N° 1610 - Proposition de loi de M. Bruno Le Roux relative au statut, à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage



N° 1610

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2013.

PROPOSITION DE LOI

relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bruno LE ROUX, Dominique RAIMBOURG, Jean-Louis TOURAINE, Marie-Line REYNAUD, Pierre-Alain MUET, Élisabeth POCHON, Jean-Patrick GILLE, Pouria AMIRSHAHI, François ANDRÉ, Christian ASSAF, Avi ASSOULY, Pierre AYLAGAS, Jean-Paul BACQUET, Nicolas BAYS, Catherine BEAUBATIE, Yves BLEIN, Jean-Luc BLEUNVEN, Daniel BOISSERIE, Christophe BORGEL, Marie-Odile BOUILLÉ, Christophe BOUILLON, Kheira BOUZIANE, Jean-Claude BUISINE, Sylviane BULTEAU, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Martine CARRILLON-COUVREUR, Guy CHAMBEFORT, Marie-Anne CHAPDELAINE, Marie-Françoise CLERGEAU, Philip CORDERY, Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, Seybah DAGOMA, Yves DANIEL, Françoise DESCAMPS-CROSNIER, Sophie DESSUS, Fanny DOMBRE COSTE, Jean-Pierre DUFAU, Laurence DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Sophie ERRANTE, Marie-Hélène FABRE, Olivier FAURE, Richard FERRAND, Jean-Pierre FOUGERAT, Hugues FOURAGE, Geneviève GOSSELIN-FLEURY, Marc GOUA, Jean GRELLIER, Danièle HOFFMAN-RISPAL, Joëlle HUILLIER, Sandrine HUREL, Françoise IMBERT, Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Marietta KARAMANLI, Chaynesse KHIROUNI, Bernadette LACLAIS, Conchita LACUEY, Colette LANGLADE, Pierre-Yves LE BORGN, Annick LE LOCH, Jean-Pierre LE ROCH, Axelle LEMAIRE, Patrick LEMASLE, Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, Lucette LOUSTEAU, Jean-Philippe MALLÉ, Thierry MANDON, Marie-Lou MARCEL, Jean-René MARSAC, Martine MARTINEL, Sandrine MAZETIER, Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Philippe NAUCHE, Nathalie NIESON, Philippe NOGUÈS, Christian PAUL, Hervé PELLOIS, Christine PIRES BEAUNE, Patrice PRAT, Catherine QUÉRÉ, Monique RABIN, Marie RÉCALDE, Eduardo RIHAN CYPEL, Frédéric ROIG, Bernard ROMAN, Béatrice SANTAIS, Christophe SIRUGUE, Suzanne TALLARD, Gérard TERRIER, Thomas THÉVENOUD, Cécile UNTERMAIER, Jean-Jacques URVOAS, Jacques VALAX, Olivier VERAN, Fabrice VERDIER, Michel VERGNIER et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________

