N° 1606 - Proposition de loi de M. Jean-Christophe Fromantin visant à accélérer, simplifier et réduire le coût du passage de l'examen du permis de conduire



N° 1606

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2013.

PROPOSITION DE LOI

visant à accélérer, simplifier et réduire le coût du passage de l’examen du permis de conduire,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Christophe FROMANTIN, Damien ABAD, Bernard ACCOYER, Julien AUBERT, Thierry BENOIT, Sylvain BERRIOS, Étienne BLANC, Bernard BROCHAND, Luc CHATEL, Alain CHRÉTIEN, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Philippe COCHET, Gilbert COLLARD, Marie-Christine DALLOZ, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Pierre DECOOL, Rémi DELATTE, Stéphane DEMILLY, Patrick DEVEDJIAN, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Virginie DUBY-MULLER, Georges FENECH, Marie-Louise FORT, Yves FOULON, Marc FRANCINA, Édouard FRITCH, Yves FROMION, Laurent FURST, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Alain GEST, Philippe GOSSELIN, Anne GROMMERCH, Arlette GROSSKOST, Jean-Claude GUIBAL, Meyer HABIB, Michel HEINRICH, Patrick HETZEL, Francis HILLMEYER, Jacques KOSSOWSKI, Valérie LACROUTE, Jacques LAMBLIN, Dominique LE MÈNER, Patrick LABAUNE, Philippe LE RAY, Céleste LETT, Maurice LEROY, Alain MARC, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Alain MARSAUD, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Dominique NACHURY, Yves NICOLIN, Jacques PÉLISSARD, Michel PIRON, Bérengère POLETTI, Josette PONS, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Franck REYNIER, Arnaud RICHARD, Camille de ROCCA SERRA, François SAUVADET, André SCHNEIDER, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Alain SUGUENOT, Jonas TAHUAITU, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Dominique TIAN, Jean-Paul TUAIVA, François VANNSON, Francis VERCAMER, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VIGIER et Philippe VITEL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En matière de permis de conduire, tous les voyants sont au rouge. L’insuffisance des places offertes à l’examen du permis est à l’origine d’un engorgement massif du système d’octroi du permis (1,3 million de places à l’examen pratique par an contre 2 à 4 millions de candidats en attente). Cette situation a un coût élevé pour les candidats :

1. Un coût en termes de temps.

Un coût en termes de temps tout d’abord, car le temps d’attente pour passer le permis est long (3 à 28 semaines selon les régions). La situation est acceptable dans certains départements, mais elle est particulièrement dégradée dans les régions urbaines, ainsi dans la région Île-de-France, un candidat attend en moyenne 4 mois avant de pouvoir se présenter à l’examen. Mais cela est valable uniquement pour les 55 % des candidats qui réussissent l’examen dès le premier passage. Pour les autres, le temps d’attente entre le premier et le deuxième passage est encore plus long (en moyenne trois mois, mais au moins 6 mois dans les départements les plus encombrés).

2. Un coût financier.

Ce coût en termes de temps entraîne mécaniquement un coût financier. Ainsi, pour ceux qui échouent à la première tentative, le coût grimpe rapidement à plus de 2 000 euros, car il faut payer des heures de conduite supplémentaires pour ne pas perdre la main entre les deux examens qui peuvent être espacés dans le temps.

3. Un coût en termes d’emplois.

Mais aussi un coût en termes d’emplois car le fait de décrocher un travail est bien souvent conditionné à l’obtention du précieux sésame. « Comment faire pour obtenir un emploi qui doit me servir à financer mon permis mais que je ne peux avoir sans posséder le permis ? » se demandent certains candidats. L’obtention du permis est fortement corrélée à l’obtention d’un emploi. Le temps d’attente oblige certains candidats à décliner des offres faute d’avoir eu le permis dans un délai convenable. La question du permis de conduire doit donc être pleinement intégrée dans les problématiques des politiques de l’emploi.

4. Un coût en matière de sécurité et de légalité.

Enfin, cette situation a un coût en termes de sécurité et de légalité. Le permis devenant plus difficile à obtenir et, depuis l’instauration du permis à point, plus facile à perdre, on assiste à une hausse de la conduite sans permis. Certains estiment qu’il est préférable de conduire sans permis plutôt que de perdre son emploi et d’autres préfèrent ne pas avoir à attendre de passer l’examen pour conduire. Enfin, l’engorgement du système conduit certains à utiliser des voies parallèles comme le fait de passer un permis étranger puis de l’échanger contre un permis français (environ 85 000 cas), solutions qui restent légales compte tenu des accords qui existent entre la France et les autres pays, mais qui soulèvent tout de même des questions en matière de sécurité et de normes. Enfin, face à la difficulté pour les candidats à trouver une place, certaines auto-écoles n’hésitent pas à « vendre » des places à l’examen en proposant un tarif relevé qui donne l’assurance d’avoir une place dans le mois.

