N° 1945 - Proposition de loi de M. Olivier Dassault visant à rapatrier des capitaux sur le territoire national



N° 1945

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 mai 2014.

PROPOSITION DE LOI

visant à rapatrier des capitaux sur le territoire national,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Olivier DASSAULT, Olivier AUDIBERT-TROIN, Sylvain BERRIOS, Marcel BONNOT, Jean-Michel COUVE, Bernard DEFLESSELLES, David DOUILLET, Georges FENECH, Marie-Louise FORT, Philippe GOSSELIN, Arlette GROSSKOST, Patrick HETZEL, Lionnel LUCA, Jean-François MANCEL, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jean-Claude MATHIS, Yannick MOREAU, Alain MOYNE-BRESSAND, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, François SCELLIER, Fernand SIRÉ, Jean-Luc REITZER, Arnaud ROBINET, Patrice VERCHÈRE et Michel VOISIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Le nombre d’entrepreneurs qui partent à l’étranger n’a jamais
été aussi élevé depuis la révocation de l’Édit de Nantes
 »
1.

Aujourd’hui, la France fait fuir les talents plus qu’elle ne les attire.

Aucune statistique officielle ne permet actuellement de connaître le nombre d’entrepreneurs qui partent s’installer à l’étranger. Seules les études empiriques des cabinets d’avocats fiscalistes, évoluent ce phénomène : entre 800 et 1 000 personnes par an quittaient notre territoire pour des raisons fiscales, ces dernières années. En 2012, on estime à 5 le coefficient multiplicateur, soit environ 5 000 entrepreneurs partis hors du sol national… le plus inquiétant, c’est que ces Français ne sont pas tous soumis à l’ISF. Il s’agit souvent de jeunes entrepreneurs d’un peu plus de 40 ans qui souhaitent continuer leur aventure entrepreneuriale sous d’autres cieux beaucoup plus cléments.

Les seuls avoirs de Français accumulés en Suisse représenteraient plus de 60 milliards d’euros. 1 million d’emplois directs ont été perdus par notre pays en 20 ans à cause de l’exil fiscal. Ces emplois auraient pourtant été indispensables pour résorber le problème du chômage et rétablir l’équilibre de nos comptes sociaux2.

Dans une circulaire du 21 juin 2013, Bernard Cazeneuve a proposé d’atténuer les sanctions à l’égard des détenteurs de comptes non déclarés à l’étranger qui les régulariseront spontanément et a mis en place un service à cet effet. Elle fixe des pénalités applicables à un taux plus favorable que celui prévu par la loi en vigueur. Cependant, la grande différence avec l’ancienne cellule de 2009, c’est qu’il n’est plus permis d’obtenir un accord préalable sur les conditions de la régularisation sollicitée.

Lors de son audition du 19 février 2014, par la commission des Finances de l’Assemblée nationale, le ministre du budget estime qu’en moyenne, « cent cinquante contribuables supplémentaires font le choix du retour à la légalité et du rapatriement de leurs avoirs » chaque semaine. Cette circulaire, comme les mécanismes mis en place précédemment par Bercy, touchent principalement les fraudeurs « passifs », ceux qui ont reçu un compte à l’étranger par héritage ou donation. Les fraudeurs repentis sont plus pénalisés. Parallèlement, la loi du 6 décembre dernier sur la fraude fiscale prévoit des sanctions extrêmement dures à l’encontre des Français qui ne régulariseraient pas leur situation. Et néanmoins, les comptes régularisés à ce jour semblent ne représenter encore qu’une petite partie des comptes existants à l’étranger. Alors que malgré des coûts élevés de régularisation, beaucoup de Français seraient prêts à rapatrier leurs capitaux si la procédure proposée était simple, rapide et non confiscatoire.

À l’heure où le gouvernement français cherche de nouvelles recettes fiscales, il est urgent d’imaginer des mesures fortes afin de rapatrier ces capitaux indispensables à la relance de notre économie et de les orienter vers nos entreprises pour créer des emplois.

Plutôt que de punir, stigmatiser les exilés et récupérer 1 à 2 milliards d’euros, cette proposition vise à faire revenir en France près de 10 milliards d’euros, dont la moitié seraient investis dans les très petites à moyennes entreprises, au service de l’emploi. Cet abattement incitatif aura comme autre condition la conservation de ces titres pendant au moins huit ans. Une cellule spécialisée analysera l’origine des fonds rapatriés et détectera les éventuels blanchiments d’argent qui doivent, bien évidemment, être exclus de ce dispositif.