(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Ibrahim Aboubacar, Patricia Adam, Sylviane Alaux, Jean-Pierre Allossery, Pouria Amirshahi, François André, Nathalie Appéré, Christian Assaf, Avi Assouly, Pierre Aylagas, Alexis Bachelay, Guillaume Bachelay, Jean-Paul Bacquet, Géard Bapt, Frédéric Barbier, Ericka Bareigts, Claude Bartolone, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Laurent Baumel, Philippe Baumel, Nicolas Bays, Catherine Beaubatie, Jean-Marie Beffara, Luc Belot, Karine Berger, Gisèle Biémouret, Philippe Bies, Erwann Binet, Jean-Pierre Blazy, Yves Blein, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Pascale Boistard, Christophe Borgel, Florent Boudié, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Brigitte Bourguignon, Malek Boutih, Kheira Bouziane, Emeric Bréhier, Jean-Louis Bricout, Jean-Jacques Bridey, François Brottes, Isabelle Bruneau, Gwenegan Bui, Sabine Buis, Jean-Claude Buisine, Sylviane Bulteau, Vincent Burroni, Alain Calmette, Jean-Christophe Cambadélis, Colette Capdevielle, Yann Capet, Christophe Caresche, Fanélie Carrey-Conte, Martine Carrillon-Couvreur, Christophe Castaner, Laurent Cathala, Jean-Yves Caullet, Nathalie Chabanne, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Marie-Anne Chapdelaine, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Jean-David Ciot, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Philip Cordery, Valérie Corre, Jean-Jacques Cottel, Catherine Coutelle, Jacques Cresta, Pascale Crozon, Seybah Dagoma, Yves Daniel, Carlos Da Silva, Pascal Deguilhem, Florence Delaunay, Guy Delcourt, Carole Delga, Sébastien Denaja, Françoise Descamps-Crosnier, Sophie Dessus, Jean-Louis Destans, Michel Destot, Fanny Dombre Coste, René Dosière, Philippe Doucet, Sandrine Doucet, Françoise Dubois, Jean-Pierre Dufau, Anne-Lise Dufour-Tonini, Françoise Dumas, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Sophie Errante, Marie-Hélène Fabre, Alain Fauré, Martine Faure, Olivier Faure, Matthias Fekl, Vincent Feltesse, Hervé Féron, Richard Ferrand, Jean-Pierre Fougerat, Hugues Fourage, Michèle Fournier-Armand, Christian Franqueville, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Yann Galut, Hélène Geoffroy, Jean-Marc Germain, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Geneviève Gosselin, Pascale Got, Marc Goua, Linda Gourjade, Laurent Grandguillaume, Estelle Grelier, Jean Grellier, Jérôme Guedj, Élisabeth Guigou, Thérèse Guilbert, Chantal Guittet, David Habib, Razzy Hammadi, Mathieu Hanotin, Danièle Hoffman-Rispal, Joëlle Huillier, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Laurent Kalinowski, Marietta Karamanli, Philippe Kemel, Chaynesse Khirouni, Bernadette Laclais, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, Colette Langlade, Jean Launay, Pierre Léautey, Pierre-Yves Le Borgn’, Jean-Yves Le Bouillonnec, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Anne-Yvonne Le Dain, Jean-Yves Le Déaut, Viviane Le Dissez, Michel Lefait, Dominique Lefebvre, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Axelle Lemaire, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Christophe Léonard, Annick Lepetit, Jean-Pierre Le Roch, Bruno Le Roux, Arnaud Leroy, Michel Lesage, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, Audrey Linkenheld, François Loncle, Lucette Lousteau, Jean-Pierre Maggi, Jean-Philippe Mallé, Thierry Mandon, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Martine Martinel, Frédérique Massat, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Patrick Mennucci, Kléber Mesquida, Franck Montaugé, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Ségolène Neuville, Nathalie Nieson, Philippe Noguès, Maud Olivier, Monique Orphé, Michel Pajon, Luce Pane, Christian Paul, Rémi Pauvros, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Sylvie Pichot, Sébastien Pietrasanta, Martine Pinville, Christine Pires Beaune, Philippe Plisson, Élisabeth Pochon, Pascal Popelin, Dominique Potier, Émilienne Poumirol, Michel Pouzol, Patrice Prat, Joaquim Pueyo, François Pupponi, Catherine Quéré, Valérie Rabault, Monique Rabin, Dominique Raimbourg, Marie Récalde, Marie-Line Reynaud, Eduardo Rihan Cypel, Denys Robiliard, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Frédéric Roig, Barbara Romagnan, Bernard Roman, Dolores Roqué, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, Béatrice Santais, Odile Saugues, Gilbert Sauvan, Gilles Savary, Gérard Sebaoun, Christophe Sirugue, Julie Sommaruga, Suzanne Tallard, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Thomas Thévenoud, Sylvie Tolmont, Jean-Louis Touraine, Stéphane Travert, Catherine Troallic, Cécile Untermaier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Hélène Vainqueur-Christophe, Jacques Valax, Clotilde Valter, Michel Vauzelle, Olivier Véran, Fabrice Verdier, Michel Vergnier, Patrick Vignal, Jean-Michel Villaumé, Jean Jacques Vlody, Paola Zanetti.

