploi qualifié et rémunéré à sa juste valeur, permettra de répondre efficacement à l’enjeu du financement de notre modèle de protection sociale et de préserver cet acquis précieux et libérateur.

Ces objectifs ne peuvent être atteints que par la désintoxication de l’économie à la financiarisation.

C’est le sens de la présente proposition de loi, que les député-e-s communistes, républicains, du parti de gauche et apparentés ultramarins vous demandent de bien vouloir délibérer et adopter.

***

L’explosion des revenus financiers des entreprises et des banques (+ 143 % entre 1993 et 2009 ; + 626 % entre 1980 et 2009 – Source INSEE, Comptes de la Nation) qui sous-tend une tendance forte de l’ensemble des sociétés à privilégier les revenus du capital au détriment de l’emploi, et la très faible progression du volume des salaires impactent mécaniquement les ressources disponibles pour notre système de protection sociale en général, et pour les régimes de retraites en particulier.

Le chapitre premier de la présente proposition porte donc un dispositif dynamique poursuivant deux objectifs : le financement des régimes de retraite et le développement de l’emploi.

L’article 1er propose d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et des sociétés non financières à une contribution d’assurance vieillesse, à un taux égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse patronale et salariale du secteur privé. Cette nouvelle contribution, qui apportera un surcroît de recettes estimé à plus de 30 milliards d’euros, poursuit un double objectif : un financement rapide des régimes obligatoires de retraite d’une part, et une incitation forte pour les entreprises à privilégier le facteur travail.

L’article 2 propose une modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix des entreprises en matière de répartition des richesses : les entreprises privilégiant une répartition des richesses en faveur du capital et au détriment de l’emploi, des salaires et de la formation professionnelle sont soumises à deux cotisations additionnelles d’assurance vieillesse.

L’une est calculée en fonction de l’évolution du ratio de répartition des richesses de l’entreprise (entendu comme la part de la masse salariale augmentée des dépenses de formation de la société, dans la valeur ajoutée augmentée des produits financiers) par rapport à l’évolution moyenne du ratio de répartition des richesses à l’échelle nationale. La seconde est calculée en fonction de l’écart entre le ratio de répartition des richesses de l’entreprise et le ratio moyen de répartition des richesses du secteur (INSEE, Nomenclature des activités françaises en vigueur, niveau 1) duquel elle relève. Ces deux cotisations additionnelles sont cumulatives.

Lorsque le ratio de répartition des richesses de l’entreprise est supérieur au ratio de la section de laquelle elle relève, l’entreprise reste assujettie au taux de cotisation patronale de droit commun.

De même, lorsque la variation du ratio de répartition des richesses de l’entreprise est positive et supérieure à celle du ratio national, elle reste assujettie au taux de cotisation patronale de droit commun.

En revanche lorsque le ratio de répartition des richesses de l’entreprise est inférieur à celui du secteur duquel elle relève, elle est assujettie à une cotisation additionnelle dont le taux est égal à l’écart entre le ratio du secteur et celui de la société.

Par ailleurs, lorsque la variation du ratio de répartition des richesses de l’entreprise est positive ou nulle mais néanmoins inférieure à la variation du ratio national, ou négative, l’entreprise s’acquitte d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse assise sur la totalité de sa masse salariale, dont le taux est égal à la différence entre le taux de variation du ratio de l’entreprise et le taux de variation du ratio national.

La question de l’emploi, de la réduction du sous-emploi et de la revalorisation des salaires est une clé essentielle du financement des retraites et de la protection sociale en général. Pour les salarié-e-s, majoritairement les femmes travaillant à temps partiel, cette précarité les enfermant dans la pauvreté laborieuse se répercute durement au moment de la retraite. Dans certains secteurs dont celui du commerce, des services aux entreprises, de l’éducation, de la santé et de l’action sociale, le taux de salarié-e-s employés à temps partiel s’élève à plus de 20 %. Dans les services aux particuliers c’est plus de 31 %.

L’article 3 propose de majorer de 10 % les cotisations d’assurance sociale employeur des entreprises de plus de 20 salarié-e-s comptant dans leurs effectifs au moins 20 % de salarié-e-s à temps partiel, afin de décourager le recours au temps partiel et inciter fortement à l’accroissement de la durée d’activité.