Ce dispositif aura d’autant plus de succès s’il est accompagné de leviers crédibles et encourageant la confiance entrepreneuriale telles qu’une stabilité fiscale, une baisse des charges ou encore une simplification du code du travail.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article 1755 du code général des impôts, est inséré un article 1755 bis ainsi rédigé :

« Art. 1755 bis. – I. – Les impôts, intérêts, pénalités et amendes fiscales, de quelque nature qu’ils soient, appliqués aux contribuables procédant à une déclaration spontanée détaillée auprès de l’administration fiscale de sommes, titres ou valeurs détenus à l’étranger par l’intermédiaire de comptes bancaires individuels ou sociaux ou de contrats d’assurance-vie non déclarés, sont forfaitisés à un montant égal à 10 % du montant moyen des sommes portées sur ces comptes au 31 décembre des années non prescrites en matière d’impôt sur le revenu lorsqu’au moins 50 % du montant de ces sommes, titres ou valeurs sont investis dans des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés de moins de 250 salariés, dans les douze mois suivant la déclaration spontanée. Ce montant de 10 % est porté à 15 % lorsque le compte a fait l’objet sur la période non prescrite de donation ou succession, quelles qu’elles soient.

« II. – Le bénéfice de la mesure prévue au I est subordonné au respect, par la société bénéficiaire de la souscription, des conditions suivantes :

« a) Les titres de la société ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger ;

« b) La société a son siège social dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ;

« c) La société est soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou y serait soumise dans les mêmes conditions si l’activité était exercée en France ;

« d) La société compte au moins deux salariés à la clôture de l’exercice qui suit la souscription ayant ouvert droit à la présente réduction ou un salarié si elle est soumise à l’obligation de s’inscrire à la chambre de métiers et de l’artisanat ;

« e) La société exerce une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, à l’exclusion des activités procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un tarif réglementé de rachat de la production, des activités financières, des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l’article 885 O quater et des activités immobilières. Toutefois, les exclusions relatives à l’exercice d’une activité financière ou immobilière ne sont pas applicables aux entreprises solidaires mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail.

« La société n’exerce pas une activité de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil ;

« f) Les actifs de la société ne sont pas constitués de façon prépondérante de métaux précieux, d’œuvres d’art, d’objets de collection, d’antiquités, de chevaux de course ou de concours ou, sauf si l’objet même de son activité consiste en leur consommation ou en leur vente au détail, de vins ou d’alcools ;

« g) Les souscriptions au capital de la société confèrent aux souscripteurs les seuls droits résultant de la qualité d’actionnaire ou d’associé, à l’exclusion de toute autre contrepartie notamment sous la forme de tarifs préférentiels ou d’accès prioritaire aux biens produits ou aux services rendus par la société ;

« h) La société doit être une petite et moyenne entreprise qui satisfait à la définition des petites et moyennes entreprises qui figure à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie) ;

« i) La société n’accorde aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leurs souscriptions ;

« j) La société vérifie les conditions mentionnées aux 2° et 3° du II de l’article 239 bis AB et aux b et c du VI quinquies de l’article 199 terdecies-0 A. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises solidaires mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail.

« III. – Le bénéfice de la mesure prévue au I est subordonné au respect, par les contribuables, des conditions suivantes :

« a) Que les actions ou parts reçues en contrepartie des souscriptions au capital ou aux augmentations de capital mentionnées au I soient conservées jusqu’au 31 décembre de la huitième année suivant celle de la souscription ;

« b) Que la détention de ces sommes, titres ou valeurs sur des comptes ou des contrats d’assurance-vie non déclarés n’ait pas motivé, antérieurement à la déclaration détaillée mentionnée au I, l’engagement d’une procédure administrative ou judiciaire, ou d’une proposition de rectification ;

« c) Que l’impôt en principal soit acquitté dans les délais impartis. »

Article 2

Les pertes de recettes qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

1  Jean-Philippe Delsol, avocat fiscaliste et administrateur de l’IREF (Institut de Recherches Économiques et Fiscales), colloque de GEEA, juin 2013.

2  Source : Fondation Concorde, « Quelques éléments sur l’exil fiscal et l’expatriation », 2012.


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