(2)  Dominique Baert, Serge Bardy, Marie-Françoise Bechtel, Chantal Berthelot, Jean-Luc Bleunven, Guy-Michel Chauveau, Yves Goasdoué, Édith Gueugneau, Christian Hutin, Jean-Luc Laurent, Annie Le Houerou, Serge Letchimy, Gabrielle Louis-Carabin, Hervé Pellois, Napole Polutélé, Boinali Said.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 1969, les titres de circulations sont venus remplacer les carnets anthropométriques qui étaient imposés aux vagabonds et aux nomades depuis 1912. Aujourd’hui, il est temps de reconnaître que les voyageurs sont des citoyens, des citoyens égaux avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Outre un ensemble de préjugés condamnables, c’est la loi elle-même qui institue un régime dérogatoire et organise le contrôle de ces populations.

Bien que largement censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 octobre 2012, la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence est toujours en vigueur et maintient un régime discriminatoire pour les gens du voyage.

La discrimination est symbolisée par les titres de circulation mais porte aussi sur l’exercice des droits civiques.

En effet, la loi de 1969 prévoyait que toutes les personnes âgées de plus de 16 ans ayant une résidence mobile doivent être en possession soit d’un livret de circulation, soit d’un carnet de circulation si elles n’ont pas de ressources régulières.

Le Conseil constitutionnel a abrogé le carnet de circulation particulièrement contraignant. Celui-ci devait être visé par la police ou la gendarmerie de manière trimestrielle et la circulation sans carnet était punie d’une peine de prison allant de 3 mois à 1 an.

En revanche demeure toujours le livret de circulation qui doit être visé chaque année et dont l’absence est passible d’une contravention de 5e classe (1 500 euros). Le contrôle et la sanction stigmatisent les gens du voyage en en faisant une population a priori « suspecte ».

Le traitement discriminatoire touche également les droits civiques.

En effet, la délivrance d’un titre de circulation est conditionnée au rattachement à une commune. La commune de rattachement est choisie par la personne mais le rattachement ne peut être prononcé par le préfet ou le sous-préfet qu’après avis motivé du maire. De plus, le nombre de personnes détentrices d’un titre de circulation, sans domicile ni résidence fixe, rattachées à une commune ne doit pas dépasser 3 % de la population municipale. Le choix de la commune de rattachement est effectué pour une durée minimale de deux ans et toute demande de changement doit être justifiée.

Les gens du voyage votent dans leur commune de rattachement mais seulement après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune. Le Conseil constitutionnel a supprimé cette disposition, ramenant de ce fait le délai dérogatoire de 3 ans, au droit commun qui prévoit 6 mois.

En effet, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le délai requis de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour être inscrit sur les listes électorales car « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et d’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité. » Cependant, il n’a pas invalidé le dispositif de commune de rattachement avec le seuil de 3 % maximum, il est maintenu.

Malgré la décision du Conseil constitutionnel, la législation actuelle entretient encore une stigmatisation et une mise à l’écart de ces personnes. Il est temps d’en finir avec ces discriminations juridiques qui ne peuvent qu’être le terreau de préjugés. À la marginalisation de ces personnes, le législateur doit répondre l’intégration dans la société comme tout citoyen par l’application du droit commun. C’est pourquoi il est proposé d’abroger les articles restants de la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.

L’abrogation de la loi de 1969 est un pas important vers la reconnaissance des gens du voyage comme des Français à part entière mais elle ne règlera pas tout.

La situation actuelle qui voit s’opposer les gens du voyage à la recherche d’un terrain où s’installer et la population locale qui craint des installations sauvages, ne doit pas perdurer. Cette proposition de loi offre l’occasion de pacifier les relations entre les nomades et les sédentaires. Elle vise à un équilibre permettant de vivre ensemble, en contraignant, d’une part, la réalisation des aires d’accueil, et d’autre part, le respect de la loi par les gens du voyage qui s’en affranchiraient.

Le bilan, treize ans après la loi du 5 juillet 2000 relative à l’habitat des gens du voyage dite « loi Besson II », est celui d’une carence, trop peu d’aires d’accueil ont été construites.