La baisse du coût du travail via les exonérations de cotisations sociales patronales, fil conducteur des politiques libérales de l’emploi, fait largement débat aujourd’hui dans la mesure où l’efficacité quantitative en matière de création d’emploi reste à chiffrer alors que les effets négatifs sur la qualité de l’emploi, l’effet « trappes à bas salaires » est démontré.

L’article 4 vise, dans le cadre de la réforme globale du financement de la protection sociale portée par les auteurs de la présente proposition de loi et afin de lever la pression à la baisse sur les salaires et sur les rentrées de cotisations sociales, à revenir sur les allègements généraux de cotisations sociales qui représentent plus des trois quarts des mesures d’exonérations et proposent la suppression de la réduction générale de cotisations patronales dite Fillon jusqu’à 1,6 SMIC (article 4) qui coûte plus de 20 milliards d’euros par an.

L’article 5 a pour objet de porter le taux du prélèvement social de 4,5 à 12 % sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values, gains ou profits, en particulier ceux réalisés sur les marchés financiers.

Les réformes successives de notre système de retraites adoptées depuis 1993 ont toutes eu pour effet la réduction des droits des retraité-e-s et des futurs salariés, la baisse du niveau des pensions, et le creusement des inégalités entre les femmes et les hommes ainsi qu’entre les différentes catégories de travailleurs. Le second chapitre de cette proposition de loi entend inverser cette tendance régressive et antisociale.

L’article 6 propose de fixer à soixante ans l’âge légal de départ en retraite à taux plein.

L’article 7 rétablit l’ancienne période de référence servant de base au calcul des pensions : actuellement les pensions sont calculées sur la base des 25 meilleures années de traitement, il est proposé de les calculer de nouveau sur les 10 meilleures années. Cette augmentation de la durée de la période de référence avait fait baisser de 16 % le niveau des pensions par rapport à l’ancien mode de calcul.

L’article 8 s’inscrit dans le même esprit : à rebours de l’idée d’une désindexation des pensions envisagées par le Gouvernement, il propose de fixer le coefficient annuel de revalorisation des pensions par rapport à l’évolution du salaire moyen plutôt qu’à l’évolution des prix, moins avantageuse.

Les articles 9 et 10 concernent l’égalité salariale femmes/hommes. La résorption intégrale de cette inégalité à l’horizon 2025 permettrait de réduire les écarts de pension entre femmes et hommes et rapporterait entre 10 et 13 milliards d’euros de cotisations sociales supplémentaires par an selon un chiffrage de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV).

L’article 11 fixe le montant minimal des pensions servies : celles-ci ne pourront être inférieures au SMIC net.

L’article 12 propose que les périodes d’études supérieures, d’apprentissage, d’alternance, de stage et de chômage soient prises en compte dans le calcul de la durée d’activité, afin que ces périodes ne grèvent pas les droits à retraite et à pension des futurs retraité-e-s.

L’article 13 porte des gages financiers.

PROPOSITION DE LOI

CHAPITRE IER

Nouvelles recettes pour le financement dynamique des retraites
et le développement de l’emploi

Article 1er

I. – Le chapitre 5 du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est ainsi complété :


« Section 6


« Contribution des revenus financiers des sociétés financières
et non financières

« Art. L. 245-17. – Les revenus financiers des prestataires de service visés au livre V du code monétaire et financier entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisations salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.

« Les revenus financiers des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce, à l’exclusion des prestataires visés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisations salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.

« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse. »

II. – Après le 5° bis de l’article L. 213-1 du même code, est inséré un 5° ter ainsi rédigé :

« 5° ter Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 245-17 du présent code ; ».

III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

Article 2

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 242-7-1, est insérée une section 2 ainsi rédigée :


« Section 2


« Cotisations assises sur la masse salariale

« Art. L. 242-7-2. – I. – Pour l’application du présent article :

« – la répartition des richesses des sociétés à l’échelle nationale est définie annuellement par le calcul du ratio Rn de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers au sens de l’article L. 245-16 du présent code de l’ensemble des sociétés ayant leur siège sur le territoire français ;

« – la répartition des richesses des sociétés à l’échelle des sections du niveau 1 de la nomenclature des activités françaises de l’Institut national de la statistique et des études économiques en vigueur est définie annuellement par le calcul du ratio Rs, correspondant au ratio moyen Re de l’ensemble des sociétés qui composent la section ;

« – la répartition des richesses d’une société est définie annuellement par le calcul du ratio Re de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers au sens de l’article L. 245-16 du présent code de la société ;

« – les ratios Rn et Re de l’année précédant la promulgation de la loi n°           du                portant mesures de financement, de solidarité et de justice sociale en faveur du droit à la retraite servent de référence pour le calcul des taux de variation annuels de Rn, et Re exprimés en %.