Plusieurs facteurs expliquent cette situation :

La situation s’est particulièrement dégradée depuis le début des années 2000, d’abord avec la suppression du service militaire, pendant lequel bon nombre de jeunes adultes pouvaient passer le permis à moindre frais, puis avec le passage aux 35 heures et donc la réduction du temps de travail des inspecteurs, ensuite avec l’application d’une directive européenne de 2006 qui a allongé la durée de l’examen à 35 minutes. La hausse du nombre d’inspecteurs au cours de cette période n’a pas été suffisante pour compenser la diminution du nombre de places offertes à l’examen.

Les pouvoirs publics se sont déjà emparés du sujet à plusieurs reprises, mais sans succès pour l’instant. Les dispositifs les plus efficaces pour fluidifier le permis et répondre aux problèmes de coûts posés aux candidats sont la conduite accompagnée et la conduite supervisée de 3 mois (après un échec à l’examen). Les autres dispositifs n’ont pas fait leur preuve.

La dernière réforme, celle de 2009, n’est pas allée assez loin pour résoudre le problème qui s’est finalement aggravé depuis.

Le rapport Lebrun commandé conjointement par le Ministre du Développement Durable et le Ministre de l’Intérieur, publié en mai 2008, est le dernier travail d’envergure effectué sur le sujet. Ce rapport préconisait une réforme du permis de conduire à travers 18 mesures. Il envisageait notamment de créer une agence de service public pour gérer l’organisation de l’examen et si cela ne suffisait pas, d’instaurer une délégation de service public.

Création d’un permis probatoire :

Cette proposition de loi vise à créer un « permis probatoire » qui sera délivré par un organisme certificateur privé dûment habilité par l’autorité administrative compétente. Ce permis probatoire, organisé sur la base d’un examen identique au permis actuel, permettra à son titulaire de conduire dès son obtention. Au bout de deux ans, ce permis probatoire sera confirmé en « permis jeune » si son titulaire n’a commis aucune infraction. Dans le cas contraire, le titulaire devra faire valider son permis en repassant l’examen auprès d’un Inspecteur de l’État. Au cours de cette période de probation, les inspecteurs pourront également procéder à des contrôles aléatoires afin de suivre, par sondages réguliers, la qualité des examens. Cette procédure permettra ainsi de libérer les auto-écoles de leur rôle d’interface avec l’administration, de développer une offre d’examens en phase avec la demande et de confirmer le rôle des Inspecteurs dans une mission de contrôle. Ce dispositif concernera uniquement le permis B voiture.

– Organisation du permis probatoire : un permis délivré par un opérateur privé.

Le permis probatoire sera délivré par un opérateur privé agréé par l’autorité administrative compétente et sera à la charge des candidats, au coût approximatif d’une heure de conduite (actuellement autour d’une cinquantaine d’euros en moyenne). La concurrence entre les opérateurs agréés permettra de proposer le meilleur tarif aux candidats. Cet examen répondra aux normes européennes sur le permis de conduire (comme la durée de 35 minutes pour l’examen), conformément à la directive européenne 2006/126 du 20 décembre 2006. Les examinateurs devront répondre aux exigences posées par cette directive, notamment en matière de formation.

– L’obtention du permis probatoire puis du permis à points :

À l’issue de l’examen du permis probatoire :

- Si le candidat est reçu à l’examen probatoire : il devient titulaire du « permis probatoire ». Au bout de deux années sans aucune infraction, et s’il justifie avoir conduit au moins 3 000 kilomètres, il devient titulaire du permis de conduire à points. 6 points lui sont attribués dans un premier temps, pour atteindre les 12 points au bout de 2 années supplémentaires sans infraction (système identique au « délai probatoire » mis en place actuellement après la conduite accompagnée).

Durant la phase de conduite avec le permis probatoire, il peut néanmoins lui être demandé de passer un examen de contrôle auprès de la préfecture, par un inspecteur du permis de conduire :

. soit par contrôle aléatoire,

. soit s’il commet une infraction qui aurait entraîné un retrait de point. Dans ce cas, le candidat devra passer l’examen de contrôle par un inspecteur du permis de conduire dans un délai de deux mois à compter de l’infraction commise. S’il échoue à cet examen ou s’il refuse de le passer, son permis probatoire lui est retiré. Il devra suivre au minimum 5 heures de formation avant de repasser le permis probatoire. S’il réussit l’examen, il deviendra titulaire du permis à points à l’issue de la période de 2 ans suivant l’examen probatoire.

- Si le candidat n’est pas reçu, il doit suivre un minimum de 5 heures de conduite avant de se représenter à l’examen du permis probatoire.