La loi prévoit l’obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants de disposer d’une aire d’accueil mais la Cour des comptes dans un rapport consacré à l’accueil et l’accompagnement des gens du voyage publié en octobre 2012 relève que le taux de réalisation des places en aires d’accueil prévues par les schémas départementaux n’était que de 52 % fin 2010.

Comme le remarque le préfet Hubert Derache dans son rapport définissant une stratégie interministérielle renouvelée concernant la situation des gens du voyage remis au Premier ministre en juillet 2013, « Le laisser faire faire au voisin, outre son caractère inqualifiable conduit nécessairement à une impasse. Au contraire, chacun doit participer à l’œuvre commune, en l’occurrence l’accueil et l’inclusion des gens du voyage dont le mode de vie fondé sur la tradition culturelle de l’itinérance est reconnu et garanti par la loi. Dans un monde idéal dans lequel on peut se prendre parfois à rêver, lorsque tous les élus se seront suffisamment engagés ensemble quelque soit leur sensibilité »

Lorsque le respect d’une loi de la République n’est pas assuré, le législateur doit réagir. À cette fin, la proposition de loi vise à lutter contre le phénomène du « laisser faire faire » au voisin en renforçant l’intégration des structures intercommunales en matière d’aires d’accueil des gens du voyage. Elle vise surtout à renforcer le pouvoir de substitution des préfets.

L’article 3 de la loi du 5 juillet 2000 accorde à l’État un pouvoir de substitution dans la réalisation et la gestion des aires si la commune ou l’EPCI ne les a pas réalisés dans les délais prescrits après mise en demeure dans un délai de trois mois. Le pouvoir de substitution n’a jamais été mis en œuvre car l’État ne dispose pas des fonds nécessaires.

Il est donc proposé de renforcer le pouvoir de substitution des préfets en lui permettant d’avoir recours à une procédure de consignation des fonds communaux ou intercommunaux dans les mains d’un comptable public en cas de refus caractérisé et après échec de toutes tentatives de conciliation. Cette éventualité ne devra être déclenchée qu’en dernier recours et après une longue procédure. Cette épée de Damoclès qui pèsera sur les élus locaux présente l’avantage, selon le préfet Hubert Derache, de permettre aux élus locaux confrontés à une forte opposition locale de se retrancher pour agir derrière une force supérieure pleinement légitime intervenant au nom de l’intérêt général.

Dans la logique d’équilibre et de recherche du vivre ensemble qui guident les auteurs de la proposition de loi, les communes ayant remplis leurs obligations en matière d’aires d’accueil doivent, en contrepartie, être dotées de moyens légaux pour mettre fin à l’occupation illégale de terrain.

L’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 donne la possibilité au maire dont la commune a rempli ses obligations en matière d’aires d’accueil, d’interdire, par arrêté, le stationnement de caravanes en dehors des aires prévues à cet effet. Si cette interdiction n’est pas respectée, le maire ou le propriétaire du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. Mais la mise en demeure (et ensuite l’évacuation forcée) ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

La proposition de loi prévoit d’ouvrir aux élus locaux qui ont construit une aire d’accueil, la possibilité d’obtenir plus facilement du préfet l’évacuation des occupants d’un campement illicite de gens du voyage lorsqu’il existe dans un rayon de 50 kilomètres, une aire d’accueil spécialement aménagé et offrant des capacités d’accueil suffisantes.

Il est attendu de ce dispositif qu’il rassure les élus locaux et donc les incite à remplir leurs obligations en matière d’aires d’accueil.

La proposition de loi aborde également la question des grands passages qui sont nombreux en été qui sont un moment de tensions particulièrement vives entre voyageurs et résidents en raison notamment de l’insuffisance des aires de grands passages (29 %). Cette situation est souvent exacerbée par des propos injurieux et des visées politiciennes à peine dissimulées. Les rédacteurs de la proposition de loi cherchent au contraire des solutions pragmatiques pour conduire à l’apaisement. Ils proposent d’intégrer pleinement les aires de grands passages aux schémas départementaux et de donner la compétence de ces aires à l’intercommunalité qui aura la responsabilité de déterminer la commune en charge de l’aire de grands passages.

***

L’article premier abroge la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.

