N° 1638 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Paul Giacobbi tendant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires



N° 1638

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2013.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

tendant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Paul GIACOBBI, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Thierry BRAILLARD, Jeanine DUBIÉ, Joël GIRAUD, Thierry ROBERT, Jean-Noël CARPENTIER, Olivier FALORNI, Jacques KRABAL, Stéphane SAINT-ANDRÉ, Ary CHALUS, Jacques MOIGNARD, Gérard CHARASSE, Annick GIRARDIN, Dominique ORLIAC et Alain TOURRET,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Charte européenne des langues régionales et minoritaires a été adoptée par le Conseil de l’Europe le 5 novembre 1992.

Vingt ans plus tard, d’arguties juridiques mal étayées en discours grandiloquents et déplacés sur de soi-disant principes républicains, notre pays tergiverse toujours sur l’opportunité d’adopter ou non de telles dispositions qui ne semblent guère pourtant poser problème dans la plupart des pays européens et moins encore dans les grandes nations démocratiques du monde.

La République s’honorerait pourtant à reconnaître ses langues régionales qui ne menacent personne ni la République, ni la langue française mais qui sont en revanche quant à elles menacées d’une disparition rapide qui constituerait pour notre pays tout à la fois la perte d’un patrimoine précieux, de plusieurs identités consubstantielles de l’identité nationale, d’une grande richesse de diversités tandis que notre attitude, faite de peurs irraisonnées et d’une regrettable étroitesse d’esprit, est à l’évidence contraire à notre histoire voire notre génie national.

Il y a bien, ici ou là, des personnes pour prétendre que le corse ou le breton ne sont pas des langues mais ces gens ont une caractéristique commune : ils n’ont jamais étudié la linguistique, n’ont aucune idée de ce qu’est une langue, n’en parlent qu’une et fort médiocrement.

Ceux-là aussi imaginent, parce qu’ils ne sont guère sensibles à la littérature en général et à la littérature française en particulier, qu’il faut posséder une langue à titre exclusif ou maternel pour être capable de l’écrire ou la parler convenablement.

Bien des auteurs français parmi les plus illustres n’avaient pas notre langue nationale comme langue maternelle et c’est ainsi qu’un Montaigne, élevé exclusivement en latin, a pu écrire : « J’avais plus de six ans que je ne comprenais pas encore plus de français ou de périgourdin que d’arabe ». Il a donc fallu à l’auteur des Essais, apprendre à compter de l’âge de raison, tout à la fois le français et une langue régionale – le périgourdin – ce qui ne l’a pas empêché d’écrire parmi les plus belles pages de la littérature française et de savoir assez d’italien pour rédiger dans la langue de Dante une partie de son journal de voyage en Italie.

Sur le plan juridique, le regretté Guy Carcassonne avait procédé dès 1998 a une analyse nuancée, rigoureuse et définitive qui concluait à la possibilité de ratifier la Charte en conformité à la Constitution à la condition de ne pas en adopter toutes les dispositions mais seulement celles qui ne créaient aucune difficulté juridique, représentant plus de la moitié des engagements de la Charte.

Il appartiendra à ceux qui le jugeront nécessaire de comparer cette analyse reposant sur la science juridique et les avis moins motivés et plus lapidaires du Conseil constitutionnel ou du Conseil d’État.

La position du Conseil constitutionnel fait évidemment autorité au plan des procédures et nous oblige à réviser la Constitution pour rendre possible la ratification.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Après l’article 53-2 de la Constitution, il est inséré un nouvel article 53-3 ainsi rédigé :

« Art. 53-3. – La République peut ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992, complétée par sa déclaration interprétative. »


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