« II. – Les sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce s’acquittent annuellement, selon les modalités définies au présent article, d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse calculée en fonction de l’écart entre le ratio Re et le ratio Rs d’une part, et d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse calculée en fonction de l’écart entre les taux de variation de Re et de Rn d’autre part.

« Les sociétés dont le ratio Re est supérieur ou égal au ratio Rs de la section de laquelle elles relèvent, ou dont le taux de variation annuel du ratio Re est positif ou nul et supérieur au taux de variation annuel du ratio Rn, restent assujetties aux taux de cotisation d’assurance vieillesse de droit commun.

« Les sociétés dont le niveau annuel de Re est inférieur au niveau annuel de Rs de la section dont elles relèvent s’acquittent d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse assise sur la totalité de leur masse salariale dont le taux est égal à l’écart entre Rs et Re.

« Les sociétés dont le taux de variation annuel du ratio Re est positif ou nul mais inférieur au taux de variation du ratio Rn, ou négatif, s’acquittent d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse assise sur la totalité de sa masse salariale, dont le taux est égal à l’écart entre les taux de variation Rn et Re.

« Les cotisations additionnelles mentionnées au présent article sont cumulatives.

« Les cotisations prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse. » ;

2° Après le 5° ter de l’article L. 213-1, sont insérés un 5° quater et un 6° ainsi rédigés :

« 5° quater Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 242-7-2 du présent code ;

« 6° Le contrôle et le contentieux du recouvrement prévu aux 1°, 2°, 3°, 5°, 5° ter et 5 quater du présent article ; ».

II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.

Article 3

Après l’article L. 242-10 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 242-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 242-10-1. – Les entreprises d’au moins vingt salariés et dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 20 % du nombre total de salariés de l’entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel. »

Article 4

L’article L. 241-13 du même code est abrogé.

Article 5

L’article L. 245-16 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du I, le taux : « 4,5 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

2° À l’avant-dernier alinéa du II, le taux : « 2,75 % » est remplacé par le taux : « 10,25 % ».

CHAPITRE 2

Mesures de justice sociale

Article 6

L’article L. 161-17-2 du même code est ainsi modifié :

1° Après l’avant-dernière occurrence du mot : « à », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « soixante ans » ;

2° Les deuxième à dernier alinéas sont supprimés.

Article 7

L’article L. 351-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le salaire servant de base au calcul de la pension est le salaire annuel moyen correspondant aux cotisations permettant la validation d’au moins un trimestre d’assurance selon les règles définies par l’article R. 351-9 et versées au cours des dix années civiles d’assurance accomplies postérieurement au 31 décembre 1947 dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l’assuré. » ;

2° Au début de la première phrase de l’avant-dernier alinéa, sont insérés les mots : « Sans préjudice du troisième alinéa du présent article, ».

Article 8

Aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 161-23-1 du même code, les mots : « prix à la consommation hors tabac » sont remplacés par le mot : « salaires ».

Article 9

L’article L. 2242-5 du code du travail est ainsi modifié :

1° À l’avant-dernière phrase du premier alinéa, après le mot : « sur », sont insérés les mots : « l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, » ;

2° Le second alinéa est supprimé.

Article 10

L’article L. 2242-5-1 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « d’au moins cinquante salariés » sont supprimés ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».

Article 11

L’article 4 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi modifié :

1° Les mots : « en 2008 » sont supprimés ;

2° Les mots : « à 85 % » sont remplacés par les mots : « au montant ».

Article 12

À compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les périodes d’études supérieures, d’apprentissage, d’alternance, de stage et de chômage sont prises en compte dans le calcul de la durée d’activité mentionnée au I de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Article 13

I. – Les charges pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – Les charges pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


© Assemblée nationale