L’article 2 renforce les pouvoirs de substitution du préfet en matière de construction d’aires d’accueil. Il prévoit également que le schéma départemental détermine les communes où les aires de grands passages doivent être réalisées et qu’une annexe au schéma départemental recense les terrains aménagés pour les caravanes comme habitation permanente. Ce dispositif n’a nullement pour objet d’augmenter le nombre d’aires de grands passages par rapport au droit existant.

L’article 3 ouvre aux élus locaux, qui ont respecté leurs obligations en matière d’aire d’accueil, la possibilité d’obtenir plus facilement du préfet l’évacuation des occupants d’un campement illicite de gens du voyage lorsqu’il existe dans un rayon de 50 kilomètres, une aire d’accueil spécialement aménagée et offrant des capacités d’accueil suffisantes.

Les articles 4, 5, 6 et 7 visent à renforcer l’intégration des structures intercommunales en transférant à la communauté de commune les compétences en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage (les aires d’accueil permanentes et les aires de grands passages). Le transfert de la compétence ne remet évidemment pas en cause le seuil de 5 000 habitants au dessus duquel une commune a l’obligation de disposer d’une aire d’accueil.

Les articles 8 et 9 tirent les conséquences de l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. Les personnes ne disposant pas de terrain privatif pourront se domicilier auprès d’un centre communal d’action sociale (CCAS). Elles voteront alors dans la commune du CCAS de domiciliation.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogée.

Article 2

La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifiée :

1° Le troisième alinéa du II de l’article 1er est ainsi rédigé :

« Le schéma départemental détermine les communes où les aires de grand passage doivent être réalisées, ainsi que la capacité de chaque aire. Les aires de grand passage correspondent aux emplacements destinés à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels, avant et après ces rassemblements. Le schéma départemental définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements sur ces aires. »

2° La première phrase du quatrième alinéa du II de l’article 1er est ainsi rédigée :

« Une annexe au schéma départemental recense les terrains aménagés dans les conditions prévues par l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme. »

3° L’article 3 est ainsi rédigé :

« I. – Si, à l’expiration des délais prévus à l’article 2, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale n’a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, le représentant de l’État dans le département met en demeure la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale de prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire dans un délai déterminé.

« Au terme de cette procédure, si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, le représentant de l’État peut l’obliger à consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites, laquelle est restituée au fur et à mesure de l’exécution de ces mesures.

« Il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances de l’état étrangères à l’impôt et au domaine. L’opposition à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par le représentant de l’état devant le juge administratif n’a pas de caractère suspensif.

« II. – Si au terme d’un délai de six mois à la suite de la consignation de la somme prévue au I, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas pris les mesures nécessaires pour remplir les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, le représentant de l’État met à nouveau en demeure la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale de prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire dans un délai déterminé.

« Au terme de cette procédure, si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l’État peut acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d’aménagement et gérer les aires d’accueil au nom et pour le compte de la commune ou de l’établissement public défaillant.

« Le représentant de l’État peut faire procéder d’office, en lieu et place de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale mis en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures nécessaires. Les sommes consignées en application du I peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées.

« À cette fin, le représentant de l’État peut se substituer à l’ensemble des organes de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale pour faire procéder d’office à l’exécution des mesures nécessaires. Il peut notamment procéder à la passation d’un marché public, selon les règles de procédures applicables à l’État, au nom et pour le compte de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale.

« III. – Les dépenses d’acquisition, d’aménagement et de fonctionnement des aires d’accueil constituent des dépenses obligatoires, au sens de l’article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, pour les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale qui, selon le schéma départemental, doivent en assumer les charges. Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale deviennent de plein droit propriétaires des aires ainsi aménagées, à dater de l’achèvement de ces aménagements. »

4° L’article 9 est ainsi modifié :

I. – Le 2° du III est abrogé.

II. – Au 3° du III, la référence : « L. 443-3 du même code » est remplacée par la référence : « L. 444-1 du code de l’urbanisme ».

Article 3

Le deuxième alinéa du II de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par les mots : « ou dès lors qu’il existe, dans un rayon de 50 kilomètres, une aire d’accueil spécialement aménagée et offrant des capacités d’accueil suffisantes ».