– Le contrôle du permis probatoire.

Le système instauré vise à permettre aux inspecteurs du permis de conduire de concentrer leur action sur les candidats nécessitant le plus d’attention, c’est-à-dire ceux qui auraient commis une infraction dans les deux ans suivant l’obtention de leur permis probatoire. D’autre part, les Inspecteurs du permis de conduire veilleront, par des contrôles aléatoires, au bon fonctionnement des critères d’obtention du permis probatoire.

– Des caractéristiques proches de celles de la conduite accompagnée/
supervisée.

Le permis probatoire ne sera valable que deux ans. Il s’inspire de ce qui est fait actuellement dans le cadre de la conduite accompagnée et de la conduite supervisée.

Les restrictions s’appliquant au « permis jeune » tel qu’il existe actuellement, seront également valables pour le nouveau permis probatoire (limitation de vitesse à 110 km/h sur les autoroutes, à 100 km/h sur les autres sections d’autoroutes et les routes à deux chaussées séparées par un terre-plein central, à 80 km/h sur les autres routes, 50 km/h en ville).

Les conditions pour passer le permis probatoire sont les mêmes que celles pour passer le permis de conduire actuellement : un minimum de 20 h de cours de conduite et la validation de l’examen du code. Les personnes ayant obtenu le permis probatoire devront apposer à l’arrière de leur véhicule un disque portant la mention P. Ce disque a les mêmes caractéristiques que le disque obligatoire pour la conduite accompagnée et le « délai probatoire » actuel.

L’intervention des opérateurs privés, dont l’offre devra s’adapter à la demande, permettra de fluidifier le système et de réduire les délais de passage à l’examen. Cette réduction des délais permettra aussi de réduire le coût global de l’examen, évitant les heures de formation dites « d’entretien » dans l’attente du passage de l’examen.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le chapitre 1er du titre 2 du livre 2 du code de la route est ainsi modifié :

I. – Après l’article L. 221-1, il est inséré un article L. 221-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-1-1. – Le permis probatoire pour la conduite des véhicules de catégorie B est délivré par un certificateur de droit privé agréé par l’autorité administrative compétente, sur les bases d’un décret en Conseil d’État. Pour l’application du présent titre, le permis probatoire est assimilé à un permis de conduire. Le permis probatoire peut être délivré à toute personne de dix-huit ans ou plus, après avoir effectué ou non un apprentissage anticipé de la conduite. »

II. – À l’article L. 221-2, après les mots : « permis de conduire », sont insérés par trois fois les mots : « ou du permis probatoire ».

Article 2

Après l’article L. 221-1-1 du même code, il est inséré un article L. 221-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-1-2. – Les modalités d’agrément des certificateurs de droit privé ainsi que les modalités de l’examen du permis probatoire sont définies par des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 3

Le chapitre 3 du titre 2 du livre 2 du code de la route est ainsi modifié :

I. – L’article L. 223-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 223-1. – Le permis probatoire délivré par un certificateur privé agréé par l’État n’est affecté d’aucun point pendant une période de deux ans. Durant cette période, si le titulaire comment une infraction donnant lieu à un retrait de point, le permis probatoire lui est retiré et il doit se soumettre dans un délai de deux mois à un examen de contrôle mené par un inspecteur du permis de conduire. Les modalités de l’examen de contrôle sont définies par décret du ministre en charge de la sécurité routière.

« À l’issu de ce contrôle, l’inspecteur du permis de conduire peut, soit confirmer le retrait du permis probatoire, soit le restituer et décider de la poursuite de la période probatoire. »

II. – Après l’article L. 223-1, sont insérés deux articles L. 223-1-1 et L. 223-1-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 223-1-1. – Chaque année les inspecteurs du permis de conduire peuvent effectuer des examens de contrôle des titulaires du permis probatoires. À l’issu de ce contrôle, l’inspecteur du permis de conduire, peut soit retirer le permis probatoire, soit décider de la poursuite de la période probatoire.

« Art. L. 223-1-2. – À l’issue de la période de deux ans de conduite avec le permis probatoire, et d’un nombre de minimum de kilomètres parcourus fixé par décret en conseil d’État, le permis de conduire est affecté de la moitié du nombre maximal de point. Puis, au terme de chaque année, le nombre de points est majoré du quart du nombre maximal de points si aucune infraction ayant donné lieu à un retrait de point n’a été commise. Le nombre de points est réduit de plein droit si le titulaire du permis de conduire a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue.

« Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité. Dans ce cas, le titulaire doit repasser le permis auprès d’un Inspecteur du permis de conduire. »

III. – Au premier alinéa de l’article L. 223-5, après les mots : « totalité des points », sont insérés les mots : « ou si le titulaire du permis probatoire a commis une infraction entraînant un retrait de point, ».


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