Article 4

À l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, après le 2° du I, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 3° Aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage. »

Article 5

À l’article L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales, après le 2°, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 2° bis Aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage ».

Article 6

À l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, après le 4° du I., est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° En matière d’accueil des gens du voyage : aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil ; ».

Article 7

Les communautés d’agglomération et les communautés de communes existant à la date d’entrée en vigueur de la présente loi disposent d’un délai expirant le 30 juin 2015 pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions régissant leurs compétences, suivant la procédure définie à l’article L. 5211-20 et à l’article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales.

Si les établissements publics de coopération intercommunale ne se sont pas mis en conformité avec ces dispositions dans ce délai, ils exercent l’intégralité des compétences prévues, pour les communautés de communes, par les articles L. 5214-16 et L. 5214-23-1 et, pour les communautés d’agglomération, par l’article L. 5216-5. Le ou les représentants de l’État procèdent alors à la modification de leurs statuts avant le 31 décembre 2015.

Article 8

I. – L’article 102 du code civil est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé :

« L’élection de domicile des personnes sans domicile stable mentionnée à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles produit les mêmes effets attachés au domicile que ceux prévus au premier alinéa du présent article. »

II. – Avant le premier alinéa de l’article L. 264-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’élection de domicile des personnes sans domicile stable mentionnées à l’article L. 264-1 produit les mêmes effets attachés au domicile que ceux prévus au premier alinéa de l’article 102 du code civil. »

III. – Au premier alinéa de l’article L. 131-3 du code de l’éducation, les mots : « des articles L. 552-4 et L. 552-5 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 552-4 » ;

IV. – Au deuxième alinéa de l’article L. 123-29 du code de commerce, les mots : « n’ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois, au sens de l’article 2 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, » sont remplacés par les mots : « sans domicile stable, au sens de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, » ;

V. – Au premier alinéa de l’article L. 15-1 du code électoral, les mots : « Les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé une commune de rattachement » sont remplacés par les mots : « Les personnes sans domicile stable mentionnées à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles » et les mots : « code de l’action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : « du même code » ;

VI. – Au premier alinéa de l’article 613 nonies du code général des impôts, les mots : « non soumises au régime des activités ambulantes, prévu par l’article 2 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, » sont supprimés ;

VII. – Au 2 du II de l’article 1647 D du code général des impôts, les mots : « de rattachement » sont remplacés par les mots : « d’élection de domicile, au sens de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, ».

VIII. – Au premier alinéa de l’article 371 du code général des impôts, annexe 2, les mots : « Les personnes sans domicile ni résidence fixe, mentionnées à l’article 23 du décret n° 70-708 du 31 juillet 1970 relatif à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, » sont remplacés par les mots : « Les personnes sans domicile stable, mentionnées à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, » et les mots : « à laquelle elles se trouvent rattachées » sont remplacés par les mots : « d’élection de domicile, au sens de l’article L. 264-2 du même code. » ;

IX. – Le premier alinéa de l’article 111 novodecies du code général des impôts, annexe 3, est ainsi rédigé :

« Les personnes sans domicile stable, mentionnées à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, sont tenues d’accomplir leurs obligations fiscales auprès du service des impôts dont relève la commune d’élection de domicile, au sens de l’article L. 264-2 du même code. »

Article 9

I. – Sont abrogés :

1° L’article 79 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ;

2° Le cinquième alinéa de l’article L. 131-3 du code de l’éducation ;

3° L’article L. 552-5 du code de la sécurité sociale ;

4° L’article 613 decies du code général des impôts.

II. – Les personnes rattachées à une commune en application de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe sont domiciliées auprès du centre communal d’action sociale de cette commune ou du centre intercommunal d’action sociale dont dépend cette commune à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

III. – Pour l’enregistrement au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et la délivrance de carte permettant l’exercice d’une activité ambulante, les livrets spéciaux de circulation et les livrets de circulation qui ont été délivrés en application de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe sont acceptés comme pièces justificatives, à la demande du détenteur, jusqu’au 1er janvier 2017.

IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de la présente loi.


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